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DECS-EnF(2015)03 Obstacles Aux Droits Des Enfants (1)

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Strasbourg, 16 avril 2015 DECS-ENF (2015) 3

Comité d’experts de la Stratégie du Conseil de l’Europe sur les droits de


l’enfant (DECS-ENF)
2e réunion

Obstacles aux droits des enfants aujourd’hui :


Qu’en pensent les enfants ?

Etude documentaire sur les avis et les priorités des enfants en vue d’orienter
la prochaine Stratégie du Conseil de l’Europe sur les droits de l’enfant

(élaborée par Aoife Daly, Sandy Ruxton et Mieke Schuurman)


Table des matières

1. Résumé ............................................................................................................................................ 3
2. Introduction ..................................................................................................................................... 5
3. Méthodologie .................................................................................................................................. 6
4. Violence ........................................................................................................................................ 10
5. Justice adaptée aux enfants ........................................................................................................... 19
6. Participation des enfants ............................................................................................................... 31
7. Enfants accueillis en protection de l’enfance ................................................................................ 38
8. Discrimination............................................................................................................................... 42
9. Education ...................................................................................................................................... 48
10. Pauvreté des enfants et austérité ............................................................................................... 54
11. Conclusions ............................................................................................................................... 62

2
1. Résumé

Cette étude documentaire vise à déterminer les questions les plus importantes concernant les
droits de l’enfant en Europe, et ce en s’appuyant sur la recherche disponible en la matière.
Ainsi, l’avis des enfants sur leurs droits, de même que leurs recommandations pour améliorer
la jouissance de ces droits, viendront alimenter la prochaine stratégie du Conseil de l’Europe
sur les droits de l’enfant pour la période 2016-2019. Nous avons examiné un vaste éventail
d’études sur les opinions des enfants de toute l’Europe afin de mettre en lumière les thèmes
qu’ils jugeaient les plus importants. La méthodologie employée pour identifier les
informations essentielles tient compte de facteurs tels que la géographie, les groupes
défavorisés et les principes de la CNUDE. Les points ici exposés sont ceux mis en exergue
par les enfants. Voici donc les thèmes identifiés comme les plus importants pour les enfants :

Violence. Les enfants déclarent faire face à un niveau élevé de violence au sein et en dehors
du foyer. Ils souhaitent être crus et soutenus lorsqu’ils signalent cette violence. Ils font des
recommandations sur la manière de s’attaquer à ce fléau ; par exemple, en mettant un terme
aux châtiments corporels, en adaptant mieux les services aux besoins des enfants et, enfin, en
exerçant davantage de contrôle sur les actions entreprises pour remédier aux problèmes qu’ils
signalent.

Justice adaptée aux enfants. Les enfants souhaitent recevoir davantage d’informations sur
leurs droits et sur le système judiciaire, et les autorités doivent s’efforcer d’aider les enfants à
faire confiance aux personnes qui opèrent au sein de ce système. Les enfants ne doivent pas
être placés en détention : mieux vaut recourir à d’autres solutions (service d’intérêt général,
par exemple). Les enfants placés en détention avancent de nombreuses recommandations
pour améliorer les conditions de vie, souvent misérables dans les pays moins industrialisés.
Les enfants de prisonniers exigent reconnaissance et assistance.

Participation des enfants. Alors que les enfants estiment avoir leur mot à dire dans les
principales décisions qui affectent leur vie, ils se trouvent confrontés à une série d’obstacles à
cet égard (procédures extrêmement complexes et indifférence des adultes, par exemple).
Aussi convient-il de mettre en place toute une série de dispositifs propres à faciliter la
participation dans différents groupes et contextes, et les enfants doivent toujours recevoir un
retour d’information pour savoir si et comment leur avis est pris en compte.

Enfants accueillis en protection de l’enfance. Etre entendus, voilà qui présente une énorme
importance pour les enfants placés ; or, beaucoup ne se sentent pas écoutés. Les enfants
pensent que, pour leur éviter d’être placés ou pour leur permettre de vivre cette situation au
mieux, de meilleures aides et interventions sont nécessaires. Les enfants placés mettent
résolument l’accent sur la qualité du placement, ainsi que sur la possibilité de conserver des
liens avec leurs familles de naissance.

Discrimination. Les enfants souffrent de discrimination à plusieurs titres et, de ce fait,


peuvent subir une « double discrimination » : de par leur condition d’enfant et en raison de
leur autre statut. La discrimination à l’égard des enfants du fait de leur âge reste peu comprise
ou reconnue : il faut y remédier par une sensibilisation et par voie législative. Les enfants
issus de milieux défavorisés – minorités culturelles et raciales, enfants handicapés, par
exemple – souhaitent que leur expérience et leur culture soient mieux comprises.

3
Education. Les enfants veulent pouvoir davantage participer à l’école et aux décisions
concernant leur éducation. Les enfants issus de milieux défavorisés se montrent tout
particulièrement sensibles à la question de l’éducation ; ils exigent des mesures spéciales
pour faciliter leur participation. Les brimades subies à l’école représentent un énorme
problème pour de nombreux enfants. Il serait possible de mieux y remédier en multipliant les
possibilités d’en parler et par une meilleure écoute de la part des enseignants.

Pauvreté des enfants et austérité. Les enfants s’inquiètent du climat économique actuel et de
ses possibles répercussions sur leur propre situation financière et sur celle de leur famille. Sur
ce point, voici leurs recommandations : une formation mieux adaptée aux besoins du marché
et de meilleures possibilités d’emploi pour les jeunes ; des systèmes de protection sociale
assurant des revenus et une sécurité convenables à ceux qui sont au chômage ; et, enfin, des
services gratuits tels que des centres de jeunesse et de loisirs. Par ailleurs, les enfants veulent
intervenir dans le processus décisionnaire qui préside aux dépenses publiques.

De la variété des expériences et des avis pris en compte se dégagent des thèmes universels.
Premièrement et à une écrasante majorité, les enfants européens veulent être entendus et avoir
une influence sur les questions concernant leurs droits. Malgré quelques très bonnes
initiatives visant à impliquer les enfants, nombre d’entre elles restent symboliques et les
enfants perdent vite leurs illusions. Deuxièmement, les enfants accordent une valeur
considérable à leur famille et à leurs amis, ce qui a des conséquences pour la jouissance de
leurs droits : les prestataires de services doivent réfléchir à la manière de mieux impliquer la
famille lorsque, par exemple, les enfants réclament des informations sur les actions en justice.
Troisièmement, les enfants sont conscients qu’une protection adéquate des droits exige une
allocation suffisante des ressources publiques, en particulier pour aider les groupes plus
marginalisés. Ils sont préoccupés par le climat économique actuel et par la réduction
généralisée des dépenses. Les ressources occupent une place prioritaire dans les
recommandations des enfants pour améliorer la prestation des droits. Ainsi réclament-ils que
les professionnels et autres bénéficient d’une formation permettant de faciliter et de
comprendre ces droits dans de nombreux domaines.

4
2. Introduction

L’article 12 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (CNUDE), le
droit de l’enfant à être entendu, est sans doute la disposition la plus novatrice de cet
instrument. C’est grâce à cette disposition, du moins en partie, que beaucoup d’Etats,
d’organisations et autres acceptent que les normes juridiques et les politiques relatives à
l’enfant soient basées sur ses avis. Dans cette perspective, le Conseil de l’Europe a
commandé une étude documentaire sur les opinions et les priorités des enfants 1 à travers
l’Europe quant à leurs droits, afin qu’elles viennent alimenter la prochaine Stratégie sur les
droits de l’enfant pour la période 2016-2019.

En Europe et comparativement à d’autres pays ailleurs dans le monde, les droits des enfants
sont largement mis en application. Toutefois, bon nombre d’obstacles continuent d’empêcher
une pleine jouissance de ces droits. Ainsi les enfants subissent-ils une discrimination en tant
que groupe, et leurs besoins spécifiques sont souvent négligés au niveau de la famille, de
l’école, de la collectivité locale et des prestataires de services. Les enfants particulièrement
défavorisés – par exemple, les enfants victimes d’abus, handicapés ou issus d’autres groupes
vulnérables – peuvent se trouver en butte à des atteintes graves et inacceptables de leurs
droits. Les enfants eux-mêmes ont beaucoup à dire sur ces questions et sur la manière de les
résoudre.

En conséquence, la présente étude documentaire entend analyser la recherche qui a tenté de


savoir quelles questions importaient le plus aux enfants concernant leurs droits, mais aussi
quels moyens leur semblaient les mieux à même de résoudre ces questions. L’étude tente
d’identifier les rapports existant dans un spectre géographique aussi large que possible en
Europe, en tenant compte de l’avis de beaucoup des groupes d’enfants les plus défavorisés.
Livrer un instantané sur les avis des enfants à partir des recherches à disposition dans ce
domaine, tel est l’objectif de cette étude. Elle ne cherche pas à donner une vue d’ensemble
exhaustive sur les droits des enfants, pas plus qu’elle ne reflète l’opinion des auteurs.
Examiner les rapports qui rendent compte de l’avis des enfants, tel est son objet.

1
Dans le présent document, le terme « enfants » est employé pour désigner les jeunes de moins de 18 ans, bien
qu’il soit admis que tous les moins de 18 ans ne s’identifient pas à ce terme. Le terme « jeunes » est utilisé
lorsque c’est important pour le point traité.

5
3. Méthodologie

3.1 Collecte des données


Quelles sont pour les enfants les questions les plus importantes en matière de droits ? La
réponse est difficile car les enfants constituent un groupe très diversifié. Certes, elle dépend
beaucoup des recherches disponibles, mais nous avons conçu des méthodes permettant de
cibler des thèmes plus spécifiques.

La tâche a débuté par un examen général de la documentation récente contenant les opinions
des enfants sur les problèmes et difficultés qu’ils rencontrent. Nous avons identifié un vaste
éventail de ressources documentaires auprès d’organisations intergouvernementales – Conseil
de l’Europe et Union européenne, organisations gouvernementales/officielles, sources
universitaires, organisations non gouvernementales, etc. Nous avons passé en revue les listes
de sites web du Réseau européen des médiateurs pour enfants 2 et les sites web nationaux de
l’Unicef afin d’identifier des études intéressantes. Les études utilisées sont très variées
(études de cas, groupes de discussion, entretiens, sondages, enquêtes et questionnaires) et
recourent à toutes sortes de méthodologies – y compris à des formes de participation émanant
des enfants –, mais la plupart avaient un caractère consultatif3. L’équipe s’est employée à
identifier des études qui :

1.1 ont été menées sur les droits des enfants en Europe ;
1.2 contiennent les avis des enfants ;
1.3 ont été réalisées récemment, en particulier les quatre dernières années.

Ces critères étaient impératifs pour déterminer s’il nous fallait ou non prendre en compte tel
ou tel rapport de recherche. En revanche, pour identifier les questions les plus importantes
pour les enfants en matière de droits, ont également été considérés les facteurs ci-dessous.

3.1.1 Thèmes cachés et géographie


Nous avons privilégié les études relatives à des enfants particulièrement vulnérables, dont les
problèmes sont généralement les moins apparents, tels que les victimes d’abus sexuels et les
enfants handicapés (ces problèmes sont désignés ci-après sous le terme « thèmes cachés »).
Nous avons également donné la priorité aux études issues de pays d’Europe orientale et non
européens, car les études menées sur les avis des enfants y étant plus rares que dans les pays
européens, elles ont besoin d’être davantage mises en valeur (d’où le terme « géographie »).
Nous avons sollicité, entre autres, des organisations non gouvernementales (ONG) de
protection de l’enfance pour obtenir des informations sur nos domaines prioritaires. Cette
démarche a été facilitée par la European Children’s Rights Unit (unité européenne sur les
droits des enfants) de l’université de Liverpool et par le réseau européen Eurochild. Nous
espérions ainsi atteindre notre objectif, à savoir disposer d’études menées dans les zones
géographiques en question et sur des thèmes cachés. Le but de l’étude documentaire était de
couvrir des informations provenant du plus grand nombre de pays possible. Bien que nous
n’ayons pas trouvé de recherches spécifiques à chaque pays européen, cette lacune est
compensée par le fait que, parmi les études ainsi réunies, plusieurs couvrent les avis d’enfants
de toute l’Europe.

2
Disponible à cette adresse : http://enoc.eu/?page_id=210.
3
L’expression « émanant des enfants » se dit lorsque les enfants ont pris part à la conception et à l’exécution de
la recherche, alors que « consultatif » signifie que leur avis a été demandé.

6
Par ailleurs, nous avons inclus des rapports rédigés en différentes langues européennes, dans
le but d’accéder à une variété linguistique et géographique de documents aussi étendue que
possible, sans pour autant perdre de vue notre préférence géographique pour les pays moins
étudiés. Toutefois, la plupart des études relevées dans notre quête documentaire (y compris
par le biais de notre demande d’information à travers l’Europe) sont en anglais. Peut-être cela
reflète-t-il les langues maternelles des auteurs (anglais et néerlandais) et, par voie de
conséquence, notre stratégie de recherche documentaire, mais ce fait indique aussi sans doute
que beaucoup d’études sont publiées en anglais, même si elles sont réalisées dans des pays
non anglophones. À noter, cependant, que notre étude documentaire contient une forte
proportion de recherches provenant du Royaume-Uni, signe peut-être que ce pays privilégie
résolument les travaux participatifs impliquant des enfants.

3.1.2 Etendue de l’étude et fréquence des thèmes


D’autres facteurs ont été jugés pertinents. Lorsqu’un document contenait des données
particulièrement riches (couvrant les avis d’un grand nombre d’enfants, par exemple), il a fait
l’objet d’une particulière attention4. Lorsque telle ou telle question avait donné lieu à de très
nombreuses recherches (enfants placés, par exemple), nous en avons tenu compte, sans pour
autant perdre de vue que cela pouvait indiquer l’importance d’une question pour les
gouvernements et les ONG mais pas nécessairement pour les enfants eux-mêmes.

3.1.3 CNUDE et participation


Ont également beaucoup compté les principes généraux de la CNUDE, à savoir l’article 2
(non-discrimination), l’article 3 (l’intérêt supérieur de l’enfant), l’article 6 (le droit à la vie, à
la survie et au développement) et, enfin, l’article 12 (le droit d’être entendu)5. Le choix des
thèmes devait englober tous ces principes de manière aussi équitable que possible, sachant
que tous les droits sont indivisibles et interdépendants.

Le principe de participation a inspiré, bien entendu, la réflexion qui sous-tend la


méthodologie. Malgré l’impossibilité de faire participer directement les enfants, l’étude
s’appuie sur les recherches recourant à une méthodologie des plus robustes pour obtenir leurs
avis 6 . En outre, nous avons fait appel à un certain nombre d’universitaires et d’ONG
spécialisés dans la participation des enfants pour nous aider à déterminer si l’étude
documentaire couvrait les questions adéquates en termes de droits des enfants.

3.1.4 Sélection des études disponibles et identification des thèmes


Une fois réunies, les études pertinentes ont été ventilées dans un document Excel (voir en
annexe). Ainsi l’équipe a-t-elle pu identifier les recherches disponibles, les classer par ordre
de priorité après avoir déterminé dans quelle mesure elles correspondaient à nos critères et,
enfin, sélectionner les thèmes à inclure dans notre étude.

Après examen de la documentation à disposition et des facteurs pertinents (tels qu’énoncés


ci-dessus), l’équipe de recherche a pu sélectionner les thèmes qui, aux yeux des enfants,

4
Par exemple, l’étude rédigée par Kilkelly, U., Paroles d’enfants sur la justice : synthèse de la consultation
organisée par le Conseil de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants (Conseil de l’Europe, 2010), a
impliqué plus de 3700 enfants de plus de 25 pays européens.
5
Voir Comité des droits de l’enfant, Observation générale n° 5 : Mesures d’application générales de la
Convention relative aux droits de l’enfant (27 novembre 2003) CRC/GC/2003/5.
6
Par exemple, les enfants ont participé à la conception et à l’exécution de cette étude : Children’s Rights
Alliance for England, Speaking freely – Children and young people in Europe take action on ending violence
against children in custody: Campaign report (Children’s Rights Alliance for England, 2013).

7
semblaient présenter la plus grande importance. Voici les thèmes qui reviennent avec le plus
d’évidence : violence ; justice adaptée aux enfants ; participation des enfants ; enfants placés ;
discrimination ; éducation ; et, enfin, pauvreté des enfants et austérité. Il ne semble pas
possible de classer ces thèmes par ordre de priorité car aucune étude récente n’a interrogé
directement les enfants européens pour savoir quels droits leur étaient les plus importants7.

Les quatre grands principes de la CNUDE apparaissent clairement dans ces thèmes. Si tous
les thèmes identifiés comportent des éléments de chaque principe général (par exemple, les
enfants en situation de pauvreté ont le sentiment que leur droit d’être entendus est négligé),
chacun de ces thèmes correspond à une catégorie – la participation des enfants se classe
parfaitement sous l’article 12 (droit d’être entendu) ; la pauvreté des enfants et l’éducation se
rangent sous l’article 6 (le droit à la vie, à la survie et au développement). Les domaines du
placement, de la violence et de la justice peuvent appartenir à une rubrique de l’article 3
(protection de l’intérêt supérieur de l’enfant), tandis que la discrimination couvre l’article 2.

3.2 Analyse des données


Les données ont été analysées au moyen de la méthode d’encodage afin d’établir de grands
thèmes à partir des études examinées. Une fois identifiés les sept principaux thèmes issus de
la recherche (violence, justice adaptée aux enfants, etc.), une analyse plus approfondie a été
effectuée pour identifier d’autres thèmes et tendances (violence au sein du foyer, par
exemple). Nous avons régulièrement appliqué des vérifications croisées pour veiller à ce que
notre méthode d’établissement des priorités permette d’obtenir une représentation aussi large
que possible des avis des enfants. Dans chaque section ont été recueillis des résultats
récapitulatifs.

Les recommandations fournies à partir des données sont celles des enfants, issues des études
examinées. Dans certains cas, lorsque cela nous a paru nécessaire et opportun, nous avons
inclus les recommandations faites par les auteurs des rapports examinés, du moins dans la
mesure où elles procédaient de la consultation des enfants eux-mêmes. Les auteurs de cette
étude documentaire se sont abstenus de donner leur propre opinion, l’objectif étant d’assurer
que les avis des enfants participent de la prochaine Stratégie du Conseil de l’Europe sur les
droits de l’enfant.

3.3 Défis de la recherche


Présenter dans une brève étude documentaire un vaste panorama des avis des enfants
européens concernant leurs droits, voilà qui est une tâche difficile. Les enfants constituent un
groupe aussi varié et hétérogène que celui des adultes. Les expériences et les avis diffèrent
selon l’âge, le genre, la race, l’appartenance ethnique, la ville, la nationalité, le handicap, le
statut économique et, à vrai dire, selon une foule d’autres facteurs y compris la personnalité.
Autre problème : le manque de disponibilité des études sur l’avis des enfants dans de
nombreux domaines, ainsi que le manque de clarté de certains rapports et de leurs
conclusions quant au positionnement des enfants, notamment lorsque ceux-ci ne sont qu’une

7
À noter que, dans une enquête d’Eurobaromètre réalisée en 2009, il semble que la violence et l’éducation
soient les principales questions qui préoccupent les enfants. Dans cette enquête, les enfants ont reçu une liste
restreinte de questions à sélectionner, lesquelles ne semblent pas s’être appuyées sur la CNUDE. Malgré
l’intérêt incontestable de ces données, ces facteurs limitent sans doute trop le potentiel de l’étude pour permettre
de tirer des conclusions générales quant aux avis des enfants sur leurs droits. Commission européenne,
Eurobaromètre Flash – Les droits de l’enfant (mai 2009).

8
petite partie de l’étude. C’est donc avec ces défis à l’esprit que sont assurément faites et tirées
les généralisations et les conclusions de la présente étude documentaire.

9
4. Violence

L’article 19 de la CNUDE impose aux Etats de protéger les enfants contre toutes les formes
de violence. Pourtant, les enfants se trouvent confrontés à des niveaux élevés de violence
dans toutes les sphères sociales : milieu familial et/ou pairs et institutions avec lesquels ils
sont en contact.
Cette situation à des répercussions sur tous les droits des enfants ; par exemple, en les
empêchant de dire ce qu’ils pensent et de jouir de leur droit de participation8. En particulier,
les études sur les avis des enfants indiquent que les groupes vulnérables – notamment les
enfants demandeurs d’asile9, les enfants vivant dans des zones défavorisées10 et les enfants
autrement vulnérables (par exemple, handicapés ou issus de groupes minoritaires) (voir,
notamment, l’étude réalisée en Roumanie 11 ) – courent un risque accru de violence et de
harcèlement.
Les filles et les femmes disent se trouver fréquemment confrontées à une violence sexiste12.
Les enfants montrent qu’ils sont extrêmement conscients de la violence qui les menace car,
dans plusieurs études, ils la mentionnent parmi les questions prioritaires liées à leurs droits13.

8
Voir, par exemple, Conseil de l’Europe, Child and youth participation in the Republic of Moldova – A Council
of Europe policy review (Conseil de l’Europe, 2013) (participation des enfants et des jeunes en République de
Moldova, en anglais uniquement).
9
Voir, par exemple, Commissaire à l’enfance pour l’Angleterre, What’s going to happen tomorrow –
Unaccompanied children refused asylum (Commissaire à l’enfance pour l’Angleterre, 2014).
10
Unicef, Écoutons ce que les enfants ont à nous dire - Adolescents en France: Le grand malaise –
Consultation nationale des 6-18 ans 2014 (Unicef, 2014).
11
Unicef Roumanie, Helping the ‘invisible’ children- Second evaluation report (Unicef Roumanie, 2013). Le
rapport indique que les enfants roms courent considérablement plus de risque d’être victimes de violence
domestique que les enfants roumains.
12
Integrated Response to Violence against Women in Serbia/Unicef, Preliminary research results (Integrated
Response to Violence against Women in Serbia/Unicef, 2013).
13
44 % des jeunes citoyens de l’UE ont mis ce point en première ou deuxième position prioritaire dans le
rapport de la Commission européenne, Eurobaromètre Flash – Les droits de l’enfant, note 7 supra. Voir aussi
Ofsted, Children on rights and responsibilities: a report of children’s views by the Children’s Rights Director
for England (Ofsted, 2010), où les jeunes citent les abus et les traitements cruels parmi leurs dix premières
questions prioritaires.

10
Résumé – Voici ce que pensent les enfants en général :

Violence au sein du foyer


 Les châtiments corporels ne doivent pas servir de méthode de discipline, et la
parentalité positive doit être enseignée.
 Pour s’attaquer à la violence domestique, les enfants doivent disposer de services
adaptés à leurs besoins individuels ainsi qu’à ceux des adultes de la famille.
 Il faut essayer de renforcer les réseaux d’aide informelle et les relations existantes
(mère et enfant, par exemple) afin de soutenir les enfants victimes de violence
domestique, car les approches formelles risquent de l’effrayer.
 Les enfants fuyant la violence domestique ont besoin d’un hébergement de bonne
qualité et facilement accessible. Les adolescents (souvent exclus) doivent eux aussi être
hébergés.

Violence en milieu carcéral


 Le recours à la contrainte en détention doit être soumis à des règles précises et strictes.
Les enfants ne doivent pas avoir le sentiment de ne pas être crus lorsqu’ils signalent des
incidents.
 Il faut veiller à ce que le personnel soit rigoureusement approuvé et sélectionné en
raison de son réel plaisir à travailler avec des enfants et des jeunes.

