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Thèse 16 – Eschatologie

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6/2024

THESE :

« Il n’y a que le Christ, qui est tout et en tout » dit l’Epitre aux Colossiens (3,11). Il est l’Alpha et l’Oméga, en qui
nous sommes créés, aimés, sauvés et sanctifiés. « Tout est créé par Lui et pour Lui » (Col.) : Il est dès lors la clé
d’interprétation de l’eschatologie ; il achève la Révélation en la complétant (DV 4).

Le Christ est donc l’eschatos. L’évènement du Christ ne comprend en effet pas que son Incarnation et son Mystère
Pascal, mais aussi sa venue en gloire, Parousie. Les fins dernières doivent donc être rapportées au Christ – l’eschatos – qui
est le Centre du plan de Dieu sur le monde.
Le Christ est Sauveur : l’eschatologie est donc d’abord discours de salut. Rappelons que Salut et damnation ne sont
pas deux voies qui se présenteraient également. Le seul chemin du Père est le Christ, et la voie est unique, même si demeure
la possibilité de la perdition. Cette voie qu’est le Christ, c’est celle du Règne de Dieu dans nos cœurs – filiation obéissante,
confiante, amoureuse au Père – Royaume des Cieux qui est « déjà-là », même s’il n’est « pas encore » pleinement manifesté.
Cette manifestation finale de Jésus sera sa Victoire finale, pleinement manifestée dans la Gloire, Gloire qui n’est rien d’autre
que la Beauté que revêt l’Amour du Père pour nous. Dieu sera alors tout en tous.
Le Christ est Jugement, étant la Vérité ultime qui éclaire le mystère de l’homme (GS 22). A notre mort, à la lumière
de Celui qui est la Vérité et la Vie, l’âme humaine reçoit la vérité sur ce qu’a été sa vie, et est ainsi mesurée (jugée). Mais
Justice et Miséricorde se rencontrent dans le Christus Totus, juge et sauveur, notre avocat auprès du Père. Capax Dei, nous
verrons Dieu face à face, de façon immédiate. Et cela dès la mort terrestre (pour les sauvés), dans une eschatologie
personnelle définitive qui ne sera collective (et donc complète) qu’après la Parousie, le Corps du Christ atteignant alors sa
plénitude. C’est au jugement final en effet, au retour du Christ en Gloire (fin des temps, ou Parousie) que les conséquences de
nos actions terrestres viendront compléter en quelque sorte ce premier jugement, et clore l’Histoire du Salut.
Le Christ est Résurrection. « Je suis la Résurrection et la Vie » dit Jésus. Il est notre vie éternelle. Quant à la
Résurrection de la chair, elle reste mystérieuse, même si Paul multiplie les indices sur nos corps glorieux : incorruptibilité,
gloire, force, corps spirituels. Reste à s’interroger sur ce que signifie le corps : il est notre être-au-monde, par lequel nous
rentrons en relation avec ce monde et avec les autres. Ce mode de relation sera dès lors glorifié, rendu lumineux car intégré au
Christ, en qui nous sommes créés.
Le Christ est le Ciel, en ce qu’Il est rejoint. Le Ciel n’est pas un lieu en effet, mais un état : la pleine incorporation à
la Personne du Christ dont nous sommes déjà les membres par l’Eglise. Cette incorporation sera vision de Dieu, dilection de
cette vision, ressemblance par cette vision. Le Ciel n’est donc pas un lieu mais une Personne, le Christ. En Lui – c’est-à-dire
sauvés - au sein de la Trinité Sainte, nous serons fils dans le Fils, aimés du Père dans l’Esprit. « Ceux que tu m’as donnés, je
veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi » (Jn 17).
Le Christ est le purgatoire en tant qu’Il nous purifie. Non pas tant une souffrance préparatoire à la vision de Dieu,
mais bien plutôt cette vision déjà donnée, vision cependant encore douloureuse, un peu comme un éblouissement douloureux
pour les âmes non pleinement habituées à la Lumière divine.
Le Christ est l’enfer, en tant qu’Il n’est pas rejoint (H.U. Balthasar). Telle est l’état de la vie sempiternelle de la
résurrection de jugement (Jn 5,29), différent de la vie éternelle qui est participation à la vie divine (2 P 1,3). L’amour ne peut
être forcé sans se perdre lui-même, et créés dans le Christ d’une manière définitive, nous pouvons néanmoins refuser cet état
d’une manière définitive elle-aussi. L’Eglise ne se prononce pas sur l’existence de personnes dans un tel état, et prie en
communion avec les saints du Ciel afin que selon la volonté du Père, « tous les hommes soient sauvés » (1 Tim 2,4).

• Bibliographie essentielle :
- Benedictus Deus (Benoit XII, Constitution dogmatique, 1336)
- Bulle « Laetentur Coeli » (Eugène IV, 1439)
- « Décret sur le Purgatoire » (Concile de Trente, 1563)
- Gaudium et Spes (Vatican II, Constitution Pastorale, 1965)
- Spe Salvi (Benoit XVI, Encyclique, 2007)

• Bibliographie annexe :
- « Quelques questions actuelles concernant l’eschatologie » (CTI, 1992)

-1-
• introduction et approche historique
[Cf. J. RATZINGER, la mort et l’au-delà]

Ap 22,13 : “je suis l’Alpha et l’Omega, le premier et le dernier [eschatos] ”

L’eschatologie chrétienne ne peut être que christologique. L’évènement du Christ ne comprend pas seulement son
Incarnation et son Mystère Pascal mais aussi sa venue en gloire. Col 3,11 : « Il n’y a que le Christ », récapitulation des fins
dernières, Centre et donc clé d’interprétation de l’eschatologie. Ce renouveau de la réflexion sur l’eschatologie en fait alors la
perspective de toute la théologie.  Le Christ est au centre du plan de Dieu sur le monde.

Col 1,16 : « Tout est créé par lui et pour lui, il est avant toute chose et tout subsiste en lui »

 par lui : le monde est en quelque sorte un « prolongement » de la génération éternelle du Fils.
 pour lui : le Christ est cause finale du monde.
 entre les deux, en Christ, se produit le mystère du Christ, son incarnation et son M P 1 , sommet de l’Histoire

• Vat II : le Christ est l’homme parfait qui réalise pleinement le plan de Dieu sur la création. C’est à dire que l’Incarnation du Christ est
un événement radicalement nouveau en ce sens que rien ne pouvait le laisser prévoir, même si, après qu’il se soit produit, on a pu constater qu’il
accomplit parfaitement toute aspiration de l’homme au salut. Voilà pourquoi il est Définitif.

1. Le M P du Christ est donc DEFINITIF ; Il comprend le retour du Christ en Gloire, dernier acte de son M P. (entendu comme un tout :
passion, mort, résurrection, ascension, session à la droite du Père, Pentecôte, et retour en Gloire).

DV 4 : « Jésus-Christ (…) achève en la complétant la révélation, et la confirme encore en attestant divinement que Dieu lui-même
est avec nous pour nous arracher aux ténèbres du péché et de la mort et nous ressusciter pour la vie éternelle. L’ordre du salut
chrétien, étant l'Alliance Nouvelle et définitive, ne passera donc jamais et aucune nouvelle révélation publique n'est dès lors à
attendre avant la manifestation glorieuse de notre Seigneur Jésus-Christ (cf. 1Tm 6,14 cf. Tt 2,13). »

2. Le M P est donc également ULTIME. Nous ne devons pas en attendre d’autre 2 . (Contre tous les partisans d’un troisième âge du monde –
Joachim de Flore, new âge, III° reich ou ‘grand soir’…). Sans cela, pourquoi pas une multitude de « Révélations » avant la fin du monde, si
bien que Dieu ne se révèlerait jamais définitivement, que notre foi ne serait pas fondée et que nous ne serions pas sauvés.

3. Le fait du Christ nous introduit dans les DERNIERS TEMPS. Le Christ incarne le Royaume qu’Il prêche.
- Ce Royaume est « parmi vous » (Lc 17,21) : eschatologie actualiste, et « son heure » l’inaugure : eschatologie conséquente.
 mais pas de tension dans la personne du Christ entre ce déjà-là du Royaume et son prochain avènement, parce que Jésus vit dans
une parfaite sérénité, tout entier donné à sa mission. Il vit déjà dans le Royaume, car ce Royaume consiste à faire la volonté du Père,
à mener une existence totalement filiale, totalement pascale.
Pour Jésus, donc, un seul événement eschatologique, qui est en même temps sa mort, sa résu, son retour en gloire pour le jugement
final. Il n’envisage pas de temps intermédiaire entre les deux. C’est pour l’Eglise qu’existe un temps intermédiaire, paradoxal.

 « eschatologie » signifie « discours (logos) sur la fin (eschatos) »

Le problème est que la fin prend des sens très divers. es-katos signifie ce qui, situé au centre, va vers l’extérieur.
(action centrifuge); explicitation de ce qui est déjà implicite, présent. Ce ‘noyau’ du monde peut être alors saisi
temporellement (la fin du monde), qualitativement (le meilleur du monde), spatialement (le plus haut, ou le plus bas du
monde)… De là l’équivocité de l’eschatologie : discours sur le futur (Marsh), le définitif (Shultz), la théologie (Moltmann)…

• un peu d’histoire du « Traité sur l’eschatologie »

1 – VII° : apparition du Traité. St Julien de Tolède


2 – le Moyen Age : on passe notamment d’une eschatologie paléochrétienne du Maranatha à une eschatologie médiévale du Dies Irae…
(influence de la Grande Peste noire, du XIV° siècle ?)
3 – fragmentation des traités (casuistique) : De Novissimis… (chosification des réalités ultimes : mort, jugement, paradis, enfer…)
4 – mi–XX°. Retour d’un vrai Traité unifié.
5 – Au XX° siècle :
1 – eschatologie transcendantale (Barth – Bultmann) : En chaque instant présent se cache un eschaton, un moment d’éternité devant
lequel je pose moralement mon action. Cette eschatologie est donc morale (existentielle) et dialectique (actualiste), m’impliquant
(présentement) devant ma fin. Le Règne est à bâtir à partir d’aujourd’hui (contexte du XX° : guerres…).
1 bis – eschatologie et théologie politique (Moltmann, Metz) : l’homme singulier comme la collectivité doivent avoir une praxis
eschatologique (théologie de la libération, cherchant une eschatologie intra-mondaine pour palier au désenchantement du monde post-
moderne…) 3
2 – eschatologie et Histoire du Salut (Cullmann, Pannenberg) : perspective très historique avec Cullmann (Le Christ et le Temps). L’essence
du christianisme est l’histoire, parce que Jésus représente le centre de l’histoire et du temps. L’eschatologie se révèle dans l’histoire du salut.
3 – eschatologie christologique (Congar, Daniélou) : christocentrisme (redécouvert de la Patristique), pour unifier et dé-chosifier
l’eschatologie (qui était devenu une « physique des réalités ultimes », se lamentait Congar). Le Christ est centre et sommet. Daniélou (partant de

