Stimulants Organisationnels Et RH de l'Intrapreneuriat

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STIMULANTS ORGANISATIONNELS ET RH DE L'INTRAPRENEURIAT

Analyse des enjeux en petites et moyennes entreprises

Olivier Lisein, Fabrice de Zanet

Lavoisier | « Revue française de gestion »

2013/4 N° 233 | pages 141 à 160


ISSN 0338-4551
DOI 10.3166/RFG.233.141-160
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2013-4-page-141.htm
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DOSSIER
OLIVIER LISEIN
FABRICE DE ZANET
HEC-École de gestion ULg (Belgique)

Stimulants
organisationnels et
RH de l’intrapreneuriat
Analyse des enjeux en petites
et moyennes entreprises
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Alors que l’intrapreneuriat est reconnu être un puissant vecteur
d’innovation stratégique pour les entreprises capables de s’en
saisir, les facteurs susceptibles de stimuler des comportements
intrapreneuriaux de la part des membres du personnel restent
encore relativement méconnus à l’heure actuelle, a fortiori en
petites et moyennes entreprises. C’est dans cette perspective
que s’inscrit notre réflexion1. S’appuyant sur les résultats
d’une étude empirique menée au sein de 12 PME, notre
contribution questionne l’influence de trois facteurs a priori
fondamentaux dans le développement de l’intrapreneuriat :
les choix organisationnels posés par la direction de l’entreprise,
le rôle joué par l’encadrement hiérarchique et les pratiques de
gestion des ressources humaines mises en place.

DOI:10.3166/RFG.233.141-160 © 2013 Lavoisier

1. Les auteurs remercient François Pichault (HEC-École de gestion de l’Université de Liège/ESCP Europe, Paris)
pour sa relecture avisée et ses suggestions d’améliorations sur une première version de leur article. Ils remercient
également les évaluateurs anonymes ainsi que les coordinateurs de ce numéro thématique pour leurs commentaires
et leurs pistes de réflexion qui ont permis d’affiner leur propos.
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éfini dans sa conception la plus Legrain, 2004). Ainsi, peu de recherches
large comme le fait d’« entre- semblent étudier et valider empiriquement
prendre au sein d’une société » la façon dont les structures de petite taille
(Pinchot, 1985) ou encore comme « la mise mobilisent l’intrapreneuriat dans leurs acti-
en œuvre d’une innovation par un employé, vités, les dispositifs que les PME mettent
un groupe d’employés ou tout individu concrètement en œuvre pour stimuler la
travaillant sous le contrôle de l’entreprise » prise d’initiatives de leur personnel ainsi
(Carrier, 1996), l’intrapreneuriat apparaît que les effets que cela engendre en termes
aujourd’hui constituer un puissant vecteur d’implication effective des travailleurs à la
d’innovation stratégique pour les entre- vie de leur entreprise et au développement
prises capables de s’en saisir. Cette nouvelle d’innovations potentielles.
approche de l’innovation organisationnelle, C’est dans cette perspective que s’insère
mobilisant les idées, compétences et capa- notre contribution. S’appuyant sur une
cités créatives des membres du personnel, démarche approfondie de collecte de don-
est supposée aider les entreprises à entrer nées quantitatives menée auprès de diri-
dans des logiques d’innovation plus pronon- geants, de managers et de salariés issus
cées, impératif rendu nécessaire notamment de douze PME actives dans des secteurs
par les nombreuses pressions auxquelles les d’activités contrastés, nous cherchons à
entreprises font désormais face. cerner de façon plus précise les approches
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Initialement et principalement étudié dans de l’intrapreneuriat privilégiées au sein
les grands groupes – notamment caracté- des firmes de petite taille. En particulier,
risés par la présence de puissants départe- nous nous intéressons aux éléments de
ments de R&D et de marketing chargés des contexte interne propres à ces entreprises
politiques d’innovation –, l’intrapreneuriat qui sont susceptibles d’y favoriser l’intra-
n’en constitue pas moins une approche preneuriat ainsi qu’aux dispositifs qui y
pertinente et une source de valeur ajoutée sont mis en œuvre pour stimuler l’esprit
pour tous les types d’organisations. Carrier créatif des membres du personnel. Nous
(1991, 1994, 1996), Zahra et al. (2000) centrons principalement notre réflexion sur
et Messeghem (2003) arguent ainsi expli- trois facteurs : 1) les choix organisationnels
citement de l’intérêt pour les petites et posés par la direction de l’entreprise, devant
moyennes entreprises de compter aussi en conférer un environnement de travail et une
leur sein des intrapreneurs et de faire appel autonomie propices à la prise d’initiatives
aux idées innovantes de leurs salariés pour et à l’émergence d’innovations ; 2) le rôle
assurer leur développement stratégique, joué par l’encadrement hiérarchique pour
prenant en la matière le contre-pied de supporter et encourager les intrapreneurs
certains auteurs qui estiment que l’intrapre- dans le développement de leurs projets ;
neuriat est avant tout l’apanage des firmes 3) les pratiques de gestion des ressources
de grande taille (Champagne et Carrier, humaines mises en place pour détecter,
2004). Le développement de l’intrapreneu- développer et stimuler les compétences
riat en contexte PME n’en demeure pas intrapreneuriales.
moins un champ de recherche peu exploré Nous structurons notre réflexion comme
à l’heure actuelle (Carrier, 2002 ; Basso et suit. Après un rappel des principaux enjeux
Stimulants organisationnels et RH de l’intrapreneuriat 143

de l’intrapreneuriat, nous questionnons neuriales des salariés – et plus encore ceux