Violence sexuelle
 Les services travaillant avec des enfants rescapés de violence et/ou d’exploitation
sexuelle doivent se montrer compréhensifs, neutres, ouverts et cohésifs ; les enfants
doivent pouvoir instaurer une relation de confiance avec un interlocuteur privilégié.
 Des services de conseil, un contact avec des enfants se trouvant dans la même situation,
la sécurité de l’hébergement et une éducation adéquate, voilà qui aidera les enfants en
détresse.
 L’éducation sur le consentement sexuel doit aborder la question du « blâme de la
victime ». La question du consentement sexuel et des gangs exige tout particulièrement
une action urgente.
 Les systèmes de justice pénale doivent faire en sorte d’éviter un nouveau traumatisme
des enfants qui se présentent comme victimes ou témoins de violence sexuelle.
 Parents et enfants ont besoin d’être mieux informés sur la manière de préserver la
sécurité en ligne et, d’autre part, l’éducation sexuelle doit aborder avec les enfants le
problème de la pornographie sur internet.

11
4.1 Violence au sein du foyer

4.1.1 Châtiment corporel


Les enfants disent généralement placer leurs relations familiales avant tous les autres facteurs
et, pour la majorité des enfants, la famille est un lieu très heureux14. Pourtant, les enfants
déclarent se trouver confrontés à des niveaux élevés de violence au sein du foyer, malgré le
fait que les châtiments corporels soient désormais interdits dans beaucoup de pays
européens15$. Dans une étude allemande, par exemple, un enfant sur cinq affirme subir de la
violence au sein de sa famille 16 . Dans bon nombre d’Etats européens, les châtiments
corporels demeurent acceptables tant sur le plan social que légal17. Dans une étude sur les
droits de l’enfant réalisée en Moldova, voici ce qu’affirme un enfant : « Les parents usent de
la violence contre leur enfant sans raison, parce qu’ils ont des ennuis au travail ou à la
maison, et l’enfant est comme le jouet de l’humeur de ses parents. » 18 Selon une étude
irlandaise, le recours au châtiment corporel par les parents fait que l’enfant « se sent
malheureux, perturbé, mal-aimé, désolé, effrayé, en colère et gêné. » 19 Même si certains
enfants jugent le châtiment corporel acceptable dans certaines circonstances, de nombreuses
études menées à travers l’Europe indiquent que c’est assez rarement le cas20. Comme le dit un
jeune Hongrois : « On n’apprend pas par les coups » 21 . Des jeunes de toute l’Europe
soulignent la nécessité d’en finir avec le châtiment corporel, et recommandent un
enseignement de la parentalité positive22. En Moldova, les enfants rappellent la nécessité de
« lancer une campagne pour lutter contre le châtiment corporel des enfants »23.

4.1.2 Violence domestique


Les enfants se trouvent couramment confrontés à la violence domestique, le plus souvent
exercée par le père. Les enfants disent être utilisés comme outil par le parent violent (par
exemple, être battu pour peiner la mère) et éprouver une extrême détresse lorsqu’ils voient ou
entendent un parent se faire agresser 24 . D’après des études menées avec des enfants, il
apparaît clairement que les prestataires de services passent à côté des besoins spécifiques de

14
Voir, par exemple, Ipsos MORI et Nairn, A., Children’s well-being in UK, Sweden and Spain: The role of
inequality and materialism – A qualitative study (Ipsos MORI, 2011).
15
La Suède est le premier pays à avoir interdit explicitement toutes les formes de châtiment corporel à
l’encontre des enfants, en 1979. Voir, par exemple, Bussmann, K. D., The effect of banning corporal
punishment in Europe: A five-nation comparison (Martin-Luther-Universität Halle, 2009).
16
Child and Youth Welfare Association, First children and young people’s report on UN reporting on the
implementation of the UN Convention on the Rights of the Child in Germany (Child and Youth Welfare
Association, 2010).
17
Voir, par exemple, Conseil de l’Europe, Child and youth participation in the Republic of Moldova, note 8
supra, et Department for Children, Schools and Families, A study into children’s views on physical discipline
and punishment (Department for Children, Schools and Families, 2006).
18
Conseil de l’Europe, Child and youth participation in the Republic of Moldova, ibid.
19
Nixon, E., Children’s perspectives on parenting styles (Children’s Research Centre, 2011).
20
Voir, par exemple, Nixon, ibid ; Department for Children, Schools and Families, note 14 supra ; Schuurman,
M. (ed.), Speak up! Giving a voice to European children in vulnerable situations (Eurochild, 2012).
21
Schuurman, ibid.
22
Réseau européen des médiateurs pour les enfants, Séminaire annuel ENYA 25 et 26 juillet 2011, Belfast,
Irlande du Nord (Réseau européen des médiateurs pour les enfants, 2011).
23
Conseil de l’Europe, Child and youth participation in the Republic of Moldova, note 8 supra.
24
National Society for the Prevention of Cruelty to Children, Meeting the needs of children living with domestic
violence in London (National Society for the Prevention of Cruelty to Children, 2011); Office of the Minister for
Children Ireland, Listening to children: Children’s stories of domestic violence (Office of the Minister for
Children Ireland, 2007).

12
l’enfant 25 , s’attachant plutôt aux besoins des adultes impliqués en présumant qu’il en
résultera automatiquement un bénéfice pour l’enfant. Les enfants soulignent combien il leur
est important que la mère reçoive l’aide dont elle a besoin, mais aussi que la famille fasse
l’objet d’une approche globale, l’enfant étant traité comme un individu à part entière : « Le
soutien de toute la famille est une aide réelle... en cas de face à face mère-enfant(s), un
auxiliaire supplémentaire intervient. »26

Les enfants confrontés à des abus domestiques font face à de graves défis. Les enfants
affirment que quitter leur foyer pour fuir le parent violent les plonge dans la détresse, d’autant
qu’ils ont du mal à se faire des amis et à les garder 27 . Beaucoup d’enfants disent aussi
préférer des voies d’assistance informelles, surtout parce qu’ils craignent les répercussions
pour la mère si le problème fait l’objet d’une intervention officielle 28 . Autre problème
fréquent : les adolescents ne sont pas autorisés à séjourner dans les refuges de femmes, ce qui
sépare parent et enfant et accroît le risque de sans-abrisme pour les jeunes concernés29. La
violence domestique est un facteur récurrent dans les tribunaux des affaires familiales. En
Ecosse, une étude montre que 55 % des enfants interrogés dans le cadre d’un conflit familial
avec violence domestique ne souhaitaient pas être en contact avec l’auteur (présumé) : « Les
enfants ont avancé le fait d’être agressés physiquement ou verbalement, la destruction de
biens, leur sentiment de tristesse ou de frayeur ainsi que l’alcoolisme parental, comme
raisons de refuser tout contact. »30

« Voice e Against Violence » est un groupe de jeunes, en Ecosse, qui ont une expérience
directe de la violence domestique. Ils proposent de nombreuses recommandations pour
améliorer les services pratiques, notamment le renforcement des relations avec les
professionnels et autres ; par exemple : « De meilleurs conseils de la part des travailleurs
sociaux… de la confiance. »31 Ils parlent aussi des difficultés rencontrées pour trouver un
hébergement d’urgence : « On a besoin rapidement d’un bon endroit où séjourner ! Pas de
listes d’attente ! Dans les refuges, il faut davantage de place pour ne pas avoir à partager la
salle de bains, etc., pour pouvoir inviter des amis et décorer sa propre chambre. »32

La plupart des enfants qui vivent une violence domestique considèrent leur famille comme
leur plus grand soutien. En Irlande, par exemple, la recherche a montré que, « pour la
majorité des enfants interrogés, le plus grand soutien — pratique et affectif — vient de leur
fratrie, puis de leur mère. » 33 Point fréquemment souligné dans la recherche, l’assistance
nécessaire pour reconstruire la relation mère-enfant lorsqu’elle a été détériorée par la violence
domestique. Les jeunes du groupe Voice Against Violence disent haut et fort qu’ils veulent
que « les mères soient aussi aidées à reconstruire la relation »34. En Roumanie, les enfants
affirment recourir très rarement à l’assistance téléphonique ou autre soutien en dehors de

25
Ibid.
26
Voice Against Violence, Question time- Peer education project report (Voice Against Violence, 2012).
27
National Society for the Prevention of Cruelty to Children, note 24 supra.
28
Ibid.
29
National Society for the Prevention of Cruelty to Children, note 24 supra ; Office of the Minister for Children
Ireland, note 24 supra.
30
McKay, K., The treatment of the views of children in private law child contact disputes where there is a
history of domestic abuse (Scottish Commissioner for Children and Young People, 2013).
31
Voice Against Violence, note 24 supra.
32
Ibid.
33
Office of the Minister for Children Ireland, note 24 supra.
34
Voice Against Violence, note 24 supra.

13
leurs amis et de leur famille lorsqu’ils rencontrent des problèmes, ce qui fait là encore
ressortir l’importance de trouver des moyens d’aider les relations personnelles de l’enfant35.

Les campagnes d’éducation doivent aussi jouer un rôle dans l’éradication de la violence
domestique. En Serbie, des études indiquent que la majorité des jeunes aimerait que les
questions concernant la violence sexiste – notamment la prévention – soient abordées à
l’école36.

4.2 Violence en milieu carcéral


Il est largement prouvé que les mineurs subissent énormément de violence en milieu
carcéral37. Ces dernières années, plusieurs études ont recueilli leur avis sur cette question.
L’organisation « Children’s Rights Alliance for England » a réalisé une étude où les enfants
menaient campagne pour mettre fin à la violence à l’égard des jeunes détenus en Autriche, à
Chypre, en Angleterre, aux Pays-Bas et en Roumanie. Dans cette étude et dans d’autres, les
enfants ont des avis bien tranchés sur la manière de résoudre cette question.

Pour les mineurs en détention, un problème majeur est celui de la violence exercée par le
personnel 38 . En Angleterre, par exemple, ils se disent victimes de violence par voie de
contrainte : « Quelqu’un vous maintient les bras et la tête en bas… ça donne envie de se
débattre. Ça fait mal »39. En particulier, les filles parlent de problèmes de santé mentale dus à
l’usage de la force. Les jeunes ont le sentiment d’un recours excessif à la force, estimant qu’il
faudrait davantage essayer de régler les problèmes par la parole40.

Pour le recrutement du personnel, les jeunes proposent plusieurs recommandations


éclairantes. Ils soulignent la nécessité de recruter un personnel qui aime travailler avec les
jeunes, et qui en a fait la preuve41. Le personnel doit venir du même genre de milieu que celui
des enfants dont il va s’occuper, et il doit se montrer juste et à leur écoute42. Le personnel doit
aussi être bien formé sur des questions telles que psychologie et droits de l’enfant, ainsi que
sur la manière de gérer les conflits sans recourir à la violence. Les jeunes participeront à la
formation afin de communiquer leur point de vue sur, par exemple, quand intervenir ou non
dans une variété de situations susceptibles de se produire en détention. Il faut établir des
règles claires et précises sur l’usage de la force par le personnel, lequel doit être bien formé
dans ce domaine. Les moyens de contrainte ne doivent servir qu’en dernier ressort, lorsque
les alternatives ont échoué. En Angleterre, des enfants ont rédigé un descriptif de poste à
l’intention du personnel des établissements de détention pour jeunes, détaillant les qualités
personnelles requises pour bien travailler avec des mineurs en détention, et mentionnant les
« attitudes positives » et « neutres »43.

35
Unicef Roumanie, State of adolescents in Romania (Unicef Roumanie, 2013).
36
Integrated Response to Violence against Women in Serbia/Unicef, Preliminary research results (Integrated
Response to Violence against Women in Serbia/Unicef, 2013).
37
Children’s Rights Alliance for England, note 6 supra.
38
Children’s Rights Alliance for England, note 6 supra ; Commissaire à l’enfance pour l’Angleterre, Young
people’s views on restraint in the secure estate (Commissaire à l’enfance pour l’Angleterre, 2011).
39
National Society for the Prevention of Cruelty to Children, A consultation with young people on the use of
restraint in custody (National Society for the Prevention of Cruelty to Children, 2008); cité dans Children’s
Rights Alliance for England, You feel like you’re nothing: The UN study on violence against children
(Children’s Rights Alliance for England/ National Society for the Prevention of Cruelty to Children, 2008).
40
Children’s Rights Alliance for England, note 38 supra.
41
National Society for the Prevention of Cruelty to Children, note 38 supra.
42
Children’s Rights Alliance for England, note 6 supra.
43
Ibid.

14
En Angleterre et en Roumanie, de jeunes militants ont tenté d’inciter à l’installation de
caméras et de magnétophones dans les établissements de détention et de police 44 . En
Angleterre, les jeunes soutiennent que ce type d’équipement permettrait d’obtenir des preuves
de ce qui s’est passé dans tel ou tel incident au lieu de deux histoires différentes, en
particulier parce qu’ils sentent que la parole du personnel jouit d’une plus grande crédibilité
que la leur… Bref, cela dissuaderait le personnel de commettre des violences45.

Dans certains Etats, la violence à l’égard des mineurs en détention est particulièrement grave
et fréquente. En Ukraine, les jeunes disent recevoir de sévères corrections de la part de la
police et autre personnel en cas de détention pour interrogatoire : « Ils ont recommencé à me
battre sans même m’interroger »46. Bien que les lieux de détention ukrainiens soient décrits
par les jeunes comme moins violents que les centres de détention provisoire47, ils présentent
tout de même de grands dangers. Dans certains établissements, non seulement il existe des
sous-cultures selon lesquelles des détenus « puissants » peuvent commettre des abus sur des
détenus plus vulnérables, mais il arrive que ces pratiques soient encouragées par le
personnel : « Le prof leur dira de me battre et ils le feront »48.

4.3 Violence et exploitation sexuelles


Tout porte à croire que les filles se trouvent régulièrement confrontées à l’expérience et/ou à
la menace de violence et d’exploitation sexuelles. En Serbie, 74 % des étudiantes disent avoir
subi une forme ou une autre de violence sexiste depuis le début de l’année universitaire
2013/201449. En Angleterre, des écolières déclarent être couramment victime de harcèlement
de la part d’étrangers dans la rue, mais aussi de la part de pairs et de gangs dans leur
voisinage 50 . Généralement, elles ne le signalent pas, surtout du fait qu’elles se sentent
« regardées de haut » par la police51. En Ecosse, par le passé, les filles ont évoqué la menace
de violence sexuelle comme faisant partie de leur quotidien52.

Récemment, l’Angleterre et le Pays de Galles ont multiplié les études sur l’exploitation
sexuelle, du fait de l’apparition de plusieurs cas mettant au jour des problèmes répandus et
systématiques53. En Angleterre, l’Association for Young People’s Health a élaboré un projet
innovant mené par des jeunes : Be Healthy (soyez en bonne santé) 54 . Ce projet porte
l’attention sur un certain nombre de questions cruciales pour les jeunes ayant subi une
exploitation sexuelle. Des jeunes disent clairement que le manque d’estime de soi peut
conduire, entre autres, à la dépression et à des comportements à risque (consommation
d’alcool, usage de drogue et relations malsaines). Ecoutons l’une des filles du projet : « Les
jeunes filles sont vulnérables… Si quelqu’un leur accorde la moindre attention, elles croient

44
Ibid.
45
Ibid.
46
Unicef, Torture and ill-treatment of children in conflict with the law in Ukraine (Unicef, 2013).
47
Ibid.
48
Ibid.
49
Integrated Response to Violence against Women in Serbia/Unicef, note 36 supra.
50
Real voices – child sexual exploitation in Greater Manchester: An independent report by Ann Coffey, MP.
Octobre 2014.
51
Ibid.
52
Burman et al., « A view from the girls » – Exploring violence and violent behaviour: ESRC full research
report (ESRC, 2000).
53
Real voices – child sexual exploitation in Greater Manchester, note 49 supra.
54
Association for Young People’s Health, Be Healthy (université du Bedfordshire/ Association for Young
People’s Health, 2013).

15
savoir dans quoi elles s’engagent. En fait, elles finissent simplement par se faire utiliser et
abuser »55.

Selon les enfants nécessitant des services ad hoc (in need of relevant services56), les services
doivent se montrer compréhensifs et neutres, et leur laisser le choix quant au moyen de
s’exprimer. Les enfants disent clairement ne pas vouloir être poussés vers tel ou tel type
d’assistance : « Si les services empêchent plus ou moins les jeunes de leur dire ‘non’, ceux-ci
risquent tout simplement de chercher un moyen de les éviter – en débranchant le téléphone
ou en donnant n’importe quelle excuse ! »57. Travailler avec la même personne dans la durée
est important pour les enfants, et il est souhaitable que l’aide provienne d’un seul et même
service pour résoudre différentes questions : les enfants désirent une certaine cohérence et ne
pas avoir à courir d’un service à l’autre pour différentes choses58. D’où l’importance évidente
d’instaurer des relations de confiance avec les prestataires de services, ce que les enfants
soulignent fréquemment. Des enfants victimes d’exploitation sexuelle exposent leur
situation : « Je ne vois pratiquement jamais ma travailleuse sociale… Elle ne sait pas
vraiment ce que je deviens » 59 . En République serbe de Bosnie, les études montrent la
nécessité d’une plus grande coopération entre les agences gouvernementales pour fournir aux
enfants des services pertinents60.

Services de conseil, contact avec d’autres enfants se trouvant dans la même situation, sécurité
du logement et éducation adéquate, voilà les types d’aide que réclament les enfants 61. Le
soutien des pairs est aussi un facteur dominant pour parvenir à surmonter les effets de
l’exploitation : « …c’est bon de savoir qu’on n’est pas la seule »62.

4.3.1 Consentement et violence sexuelle dans les gangs


Le point de vue des enfants sur le consentement sexuel est des plus délicats, reflétant les
attitudes de la population en général. En Serbie, les études indiquent que la majorité des
étudiants rejette la responsabilité de la violence sexuelle sur la victime 63. En Angleterre, bien
que les jeunes soient généralement sensibilisés aux cadres législatifs qui entourent le
consentement, en général, filles et garçons mettent le viol au compte des actions de la
victime ; par exemple, porter des vêtements suggestifs ou boire de l’alcool64 : « Cela donne
des idées fausses, la manière dont on s’habille »65. Toujours au Royaume-Uni, les études
soulignent la nécessité d’une éducation qui remette en cause le « blâme de la victime »66.

55
National Working Group for Sexually Exploited Children and Young People, In a new light – Photographs &
words from the Having Our Say Project (Children in Need/université du Bedfordshire).
56
L’Association for Young People’s Health, note 53 supra.
57
Ibid.
58
Ibid.
59
Smeaton, E., Running from hate to what you think is love: The relationship between running away and child
sexual exploitation (Barnardos, 2013).
60
Médiateur pour les enfants de la Republika Srpska, Child sexual exploitation (Médiateur pour les enfants de la
Republika Srpska, 2010).
61
Street Reach, Our stories: Out of the box: Young people’s stories (Street Reach, 2009).
62
National Working Group for Sexually Exploited Children and Young People, note 53 supra.
63
Integrated Response to Violence against Women in Serbia/Unicef, note 36 supra.
64
Coy, M. et al., Sex without consent, I suppose that is rape – How young people in England understand sexual
consent (Commissaire à l’enfance pour l’Angleterre, 2013).
65
Ibid.
66
Ibid.

16
En Angleterre et au Pays de Galles, des études sur la violence sexuelle au sein des gangs
montrent que les attitudes vis-à-vis du consentement sexuel sont particulièrement
problématiques 67 . Les services sont insuffisants pour traiter les problèmes susceptibles de
survenir (par exemple, les personnes perçues par les professionnels comme des auteurs
potentiels)68. Les enfants sont conscients de l’incidence négative des coupes budgétaires dans
ce domaine sur la capacité des victimes à trouver un soutien : « Il y avait des choses comme…
beaucoup de clubs de jeunes, mais il n’y en a plus autant qu’avant. Le financement a été
réduit et la plupart ont fermé, alors je ne sais pas où tous ces jeunes iraient… si ce n’est à la
police »69. Cette étude menée avec des enfants ayant l’expérience des gangs met l’accent sur
une double nécessité : d’une part, éduquer les enfants et autres sur la nature du consentement
et, d’autre part, mener un travail global à long terme (en particulier, travaux de jeunesse
d’intérêt général et systèmes d’encadrement de la jeunesse).

4.3.2 La justice pénale et les victimes de violence sexuelle


Au Royaume-Uni, les enfants envoient un message fort : « La nécessité d’un système
judiciaire adapté aux victimes d’exploitation sexuelle et qui n’engendre pas de nouveau
traumatisme chez celles ou ceux assez courageux pour l’affronter »70. Après s’être présentés
comme victimes d’un abus, les jeunes ont souvent le sentiment d’être devenus encore plus
vulnérables ; de ne pas toujours être convenablement protégés 71 ; que les résultats sont
inadéquats : « Pourquoi les peines sont-elles moins lourdes pour le viol que pour les délits
liés à la drogue ? »72 Les jeunes disent se heurter à un manque de compréhension et de
communication dans le système, et finir par se sentir démunis face à des processus où ils sont
engagés et dont le contrôle leur échappe : « Si vous dites quelque chose à un adulte, alors il
décide plus ou moins de la suite des événements… puis la police s’en mêle même si ce n’est
pas toujours ce que vous souhaitez… » 73 . Les jeunes rencontrent trop de paternalisme
lorsqu’ils font appel au système de justice pénale en tant que victime ou témoin de violence
sexuelle, et ils estiment que les décisions en la matière devraient être prises avec eux plutôt
que pour eux74. Ils apprécient énormément lorsque les professionnels expliquent le pourquoi
et le comment des processus juridiques, malheureusement, cette démarche est peu
fréquente75.

4.3.3 Violence sexuelle et internet


Avec la fréquence de la pornographie qui circule en ligne (notamment, dans les médias
sociaux), internet ne multiplie pas seulement les opportunités pour les enfants, mais aussi les
dangers. Selon des études menées en République serbe de Bosnie, les enfants perçoivent le
plaisir d’internet avant les dangers, et les élèves de l’enseignement secondaire estiment que

67
Beckett, H. et al., It’s wrong…But you get used to it – A qualitative study of gang-associated violence
towards, and exploitation of, young people in England (université du Bedfordshire/Commissaire à l’enfance
pour l’Angleterre, 2013).
68
Ibid.
69
Ibid.
70
Young Peoples’ Advisory Group, What works for us – Young Peoples’ Advisory Group Annual Report 2010-
2011 (université du Bedfordshire, 2011).
71
Ibid.
72
Ibid.
73
Ibid.
74
Ibid.
75
Beckett, H. et Warrington, C., Making justice work – Experiences of criminal justice for children and young
people affected by sexual exploitation as victims and witnesses (université du Bedfordshire, 2015).

17
ce sont les élèves du cycle primaire qui courent davantage de risques 76. En Angleterre, la
recherche montre que la pornographie sur internet joue un rôle important dans la vie des
enfants, modelant souvent leurs comportements sexistes : « …c’est très dégradant pour les
femmes, si bien que cela peut rendre un peu sexiste à leur égard »77. Cela peut biaiser la
perception des enfants vis-à-vis du sexe et imprégner les attitudes envers les femmes et les
filles.

Les enfants ne sont pas avares de suggestions pour assurer la sécurité en ligne. Tout d’abord,
apprendre à surfer sur internet en toute sécurité (« Learning to keep yourself safe online »78)
par le biais de l’éducation pour les adultes comme pour les enfants79. Dans certains pays, tels
la Serbie, les parents étant moins chevronnés qu’ailleurs dans l’utilisation d’internet, les
enfants affirment les considérer moins comme des « partenaires » en la matière80, situation
qui met potentiellement l’enfant en danger. Aussi les Etats doivent-ils veiller à ce que les
parents soient suffisamment éduqués pour pouvoir surveiller comment leurs enfants se
servent d’internet. Les enfants participant au Réseau européen des médiateurs pour les
enfants recommandent que, dans ce domaine, l’éducation fasse partie des programmes
scolaires et qu’elle donne lieu à une coopération entre gouvernement et fournisseurs de sites
web81. En outre, il faut que l’éducation sexuelle aborde des questions concernant les relations
et le consentement sexuel afin d’éradiquer l’usage généralisé de la pornographie sur internet
par les enfants.