1 Mystère Pascal
2 Lc 7,19 : « Es-tu celui qui doit venir ou devons nous en attendre un autre ? »
3 Cette Eschatologie intramondaine est condamné clairement par la CTI (1992), Questions actuelles d’eschatologie, 2 : « L’espérance théologale perd sa

pleine force quand elle est remplacée par un dynamisme politique… ». Cf. tout le chapitre. Attention, les documents de la CTI n’engagent pas cependant le
Magistère de l’Eglise.
-2-
Calcédoine) montre que l’eschatologie se réalise dans l’union hypostatique (humanité-divinité), et est donc une personne : l’eschaton (neutre) est
eschatos (masculin). Décisif.
4 – eschatologie et herméneutique théologique (Balthasar, Rahner) : interpréter l’Ecriture et la Tradition. Balthasar propose 2 clés : une
décosmologisation (/ descriptions cosmologiques de la fin des temps) et une concentration christologique (le paradis, le purgatoire, l’enfer sont
compris à partir du Christ, l’eschaton). Rahner explique que l’on ne peut faire de l’eschatologie qu’à partir d’images, de métaphores, et que
précisément, elle n’offre que des métaphores (ciel, feu,…). Le vrai futur, poursuit-il, est ce qui est indéductible à partir du présent, le non-projetable,
le non-prévisible, le non-disponible.

 Impossibilité d’une synthèse définitive, même autours du Christ, car Il est encore a-venir.

A – l’évènement du Christ : de l’eschaton à l’eschatos qu’est Jésus Christ.

1 – principes fondamentaux de l’eschatologie chrétienne

Le terme eschatos d’Ap. 22,13 se trouve également chez Paul pour parler du « nouvel Adam », en fait le
« dernier Adam ». 1 Co 15,45s - « Le premier homme, Adam, a été fait âme vivante; le dernier [ / novissimus] Adam,
esprit vivifiant » : Le dernier Adam est celui qui donne la vie, par son esprit. Jésus est l’évènement définitif en ce qu’il est
l’unique médiateur (1 Tim 2,5) entre Dieu et les hommes. Il est le chemin vers le Père. Jésus Christ est le futur absolu et
définitif de l’homme, qui fut fait pour Lui (« Fecisti nos ad te [Domine] et inquietum est cor nostrum donec requiescat in
te », AUG, Conf. I,1). Si Dieu nous a fait pour Lui, il fallait bien qu’Il se communique à nous : S’il est « Vie », il fallait qu’il soit
également « Chemin » (Jn 14,6). Il n’en est pas d’autre, et rien n’est hors de Lui (Jn 1). Dans cette optique, BALTHASAR écrit :

H.U VON BALTHASAR : « [Dieu est la « finalité » (novissimus) de la créature] En cela, Dieu est, en tant qu’il est rejoint le
CIEL, en tant qu’il n’est pas rejoint l’ENFER, en tant qu’il nous purifie le PURGATOIRE, et tout cela de la façon qu’il s’est
donné au monde, c'est-à-dire dans son fils Jésus Christ, qui est la possibilité de la Révélation de Dieu sur la terre [IR :
Visibilis Pater Filius], et donc le résumé des fins dernières ». 4

Il convient bien de ne pas réduire l’eschatologie chrétienne à ses représentations imagées et métaphoriques telles que
nous les trouvons dans le NT et la Tradition (Ciel, purgatoire, …). Il n’est possible de décrire l’au-delà qu’avec les catégories
spatiales et temporelles de ce monde ici-bas, car ce sont les seules que nous ayons, mais l’au-delà ne saurait si réduire.

2 – Jésus, l’eschaton et l’eschata, le « déjà-là » du Royaume via la « grâce » (ie la présence de l’E.S.)

 La centralité salvifique et le caractère définitif de l’eschatologie du Christ. L’eschatologie chrétienne, centrée sur le
Christ est et doit être présentée comme un message de salut ! Ainsi, le salut et la damnation ne sont pas deux possibilités qui
se présenteraient également. Il n’y a pas deux voies, deux chemins, mais un seul, qui est le Christ, qui nous porte au Père.
Nous pouvons quitter cette voie, mais elle demeure unique. La Victoire du Christ sur la mort et le péché est assurée, mais pas
individuellement pour chacun de nous. Demeure toujours la possibilité de la perdition. Ce chemin vers le Père est déjà initié
d’une manière définitive et irrévocable : c’est le “déjà là” définitif du Royaume (i.e. le Règne de Dieu dans le cœur des croyants
pratiquants). Nous sommes dans « les derniers temps ». Si bien que :

ThAq : « La grâce est le commencement de la gloire » (Ia-IIae, q. 114, a. 3, ad 3)

• SAINT HILAIRE: « Ce qui viendra dans la plénitude des temps trouve déjà sa consistance dans le Christ [ressuscité], dans lequel habite
toute la plénitude de la divinité ; et tout ce qui doit arriver, plus qu’un combat, est le déploiement de l’économie du salut, qui trouve dans
le Christ son centre et son programme. Pour cela, ce lien totalement original entre le présent du salut déjà réalisé – Jésus est déjà
ressuscité – et cette perspective future, qui en Lui est déjà réalité, et l’est également en nous à travers le Baptême, doit également
devenir réalité parfaite en Dieu ».

• J. DANIELOU, Christologie et Eschatologie, p.275s (Würzburg, 1954) : « l’étude de l’eschatologie nous a porté à la christologie (…).
Nous sommes passés de l’eschaton à l’eschatos. C’est la personne même du Verbe incarné qui est le terme du dessein divin. Il nous
reste encore une étape à franchir (…) : bien que le déploiement du temps continue et que nous attendons encore un eschaton
chronologique, la réalité finale est déjà présente dans la personne du Verbe incarné (…). Pourquoi est-ce ainsi ? Ici encore le dogme de
Calcédoine nous répond : l’Incarnation est le télos au-delà duquel il n’y a plus rien. C’est donc la promotion de l’homme vers Dieu [qui
est la raison de ce délai]. L’union hypostatique, objet de la définition de Calcédoine, est ainsi l’expression de cette union
parfaite [entre nature humaine et divine], qui constitue donc une perfection et plus seulement une fin. Dans cette union, en
effet, la nature humaine réalise parfaitement la fin à laquelle elle est ordonnée ».

• KARL RAHNER « en Jésus, Dieu s’est communiqué lui-même à moi d’une manière totale et irréversible ; la Parole qu’il a exprimé en lui
ne peut connaître ni dépassement ni retour en arrière, malgré les possibilités infinies que Dieu a, en soi, à sa disposition ; il a fixé pour le
monde et son histoire une fin qu’il est lui-même, et cette fin n’est pas fixée seulement dans les pensées éternelles de Dieu : elle est déjà
fermement insérée par Dieu lui-même à l’intérieur du monde et de l’histoire – précisément en Jésus, le Crucifié et le Ressuscité… Qui dit
cela croit exactement ce que veut dire la christologie métaphysique de l’Eglise, avec l’ontologie et la logique de l’union hypostatique et de
la communication des idiomes qui la caractérisent.» 5

4 H.U. VON BALTHASAR, Eschatologie in J. FEINER – J. TRÜSCH – F. BÖCKLE, Fragen der Theologie heute, Einsiedeln 1957, 407.
5 K. RAHNER, Aimer Jésus, Mame Desclée, 2010, p. 88
-3-
B - Eschatologie intermédiaire : le jugement particulier des âmes à l’instant de la mort

« Puisqu’il faut attendre la résurrection jusqu’à la fin du monde, il existe entre temps une eschatologie des âmes » 6 .
On distingue classiquement (et souvent avec ambiguïté…) eschatologie intermédiaire et eschatologie finale. Il convient
cependant de le faire d’une manière juste. La première concerne le jugement particulier à notre mort terrestre, où notre
‘âme’ connait déjà – dans l’attente de la résurrection de la chair - une certaine communion (ou non : enfer) avec le Christ. Au
moment de la mort se décide le destin de l’homme. La seconde eschatologie concerne le jugement universel, avec le retour
du Christ en Gloire, la résurrection de la chair, la fin des temps (Parousie).

 QU’EST-CE QUE LE JUGEMENT PARTICULIER, AU MOMENT DE LA MORT ?

He 9,27 : « Les hommes ne meurent qu'une fois, après quoi il y a un jugement »

1 - Définition de la mort physique = séparation de notre âme (principe spirituel, immortel) et de notre corps (matériel).