le rôle joué par différents éléments de qui disposent d’un réel esprit créatif et d’un
contexte et dispositifs organisationnels sens inné de l’innovation – sont sollicitées
dans la volonté des membres du personnel et mises à contribution par les organisations
d’intraprendre. Propos qui nous amènent pour les aider à atteindre leurs objectifs, à
à formuler les hypothèses de recherche développer de nouveaux business ou encore
qui constituent la base de notre étude à optimiser leur mode de fonctionnement
empirique. Nous en présentons et discu- interne2.
tons ensuite les principaux résultats – dont Si de telles conceptions et motivations de
plusieurs enseignements a priori contre- l’intrapreneuriat sont largement partagées
intuitifs – avant de dégager les principales dans la littérature, les formes effectives
conclusions qui ressortent de notre étude. qu’il est susceptible de prendre font quant
à elles davantage débat. Les travaux ini-
I – L’INTRAPRENEURIAT, tiaux de Carrier (1991, 1994, 1996) font
UN CONCEPT POLYSÉMIQUE ainsi remarquer le manque de précision
Sans développer ici l’ensemble des nuances du concept et de ses frontières. Constats
conceptuelles liées au caractère polysémique que prolongent aujourd’hui encore Allali
de la notion d’intrapreneuriat (Antoncic (2005), Carrier (2008), Bouchard (2009),
et Hisrich, 2003 ; Basso, 2004 ; Carrier, Basso et al. (2009) ainsi que Ireland et al.
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2008 ; Ireland et al., 2009) et aux différents (2009) qui tous reconnaissent la diversité
vocables utilisés dans la littérature pour car- des approches et des formes de concré-
actériser cette forme d’entrepreneuriat sala- tisation qui se cachent derrière la notion
rié, il convient de rappeler les principaux d’intrapreneuriat et de sa philosophie géné-
enjeux de la mise en œuvre d’une démarche rale. L’hétérogénéité des « types d’intra-
intrapreneuriale au sein des organisations. preneuriat » peut à notre sens aisément
Un consensus émerge d’ailleurs de façon se résumer autour de deux distinctions
évidente à ce sujet dans les écrits spéciali- dichotomiques complémentaires, que l’on
sés : l’intrapreneuriat consiste à faire appel retrouve de façon récurrente dans les débats
aux idées innovantes et à mobiliser les sur ce que recouvre exactement le concept
capacités créatrices des membres du per- d’intrapreneuriat et dans les tentatives de
sonnel dans une triple finalité – fortement classification qui en découlent. La première
interreliée – d’innovation stratégique, de discute l’opposition entre intrapreneuriat
développement des activités et de renforce- individuel et intrapreneuriat collectif. La
ment de la compétitivité concurrentielle seconde aborde le côté spontané et émer-
(Pinchot, 1985 ; Basso et Legrain, 2004 ; geant de l’intrapreneuriat versus son carac-
Covin et Miles, 2007 ; Bouchard, 2009). En tère davantage organisé et impulsé par le
d’autres termes, les compétences entrepre- management.

2. Les idées d’innovation émanant des membres du personnel sont par essence multiples et fortement hétérogènes.
Elles sont susceptibles de se matérialiser au travers de différentes formes : la régénération de produits existants,
le développement de nouveaux produits/services, la pénétration de nouveaux marchés, le recours à de nouvelles
techniques ou encore le reenginnering de processus de travail et l’instauration de nouveaux modèles d’organisation
sont autant de résultats potentiels de démarches intrapreneuriales réussies.
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Ainsi, une première conception de l’in- (Brugelman, 1983), d’autres considèrent


trapreneuriat assimile celui-ci essentielle- que l’intrapreneuriat peut également résul-
ment à l’initiative personnelle de salariés ter d’une stratégie délibérée, souhaitée et
qui détectent des opportunités d’innovation, impulsée par le management (Kuratko et
font preuve de proactivité en la matière, al., 1993). Dans cette conception4, l’organi-
supportent une certaine prise de risque pour sation cherche à induire des comportements
tenter de concrétiser leurs idées et dévelop- intrapreneuriaux chez ses salariés, en créant
pent sur cette base des projets (in)novateurs les conditions favorables à l’émergence
au profit de l’organisation qui les emploie. – d’idées – d’innovations de la part des
Cette vision de l’« inventeur isolé » membres du personnel et/ou en mettant
(Burgelman, 1983), particulièrement créatif, en place des dispositifs concrets voués à
est toutefois critiquée par certains auteurs encourager et à soutenir les activités intra-
(Amabile et Khaire, 2008), qui conçoivent preneuriales (Bouchard et al., 2010). Cette
l’intrapreneuriat davantage sous une optique distinction n’est d’ailleurs pas sans mettre
collective et multidisciplinaire, reposant sur en exergue le paradoxe qui prévaut autour
l’échange de savoirs et le partage d’expé- de la notion d’intrapreneuriat, mélange à la
riences entre acteurs aux profils complé- fois d’autonomie et de liberté ainsi que de
mentaires. L’intrapreneur est alors avant tout structuration et d’organisation (Thornberry,
considéré dans cette conception comme un 2001 ; Birkinshaw, 2003). Antagonisme
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« porteur de projet » et un « entrepreneur conceptuel que l’on est par ailleurs claire-
relationnel » (Brechet et al., 2009), dont le ment susceptible de retrouver dans les faits,
rôle est essentiellement de réunir différents suivant que les organisations laissent une
métiers, de concilier les compétences, de
liberté d’action plus ou moins prononcée
combiner les expertises et de construire
aux intrapreneurs ou qu’elles cadrent au
une réelle dynamique de collaboration entre
contraire les initiatives de ces derniers au
acteurs autour des projets d’innovation qu’il
travers de dispositifs incitatifs et de choix
pilote pour le compte de son employeur3.
structurels visant à orienter leurs dyna-
La seconde distinction questionne le carac-
miques de création (Basso, 2006 ; Covin et
tère spontané ou organisé de l’intrapreneu-
Miles, 2007 ; Bouchard, 2009).
riat (Bouchard, 2009). Là où les partisans de
la vision spontanée partent du principe que
le concept d’intrapreneuriat reflète avant II – FACTEURS INTERNES
STIMULANT L’INTRAPRENEURIAT
tout des initiatives d’innovation émanant
des employés, initiées de façon autonome C’est dans cette dernière perspective anta-
et gérées dans une dynamique bottom-up goniste que s’inscrit la suite de notre pro-

3. Notons que cette distinction entre les visions individuelle et collective de l’intrapreneuriat n’est pas nécessaire-
ment exclusive. Des retours d’expériences montrent en effet qu’une évolution temporelle a bien souvent lieu (Lisein
et Degré, 2011) : si des idées d’innovations sont généralement initiées de façon individuelle par des salariés dotés
d’une certaine personnalité intrapreneuriale, elles sont ensuite habituellement développées et concrétisées via un
travail collaboratif mobilisant un réseau de personnes aux compétences complémentaires.
4. Certains auteurs proposent de plutôt privilégier les vocables de corporate entrepreneurship (Ireland et al., 2009)
et d’entrepreneuriat organisationnel (Basso et Fayolle, 2009) pour différencier cette vision de l’intrapreneuriat
impulsée par le management de celle axée sur les initiatives spontanées des membres du personnel.
Stimulants organisationnels et RH de l’intrapreneuriat 145