76
Médiateur pour les enfants de la Republika Srpska, Child sexual exploitation (Médiateur pour les enfants de la
Republika Srpska, 2013).
77
Coy et al., note Error! Bookmark not defined. supra.
78
National Working Group for Sexually Exploited Children and Young People, note 53 supra.
79
Médiateur pour les enfants de la Republika Srpska, note 76 supra.
80
Popadić, D. et Kuzmanovic, D., Utilisation of digital technologies, risks, and incidence of digital violence
among students in Serbia - Summary (Unicef, 2013).
81
Réseau européen des médiateurs pour enfants, note 14 supra.

18
5. Justice adaptée aux enfants

Les enfants peuvent avoir affaire au système judiciaire à plusieurs occasions : par exemple,
pour répondre à une accusation de délit, dans le cadre du système de prise en charge ou pour
des questions de droit familial. Le secteur de la justice est crucial pour les enfants et, en la
matière, ils tiennent particulièrement à ce que leurs besoins soient pris en compte dans
l’élaboration des politiques82. Les enfants jouissent, au niveau international et national, d’un
certain nombre de droits relevant d’une justice adaptée aux enfants, notamment le droit
d’égalité devant les tribunaux et les cours de justice (article 14 du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques), le droit à un procès équitable (article 6 de la Convention
européenne des droits de l’homme) et le droit d’être entendus dans toute procédure les
intéressant (article 12 de la CNUDE). Ces derniers temps, plusieurs études d’envergure se
sont interrogées sur deux points : comment les enfants vivent-ils l’expérience des systèmes
judiciaires en Europe ? Comment mieux adapter ces systèmes aux enfants ?

Résumé – Voici ce que pensent les enfants en général :

Participation aux systèmes judiciaires


 Les enfants demandent une information plus complète et mieux adaptée pour pouvoir
participer plus efficacement aux systèmes judiciaires. Ils souhaitent la recevoir en priorité
de leurs familles, lesquelles doivent être aidées à informer et à soutenir les enfants.
 Il convient d’examiner la possibilité (et, surtout, l’efficacité) de recevoir des informations
autrement que, par exemple, via les agents officiels et l’assistance téléphonique, car les
enfants ne les trouvent pas intéressantes.
 Les agents officiels doivent examiner comment mieux s’assurer de la confiance des enfants.
 Les procédures doivent se dérouler de manière à permettre aux enfants d’être présents, de
comprendre ce qui se passe et de sentir que leur participation est à la fois possible et
bienvenue.

Enfants en conflit avec la loi


 La police doit communiquer plus efficacement avec les enfants et veiller à ce qu’ils se
comportent avec respect.
 Un représentant légal doit exprimer les souhaits de l’enfant, doit bien communiquer avec lui
et doit lui montrer qu’il comprend parfaitement son affaire.
 Les enfants souhaitent parler à la personne qui prend la décision, et ce en priorité et avant
que la décision soit prise.
 Les enfants souhaitent bénéficier de meilleures activités, d’une meilleure éducation et d’une
meilleure formation durant leur détention – en particulier, cette période doit les préparer à
trouver un emploi lors de leur libération.

82
Commission européenne, Eurobaromètre Flash – Les droits de l’enfant, note 7 supra.

19
 Les conditions de vie en détention doivent être meilleures pour les enfants. La nourriture,
par exemple, compte beaucoup pour leur qualité de vie. Dans les pays européens
économiquement moins favorisés, des améliorations s’imposent de toute urgence ; par
exemple, les enfants ne doivent jamais se trouver en détention avec des adultes.
 Les enfants en détention requièrent davantage d’aide psychologique. Ils apprécient
beaucoup les systèmes de parrainage par des pairs, où un détenu plus âgé ou plus ancien
offre son assistance.
 Les enfants en détention ne croient pas aux systèmes de recours. Par ailleurs, ils
réclament davantage de contact avec leur famille, souhaitant qu’elle soit plus impliquée
dans leur réinsertion.
 Dans leur majorité, les enfants ne pensent pas que le système de justice pénale soit le
meilleur lieu pour traiter de leur comportement délinquant ; ils préfèreraient des activités
d’intérêt général, une médiation et, selon le cas, un auxiliaire de confiance privilégié.

Enfants de prisonniers
 La police doit être formée pour se conduire comme il convient en cas d’arrestation d’un
parent devant ses enfants.
 Les enfants de prisonniers ont besoin de conseillers et de rencontrer d’autres enfants dans
une situation semblable à la leur ; ils demandent à ce que soit traité le problème des
brimades qu’ils subissent à l’école.
 Les enfants demandent davantage d’aide pour pouvoir rendre visite à leurs parents plus
souvent, et les prisons doivent davantage faciliter les visites en autorisant les jeux et
autres activités.

5.1 Participation aux systèmes judiciaires


La vaste consultation organisée par le Conseil de l’Europe sur une justice adaptée aux
enfants visait à faire le point sur les avis et les expériences des enfants concernant les
systèmes judiciaires. Dans cette enquête d’envergure, 3 700 enfants de plus de 25 pays
européens ont répondu à un questionnaire – et des groupes de discussion ont été organisés –,
ce qui a permis de recueillir une masse d’informations sur les avis et les expériences des
enfants dans ce domaine. Les expériences vécues par les enfants dans un vaste éventail de
procédures – pénales, familiales, pour placement institutionnel et pour immigration – ont été
examinées. Ce qui ressort essentiellement de l’étude, c’est que les enfants veulent un soutien
de la part de la famille et des amis ; ils font peu confiance aux détenteurs de l’autorité et ils
veulent participer aux affaires qui les concernent dans les systèmes judiciaires83.

5.1.1 Information et procédures adaptées aux enfants


S’agissant de la participation, un point crucial émerge : les enfants exigent d’être mieux
informés dès lors qu’ils ont affaire à des systèmes juridiques. Les enfants se plaignent
souvent de ne pas recevoir suffisamment d’information sur les questions juridiques pour bien
les comprendre. Parmi les enfants ayant répondu à la consultation organisée par le Conseil
de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants, 77 % ont dit qu’ils auraient souhaité recevoir
plus d’informations sur leurs droits lorsqu’ils ont été confrontés au système judiciaire84. Ces
informations, ils veulent si possible qu’elles viennent de personnes qui leur sont proches
(leurs parents, par exemple). Sinon, les enfants veulent d’abord obtenir des informations

83
Kilkelly, note Error! Bookmark not defined. supra.
84
Ibid.

20
générales en ligne, via des services communautaires locaux tels que cabinets médicaux ;
étonnamment peut-être, la dernière source d’informations souhaitée est l’assistance
téléphonique85. Aussi convient-il d’examiner les raisons qui se cachent derrière ce manque
d’intérêt pour l’assistance téléphonique, car elle peut être le dernier recours lorsqu’un enfant
n’a nulle part ailleurs où s’adresser. Peut-être serait-il nécessaire de mieux faire connaître ce
type de services, ainsi que récemment recommandé dans un rapport sur la participation des
enfants en Moldova86.

En Ecosse, le système d’auditions des enfants est un modèle unique : un groupe de citoyens
ordinaires mais spécialement formés établit les besoins sociaux des enfants dans les affaires
de garde ou de détention, ainsi que dans certaines affaires de droit pénal. Il va de soi que
l’enfant impliqué assiste aux auditions ; en fait, il a le devoir d’être présent. L’on aurait donc
lieu de supposer que les enfants sont bien préparés à ces auditions. Or, selon une étude, seuls
30 % des enfants interrogés ont déclaré s’être entretenus avec leur travailleur social avant
l’audition87. Les enfants se plaignent de recevoir avant l’audition une foule de documents
qu’ils trouvent pénible de remplir : « Il y a des tas de papiers… J’ai horreur de ça. »88 Même
si un document ou un fascicule est spécialement élaboré à l’intention des enfants, cela ne
remplace pas un échange direct avec une personne de confiance. En Ecosse, les enfants sont
souvent laissés sans réelle préparation à l’audition, d’où leur anxiété et leurs craintes
lorsqu’elle a vraiment lieu89.

En très grande majorité, pour parler des questions juridiques les concernant, c’est à leurs
parents et amis que les enfants souhaitent s’adresser. Cependant, en Slovaquie, les enfants ont
l’impression que leurs parents ne souhaitent pas aborder de telles questions avec eux,
persuadés que ce silence est une protection90. D’où la nécessité pour les autorités d’intervenir
davantage auprès des parents et autres proches des enfants afin d’assurer que les familles sont
suffisamment ouvertes aux questions juridiques. Les familles doivent être encouragées à
informer les enfants et à leur donner des explications ; c’est non seulement ce qu’ils
veulent91, mais il est clair que se montrer ouvert plutôt que cachottier est meilleur pour le
bien-être des enfants92.

5.1.2 Défiance à l’égard de l’autorité


La consultation organisée par le Conseil de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants a
abouti à une constatation frappante : alors que la plupart des enfants préviendraient leur

85
Ibid.
86
Conseil de l’Europe, Child and youth participation in the Republic of Moldova, note 8 supra.
87
Voir, par exemple, Zoie Montgomery, Let’s all make a change for children and young people: A young
person’s review of research on children’s views of the children’s hearings system (Scottish Children’s Reporter
Administration, 2012).
88
Children’s Hearings Reform Team, The views of children (Children’s Parliament/ Children’s Hearings
Reform Team, 2010), cité dans Children’s Hearings Scotland, Children and young people’s views and
experiences of children’s hearings – A summary (Children’s Hearings Scotland, 2013).
89
Who Cares? Scotland, Hearing Scotland’s children: The expert views of Scotland’s children and young
people (Scottish Children’s Reporter Administration, 2011), cité dans Children’s Hearings Scotland, ibid.
90
Conseil de l’Europe, Child and youth participation in the Slovak Republic – A Council of Europe policy
review (Conseil de l’Europe, 2012) (participation des enfants et des jeunes en République slovaque, en anglais
seulement).
91
Kilkelly, note Error! Bookmark not defined. supra.
92
Voir, par exemple, Martynowicz A., Children of imprisoned parents [Institut danois pour les droits de
l’homme (IDDR), Bambinisenzasbarre, université d’Ulster et Réseau européen pour les enfants de détenus
(EUROCHIPS), 2011].

21
famille ou amis s’ils étaient maltraités, ils ne le diraient pas à un représentant officiel
(fonctionnaire de police ou travailleur de santé, par exemple). Pour justifier ce refus de parler
à des agents officiels, les enfants invoquent la peur : peur pour leur famille, peur de ne pas
être crus, peur que la confidentialité ne soit pas respectée. Dans son rapport, le Conseil de
l’Europe souligne l’immense défi à relever par ceux qui entendent fournir des services aux
enfants en danger, notamment pour arriver à développer et à maintenir des relations positives
de confiance avec eux93.

5.1.3 Droit d’être entendu et présence en audience


Lors de la consultation organisée par le Conseil de l’Europe, environ la moitié des enfants ont
été interrogés sur ce point juridique, quoique 16 % ne s’en souvenaient pas94. Dans leur vaste
majorité, les enfants jugent important de faire entendre leur point de vue, ainsi que de
s’adresser directement à la personne responsable de la décision 95. Cependant, seuls 36 % des
enfants interrogés ont eu l’impression que leur avis avait été pris au sérieux, ce qui peut
laisser entendre « un manque d’explication… Il se peut que personne ne leur ait expliqué
combien pesaient leurs opinions »96. Comme indiqué plus haut à propos de l’Ecosse, ne pas
préparer ni informer correctement les enfants avant leurs auditions97 peut non seulement nuire
à leur participation, mais les rendre réellement inquiets sur ce qui les attend. Ainsi le
témoignage d’une jeune fille : « À ma première audience, j’ai cru que j’avais affaire à la
police et que si je parlais, on allait m’arrêter »98.

Dans la consultation menée par le Conseil de l’Europe, les enfants ont déclaré être présents à
peu près une fois sur deux lorsque des décisions juridiques importantes étaient prises à leur
sujet ; par exemple, au pénal ou sur les affaires familiales. Les enfants se plaignent de ne pas
comprendre les procédures telles qu’elles se déroulent. Selon des études menées en
Slovaquie, les rares enfants présents aux procédures les concernant avaient été incapables de
comprendre ce qui se passait : « Ils ont simplement énuméré un tas de numéros de
paragraphes et je n’ai rien compris du tout, si bien que je n’ai pas eu la moindre idée de quoi
ils parlaient. »99 Ainsi les jeunes se retrouvent-ils avec l’impression d’être considérés comme
une quantité négligeable dans ces procédures. Dans les auditions écossaises, les enfants disent
aussi se sentir perdus et exclus par le langage complexe utilisé, qu’ils appellent « grands
mots » (big words) ou « mots savants » (posh words) 100 . À l’évidence, il convient de
redoubler d’efforts pour mener les procédures de manière à permettre aux enfants d’être
présents, de comprendre ce qui se passe et de sentir que leur participation est à la fois
possible et bienvenue.

5.2 Enfants en conflit avec la loi


Les enfants en conflit avec la loi comptent par les plus vulnérables dans la société, en
particulier lorsqu’ils finissent en détention, c’est-à-dire incarcérés par la police, en prison ou
en établissement fermé. Parmi les enfants en prison, l’on estime qu’un sur trois est atteint de
problèmes de santé mentale101, état que l’expérience souvent solitaire de l’incarcération peut

93
Kilkelly, note Error! Bookmark not defined. supra.
94
Ibid.
95
Ibid.
96
Ibid.
97
Voir, par exemple, Montgomery, note 87 supra.
98
Who Cares? Scotland, note 89 supra.
99
Conseil de l’Europe, Child and youth participation in the Slovak Republic, note 90 supra.
100
Children’s Hearings Scotland, note 87 supra.
101
Kilkelly, note Error! Bookmark not defined. supra.

22
exacerber ; ainsi ce témoignage : « Je me sens désabusé et séparé du monde dans lequel vous
autres vivez »102.

5.2.1 Rapports avec la police


Dans sa consultation, le Conseil de l’Europe fait ressortir le « rôle particulièrement important
de la police, qui constitue le principal point de contact entre les mineurs et le système de
justice même pour ceux qui n’ont jamais été concernés de plus près par ce système »103. À
noter que les enfants affichent des attitudes négatives à l’égard de la police dans plusieurs
rapports de recherche. En Belgique, les enfants affirment être interrogés par la police sans
raison : « Quand on leur demande pourquoi on est contrôlés alors qu’on n’a rien fait, ils
vous répondent simplement : ‘‘la ferme’ ! »104. Dans la consultation organisée par le Conseil
de l’Europe, les enfants ont donné de nombreux exemples de ce qu’ils considèrent comme un
traitement injuste de la part de la police (être étiqueté pour port d’une capuche, se faire crier
dessus, etc.) 105 . La police est encore plus mal perçue parmi les groupes minoritaires. En
Ecosse, par exemple, dans le groupe des jeunes LGBT (lesbiennes, gay, bisexuels et
transgenres), à peine plus de la moitié (54 %) se sent en sécurité avec la police106. Dans sa
consultation, le Conseil de l’Europe parle d’une méfiance de la police bien ancrée chez de
nombreux jeunes, attitude résultant de leurs expériences dans leur entourage ou face à la
justice107. D’où la nécessité, selon l’auteur, que la police communique plus efficacement avec
les jeunes et qu’elle leur manifeste plus de respect108.

5.2.2 Rapports avec les avocats


Parmi les jeunes interrogés dans le cadre de la consultation organisée par le Conseil de
l’Europe, certains déplorent l’inefficacité de leur avocat lorsqu’ils étaient en conflit avec la
loi. Ils se plaignent du manque de contacts constructifs avec leur avocat au cours de leur
placement en détention. Certains estiment que l’avocat ne les a pas préparés à la détention
(par exemple, en leur prédisant une peine avec sursis qui, finalement, n’a pas été prononcée).
D’autres regrettent que leur avocat ait été remplacé en cours de procédure, ou ont
l’impression que qu’il n’était pas suffisamment informé sur leur dossier109. En Belgique, des
jeunes déclarent que l’avocat devrait mieux les représenter, notamment en écoutant davantage
ses jeunes clients et en étant spécialement formé pour travailler avec eux : « Souvent, l’avocat
de l’aide juridique ne connaît pas votre dossier et ne vous défend pas du tout. Il se contente
généralement d’approuver les décisions du juge »110.

En Ecosse, le rôle du représentant légal lors des auditions d’enfants peut se révéler fort
ambigu 111 , question pouvant se poser fréquemment dans la législation nationale pour les
affaires de droit non pénal. Ainsi est-il souvent malaisé de savoir si l’avocat représente les

102
National Children’s Bureau, Children and young people in the youth justice system – Report of seminars
organised by the All Party Parliamentary Group for Children 2009/10 (National Children’s Bureau, 2010).
103
Kilkelly, note Error! Bookmark not defined. supra .
104
Unicef Belgique, Voila ce que nous en pensons ! Second rapport des enfants et des jeunes de Belgique
devant le Comité des droits de l’enfant (Unicef Belgique, 2010).
105
Kilkelly, note Error! Bookmark not defined. supra.
106
Gouvernement écossais, Children and young people’s experiences of, and views on, issues relating to the
implementation of the United Nations Convention on the Rights of the Child (Gouvernement écossais, 2013).
107
Kilkelly, note Error! Bookmark not defined. supra.
108
Ibid.
109
Ibid.
110
Unicef Belgique, Voila ce que nous en pensons !, note Error! Bookmark not defined. supra.
111
Rachel Ormston et Louise Marryat, Review of the children’s legal representation grant scheme: Research
report (Gouvernement écossais, 2009).

23
souhaits ou le meilleur intérêt du jeune ou les deux. En revanche, les enfants interrogés en
Ecosse sont catégoriques : le rôle du représentant légal est de représenter leurs souhaits, non
ce que le représentant pense être de l’intérêt supérieur de l’enfant112.

Dans certains pays, la justice semble particulièrement manquer de procédure équitable et les
enfants en pâtissent. En Ukraine, les jeunes signalent de réels problèmes quant à leur
représentation légale, la décrivant généralement comme indifférente (« Je ne sais pas s’il a lu
mon dossier avant le procès »), voire comme paraissant être du côté du procureur113.

5.2.3 Procédure pénale


Parmi les souhaits exprimés par les enfants dans la procédure de droit pénal, un thème
particulièrement fort se dégage : pouvoir parler directement au juge. Les enfants veulent
pouvoir parler au juge en priorité, avant que quelqu’un d’autre ne l’ait fait ; sinon, ils ont
l’impression que des propos négatifs et préjudiciables ont déjà été tenus sur eux lorsqu’ils
arrivent enfin à s’exprimer. Ils souhaitent tout particulièrement dire au juge lors de la
sentence qu’ils sont conscients d’avoir eu tort et qu’ils voudraient bénéficier d’une seconde
chance114. De jeunes Belges confient avoir eu envie de raconter au juge leur histoire à leur
manière : « Dix minutes après que le jugement a été prononcé, on est déjà dehors et en route
pour le centre de jeunes délinquants. Quand j’ai commencé à expliquer ma situation, j’ai eu
le sentiment qu’ils ne me croyaient pas à voir leurs regards méfiants. J’ai senti qu’ils
doutaient de ma parole, alors maintenant, je ne veux plus rien dire… De toute façon, ils
n’écoutent pas »115.

Le traitement au cours du procès est une question majeure pour les jeunes, qui se disent gênés
d’apparaître menottés devant leur famille et, en particulier, d’être assis loin d’elle dans la
salle d’audience : « […] alors qu’ils avaient justement envie d’être près de leur famille pour
se sentir soutenus »116.

En Ukraine, une question urgente se pose en matière de droits du fait qu’un procès au pénal
se termine rarement par un acquittement, car le juge devrait alors lancer une procédure pénale
à l’encontre de l’enquêteur et du procureur. Un jeune dit avoir été interpellé durant son procès
par le juge avec cette question : « À ton avis, qu’est-ce que je vais choisir ? »117. Les juges
sont décrits par les jeunes Ukrainiens comme « indifférents au dossier »118.

5.2.4 Les jeunes et la détention


La détention est censée être une mesure de dernier recours pour les jeunes. Ils la décrivent
comme « horrible »119 et, de fait, être enlevé à sa famille est certainement une expérience
beaucoup plus perturbante pour un jeune que pour un adulte. Comme indiqué au chapitre
précédent sur la violence, les jeunes en détention sont, par exemple, très souvent soumis à la
violence du personnel et autres. Ils évoquent aussi un certain nombre d’autres questions liées
à leurs droits.

112
Ibid.
113
Unicef, Torture and ill-treatment of children in conflict with the law in Ukraine), note 46 supra.
114
Kilkelly, note Error! Bookmark not defined. supra.
115
Unicef Belgique, Voila ce que nous en pensons !, note Error! Bookmark not defined. supra.
116
Kilkelly, note Error! Bookmark not defined. supra.
117
Unicef, Torture and ill-treatment of children in conflict with the law in Ukraine, note 46 supra.
118
Ibid.
119
Kilkelly, note Error! Bookmark not defined. supra.

24
5.2.4.1 Activités et éducation
Les jeunes considèrent les activités comme un outil crucial pour réduire la violence en
détention. En Roumanie, par exemple, les jeunes affirment que la violence entre détenus se
produit surtout pendant le week-end, lorsque le manque d’activités engendre l’ennui120. En
Autriche, ils décrivent le sport comme une activité qui permet de construire des relations et,
aussi, d’apaiser tout un chacun121. Des passe-temps tels que la musique et l’art sont souvent
cités par les jeunes comme essentiels pour améliorer le bien-être, créer de la solidarité entre
les détenus et fournir un exutoire aux émotions122. Malheureusement, ces types d’activité sont
rarement proposés aux jeunes en détention. En Angleterre, en 2012-13, seuls 45 % des jeunes
interrogés ont dit pouvoir sortir tous les jours dehors pour faire de l’exercice et, dans une
institution, ils n’étaient que 5 %123.

Education et formation adéquates, voilà encore une question jugée cruciale en matière de
droits par les jeunes en détention, mais ces prestations sont souvent citées comme
inadéquates124. C’est une question importante pour les jeunes de Bosnie-Herzégovine ; par
exemple : « On perd notre temps ici, on ne va pas à l’école. Quand on sortira, on ne pourra
pas trouver de travail. »125 En Angleterre, parmi les jeunes interrogés dans le cadre d’une
étude effectuée en 2012-13, un sur dix a affirmé ne pas suivre d’études ni de formation, ce
nombre étant encore supérieur pour les Noirs et pour les jeunes appartenant à des minorités
ethniques126. En Roumanie, les jeunes réclament une éducation de meilleure qualité, d’une
part pour retrouver confiance en eux et, d’autre part, pour avoir de meilleures chances de
réussite en fin de détention127. Les jeunes Roumains demandent également à pouvoir suivre
études et formation dans les centres de détention provisoire, afin de ne pas perdre le temps
qui pourrait être passé à l’école128.

5.2.4.2 Conditions de vie


Les jeunes décrivent les conditions de vie en milieu carcéral comme déterminantes pour leurs
droits, mais aussi propres à réduire la violence entre détenus. Ainsi des cellules plus grandes
permettraient-elles aux jeunes de se sentir moins « limités » et, par là même, moins agressifs.
Les détenus au comportement agressif devraient être identifiés et tenus à l’écart des autres –
il conviendrait aussi de consulter les jeunes sur ces questions afin de détecter la violence
cachée, dont ils se plaignent fréquemment129.

