Théorie générale du Droit Constitutionnelle S1 Pr K. HACHOUMY

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Théorie générale du
droit constitutionnel
Année universitraire 24-2025
Semestre 1

Pr. Kamal HACHOUMY


2 OBJECTIFS DU MODULE

 Permettre à l’étudiant d’acquérir les notions fondamentales


de droit constitutionnel.
 Appréhender le fonctionnement juridico-institutionnel de l’État
et ses éléments constitutifs.
 Acquérir les règles qui régissent l’élaboration et la révision des
constitutions.
3 DESCRIPTION DU CONTENU DU MODULE

1. Définition de l’État et ses éléments constitutifs


2. La constitution de l’État : conception et établissement
3. Les fondements de l’Etat: La constitution et les règles
constitutionnelles
4. Les formes de l’État
5. Les fonctions et les mécanismes juridiques de l’État
6. L’élaboration, l’abrogation et la révision de la
Constitution
4 qu’est-ce que le droit ?

Il peut être considéré comme un


ensemble de règles de conduite
socialement édictées et sanctionnées qui
s’imposent à l’ensemble de la société.
5 Qu’est-ce que le Droit Public ?
 Il s’oppose au Droit Privé.
 En effet le Droit Privé régit les relations entre les entreprises, entre les
particuliers,
 le Droit Public règle le fonctionnement de toutes les institutions, constitue
l’ensemble des règles régissant les relations entre les administrations ou
entre les administrations et les administrés.
 C’est au temps de l’empire romain que l’on voit apparaître la première
définition et le premier exemple de ce que l’on appelle aujourd’hui le
droit public.
 Le Droit romain est le premier qui systématise les différentes branches du
droit : le Droit Public se rapporte au droit commun, ils distinguent le Droit
Public du Droit Privé et du Droit des Gens qui s’applique aux nations (les
règles qui font fonctionner les relations entre Etats) et également du Droit
Naturel (il s’applique à tous les être vivants).
6 Qu’est-ce que le Droit Constitutionnel ?
 Le droit constitutionnel relève du droit public et rassemble les règles
juridiques relatives à la forme de l'État, à la constitution du
gouvernement et des pouvoirs publics et à la participation des
citoyens à l'exercice de ces pouvoirs.
 La constitution, au sens matériel, est l’ensemble des règles relatives à
l’organisation de l’État, c’est-à-dire à la désignation des hommes qui
exercent ce pouvoir, à leurs compétences, à leurs rapports mutuels.
 l’ensemble des règles de droit et l’ensemble des règles juridique qui
se rattachent à la constitution d’un Etat et sont également destinées
à encadrer le jeu des acteurs politique dans le sens étymologique
de polis, en grec, la cité
 C’est le droit dont la force est la plus importante dans la hiérarchie
des règles de droit :
 c’est le droit supérieur de l’État.
7

 Les organes de l’Etat, c’est-à-dire le Président, le


Gouvernement et les Citoyens ont un pouvoir qui est dicté
par la constitution mais se trouve aussi limité par elle.
 Le Droit Constitutionnel a pour origine l’institutionnalisation
de la vie politique. Le pouvoir politique est un phénomène
inérant à la vie sociale, une organisation qui gère les
relations entre les différents éléments de la société. Il s’agit
de plus d’un certain type de pouvoir qui assure la sécurité
des membres de l’Etat.
 C’est un droit qui définit juridiquement l’État, Il y a donc
identité entre le droit constitutionnel et l’État.
8

I- Définition de l’État et ses


éléments constitutifs
9

 La notion d’Etat a toujours suscité d’assez fortes réaction quant


à son emprise sur la société, C’est pour cela que chaque Etat
connaît des crises et que chacun se demande quelle est sa
place, s’il ne se désengage pas de plus en plus, et s’il ne devrait
pas intervenir de manière plus significative dans la société.
 Nietzsche: « L’Etat est le plus froid des monstres froids »
 Engels : « Une organisation de la classe possédante pour la
protéger de la classe non possédante »
1 : La définition de l’Etat
10
 On peut définir l’Etat comme un Etat Providence, un Etat Gendarme, un Etat
Police, un Etat de Droit, …
 La complexité de la notion d’Etat vient du fait qu’il est tout à la fois une idée,
une notion, un fait, une abstraction mais aussi et avant tout une
organisation.
 Approche sociologique : « L’Etat est une institution qui, sur un territoire
déterminé, revendique avec succès pour son propre compte, le monopole
de la violence physique légitime » Max Weber
 L’Etat repose donc sur la reconnaissance du caractère légitime de ce
monopole, une relation d’obéissance où les dominés se soumettent à
l’autorité de ceux qui dominent.
 Le champ de l’Etat: Institutions politiques + Volonté/Pouvoir/Puissance = Etat
 L’Etat est un ensemble d’institutions animées par une volonté et une force
a- Identification droit constitutionnel et Etat
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 Le droit constitutionnel est constitutif de l’État signifie que le