pos. Sans chercher ici à détailler l’ensemble tion du travail permettant aux intrapreneurs
des facteurs incitatifs5 de l’intrapreneuriat, d’exprimer leur idées, un encadrement hié-
nous questionnons les éléments à même rarchique apte à soutenir le potentiel intra-
de créer un environnement favorable à preneurial du personnel et des pratiques de
l’émergence de comportements intrapre- gestion des ressources humaines elles aussi
neuriaux chez les membres du personnel, développées en ce sens.
en centrant principalement notre propos sur
1. Un mode d’organisation
des variables internes aux organisations,
du travail organique
fruits de choix structurels et de décisions
managériales. S’il est bien des termes qui reviennent régu-
En la matière, privilégier une « culture lièrement lorsqu’on interroge les modes
tournée vers l’innovation » (Kuratko et al., d’organisation du travail les plus à même de
1993) constitue sans aucun doute un des favoriser l’intrapreneuriat, ce sont bien les
facteurs clés du développement de l’intra- notions de flexibilité et de souplesse organi-
preneuriat. La diffusion de valeurs6 tendant sationnelles ainsi que celles d’autonomie et
à responsabiliser les salariés ainsi qu’à les de responsabilisation des membres du per-
encourager à faire part de leurs idées et à sonnel. Ireland et al. (2006, 2009) mettent
proposer des pistes de solutions par rap- ainsi en exergue combien une structure de
port aux problèmes qu’ils rencontrent est type « organique » (Burns et Stalker, 1961)
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à ce titre reconnu comme étant un élément est sans doute la forme structuro-organi-
fondamental dans la stimulation de l’esprit sationnelle la plus adaptée à l’émergence
intrapreneurial des membres du person- de comportements intrapreneuriaux. En
nel. Tout en en reconnaissant l’importance, opposition totale avec la logique mécaniste
plusieurs auteurs (Martins et Terblanche, (Mintzberg, 1982), faite de règles et de
2003 ; McLean, 2005) soulignent toutefois procédures strictes à respecter, la structure
la nécessité de dépasser ce seul déterminant organique se caractérise entre autres par un
culturel7, par essence intangible et foncière- faible degré de formalisation, un processus
ment subjectif, arguant que c’est l’ensemble de décision largement décentralisé, un pou-
du « design organisationnel » – au sens de voir basé sur l’expertise plutôt que sur la
Allali (2005) – qui jouent un rôle clé dans position hiérarchique, une certaine flexibi-
l’encouragement des salariés à innover. En lité des processus ainsi qu’une libre circula-
particulier, trois facteurs apparaissent cru- tion de l’information (Ireland et al., 2009).
ciaux en la matière : un mode d’organisa- L’organisation du travail décentralisée et

5. L’analyse transversale des principales études menées sur le sujet permet de regrouper les facteurs favorisant l’in-
trapreneuriat en trois catégories : les caractéristiques intrinsèques aux individus, les éléments liés à l’environnement
externe de l’organisation, les variables internes à l’organisation. C’est sur cette dernière catégorie que nous centrons
notre réflexion, renvoyant le lecteur vers les travaux dédiés pour ce qui concerne l’influence des facteurs exogènes
et des caractéristiques propres aux individus.
6. Parmi ces valeurs, promouvoir le goût du challenge, encourager la recherche d’opportunités innovantes, valoriser
la prise de risque et tolérer les échecs constituent autant de socles indispensables à l’engagement des membres du
personnel dans des pratiques intrapreneuriales (Ireland et al., 2006).
7. L’influence de la culture organisationnelle sur la stimulation des comportements intrapreneuriaux ayant déjà été
validée empiriquement par de nombreuses recherches, nous n’étudions pas cet aspect dans la suite de notre réflexion.
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le peu de règles à respecter au quotidien et une volonté de contrôle trop prononcés


font de cet environnement « informel » un peuvent eux aussi s’avérer contre-produc-
contexte favorable aux prises d’initiatives : tifs, les salariés pouvant percevoir dans
l’autonomie dont y bénéficient les membres cette « autonomie relative » – ou dans
du personnel favorise l’émergence d’idées cette absence d’autonomie – un manque de
et l’expérimentation de solutions inno- confiance de la part de leur management
vantes, à même de se traduire par la suite et un frein à l’expression de leurs idées
en innovations concrètes. innovantes.
Tel est également le sens des propos de Hypothèse 1. L’autonomie des membres du
Allali (2005), qui estime que les organisa- personnel, caractéristique d’un mode de tra-
tions ayant un design organique sont plus vail organique, favorise l’intrapreneuriat.
enclines à innover que celles qui adop-
tent un design davantage mécaniste. Cette 2. Un support adapté de l’encadrement
hiérarchique
forme d’organisation souple et flexible,
ainsi que le degré d’autonomie des acteurs Si la littérature considère qu’un mana-
qui y prévaut, permet aux personnalités gement hiérarchique trop contrôleur tend
intrapreneuriales de « libérer leur créa- généralement à inhiber les prises d’ini-
tivité » et de « faire la différence » par tiatives des membres du personnel, elle
leur comportement entreprenant et leurs propose également différentes pistes per-
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idées innovantes. Bouchard et al. (2010, mettant d’exercer un leadership de qualité,
p. 12) confirment cette tendance, arguant tourné vers la motivation et l’encourage-
que « l’autonomie de l’intrapreneur est son ment de l’esprit intrapreneurial des salariés.
plus puissant moyen d’action » et constitue Birkinshaw (2003) souligne ainsi l’impor-
à ce titre une dimension critique de toute tance du style de gestion et du soutien de la
velléité intrapreneuriale. hiérarchie dans le développement de projets
La concrétisation de projets d’innovation innovants. Ireland et al. (2009) insistent à
requiert en effet de pouvoir se distancier cet égard sur le rôle crucial du top mana-
d’une certaine formalisation qui pourrait gement et des managers de proximité dans
prévaloir en matière d’organisation du tra- la diffusion d’un esprit pro-intrapreneurial
vail. Des règles strictes et des procédures et dans l’encouragement du personnel à
rigoureuses sont reconnues comme contre- se montrer innovant. Davantage que la
productives en matière d’innovation : elles diffusion d’une culture tournée vers l’inno-
laissent peu de place à la créativité et vation, c’est une double mission de soutien
tendent à détourner les salariés de toute actif et de support effectif au développe-
prise d’initiatives. Hayton (2005) insiste ment de l’intrapreneuriat qui est demandé à
d’ailleurs à cet égard sur l’importance l’encadrement hiérarchique.
d’éviter les contraintes inutiles qui pour- Ce double rôle de support et de soutien
raient peser sur les membres du personnel passe notamment par l’encouragement des
si on entend favoriser le développement employés à faire part de leurs idées, à inno-
de l’intrapreneuriat. Il en va de même pour ver et à « sortir des sentiers battus » quand
le rôle que revêt en la matière l’encadre- cela est nécessaire, mais aussi par la mise
ment hiérarchique : un interventionnisme à disposition des salariés des ressources
Stimulants organisationnels et RH de l’intrapreneuriat 147