CEC 1013 : « La mort est la fin du pèlerinage terrestre de l’homme, du temps de grâce et de miséricorde que Dieu
lui offre pour réaliser sa vie terrestre selon le dessein divin et pour décider son destin ultime »

nota/attention, l’ « option finale » qui voudrait que l’âme, « après sa mort », en pleine conscience, se voit proposer par le
Christ de choisir le Ciel ou de le refuser n’est pas scripturaire, et donc pas la doctrine de l’Eglise. (Cf. l’excellent Dom Pius Mary
NOONAN, L’Option Finale dans la Mort, TEQUI, 2016 7 ). Dieu, plein de miséricorde, veut le salut de tous. Aussi, Il donne à toute âme,
même les plus éloignées, toutes les grâces nécessaires à leur conversion durant leur vie, et peut-être surtout juste avant leur mort
8
, Dieu sait le moment précis où chacun mourra, et il proportionne sa grâce pour chacun de manière à ce que personne ne soit
privé de la grâce suffisante pour le salut ; mais si celles-ci refusent jusqu’au bout de se repentir, à leur mort il est trop tard. Si
elles meurent en état de péché mortel et sans repentance, elles sont… damnées. « Si un arbre tombe, au sud ou bien au nord,
l’arbre reste où il est tombé » (Qo.11,3). « Tant qu’il fait jour, il nous faut travailler aux œuvres de celui qui m’a envoyé ; la nuit
vient, où nul ne peut plus travailler » (Jn 9,4)

2 - Survie & continuité de conscience de l’âme. Si le corps se décompose, la C.T.I. précise le destin de l’âme séparée du corps
par la mort :

C.T.I. « Quest. actuelles d’eschatologie » (1992) – « En acceptant fidèlement les paroles du Seigneur en Mt
10,28 9 , l’Eglise affirme la continuité et la survie, après la mort, d’un élément spirituel doté de conscience et de
volonté, de sorte que subsiste le même ‘moi’ humain, manquant cependant de ce complément qu’est son corps.» 10

Ainsi, « doué d’une âme immortelle, l’homme peut, dès sa mort, rencontrer son Créateur et Seigneur » (Catéchisme des
évêques de France, 658). Déjà en 1336, Benoît XII (dans Benedictus Deus) insistait sur le fait que l’âme du saint ne tombait pas dans un
« sommeil » (comme le dira Luther) jusqu’à la résurrection du corps à la fin des temps, mais qu’elle rencontre le Christ. Ainsi l’a-t-il
promis au bon larron : « aujourd’hui même»

Lc 23,42 : « Aujourd'hui même, tu seras avec moi dans le Paradis. »


Ac 7,56 : (martyr d’Etienne): « je vois les cieux ouverts, et le Fils de l’homme debout à la droite du Père »

3 - Parution devant le Christ, et cette parution est jugement :

2 Co 5,10 : « Il faut que tous nous soyons mis à découvert devant le tribunal du Christ, pour que chacun recouvre
ce qu’il aura fait pendant qu’il était dans son corps [donc bien séparation de l’âme], soit en bien, soit en mal »
Mt 6,20 : « Amassez-vous des trésors dans le Ciel » (dit Jésus)

CEC 1021 : « La mort met fin à la vie de l’homme comme temps ouvert à l’accueil ou au rejet de la grâce divine
manifestée dans le Christ (cf. 2 Tm 1, 9-10). Le Nouveau Testament parle du jugement principalement dans la

6 CTI 1992 Questions actuelles d’Eschatologie, 11.3


7 P. 342 : « On ne peut nier que le jugement particulier implique un auto-jugement, mais celui-ci est différent du jugement de la conscience par lequel l’homme
se juge lui-même durant sa vie. L’auto-jugement de l’homme au moment de la mort se fait sous l’influx direct de l’illumination divine. L’homme devient dans la
mort son propre juge en ce sens que Dieu lui donne la juste norme pour son auto-jugement. On peut donc dire que Dieu entre dans le jugement particulier
d’abord comme sujet qui agit, et ensuite comme mesure normative. On pourrait aussi faire le rapport ici entre action humaine et grâce divine. En cette vie,
l’homme agit vraiment sous l’influx de la grâce pour produire une œuvre bonne surnaturelle ; si le sujet agit et mérite, la grâce divine est toujours première. De
même au jugement : l’âme jugée voit la vérité de son état par rapport à la vérité première, Dieu, mais elle la voit sous l’influx de la lumière divine qui est en
même temps décision sans appel ».
8 Il n’y a pas de « mort subite » pour Dieu ! Elle peut être subite pour l’homme, pas pour Dieu. « Dieu sait le moment précis où chacun mourra, et il

proportionne sa grâce pour chacun de manière à ce que personne ne soit privé de la grâce suffisante pour le salut » (Noonan, 563)
9 « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l'âme; craignez plutôt celui qui peut faire périr l'âme et le corps dans la géhenne. »
10 Doc de la CTI (1992), Questions actuelles d’Eschatologie, 5.4 ; la citation de Mt est « Ne craignez rien de ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer

l'âme; craignez plutôt Celui qui peut perdre dans la géhenne à la fois l'âme et le corps. ». La citation de la CTI est tirée de : Cong. Doctrine de la Foi,
Recentiores episcoporum Synodi, 3.
-4-
perspective de la rencontre finale avec le Christ dans son second avènement, mais il affirme aussi à plusieurs
reprises la rétribution immédiate après la mort de chacun en fonction de ses œuvres et de sa foi. La
parabole du pauvre Lazare (cf. Lc 16, 22) et la parole du Christ en Croix au bon larron (cf. Lc 23, 43), ainsi que
d’autres textes du Nouveau Testament (cf. 2 Co 5, 8 ; Ph 1, 23 ; He 9, 27 ; 12, 23) parlent d’une destinée ultime de
l’âme (cf. Mt 16, 26) qui peut être différente pour les unes et pour les autres. »

A la lumière de Celui qui est la Vérité et la Vie, l’âme humaine reçoit la vérité sur ce qu’a été sa vie. Il y a jugement parce
que lorsque le Christ se manifeste en pleine lumière (sa Gloire), cette lumière est le critère définitif de ce monde, si bien que :

• Benoit XVI, Encyclique Spe Salvi (2007), § 47 « La rencontre avec Lui est l'acte décisif du Jugement. Devant
son regard s'évanouit toute fausseté. C'est la rencontre avec Lui qui, en nous brûlant, nous transforme et nous libère
pour nous faire devenir vraiment nous-mêmes. Les choses édifiées durant la vie peuvent alors se révéler paille
sèche, vantardise vide et s'écrouler. »

L’âme séparée est mesurée (jugée) à la lumière de cette Vérité qu’est le Christ, « parfait Adam », archétype de l’humain.
« Nous serons jugés en fonction de notre conformité ou non à l’Enfant qui doit naitre dans la grotte de Bethléem, puisque c’est Lui
l’unité de mesure que Dieu a donné à l’humanité » (B. XVI, Angelus 9.12.07). C’est en pleine conscience de ce qu’a été sa vie
terrestre que l’âme vit son jugement individuel. Durant ce jugement, la conscience, dégagée de toutes ses ignorances et de ses
dissimulations et éclairée de l’illumination divine propre à la mort, reconnaît son état personnel en pleine vérité. Mettant un terme à
ce qu’aura été notre vie terrestre et historique, avec ses mérites et démérites, notre mort nous récapitule alors tout entier et dégage
ce qu’aura été l’option fondamentale de notre histoire personnelle (le salut ou la damnation, l’amour de Dieu par-dessus tout ou
non): cette option, Dieu la discerne avec justice et miséricorde. L’Eglise invite donc à la conversion mais également à la confiance en la
bonté infinie du Père : si le Christ est « le Jugement », il l’est en étant Sauveur, notre «avocat auprès du Père », et ce jugement se révèle
donc être un jugement de miséricorde : telle est notre espérance. En Dieu, la justice n’est pas séparable de la miséricorde. Miséricorde et
Justice qui nous font « servir Dieu entre l’espérance et la Crainte » (Anselme ?).

4 – Conséquence : l’urgence de la conversion, pendant qu’il est encore temps. Si Dieu, dans son infinie liberté et miséricorde,
peut faire à qui Il veut la grâce d’une ultime décision de conversion juste avant sa mort, la mort met cependant fin à la vie de
l’homme comme temps ouvert à l’accueil ou au rejet de la grâce divine manifestée dans le Christ.

C.T.I., « Quest. actuelles d’eschatologie » (1992), §.10.1 : « Dans l’unicité de la vie humaine, on voit
clairement son sérieux : la vie humaine ne peut se répéter. Puisque la vie terrestre est la route vers les réalités
eschatologiques, la manière dont nous procédons au cours de la vie a des conséquences irrévocables. Aussi notre vie
corporelle conduit-elle à un destin éternel».

LG 48 : « Ignorants du jour et de l’heure, il faut que, suivant l’avertissement du Seigneur, nous restions constamment vigilants pour
pouvoir, quand s’achèvera le cours unique de notre vie terrestre (cf. He 9, 27), être admis avec lui aux noces et comptés parmi les
bénis de Dieu (cf. Mt 25, 31-46), au lieu d’être, comme les mauvais et les paresseux serviteurs (cf. Mt 25, 26) écartés par l’ordre de
Dieu vers le feu éternel (cf. Mt 25, 41), vers ces ténèbres du dehors où « seront les pleurs et les grincements de dents » (Mt 22, 13 ;
25, 30). En effet, avant de régner avec le Christ glorieux, tous nous devrons être mis un jour « devant le tribunal du Christ, pour que
chacun reçoive le salaire de ce qu’il aura fait pendant qu’il était dans son corps, soit en bien, soit en mal » (2 Co 5, 10) ; et à la fin du
monde « les hommes sortiront du tombeau, ceux qui auront fait le bien pour une résurrection de vie, ceux qui auront fait le mal pour
une résurrection de condamnation « (Jn 5, 29 ; cf. Mt 25, 46). »

Ainsi, comme l’écrit très bien P.M. NOONAN (op.cité, p. 567) : « C’est bien cela qu’il nous faut crier sur les toits (Cf. Mc10,27) et faire
comprendre à tous : profitez de chaque instant de la vie pour grandir et progresser dans la pratique de la vraie vertu qui rapproche
de Dieu et fait de nous des acteurs utiles dans le drame de l’existence humaine. Ne pas croire à l’éternité en passant sa vie à ne
chercher que ce qui flatte les sens, ou bien laisser passer le temps sans profit en se disant que c’est l’éternité qui compte, sont deux
erreurs opposées, mais qui ont le même résultat. La première fait de l’homme une bête ; la seconde, sous prétexte d’en faire un
ange, en fait un être passif qui enterre son talent (Cf. Mt 25,18) et ne se soucie guère de construire le Royaume de Dieu sur terre ».

5 – Rétribution éternelle définitive. L’âme une fois jugée reçoit alors sans tarder sa rétribution éternelle :

CEC 1022 : «Chaque homme reçoit dans son âme immortelle sa rétribution éternelle dès sa mort en un jugement
particulier qui réfère sa vie au Christ, soit à travers une purification (cf. Cc. Lyon : DS 857-858 ; Cc. Florence : DS
1304-1306 ; Cc. Trente : DS 1820), soit pour entrer immédiatement dans la béatitude du ciel (cf. Benoît XII : DS
1000-1001 ; Jean XXII : DS 990), soit pour se damner immédiatement pour toujours (cf. Benoît XII : DS 1002).
‘’Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour’’ (S. Jean de la Croix, dichos 64)».