pouvoir politique qu’il incarne s’exerce en vertu de règles
juridiques qui sont contenues dans la constitution.
 Historiquement, dans l’occident les constitutions sont apparues
en même temps que les États :
• XVIIIe siècle: développement du constitutionnalisme
• DEF: Mouvement idéologique selon lequel pour assurer la liberté, il
faut limiter le pouvoir avec des règles qui s'imposent à lui.
 La définition du titulaire de la souveraineté sert non seulement à
attribuer les fonctions souveraines mais aussi à en limiter
l’exercice.
 L’État est une fiction qui est à la fois l’ensemble institutionnel qui
représente la société et l’instrument juridique qui sert à l’organiser
b- définition juridique de l'État
12

L'État est « une personne morale de droit public,


territoriale et souveraine »
(DEBBASCH 5Ch.), BOURDON (J.), PONTIER (J.-M.), RICCI (J.-C.)).

C'est en effet une personne morale d'un genre particulier,


parce que doté des prérogatives de création d'arrêt de
droit et de prescription du caractère impératif de ces
règles par l'exercice et le contrôle de l'usage de la force.
Cette définition suppose que l'État est une personne
morale de droit public, permanente et souveraine.
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2- les éléments constitutifs de l’Etat
a- L’Etat saisi par le droit

 L’État est une personne juridique, il n’existe que parce qu’une


convention, autrement dit du droit, existe (Théorie du contrat
social),
 Un contrat conclu de manière plus ou moins explicite entre
les individus et leurs princes ou entre les individus et
l’institution qui devrait les gouverner
 L’État est une fiction qui est à la fois l’ensemble institutionnel
qui représente la société et l’instrument juridique qui sert à
l’organiser,
14 b- l'État est une entité permanente
 La notion de personne morale permet de la sorte d'expliquer la
continuité et la permanence du pouvoir étatique, notamment son
institutionnalisation.
 Le pouvoir de l'État s'adresse essentiellement à la société et s'exerce
sur ses différentes composantes par le biais de fonctions
 État est l’allocateur de biens et de statuts juridiques, celui par
exemple d'agir en son nom.
 Il est aussi le producteur de règles normatives à la base de
l'organisation sociale; et également par le biais de moyens
 l'État dispose d'un patrimoine et également d'une capacité juridique
pour assurer la défense de ses droits et de ses intérêts.
15 c- l'État est souverain
 La notion de souveraineté de l'État renvoie à une doctrine juridique
selon laquelle celui-ci est le détenteur exclusif du pouvoir suprême
auquel toutes les collectivités et autorités qui lui sont extérieures sont
soumises.
 Ce pouvoir suprême correspond à ce que Max Weber a appelé le
«monopole de la contrainte organisée », dont la première expression est
nécessairement un pouvoir exclusif d'édicter les règles normatives,
fondement de l'organisation sociale.
 La souveraineté de l'État signifie que « le monopole de la contrainte
permet à l'État, non seulement d'imposer le respect de ses lois, mais de
contrôler, au niveau de leur exécution, les décisions des autres pouvoir
qui n'existent plus désormais en tant que tels qu’avec l'approbation
tacite du pouvoir étatique ».
16 d- La définition « sociologique » de l’Etat

 L’État est une autorité souveraine qui s’impose à une


population vivant sur un territoire déterminé.
 3 éléments constitutifs:
1. Une autorité souveraine = un pouvoir souverain
2. Une population = un groupe d’hommes
3. Un territoire = un espace géographique délimité
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En général: les éléments constitutifs de l'État sont les composantes


essentielles qui définissent une entité en tant qu'État au sens juridique et
politique. Ces éléments sont les suivants :
1. Le territoire:
C’est l’espace géographique délimité par des frontières où l’État
exerce sa souveraineté. Il inclut le sol, le sous-sol, les eaux territoriales et
l’espace aérien.
2. La population :
Il s'agit de l'ensemble des individus résidant de façon permanente sur le
territoire de l'État. Ce sont les citoyens ou les habitants soumis aux lois
de cet État.
3.Le pouvoir politique ou gouvernement :
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C'est l'autorité politique qui exerce la souveraineté à l'intérieur du territoire.
Ce pouvoir est chargé de créer et de faire appliquer les lois, de protéger la
population et de maintenir l'ordre public.
4. La souveraineté :
C'est la capacité de l'État à exercer son pouvoir sur son territoire de manière
autonome, sans dépendre d'une autorité supérieure extérieure. Elle peut
être interne (le pouvoir de faire respecter les lois sur le territoire national) et
externe (la reconnaissance internationale de l’État par d'autres États).
5. La reconnaissance internationale (facultatif mais essentiel en pratique) :
Pour que l'État existe pleinement sur la scène internationale, il doit être
reconnu par d'autres États et participer aux relations internationales (par le
biais de traités, de l'adhésion à des organisations internationales, etc.).
19