La nourriture revêt aussi de l’importance pour les jeunes en détention. En Bosnie-


Herzégovine, les enfants lui reprochent d’être médiocre et répétitive : « Tout se ressemble : le
même riz, les mêmes haricots, le même ragoût de légumes… »130. En Autriche, les jeunes

120
Ana Balan, Juvenile justice in Romania - From best practices to institutions and procedures 1-2, Romanian
Journal of Sociology 51 (2011).
121
Children’s Rights Alliance for England, note 6 supra.
122
Par exemple, Children’s Rights Alliance for England, ibid.
123
Youth Justice Board, Children and young people in custody survey (Youth Justice Board, 2012-13).
124
Voir, par exemple, Include Youth (2009), Young people’s response to the Independent Monitoring Board
Annual Report Hydebank Wood YOC and Prison 2007/08 (Include Youth, 2009).
125
The Institution of Human Rights Ombudsman of Bosnia and Herzegovina, The juveniles and children in
conflict with law (The Institution of Human Rights Ombudsman of Bosnia and Herzegovina, 2012).
126
Youth Justice Board, Children and young people in custody survey (Youth Justice Board, 2012-13).
127
Par exemple, Children’s Rights Alliance for England, supra note 6.
128
Balan, note Error! Bookmark not defined. supra.
129
Children’s Rights Alliance for England, note 6 supra.
130
The Institution of Human Rights Ombudsman of Bosnia and Herzegovina, note 125 supra.

25
pensent qu’en milieu fermé, une meilleure nourriture conduirait à moins d’agressions entre
détenus131.

Les conditions de vie des jeunes en détention varient, bien sûr, d’un Etat européen à l’autre.
En Bosnie-Herzégovine, les jeunes doivent laver leur propre linge à la main dans leur
cellule132. Il semble que les lieux de détention provisoire offrent les pires conditions de vie
dans de nombreux Etats ; en Ukraine, par exemple, d’après une étude menée par l’Unicef :
« Un des jeunes raconte que, dans l’un des centres de détention provisoire, le sol était en
simple béton et le matelas fourni constituait tout le mobilier. Les jeunes devaient dormir à
tour de rôle sur les lits et par terre, car il n’y avait que trois espaces de repos pour quatre ou
cinq détenus. »133 Dans certains pays, les jeunes ne sont pas séparés des adultes, ni dans les
lieux de détention ni en prison 134 , en violation du droit international 135 . En Bosnie-
Herzégovine, les jeunes décrivent comment « dans la cour de la prison, on est tous ensemble
avec eux en permanence… »136. À Chypre, une enfant confie « “…combien elle s’est sentie
en danger et mal à l’aise pendant qu’elle était enfermée avec des adultes. »137

5.2.4.3 Services
Les jeunes en détention disent avoir grand besoin de services pour soutenir leur santé mentale
et leur comportement ; ils font un certain nombre de recommandations pour traiter cette
question. Les services psychologiques sont cités en priorité dans bon nombre d’Etats (en
Bosnie-Herzégovine, par exemple)138. Les jeunes autrichiens ajoutent la nécessité d’exercices
de renforcement de la confiance et d’une formation antiviolence139. En Roumanie, les jeunes
pensent qu’une médiation des conflits internes serait plus efficace si elle était assurée par des
personnes extérieures à la prison, plutôt que par le personnel pénitentiaire 140 . Les jeunes
insistent constamment sur l’intérêt des pairs aînés (détenus plus âgés et/ou plus anciens) pour
fournir soutien et conseils. Les systèmes de « copains »141, un détenu plus âgé pouvant en
parrainer un plus jeune, sont suggérés pour aider les jeunes à faire face en prison. Les jeunes
recommandent aussi d’autres types de dispositifs de parrainage, permettant à des personnes
extérieures à la prison d’établir une relation avec les détenus142.

5.2.4.4 Visites et plaintes


Davantage de visites et de contact avec les familles, voilà quelque chose dont les jeunes
disent avoir grand besoin pendant leur détention143. En Bosnie, les jeunes en détention se
plaignent du coût élevé des communications téléphoniques avec leurs familles 144 . En

131
Children’s Rights Alliance for England, note 6 supra.
132
The Institution of Human Rights Ombudsman of Bosnia and Herzegovina, note 125 supra.
133
Unicef, Torture and ill-treatment of children in conflict with the law in Ukraine, note 46 supra.
134
Voir, par exemple, l’expérience menée à Chypre par l’organisation Children’s Rights Alliance for England,
note 6 supra. Voir aussi The Institution of Human Rights Ombudsman of Bosnia and Herzegovina,
note 125 supra.
135
Par exemple, l’article 10 du PIDCP.
136
The Institution of Human Rights Ombudsman of Bosnia and Herzegovina, note 125 supra.
137
Par exemple, Chypre : Children’s Rights Alliance for England, note 6 supra.
138
The Institution of Human Rights Ombudsman of Bosnia and Herzegovina, note 125 supra.
139
Children’s Rights Alliance for England, note 6 supra.
140
Balan, note Error! Bookmark not defined. supra.
141
Children’s Rights Alliance for England, note 6 supra.
142
Voir, par exemple, les recommandations de jeunes chypriotes dans Children’s Rights Alliance for England,
note 6 supra.
143
Children’s Rights Alliance for England, note 6 supra.
144
The Institution of Human Rights Ombudsman of Bosnia and Herzegovina, note 125 supra.

26
Ukraine, la restriction des contacts avec les familles est monnaie courante : « Une fois, ma
mère m’a appelé […] je n’ai même pas pu lui parler. »145 En Ukraine, les jeunes évoquent
des procédures compliquées pour obtenir l’autorisation de visites familiales, lesquelles
peuvent même se voir refusées en guise de sanction pour conduite répréhensible 146 . Aux
Pays-Bas, les jeunes mettent particulièrement l’accent sur la possibilité d’impliquer les
familles dans le traitement et le soutien durant leur détention147.

Les jeunes considèrent que des mécanismes de plaintes adéquats offriraient une garantie
importante contre la violence en prison, bien qu’ils aient l’impression de ne pas être pris au
sérieux lorsqu’ils font une réclamation : « elle sera bien sûr rejetée »148. Dans un rapport sur
les Pays-Bas, les jeunes rendent compte d’exemples où ils n’ont jamais reçu la moindre
réponse à leurs plaintes149. Les jeunes suggèrent de participer à la mise en place de politiques
de plainte ; ils veulent voir des changements pratiques ; par exemple, que soient fixés des
délais de réponse à leurs plaintes150.

5.2.4.5 Prévention de la criminalité et alternatives au système de justice pénale


Les études montrent que la criminalisation précoce des jeunes n’est pas la solution pour
remédier aux comportements délictueux ; les comportements à problèmes doivent être traités
par le système de protection sociale, non par le système de justice pénale 151. Les enfants
approuvent ce point. En Bosnie-Herzégovine, les jeunes pensent qu’après leur libération, ils
seront devenus encore pires qu’avant152. D’après la consultation organisée par le Conseil de
l’Europe, seuls 30 % des jeunes confrontés au système de justice le jugent comme le meilleur
lieu pour traiter leurs problèmes. De l’avis de la majorité des jeunes, il semble que le système
judiciaire se débatte au milieu d’une foule de problèmes qui empêchent les adultes de
communiquer correctement ou de comprendre ce que ressentent les jeunes : « Ils travaillent
trop lentement pendant que les jeunes souffrent. »153

Les jeunes sont convaincus qu’il faut absolument privilégier les alternatives à la détention. En
Ukraine, il faut recourir plus souvent à la mise en liberté sous caution et à l’assignation à
domicile, ainsi que donner la priorité à des interventions thérapeutiques plutôt qu’à des
mesures de détention154. Ecoutons l’avis d’un jeune Belge : « Si je devais choisir moi-même
ma peine, j’opterais pour un service d’intérêt général, ou pour participer à un projet ou
quelque chose comme ça. Ce serait une manière de traiter les problèmes qui sont à
traiter »155. Comme solutions alternatives, les jeunes consultés par le Conseil de l’Europe
proposent la médiation et l’arbitrage ainsi que de « donner une chance aux jeunes » 156 .
D’autres études indiquent qu’ils veulent avoir la possibilité de résoudre leurs propres
problèmes, et se voir accorder davantage de responsabilité sur la manière de procéder157.

145
Children’s Rights Alliance for England, note 6 supra.
146
Unicef, Torture and ill-treatment of children in conflict with the law in Ukraine, note 46 supra.
147
Children’s Rights Alliance for England, note 6 supra.
148
National Society for the Prevention of Cruelty to Children, note 38 supra.
149
Children’s Rights Alliance for England, note 6 supra. Voir aussi Include Youth, note 124 supra.
150
Children’s Rights Alliance for England, note 6 supra.
151
Voir, par exemple, National Children’s Bureau, note 101 supra.
152
The Institution of Human Rights Ombudsman of Bosnia and Herzegovina, note 125 supra.
153
Kilkelly, note Error! Bookmark not defined. supra.
154
Voir, par exemple, Unicef, Torture and ill-treatment of children in conflict with the law in Ukraine,
note 46 supra.
155
Unicef Belgique, Voila ce que nous en pensons !, note Error! Bookmark not defined. supra.
156
Kilkelly, note Error! Bookmark not defined. supra.
157
National Children’s Bureau, note 101 supra.

27
Par ailleurs, les jeunes estiment que beaucoup peut être fait pour, en premier lieu, prévenir la
criminalité. En Angleterre, il leur semble que l’organisation de meilleures activités de loisir
dans leurs localités contribuerait à les empêcher de plonger dans la criminalité158. Ce point est
particulièrement préoccupant à l’heure où les ressources consacrées aux activités locales pour
les jeunes ne cessent de diminuer159.

Les témoignages sur la défiance des jeunes à l’égard de l’autorité montrent la nécessité et
l’ampleur du travail à effectuer dans ce domaine. Si un jeune en conflit avec la loi se trouve
sans soutien de sa famille ou des pairs, il a besoin d’un interlocuteur privilégié (travailleur
social, par exemple) pour développer des relations de confiance qui l’aideront à repartir dans
la bonne voie. Au Royaume-Uni, une jeune femme auparavant en foyer et en conflit avec la
loi, mais qui a aujourd’hui fondé sa propre famille, déclare : « Avant de rencontrer Pete
[travailleur de jeunesse], je ne faisais rien et j’avais été mise à la porte du foyer. Il m’a aidée
à entrer au collège technique et à entamer ma formation de chef de cuisine. Il m’a aidée à
acheter mes livres et ma tenue de cuisine. Aujourd’hui, je peux m’occuper de ma famille,
occuper un bon emploi et me débrouiller sans problème »160.

5.3 Enfants de parents détenus


Une question est apparue sur le devant de la scène depuis quelques années : l’avis et le vécu
des enfants européens qui ont un parent détenu, groupe que l’on estime à 800 000 enfants161.
Ainsi COPING (Children of Prisoners, Interventions and Mitigations to Strengthen Mental
Health), vaste projet visant à combler le manque d’informations dans ce domaine, a recueilli
l’avis de 891 enfants dans quatre pays : Royaume-Uni (Angleterre et Pays de Galles),
Allemagne, Roumanie et Suède 162 . Comme indiqué dans la consultation organisée par le
Conseil de l’Europe, il s’agit d’un aspect des systèmes judiciaires où les décisions affectant
lourdement l’enfant sont prises sans obligation de tenir compte de ses besoins : « Les enfants
sont pour ainsi dire absents des décisions d’envoyer leurs parents en prison… », sans
compter que, souvent, aucun service n’est prévu pour soutenir ces jeunes confrontés à un
événement qui bouleverse leur vie163. D’après le projet de recherche COPING, les enfants
ayant un parent ou un aidant en prison, en particulier ceux âgés d’au moins 11 ans, sont
beaucoup plus sujets aux problèmes de santé mentale que l’ensemble de la population. Ils
affirment aussi vivre une baisse de bien-être et de qualité de vie par rapport à d’autres et, au
vu des conclusions du projet COPING, l’on constate que les jeunes Roumains sont les plus
mal lotis parmi les quatre pays examinés, les enfants suédois étant les plus chanceux164.

Le moment de l’arrestation des parents est souvent une expérience douloureuse pour les
enfants qui en sont témoins, d’autant que, souvent, la police fait peu ou pas du tout cas de
leur présence. Comme le décrit un enfant au Danemark : « Maman faisait frire des boulettes
de viande quand ils sont arrivés… elle a eu trois minutes pour ranger et ils lui ont passé les

158
Davey, C., What do they know? Investigating the human rights concerns of children and young people living
in England (Children’s Rights Alliance for England, 2008).
159
Voir, par exemple, Beckett et al., note 67 supra.
160
National Children’s Bureau, note 101 supra.
161
Jones, A. et al., Children of Prisoners : Interventions and mitigations to strengthen mental health (université
de Huddersfield, 2013).
162
Ibid.
163
Kilkelly, note Error! Bookmark not defined. supra.
164
Jones, A. et al., note Error! Bookmark not defined. supra.

28
menottes »165. L’enfant est resté là sans la moindre idée de ce qui allait ensuite advenir de lui.
De même le Royaume-Uni, selon le projet de recherche COPING, se conduit-t-il
particulièrement mal s’agissant du traitement des parents devant les enfants. Aussi est-il
recommandé que la police reçoive une formation pour se renseigner si la personne à arrêter a
des enfants, pour s’abstenir d’user de violence devant des enfants et pour accorder aux
parents le temps qu’il convient pour dire au revoir à leurs enfants166.

Bien que la détresse éprouvée par les enfants ayant un parent incarcéré puisse être grave, ils
ont souvent le sentiment de devoir cacher ce fait, considéré comme honteux ; par exemple,
des enfants disent n’avoir eu personne à qui parler quand un parent est allé en prison167. Dans
l’étude COPING, des enfants roumains disent ressentir une immense honte lorsqu’ils ont un
parent en prison. En effet, étant donné le manque ou l’absence de services proposés en
Roumanie par rapport à d’autres pays, ils doivent davantage compter sur eux-mêmes pour
survivre168. Voilà donc un autre point important pour les enfants : recevoir des informations
adéquates sur la situation169 car, souvent, dans le souci de les protéger, l’emprisonnement ou
autres renseignements leur sont cachés, ce qui les rend beaucoup plus inquiets qu’en étant
vraiment informés170.

Beaucoup d’enfants souhaitent parler à un conseiller lorsqu’ils ont un parent en prison171.


Ainsi la remarque de cet enfant au Royaume-Uni : « J’aimerais bien que ma sœur ait un
conseiller, quelqu’un à qui elle puisse parler, car elle a l’air de garder en elle tout ce qu’elle
ressent… »172. En Suède, les enfants de détenus bénéficient du soutien de services tels que
Bryggan, ONG qui travaille spécifiquement avec des enfants ayant un parent incarcéré en
tenant explicitement compte de leur point de vue. Grâce à l’organisation Bryggan, les enfants
peuvent en rencontrer d’autres ayant eux aussi un parent détenu 173 , ce qu’ils apprécient
infiniment. En revanche, la Roumanie offre peu de services (officiels ou ONG) aux enfants
de parents incarcérés et à leurs familles174, ce qui pourrait expliquer, tout au moins en partie,
les difficultés plus grandes qu’ils rencontrent dans ce pays.

Les enfants de parents détenus peuvent faire l’objet d’un certain ostracisme et de brimades à
l’école. L’étude COPING souligne que, au Royaume-Uni, les brimades à l’école sont
particulièrement virulentes à l’égard des enfants de détenus et, en Roumanie, elles sont même
le fait d’enseignants. Quoi qu’il en soit, les quatre pays examinés ont tous besoin de
s’attaquer au problème des brimades scolaires infligées aux enfants de parents en détention.
L’incarcération d’un parent signifiant souvent la perte d’un salaire pour le foyer familial, les
difficultés financières sont au rendez-vous (« pas d’argent de poche en ce moment ! »175),
problème aggravé par le coût des visites pour se rendre à la prison, souvent loin de la
maison176. Ces visites peuvent impliquer des épreuves telles que les fouilles, qui font sentir à
165
Martynowicz A., Children of imprisoned parents [Institut danois pour les droits de l’homme (IDDR)],
Bambinisenzasbarre, université d’Ulster et Réseau européen pour les enfants de détenus (EUROCHIPS), 2011].
166
Jones, A. et al., note Error! Bookmark not defined. supra.
167
Kilkelly, note Error! Bookmark not defined. supra.
168
Jones, A. et al., note Error! Bookmark not defined. supra.
169
Kilkelly, note Error! Bookmark not defined. supra.
170
Jones, A. et al., note Error! Bookmark not defined. supra.
171
Ibid.
172
Glover, J., Every night you cry: The realities of having a parent in prison (Barnardos, 2009).
173
Jones, A. et al., note Error! Bookmark not defined. supra.
174
Ibid.
175
Ibid.
176
Ibid.

29
l’enfant lui aussi tout le poids de l’incarcération 177 . Au Danemark, un enfant décrit la
situation : « Un jour que j’avais un cadeau pour mon père, ils ont tout déchiré pour vérifier
ce qu’il y avait dans le paquet »178. Autre question importante pour les enfants : ils souhaitent
passer plus de temps avec leurs parents et pouvoir s’adonner à des jeux et autres activités,
plutôt que de simplement rester assis à parler179.

177
Kilkelly, note Error! Bookmark not defined. supra.
178
Martynowicz, note 165 supra.
179
Kilkelly, note Error! Bookmark not defined. supra.

30
6. Participation des enfants

L’article 12 de la CNUDE exige pour l’enfant capable de discernement « le droit d’exprimer


librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment
prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. » L’article 12 insiste
donc sur le rôle de l’enfant comme participant actif de la promotion, de la protection et du
contrôle de ses droits.

Résumé – Voici ce que pensent les enfants en général :

 Bien que les enfants soient ferment convaincus d’avoir leur mot à dire dans les
principales décisions affectant leur vie, ils se voient souvent dénier les possibilités
d’influer sur les questions les concernant.
 Les enfants se heurtent à toute une série d’obstacles pour faire valoir leur droit de
participation, notamment à l’indifférence des adultes, à des mesures symboliques, à
des procédures excessivement complexes et à des empêchements pratiques (par
exemple, manque de temps pour une réelle participation, difficultés linguistiques et
conditions de vie précaires).
 En général, les enfants ont le sentiment de pouvoir donner leur avis au sein de la
famille, mais la réalité varie largement selon le contexte. Ils pensent que les parents
doivent davantage écouter leur avis, et leur permettre d’intervenir davantage dans les
décisions, tant pour les questions mineures (punitions, vêtements, par exemple) que
majeures (résidence, école, par exemple).
 Les enfants affirment souvent qu’il faut multiplier et améliorer les possibilités et les
structures leur permettant de participer plus pleinement à leur collectivité locale et à la
prestation des services.
 Beaucoup d’enfants se sentent politiquement désengagés et ne croient pas que les
responsables politiques représentent leurs intérêts.
 Il convient de mieux sensibiliser les enfants tout comme les adultes aux droits de
l’enfant, y compris à son droit de participer.
 Il faut développer un vaste éventail de mécanismes permettant aux enfants d’exprimer
leur avis de manière créative et adaptée à leurs capacités et intérêts.
 Les professionnels travaillant directement avec les enfants doivent être formés pour
les écouter et pour favoriser leurs droits de participation.
 Honnêteté et confiance, voilà qui est indispensable pour améliorer les relations et la
communication entre enfants et adultes, ainsi que pour faciliter la participation des
enfants.
 Les enfants doivent être informés à l’avance des processus et des décisions pouvant
les affecter, afin qu’ils disposent d’un temps suffisant pour examiner correctement les
questions concernées et pour intervenir.
 Il convient de faire savoir aux enfants dans quelle mesure leur avis à influé sur les
processus décisionnels.

31
6.1 Questions générales
Les enfants sont absolument convaincus d’avoir leur mot à dire dans les principales décisions
qui concernent leur vie. Ils veulent être consultés, écoutés et être pris au sérieux 180. Les avis
divergent quant au sens de la « participation »… Toujours est-il qu’elle est presque toujours
vécue comme particulièrement tangible et véritable lorsqu’elle est considérée dans le cadre
d’interactions quotidiennes, que ce soit à la maison, à l’école ou dans la communauté181.

Dans quelle mesure les attentes des enfants sont-elles satisfaites ? La réponse varie
considérablement dans la pratique. Dans certains pays européens, les enfants ne sont pas
écoutés, même si la législation en place dans tel ou tel domaine d’action est censée garantir
cette écoute. D’après les consultations organisées par le Conseil de l’Europe en Moldova182 et
en Slovaquie183, par exemple, beaucoup d’enfants ont l’impression de ne pas être entendus.
En outre, les adultes et les enfants ne savent pas ce que signifie la « participation des
enfants » et comment mettre ce droit en application. Un point plus positif concerne le fait
que, selon une étude basée sur des groupes de discussion menée par l’ONG Children’s Rights
Alliance for England, 50 % des enfants déclarent que les adultes les écoutent « toujours » ou
« la plupart du temps », tandis que 36 % d’entre eux disent être « parfois » écoutés184. Sur ce
point, ils sont seulement 5 % à avoir répondu « pratiquement jamais » ou « jamais ». Presque
tous ces enfants (96 %) affirment avoir été informés, souvent par leurs parents/aidants, leurs
enseignants ou leurs pairs, qu’ils jouissaient du droit d’être écoutés et de voir leur avis pris au
sérieux185.

Toutefois, les études suggèrent que, pour les enfants, il reste très courant de se voir
systématiquement refuser les possibilités d’intervenir sur les questions touchant directement
leur vie ; au mieux, la situation demeure inégale. Comme indiqué dans le rapport anglais ci-
dessus, les enquêtes nationales sur les soins de santé, sur la prestation de services locaux et
sur l’activité civique omettent de demander aux enfants et aux jeunes ce qu’ils en pensent.
Dans les décisions les plus personnelles les concernant – soins de santé individuels,
procédures du droit privé, enquêtes pour la protection de l’enfant, processus de demande
d’asile et de détention des migrants –, l’avis des enfants est rarement sollicité ou, s’il l’est, il
a peu d’incidence sur la décision finale. »186 Les conclusions sont souvent identiques dans
d’autres pays. Ainsi, dans une étude menée par le Conseil de l’Europe en Finlande, la
majorité des enfants a déclaré que ses avis étaient écoutés et pris au sérieux dans le cadre de
structures informelles (par exemple, au sein de la famille et dans les rapports avec le
personnel scolaire, médical et social)187. En revanche, cette écoute laisse souvent à désirer
dans d’autres contextes (par exemple, administration locale et nationale, échanges avec des
avocats et des juges, assistance maternelle en institution et, enfin, médias). La recherche
indique également que les expériences de participation varient pour les enfants individuels,
180
Schuurman, note 14 supra. Cette étude réalisée par le réseau Eurochild a impliqué des projets de plusieurs
pays (Bulgarie, Grèce, Hongrie, Irlande, Pays-Bas, Pologne, Suède et Royaume-Uni).
181
Ecorys/University of West of England/Child-to-Child, Evaluation of legislation, policy and practice on child
participation in the EU (Commission européenne, 2015). Cette évaluation a impliqué la mise en place de
11 projets « émanant des enfants » dans cinq pays européens (Croatie, Grèce, Pays-Bas, Pologne et Angleterre).
182
Conseil de l’Europe, Child and youth participation in the Republic of Moldova, note 8 supra.
183
Conseil de l’Europe, Child and youth participation in the Slovak Republic, note 90 supra.
184
Davey, C., Children’s participation in decision-making – A summary report (Children’s Rights Alliance for
England/Children’s Commissioner, 2010).
185
Ibid.
186
Ibid.
187
Conseil de l’Europe, Child and youth participation in Finland (Conseil de l’Europe, 2011) (en anglais
seulement).

32
selon leurs conditions de vie, leur lieu de résidence et autres facteurs individuels (par
exemple, âge, genre, origine ethnique et handicap)188. Ce point est examiné au chapitre 8,
« Discrimination ».