6 – Rétribution éternelle inachevée cependant, dans l’attente de la Parousie : L’homme ne touche pas le stade définitif de son
destin à l’instant même de sa mort. Son corps n’est pas encore ressuscité, et les temps ne sont pas encore accomplis. C’est
pourquoi on parle d’eschatologie intermédiaire.

-5-
 Ratzinger, La mort et l’au-delà (Fayard, p.227 et 238) - « Même si la décision de vie est prise au moment de la mort de
manière définitive et irrévocable (DH 1000), cela ne veut pas nécessairement dire que l’homme touche le stade définitif de son
destin à l’instant même. »

Les sauvés, et les âmes en purgatoires restent dans l’attente de la plénitude du Corps du Christ, et ne sont pas
indifférents au temps de l’Eglise qui continue, et à ses souffrances. Ils nous attendent véritablement (// communion des
saints), pour que leur joie soit complète. « J’achève en mon corps ce qui manque encore à la Passion du Christ pour son corps
qui est l’Eglise » dit Paul.

Eph. 4,12s : « organisant ainsi les saints pour l'œuvre du ministère, en vue de la construction du Corps du Christ,
au terme de laquelle nous devons parvenir, tous ensemble, à ne faire plus qu'un dans la foi et la connaissance du Fils
de Dieu, et à constituer cet Homme parfait, dans la force de l'âge, qui réalise la plénitude du Christ. »

 Ratzinger, La mort et l’au-delà (Fayard, p. 214s) : « De ce point de vue s’éclaire aussi le rapport entre le jugement
individuel et le jugement universel : bien que la mort fixe la vérité définitive de tel homme, il y aura quelque chose de nouveau
quand le monde cessera de souffrir de toute faute, quand donc, pour ainsi dire, toutes les conséquences des actes de cet homme
seront tirées, quand sa place dans l’ensemble sera enfin définitivement fixée.»

 Demeurent donc deux dimensions, avant et après la Parousie, ou plutôt entre une eschatologie
personnelle et une eschatologie collective. Le salut personnel n’est pas nié, mais affirmé au contraire, mais il n’est pas
non plus indifférent au sort des autres et à la Plénitude du Corps du Christ. « La résurrection finale, si on la compare avec le
bonheur de l’âme individuelle, implique aussi un aspect ecclésial, en ce sens que, alors, tous les frères qui sont au Christ
parviendront à la plénitude (Ap 6,11) » 11 . C’est ce sur quoi insiste aussi la perspective de LG ch. VII et GS 18 : l’eschatologie
est replacée dans le pèlerinage de l’Eglise vers la Jérusalem céleste. Le temps de l’Eglise pérégrinante, participant par son
travail à la pleine manifestation du Fils de Dieu. L’eschatologie intermédiaire est donc phase intermédiaire dans l’histoire du
salut, ouvert par le Christ, et conclut par la Parousie. C’est le déjà-là et le pas-encore, qui concernent donc également
l’existence après la mort, mais avant la Parousie (LG 49). La communion des saints est alors celle des biens spirituels, et les
grâces actuelles l’anticipation de la gloire à venir (ThA). La personne est appelée à se réaliser entièrement dans l’amour et la
vérité, en communion avec la nature divine (2 P 1,4) : le Christ est l’avenir de l’homme.

2 – Eschatologie finale : la venue du Christ dans sa Gloire (Parousie), le jugement dernier, la


résurrection de la chair, la Création nouvelle.

 QU’EST-CE QUE LE JUGEMENT DERNIER ? PAROUSIE ?


PRINCIPE : LA MANIFESTATION DEFINITIVE DE JESUS = LA VICTOIRE FINALE DE JESUS

1 – Le Christ revient dans la Gloire, à la fin des temps :

• Mt 16, 26 : "C'est qu'en effet le Fils de l'homme doit venir dans la gloire de son Père, avec ses anges, et alors il
rendra à chacun selon sa conduite. »
• 1 Co 15,26s : « Alors ce sera la fin, lorsqu’il remettra la royauté à Dieu le Père, après avoir détruit toute
principauté, domination et puissance. Car il faut qu’il règne jusqu’à ce qu’il ait placé tous ses ennemis sous ses pieds.
Le dernier ennemi détruit, c’est la mort ; car il a tout mis sous ses pieds. Mais lorsqu’il dira : “Tout est soumis
désormais”, c’est évidemment à l’exclusion de Celui qui lui a soumis toutes choses. Et lorsque toutes choses lui auront
été soumises, alors le Fils lui-même se soumettra à Celui qui lui a tout soumis, afin que Dieu soit tout en tous. L’ultime
ennemi à être vaincu, ce sera la mort. »

• Concile de Constantinople, « Credo » (381) : le Verbe « est descendu du ciel pour nous les hommes et pour
notre salut (…) [après sa Passion] est monté au Ciel, où il siège à la droite du Père et reviendra en gloire juger les
vivants et les morts ; et son Règne n’aura pas de fin (…) Nous attendons la résurrection des morts et la vie du monde
à venir ».
• Mt 24,26 : « Si donc on vous dit: Le voici au désert, n'y allez pas; Le voici dans les retraites, n'en croyez rien. Comme l'éclair, en
effet, part du levant et brille jusqu'au couchant, ainsi en sera-t-il de l'avènement du Fils de l'homme.»
• Mt 28,20 : « je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde ».
• 2 Ti 2,11 : « Car la grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes, s'est manifestée, nous enseignant à renoncer à l'impiété et aux
convoitises de ce monde, pour vivre en ce siècle présent dans la réserve, la justice et la piété, attendant la bienheureuse espérance et
l'Apparition de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, le Christ Jésus »
(+ Mc 13 : la ruine du Temple, la venue du FdH, la grande affliction + 1 Jn 2,18 : l’Antéchrist)

11 CTI 1992 cité, 5.4.


-6-
Le retour du Christ dans sa Gloire sera donc PLENITUDE DE LA REVELATION, et PLEINE REALISATION DE L’ŒUVRE DU
SALUT DU PERE, après avoir intercédé pour nous durant le temps de l’Eglise, et après avoir vaincu le péché et la mort. La
Parousie est donc pleinement part de la Christologie : plénitude de la Révélation, et du Salut. Il viendra pour juger les vivants
et la mort, dit le Credo concernant le Christ. Cette seconde venue n’est pas comme la première, évidemment : Dieu ne bégaye
pas son Verbe. Il reviendra non sous la kénose de l’incarnation, mais dans sa Gloire : sa Seigneurie se doit de se montrer, et
tous le reconnaitront alors comme le Christ, en qui nous fumes créés et sauvés.
Aspect ecclésial : Ainsi, comme Tête du Corps, il est dans la Gloire, auprès du Père, mais comme Corps, il est encore
sur la Terre (« j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger… ») : il est dans l’Eglise, qui souffre… « Il emplit de ses dons divins
l'Eglise qui est son corps et sa plénitude (cf. Ep 1,22-23) pour qu'elle tende et parvienne à la plénitude totale de Dieu » (LG 7,
sur l’Eglise, corps mystique du Christ portée vers la plénitude de Gloire du Père). A la fin des Temps, Corps (Eglise) et Tête
(Christ) seront un : le « Christus Totus » d’Augustin sera soumis au Père, Corps et Tête.

2 – Le Jugement Dernier :

1 Co 4,5 : « Ainsi donc, ne portez pas de jugement prématuré. Laissez venir le Seigneur; c'est lui qui éclairera les
secrets des ténèbres et rendra manifestes les desseins des cœurs. Et alors chacun recevra de Dieu la louange qui lui
revient. »

• Que différencie le jugement individuel du jugement dernier ? C’est seulement à la fin des temps que toutes
les conséquences de nos actions (bonnes ou mauvaises) auront fini de porter du fruit, et pourront être mesurées, pesées et
jugées. C’est également le moment où le plan de Dieu et sa Providence pour le Salut de monde trouve tout son sens, sa
plénitude, son accomplissement : combien d’évènements historiques nous semblent encore incompréhensibles ou scandaleux…
Le jugement général sera ainsi l’occasion de manifester la bonté et la sagesse de la Providence divine à travers tous les
événements de l’Histoire. C’est à la fin des temps que toute l’Histoire s’éclaire et se récapitule.

• Ratzinger, La mort et l’au-delà (Fayard, p. 214s) : « Bien que la mort fixe la vérité définitive de tel homme, il y aura
quelque chose de nouveau quand le monde cessera de souffrir de toute faute, quand donc, pour ainsi dire, toutes les
conséquences des actes de cet homme seront tirées, quand sa place dans l’ensemble sera enfin définitivement fixée. Ainsi, pour
l’individu, la fin de tout n’a rien d’extérieur à lui, c’est au contraire une réalité qui le touche au plus intime de lui-même »

Un tel jugement final peut faire peur à juste titre. Certains y redoutent une exhibition universelle des noirceurs des
cœurs, etc… Quel Père voudrait cela pour ses enfants ? Rappelons-nous que notre misère et notre péché sont mesurées par un
Père aimant, qui n’a pas hésité à payer le prix fort (la vie de son Fils) afin que nous n’ayons pas à le payer (la mort éternelle).
Son Fils est du reste notre « avocat » auprès du Père. C’est un jugement grave, mais un jugement de miséricorde avant tout :
en douter serait douter que Dieu est Amour. Dans son encyclique Spe Salvi, Benoît XVI décrit à son tour comment en Dieu
s’articulent jugement et justice, grâce et espérance :