II- La constitution de l’État :


conception et établissement
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1- Les théories classiques du contrat social:

 Principe de la légitimité du pouvoir,


 Etat, phénomène durable fondé sur la volonté commune
des gouvernants et des gouvernés,
 Origine: conception volontariste des gouvernés (philosophie
grecque au moyen âge chez Saint Thomas d’Aquin)
 Etat/ sauvegarde de la liberté
21
 l’homme est naturellement mauvais, Aucune organisation sociale et étatique/
application de la loi du plus fort

 Souscription tacite et par résignation à un contrat confiant le pouvoir à une


autorité incontestable/ garantie de l’ordre et de la paix civile.

 Aucun engagement personnel du Léviathan par ses dispositions, la sécurité des


personnes et des biens/renoncement à leur droit individuel naturel au profit du
seul souverain/ pouvoir absolu (politique et religieux)

 positivisme juridique radical, enlèvement de tout caractère moral au droit et à


l’Etat/ intérêt des lois civiles

 L’Etat forme une personne distincte de tous les individus qu’il réunit/ une rupture
entre l’agrégat social et l’Etat, Le pouvoir est artificiel et illimité.

 Les abandons succèdent aux abandons et rien ne reste en propre à l’homme


a- Thomas Hobbes, le Léviathan (1651)
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Thomas Hobbes, dans son œuvre Le Léviathan (1651), développe une théorie de
l'État fondée sur la nécessité d'un pouvoir central fort pour garantir la paix et la
sécurité. Voici les grandes lignes de sa pensée sur l’État :

1.L'état de nature :
Hobbes décrit un état de nature où les individus, sans lois ni autorité, vivent dans un
conflit permanent. Dans cet état, la vie est marquée par la violence, l'insécurité et la
peur, car chacun agit selon ses propres intérêts. Il qualifie cet état de guerre de «
chacun contre chacun ».

2.Le contrat social :


Pour sortir de cet état de chaos, les individus décident de passer un contrat social. Ils
acceptent de renoncer à une partie de leur liberté et de transférer leur pouvoir à
une autorité commune, en échange de la protection et de la sécurité.
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3. Le Léviathan (l’État) :
Le Léviathan représente l’État, un pouvoir souverain absolu. Selon Hobbes, cet
État doit être suffisamment puissant pour maintenir l’ordre et prévenir le retour à
l'état de nature. Le souverain, qu'il soit un roi ou une assemblée, détient un
pouvoir centralisé et indivisible.

4. Souveraineté absolue :
L’État doit avoir une autorité absolue sur la population pour garantir la paix. Toute
opposition au pouvoir souverain mettrait en danger la stabilité de la société.

5.La protection des citoyens :


En contrepartie de l’obéissance, l’État a pour devoir de protéger ses citoyens et
leurs biens. Si l'État échoue à assurer cette protection, le contrat social est rompu,
bien que Hobbes soit réticent à la rébellion.
b- John Locke (Traités du gouvernement civil (1690))
24
Dans « Deux Traités du gouvernement civil » (1690), John Locke élabore une
théorie de l'État axée sur les droits naturels, la liberté individuelle et le
consentement des gouvernés:
1. État de nature : Locke décrit un état de nature où les individus sont libres,
égaux et possèdent des droits naturels inaliénables (vie, liberté,
propriété), mais manquent d’une autorité impartiale pour protéger ces
droits.
2. Contrat social : Les individus concluent un contrat social pour former un
gouvernement dont le rôle principal est de protéger leurs droits. Ce
contrat n’entraîne pas la renonciation totale à leurs droits, contrairement
à la vision de Hobbes.
3. Gouvernement limité : Le pouvoir du gouvernement est limité et légitime
seulement s'il protège les droits naturels. Les citoyens ont le droit de
résister ou de renverser un gouvernement tyrannique.
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4. Séparation des pouvoirs : Locke préconise une séparation des pouvoirs


(législatif, exécutif et fédératif) pour éviter l’abus de pouvoir et protéger les
libertés individuelles.

5. Propriété privée : La protection de la propriété est essentielle, et toute violation


justifie la résistance contre l'État ou d'autres individus.

6. Consentement des gouvernés : L’autorité légitime repose sur le consentement


des citoyens, explicite ou tacite.

7. Droit à la révolution : Les citoyens ont le droit de renverser un gouvernement qui


ne respecte pas leurs droits.