nécessaires – financières, techniques, confère un rôle important à l’encadrement


humaines, etc. – à la concrétisation de leurs hiérarchique, à la fois d’appui, de soutien
projets innovants (Ireland et al., 2009). et de stimulation des membres du personnel
L’encouragement de l’intrapreneuriat passe créatifs, mais aussi de garant de la bonne
aussi par la délégation d’un certain pouvoir utilisation des ressources et de responsable
décisionnel aux porteurs de projets inno- de la cohérence stratégique des innovations
vants, par la « mise en réseau » de bonnes entreprises.
idées et la stimulation de collaborations Hypothèse 2. Un soutien adapté de l’en-
« interprojets » ainsi que par la responsa- cadrement hiérarchique – tourné vers l’en-
bilisation des intrapreneurs par rapport aux couragement et la responsabilisation des
actions qu’ils entreprennent. Ce soutien des membres du personnel ainsi que vers le
employés dans leur démarche d’innovation support aux projets à potentiels – favorise
repose également sur l’établissement d’une l’intrapreneuriat.
relation de confiance avec l’encadrement
hiérarchique (De Zanet, 2010), a fortiori en 3. Des politiques de gestion
des ressources humaines
PME où l’interdépendance entre individus
individualisantes et stimulantes
semble plus forte.
L’autonomie et la liberté d’action données Enfin, au-delà des influences pressenties
aux employés qui s’investissent dans des des modes d’organisation du travail et de
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projets d’innovation sont toutefois à contre- l’encadrement hiérarchique, les politiques
balancer par une responsabilisation accrue de gestion des ressources humaines mises
et par l’acceptation d’un suivi des déve- en place semblent elles aussi jouer un rôle
loppements entrepris. Car si l’encadrement moteur dans la stimulation des employés
hiérarchique joue un rôle de « sponsor » à intraprendre. Le développement d’ini-
des initiatives intrapreneuriales, par leur tiatives intrapreneuriales apparaît en effet
appui et leur délégation de ressources aux largement encouragé dans les environne-
porteurs de projets innovants, il exerce ments où existent des dispositifs de GRH
également une double mission d’évalua- favorisant et reconnaissant la prise d’initia-
tion et de sélection des idées d’innova- tives. Cette tendance est notamment mise
tions des membres du personnel (Ren et en exergue par Ireland et al. (2006), qui
Guo, 2011). C’est en effet au management soulignent l’importance de voir tout design
intermédiaire d’évaluer la faisabilité des organisationnel axé sur l’innovation et la
projets projetés, de cerner leur potentiel créativité accompagné de pratiques de GRH
stratégique et d’appréhender leur possible elles aussi tournées en ce sens, notamment
contribution au développement de l’entre- en termes de recrutement, de formation
prise. Évaluation qui doit ensuite conduire et de développement des compétences, de
les managers à sélectionner les projets gestion par objectifs, d’évaluation, de créa-
à prioriser, sur lesquels investir les res- tion d’équipes, d’encadrement, de recon-
sources nécessaires et apporter le soutien naissances et de récompenses.
requis à leur concrétisation effective. Cette Les organisations soucieuses de voir des
dynamique de détection des opportunités initiatives de type intrapreneuriales se déve-
et de sélection des « projets à potentiels » lopper en leur sein ont ainsi tout intérêt à
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intégrer cette aspiration dans leur processus tent dans la littérature : les récompenses
de recrutement/sélection : à côté des com- financières et les marques officielles de
pétences que le contenu même du travail reconnaissances non financières, davantage
nécessite, des critères de créativité, d’auto- symboliques, telles que des awards, des tro-
nomie, de confiance en soi, de prise d’ini- phées ou des actions de médiatisation des
tiatives, de flexibilité, de non-aversion au initiatives menées à bien (Pinchot, 1985 ;
risque et de gestion de projets constituent Ireland et al., 2006). Là où certains consi-
autant de dimensions complémentaires sur dèrent les récompenses financières subs-
base desquelles les « profils souhaités » tantielles comme un facteur de motivation
seront recherchés et engagés (Morris et pour les intrapreneurs, d’autres estiment
Jones, 1993). Ces « attitudes intrapreneu- que l’important pour ces derniers est avant
riales » peuvent également être travaillées tout d’exprimer leur potentiel et de « se
par le biais de formations dédiées, notam- réaliser », tout en étant reconnus pour leurs
ment axées sur la responsabilisation, sur la actions s’il y a lieu d’être. Si le débat n’est
détection d’opportunités d’innovation, sur pas tranché, un consensus émerge toutefois
la prise de risque ou encore sur les moyens sur l’importance des marques de reconnais-
de trouver des ressources – internes ou sance, qu’elles soient financières ou non :
externes – pour le développement d’idées ces récompenses – qui doivent idéalement
innovantes. À ce titre, Morris et Jones concerner autant l’individu que le groupe,
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(1993) mettent en exergue le fait que des dans le but d’encourager les comporte-
formations centrées sur l’individu, axées ments coopératifs – sont nécessaires pour
sur l’acquisition de nouvelles compétences compenser la prise de risque consentie
et orientées vers le développement de car- et la persistance requise pour concréti-
rière constituent une pratique susceptible de ser un projet innovant (Bouchard, 2009).
stimuler l’intrapreneuriat. Marvel et al. (2007) soulignent eux aussi
La question de la récompense des membres cette importance : les récompenses donnent
du personnel qui s’investissent dans la l’impression aux personnes valorisées de
concrétisation de projets innovants fait « se différencier des autres » et de pou-
quant à elle davantage débat. S’ils consti- voir réaliser des projets qui n’auraient pas
tuent une marque de reconnaissance de la nécessairement été menés à bien sans elles.
part de l’organisation envers les personnes Les évolutions récentes de la littérature sur
qui s’engagent pleinement dans leur travail le sujet suggèrent d’ailleurs de faire de la
et dans la structure qui les emploie ainsi réussite d’initiatives intrapreneuriales un
qu’un signal explicite quant à l’opportu- élément clé de la politique d’évaluation des
nité de poursuivre un projet intrapreneurial membres du personnel, en vue de recon-
(Bouchard, 2009), la nature que doit idéa- naître les mérites et les compétences des
lement revêtir ces « incentives » apparaît salariés ainsi que de souligner formellement
plus controversée. Deux options coexis- les performances qui ont été atteintes8.