Une série d’obstacles à la participation des enfants peut être identifiée dans la documentation
consacrée aux opinions des enfants. Cette participation n’est pas toujours efficace ni réelle, et
ce pour une variété de raisons : les adultes partent souvent du principe qu’ils savent ce qui est
mieux pour l’enfant ; ils traitent parfois la participation comme une obligation purement
symbolique ; ou l’enfant est peu ou pratiquement pas informé du résultat des projets189. Les
enfants observent aussi que des obstacles pratiques – par exemple, pas assez de temps pour
une réelle participation, difficultés linguistiques, facteurs culturels et/ou religieux, conditions
de vie précaires – s’opposent parfois à la participation 190 . Par ailleurs, il se peut que les
procédures soient trop longues ou trop compliquées pour permettre aux enfants de défendre
leurs droits 191 . Inversement, il existe des circonstances qui favorisent les expériences
positives ; par exemple, « s’il y a une culture d’honnêteté et de respect ; si tout le monde
comprend pourquoi il est important pour les enfants et les jeunes de participer ; si un soutien
supplémentaire est apporté ; si les enfants et les jeunes peuvent participer comme il leur
convient et si cela leur convient ; si les enfants et les jeunes sont soutenus. »192

Les enfants indiquent que les structures formelles destinées à la participation des jeunes
doivent fonctionner réellement ; si elles sont symboliques, l’enfant ou le jeune perd toute
illusion. En Grèce, selon un rapport du médiateur pour les enfants, la consultation de
48 jeunes âgés de 13 à 18 ans a conclu que des initiatives telles que des conseils de jeunesse
peuvent « créer un sentiment de frustration » 193 . En revanche, les jeunes estiment
qu’intervenir au sein d’équipes, de projets et autres activités renforce leur sentiment de
participation et les responsabilise. Les jeunes affirment aussi que le médiateur pour les
enfants les aide à s’exprimer et à résoudre leurs problèmes 194 . De même, en Ecosse, les
jeunes disent voir un réel engagement en faveur de la participation des enfants dans certains
secteurs, alors que dans d’autres, il leur paraît « symbolique, indirect, sporadique ou non
existant »195.

6.2 Participation au sein de la famille


En règle générale, les enfants et les jeunes ont vraiment le sentiment de pouvoir exprimer leur
avis au sein de la famille. Dans une enquête menée en Ecosse auprès de jeunes âgés de 11 à
16 ans, ceux-ci disent se sentir écoutés surtout par leurs parents, moins par les responsables
politiques 196 . Parmi ces jeunes, 90 % pensent que les parents tiennent « vraiment » ou
« assez » compte de leur avis, ce qui est moins le cas des amis – qui réalisent aussi un bon
score : 87 % –, des enseignants (68 %) et des responsables politiques (24 %). Reste que les
expériences sont extrêmement variables. Dans un rapport au Comité des droits de l’enfant, de
188
Ecorys/University of West of England/Child-to-Child, note 180 supra.
189
Elsley, S., Tisdall, K., Davidson, E., Children and Young People’s Experiences of, and Views on, Issues
relating to the Implementation of the UNCRC (Gouvernement écossais, 2013).
190
Ecorys/University of West of England/Child-to-Child, note 180 supra.
191
Commission européenne, Eurobaromètre Flash – Les droits de l’enfant, note 7 supra. L’enquête
Eurobaromètre a permis d’interroger 10 000 jeunes âgés de 15 à 18 ans.
192
Elsley, S., Tisdall, K., Davidson, E., note 189 supra.
193
Rapport cité dans Ecorys/University of West of England/Child-to-Child, note 180 supra.
194
Ibid.
195
Parlement écossais de la jeunesse, Community Empowerment and Renewal Bill: Response from the SYP
(Parlement écossais de la jeunesse, 2012).
196
YouthLink Scotland, Being young in Scotland (YouthLink Scotland, 2009).

33
jeunes Belges veulent que les parents leur fassent davantage confiance : « À la maison,
beaucoup de choses dépendent de ce que disent et décident papa et maman. Nous avons le
droit de prendre ou d’aider à prendre des décisions sur quelques points, mais pour choisir
nos amis, pour dépenser notre argent de poche, pour choisir quels vêtements nous portons,
notre liberté est restreinte. Les parents agissent ainsi dans notre intérêt, ce que nous
comprenons parfaitement, mais tout de même, on aimerait sentir plus de confiance en
nous. » 197 Ils concluent que les parents devraient écouter leur avis, et leur permettre
d’intervenir davantage dans les décisions à prendre, tant pour les questions mineures
(punitions et habillement, par exemple) que majeures (résidence et école, par exemple)
concernant leur vie198.

En Norvège, les jeunes tiennent le même genre de propos199 : les adultes doivent prendre le
temps de les écouter, « même si jamais ils pensent que c’est une perte de temps. » Cependant,
les enfants ne veulent pas simplement être écoutés. Ils veulent aussi que leur avis soit pris au
sérieux, et pouvoir prendre certaines décisions. Ils critiquent le fait que « les adultes aient
tendance à écouter quand ils sont de bonne humeur, quand quelque chose ne va pas, quand il
s’agit des devoirs de classe, lorsque l’enfant est triste et quand il parle comme un adulte… Ils
‘croient’ alors s’adresser à un adulte. »200

Ces points de vue se retrouvent dans la recherche effectuée, en Grèce, par le médiateur pour
les enfants201. En général, l’enfant s’exprime bel et bien au sein de la famille, mais lorsque les
parents ne sont pas d’accord avec lui, c’est quasiment toujours à lui de céder. Si certains
jeunes peuvent discuter avec leurs parents et pensent que leur avis est toujours écouté,
d’autres se plaignent que leur avis n’est pas sollicité ni pris en compte, même sur des
questions les concernant directement : « Ils me jugent immature et trop jeune. Parce qu’ils
sont adultes, leur point de vue est supérieur au mien. Mon avis ne compte pas pour mes
parents. Le pouvoir décide. »202

De la même façon, dans une enquête réalisée en Estonie, il est souvent considéré que les
enfants doivent toujours être écoutés dans les questions les concernant (89 % des adultes et
97 % des enfants) ou concernant toute la famille (79 % des adultes et 86 % des enfants)203.
Dans la réalité, cependant, tous les enfants ne déclarent pas pouvoir intervenir sur ces
questions. Par exemple, 24 % des enfants affirment n’avoir généralement pas ou jamais leur
mot à dire quant à l’organisation des vacances de la famille, et ils sont 12 % à ne pas pouvoir
donner leur avis sur ce que la famille mange à la maison204.

Dans quelle mesure les enfants peuvent-ils participer au sein de la famille ? Cela dépend
parfois de différentes questions identitaires. Ainsi, dans des études menées par des pairs
auprès d’enfants de l’organisation de jeunesse Somali Development Group, en Angleterre205,

197
Unicef Belgique, Voila ce que nous en pensons !, note Error! Bookmark not defined. supra.
198
Ibid.
199
Redd Barna/Barneombudet/LNU, The Children’s Hearing 2009: Children in Norway had their say (Redd
Barna/Barneombudet/LNU, 2009).
200
Ibid.
201
Rapport cité dans Ecorys/University of West of England/Child-to-Child, note 180 supra.
202
Ibid.
203
Government Office Estonia, Monitoring of the rights of the child and parenting (Government Office Estonia,
2012).
204
Ibid.
205
Rapport cité dans Ecorys/University of West of England/Child-to-Child, note 180 supra.

34
presque tous disent avoir le sentiment d’avoir leur mot à dire au sein de la famille, mais qu’il
existe des différences notables selon le genre. Ainsi les garçons déclarent-ils pouvoir
davantage intervenir que les filles dans les décisions. Les filles parlent d’une tension entre
leur vie en dehors de la maison et les restrictions qu’on leur impose à la maison : « Je ne peux
pas sortir seule comme mes frères ». Ces attitudes reflètent des notions traditionnelles sur le
rôle des filles et des femmes, une moindre importance attachée à l’éducation des filles et une
surprotection parentale 206 . L’âge est aussi un facteur clé pour moduler le degré de
participation des enfants et des jeunes dans la famille ; plusieurs projets montrent la capacité
de très jeunes enfants à exprimer leur avis sur les choses qui leur importent207.

6.3 Participation dans la collectivité locale


Les enfants affirment souvent qu’il faut multiplier et améliorer les possibilités et les
structures leur permettant de participer plus pleinement à leur collectivité locale et à la
prestation des services. Ainsi, dans le cadre d’une consultation organisée par le Parlement
écossais de la jeunesse, quatre sur cinq jeunes estiment que « tous les jeunes doivent être
impliqués dans les services qui les concernent et pouvoir participer aux prises de décision
locales »208. En Estonie, selon des enquêtes commanditées par le gouvernement, 65 % des
adultes et 76 % des jeunes sont tout à fait d’accord ou plutôt d’accord pour que les jeunes
aient leur mot à dire dans les affaires concernant la vie locale209.

Ce souhait ne vient pas seulement des plus grands. Dans des projets de recherche menés
auprès d’écoles primaires et de groupes communautaires du Pays de Galles, de jeunes enfants
âgés de 6 à 11 ans font état d’un vaste éventail de questions qui les intéressent en lien avec
leurs collectivités locales210. Pour eux, les questions absolument prioritaires ont trait au jeu et
à la sécurité : « Multiplier et améliorer les possibilités de loisir, telles que natation, parcs,
terrains de football, clubs pour les jeunes, lieux où jouer, équipements récréatifs, cour
d’école, attrait du quartier pour les enfants ; questions environnementales telles que détritus,
pollution, compostage ; comportements tels que brimades, bagarres et agressivité ; et, enfin,
les excès de vitesse et la sécurité routière. » En Belgique, les enfants souhaitent être inclus
dans des activités et des structures participatives, et ils déplorent que les conseils de jeunesse
soient souvent réservés à des jeunes plus âgés211.

Il existe un certain nombre de structures conçues pour faciliter la participation des enfants et
des jeunes, notamment des conseils scolaires, des parlements de jeunes et des forums
municipaux. Mais les faits laissent entendre que les jeunes ne recourent pas tous à ces
dispositifs avec le même bonheur. L’expérience est positive avec le Conseil municipal des
jeunes d’Opatija, en Croatie212. Ce forum donne la possibilité à des jeunes âgés entre 10 et
13 ans d’interroger le maire et le président du conseil municipal, leur permettant également
de présenter les résultats de projets et de consultations annuelles. Ils peuvent aussi faire des
propositions concernant le budget municipal, ainsi qu’appliquer leur propre petit budget à un

206
Ibid.
207
Voir le rapport cité dans Ecorys/University of West of England/Child-to-Child, note 180 supra, et la
publication de Harcourt, D. et Mazzoni, V., Standpoints on quality: Listening to children in Verona, Italy,
Australasian Journal of Early Childhood, vol. 36, n°2 (2012).
208
Parlement écossais de la jeunesse, Change the picture: SYP youth manifesto (Parlement écossais de la
jeunesse, 2011).
209
Government Office Estonia, note 203 supra.
210
Funky Dragon, Little voices big choices (Funky Dragon, 2014).
211
Unicef Belgique, Voila ce que nous en pensons !, note Error! Bookmark not defined. supra.
212
Rapport cité dans Ecorys/University of West of England/Child-to-Child, note 180 supra.

35
concours de projets pour les jeunes. Si les jeunes participants regrettent que certains agents
officiels ignorent tout des questions les intéressant, dans l’ensemble, ils ont le sentiment que
les adultes du conseil municipal les prennent vraiment au sérieux213.

En revanche, une enquête française sur les attitudes des jeunes révèle que les possibilités de
participation ne sont pas aussi répandues qu’on aurait pu le penser214. Seuls 48 % déclarent
pouvoir donner leur avis sur le fonctionnement de leur centre de loisirs ou de jeunesse, et
41 % seulement affirment pouvoir dire ce qu’ils pensent à des élus du conseil municipal.
Quant à avoir un Conseil municipal de jeunes – forum permettant aux jeunes de donner leur
avis sur des questions locales – dans leur secteur, ils ne sont que 40 %215.

6.4 Participation à la prestation des services


En général, l’expérience directe des enfants et des jeunes en matière de prestation des
services (services de santé, par exemple) est relativement limitée en dehors du secteur de
l’éducation. Dans quelle mesure les enfants et les jeunes peuvent-ils participer à ce type de
services ? Les avis varient. Selon le rapport du médiateur pour les enfants en Grèce (plus haut
mentionné), le droit de participation dans ce genre de secteur est « extrêmement insuffisant »
et, « dans les rares cas où les jeunes ont la possibilité de donner leur avis, il n’est pas pris en
compte. »216

Les questions médicales présentent pour les enfants et les jeunes un intérêt évident. Si
certains déclarent que le médecin leur explique les questions de santé les intéressant, la
plupart affirment que le médecin parle généralement à leurs parents et les ignore 217 . En
revanche, d’après le projet Off the Record qui, en Angleterre, interroge des jeunes âgés de 13
à 21 ans rencontrant des problèmes de santé mentale, ce groupe a plutôt le sentiment que les
possibilités de participer aux services sont bonnes218.

La nécessité d’améliorer l’accès des enfants et des jeunes aux informations sur les services à
disposition fait l’objet d’un fort consensus. Comme le disent des enfants et des jeunes dans le
cadre du projet Black Young Carers (Angleterre) : « La recherche montre que, souvent, les
jeunes ne sont pas au courant des aides et des activités mises à leur disposition ou ne savent
pas comment y accéder, encore moins comment donner leur avis sur quels services devraient
être fournis. »219

6.5 Participation à l’administration régionale/nationale


Les enfants et les jeunes estiment que, au niveau régional et national, les responsables
politiques doivent accorder davantage d’attention à leur avis. Dans un rapport au Comité des
droits de l’enfant, de jeunes Belges affirment, par exemple, que les ministres doivent écouter
l’avis de l’enfant ou du jeune avant de prendre des décisions le concernant220. Ils laissent
également entendre que ce n’est pas suffisant en soi : les ministres doivent venir les
rencontrer pour parler avec eux. En outre, les enfants et les jeunes proposent de créer un site
web sur lequel ils pourraient publier leurs opinions, et facilement accessible aux ministres et
213
Ibid.
214
Unicef France, Ecoutons ce que les enfants ont à nous dire (Unicef France, 2014).
215
Ibid.
216
Rapport cité dans Ecorys/University of West of England/Child-to-Child, note 180 supra.
217
Ibid.
218
Ibid.
219
Ibid.
220
Unicef Belgique, Voila ce que nous en pensons !, note Error! Bookmark not defined. supra.

36
aux décideurs politiques 221 . En Russie, de récentes études montrent les jeunes sont
politiquement désengagés. Un quart d’entre eux seulement dit être intéressé par la politique
ou, même, savoir à quoi sert l’Etat. Les jeunes Russes craignent les autorités et plus de 90 %
estiment qu’aucun parti politique n’exprime leurs intérêts222.

En Finlande, dans une enquête électronique portant sur les enfants et les jeunes 223 , 50 %
affirment que le médiateur pour les enfants, le Parlement des jeunes, les conseils municipaux
de jeunesse et les parlements locaux des jeunes, font beaucoup pour que l’avis des jeunes soit
entendu. Reste que près d’un tiers ignorait ce qu’étaient ces instances et n’ont pas su répondre
à la question. À en croire les enfants et les jeunes, le Parlement finlandais et ses membres
sont moins à leur écoute que d’autres instances formelles et informelles. Mêmes avis
exprimés dans une vaste enquête sur les jeunes menée au Pays de Galles 224 : le gouvernement
de l’Assemblée galloise (Assembly Government) ne doit pas simplement les solliciter pour
des politiques spécifiques. Des membres individuels doivent se tenir à l’écoute des jeunes
qu’ils représentent via des structures telles que forums de jeunesse ou conseils scolaires.

Une étude menée par l’organisation Children’s Rights Alliance for England montre que
l’attitude des enfants et des jeunes vis-à-vis des gouvernements fluctue selon l’âge 225 . À
l’école primaire, les enfants ont particulièrement tendance à souligner le rôle que peut jouer
le gouvernement pour décider de les écouter ; ils voient aussi les structures gouvernementales
comme les mécanismes les plus puissants et influents pour faire bouger les choses. En
revanche, les résultats montrent qu’en grandissant, les jeunes deviennent plus sceptiques
quant à la capacité du gouvernement à amener le changement : 41% des jeunes pensent avoir
« un peu » ou « pas d’influence » sur les décisions prises par le gouvernement, et 21 %
estiment qu’il ne prend « jamais » ou « pratiquement jamais » leur avis au sérieux226.

Dans certains pays, les jeunes estiment que l’âge de la majorité électorale doit être abaissé.
Ainsi, les jeunes Gallois souhaitent que l’on envisage d’abaisser l’âge de la majorité
électorale à 16 ans. Au Parlement écossais de la jeunesse, plus de deux tiers (65 %) des
42 804 réponses soutiennent l’abaissement de l’âge de vote à 16 ans, contre un quart (25 %)
en désaccord227. Grâce à cette adhésion, les jeunes de 16 ans ont pu voter au référendum sur
l’indépendance de l’Ecosse en 2014.

221
Ibid.
222
Kryshtanovskaya, O., Attitudes of young Russians in 26 large cities (2013). Informations publiées à cette
adresse : http://imrussia.org/en/analysis/nation/449-putins-lost-children (en russe).
223
Conseil de l’Europe, Child and youth participation in Finland, note 186 supra.
224
Funky Dragon, Our rights our story (Funky Dragon, 2008).
225
Davey, note 182 supra.
226
Ibid.
227
Parlement écossais de la jeunesse, note 208 supra.

37
7. Enfants accueillis en protection de l’enfance

Les enfants dont la famille ne peut pas s’occuper sont particulièrement vulnérables. Ils vivent
souvent selon d’autres modes de prise en charge, notamment en institution, en famille
d’accueil et autres formes de placement. Le point de vue de ces enfants a fait l’objet de
nombreuses études. La CNUDE contient un certain nombre de dispositions concernant les
droits des enfants placés, tels que l’article 3 (le droit à ce que les décisions soient prises dans
l’intérêt supérieur de l’enfant) et l’article 7 (le droit de l’enfant à connaître ses parents et à
être élevé par eux).

Résumé – Voici ce que pensent les enfants en général :

 Etre entendus, voilà qui présente une énorme importance pour les enfants placés ; or,
beaucoup ne se sentent pas écoutés. Cela vaut, en particulier, pour les enfants des pays
d’Europe orientale.
 Les enfants pensent que, pour leur éviter d’être placés ou pour leur permettre de vivre
cette situation au mieux, de meilleures aides et interventions sont nécessaires.
 Les enfants placés mettent résolument l’accent sur la qualité du placement.. Il faut
déployer davantage d’efforts pour rechercher des solutions de placement (famille
d’accueil ou adoption) des enfants, et veiller à ce que ceux-ci vivent le mieux possible
leur séjour en foyer d’accueil.
 Les enfants placés sont extrêmement soucieux de conserver des liens familiaux. Aussi
leur avis doit-il être pris au sérieux dès lors qu’ils souhaitent entretenir davantage de
contact avec leurs familles de naissance.
 Les enfants et les jeunes en situation de placement nécessitent un soutien adéquat,
notamment à l’issue du placement ; là où l’âge prévu au terme du placement est bas, il
convient de l’élever.
 Dans certains pays, les enfants placés redoutent les abus et sévices. Il est donc nécessaire
et urgent, dans ces pays et pour ces enfants, de mettre en place des systèmes adéquats de
protection de l’enfance, ainsi que de prévoir une éducation aux droits de l’enfant à leur
intention mais aussi pour ceux qui en ont la garde.

7.2 Entendre les enfants placés


Pouvoir donner son avis sur les questions les concernant, voilà qui compte énormément pour
les enfants placés. Selon des consultations effectuées auprès de jeunes Anglais (4 à 14 ans)
placés, quel que soit leur âge, ils souhaitent avoir la possibilité d’intervenir dans les processus
décisionnels228. Cette possibilité est essentielle à leur bien-être et au développement de leur
résilience229. Même constatation dans des études portant sur de très jeunes enfants (de 4 à
7 ans) placés : ils tiennent à exprimer leur avis et en ont la capacité. Demander l’avis de ce
groupe doit se faire selon des principes de transparence et de respect230.

228
Leeson, C., The involvement of looked after children in making decisions about their present and future care
needs, thèse présentée à l’université de Plymouth, 2009.
229
Ibid.
230
Winter, K., Ascertaining the perspectives of young children in care: case studies in the use of reality boxes,
Children and Society, vol. 26, n°5 (2010).

38
Il n’empêche que les enfants placés ont souvent l’impression de ne pas être écoutés. Dans le
cadre d’un examen du système de protection de l’enfant en Angleterre231, des enfants placés
devaient dire dans quelle mesure il leur semblait être entendus sur des questions les
concernant. En majorité (63 %), les enfants ont déclaré que leurs souhaits et leurs sentiments
n’avaient pas changé grand-chose ou rien changé du tout. De la même façon, au Pays de
Galles, nombre d’enfants expriment leur mécontentement de ne pas être écoutés par les
services censés les aider232. En Slovaquie, en Moldova et en Finlande, les enfants placés en
institution sont partagés quant à la qualité d’écoute des assistant(e)s maternel(le)s. La
majorité des enfants finlandais et slovaques ont l’impression d’être « presque toujours » ou
« toujours » pris au sérieux, ce qui n’est le cas que pour un tiers des enfants moldaves. Dans
ce dernier groupe, nombreux sont ceux qui ont l’impression de n’être écoutés que
« parfois » 233 . Dans l’ensemble, il apparaît clairement que si les enfants estiment être
relativement entendus, il reste encore beaucoup à faire pour que les enfants placés aient le
sentiment d’avoir la possibilité d’être écoutés et que leur avis est pris au sérieux.

Pour que les enfants placés jouissent du droit d’être entendus, les adultes qui les entourent
portent une grande responsabilité. Dans le cadre d’une initiative Quality4Children menée
auprès d’enfants placés hors du foyer familial à travers l’Europe, une jeune fille de Lettonie
dit « être très reconnaissante à sa famille d’accueil, qui lui a appris à ne pas craindre
d’exprimer ses sentiments et de confier ce qu’elle a sur le cœur »234. Il va sans dire que les
travailleurs sociaux et autres prestataires de services jouent un rôle crucial pour transmettre
l’avis des enfants. Néanmoins, les enfants souhaitent se faire entendre directement auprès du
responsable concerné lorsque des décisions sont prises dans leur intérêt supérieur235.

7.3 Questions importantes pour les enfants placés


Dans l’examen effectué en Angleterre (mentionné précédemment), la majorité des enfants
comprennent les raisons de leur placement, de même qu’ils conviennent que c’était pour eux
la meilleure solution : « J’ai eu une meilleure vie que je n’aurais jamais eue à la maison avec
ma famille ». Beaucoup d’enfants associent ce commentaire à la nécessité de services
adéquats (un bon travailleur social, par exemple)236. Reste que près de la moitié des enfants
consultés estiment que, si eux et leur famille avaient bénéficié d’un réel soutien, ils auraient
pu éviter le placement237. Au Pays de Galles, plusieurs enfants s’inquiètent du manque de
familles et de foyers d’accueil238, soulignant par là même la nécessité de meilleures aides et
interventions pour éviter le placement ou pour assurer la meilleure expérience de placement
possible.

Les enfants placés mettent résolument l’accent sur la qualité du placement, estimant même
que cette situation peut être satisfaisante, voire une bonne expérience si le placement est bien
choisi239. Les enfants vivant en famille d’accueil sont beaucoup plus nombreux à se satisfaire

231
Munro, E., The Munro review of child protection: Final report (ministère de l’Education, 2011). Examen
commandité par le Gouvernement britannique en 2011.
232
Commissaire à l’enfance du Pays de galles, It’s my life (Commissaire à l’enfance du Pays de galles, 2015).
233
Ibid.
234
Quality4Children, Standards pour le placement des enfants et des jeunes hors du foyer familial en Europe
(Quality4Children, consultation non datée).
235
Munro, note 231 supra.
236
Ibid.
237
Ibid.
238
Commissaire à l’enfance du Pays de galles, note 231 supra.
239
Munro, note 231 supra.