• Benoît XVI, Encyclique Spe Salvi 44 et 47, (2007) : « L’image du Jugement final est en premier lieu non pas
une image terrifiante, mais une image d’espérance ; pour nous peut-être même l’image décisive de l’espérance. Mais
n’est-ce pas aussi une image de crainte ? Je dirais : c’est une image qui appelle à la responsabilité. (…) Dieu est
justice et crée la justice. C’est cela notre consolation et notre espérance. Mais dans sa justice il y a aussi en même
temps la grâce. Nous le savons en tournant notre regard vers le Christ crucifié et ressuscité. Justice et grâce doivent
toutes les deux êtres vus dans leur juste relation intérieure. La grâce n’exclut pas la justice. Elle ne change pas le tort
en droit. Ce n’est pas une éponge qui efface tout, de sorte que tout ce qui s’est fait sur la terre finisse par avoir
toujours la même valeur. (…) À la fin, au banquet éternel, les méchants ne siégeront pas indistinctement à table à
côté des victimes, comme si rien ne s’était passé. (…)
Le Jugement de Dieu est espérance, aussi bien parce qu’il est justice que parce qu’il est grâce. S’il était seulement
grâce qui rend insignifiant tout ce qui est terrestre, Dieu resterait pour nous un débiteur de la réponse à la question
concernant la justice – question décisive pour nous face à l’histoire et face à Dieu lui-même. S’il était pure justice, il ne
pourrait être à la fin pour nous tous qu’un motif de peur. L’incarnation de Dieu dans le Christ a tellement lié l’une à
l’autre – justice et grâce – que la justice est établie avec fermeté : nous attendons tous notre salut “dans la crainte de
Dieu et en tremblant” (Ph 2, 12). Malgré cela, la grâce nous permet à tous d’espérer et d’aller pleins de confiance à la
rencontre du Juge que nous connaissons comme notre « avocat » (parakletos) (cf. 1 Jn 2, 1). »

3 – La Résurrection de la Chair (les « corps glorieux ») :

- « Il semble que la formule ‘résurrection de la chair ‘ soit entrée dans le Symbole romain antique, et à sa suite dans bien d’autres, pour éviter une
interprétation spiritualiste de la résurrection, interprétation qui tentait certains chrétiens par l’intermédiaire des courants gnostiques » (CTI, 1992 : Quelques
questions actuelles d’eschatologie). Ce n’est que vers 170 que « résu de la chair » remplace l’expression paulinienne « résu de morts » dans les credo. Ignace
d’Antioche relève l’idée que le Christ est ressuscité dans sa chair, et dans la mesure où nous participons à la résu du Christ dans sa chair, il affirme
implicitement aussi notre résu dans la chair.
- « Sur aucun point la foi chrétienne ne rencontre plus de contradiction que sur la résurrection de la chair » (AUG. Ps 88,2,5)
- « Concernant la matérialité de cette résurrection, presque tout demeure en suspens. On affirme avec insistance qu’elle est tout autre chose… » (Ratz. La
mort et l’au-delà, p. 178)

-7-
Ph 3,20 : « Pour nous, notre cité se trouve dans les cieux, d'où nous attendons ardemment, comme sauveur, le
Seigneur Jésus Christ, qui transfigurera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire »

 Selon quel mode ressuscitent les corps ?


Notre foi confesse la résurrection de la chair. Le CEC (§ 990) précise : " Le terme "chair" désigne [chez Paul] l'homme
dans sa condition de faiblesse et de mortalité (cf. Gn 6,3; Ps 56,5; Is 40,6). La "résurrection de la chair" signifie qu'il n'y aura
pas seulement, après la mort, la vie de l'âme immortelle, mais que même nos "corps mortels" (Rm 8,11) reprendront vie". Il
faut donc éviter de pousser à l’extrême la distinction âme/corps (pas de dualité. Cf. Concile de VIENNE (DH 902) : l’âme est
« forme du corps » 12 ), et il faut comprendre le mot « chair » ou « corps » dans un sens plus large que simplement le sens
biologique, physiciste. Un sens christologique : c’est la même « chair du Christ » que l’homme revêt 13 . Dans le Christ, la
divinité habite corporellement. C’est déjà ce que fait Paul dans le texte central ici : 1 Co 15,35s.
1 – la question du mode d’être des corps glorieux n’a pas de sens, i.e. sur le plan phénoménologique.
2 – elle n’a de sens que sur le plan christologique, et ce sens est celui de l’incorruptibilité (v.43-44).

1 Co 15,43-44, 49, 52s : «On est semé dans la corruption [/ (b) ignominie, (c) faiblesse, (d) corps psychique], on
ressuscite dans l'incorruptibilité [ /resp. (b) gloire, (c) force, (d) corps spirituel]. (…) De même que nous avons
porté l'image [du premier Adam] terrestre, nous porterons aussi l'image du [dernier Adam] céleste. Je l'affirme,
frères: la chair et le sang ne peuvent hériter du Royaume de Dieu, ni la corruption hériter de l'incorruptibilité. (…) Les
morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons transformés. Il faut, en effet, que cet être corruptible revête
l'incorruptibilité, que cet être mortel revête l'immortalité. Quand donc cet être corruptible aura revêtu
l'incorruptibilité… »

Cette incorruptibilité vient du fait que « le dernier Adam est esprit vivifiant, i.e. qui donne la vie » (v.45), et que c’est
en Lui que nous vivrons, participant de sa nature divine, de sa résurrection. Déjà pour Paul donc, la corporéité n’est pas
seulement comprise sous le mode adamique, comme corps animé, mais aussi dans son sens christologique, sur le modèle du
Christ ressuscité, comme une corporéité qui vient de l’Esprit. Cette transformation christique se fait par la force du Saint
Esprit, qui nous transforme selon la protologie de l’image (cela débute au baptême). C’est par l’amour que nous nous
configurons selon l’image du prototype qu’est le principe humain en Dieu, l’image de l’humain dans la Trinité. L’« eikonologie »
christologique de Paul ne peut s’entendre qu’à la lumière de la pneumatologie (Col. 1,15 – 2 Co 3,18 – Ph. 3,21 – 1 Co 15,49 – Rm
8,29 – Col 3,10 – Co 2,9). Nous devenons Dieu par participation (« ressusciter avec le Christ »).
Paul a cette distinction pertinente entre sôma (corps) et sarx (chair) :
- nous garderons notre sôma, principe co-constitutif de l’esprit, support de l’âme
- nous perdrons notre sarx, mode actuel d’existence dans la chair, voué à la corruption

Ce que Ratzinger explicite de la façon suivante (op.cit., p 175s) :

• J. Ratzinger, La mort et l'au-delà, Communio-Fayard 1994, p. 175 : «Pour cette question de la résurrection des corps, on se
reporte nécessairement à 1 Co. 15, 35-53 : «Ainsi en va-t-il de la résurrection des morts : on est semé dans la corruption, on
ressuscite dans l'incorruptibilité ; on est semé dans l'ignominie, on ressuscite dans la gloire ; on est semé dans la faiblesse, on
ressuscite dans la force; on est semé corps psychique, on ressuscite corps spirituel. S'il y a un corps psychique, il y a aussi un
corps spirituel. C'est ainsi qu'il est écrit : Le premier homme, Adam, a été fait âme vivante ; le dernier Adam, esprit vivifiant ».
Paul y affronte une opinion qui tente de faire passer l'idée de résurrection pour absurde en lui objectant la question suivante :
«Comment les morts ressuscitent-ils ? Avec quel corps reviennent-ils ? » (v. 35). Contre cette attitude, Paul traite le problème de
la dimension corporelle de la résurrection, et cela en transportant l'expérience du corps nouveau du Seigneur ressuscité à la
compréhension de la résurrection des morts en général. Cela veut dire que Paul s'oppose délibérément à la conception juive
dominante, qui considère le corps ressuscité comme parfaitement identique au corps terrestre et le monde de la résurrection
comme la simple continuation du monde terrestre. Sa rencontre avec le Ressuscité, qui en qualité de «Tout-Autre» a refusé de se
laisser Voir et reconnaître sur terre, n'a pas été soumise aux lois de la matière, mais elle est devenue visible comme dans une
épiphanie-apparition hors de l'univers de Dieu. Cette rencontre avait irrévocablement ruiné ses conceptions juives : « Je l'affirme,
frères, la chair et le sang ne peuvent hériter du royaume de Dieu, ni la corruption hériter de l'incorruptibilité » (v. 50). Cela
coupe court à toute idée naturaliste et physiciste de la résurrection. (…) p. 185 : Ce ne sont pas les atomes et molécules pris
séparément comme tels qui constituent l’homme, et ce n’est donc pas d’eux que dépend l’identité de la « corporalité » ; elle
dépend plutôt du fait que la matière est soumise à la force expressive de l’âme. (…) Le corps est ce que l’âme se construit pour

12 Le passage du platonisme duel grec à l’aristotélo-thomisme marque ici un pas immense dans la compréhension unifiée de la résurrection des corps.
« anima forma corporis » : l’âme et le corps ne sont des réalités que référés l’un à l’autre. L’âme ne saurait jamais renoncer totalement à son rapport à la
matière. Mais également les éléments matériels qui composent le corps humain n’obtiennent leur qualité de corps que du fait d’être organisés et modelés par
l’énergie formative de l’âme. Il devient dès lors impossible de distinguer corps et corporéité (Ratzinger, p. 185 s). Le corps ne reçoit en rien son identité de
la matière mais de la personne, de l’âme.
13 CTI, 1992, Quelques questions actuelles d’eschatologie, 1.1 : « Cette résurrection [du Christ] conserve la tension entre la continuité réelle du corps (le

corps qui fut cloué sur la croix est le même corps qui est ressuscité et se manifeste aux disciples), et la transformation glorieuse de ce même corps [les
disciples ne le reconnaissent pas complètement]. »
-8-
s’exprimer corporellement.» ( nb : p. 199, Ratzinger ajoute qu'il "s'oppose à toute recherche sur le mode d'être des corps
glorieux... » )

Déjà l’on peut le comprendre à partir du Concile de Tolède XI :

Concile de Tolède XI (DH 540) : « Ainsi l'exemple de notre chef nous fait confesser qu'il y a une véritable résurrection de la
chair pour tous les morts. Nous ne croyons pas que nous ressusciterons dans un corps aérien, ou dans quelque autre espèce de
chair, selon les divagations de certains, mais dans cette chair avec laquelle nous vivons, nous existons et nous nous mouvons.
Notre Seigneur (Chef-Tète) et Sauveur ayant fourni le modèle de cette sainte résurrection, a regagné par son Ascension le trône
paternel que sa divinité n'avait jamais abandonné. »

Latran IV (1215): « Tous ressusciteront avec leur propre corps qu’ils ont maintenant »

Cette allusion à la résurrection du Christ comme modèle de la notre « montre que le réalisme est maintenu d’une
manière qui n’exclut pas la transformation des corps qui vivent sur la terre en corps glorieux. Mais un corps éthéré qui serait
une création nouvelle, ne correspondrait pas à la réalité de la résurrection du Christ et introduirait un élément mythique. […]
N’oublions pas que notre vraie chair ressuscitée sera conforme au corps glorieux du Christ (Ph 3,21). Notre corps qui est
aujourd’hui conformé par l’âme (pscyhé), sera, dans la résurrection glorieuse, conformé par l’esprit (pneuma). Cf 1 Co 15,44» 14 .