8. Une telle approche pourrait d’ailleurs être considérée comme un outil potentiel de rétention du personnel : les
récompenses et les marques de reconnaissance s’avèrent à ce titre très importantes, voire cruciales pour fidéliser le
personnel et retenir les potentiels intrapreneuriaux au sein de l’organisation.
Stimulants organisationnels et RH de l’intrapreneuriat 149

Ces considérations ne sont pas sans faire effet positif sur la stimulation de compor-
référence au modèle individualisant proposé tements intrapreneuriaux, ses retombées
par Pichault et Nizet (2000). Ce modèle se ne seront pour autant effectives que si les
centre sur la notion de compétences, les- pratiques mises en place sont empreintes et
quelles deviennent le point central des pra- intègrent les prérequis de l’intrapreneuriat.
tiques de GRH mises en place, notamment Hypothèse 3. Des pratiques de gestion
en matière de recrutement et de sélection, des ressources humaines individualisantes
d’évaluation, de promotion, de rémunéra- tournées vers la prise d’initiatives et la
tion et de formation. Partant en outre du stimulation de l’innovation – notamment en
principe que les salariés sont maîtres de termes de compétences, de formations, de
leur développement personnel et de leur responsabilisations et de reconnaissances
itinéraire de carrière, ce modèle fait la part des mérites – favorisent l’intrapreneuriat.
belle aux techniques de management par
objectifs : responsabilisés, compétents, les III – RECHERCHE EMPIRIQUE
salariés bénéficient d’une certaine liberté EN PME
pour mener à bien leurs tâches et atteindre
leurs objectifs. Ils sont en outre incités à Si ces différentes hypothèses sur les sti-
« se dépasser » à travers des politiques mulants de la créativité intrapreneuriale
d’évaluation, de promotion et de rémuné- ont déjà fait l’objet de plusieurs travaux
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ration qui reconnaissent leurs mérites et de recherche en grandes entreprises – pour
récompensent ceux qui s’investissent dans lesquelles des validations empiriques à
leur travail et dans le développement du grande échelle restent néanmoins encore
business. Si de telles pratiques sont pres- attendues et souhaitées par la communauté
senties comme un élément moteur du déve- scientifique –, elles restent au contraire peu
loppement de l’intrapreneuriat, elles le sont étudiées en contexte de petites et moyennes
a priori encore plus si les critères à la base entreprises (Zahra et al., 2000 ; Carrier,
des politiques mises en place font explicite- 1994, 2002 ; Basso et Legrain, 2004). Ce
ment référence aux compétences intrapre- manquement apparaît d’autant plus consé-
neuriales des membres du personnel et aux quent que bon nombre de PME sont consi-
investissements que ceux-ci consentent en dérées par beaucoup de spécialistes comme
matière de génération d’idées innovantes et de véritables « laboratoires d’innovations »,
de participation au développement de nou- souvent à la pointe du progrès dans des
veaux produits/services. Comme le sous- domaines d’activités très spécialisés, et
entendent en effet nos propos précédents, comme les moteurs de la croissance écono-
un centrage des principales pratiques de mique, au vu notamment du poids que les
GRH sur les compétences et les compor- petites et moyennes entreprises pèsent dans
tements attendus de « profils intrapreneu- toute économie nationale et du nombre total
riaux » devrait contribuer à stimuler la de salariés qu’elles emploient. En outre, au
prise d’initiatives des salariés. En d’autres vu de leur taille limitée, de leur souplesse
termes, il nous apparaît que si une politique et de leur flexibilité organisationnelles ainsi
de GRH individualisante a sans doute un que du besoin constant en innovations qui
150 Revue française de gestion – N° 233/2013

MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE

Nous avons mené une étude quantitative au sein de 12 PME (3 TP et PE employant de 3 à


8 collaborateurs et 9 PME comptant de 25 à 137 employés) de secteurs d’activités contrastés
et marqués par un important besoin en innovations : architecture, électronique, énergie, géo-
technique, informatique et logiciels, publicité, services aux entreprises, etc.
La collecte des données a été réalisée via un questionnaire électronique envoyé aux salariés.
Au total, 311 employés ont été invités à répondre à ce questionnaire. Les réponses des sala-
riés ont été croisées via un questionnaire envoyé à leurs supérieurs hiérarchiques directs. Au
total, 64 supérieurs hiérarchiques ont été invités à répondre à un questionnaire portant sur
leurs subordonnés. Même si les données peuvent être caractérisées de déclaratives, collecter
les données relatives à nos hypothèses de recherche auprès des sources permet de réduire le
biais de méthode commune. Au final, après mise en correspondance des réponses des sala-
riés et des supérieurs hiérarchiques, nous avons obtenu 128 paires subordonnées-supérieurs
valides, soit un taux de réponse de 41,2 %. Les hommes et les femmes représentent respecti-
vement 64,1 % et 35,9 % des répondants de notre échantillon final. En moyenne, les répon-
dants sont âgés de 39,5 ans (écart type de 9,8 ans) et travaillent pour leur entreprise depuis
11 ans (écart type de 10,2 années). La majorité d’entre eux (85,2 %) travaillent à temps plein
pour leur entreprise. 96,9 % des répondants bénéficient d’un CDI. Enfin, 76,6 % possèdent
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un diplôme de l’enseignement supérieur (universitaire ou non) et 21,1 % un diplôme de
l’enseignement secondaire.
Échelles de mesure. Les questionnaires ont été élaborés à partir de différentes échelles de
mesure complémentaires. L’intrapreneuriat ayant jusqu’à présent peu fait l’objet d’études
quantitatives, nous avons appréhendé celui-ci à partir de différents indices ayant trait à la
créativité des membres du personnel, à leur implication dans des projets innovants, à l’émer-
gence d’idées innovantes au sein des entreprises étudiées et à la mise en œuvre d’innovations
par les salariés, en lien avec les définitions théoriques du concept d’intrapreneuriat et de ses
stimulants potentiels déjà évoqués. En particulier, le mode de travail organique a été capturé
via l’autonomie perçue par les salariés dans leurs tâches. Nous avons utilisé pour ce faire
les 3 items de la dimension « auto-détermination » de l’échelle d’habilitation psychologique
de Spreitzer (1995), l’auto-détermination étant ici vue comme la perception d’un individu
d’avoir le choix d’initier et de réguler des actions dans le cadre professionnel. La valorisation
perçue de la créativité et de l’innovation par la hiérarchie a été mesurée via 6 items propo-
sés par Farmer et al. (2003). Ces indicateurs ont permis de capturer dans quelle mesure les
salariés considèrent que le management valorise la créativité et, de ce fait, les encourage
à entreprendre des projets innovants. Les caractères individualisant et intrapreneurial des
pratiques de GRH ont chacun été mesurés via 3 items créés à partir des classifications et des
caractérisations qu’en donnent Pichault et Nizet (2000). Enfin, la créativité et l’innovation
des salariés ont été mesurées auprès de leur supérieur hiérarchique via les 5 items proposés
par Alge et al. (2006). Pour l’ensemble de ces variables, les répondants étaient invités à se
positionner par rapport à chacune de ces affirmations à l’aide d’une échelle d’accord de type
Stimulants organisationnels et RH de l’intrapreneuriat 151

Likert à 5 points, allant de 1 (pas du tout d’accord) à 5 (tout à fait d’accord). La fiabilité de
notre questionnaire et de notre modèle de mesure a été vérifiée grâce à une analyse factorielle
confirmatoire, comme le prévoient les pratiques usuelles en matière de recherche quantita-
tive (voir tableau 1).