En résumé, Locke défend un gouvernement limité qui protège les droits naturels
des individus, avec un accent sur le consentement et la légitimité politique,
influençant ainsi le développement des démocraties modernes.
c- Jean Jacques Rousseau ( le contrat social)
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Dans « Du Contrat Social » (1762), Jean-Jacques Rousseau élabore une
théorie sur la construction de l'État fondée sur la souveraineté populaire
et la volonté générale:
1. État de nature : Rousseau décrit un état de nature où les individus
vivent librement et en égalité. La propriété et les inégalités
corrompent cet état harmonieux, incitant les gens à former une
société.
2. Contrat social : Les individus concluent un contrat social pour renoncer
à leur liberté naturelle en échange de sécurité et de droits au sein d'une
communauté. Ce contrat établit une relation nouvelle entre les citoyens
et l'État.
3. Souveraineté populaire : La souveraineté appartient au peuple.
Rousseau insiste sur le fait que le pouvoir doit émaner directement de la
volonté collective des citoyens, sans être délégué à un souverain.
27

4. Volonté générale : La volonté générale, représentant l'intérêt commun,


doit guider la création des lois. Elle ne doit pas être confondue avec la
volonté de la majorité, car elle vise le bien-être de tous.
5. Égalité et liberté : Rousseau valorise l'égalité et la liberté, considérant que
la véritable liberté consiste à participer activement à la vie politique et à
respecter les lois issues de la volonté générale.
6. Éducation civique : Il souligne l'importance de l'éducation des citoyens
pour les préparer à participer à la vie politique et à comprendre leur rôle
dans la société.
7. Critique des institutions : Rousseau critique les institutions de son époque,
qu'il juge souvent corrompues, et plaide pour leur refonte afin qu'elles
reflètent les intérêts du peuple.
28

2- Les théories explicatives du principe étatique


a- Friedrich Hegel 1770 -1831
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 Seul l’Etat par sa puissance et sa solidité permet de dépasser les intérêts individuels

 Seul l’Etat est le fondement du droit car il permet de conférer à une norme un
caractère coercitif, il ne peut se référer à un contrat passé entre les individus

 L’Etat rationnel hégélien vise la réalisation de la liberté car il développe la liberté


subjective

 Les droits ne sont pas donnés par la nature. Au contraire ils sont acquis dans la
société

 La structure de l’Etat par sa stabilité et sa durabilité conformément à la dimension


objective de la liberté

 La liberté devient institutionnalisée et protégée

 L’Etat est une entité autosuffisante, dépend de lui-même.


b- Maurice Hauriou 1856 -1929
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 Accroissement du donné social de liberté, de fraternité et d’égalité

 Admission de la personnalité subjective de l’Etat comme une réalité


sociale

 L’Etat est constitué d’un ensemble d’institutions habilitées à édicter des lois
appliquées aux individus (règles disciplinaires/ règles statutaires)

 L’Etat est l’institution des institutions

 L’Etat est la forme la plus perfectionnée, la plus accomplie, source de droit

 L’Etat est une réalité historique et non un fait qu’il suffit de constater,
produit d’un consentement coutumier qui lui garantit la durée et justifie le
développement du droit
31

III- Les fondements de l’Etat:


La constitution et les règles
constitutionnelles
32

1- Les fondements formels de l’Etat :


La Constitution
33 a- la notion de la constitution

 *La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789


dispose dans son article 16 : «toute société dans laquelle la
garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs
déterminés, n'a pas de constitution ».
 Les termes de cet article donnent précis et restrictif à la notion de
constitution : c'est «l'ensemble des règles régissant les organes
supérieurs de l'État libéral, de l'État garantissant et organisant la
protection de la liberté et par la séparation des pouvoirs»
 La constitution est le fond formel de l'État et, par conséquent,
l'élément de base du droit constitutionnel.
34
 La notion de constitution renvoie à celle de constitutionnalisme qui représente le
mouvement apparu au siècle des lumières
 L'objet de ces mouvements s'est centré sur une volonté de remplacer les
traditions et les pratiques de l'exercice du pouvoir, souvent floues et
laissant place à des usages discrétionnaires de la part des souverains.
 Ces mouvements ont conduit à l'élaboration de règles écrites visant à
limiter l'absolutisme et, parfois, le despotisme du pouvoir monarchique,
 La notion de constitution est formée de toutes les règles relatives à l’organisation,
à la dévolution et à l'exercice du pouvoir, contenu dans un texte écrit.
 Des points de vue formel ou organique, la constitution est l'ensemble des règles
qui ont reçu forme distincte (c'est le cas de constitution écrite) ou qui ont été
édictées et ne peuvent recevoir précision que par un organe spécifique
(assemblée constituante, à titre d'exemple) ou selon une procédure particulière.
35 b-constitution écrite et constitution coutumière
 Le premier procédé a été mis en place par les pères fondateurs de l'État américain en
1787. C'est la norme usuelle actuellement tant il est vrai que la formule écrite offre
nombreux avantages par rapport à la constitution coutumière.
 La constitution écrite est « un texte formant un ensemble logiquement articulé, édicté
par les autorités politiques ».
 Elle constitue une formulation écrite du « pacte social » qui a pour objet la légitimation
et l'organisation rationnelle du corps politique, notamment la détermination de
l'étendue et des limites des prérogatives et devoirs des gouvernants et des gouvernés.
 Dans des cas précis, la constitution écrite est formée par des lois constitutionnelles.
C'est précisément le cas de la constitution française de 1875 instituant la Troisième
république.
 Dans le cas allemand, il s'agit de la Grundgesetz1, la loi fondamentale ou de la
Verfassung, la constitution.
 Nonobstant, le mérite le plus saillant de la constitution écrite demeure la prévision
d’institutions et de procédures précises pour son abrogation ou sa révision.
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 La constitution coutumière dite « constatée » n’est exprimée