• P.M. MARGELIDON, les fins dernières*, Paris, Artège 2016, p. 303s: « Avec la résurrection, l’esprit domine la matière, opère
un renversement de dépendance, non plus l’esprit de la matière mais la matière de l’esprit. (…) Ce renversement ne résulte pas
d’un processus naturel, mais d’un saut qualitatif d’ordre surnaturel par l’avènement du Pneuma divin dans le nous humain, duquel
dépend, dans sa constitution et sa structure interne, le soma corporel et matériel dont le nous est le principe formel actif (…). La
résurrection des corps n’est pas une sorte de retour à l’état premier. Elle est une nouvelle manière pour l’âme d’animer le corps ».
La personne trouve alors sa parfaite intégrité, « parfaite harmonie entre l’âme et le corps. (…) Le corps glorieux sera un vrai corps
libéré de toute pesanteur et expressif de son âme, un parfait instrument de communication et de relation aux autres et au monde
(cosmos) nouveau » (*je recommande ce livre, le traité le plus complet à mon sens sur l’eschatologie).

Certains théologiens contemporains interprètent librement le corps comme notre « mode de présence au monde et à
l’autre », notre « être-pour-l’autre ». C’est cet « être-pour-l’autre » qui serait alors porté en Dieu et transfiguré dans l’Esprit :

• E. SCHILLEBEECKX 15 sur la corporéité glorifiée : « En ce qui concerne la vie éternelle, donc, rien ne sert de vouloir s’approprier
quelque chose ou de tenter de conquérir quelque chose qui n’est pas proprement « de l’homme ». L’éternité en effet n’appartient
pas à l’homme, mais il ne réussit pas à se libérer d’y penser. La vie éternelle présente quelques analogies avec le jeu amoureux,
soit sous l’aspect ludique, soit concernant le sérieux mortel de l’amour. Nous devons donc considérer que « se laisser aimer par
Dieu » - de Dieu qui est Amour, même si ça n’est pas d’une façon humaine – se révèle et se fait vrai dans l’horizon de notre histoire
seulement sous la forme de la sollicitude pour l’autre homme ; je ne vois pas d’autre possibilité. Dans le Credo, c’est formulé de
manière très sensible. Nous professons d’abord : « je crois dans la Résurrection de la chair » et seulement après « et dans la vie
éternelle ». Seulement après. Il y a là une intuition profonde. Le corps en effet est la face de la personne humaine, son
apparaître en public, et cette face est essentiellement pour l’autre, jamais pour nous mêmes. Qui a déjà vu sa propre
face ? Nous ne voyons vraiment que la face de l’autre, qui me regarde, m’interpelle, m’interroge et répond à ma demande sur la
vie. La corporalité humaine, concentrée dans le regard et dans le visage, existe essentiellement pour l’autre. La corporéité
humaine rend évident qu’au plus profond de notre âme nous sommes ici pour l’autre, pour le prochain, et non pour nous-mêmes,
même si nous vivons ce « pour l’autre » dans notre corporéité. La résurrection de la chair comme don second de Dieu est
ainsi l’affirmation définitive de la part de Dieu de notre ouverture à l’autre, de notre amour pour le prochain qui comble
notre vie. La corporéité ressuscité, glorifiée, la vie éternelle est donc la forme accomplie et réussie de notre être-pour-
l’autre, comme forme de notre nous-laisser-aimer-de-Dieu ».

Corporéité, identité et relationalité sont liés en effet étroitement :

• CTI, 1992, « Questions actuelles d’eschatologie », 1.2.5 : « La résurrection aura lieu ‘avec cette chair qui est
la notre’ (DH 72). Ainsi, c’est le même corps qui vit aujourd’hui et qui demain ressuscitera. Cette foi apparaît
clairement dans la théologie chrétienne primitive. Ainsi, St Irénée admet la « transfiguration » de la chair, pour que
« étant mortel et corruptible, elle devienne immortelle et incorruptible » dans la résurrection finale (Adv.Her. 5,13,3).
Mais une telle résurrection s’accomplira « dans les mêmes corps qui étaient morts, parce que si ça n’était pas les
mêmes, ceux qui sont morts ne ressusciteraient pas non plus » (5,13,1). Les Pères retiennent donc que sans identité
corporelle, on ne peut défendre l’identité de la personne. L’Eglise n’a jamais enseigné que la même matière soit
nécessaire pour pouvoir dire que le corps est le même. Mais le culte des reliques (…) montre que la résurrection ne
peut s’expliquer indépendamment du corps qui vivait ».

14 CTI, 1992, Quelques questions actuelles d’eschatologie, 1.1 ; en 1.2.3-4 : « le souci nécessaire de conserver le réalisme dans la doctrine sur le corps

ressuscité ne doit pas faire oublier le caractère premier de cet aspect de communion de d’association avec Dieu dans le Christ (notre communion dans le
Christ sera complète quand, nous aussi, nous serons ressuscité corporellement), qui est la fin ultime de l’homme, de l’Eglise et du monde.
De même, le refus du « docétisme » eschatologique exige que l’on ne comprenne pas la communion avec Dieu, au stade eschatologique ultime,
comme quelque chose de purement spirituel »
15 Je crois en la vie éternelle, Raconter l’Evangile, Brescia 1988, p. 194-5

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4 – La Création Nouvelle :

• 2 P 3,13 : « Ce sont de nouveaux cieux et une terre nouvelle que nous attendons selon sa promesse, où la justice habitera »
• Rm 8,19 : « Car la création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu: si elle fut assujettie à la vanité, […] c'est avec
l'espérance d'être elle aussi libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu. »

 Il n’y a donc pas deux venues du Christ, une humble dans la crèche et l’autre glorieuse. L’Incarnation accomplit
le but de l’histoire, pas sa fin chronologique. Il n’y a qu’une seule venue du Seigneur, qui est commencée lors de
l’Incarnation, et qui sera pleinement manifeste lors de la Parousie. Les réalités dernières trouvent par conséquent dans le
Christ leur résumé. Ces réalités sont abordées de manière successive dans les traités classiques, parce que l’intelligence
humaine les distingue avec raison : mort, purgatoire, jugement dernier, ciel et enfer (ces images sont les seuls médias que
nous avons pour nous représenter des réalités dont nous n'avons aucune expérience). En fait, tout se rassemble dans le
Christ : il est le jugement, et le ciel pour ceux qui se sauvent, et le purgatoire pour ceux qui se purifient, et l’enfer même pour
ceux qui le rejettent.

D – L’herméneutique théologique et christologique du Paradis, de l’enfer et du purgatoire

1 - LA VIE ETERNELLE, ET LA VISION BEATIFIQUE

> Le Christ est le CIEL en tant qu’il est rejoint : La béatitude des hommes consiste en :
1- la pleine vision de Dieu (connaissance intellectuelle. Jn 17,3 : « la vie éternelle, c’est qu’ils te
connaissent »). St Anselme : « « J'ai été fait pour te voir et je n'ai pas encore fait ce pour quoi j'ai été fait » (Ad te videndum factus sum, et nondum feci
propter quod factus sum) » (Proslogion 1, cité en FR 42)
2- la dilection de cette vision
3- la ressemblance : « nous lui serons semblable parce que nous le verrons tel qu’il est » (1 Jn 3,2).

 La Résurrection, le ciel, la béatitude… c’est d’être fils adoptifs dans le Fils monogène. Recevoir le don de soi du Père
et y répondre en s’offrant soi-même et en offrant tout le don reçu en retour au Père. Cette connaissance de Dieu à travers le
Christ nous procure l’immortalité. « Le Christ ressuscité est le lieu de la vraie vie » (Ratz. La mort et l’au-delà, p. 166)

2 P 1,3 : « Car sa divine puissance nous a donné tout ce qui concerne la vie et la piété: elle nous a fait connaître Celui
qui nous a appelés par sa propre gloire et vertu. Par elles, les précieuses, les plus grandes promesses nous ont été
données, afin que vous deveniez ainsi participants de la divine nature… »

La vie éternelle est participation à la vie du Christ. « Je suis la Résurrection et la Vie » (Jn 11), « le chemin, la
vérité et la vie » (Jn 14). Il est le Vivant (Ap), et peut dire au larron : « tu seras avec moi au paradis » (Lc 23). Nous serons
en Christ, dit Paul (Ph 1,23), réalité préférable à celle présente.
1 Jn 5,11 : « Dieu nous a donné la vie éternelle et cette Vie est dans son Fils. »
1 Jn 1,2 : « la Vie s'est manifestée: nous l'avons vue, nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie
éternelle, qui était tournée vers le Père [Cf. Jn 1,18 : « le Fils unique, qui est tourné vers le sein du Père »] et qui nous
est apparue»
1 Jn 5,20 : « Jésus Christ est le Dieu Véritable, et la Vie éternelle »
Hymne Col. 1,15s : Si nous avons été créé « par Lui et pour Lui », nous « subsistons en Lui »

• Jean Paul II, Audience générale du 21 juillet 1999 : « Dans le cadre de la Révélation, nous savons que
le ciel ou la béatitude dans laquelle nous nous trouverons n’est pas une abstraction, ni un lieu physique
parmi les nuages, mais une relation vivante et personnelle avec la Sainte Trinité. C’est la rencontre
avec le Père qui se réalise dans le Christ ressuscité grace à la communoin de l’Esprit Saint. »

• Ratzinger, La mort et l’au-delà, Fayard, p. 132, 166 et 243 : « Le Christ en personne est le paradis. (…)
La vie éternelle n’isole pas l’homme ; elle le conduit de l’isolement à l’authentique union avec ses frères et
avec toute la création de Dieu. Toutes ces affirmations reposent en définitive sur l’idée que le Christ
ressuscité est le lieu de la vraie Vie. [Si bien que le ciel est] la pure imprégnation de tout l’homme par la
plénitude de Dieu, et la pure ouverture de l’homme qui permet à Dieu d’être ‘tout en toutes choses’, et donc
le comble lui-même sans limites »

« La relation rend immortel » poursuit Ratzinger dans le même ouvrage (en II, 4, 5a), et il développe :

• Ratzinger, « Entre le mort et la Résurrection », Communio 5/3, 1980, p. 4-19, ici p. 17 : « Qu’est-ce qui
pousse l'homme à désirer durer? Ce n'est pas le « moi » isolé, mais c’est l'expérience de l'amour: l'amour
veut que l'être aimé soit éternel et veut par conséquent l'être aussi. Nous avons donc ici la réponse
chrétienne à notre question: l'immortalité de l'âme n’est pas dans l'homme lui-même ; elle repose sur une

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relation, sur le rapport avec ce qui est éternel et avec ce qui donne à l'éternité tout son sens. Cet élément
durable, qui est capable de donner la vie et de la combler, c'est la vérité, c'est l'amour. Si l'homme peut
vivre éternellement, c’est parce qu’il est capable d'être en relation avec ce qui donne l'éternité. Ce qui, dans
l'homme, est capable de garder ces relations, nous le nommons ‘’âme’’ ».