Tableau 1 – Moyennes, déviations standard et corrélations pour les variables mesurées

Variables M ET 1 2 3 4 5 6 7 8

1. Genre 1,36 0,48

2. Âge 39,49 9,77 -0,20*

3. Ancienneté au sein de
10,99 10,19 -0,05 0,72***
l’organisation

4. Autonomie 3,98 0,75 0,17 -0,03 0,05 (0,89)

5. Soutien hiérarchique et
valorisation perçue de la 3,53 0,82 -0,04 0,01 -0,06 0,27** (0,94)
créativité et de l’innovation
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6. GRH individualisante 2,89 0,91 -0,27** 0,05 -0,03 0,18* 0,37*** (0,66)

7. GRH intrapreneuriale 2,10 0,76 -0,14 0,00 -0,05 0,16 0,38*** 0,44*** (0,73)

8. Créativité et innovation 3,65 0,74 -0,24** -0,01 -0,05 -0,06 0,21* 0,24** 0,04 (0,87)

Note : le coefficient a de Cronbach est indiqué entre parenthèses sur la diagonale.


* p < 0,05 ; ** p < 0,01 ; *** p < 0,001.

tendent généralement à les caractériser, Ainsi, contrairement à ce que laissait sup-


les PME apparaissent constituer des lieux poser notre première hypothèse, il apparaît
propices à l’émergence d’initiatives intra- que l’autonomie des salariés ne prédit pas
preneuriales. Autant d’éléments qui nous de façon significative leur créativité et leur
ont conduits à tester les hypothèses sus- développement de projets innovants. Les
mentionnées en contexte PME, afin de voir résultats statistiques soutiennent par contre
notamment si les tendances en matière d’in- notre deuxième hypothèse de recherche : la
trapreneuriat que l’on retrouve a priori dans perception qu’ont les salariés du soutien de
les grands groupes se vérifient aussi dans leur management et de la valorisation de
les petites et moyennes entreprises. l’innovation par leur entreprise s’avère un
Les tests de nos hypothèses de recherche, prédicteur significatif de leur créativité et
menés par régression linéaire (voir les de l’émergence d’idées innovantes. Enfin,
résultats tableau 1), offrent différents résul- conformément à notre troisième hypothèse,
tats intéressants. nous avons examiné dans quelle mesure les
152 Revue française de gestion – N° 233/2013

Tableau 2 – Résultats de la régression linéaire hiérarchique

Bloc Variables indépendantes Créativité

Entreprise -0,15
Genre -0,26**
Bloc 1
Âge -0,04
Ancienneté organisation 0,01
D R2 0,08*
Entreprise -0,15
Genre -0,26**
Bloc 2 Âge -0,04
Ancienneté organisation 0,01
Autonomie -0,00
D R2 0,00
Entreprise -0,07
Genre -0,24**
Âge -0,06
Bloc 3
Ancienneté organisation 0,02
Autonomie -0,07
Soutien hiérarchique 0,20*
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D R2 0,03*
Entreprise -0,13
Genre -0,21*
Âge -0,07
Ancienneté organisation 0,03
Bloc 4
Autonomie -0,07
Soutien hiérarchique 0,16
GRH individualisante 0,22*
GRH intrapreneuriale -0,15
D R2 0,04
Entreprise -0,17
Genre -0,20*
Âge -0,12
Ancienneté organisation 0,08
Bloc 5 Autonomie 0,00
Soutien hiérarchique 0,18
GRH individualisante 0,26**
GRH intrapreneuriale -0,18
Effet d’interaction 0,33***
D R2 0,09***
Total R2 0,18***
F(9,118) = 4,17
p < 0,01
* p < 0,05 ; ** p < 0,01 ; *** p < 0,001.
Stimulants organisationnels et RH de l’intrapreneuriat 153

caractères individualisant et intrapreneurial IV – DISCUSSION : COMMENT


des pratiques de gestion des ressources STIMULER L’INTRAPRENEURIAT
humaines interagissaient dans la prédic- EN PME ?
tion de la créativité des salariés et de la Ces différents résultats permettent de mieux
mise en œuvre d’innovations. Les résultats cerner la réalité des facteurs de stimulation
confirment que cet effet d’interaction est de l’intrapreneuriat en contexte PME. Il
significatif : nos résultats soutiennent ainsi apparaît en outre que certains de ces résul-
l’idée selon laquelle l’effet des pratiques tats s’avèrent contre-intuitifs et viennent
de GRH individualisantes dépend des ini- nuancer, voire infirmer les hypothèses que
tiatives de GRH à finalité intrapreneuriale. nous formulions initialement à partir de la
Les tests post-hoc (voir figure 1) montrent littérature spécialisée sur le sujet.
que les pratiques de GRH individualisantes
n’influencent positivement la créativité et 1. Une autonomie organisationnelle pas
l’implication des salariés dans des projets source d’intrapreneuriat en tant que telle
innovants qu’en présence de pratiques de Ainsi, alors que plusieurs écrits récents
GRH spécifiquement mises en place à cette supposent qu’une certaine autonomie et
fin. une liberté d’actions des salariés dans la
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Figure 1 – Analyse de l’effet des pratiques de GRH individualisantes
sur la créativité et l’implication des salariés dans des projets innovants
en fonction des pratiques de GRH intrapreneuriales

Source : graphique réalisé sur la base de la procédure décrite par Aiken L.S. et West S.G. (1991).
154 Revue française de gestion – N° 233/2013