39
de leur placement que ceux en institution240. Dans toute l’Europe, les enfants préconisent un
renforcement des efforts pour faciliter les mesures de placement et d’adoption. Ainsi
auraient-ils davantage le sentiment de faire partie de la société et, partant, d’avoir de bonnes
perspectives d’avenir241.

Il convient aussi de redoubler d’efforts pour garantir que les enfants vivent le mieux possible
leur séjour en foyer d’accueil. À l’évidence, les conditions de vie au quotidien y sont très
importantes pour les enfants. Certains pays offrent des exemples de bonnes pratiques sur la
manière dont les enfants peuvent participer à la gestion des institutions. Aux Pays-Bas, par
exemple, les établissements de protection de l’enfance sont légalement tenus de mettre en
place des conseils de jeunesse afin de permettre aux enfants de contribuer aux décisions
concernant l’institution et leur placement 242 . Les enfants sont formés par leurs pairs du
conseil néerlandais de la jeunesse sur la manière de gérer les conseils, expérience qu’ils
apprécient particulièrement : « Les enfants se sentent plus à l’aise lorsque la formation est
dispensée par des jeunes ». Les enfants ont le sentiment d’apporter des changements à leurs
conditions de vie : « Nous avons réalisé plusieurs choses, par exemple un café internet, où
l’on a accès au web quelques heures par jour. » Dans ces institutions, le personnel prend
l’avis des enfants au sérieux, leur donne un « feedback » sur leurs recommandations qui, dans
la mesure du possible, sont mises en application243.

Dans diverses consultations, les enfants et les jeunes placés rappellent combien il est
important pour eux de conserver, autant que faire se peut, des liens familiaux244. En Irlande,
une étude menée auprès de 211 enfants placés montre la place essentielle qu’ils accordent à
cette question ; et de conclure : « Pratiquement sans exception, la plupart des jeunes vivant
en famille d’accueil avaient toujours des contacts, ou aspiraient à avoir des contacts et/ou
plus de contacts, avec leurs familles de naissance. »245 Ainsi que le remarque un travailleur
social de Malte à propos d’un enfant : « Le contact a été vivement encouragé par le
travailleur social… Cela l’a beaucoup aidé de savoir que sa mère et l’assistante maternelle
étaient en bons termes. »246 Or, les faits prouvent que, malgré l’importance qu’y attachent les
enfants, leur avis n’est pas suffisamment respecté par les tribunaux et autres lorsqu’ils
souhaitent entretenir plus de contact avec leurs familles de naissance247.

Autre question cruciale pour les enfants placés : la stabilité. Au Pays de Galles, par exemple,
les enfants placés se disent fortement perturbés lorsqu’ils sont amenés à souvent changer de

240
Ofsted, note 8 supra.
241
Commission européenne, étude qualitative Eurobaromètre – Les droits de l’enfant : Rapport complet
(Commission européenne, 2010) ; Timms, J.E. et Thoburn, J., Your Shout! A survey of the views of 706 children
and young people in public care (National Society for the Prevention of Cruelty to Children, 2003).
242
Schuurman, M. (ed.), Valuing children’s potential: How children’s participation contributes to fighting
poverty and social exclusion (Eurochild, 2010).
243
Ibid.
244
Commission européenne, étude qualitative Eurobaromètre – Les droits de l’enfant : Rapport complet,
note 241 supra ; Timms et Thoburn, note 241 supra.
245
Department of Children and Youth Affairs, Listen to our voices: A report of consultations with children and
young people living in the care of the state (Department of Children and Youth Affairs, 2011).
246
Quality4Children, Standards pour le placement des enfants et des jeunes hors du foyer familial en Europe
(Quality4Children, consultation non datée).
247
Voir, par exemple, Vis, S. et Fossum, S., Representation of children’s views in court hearings about custody
and parental visitations — A comparison between what children wanted and what the courts ruled, Children
and Youth Services Review, vol. 35, p. 2101 (2013). Voir aussi Department of Children and Youth Affairs,
note 244 supra.

40
lieu de placement248. Ils décrivent l’effet désastreux que peuvent avoir ces déplacements sur
leur bien-être ; ainsi ce jeune Irlandais se plaint-il de « ne pas pouvoir s’installer si on
n’arrête pas de le déplacer »249. Outre qu’ils affectent la santé mentale, les changements de
placement répétés peuvent aussi nuire aux résultats scolaires des enfants. Aussi est-il
recommandé, aux périodes cruciales de l’éducation des enfants placés, de renforcer la
stabilité et la continuité des conditions de placement250.

La fin de la période de placement est une question grave pour les enfants. En France, les
enfants veulent avoir leur mot à dire dans ce type de décisions et réclament un soutien pour
pouvoir faire des choix éclairés 251 . Comme l’explique un jeune Grec, les enfants ont le
sentiment de pouvoir prendre des décisions sur cette question : « Lorsque ma mère a trouvé
un endroit où habiter, mon père m’a dit de rentrer à la maison, mais je n’ai pas voulu car
j’aimais bien l’école et les activités. Je suis rentré à la maison après mes 18 ans et je ne
regrette pas mes choix. »252 Dans certains pays, l’âge prévu pour la fin du placement est très
inférieur à 18 ans ; en Albanie, par exemple, il intervient dès que l’enfant atteint ses 14 ans.
En Albanie, en Finlande, en République tchèque et en Pologne, les enfants estiment que le
placement ne devrait pas se terminer avant leur âge de 20 ans253. Dans toute l’Europe, les
enfants souhaitent bénéficier d’un soutien renforcé à l’issue du placement254.

Les enfants placés sont souvent plus exposés aux risques d’abus et de violence que
l’ensemble de la population. Dans certains pays, les enfants risquent davantage de rencontrer
des situations de placement médiocres voire dangereuses. En Hongrie, des études menées
auprès d’enfants placés ont révélé qu’ils savent très peu de choses sur leurs droits255. Ils ont
parlé des abus, de la dégradation et des humiliations infligés par le personnel de l’institution.
Il leur semble que cette situation était due à une culture hiérarchique et punitive au sein de
l’institution. Dans cette étude, certains enfants ayant auparavant vécu en famille d’accueil ont
également affirmé avoir été victimes d’abus256.

248
Commissaire à l’enfance du Pays de galles, note 231 supra.
249
Department of Children and Youth Affairs, note 244 supra.
250
Darmody, M., McMahon, L. et Banks, J., Education of children in care in Ireland: An exploratory study
(Médiateur pour les enfants, Irlande, 2013).
251
Robin, P., et al., Des jeunes sortant de la protection de l’enfance font des recherches sur leur monde : une
recherche par les pairs sur la transition à l’âge adulte au sortir de la protection de l’enfance (Observatoire
Universitaire International Education et Prevention, 2014).
252
Quality4Children, note 246 supra.
253
Stein, M. et Verweijen-Slamnescu, R., , When care ends: lessons from peer research, insights from young
people on leaving care in n Albania, the Czech Republic, Finland and Poland (SOS Children’s Villages, 2012).
254
Robin, P, et al., note 251 supra ; Stein et Verweijen-Slamnescu, ibid.
255
Schuurman, note 14 supra.
256
Ibid.

41
8. Discrimination

Les enfants ont le droit d’être protégés contre les discriminations en vertu d’un certain
nombre de normes juridiques internationales, par exemple l’article 2 de la CNUDE. Ces
instruments internationaux prévoient que les enfants (et autres) doivent être protégés contre
toute discrimination pour divers motifs comme la race, l’origine ethnique, le handicap, le
sexe, la langue, ou la situation de leurs parents ou tuteurs. Cependant, les enfants peuvent
aussi être confrontés à des discriminations en raison de leur âge. La non-discrimination est un
droit fondamental pour les enfants.

Résumé : Voici ce que pensent les enfants en général :

 Beaucoup d’enfants de toute l’Europe s’estiment victimes de discriminations et considèrent que la


discrimination est une question clé à traiter ;
 La discrimination liée à l’âge est un problème particulier que connaissent les enfants. Elle doit être
traitée par des opérations de sensibilisation et par la législation.
 Les enfants souffrent de la discrimination en raison de problèmes liés au genre et à leur orientation
sexuelle et ils souhaitent avoir davantage la possibilité de parler librement de ces questions.
 Les membres de groupes particulièrement vulnérables comme les minorités ethniques et raciales
peuvent souffrir d’une « double discrimination » - c’est-à-dire de leur statut d’enfant et de leur origine.
 Il faut en faire davantage pour faciliter la participation des enfants handicapés à la prise de décisions et à
la société.
 Les enfants des groupes particulièrement vulnérables souhaitent que pour faire face à la discrimination à
laquelle ils sont confrontés, on leur favorise l’accès à des services tels que l’éducation, et que le grand
public soit davantage familiarisé avec leur culture et leur expérience.

Les enfants attachent un grand prix au droit d’être protégés contre toute discrimination. Un
groupe d’enfants vivant loin de chez eux ont été interrogés sur les dix droits de la CNUDE
qu’ils jugeaient prioritaires. Ils ont notamment cité le fait de ne pas être exposé à la
discrimination 257 . Dans une enquête d’Eurobaromètre sur les droits des enfants, 27% des
enfants interrogés ont déclaré que la non-discrimination était un problème à traiter en priorité
dans leur pays, les enfants appartenant à des groupes vulnérables soulignant que c’est-là une
question particulièrement importante pour eux258. Les enfants estiment que les responsables
devraient sensibiliser l’opinion aux questions de discrimination et combattre les
comportements discriminatoires259.

8.1. Discrimination liée à l’âge

Les enfants ne se considèrent pas toujours comme vulnérables260. Il faut de fait reconnaître
leur pouvoir d’agents actifs dans leur vie et dans la vie d’autrui. Cependant, les enfants
peuvent être bien plus en danger que les adultes en raison de leur manque d’expérience et de
leur statut d’incapables. C’est pourquoi, ceux qui ont moins de 18 ans peuvent subir des
discriminations parce que ce sont des mineurs.

257
Ofsted, supra note 13.
258
Commission européenne, Etude qualitative d’Eurobaromètre – Les droits de l’enfant : rapport complet,
supra note 242.
259
Ibid.
260
Voir par ex. Coy et. al., supra note 64, et Schuurman, supra note 243.

42
Beaucoup de recherches font ressortir les stéréotypes négatifs attachés aux enfants et les
mauvais traitements liés à la période de l’enfance 261. Une étude d’Eurochild (qui collecte
l’opinion d’enfants de huit pays européens)262 souligne que les enfants sont très conscients
des discriminations qui les visent sur cette base. Ainsi que l’affirmait un enfant du Royaume-
Uni, « actuellement, certains adultes n’écoutent pas ce nous disons, nous, les enfants. Ai-je
raison ou ai-je tort ? » Une étude de l’Alliance d’Angleterre pour les droits de l’enfant donne
de nombreux exemples de discriminations subies par les enfants 263. Les enfants évoquent
souvent des cas où ils sont chassés de magasins et d’autres zones. Ainsi que le fait observer
une fille d’Irlande du Nord, « On se fait vider des espaces de restauration »264. Les services
médicaux refusent régulièrement d’admettre des mineurs notamment parce que quand ils ont
16 ans, ils sont trop grands pour les services pédiatriques, mais trop jeunes pour les services
pour adultes265. Cependant, on ne semble guère reconnaître ni comprendre que les enfants
fassent l’objet de discriminations. Peu de mesures visent à remédier à cette situation266.

Partant de consultations approfondies avec les enfants, Eurochild recommande de sensibiliser


aux discriminations liées à l’âge visant les enfants et de leurs effets à la fois au niveau
national et communautaire. La législation anti-discrimination de l’UE devrait aussi servir à
protéger les enfants267. L’Alliance d’Angleterre pour les droits des enfants fait valoir avec
force que les enfants devraient bénéficier au niveau interne d’une protection législative contre
la discrimination liée à l’âge268.

8.2. Genre et orientation sexuelle

Les enfants disent qu’ils subissent des discriminations en raison de questions de genre et
d’orientation sexuelle. Les femmes et les filles sont confrontées à beaucoup de préjugés et de
dangers spécifiques en raison de leur sexe, ce qui est examiné plus en détail au point 3
(Violences). Selon une étude galloise, qui s’intéresse à l’opinion de jeunes enfants sur les
questions de genre, d’orientation sexuelle et de relations, les enfants arrivaient souvent à
repérer ce qu’ils qualifiaient de « sexiste » : « Je me suis sentie contrainte d’être une fille »269.
Beaucoup d’enfants ont exprimé leur colère face aux attitudes discriminatoires à l’égard des
femmes et, ainsi que les auteurs de l’étude galloise le résument bien, face au fait de « devoir
vivre dans une culture et une société où leurs homologues sont sexistes270. En Ecosse, les

261
Voir par ex. Commissaire d’Irlande du Nord aux enfants et aux jeunes, Young people’s thoughts about
and experiences of age-related negative stereotyping, An analysis of questions from the Young Life and Times
Survey (Northern Ireland Commissioner for Children and Young People, 2010) et Alliance d’Angleterre pour les
droits de l’enfant, Making the case: why children should be protected from age discrimination and how it can be
done. Proposals for the Equality Bill (Children's Rights Alliance for England, 2009).
262
Schuurman, supra note 20. Parmi les pays figuraient la Bulgarie, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, les
Pays-Bas, la Pologne, la Suède et le Royaume-Uni.
263
Children's Rights Alliance for England, supra note 262.
264
Forum pour la jeunesse d’Irlande du Nord, What we want (Northern Ireland Youth Forum, 2009).
265
Children's Rights Alliance for England, supra note 262.
266
Schuurman, supra note 20.
267
Ibid.
268
Children's Rights Alliance for England, supra note 262.
269
Cardiff University/National Society for the Prevention of Cruelty to Children, Boys and girls speak out:
A qualitative study of children’s gender and sexual cultures (Cardiff University/National Society for the
Prevention of Cruelty to Children, 2013).
270
Voir par ex. : Beckett et. al., supra note 67 et Cardiff University/National Society for the Prevention of
Cruelty to Children, ibid.

43
jeunes LGBT déclarent que la discrimination directe à laquelle ils sont confrontés provient
avant tout de leurs homologues. Ils demandent aux adultes de créer un environnement sain
pour les enfants et les jeunes et de leur offrir une aide appropriée 271. Dans l’étude galloise, la
plupart des enfants disent qu’ils souhaiteraient disposer d’un espace où ils puissent parler
librement des questions de genre et d’orientation sexuelle d’une façon qui soit liée à leur vie
et pas seulement à leur avenir272.

8.3. Groupes particulièrement vulnérables

Les enfants de groupes particulièrement vulnérables comme ceux qui sont membres de
minorités raciales et religieuses, ceux qui vivent dans la misère et ceux qui sont handicapés,
estiment qu’ils peuvent courir davantage un risque de discrimination. Ces enfants sont
fréquemment confrontés à une « double discrimination », en raison de leur âge et de leur
autre particularité273.

8.3.1. Race et appartenance ethnique

Dans l’étude d’Eurochild, certains enfants racontent qu’ils sont confrontés à la discrimination
raciale. Ainsi, aux Pays-Bas, une fille a évoqué la façon dont elle était harcelée parce que son
père était marocain : « les enfants commencent soudain à parler comme des étrangers avec
une grammaire approximative… Pour moi, l’école primaire était en fait un enfer, et je
pleurais la nuit »274. Les enfants irlandais Travellers évoquent les mauvais traitements fort
répandus et les discriminations, y compris des injures méprisantes, et le refus de les inscrire
dans certaines écoles 275 . Les enfants d’origine rom mentionnés dans l’étude d’Eurochild
parlent d’expériences de « discrimination raciale, de préjugés, de souffrances et
d’humiliations ». Ils souhaitent véritablement exprimer leur opinion et parler librement des
discriminations auxquelles ils sont confrontés276.

Beaucoup d’enfants parlent avec passion dans cette étude de leur foi en l’égalité. Selon un
enfant demandeur d’asile aux Pays-Bas, « certains enfants sont originaires d’Espagne,
d’autres viennent d’autres pays. Nous ne sommes pas tous pareils, mais il est essentiel d’être
traités comme ayant tous la même importance » 277 . Dans l’étude d’Eurobaromètre, des
enfants roms de Hongrie, de Roumanie, d’Espagne et du Royaume-Uni donnent un certain
nombre de recommandations sur la lutte contre la discrimination278. Ils proposent notamment
de diffuser davantage d’informations et de messages positifs sur la culture rom. Ainsi que le
disait un jeune Rom du Royaume-Uni, « J’aimerais faire connaître la culture rom. Faire
savoir aux gens ce que nous faisons, pour dissiper tous les stéréotypes. Montrer aux autres
que nous formons une communauté soudée… »279. Les enfants roms devraient bénéficier de

271
Children in Scotland, What’s the difference? Views and experiences of young people in Dumfries and
Galloway concerning equality and diversity, (Children in Scotland, 2006).
272
Cardiff University/National Society for the Prevention of Cruelty to Children, supra note 271.
273
Schuurman, supra note 20.
274
Ibid.
275
Ibid.
276
Ibid.
277
Ibid.
278
Commission européenne, Etude qualitative d’Eurobaromètre – les droits de l’enfant : rapport complet,
supra note 242.
279
Ibid.

44
l’égalité de chances de manière à ce qu’ils puissent participer davantage à la société au sens
large. Le cas échéant, les mesures en ce sens devraient comprendre des encouragements pour
que les parents envoient leurs enfants à l’école280.

8.3.2. Misère

L’inégalité de groupes d’enfants vulnérables en matière d’accès aux services est une question
capitale pour les enfants, en particulier l’accès à l’éducation pour les enfants vivant dans la
misère (voir ci-après le point sur l’éducation) 281 . Voici ce que soulignait un garçon du
Royaume-Uni : « Je pense que les gens riches font des études supérieures et reçoivent une
meilleure éducation que les gens moins bien lotis qui ne vont pas dans l’enseignement
supérieur, si bien qu’ils ont davantage de possibilités d’obtenir un bon emploi, des
qualifications satisfaisantes et tout ce qu’il y a de mieux. Par ailleurs, quand on est pauvre, il
est plus probable qu’on vende de la drogue et qu’on fasse des trafics comme cela… »282. Les
enfants qui vivent dans la misère sont confrontés à de graves discriminations au sein de la
société et les enfants ont formulé un certain nombre de recommandations sur ce qu’il faudrait
faire pour remédier à cette situation (voir ci-après point 10, Pauvreté et austérité).

8.3.3. Enfants handicapés

Les enfants handicapés, par exemple, ceux de Belgique, soulignent qu’ils sont avant tout des
personnes qui peuvent et qui veulent participer activement au sein de la société283. Il convient
de comprendre que c’est la société qui a besoin de changer pour s’adapter aux enfants
handicapés et non l’inverse. Par exemple, en Suède, les enfants sourds et malentendants font
le rêve d’avoir des enseignants qui connaissent tous la langue des signes : « Toutes les
personnes sourdes et malentendantes ont le droit de recevoir leur éducation dans leur
langue. Toute personne a le droit d’employer la langue des signes »284. Les enfants qui ne
sont pas handicapés reconnaissent d’ordinaire le droit de satisfaire les besoins des enfants
handicapés - des recherches sur l’opinion des enfants en Espagne et en Italie ont établi que la
plupart des enfants sont d’avis qu’une fille aveugle par exemple devrait pouvoir fréquenter
une école ordinaire si elle le souhaite285.

L’éducation et la formation sont effectivement des questions très importantes pour les enfants
handicapés. Les enfants estiment qu’il est nécessaire d’élaborer davantage de mesures
spéciales pour les enfants handicapés. Selon une récente étude réalisée en Angleterre, ils ont
souligné que dans bien des cas, leurs besoins ne sont pas satisfaits, y compris lorsqu’ils sont
inscrits dans des écoles spéciales : « mon école spéciale m’a seulement appris à faire la
cuisine ». Les recommandations formulées dans le rapport comprennent l’obligation pour les

280
Ibid.
281
Larkins, A. et. al., We want to help people see things our way: A rights-based analysis of disabled
children’s experience living with low income (Children’s Commissioner for England, 2013).
282
Schuurman, supra note 20.
283
UNICEF Belgium, We are above all young people (UNICEF Belgium, 2007).
284
Schuurman, supra note 20.
285
Casas, F., et. al., ‘Children's rights from the point of view of children, their parents and their teachers: A
comparative study between Catalonia (Spain) and Il Molise (Italy)’ 14 The International Journal of Children’s
Rights 1 (2006). Les enfants ont reçu un scénario hypothétique sur lequel ils ont été invités à réagir.

45
enseignants de se former dans le domaine du handicap, et la nécessité d’axer davantage
l’enseignement sur les débouchés futurs286.

Les enfants handicapés se battent en particulier pour jouir du droit de participer à


l’enseignement. En Angleterre, ils soulignent qu’ils revendiquent le droit d’influencer la prise
de décisions clés, alors qu’ils ont souvent l’impression de ne pas être écoutés. Cela est
particulièrement vrai pour ce qui est des décisions personnelles sur l’affectation à une école
ou les dispositions concernant les soins et l’expérience de travail une fois que la scolarité
s’achève287. Seuls un tiers des enfants handicapés consultés au pays de Galles ont exprimé
l’espoir que leur opinion soit toujours prise en considération quand il est question de prendre
des décisions qui les concernent288. Les enfants handicapés peuvent aussi avoir du mal à faire
appel à des mécanismes de plaintes faute de les connaître. La plupart des enfants interrogés
pour l’étude du pays de Galles savaient comment se plaindre pour un problème concernant
leur éducation, mais un tiers des élèves ignoraient tout de la procédure à suivre289.

Les enfants handicapés d’Angleterre ont l’impression que la société en général nourrit des
préjugés négatifs et stériles à leur sujet et que leurs capacités sont sous-estimées. Ils
considèrent aussi que les médias véhiculent une image négative des personnes handicapées,
en associant souvent le handicap aux prestations pour personne à charge290. Ils recommandent
de déployer des efforts pour changer les comportements à leur égard291. Cela demanderait des
actions déterminées pour faire en sorte qu’ils reçoivent leur éducation dans des
établissements ordinaires et qu’ils puissent davantage rencontrer et fréquenter des enfants non
handicapés : « Je souhaite qu’il y ait davantage de clubs pour handicapés et non-handicapés
de manière à ce que nous puissions jouer ensemble »292.

Les enfants handicapés sont très attachés à l’idée de participer à la prise de décisions. Ils
apprécient en particulier les méthodes créatives et drôles ; et ils souhaitent avoir davantage de
possibilités de participer et d’être informés de ce qui se passe293. Cependant, les recherches
montrent que les enfants handicapés ont moins de chance de participer à la prise de décisions
que les autres enfants294. L’exclusion des enfants handicapés est justifiée par le manque de
temps chez le personnel pour faciliter la communication et par les présupposés des parents,
des soignants et du personnel sur les capacités de participer des enfants handicapés295. Les
enfants handicapés recommandent de prendre des mesures pour qu’ils puissent participer
effectivement, alors que les enfants très handicapés ont besoin d’une assistance particulière à
286
Children’s Commissioner for England, “They still need to listen to more”, A report about disabled
children and young people’s rights in England (Children’s Commissioner for England, 2014).
287
Pellicano, E. et. al. with Wac Arts, My life at school: Understanding the experiences of children and
young people with special educational needs in residential special schools (Office of the Children’s
Commissioner for England, 2014).
288
Children’s Commissioner for Wales, The right to learn, supporting children and young people at pupil
referral units to reach their potential (Children’s Commissioner for Wales, 2014).
289
Ibid.
290
Ibid.
291
Every Disabled Child Matters, Disabled children’s manifesto for change (Every Disabled Child Matters,
2009), disponible à l’adresse : http://www.edcm.org.uk/young-campaigners/manifesto-for-change.
292
Children’s Commissioner for England, supra note 287.
293
Franklin, A. et Sloper. P., ‘The right of disabled children to participate in decision-making’ 23 Children
in Society 3 (2009).
294
Ibid.
295
Children’s Commissioner for England, supra note 287.