La problématique de la vision béatifique (i.e. de Dieu) est importante :

1 Co 13,12 : « Car nous voyons, à présent, dans un miroir, en énigme, mais alors ce sera face à face. A présent, je
connais d'une manière partielle; mais alors je connaîtrai comme je suis connu. »
1 Jn 3,2 : « Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n'a pas encore été manifesté.
16
Nous savons que lors de cette manifestation nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est ».

IRENEE prend l’image de la lumière : croient à la lumière ceux qui sont illuminés par elle, et de même ceux qui verront
Dieu sont ceux qui seront en lui (à sa lumière). THA reprend ce texte d’Irénée : « Personne ne peut voir la gloire, sinon celui
qui est dans la gloire ».
AUGUSTIN le premier décrit la vie éternelle comme : repos + vision + amour + louange : « Là, nous nous reposerons
et nous verrons, nous verrons et nous aimerons, nous aimerons et nous louerons. Voilà ce qui se fera sans fin » (De Civitatae Dei,

XXII,30,5). Et Thomas d’Aquin :

• Thomas d’Aquin : « Dans la vie éternelle, la première chose est que l’homme est uni à Dieu, parce que Dieu même est
la fin de tout nos œuvres. Cette union consiste en la vision parfaite. Ainsi, dans la louange absolue, et également dans la
satisfaction de tout désir, et aussi dans la communion bienheureuse de tous les saints. Et cette communion sera totale.
Chacun ayant tous les biens, avec tous les bienheureux, et que chacun aimant l’autre comme soi même se réjouira du bien
d’autrui comme de son bien propre » 17 .

• La Constitution BENEDICTUS DEUS, de Benoit XII (1336) insiste sur le fait que cette vision se fera sans aucune
médiation (nulla interposita creatura), de façon totale et immédiate. Cela signifie que l’homme peut vraiment voir Dieu, il est
Capax Dei. (Rahner insiste que cette vision se fait par la médiation du Christ)

Jn 17,24 : « Père, ceux que tu m'as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, afin qu'ils
contemplent ma gloire, que tu m'as donnée parce que tu m'as aimé avant la fondation du monde. Je leur ai fait
connaître ton nom et je le leur ferai connaître, pour que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux et moi en eux. » (+
Jn 14,2 : « je vous prépare une place »)

 Dans la vie éternelle, nous serons dans le corps du Christ. Irénée disait que les nombreuses demeures (Jn 14,2)
que Jésus décrit dans la maison du Père sont aussi nombreuses que ses membres à lui. C’est donc clairement dans le Christ
ressuscité que nous avons accès au Père, et donc dans la Plénitude de l’Esprit. La vision de Dieu est une vision transformatrice,
qui nous rend semblable à Lui : le « contenu » de la vision béatifique nous « contiendra » (Jn 17,24 – Jn 17,5).

 Lettre aux évêques sur quelques questions d’eschatologie (CDF. 17.05.1979) : Nous devons tenir dans la foi
deux points essentiels : il y a entre ce monde et le Règne des Cieux une continuité dans la charité, et une rupture selon la foi.

« Ni l’Ecriture, ni les théologiens ne nous fournissent des lumières suffisantes pour une représentation juste de l’au-
delà. [Nous devons tenir] (1) la continuité fondamentale qui existe, par vertu de l’Esprit Saint, entre la vie présente
dans le Christ et la vie future - en effet, la charité est la loi du Règne de Dieu, et c’est précisément notre charité ici-bas
qui sera la mesure de notre participation à la Gloire du Ciel – mais d’autre part (2) le chrétien doit discerner la rupture
radicale entre le présent et le futur, fondée sur le fait qu’au régime de la foi se substitue celui de la pleine lumière : nous
serons avec le Christ et ‘‘verrons Dieu’’ (1 Jn 3,2), promesse et mystère inouïs sur lesquels porte essentiellement notre
espérance. Si notre imagination ne peut les atteindre, notre cœur y parvient d’instinct, et en profondeur »

La perfection des béatitudes dépend donc de l’intensité de notre amour pour Dieu, comme le dit déjà le Concile de
Florence (1439) (et l’Evangile, qui parle implicitement de rangs dans le Royaume. Ainsi, il est question du « plus petit dans le
Royaume » (Mt 11,11), des « premiers et des derniers » (Mt 20,16), etc… ou Paul « chacun ressuscitera selon son rang », 1
Co. 15,23) :

16 « lui » est interprété comme Dieu ou comme le Christ. Le fait est que nous serons « en Dieu ».
17 Référence inconnue… mais Cf. ST, IaIIae, q.3. Notons ici la différence entre théologie latine (vision de Dieu tel qu’en lui-même) et orthodoxe : Grégoire
Palamas dit que nous verrons les énergies de Dieu et non son essence. Jean CHR. accentue l’idée que Dieu demeure incompréhensible, et Théodore de Cyr
distingue l’ousia inconnaissable et la doxa connaissable de Dieu. L’homme pourrait donc participer aux « énergies incréées » de Dieu, mais son « essence »
demeure inparticipable. Grégoire le Grand sera le premier à le réfuter, au non de la simplicité de Dieu, puis ThA pour qui l’essence divine devient le contenu
intelligible (la forme) de notre intelligence (conscience).
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• Concile de Florence, Bulle Laetentur caeli (6 juillet 1439, DS 1305) : « [Les âmes] reçues au ciel, contemplent
clairement Dieu trine et un lui-même tel qu’Il est ; toutefois certaines plus parfaitement que d’autres selon la diversité
de leurs mérites » 18

• ThA, ST Ia, q.12, a6, c. : “Là où se réalise un plus grand amour, là se réalise un plus grand désir et le désir rend
celui qui désire plus adapté et mieux préparé à recevoir l’être désiré. Par suite, celui qui aura plus de charité verra Dieu
plus parfaitement et il sera plus heureux ».

 Ratzinger, La mort et l’au-delà (Fayard, p.164s) - La conception chrétienne de la vie éternelle est :
- dialogale : « Parce que Dieu est le Dieu des vivants et appelle sa créature, l’homme, par son nom, cette créature ne peut
périr. L’admission de l’homme par Dieu au sein de la vie divine a pour ainsi dire pris corps en Jésus-Christ : le Christ est l’arbre
de vie dont l’homme reçoit le pain de l’immortalité. (…) Dieu lui-même n’est pas “atome”, mais relation, parce qu’il est amour, et
c’est pourquoi il est vie. De là vient qu’un reflet du mystère éternel illumine l’amour humain réciproque. Cette façon de concevoir
l’être indique que la relation rend immortel; elle est ouverture, non fermeture. »
- globale : « La matière comme telle ne peut être un facteur de permanence dans l’homme (…) la distinction entre l’âme et
le corps est inamissible (ne peut être niée ou perdue). [mais] même dans l’incessante « usure » du corps, c’est bien l’homme
unique, l’homme tout entier qui marche vers l’éternité et, en tant que créature de Dieu, mûrit, dans sa vie physique, pour
contempler Dieu face à face. »
- solidaire : « La vie éternelle n’isole pas l’homme ; elle le conduit de l’isolement à l’authentique union avec ses frères et
avec toute la création de Dieu »

2 - LE PURGATOIRE

Le Purgatoire, s’il n’est pas formellement prêché par le Christ, est contenu en puissance dans l’Ecriture et exprimé
sans équivoque par la tradition liturgique et patristique de l’Eglise indivise dans son expression essentielle : la prière pour les
défunts et la foi en une purification après la mort opérée par la grâce de l’unique Sauveur spécialement dans son sacrifice
eucharistique (purification ontologiquement nécessaire pour pouvoir être parfait comme le Père est parfait, et donc capable de
Lui). L’apparition d’une expression théologique et culturelle particulière à une époque donnée (XII°) n’appartient pas à ce que
l’on nomme développement homogène de la théologie. Celui-ci conserve le contenu de la Révélation et n’en donne qu’une
intelligence plus explicite et formulée. Les excroissances de la piété ne sont pas dogmes de foi. Ainsi le purgatoire doit être
dépouillé de ses attributions historiques contingentes pour exprimer la foi chrétienne commune d’un état de purification
accompli par Dieu et aidé par la prière des fidèles vivants qui participent, par grâce, à l’œuvre du Christ Sauveur (Michel Aupetit, la

mort et après ? 135). Il est donc une réalité fondée sur l’unique Corps du Christ, qui relie au-delà de la mort : la communion des
saints, lien constitutif de l’Eglise du Ciel et de la Terre.