réalisation de leur travail sont nécessaires à des initiatives entreprises, sur la sélection
l’émergence d’initiatives intrapreneuriales, de projets à « haut potentiel », sur l’en-
nos résultats empiriques ne permettent pas couragement des membres du personnel
de confirmer cette tendance. Ils montrent à poursuivre leurs idées ou encore sur la
en outre que des caractéristiques organisa- mise en réseau des membres du personnel
tionnelles a priori adaptées sont loin d’être actifs dans des projets innovants avec des
suffisantes pour motiver la créativité des personnes ressources ad hoc, constitue une
membres du personnel et stimuler le déve- piste à explorer pour les dirigeants de PME
loppement de projets innovants. En d’autres désireux de stimuler l’intrapreneuriat, tout
termes, ce n’est pas parce que les salariés en structurant le développement stratégique
sont autonomes qu’ils vont nécessairement de leur entreprise.
entrer dans des logiques de travail tournées Sans qu’ils ne soient nécessairement
vers la recherche d’innovations et la pro- contraires aux impératifs d’autonomie que
position de pistes d’amélioration pour les tendent généralement à revendiquer les
activités de leur employeur. intrapreneurs dans la gestion de leurs pro-
Bon nombre d’entreprises l’ont d’ailleurs jets innovants, ces dispositifs formels per-
compris : elles mettent en place des dis- mettent de structurer les initiatives entre-
positifs organisationnels pour stimuler la prises, de guider les membres du personnel
créativité des membres du personnel et dans leurs démarches d’innovation lorsque
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les inviter à s’insérer dans des logiques cela s’avère nécessaire et de mettre à dispo-
intrapreneuriales. Parmi ceux-ci, on citera sition des projets les plus prometteurs les
notamment l’instauration de concours à ressources nécessaires à leur concrétisation
l’innovation, l’organisation de points de effective. Bouchard et al. (2010, p. 13)
rencontre thématiques sur la vie de l’en- considèrent d’ailleurs à ce titre que « la
treprise et les améliorations à y apporter, mise en place de procédures d’évaluation et
la mise en place de task forces amenées à d’accompagnement formalisées constitue
travailler sur des projets transversaux ou un signal fort en direction des intrapreneurs
encore le développement de procédures potentiels », notamment sur la volonté de
d’accompagnement des intrapreneurs par la direction de l’entreprise d’encourager les
des mentors reconnus pour leurs compé- initiatives intrapreneuriales et d’aider les
tences en gestion de projets et en mana- membres du personnel qui s’engagent dans
gement de l’innovation (Bouchard, 2009 ; cette voie.
Lisein et Degré, 2011). Si ces exemples sont
principalement issus de grands groupes, ils 2. Un rôle relatif de l’encadrement
nous semblent pouvoir être transposés rela- hiérarchique
tivement facilement en contexte PME, a Sur ce point, la question de l’influence de
fortiori dans les structures les plus souples l’encadrement hiérarchique sur l’intrapre-
où le besoin en innovations constitue un neuriat apparaît elle aussi controversée à la
défi majeur. De même, le recours à des lecture de nos résultats empiriques. Elle est
techniques de suivi constructives, orientées sujette à différentes interprétations. Ainsi,
notamment sur la bonne utilisation des res- une première analyse de notre hypothèse
sources organisationnelles, sur la cohérence de recherche confirme l’existence d’une
Stimulants organisationnels et RH de l’intrapreneuriat 155

influence positive de la perception qu’ont constituerait de plus un signal fort à l’in-


les membres du personnel du soutien effec- tention des salariés sur la volonté réelle de
tif de leur hiérarchie sur leur créativité la direction de stimuler l’intrapreneuriat et
et leur expression d’idées innovantes. En de soutenir les initiatives d’innovation éma-
d’autres termes, les membres du personnel nant des membres du personnel.
qui reconnaissent être soutenus par le mana- Ces tendances sur le rôle clé de l’encadre-
gement dans leur créativité, dans leur géné- ment hiérarchique doivent néanmoins être
ration d’idées et dans leur prise d’initiatives relativisées à la lumière des résultats plus
sont évalués comme plus créatifs et plus complets que nous offre notre recherche
innovants par leur supérieur hiérarchique. empirique. S’ils ne remettent pas en ques-
Ce double résultat statistique confirme dès tion l’influence du style de management et
lors l’importance du style de gestion et du du soutien de la hiérarchie sur le dévelop-
leadership managérial sur la créativité des pement d’initiatives intrapreneuriales, nos
membres du personnel et sur leur impli- résultats montrent toutefois que les pra-
cation dans des projets innovants, dans la tiques de gestion des ressources humaines
lignée des enseignements de la littérature ont un effet explicatif de l’intrapreneuriat
spécialisée sur le double rôle de support et plus important que le leadership de l’enca-
de soutien de l’encadrement hiérarchique au drement hiérarchique. En d’autres termes,
développement de l’intrapreneuriat. l’élargissement de la réflexion sur les sti-
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À cet égard, le rôle des dirigeants de PME mulants de l’intrapreneuriat aux enjeux
apparaît fondamental : il leur revient non des pratiques de GRH (voir ci-dessous)
seulement d’insuffler un « esprit intrapre- souligne l’importance prépondérante de ces
neurial » au sein de leur entreprise mais dernières : elles constituent un facteur plus
aussi d’encourager et de soutenir leurs puissant – ou plus direct – que le rôle de
salariés dans leurs initiatives d’innovation l’encadrement hiérarchique pour expliquer
par des comportements managériaux adé- la créativité des membres du personnel et la
quats. La souplesse structurelle des PME mise en œuvre d’innovations par les salariés
et la proximité hiérarchique qui prévaut au sein des PME.
généralement dans ce type d’entreprise 3. Une influence prépondérante
devraient d’ailleurs idéalement conduire les des pratiques de GRH
dirigeants – ou leurs collaborateurs directs Des propos précédents ressort donc l’in-
quand la taille, la structure et l’activité de fluence prépondérante des pratiques de
l’entreprise le requièrent éventuellement – à gestion des ressources humaines mises en
assurer eux-mêmes le suivi et le « spon- place par les PME pour expliquer les ini-
soring » des intrapreneurs prometteurs tiatives intrapreneuriales des membres du
dans leurs démarches et ce, aux différentes personnel. Nos résultats empiriques nous
étapes du processus d’innovation – de la invitent toutefois à mettre cette tendance
détection et l’expression d’idées innovantes en perspective. Ainsi, nos traitements sta-
à leur concrétisation effective, en passant tistiques suggèrent qu’il est impossible de
par la sélection des projets à potentiel pour comprendre pleinement les effets des pra-
l’entreprise. Ce rôle actif des dirigeants tiques de GRH individualisantes – au sens
156 Revue française de gestion – N° 233/2013

de Pichault et Nizet (2000) – sur la créati- sources humaines. De telles initiatives