dans aucun document solennel.
 Elle est articulée autour d'un ensemble de « manières de faire,
appelés ‘précédents’, immémoriaux ou anciens, considérés
comme obligatoires, et dans certains textes édictés par les
autorités politiques et considérées comme fondateurs »
 L’exemple britannique offre la meilleure illustration de la
constitution coutumière.
 La constitution coutumière est dite souple dans la mesure où elle
peut être révisée sans procédure spéciale, notamment par
l'évolution des pratiques ou l'adoption de nouvelles lois
constitutionnelles, en fonction de l'évolution des impératifs
politiques, sociaux et économiques.
37

2-L‘autorité de la constitution,
le contrôle de la constitutionnalité des lois
38

 L'autorité de la constitution est une conséquence de sa


supériorité par rapport aux autres règles de droit.

 Elle détermine la hiérarchie des normes qui constituent la


construction de base du système de l'«Etat de droit», c'est-
à- dire le système dans lequel l'ensemble des mécanismes
étatiques est soumis au droit, notamment à la constitution.
39 2.1- le principe du contrôle de la constitutionnalité des lois

 La constitution se démarque au sommet de la hiérarchie des normes


juridiques. Par conséquent, sa valeur juridique est supérieure à celle de la loi
ordinaire.

 Ainsi, la loi, acte voté par le parlement, doit être conforme à la constitution,
c'est-à-dire ne pas agir en dehors de la sphère de compétences,
rigoureusement déterminée par le texte constitutionnel (ex, article 71 de la
constitution marocaine, article 34 de la constitution française)
 Mais il pose un problème particulier. Le contrôle de la conformité des
normes juridiques inférieures (lois, règlements, actes d'exécution...) aux
normes juridiques supérieures puise sa raison dans le caractère rigide de la
constitution et, par conséquent, de sa valeur juridique supérieure aux autres
normes juridiques.
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 Ce retard s'explique par les réserves intimement liées au principe de contrôle
de la constitutionnalité de la loi :
 une réserve d'ordre politique : la loi, telle qu'elle est définie par la philosophie
des lumières, est «l'expression de la volonté générale».
 Elle est votée par le parlement, composé par les représentants du peuple et
qui expriment sa volonté.
 Historiquement, l'adoption d'un système de contrôle de constitutionnalité des
lois est assez récente.
 Exception faite du système américain, le contrôle de la constitutionnalité des
lois est adopté à partir des années 20, notamment en Europe (1920 en
Autriche).
 En France, ce système est mis en place par la Constitution du 4 octobre 1958,
dite de la Cinquième République.
41
 une réserve quant à l'attitude de l'organe chargé de veiller au respect de la
constitution.
 En effet, l’inconstitutionnalité dont serait entachée une disposition législative n'est
que rarement afférente à une violation incontestable de la constitution. Ceci pour
des raisons évidentes : d'une part, le contenu de la constitution est aussi souple qu'il
est susceptible d'interprétations larges, voire même contradictoires.
 D'autre part, le parlement ne se comportera pas de façon naïve, maladroite ou de
façon voulue de manière à violer ouvertement la constitution.
 Généralement, la violation du cadre formel prévu par la constitution qui n'exige
aucun effort d'interprétation, est très rare.
 Par contre, la violation du contenu de la constitution ne peut être soulevée qu’au prix
d'une interprétation parfois sur fond politique.
 L'interprétation donnée par l'organe de contrôle à cet égard et nécessairement empreinte
de subjectivité et, en conséquence, n'est pas forcement conforme à la volonté du
constituant.
42
2.2- les organes de contrôle
 « Statuer sur la constitutionnalité d'une loi c'est apprécier la régularité d'une
décision prise par la majorité du Parlement, être exposé à constater que celle-
ci s'est trompée, qu'elle a violé la Constitution ».
 Ainsi, l'organe chargé de vérifier la constitutionnalité des lois serait-il
difficilement en mesure de se soustraire à la subjectivité politique, ce qui
pourrait, en cas d'opposition politique ouverte, générer des tensions entre le
juge constitutionnel et les sensibilités politiques donnant un discours adverse.
Exemple :
 En juillet 1967, lorsque l’institution invalide l’élection de quatre députés (un
du PSU, un du FGDS, un de l’UNR et un centriste), François Mitterrand
critique vivement le Conseil constitutionnel, l’accusant de « manquer aux
devoirs d’un grand juge et de céder aux pressions de plus en plus
choquantes du pouvoir».
 Le futur président de la République ajoute : « C’est une mauvaise
43