46
cet égard : « C’est difficile pour les enfants handicapés qui ne s’expriment pas verbalement.
Ils ont malgré tout une opinion, mais ils l’expriment différemment »296.

296
Every Disabled Child Matters, supra note 292.

47
9. Education

Le droit des enfants à l’éducation est inscrit dans la CNUDE, dont l’article 28 prévoit le droit
de l’enfant à l’éducation au nom de l’égalité des chances et dont l’article 29 définit les buts
de l’éducation, indiquant que celle-ci doit viser notamment à développer la personnalité et les
talents des enfants.

Résumé – Voici ce que pensent les enfants en général :

 Le droit à l’éducation est un droit essentiel des enfants dans toute l’Europe.
 Les enfants ont souvent le sentiment ne de pas avoir suffisamment l’occasion de participer à l’école.
 En particulier, les commissions scolaires doivent être réformées et les enseignants ont besoin d’une
formation dans ce domaine surtout sur le suivi à assurer après que les enfants ont été consultés. Les
enfants eux-mêmes ont le sentiment d’avoir besoin de plus de formation sur la participation à l’école.
 Les enfants des groupes défavorisés comme les enfants handicapés et ceux qui appartiennent à des
groupes ethniques et raciaux sont particulièrement préoccupés par les questions d’éducation et prônent
des mesures spéciales pour les aider à participer.
 Le harcèlement à l’école est une question qui préoccupe gravement un grand nombre d’enfants. Elle
pourrait être traitée de façon plus satisfaisante en leur ménageant davantage d’occasions pour en parler
et en favorisant des réactions plus adaptées des enseignants. Il faudrait étudier les raisons pour
lesquelles les enfants se méfient des fonctionnaires et des ONG.
 Les enfants souhaitent aussi contribuer au type d’apprentissage qu’ils suivent. Les jeunes enfants
apprécient l’autorité de leurs maîtres, mais ils souhaitent davantage de bienveillance de leur part. Ils
pensent que les enseignants ne devraient pas se mettre en colère contre eux.

9.1 L’éducation, un droit essentiel

Les enfants de toute l’Europe ont été invités à donner leur avis pour un sondage
d’Eurobaromètre sur le domaine le plus important où les autorités devraient tenir compte des
intérêts particuliers des enfants. L’éducation était le premier domaine mentionné par les
enfants, 77% de personnes interrogées indiquant qu’elles la considéraient comme le domaine
le plus important297 . Il est aussi significatif de constater que les enfants tendent à penser
immédiatement à leurs droits dans le cadre de la famille et de l’école298.

9.2 Participation et éducation

Selon la récente évaluation de la Commission européenne sur la participation des enfants


dans l’UE, le cadre scolaire et préscolaire est considéré comme le lieu principal des
apprentissages sociaux avec les adultes299. Cependant, la qualité des pratiques participatives
varient beaucoup au sein de ce cadre. Dans les « écoles démocratiques », la participation des
enfants s’inscrit dans la pratique quotidienne. Ainsi, le programme d’école transparente et
participative (Pologne) et l’école Escola da Ponte (Portugal) suivent des cursus différents,
fondés sur « l’apprentissage mutuel » entre les élèves et les maîtres. Par ailleurs, dans toute
l’Europe, beaucoup d’écoles favorisent la participation des enfants aux structures et comités
scolaires officiels, ce qui limite et formalise la participation300.

297
Commission européenne, Rapport Eurobaromètre flash – Les droits de l’enfant, supra note 7.
298
Commission européenne, Etude qualitative d’Eurobaromètre – les droits de l’enfant, rapport complet,
supra note 242.
299
Ecorys/University of West of England/Child-to-Child, supra note 182.
300
Ibid.

48
Les enfants comme ceux de Finlande et de Moldova, déclarent que les commissions scolaires
(school councils) sont des structures très utiles pour permettre aux enfants d’être entendus à
l’école301. Cependant, les enfants sont parfois déçus par ces commissions ; ainsi, ils estiment
que celles-ci ne représentent pas comme il convient l’ensemble des enfants. Une étude
réalisée en Slovaquie a montré que : « en pratique, les enfants choisissent leurs représentants
parmi ceux qui savent le mieux représenter leur opinion, et il est rare que les enfants issus de
minorités ou de milieux défavorisés figurent parmi eux »302. On constate aussi parfois que les
commissions scolaires n’abordent pas de questions importantes. En Ecosse, les enfants
expliquent l’absence de changement réel par un manque de ressources financières et le fait
« d’être négligés par les écoles »303. En effet, la réussite des commissions scolaires dépend
beaucoup du soutien dont elles bénéficient au sein de l’école et de la politique menée en
général au niveau national. Au pays de Galles, la loi oblige les écoles à faire en sorte que des
commissions scolaires soient mises en place304.

En dépit d’efforts de plus en plus marqués dans les écoles d’Europe, par exemple le soutien
aux conseils d’élèves, les enfants soulignent dans l’étude de la Commission européenne
qu’ils se heurtent néanmoins à de graves difficultés en matière de participation aux décisions
à l’école. Un grand nombre d’exemples positifs sont donnés dans cette étude sur la
coopération entre le maître et ses élèves. Dans une étude écossaise par exemple, 94% des
enfants âgés de cinq ans, chiffre impressionnant, estimaient que les adultes les écoutaient à
l’école 305 . Selon une étude du Conseil de l’Europe, la plupart des élèves de Finlande
considèrent que les enseignants prennent véritablement en considération leur opinion « dans
la plupart des cas », voire « toujours »306.

Cependant, beaucoup d’études citent un nombre considérable d’exemples où les enfants ont
le sentiment que les enseignants ne les écoutent pas. Ceux-ci recourent à la discipline plutôt
que d’engager le dialogue. L’étude du Conseil de l’Europe indique par exemple que moins de
la moitié des enfants de Moldova et seuls un tiers des enfants de Slovaquie ont l’impression
que les enseignants les écoutent 307 . Parmi les principales raisons de cette situation peu
réjouissante retenues par les enfants figurent la discrimination liée à l’âge ; le manque de
sensibilisation aux droits des enfants ; la crainte des enseignants de voir leur autorité
contestée ; et le sentiment de manquer de temps pour favoriser la participation308. Un jeune
Anglais cité dans l’étude d’Eurochild déclarait que les enseignants n’écoutent pas : « parce
que cela ne les intéressent pas et qu’ils ne nous aiment pas »309.
301
Conseil de l’Europe, Child and youth participation in Finland, supra note 188 ; Conseil de l’Europe,
Child and youth participation in the Republic of Moldova, supra note 8.
302
Conseil de l’Europe, Child and youth participation in the Slovak Republic, supra note 90.
303
Children in Scotland/University of Edinburgh, Having a say at school: Research on pupil councils in
Scotland (Children in Scotland/University of Edinburgh, 2010).
304
School Councils (Wales) Regulations 2005. See Children in Scotland/University of Edinburgh, Having a
say at school: Research briefing paper 1: Local authorities and pupil councils (Children in Scotland/University
of Edinburgh, 2010).
305
Children in Scotland, What I think matters (Children in Scotland). Notons que dans la même étude, un
fort pourcentage d’enfants plus âgés estimaient qu’ils n’étaient pas entendus – 50%.
306
Conseil de l’Europe, Child and youth participation in Finland, supra note 188.
307
Conseil de l’Europe, Child and youth participation in the Republic of Moldova, supra note 8 ; Council of
Europe, Child and youth participation in the Slovak Republic, supra note 90.
308
Schuurman, supra note 20.
309
Ibid.

49
Les enfants se plaignent aussi que les enseignants demandent parfois l’avis des élèves, mais
qu’ensuite, ils n’en tiennent pas compte. Ils sont rapidement désabusés de voir que les
consultations ne sont suivies d’aucun changement310. Il est donc capital d’œuvrer pour faire
en sorte que les consultations d’élèves produisent toujours des effets. Quand leurs
propositions ne peuvent être retenues, il faudrait leur expliquer pourquoi311.

Les enfants proposent différentes solutions pour lever les obstacles à leur participation à
l’éducation. Ils estiment qu’il y a beaucoup de choses qu’ils peuvent faire par eux-mêmes : ils
devraient avoir le courage de donner leur avis, il faut qu’ils renoncent à leurs a priori négatifs
à l’égard de l’école et qu’ils aient un comportement plus coopératif 312 . Cependant, ils
estiment aussi que les écoles et les décideurs ont du chemin à faire. Les commissions
scolaires qui ne fonctionnent pas bien devraient être réformées 313 . Les compétences
professionnelles liées à la participation des enfants devraient être développées par les
enseignants314.

Même les très jeunes enfants peuvent exprimer leur opinion sur l’éducation qu’ils reçoivent.
Des recherches réalisées auprès d’enfants italiens âgés de trois à cinq ans dans un cadre
préscolaire ont établi que leurs perceptions étaient « profondes »315. Les enfants reconnaissent
l’autorité de leurs maîtres et leur responsabilité de bien se comporter. Cependant, ils ne
pensent pas qu’il faille élever la voix à leur encontre : « Quand le maître s’emporte contre
moi, je me sens triste et j’ai envie de pleurer ». Ils soulignent que les bons enseignants
doivent être fermes quand cela s’impose, mais qu’ils doivent aussi savoir prodiguer des
encouragements. « Ça, c’est la maîtresse et moi. Nous nous tenons la main et parfois nous
nous embrassons. La maîtresse me dit : « merci ». C’est ce que j’aimerais que la maîtresse
fasse ». Les chercheurs relèvent que le fait que les élèves expriment leurs opinions devant
leurs maîtres a permis à ceux-ci de mieux comprendre les perspectives des enfants, de
mesurer leur incompréhension face à ce qui arrive quand ils essaient d’infléchir le
comportement des enfants, et de trouver de meilleurs moyens de créer des environnements
propices à leur croissance316.

9.3. Education et égalité

Ainsi que l’indique la partie précédente (Discrimination), les groupes vulnérables donnent
une grande importance à l’éducation, qui est pour eux un droit. Invités à indiquer dix droits
prioritaires parmi ceux que consacrent la CNUDE, les enfants placésont fait de l’éducation le
droit numéro un en Angleterre317. Les enfants, comme ceux de Belgique, considèrent que le
système éducatif devrait assurer l’égalité de traitement à tous les élèves ; et que les élèves

310
Ecorys/University of West of England/Child-to-Child, supra note 182, et Schuurman, supra note 20.
311
Ibid.
312
Conseil de l’Europe, Child and youth participation in Finland, supra note 188; Conseil de l’Europe,
Child and youth participation in the Republic of Moldova, supra note 8 ; Conseil de l’Europe, Child and youth
participation in the Slovak Republic, supra note 90.
313
Ibid.
314
Ecorys/University of West of England/Child-to-Child, supra note 182.
315
Harcourt, D. et Mazzoni, V. ‘Standpoints on quality: Listening to children in Verona, Italy’ 37
Australasian Journal of Early Childhood 2 (2012).
316
Ibid.
317
Ofsted, supra note 13.

50
devraient tous être soutenus pour qu’ils puissent pleinement s’épanouir. Il faudrait qu’ils
soient jugés sur leurs qualités individuelles et non sur leurs lacunes318. L’école est un lieu
déterminant qui permet aux enfants des groupes défavorisés de se socialiser. Ainsi, les
enfants immigrés d’Italie qualifient l’école « de lieu où les enfants de familles immigrées
peuvent bâtir des relations positives »319.

Selon l’étude d’Eurochild, les enfants originaires de milieux vulnérables, disent souvent
qu’ils ne peuvent aller à l’école, parce qu’ils doivent travailler pour soutenir financièrement
leur famille. Et pourtant ils estiment qu’il est important de pouvoir aller à l’école afin
d’acquérir les compétences nécessaires pour survivre dans leur environnement 320 . Ce
phénomène est encore pire pour les enfants désavantagés à plus d’un titre comme les enfants
handicapés vivant dans des « poches de pauvreté urbaines »321. D’autres études montrent que
les enfants défavorisés peuvent manquer la classe pendant de longues périodes pour tout un
éventail de raisons. Ainsi, l’éclatement de la cellule familiale en raison de violences
domestiques, le départ de demandeurs d’asile, ou le placement temporaire en établissement.
Ces enfants sont fréquemment rejetés par des systèmes éducatifs trop rigides et ils peuvent
rencontrer d’autres problèmes qui nuisent à leur éducation, comme le harcèlement et le
racisme322. Les enfants recommandent de mieux former les maîtres pour que ceux-ci sachent
comment soutenir socialement les enfants défavorisés323.

9.4 Le harcèlement à l’école

Bien que la plupart des enfants se sentent en sécurité en classe et dans le cadre scolaire324,
l’étude d’Eurobaromètre indique qu’ils sont très préoccupés par le harcèlement à l’école 325.
Une récente étude de la Commission européenne touchant 16 227 enfants dans six pays de
l’UE fait ressortir l’étendue du phénomène326. Un tiers des enfants de Grèce, par exemple,
déclarent qu’ils ont été victimes de harcèlement à l’école327. Dans les autres pays couverts,
les enfants soulignent que les injures sont la forme la plus courante de harcèlement à l’école à
une exception : en Bulgarie, les enfants déclarent que les violences physiques en sont la
manifestation la plus fréquente328.

318
UNICEF Belgique, ‘Iedereen gelijke kansen op school? Dat denken zij ervan. Het perspectief van
maatschappelijk kwestbare kinderen en jongeren in het onderwijsdebat’ (Egalité de chances pour tous à
l’école ? Voici ce qu’ils en pensent. Perspective des enfants et des jeunes socialement vulnérables dans le débat
éducatif) (UNICEF Belgium, 2012).
319
UNICEF, The situation of children in immigrant families in Italy: changes and challenges (UNICEF,
2009).
320
Schuurman, supra note 20.
321
Grotowska-Leder, J, Dytrych, J., Disability in a childhood as a particular threat of poverty and social
exclusion in adulthood (original : polonais, 2010).
322
Save the Children UK, Missing out on education: Children and young people speak out (Save the
Children UK, 2003).
323
UNICEF Belgique, supra note 319.
324
Commission européenne, European bullying research: Final report (European Commission, 2012).
325
Commission européenne, Etude qualitative d’Eurobaromètre – les droits de l’enfant, rapport complet,
supra note 242.
326
Commission européenne, European bullying research, supra note 325.
327
Ibid.
328
Ibid.

51
Les enfants peuvent être la cible de harcèlement pour bien des raisons liés à des facteurs
personnels – des enfants d’Estonie, par exemple, soulignaient que la corpulence était la cause
de harcèlement la plus courante329. Cependant, les enfants issus de groupes particulièrement
vulnérables peuvent aussi être davantage exposés. Des recherches en Angleterre indiquent
que les enfants qui connaissent la misère courent un risque plus grand : « Des enfants s’en
prennent à toi à l’école – c’est incroyable – si tu n’as pas emporté la même chose qu’eux à
déjeuner, ou si tu ne t’es pas procuré une nouvelle veste ou un nouveau sac » 330 . Cette
question semble être particulièrement d’actualité en Angleterre, mais elle pourrait être
soulevée ailleurs, ainsi que l’ont fait ressortir des recherches menées en Espagne et en Suède
selon lesquelles les enfants ne donnent pas la même valeur aux symboles concrets de statut
social331. Les autres parties de ce rapport de recherche documentaire font ressortir d’autres
motifs pour lesquels les enfants peuvent être la cible de harcèlement, comme la race et
l’appartenance ethnique (voir partie sur les discriminations) ; ou le fait d’avoir un parent en
prison (voir partie sur une justice adaptée aux enfants).

Les enfants qui sont victimes de harcèlement risquent davantage d’avoir des problèmes de
santé et de détresse émotionnelle, ce qui peut les empêcher d’aller à l’école ou faire baisser
leurs résultats scolaires332. L’étude sur le harcèlement de la Commission européenne (déjà
citée) a fait ressortir que la plupart des enfants qui en sont victimes en parlent en famille. De
même que dans d’autres domaines comme la justice, les enfants expriment une certaine
défiance à l’égard des responsables comme ceux des services sociaux, et des ONG qui leur
prêtent secours quand ils font l’objet de harcèlement333. Comme on l’a aussi constaté, il est
plus probable que les enfants auteurs de harcèlement proviennent de familles où la violence
est utilisée, « ou de milieux où c’est l’opinion du plus fort qui prévaut », ce qui indique que la
lutte contre la violence domestique et l’encouragement de la participation des enfants dans les
familles auront un effet positif sur le taux de harcèlement 334 . Les enfants ont beaucoup
d’idées sur la lutte contre le harcèlement. Les petits Norvégiens soulignent que les maîtres
devaient être formés pour remarquer les cas de harcèlement et mieux savoir réagir 335. Dans
toute l’Europe, les enfants soulignent qu’ils souhaiteraient des espaces de discussion sur les
questions liées au harcèlement336.

9.5 Autres questions

Un certain nombre d’autres questions très diverses sont importantes aux yeux des enfants en
ce qui concerne la justification du droit à l’éducation. Les enfants souhaitent naturellement
contribuer aux méthodes d’enseignement utilisées. Au Tadjikistan, des enfants ont déclaré
que bien qu’ils soient en général satisfaits de la qualité de l’éducation qui leur était dispensée,

329
Ibid.
330
Martin K. et Hart R., “Trying to get by”: consulting with children and young people on child poverty
(Office of the Children's Commissioner for England, 2011).
331
Ipsos MORI et Nairn, A., supra note 14.
332
Voir site internet de l’Alliance anti-harcèlement du Royaume-Uni, à l’adresse :
http://www.anti-bullyingalliance.org.uk/research/sen-disabilities.aspx
333
Commission européenne, European bullying research, supra note 325.
334
Ibid.
335
Save the Children, The Children’s Hearing 2009: Children in Norway had their say, (Save the Children,
2009).
336
Commission européenne, European bullying research, supra note 325.

52
ils préfèreraient des méthodes éducatives qui soient plus participatives 337 . Les enfants de
toute l’Europe soulignent qu’ils n’aiment pas être mis sous pression par les enseignants, alors
que ceux-ci tendent à leur demander une quantité peu réaliste de travail et d’étude338. Certains
enfants souhaitent aussi que les adultes proches d’eux, comme les parents et les enseignants,
jouent davantage leur rôle pour prévenir la violation de droits comme le harcèlement ou
l’absence de participation339.

337
UNICEF CEECIS et UNICEF Tadjikistan, Youth perspectives of education quality in Tajikistan: A case
study of education quality for youth in the CEECIS region (UNICEF, 2011).
338
Commission européenne, Etude qualitative d’Eurobaromètre – Les droits de l’enfant: rapport complet,
supra note 242.
339
Ibid.

53
10. Pauvreté des enfants et austérité

Un large éventail de droits reconnus aux enfants dans la CNUDE (par exemple l’article 2,
droit à la vie, à la survie et au développement) sont gravement menacés par la misère et
l’austérité. Les effets de la récession depuis 2008 – y compris la hausse du coût de la vie, les
pertes d’emplois et la réduction des prestations sociales et des services publics – ont eu un
effet très négatif sur la vie des enfants et de leur famille, en particulier ceux, de plus en plus
nombreux, dont la situation déjà précaire s’est encore dégradée. Les faits montrent que les
enfants ont souffert le plus de la crise économique et financière et qu’ils en subiront les
conséquences le plus longtemps, surtout dans les pays où la récession est la plus sévère340.
Cependant, les statistiques disponibles ne reflètent pas pleinement l’effet de la misère et de
l’austérité sur les enfants et les jeunes ni la façon dont leur perception de la vie a changé. Les
recherches retenues dans la présente partie donnent une idée plus détaillée des perspectives
qui sont celles des enfants et des jeunes.

Résumé – Voici ce que pensent les enfants en général :

 Les enfants sont préoccupés par le climat économique actuel et l’effet qu’il peut avoir sur leur propre
situation financière et celle de leur famille. Ils craignent aussi que la misère ne fragilise davantage leurs
relations familiales.
 Ils ont peur d’être piégés dans un cycle de misère dû au niveau élevé du chômage, à l’offre d’emplois mal
payés, et à l’insuffisance de leurs revenus. Ils pensent que les autorités devraient donner la priorité à ces
questions.
 Les possibilités de formation professionnelle et les offres d’emplois devraient être étendues aux jeunes et
les systèmes de protection sociale devraient assurer des revenus et une sécurité suffisants à ceux qui ne
peuvent trouver d’emploi.
 Les enfants devraient tous avoir accès gratuitement à des services comme les centres de jeunesse et de
loisirs, et bénéficier de la gratuité des transports ou d’un allégement de leur coût.
 Ceux qui font l’expérience de la misère souhaitent être associés aux questions qui les concernent et ils sont
à mêmes de le faire. Cela peut contribuer à faire voir différemment la pauvreté des enfants et l’exclusion
sociale et à les aider à trouver des solutions plus satisfaisantes.
 Pour participer pleinement aux décisions clés sur leur vie, les enfants – y compris ceux qui connaissent la
misère – ont besoin de l’aide de leur famille, de leurs amis, de travailleurs de jeunesse et de leurs maîtres.
 Les enfants qui connaissent la pauvreté estiment qu’ils ont le droit d’être traités sur un pied d’égalité. Les
professionnels devraient être formés aux méthodologies participatives, en particulier pour que les enfants
connaissant la pauvreté puissent participer.
 Les enfants souhaitent participer aux processus de décision sur les dépenses gouvernementales et ils
estiment que leur expérience peut aider les autorités à prendre de meilleures décisions sur les affectations
de crédits.

340
UNICEF, Children of the recession: the impact of the economic crisis on child well-being in rich
countries, Innocenti Report Card 12 (UNICEF Office of Research, 2014).

54
10.1. Perception de la misère parmi les enfants

Les enfants soulignent que la pauvreté est une question essentielle pour eux. Lors de
recherches menées en Allemagne, où les enfants ont été interrogés sur ce qu’ils pensaient de
leurs droits, un enfant sur huit a relevé que la jouissance de droits était limitée par des
contraintes budgétaires341. De plus, 18% des propositions des enfants visant à améliorer le
respect de leurs droits supposent l’octroi d’une aide financière, par exemple, par des
allocations familiales ou par la gratuité de services comme la cantine scolaire, ou des services
de conseil : « Les enfants qui n’ont qu’un parent devraient recevoir davantage d’aide, car ils
n’ont souvent pas l’argent dont ils ont besoin parce que seul un parent travaille » « Les clubs
(sportifs) devraient être moins chers ». Beaucoup d’enfants mieux lotis partageaient ce
souhait d’une moindre inégalité économique342.

En dépit des obstacles auxquels ils sont confrontés, les recherches montrent que les enfants
qui font l’expérience de la misère tendent à apprécier les choses comme les autres enfants. Ils
éprouvent un grand respect et une forte loyauté envers leur famille et leurs amis sont
importants pour eux343. Un jeune Anglais a déclaré que ces familles : « pourraient être plus
proches et former davantage une famille que d’autres gens… Il faut qu’ils économisent sur
tout. Ils doivent se serrer les coudes, alors que les autres familles n’en ont pas besoin »344.
Les enfants qui font l’expérience de la pauvreté en Belgique soulignent que l’éducation est
très importante de même que des activités de loisirs comme la musique et le sport. Le
voisinage proche est capital dans la vie des jeunes : c’est là qu’ils se sentent « chez eux ». Ils
disent aussi qu’ils souhaitent participer aux questions qui les touchent et qu’ils sont en
mesure de le faire, mais que pour participer pleinement, ils ont besoin de l’aide de leur
famille, de leurs amis, des travailleurs de jeunesse et de leurs maîtres345.