vité et l’implication des salariés dans des ponctuelles et déconnectées d’une politique
projets innovants sans prendre en compte GRH individualisante ne sont pas suffi-
les initiatives RH spécifiquement mises santes pour insuffler un réel esprit intrapre-
en place pour soutenir l’intrapreneuriat. neurial au sein des entreprises. Il convient
Nos résultats montrent en effet qu’en l’ab- par conséquent de mettre en perspective
sence de dispositifs de GRH clairement certaines préconisations avancées dans la
orientés vers la stimulation et la reconnais- littérature, notamment sur le bien-fondé et
sance des initiatives intrapreneuriales, le l’effet stimulant d’initiatives de formation
recours à des pratiques individualisantes et de récompenses financières : pour qu’ils
n’engendre pas de retombées effectives soient réellement effectifs, ces dispositifs
sur l’engagement intrapreneurial des sala- doivent s’inscrire dans une « stratégie RH »
riés. A contrario, les pratiques de GRH globale, construite autour des compétences
individualisantes intégrant des fondements et des comportements attendus de membres
explicitement tournés vers la stimulation du personnel intrapreneuriaux, et non pas
de l’intrapreneuriat ont un effet positif sur être mis en œuvre d’une façon déconnectée
la créativité des membres du personnel et de toute réflexion RH systémique.
le développement de projets innovants. En En outre, pour qu’une telle stratégie RH
d’autres termes, l’effet de stimulation des porte réellement ses fruits et stimule effec-
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pratiques de GRH individualisantes n’est tivement l’intrapreneuriat, il importe que
pleinement vérifié que si elles se fondent les pratiques mises en place le soient d’une
sur des critères empreints des prérequis de façon prononcée et intégrée. Être réservé
l’intrapreneuriat et si elles s’accompagnent dans les initiatives entreprises et/ou « faire
de décisions effectives développées dans ce les choses dans la demi-mesure » s’avè-
sens, comme le laisse supposer notre hypo- rent généralement un investissement peu
thèse de recherche. porteur : des pratiques éparses ne per-
Nos résultats tendent en outre à montrer que mettent pas d’atteindre les retombées
les structures qui ne mettent pas en place des espérées en termes de développement de
politiques de GRH individualisantes fortes l’intrapreneuriat, voire engendrent des
tout en développant par ailleurs des initia- résultats contraires à ceux attendus. Nous
tives générales de stimulation de l’intrapre- ne sommes pas sans rejoindre ici l’idée
neuriat (formations ponctuelles, concours, de « HRM mix » que défendent Pichault
récompenses financières et/ou symbo- et Nizet (2000) : pour qu’une politique
liques, etc.) peuvent s’exposer à des effets de GRH atteigne ses objectifs, il y a lieu
contre-productifs. Les PME qui recourent à d’identifier des clusters de pratiques, de
de tels « artifices généraux » de stimulation les penser de manière cohérente et de les
de l’intrapreneuriat sans les accompagner mettre en œuvre de façon intégrée, sur base
de pratiques de GRH individualisantes ten- des effets ambitionnés. En l’occurrence ici,
dent en effet à être moins performantes en la politique de gestion des compétences, les
termes de créativité et d’innovation que les pratiques de recrutement/sélection, les pac-
PME qui ne développent aucune approche kages salariaux, les plans de formation, les
spécifique en matière de gestion des res- techniques d’évaluation et autres processus
Stimulants organisationnels et RH de l’intrapreneuriat 157

RH clés doivent être élaborés sur base des de gestion des ressources humaines. Nos
aspirations intrapreneuriales poursuivies et résultats statistiques soulignent en effet
des attitudes intrapreneuriales recherchées. l’influence prépondérante des pratiques de
Celles-ci doivent guider les actions entre- GRH mises en œuvre – notamment pour
prises par les dirigeants de PME et consti- détecter, développer et stimuler les compé-
tuer les fondements des pratiques de GRH tences créatrices des membres du personnel
mises en place. – sur le développement de l’intrapreneuriat
au sein des PME. En la matière, notre étude
CONCLUSION met en avant l’importance d’une « stratégie
RH » réfléchie, empreinte à la fois d’une
Cherchant à cerner plus en avant les élé- logique individualisante et des prérequis
ments de contexte interne et les dispositifs de l’intrapreneuriat, notamment en termes
structurels à même de stimuler le déve- de compétences, d’implication et de recon-
loppement de l’intrapreneuriat au sein des naissance des mérites. L’intégration de ces
petites et moyennes entreprises, notre étude deux approches, traduite dans les faits par
empirique met en exergue plusieurs ensei- l’incorporation de critères intrapreneuriaux
gnements intéressants, dont certains que dans les pratiques individualisantes mises
l’on peut considérer comme contre-intui- en place, apparaît constituer une politique
tifs. Ainsi, si des choix organisationnels RH clé et pertinente pour stimuler la créa-
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conférant une certaine autonomie et une tivité et l’implication des membres du per-
liberté d’actions aux membres du per- sonnel dans le développement de projets
sonnel dans la réalisation de leur travail innovants.
quotidien sont généralement considérés Ces résultats invitent par conséquent les
comme propices à la prise d’initiatives et dirigeants de PME désireux de stimuler les
à l’émergence d’innovations, nos résultats comportements intrapreneuriaux au sein de
empiriques montrent que ces derniers n’ont leur entreprise à se montrer particulièrement
pas en tant que tel un effet significatif sur la attentifs aux choix qu’ils posent en matière
créativité et la mise en œuvre d’innovations de gestion des ressources humaines. La
par les salariés. Autonomie et liberté d’ac- mise en place de « simples » artifices RH
tions ne sont pas à elles seules des éléments tournés vers la promotion de l’intrapreneu-
moteurs de l’intrapreneuriat. Elles appellent riat est loin d’être suffisante et peut même,
au contraire la mise en place de pratiques dans certains cas, s’avérer contre-produc-
et de techniques managériales complémen- tive. Il convient au contraire de réfléchir
taires, réfléchies et implémentées au tra- et de mettre en œuvre une politique GRH
vers d’une approche systémique. Parmi à essence individualisante, pensée et arti-
celles-ci, le rôle de soutien, de support et culée autour des objectifs intrapreneuriaux
d’encouragement de l’encadrement hiérar- poursuivis. Il y a sans doute des efforts à
chique revêt une importance certaine dans consentir par bon nombre de dirigeants
le développement de projets intrapreneu- de PME – a fortiori dans les structures
riaux. Ce leadership managérial apparaît où la politique RH est encore peu structu-
toutefois être d’une influence moindre que rée – pour développer une telle « stratégie
les choix posés par les dirigeants en matière RH à vocation intrapreneuriale » mais cela
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semble être un prérequis indispensable pour neuriaux – apparaît en effet être un puissant
réellement stimuler les comportements outil de rétention du personnel. Cet élément
intrapreneuriaux des membres du person- n’est certainement pas à sous-estimer par
nel. La création d’un tel « environnement les dirigeants de PME dans un marché de
favorable » à la génération d’initiatives l’emploi marqué par une forte « guerre des
innovantes et à l’essor de l’intrapreneuriat, talents », dans laquelle ils se retrouvent par-
s’il est développé de façon cohérente et fois démunis par rapport aux « potentiels
adapté aux éléments de contexte stratégique attractifs » des grands groupes. Avant d’être
et organisationnel propres à chaque struc- généralisées, ces conclusions appellent tou-
ture, apparaît par ailleurs susceptible d’of- tefois des recherches empiriques complé-
frir un avantage complémentaire aux diri- mentaires, destinées notamment à mieux
geants de PME : celui de la fidélisation de comprendre les interactions possibles entre
leur personnel. À travers la mise en place de le développement de l’intrapreneuriat, la
pratiques centrées sur la responsabilisation participation des membres du personnel
des membres du personnel, sur leur impli- à la concrétisation de projets innovants et
cation effective dans la vie de l’entreprise la fidélité des salariés à leur entreprise.
et sur la reconnaissance de leurs mérites, Études qui nous apparaissent constituer un
le développement d’une « stratégie RH à complément pertinent à nos réflexions et,
vocation intrapreneuriale » – et d’une façon plus généralement, aux travaux en cours sur
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plus globale l’encouragement des salariés les enjeux, les tenants et les aboutissants de
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