le constituant pourra décider :


 soit une politisation accrue du rôle de l'organe chargé de statuer sur la
constitutionnalité des lois et de sa structure (contrôle par un organe
politique), considérant que ainsi, il constituera un organisme régulateur
efficace ;
 soit une dépolitisation de cet organe on lui attribuant une tache
d’ordre « technique », et par la même, le rôle d'un organe
théoriquement neutre « organe juridictionnel »
44 a- le contrôle par un organe politique
 Sous cet aspect, il ne sera pas question d'un contrôle de l'aspect juridique
des lois mises en cause mais de leur opportunité politique.
 La juridiction constitutionnelle « ne vérifiera pas uniquement la conformité
de la loi à la constitution, et sera tentée de glisser vers l'appréciation de
l'opportunité de la mesure envisagée, de toute façon il s'expose à en être
accusé ».
 Elle s’attachera essentiellement à établir des compromis entre les forces
politiques associées dans l'exercice du pouvoir.
 Ainsi cette juridiction sera réduite au rôle d'allié du pouvoir politique
(souvent c'est la majorité parlementaire dont le gouvernement est issu) qui
s'assurera de sa neutralité -voire de son accord - vis-à-vis de la production
de législative du parlement.
45

Exemple
 Le Conseil constitutionnel (en France) annule, le 12 janvier 2002, une
disposition de la « loi de modernisation sociale » adoptée le 19 décembre
2001 par le parlement et portant définition des « licenciements
économiques ».
 En effet, prenant en compte l'émotion de l'opinion face aux affaires
Renault, Vilvorde, Michelin, Danone, Marks & Spencer…, la nouvelle
définition figurant dans la loi visait à s'opposer aux licenciements pour
convenance boursière.
 S'inscrivant dans la défense d'un droit fondamental, le droit au travail, elle
limitait le pouvoir exagéré d'actionnaires décidant de fermer une
entreprise non pas parce qu'elle perdait de l'argent, mais parce qu'elle
n'en gagnait pas assez.
b- le contrôle exercé par un organe juridictionnel
46

 Dans ce système, c'est la technique juridique qui prévaut.


 Agissant selon une procédure juridictionnelle, la tâche des juges consiste à
contrôler la loi mise en cause en fonction de critères juridiques, notamment
la conformité technique de la loi à la constitution.
 Ce qui renforce la garantie d'indépendance des juges et, par là même,
réduit considérablement le rapport entre la recherche de compromis d'ordre
politique et la fonction de contrôle de la constitutionnalité des lois,
théoriquement impartiale.
 Le contrôle par un organe juridictionnel combine en effet des avantages
théoriques notamment la technicité, l'indépendance et l'efficacité qui font
sa force et justifient sa primauté par rapport au système de contrôle confié à
un organe politique.
47

 Ce type de contrôle peut s'exercer selon deux techniques :


 contrôle par voie d'action (à titre principal ou in abstracto) qui
implique l'annulation pure et simple de la loi jugée non conforme à la
constitution (le système américain comme exemple type), ou

 contrôle par voie d'exception dans lequel la partie requérante


demande au juge d'écarter l'application de la loi à l'affaire en cause.