• Benoit XVI, Spe Salvi (2007), §. 47. : « Certains théologiens récents sont de l'avis que le feu qui brûle et en
même temps sauve est le Christ lui-même, le Juge et Sauveur. La rencontre avec Lui est l'acte décisif du Jugement.
Devant son regard s'évanouit toute fausseté. C'est la rencontre avec Lui qui, en nous brûlant, nous transforme et
nous libère pour nous faire devenir vraiment nous-mêmes. Les choses édifiées durant la vie peuvent alors se révéler
paille sèche, vantardise vide et s'écrouler. Mais dans la souffrance de cette rencontre, où l'impur et le malsain de
notre être nous apparaissent évidents, se trouve le salut. Le regard du Christ, le battement de son cœur nous
guérissent grâce à une transformation assurément douloureuse, comme « par le feu ». Cependant, c'est une
heureuse souffrance, dans laquelle le saint pouvoir de son amour nous pénètre comme une flamme, nous permettant
à la fin d'être totalement nous-mêmes et par là totalement de Dieu. Ainsi se rend évidente aussi la compénétration
de la justice et de la grâce: notre façon de vivre n'est pas insignifiante, mais notre saleté ne nous tache pas
éternellement, si du moins nous sommes demeurés tendus vers le Christ, vers la vérité et vers l'amour. En fin de
compte, cette saleté a déjà été brûlée dans la Passion du Christ. Au moment du Jugement, nous expérimentons et
nous accueillons cette domination de son amour sur tout le mal dans le monde et en nous. La souffrance de l'amour
devient notre salut et notre joie. Il est clair que la « durée » de cette brûlure qui transforme, nous ne pouvons la
calculer avec les mesures chronométriques de ce monde. Le « moment » transformant de cette rencontre échappe
au chronométrage terrestre – c'est le temps du cœur, le temps du « passage » à la communion avec Dieu dans le
Corps du Christ.»

> Ainsi le Christ est le PURGATOIRE : Le Concile de Trente distingue la poena damni (la peine du damné) qui
consiste en la privation consciente de la vision de Dieu, et la poena sensus, peine sensible du feu purifiant. Plus qu’un temps de
pénitence préalable à la vision de Dieu, mais le purgatoire est peut-être ( ?) cette vision elle-même, exactement comme la
« nuit » mystique (douloureuse) est déjà la vision mystique de Dieu, marquée néanmoins de la souffrance d’une distance avec
l’aimé : «L’amour qui tarde à posséder la personne aimé souffre, et par cette souffrance, se purifie » 19 . Ainsi, étant donné
l’impureté de l’être humain en cet état de purgatoire, cette vision de Dieu est ressentie comme une peine et non comme un
bienfait, ie comme une violence faite à notre impureté, et cette violence purifie la personne de ses impuretés. Pour prendre une

18 ThA, S.T. Ia, q.60, a.5 : « Plus grande est la charité, plus grand est le désir, et le désir rend d’une certaine manière l’être qui désire apte et préparé à
recevoir l’objet désiré. Par suite, celui qui aura plus de charité verra Dieu plus parfaitement, et il sera plus heureux ». La mesure de la vision se prend donc de
la mesure de la charité exercée sur la terre, charité qui est d’abord amour de Dieu super omnia.

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image, l’état de purgatoire est comme un éblouissement douloureux mais passager, de ceux qui sont déjà dans la pleine
lumière (i.e. sauvés) mais peu habitués à elle.

• J. Ratzinger, La mort et l’au-delà, ch. sur le Purgatoire : « Le Seigneur lui-même est ce feu de jugement [Cf. 1 Co
3,10s], qui transforme l’homme et le rend conforme à son Corps glorifié. (…) Le Purgatoire est ce processus nécessaire de
transformation spirituelle de l’homme qui le rend capable de Dieu ». Et p. 196 : « [voici] comment s’éclaire aussi le sens de la
distinction entre « ciel » et consommation définitive du monde, et donc la distinction entre jugement particulier et jugement
général. Une faute qui n’est pas encore payée, la souffrance qu’elle cause et qui continue de couver, voilà ce qu’est le
« purgatoire ». C’est donc souffrir profondément du poids de l’héritage terrestre, et pourtant la certitude d’être admis
définitivement, mais, dans le même temps, avec la peine infinie de la présence aimée qui se dérobe ».

L’inconscient, la vie refoulée, des fautes personnelles réapparaissent à la conscience pour l’accuser nécessairement sur
fond de connaissance de l’amour parfait. Le Purgatoire est la reconnaissance de l’impossibilité de ne pouvoir être tranquillement
en présence de l’amour parfait, mais en même temps un cri d’espérance vers Dieu, confiant en cet amour parfait.

Catéchisme des évêques de France, § 660 : « Pour parvenir à cette contemplation de Dieu, une « étape » de
purification, appelée purgatoire, peut être nécessaire. Il ne s’agit ni d’un lieu, ni d’un temps ; on peut parler plutôt
d’un état. En tout cas, le purgatoire, qui est bien une peine, n’est pas à concevoir comme une punition ; (…) C’est
Dieu lui-même qui purifie et transforme »

 Ratzinger, La mort et l’au-delà (Fayard, p. 238) - « L’interprétation chrétienne du purgatoire s’est donc clarifiée à nos yeux
en ce qu’elle a d’essentiel. Ce n’est pas une sorte de camp de concentration dans l’au-delà, où l’homme devrait subir des
châtiments qui lui seraient imposés d’une manière plus ou moins positive. C’est plutôt le processus interne et nécessaire de
transformation de l’homme, par lequel ce dernier devient capable du Christ, capable de Dieu et par suite capable de s’unir à toute
communio sanctorum »

3 - LA MORT ETERNELLE

> Le Christ « est » l’ENFER en ce qu’il n’est pas rejoint (Balthasar, cité plus haut) : il est la vie sempiternelle 20
de Jn 5,29, « résurrection de jugement » pour « l’étang de feu », la « seconde mort » (Ap), peine du dam (privation de la
communion avec le Christ pour lequel nous sommes faits 21 ). Bernanos : « l’enfer, c’est de ne pas aimer ». L’enfer est l’absence
d’Amour : c’est parce que l’amour existe que sa privation est possible, et douloureuse.
L’amour ne peut être forcé, et la possibilité de le refuser demeure toujours à l’homme. Y a-t-il des damnés ? Jésus ne
répond pas mais parle de la porte étroite, pour renvoyer chacun à sa responsabilité.

CEC 1033-1037 : « Nous ne pouvons pas être unis à Dieu à moins de choisir librement de l’aimer. Mais nous ne pouvons pas aimer
Dieu si nous péchons gravement contre Lui, contre notre prochain ou contre nous-mêmes : " Celui qui n’aime pas demeure dans la
mort. Quiconque hait son frère est un homicide ; or vous savez qu’aucun homicide n’a la vie éternelle demeurant en lui " (1 Jn 3, 15).
Notre Seigneur nous avertit que nous serons séparés de Lui si nous omettons de rencontrer les besoins graves des pauvres et des
petits qui sont ses frères (cf. Mt 25, 31-46). Mourir en péché mortel sans s’en être repenti et sans accueillir l’amour miséricordieux de
Dieu, signifie demeurer séparé de Lui pour toujours par notre propre choix libre. Et c’est cet état d’auto-exclusion définitive de la
communion avec Dieu et avec les bienheureux qu’on désigne par le mot " enfer ".
L’enseignement de l’Église affirme l’existence de l’enfer et son éternité. Les âmes de ceux qui meurent en état de péché
mortel descendent immédiatement après la mort dans les enfers, où elles souffrent les peines de l’enfer, " le feu éternel ". La peine
principale de l’enfer consiste en la séparation éternelle d’avec Dieu en qui seul l’homme peut avoir la vie et le bonheur pour lesquels il
a été crée et auxquels il aspire.
Dieu ne prédestine personne à aller en enfer ; il faut pour cela une aversion volontaire de Dieu (un péché mortel), et y
persister jusqu’à la fin. »

« La damnation consiste précisément dans l’éloignement définitif de Dieu librement choisi par l’homme et confirmé à
travers la mort qui scelle pour toujours ce choix. La sentence de Dieu ratifie ce choix » (JPII, Audience 28.7.99). Quant à
l’apocatastase (le salut final des démons et damnés), très présente dans la théologie orthodoxe (et également chez K. Barth), il
faut la voir non comme une doctrine mais comme une prière pour le salut de tous (St Antoine), et être prudent de toute
interprétation facile du « Tout finira bien » de Julienne de Norwich !

 Conclusion : l’Eucharistie, avant-gout et promesse de Gloire

Il y a dans la célébration de l’Eucharistie une anticipation de la Gloire promise. L’éternité descend sur terre. Mangeant
le corps du Christ, nous assimilons notre Vie éternelle. Jn 6 : « Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme, et si vous ne

19 CTI 1992 cité, 8.2, reprenant Ste Catherine de Gênes, Trattato sul Purgatorio.
20 =/= vie éternelle, participation à la vie même de Dieu.
21 Suppose le désir naturel de Dieu (STH, PP), ou plus exactement le désir de la filiation dans la conformation au Fils monogène.

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buvez son sang, vous n'avez point la vie en vous-mêmes. Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et je le
ressusciterai au dernier jour», le « Pain de vie »… : autant de parole du Christ qui nous indique que l’hostie est notre Ciel, et
que nous y devenons « une seule chair » avec la chair ressuscitée du Christ. Le CEC l’affirme également : « Notre participation
à l’Eucharistie nous donne déjà un avant gout de la transfiguration de notre corps par le Christ » (CEC 1000). « Nourris
de son corps dans l’Eucharistie, nous appartenons déjà au Corps du Christ » (1003). Comment pourrait disparaître celui
qui de sa chair a fait, par la communion, la chair du Christ. Puisque le Verbe fait Chair reste parmi nous dans les manifestations
concrètes de sa chair et de son sang transfigurés, l’eucharistie est une universalisation de son être vivifiant, une donation,
sacramentellement réalisée dans l’Eglise. Elle assure qu’il y a déjà dans cette vie un lien intime qui nous relie, corps et âme,
avec la vie qui n’aura pas de fin : ce lien, c’est le « pain de Vie » qui devient notre chair, communion après communion.
Les sacrements opèrent donc la transmission, la communication de la vie divine (devenir Dieu par participation).
- HUB : « l’Eglise est présence vraiment divine de l’éternité dans le temps… Par l’Esprit, l’Eglise vit au sein de la vie
éternelle ; elle doit constamment la transmettre à la vie des croyants.» (Dram.Div, t. IV – Dénouement, 115).
- F.X. Durwell : L’Eucharistie est le « sacrement de la Parousie », elle est « une forme permanente de l’apparition du
ressuscité, le sacrement par excellence de son être parousiaque »

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