Les enfants réduits à la misère expriment pourtant le sentiment d’être exclus et stigmatisés,
en raison d’images sociétales négatives et du manque d’opportunités346. La plupart des jeunes
figurant dans une étude de communautés urbaines, situées en bordure d’espaces verts ou
défavorisées d’Irlande du Nord par exemple ont une image positive d’eux-mêmes, mais ils
formulent un jugement négatif sur leurs expériences347. Ils tendent plus que les autres jeunes
à mentionner les difficultés auxquels ils se heurtent chez eux et à l’école. Ils pensent aussi
qu’ils ne disposent pas d’assez d’informations, ni de soutien et qu’il n’y a pas assez
d’infrastructures là où ils habitent.

En Belgique, l’effet de la pauvreté sur le bien-être des jeunes, notamment de leur estime
d’eux-mêmes, est bien illustré par les jeunes eux-mêmes. Leur manque de confiance en eux-
mêmes contribue à les empêcher de prendre leur vie en main pour échapper à la misère. Bien
que certains d’entre eux s’imaginent clairement leur avenir (travail, famille, situation

341
Child and Youth Welfare Association, supra note 16.
342
Ibid.
343
Voir par ex. UNICEF Belgique, This is what we think: Young people experiencing poverty talk about
their lives (UNICEF Belgium, 2010); et Martin K. et Hart R., "Trying to get by": consulting with children and
young people on child poverty (Office of the Children's Commissioner for England, 2011).
344
Martin et Hart, ibid.
345
UNICEF Belgique, supra note 344.
346
Voir par ex. UNICEF Belgique, supra note 344; et Northern Ireland Youth Forum, What we want
(Northern Ireland Youth Forum, 2009).
347
Northern Ireland Youth Forum, ibid.

55
matérielle), la plupart comprennent qu’il est difficile de poursuivre les études, d’avoir de
l’ambition ou d’avoir des rêves : « l’accès limité à l’éducation et à la formation est un
problème récurrent pour les jeunes interrogés »348.

Selon un grand nombre d’études, les enfants qui connaissent la misère ne se considèrent pas
comme pauvres349. Le Commissariat aux jeunes pour l’Angleterre a récemment achevé des
recherches sur l’opinion des jeunes qui connaissent la misère 350 . L’étude a établi que les
jeunes refusent d’appliquer les termes de « pauvre » et de « pauvreté » à leur propre
situation 351 . Ils connaissent et emploient davantage les termes « défavorisés », « à faibles
revenus », « mal payés » ou « en situation précaire » (struggling): « Je n’emploie pas le terme
de « pauvre ». Je pense que ceux-ci sont moins bien lotis que moi »352. Il en va de même pour
des enfants vivant en Espagne et en Suède353. Les termes de pauvreté ou de misère tendent à
être appliqués uniquement à ceux qui se trouvent dans des situations extrêmes par exemple
les sans-abris et ceux qui souffrent de la famine dans d’autres pays.

Les enfants estiment que la pauvreté est une forme de stigmatisation et ils refusent donc de
parler de leur situation à d’autres. Ils sont gênés de demander un soutien et pourraient
rechigner à accepter une aide si on la leur offre (même quand cela vient de leurs amis). Un
enfant d’Angleterre a déclaré qu’il ne voulait pas qu’on voie qu’il avait besoin de repas
scolaires : « J’ai donc dit à ma mère d’arrêter et j’ai payé mes repas, mais c’était
naturellement plus difficile pour ma mère »354. Bien que les enfants croient que les pauvres
peuvent être identifiés par leur apparence, ils admettent qu’il peut être difficile de reconnaître
ceux qui sont réduits à la misère et donc de les soutenir355.

Les enfants mentionnés dans l’étude couvrant l’Angleterre suivent avec attention le climat
économique actuel et les effets qu’il a sur leur propre situation financière et sur celle de leur
famille 356 . Ils évoquent de « nouvelles » catégories de personnes qui s’appauvrissent (en
raison de licenciements et de la hausse du coût de la vie) et ils voient le fossé se creuser entre
riches et pauvres. Ils sont aussi préoccupés par l’idée d’être piégés dans un cycle de misère en
raison du niveau élevé de chômage, de la prévalence d’emplois mal payés et des gels de
salaires. Etre pauvre et vivre dans la misère, cela signifie que les enfants et les jeunes
pourraient être privés d’un série de biens matériels (habits de marque, téléphone portable et
PC) et se retrouver socialement isolés : « L’expérience scolaire dans son ensemble est
horrible pour eux. Le nombre d’amis qu’ils ont s’en trouve affecté ». Les enfants soulignent
les raisons pour lesquelles les amitiés sont plus difficiles à entretenir pour ceux qui sont
pauvres, par exemple en raison du coût élevé des transports357. Il convient de noter que le
Royaume-Uni est l’Etat le plus inégalitaire d’Europe 358 , ce qui pourrait contribuer au

348
UNICEF Belgique, supra note 344.
349
Voir par ex. UNICEF Belgique ; et Martin et Hart, supra note 344.
350
Martin et Hart, supra note 344. L’étude reprend l’opinion de 73 jeunes âgés de 10 à 20 ans.
351
Martin et Hart, supra note 344.
352
Ibid.
353
Ipsos MORI et Nairn, A., supra note 14.
354
Martin et Hart, supra note 344.
355
Ibid.
356
Ibid.
357
Ibid.
358
Luxembourg Income Study, disponible à l’adresse : http://www.lisdatacenter.org/.

56
sentiment d’exclusion que peuvent éprouver les enfants réduits à la misère359. Les recherches
indiquent que le niveau d’inégalités semble contribuer à aggraver les tensions et l’angoisse
éprouvée par les enfants au Royaume-Uni, par comparaison avec l’Espagne et la Suède, où
l’on semble mettre netement moins l’accent sur les biens matériels360.

10.2 Perception de l’austérité parmi les enfants

Beaucoup d’enfants estiment que leur qualité de vie et la possibilité d’avoir accès aux
services et à l’éducation sont hypothéquées par la misère361. Des recherches limitées ont été
réalisées afin de déterminer l’effet spécifique de l’austérité sur eux et et de préciser l’idée
qu’ils s’en font. Le Réseau européen des médiateurs pour enfants a pourtant réalisé un projet
innovant qui a analysé l’opinion de 32 jeunes de toute l’Europe sur l’austérité et la pauvreté,
et l’incidence de cette situation sur leur vie et leurs droits362. Un film tourné en Angleterre
dans le cadre du projet porte sur un enfant handicapé qui se bat pour communiquer. Il a le
sentiment d’être réduit au silence par les réductions d’allocations qui lui permettaient de
suivre une thérapie d’aide à la parole. Un Marseillais (France) estime que « la ville a deux
visages » : une face claire pour les touristes et l’autre faite de privations dont les enfants de
son âge et lui font l’expérience. A Rome, de jeunes Italiens parlent des installations sportives
qui sont devenues trop chères, des clubs de sport qui sont hors de portée et du manque
d’espaces verts pour jouer. Dans un film sur les Pays-Bas, un jeune garçon raconte que sa
famille est l’un des nombreux ménages qui doivent recourir aux banques alimentaires pour ne
pas souffrir de la faim. En Belgique, une jeune Flamande souligne que de plus en plus de
familles vivent dans des conditions de promiscuité : « c’est difficile pour une fille de grandir
sans avoir d’espace à elle ni de vie privée ». En Wallonie, le prix élevé du mazout met en
difficulté beaucoup de ménages363.

Une étude plus statistique de l’UNICEF a été réalisée en Grèce364, l’un des pays les plus
touchés par la récession. Elle se fondait sur l’enquête de 2014 du Réseau Health Behaviour in
School-aged Children, qui a analysé l’opinion d’élèves âgés de 11, 13 et 15 ans. Elle montre
qu’en dépit des efforts déployés par les familles pour protéger leurs enfants contre les effets
les plus graves de la récession, le pourcentage d’enfants signalant que la situation
économique des familles « n’est pas bonne » a doublé, passant de 7% en 2006 à 14,5% en
2014. Un nombre croissant (de 22% à 29% sur la même période) déclarent que la situation
économique dans la région où ils vivent s’est dégradée. En 2014, plus d’un enfant sur cinq a
déclaré qu’au moins un de ses parents avait perdu son emploi, 5%, que leur famille ne
pouvait se permettre d’acheter des produits alimentaires et près de 30%, que leur famille avait
cessé de partir en voyage pendant les vacances 365 , ce qui montre combien la crise à une
incidence sévère sur la vie des enfants.

359
Voir Ipsos MORI et Nairn, A., supra note 14.
360
Ibid.
361
Voir par ex. Martin et Hart, supra note 344.
362
European Network of Young Advisors, Austerity bites: Children’s voices (European Network of
Ombudspersons for Children, 2014). Disponible à l’adresse : http://enoc.eu/?page_id=475. Les pays et régions
concernés sont l’Italie, les Pays-Bas, la Flandre, la Grèce, la Wallonie, l’Ecosse, l’Angleterre et la France.
363
Ibid.
364
Kokkevi, A. et. al., The repercussions of the economic recession in Greece on adolescents and their
families: document de travail Innocenti n° 2014-07 (UNICEF Office of Research, 2014).
365
Ibid.

57
Bien que beaucoup d’enfants semblent avoir de bonnes relations avec leurs parents, ils
estiment que la misère peut nuire à ces relations et aux rapports mutuels des deux parents, ce
qui peut provoquer l’éclatement de la famille366. Les enfants évoquent des scénarios où leurs
parents doivent travailler de longues heures et manquent donc de temps à leur consacrer 367.
En Grèce, une étude note que : « … selon une proportion notable d’élèves, la crise
économique a imposé un fardeau considérable à leur famille, ce qui provoque des tensions et
des disputes et qui affecte la vie quotidienne »368.

10.3. Enfants, pauvreté et participation

Selon un rapport d’Eurochild, des indications dans toute l’Europe donnent à penser que
l’ensemble des enfants – y compris les enfants défavorisés et exclus – pourraient prendre part
aux décisions affectant leur vie369. La participation des enfants défavorisés peut contribuer à
percevoir différemment la misère et l’exclusion sociale des enfants et peut aider à déterminer
des mesures plus efficaces pour les combattre. Ce travail, qui part d’études de cas réalisées
par des ONG européennes370, montre que tous les services, y compris ceux qui œuvrent avec
les enfants et les jeunes les plus défavorisés ou les plus traumatisés, peuvent élaborer des
activités participatives. Le rapport conclut que dès lors qu’ils sont associés à ces mesures, les
enfants défavorisés peuvent devenir des personnes bien informées et autonomes : « bien que
cela demande souvent du temps et que cela exige des ressources de faire participer les
enfants et les jeunes les plus vulnérables, le résultat pour leur épanouissement personnel et
leur évolution dans la vie est souvent positif »371.

En général, les enfants en situation vulnérable qui sont le plus exposés à la misère,
connaissent moins bien leurs droits ; notamment le droit de participer372. Ainsi les recherches
réalisées par Eurochild ont établi que les enfants des catégories vulnérables sont bien plus
mal informés que les autres. Elles montrent que les professionnels devraient donc être formés
aux méthodologies participatives et choisir celles d’entre elles qui sont les plus efficaces
quand ils œuvrent avec des enfants vulnérables373.

10.4. Opinion des enfants sur les dépenses publiques

Une récente consultation à grande échelle sur les crédits affectés à l’enfance a été réalisée
auprès d’enfants de 71 pays 374 , quatorze d’Europe occidentale et sept d’Europe orientale.
L’étude montre que les enfants veulent sans aucun doute être écoutés sur des questions telles
que les coupes budgétaires. Les enfants sont des experts dans ce domaine. En effet, « Eux

366
Martin et Hart, supra note 344.
367
Martin et Hart, supra note 344.
368
Kokkevi et. al., supra note 365.
369
Schuurman, supra note 243.
370
Les ONG qui ont participé sont les suivantes : Action for Children (RU), FEDAIA (Espagne),
KREM (Norvège), UNICEF (Belgique), et le Conseil national néerlandais de l’enfance et des établissements de
prise en charge des enfants aux Pays-Bas.
371
Schuurman, supra note 243.
372
Schuurman, supra note 20.
373
Ibid.
374
Lundy, L., Orr, K. et Marshall, C., Towards better investment in the rights of the child: The views of
children (Queen’s University Belfast, 2015). 2 693 enfants âgés de 10 à 18 ans ont été consultés dans 71 pays du
monde entier.

58
seuls savent ce qui leur manque le plus »375. Les enfants ont une idée claire de l’approche que
les autorités devraient suivre pour affecter des crédits afin de promouvoir les droits des
enfants. Bien que les réponses aient varié selon la situation, les enfants considèrent en général
qu’il est dans l’intérêt de la société dans son ensemble d’affecter des crédits aux droits des
enfants aujourd’hui et à l’avenir et que faute de le faire pour assurer aux enfants un niveau de
vie adéquat, les enfants ne pourront pas jouir de leurs autres droits376.

On a demandé aux enfants qui ont participé l’enquête s’ils étaient d’accord avec ce que les
autorités pensent des enfants quand elles prennent des décisions budgétaires. En Europe
occidentale, 38% étaient « d’accord » ou « particulièrement d’accord » et 49% « pas
d’accord ou « absolument pas d’accord » avec cet énoncé contre 25% et 51% respectivement
en Europe orientale. L’enquête présentait aussi des exemples spécifiques de droits des enfants
et demandait aux personnes interrogées d’indiquer ceux auxquels, selon eux, les autorités ne
consacraient pas des crédits suffisants. La toute première priorité des enfants en Europe
occidentale et orientale était « l’aide aux ménages qui ne peuvent se payer leur alimentation /
leur logement etc. ». Venaient ensuite, pour les enfants d’Europe orientale, « des soins de
santé accessibles » et enfin, « l’éducation ». En Europe occidentale, « la protection contre les
agressions » occupait la seconde place, et « le fait d’être pris au sérieux », la troisième377.

Parmi les principaux enseignements à tirer de l’étude, figurent le fait que les affectations
publiques de crédits doivent couvrir l’ensemble des enfants, en particulier ceux qui vivent
dans des conditions précaires. Il faut que ces aides reflètent et satisfassent les besoins des
enfants dans la société et dans les localités où ils vivent. L’aide accordée aux familles permet
de soutenir les enfants. L’étude conclut en outre que les autorités devraient informer de leur
politique en faveur des enfants, y compris par des moyens accessibles aux enfants. Les
décisions prises dans ce domaine devraient être prises à bon escient pour protéger les droits
des enfants, aujourd’hui et à l’avenir. Enfin, les enfants souhaitent être associés aux prises de
décisions des autorités en matière budgétaire. Ils estiment que leurs perceptions des choses
aideraient les autorités à prendre des décisions plus satisfaisantes en matière d’affectation de
crédits. A ce propos, un enfant d’Europe orientale estimait ceci : « Peut-être devraient-ils être
formés pour comprendre notre position »378.

10.5 Effets sur certaines catégories

La même étude invitait les enfants à identifier les groupes d’enfants de leur voisinage qui
pouvaient ne pas jouir des mêmes droits parce qu’ils manquaient des ressources nécessaires
pour faire face à la situation particulière qui était la leur379. Les réponses cochées le plus
fréquemment en Europe orientale étaient « les enfants ayant très peu d’argent », suivies par
« les enfants sans abri » et « les enfants handicapés ». Le résultat était quasiment le même en
Europe occidentale, bien que la deuxième et la troisième priorités soient inversées.

D’autres travaux de recherche brossent un tableau plus détaillé des réalités sous-tendant ces
conclusions. Une étude en Ecosse s’est intéressée à 145 jeunes sans-abris pour connaître leur
expérience. Elle a montré que la plupart d’entre eux (84%) avaient fugué avant l’âge de

375
Ibid.
376
Ibid.
377
Ibid.
378
Ibid.
379
Ibid.

59
16 ans – souvent à plusieurs reprises380. Plus de la moitié des sans-abris qui avaient fugué
avaient été contraints de partir. Près des deux tiers (63%) de ceux qui avaient fugué s’étaient
retrouvés à la rue. La plupart des personnes interrogées ont souligné que si elles avaient reçu
de l’aide chez elles ou à l’école, cela les auraient peut-être dissuadé de fuguer381. Les enfants
qui ont participé au manifeste du Parlement écossais des jeunes étaient favorables à une aide
pour les enfants et les jeunes sans-abris, 88% reprenant à leur compte l’énoncé : « aucun
enfant ni aucun jeune ne devrait avoir à vivre sans disposer d’un foyer. Il faudrait offrir
davantage d’aide à ceux qui sont sans abri… »382.

Les enfants handicapés risquent davantage d’être réduits à la misère. Des recherches réalisées
par le Commissariat aux enfants d’Angleterre auprès de 71 enfants handicapés en donnent
des exemples saisissants383. Certains enfants handicapés et leurs parents ont raconté qu’ils ne
pouvaient pas se chauffer comme il faut, ni se payer les habits et / ou les produits alimentaires
nécessaires. Certains indiquent qu’ils ne sont pas mis au courant de la prise de décisions
concernant l’aménagement de leur domicile, ni invités à y participer. Selon d’autres,
l’adaptation de leur logement souffre de retards. Certains n’ont pas assez d’espace à
disposition pour mener une vie autonome. Ils soulignent que le manque de revenus est
souvent aggravé par une insuffisance de services, d’aide personnelle ou d’informations. Les
enfants handicapés sont également désavantagés sur le plan économique en raison du coût
plus élevé de leurs conditions de vie, dû aux services supplémentaires ou aux produits
spéciaux nécessaires afin de satisfaire les besoins des enfants et des jeunes handicapés.
Beaucoup estiment que les prestations sont insuffisantes et qu’elles ne couvrent pas ces
coûts384. Les enfants interrogés dans le cadre de l’étude proposent de réformer le système de
prestation, de protection et d’aide sociale. En particulier, ils sont d’avis que les postes
budgétaires concernés devraient être considérés comme prioritaires pour faire en sorte que les
enfants handicapés disposent des conditions de base nécessaires à leur vie quotidienne. Il
faudrait élaborer des projets de réformes de la sécurité sociale et de l’étendue des prestations
en écoutant les enfants handicapés et leur famille, et en tenant dûment compte de leur
opinion. Il conviendrait d’améliorer l’offre de services, leur pertinence et les délais
nécessaires pour les assurer385.

Les recherches réalisées dans des pays comme la Slovaquie 386 et la Moldova 387 montrent
aussi que le risque de vivre dans la misère est plus important pour des groupes vulnérables
comme les enfants abandonnés par leurs parents lorsque ceux-ci ont émigré à l’étranger à la
recherche de travail. Un grand nombre d’enfants évoqués dans ces études soulignent qu’ils
se livrent soit à des activités domestiques, soit à d’autres activités destinées à contribuer à la
sécurité financière de leur famille. De plus, beaucoup d’enfants ont dû prendre en charge le
foyer de leurs parents et leurs frères et sœurs plus jeunes en raison de la migration et du

380
Shelter Scotland, Running away and future homelessness – the missing link? (Shelter Scotland, 2011).
Les jeunes interrogés avaient entre 16 et 24 ans.
381
Ibid.
382
Parlement écossais des jeunes, supra note 209.
383
Larkins, C. et. al., “We want to help people see things our way”: A rights-based analysis of disabled
children’s experience living with low income (Children’s Commissioner for England, 2013). Voir aussi
Children’s Commissioner for England, supra note 287.
384
Larkins, et. al., ibid.
385
Ibid.
386
Conseil de l’Europe, Child and youth participation in the Slovak Republic, supra note 90.
387
Conseil de l’Europe, Child and youth participation in the Republic of Moldova, supra note 8.

60
travail de leurs parents à l’étranger. Un grand nombre de ces enfants ne peuvent plus aller à
l’école.

61
11. Conclusions

la présente étude documentaire a passé en revue des travaux de recherche sur l’opinion
d’enfants placés dans des situations très différentes. Il était difficile de résumer les
nombreuses conclusions dans une même étude. Cependant, certaines constantes ressortent de
l’éventail d’opinions et d’expériences évoquées. Pour la plupart, les enfants d’Europe
souhaitent être entendus et avoir de l’influence sur les questions relatives à leur prise en
charge, à leur famille, à leurs proches et à la société en général. Il est clair que des efforts sont
déployés pour faciliter une telle situation, mais les enfants souhaitent qu’on en fasse
davantage dans ce domaine. Il en va notamment ainsi des enfants défavorisés et des enfants
de pays où la participation des mineurs va moins de soi. Les enfants estiment souvent que les
adultes ne leur font pas confiance ou qu’ils ne les respectent pas. Ils sont désabusés de voir
que les initiatives lancées pour entendre leur opinion restent vaines ou ne suscitent aucune
réaction. Ils ont le sentiment que ceux qui œuvrent auprès d’eux et qui prennent des décisions
qui les concernent, voire qui adoptent des actes touchant l’ensemble de la population,
devraient être formés pour mieux reconnaître et utiliser la contribution précieuse que peuvent
faire les enfants.

On ne s’étonnera pas de trouver une autre conclusion générale : les enfants apprécient
beaucoup leur famille et leurs amis. La plupart des enfants interrogés, qu’ils soient placés,
qu’ils soient membres de minorités ou qu’ils connaissent la misère, donnent une grande
importance à ces relations. Cela a des conséquences sur la mise en œuvre des droits des
enfants. Il semble que dans bien des cas, les enfants ne souhaitent pas avoir affaire à des
professionnels, par exemple pour recevoir une aide et des renseignements sur les procédures
juridiques. Ils veulent plutôt être aidés et informés par des amis sûrs et des proches. Il faut
que les décideurs réfléchissent à des moyens de de faire participer les parents et les aidants
aux processus où les enfants ont besoin d’information et de soutien388. Il est nécessaire de se
demander pourquoi les enfants se méfient de ces responsables, qui ont vocation à les aider, et
de rechercher des moyens de bâtir la confiance de manière à ce que les enfants puissent
demander une assistance quand ils en ont besoin. Il convient de reconnaître que les enfants
craignent souvent de perdre toute influence sur des situations déjà très difficiles, en raison
d’un paternalisme déplacé s’ils demandent de l’aide. Les autorités doivent aussi faire
davantage d’efforts pour faire en sorte que les personnes vulnérables comme celles qui sont
placées dans des foyers d’accueil et les enfants victimes de l’exploitation sexuelle, bâtissent
une ou plusieurs relations de confiance, étant donné que c’est là un thème important, exprimé
à maintes reprises par des groupes d’enfants.

Aux yeux des enfants d’Europe, la question des ressources apparaît comme un point
primordial lié aux droits fondamentaux. L’éducation et l’emploi des mineurs pâtissent du
climat économique actuel et de beaucoup de politiques gouvernementales, de même que
l’offre de services essentiels aux enfants défavorisés et handicapés. Ce contexte influence
donc la santé psychologique des enfants. Ainsi que la présente étude documentaire le résume,
la récession et les coupes budgétaires qu’elle a entraînées suscitent chez les enfants de la
préoccupation au sujet de leur famille et de leur avenir. Surtout, beaucoup de
recommandations formulées par les enfants concernent le traitement réservé aux questions
liées à leurs droits comme la formation et la sensibilisation. Ces activités doivent aussi être
financées. On ne peut nier en effet que la formation par exemple en vue d’aider les enfants à
participer ; et la sensibilisation à des problèmes comme la discrimination à l’encontre des

388
Voir par ex. : Kilkelly, supra note 4.

62
enfants ; auront un effet bénéfique dans tous les domaines liés aux droits des enfants en
Europe.

63

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