(Model américain issu de la jurisprudence Marbury-Madison en 1803)


48

Examen de constitutionnalité selon la


constitution de 2011
 L’examen de constitutionnalité des lois est le seul moyen de faire prévaloir la
constitution sur la loi.
49

Article 132.
 Les lois organiques avant leur promulgation et les règlements de la Chambre
des Représentants et de la Chambre des Conseillers, avant leur mise en
application, doivent être soumis à la Cour Constitutionnelle qui se prononce
sur leur conformité à la Constitution.
 Aux mêmes fins, les lois et les engagements internationaux peuvent être
déférés à la Cour Constitutionnelle avant leur promulgation ou leur
ratification, par le Roi, le Chef du Gouvernement, le Président de la Chambre
des Représentants, le Président de la Chambre des Conseillers (…)
 Dans les cas prévus aux deuxième et troisième alinéas du présent article, la
Cour Constitutionnelle statue dans un délai d'un mois à compter de sa
saisine. Toutefois, à la demande du gouvernement, s'il y a urgence, ce délai
est ramené à huit jour
50
 Article 133: La Cour Constitutionnelle est compétente pour connaître d'une exception
d'inconstitutionnalité soulevée au cours d'un procès, lorsqu'il est soutenu par l'une des
parties que la loi dont dépend l'issue du litige, porte atteinte aux droits et libertés garantis
par la Constitution.
 Loi organique 15.86 fixant les conditions et les modalités d’application de l’article 133 de
la Constitution (à l’exception d’inconstitutionnalité soulevée au cours d’un procès)
 «la Cour constitutionnelle est compétente de trancher n’importe quel recours portant sur
l’inconstitutionnalité d’une loi, soulevé lors de l’examen d’une affaire, si une des parties en
litige estime que la loi qui sera appliquée lors du procès porte atteinte aux droits et libertés
garantis par la Constitution»
 Ratifiée par le parlement, Rejetée par la Cour constitutionnelle ( 11 articles); décision n°
70-18 du mardi 6 mars, la Cour constitutionnelle a considéré que: La loi d’application sur
l’exception d’inconstitutionnalité soulevée au cours d’un procès a fauté quant à la
détermination de la «partie» habilitée à soulever cette exception. La Cour a considéré
que le Parquet général a été omis dans la nouvelle loi qui ne l’a pas considéré comme
«partie».
51

IV- Les formes de l'Etat


52
1- Etat unitaire
 Fondé sur une organisation constitutionnelle unique sans partage de
souveraineté
 Un seul centre de pouvoir sans concurrence sur l’ensemble du territoire
et de sa population
 Les normes locales ne peuvent être créées qu’en application des
normes nationales préalables
 C’est la loi qui institue l’autorité locale compétente lui fixe les objectifs,
les limites, détermine les procédures et organise un contrôle sur le
contenu des décisions.
 Etat centralisé : Toutes les normes sont prises par les autorités nationales
 Etat décentralisé: Les normes régionales /locales sont prises par les élus
( idée démocratique et minorité)
53 Origine des Etats unitaires:
 Forgés par les monarques / mise à fin à l’époque féodale
 Moyen d’assurance de l’homogénéisation des sociétés plurielles (un seul
ordre normatif)
 Tendance vers la déconcentration et la décentralisation : souci de
rationalité et d’efficacité / sauvegarde de l’unicité de l’ordre politique.

La féodalité désigne alors une société caractérisée


par la hiérarchie des terres et des personnes, le
morcellement des terres et de l'autorité, la
domination de la classe combattante.
54 2- Etat composé

Variable: structure selon la rigidité du lien qui unit ses parties


composantes allant de la Confédération à l’Etat fédéral.
55 a-La Confédération d’Etats

 Issue d’un traité international


 Etats membres avec institution d’un organe central compétent avec fonction
limitative.
 Eloignement de l’idée de représentation démocratique des Etats membres:
représentants des Etats membres nommés par leurs gouvernements respectifs
 Décisions se prennent à l’unanimité
 Les Etats membres souverains
 Etats membres exercent des fonctions diplomatiques ou militaires
 Liens renforcés vers l’Etat fédéral
56

 On peut citer, à l’heure actuelle, quatre exemples :


 Le «Commonwealth», association d’Etats issus de l’Empire
britannique, dotée d’un minimum d’organes communs : la Couronne
et une conférence des chefs du gouvernement ;
 en décembre 1991, l’éclatement de l’URSS a fait place à une
« Communauté des Etats indépendants » (CEI) regroupant douze des
quatorze Républiques de l’ex-URSS (sans les Etats baltes) ;
 l’Union européenne, issue du Traité de Maastricht, signé le 7 février
1992 (complété par le traité d’Amsterdam signé le 2 octobre 1997),
est également parfois présentée comme une « Confédération » ;
 la Confédération instituée par l’accord du 18 mars 1994, entre la
Bosnie-Herzégovine et la Croatie.
57 b-Etat fédéral (Théorie de Georges Scelle/ Fédéralisme par
association/ Fédéralisme par désagrégation

 La Communauté instituée forme un véritable Etat


 droit interne: Constitution fédérale et exercice des trois fonctions
 droit international: Entretenir des relations internationales
 L’Etat fédéral repose sur deux principes:
1- Le principe de la participation : formation des décisions de l’Etat
fédéral (deuxième chambre où siègent les représentants des Etats
membres)
2- Le principe d’autonomie: Les Etats établissent leurs propres
constitutions, lois, les exécutent, désignent leurs gouvernants et ont un
appareil judiciaire
58 Particularités de l’Etat fédéral

 Les structures des Etats membres et de l’Etat fédéral ne sont pas


superposées ni séparées. Malgré la participation des Etats membres à la
formation des normes fédérales, l’ordonnancement juridique d’ensemble
est hiérarchisé:
1- La constitution de l’Etat fédéral détermine les compétences des organes
fédéraux et à contrario les compétences des Etats fédérés
2- Les Etats fédérés n’ont pas le pouvoir de déterminer leurs propres
compétences/ pas de souveraineté
3- La Constitution fédérale limite le pouvoir constituant fédéré
4- Les lois des Etats membres en conformité avec la Constitution de l’Etat
fédéral
59

 Quelle est la différence entre un État fédéral et État fédéré ?


Les compétences qui intéressent la souveraineté internationale
restent généralement le monopole de l'État fédéral (diplomatie,
défense, monnaie). Les États fédérés sont des entités politiques qui
disposent chacune d'un pouvoir exécutif, législatif et juridictionnel,
s'articulant avec ceux des institutions fédérales.

 Les États-Unis sont-ils une fédération ou une confédération ?


Jusqu'en 1789, les États-Unis étaient une confédération , mais, avec
l'adoption de la Constitution américaine, le mot fédération, ou
l'expression république fédérale, a été introduit pour impliquer une
union plus étroite.
60

 Constitution fédérale : Les États-Unis disposent d’une Constitution


nationale qui définit les compétences et limites des différents niveaux de
gouvernement.
 États autonomes : Chaque État possède sa propre constitution, ses lois,
son gouvernement, et peut légiférer dans de nombreux domaines
(comme l’éducation ou la santé).
 Compétences exclusives et partagées : Certaines compétences sont
réservées au gouvernement fédéral (comme la politique étrangère),
tandis que d’autres sont laissées aux États ou partagées entre les deux.
 Partage du pouvoir : Le pouvoir est réparti entre le gouvernement
fédéral (central) et les 50 États membres.
Source: https://www.axl.cefan.ulaval.ca/monde/Federations-liste-pays.htm
Dernière mise à jour: 22 juil. 2022

61
62

V- les fonctions et les mécanismes


juridiques de l'Etat
63 A- les fonctions de l'Etat

 L'État est un instrument destiné à la réalisation du bien commun.


 Ainsi est-il tenu de veiller à défendre les intérêts matériels et
moraux de sa population, en particulier les libertés et les droits
des individus, membres de la collectivité. C'est l'aspect politique
des fonctions de l'Etat.
 D'autre part, l'Etat dispose instruments juridiques lui permettant
d'assurer la mise en œuvre de ses compétences de nature
politique. C'est l'aspect juridique des fonctions de l'Etat.

Dec-23
64 1- les fonctions politiques de l'Etat.

 C'est toute la problématique de la consistance du rôle de l'État


qui se pose à cet égard.
 En effet, l'étendue des compétences de l'État est variable selon
les époques et selon la doctrine politique dominante.
 Le triomphe de la doctrine libérale à la fin du XVIIIe siècle et tout
au long du XIXe a entraîné la consécration d'un rôle de l'Etat
confiné aux fonctions régaliennes ou de souveraineté.
 Mais à partir de la première guerre mondiale, cette vocation de
l'Etat va subir les effets de l'évolution idéologique et des exigences
techniques en faveur d’un rôle plus poussé de la puissance
publique sur les plans économique et social, dont les
compétences vont englober tous les aspects de la vie en société. Dec-23
1.1- l'Etat-gendarme.
65
 La notion d'Etat « gendarme » qui a prévalu au cours du XIXe siècle et jusqu'à la
première guerre mondiale, est fondée sur la restriction du rôle de l'Etat.
 Sur le plan économique, l'Etat et les collectivités qui en sont dérivées devraient
s’interdire à toute activité économique sous l'effet du principe du « laisser-faire,
laisser aller »
 Ainsi, l’Etat ne doit intervenir que pour assurer un minimum de règles
indispensables à l'organisation de la collectivité.
 Sur le plan social, l'intervention de l'Etat s'inscrit plus particulièrement dans un
souci de maintien de l'ordre public.
 Le rôle de l'Etat se limite donc aux; fonctions de souveraineté, maintien de
l'ordre public, défense nationale, politique étrangère, justice, protection de
l'ordre économique...
 Les tenants de cette doctrine estiment que tout autre intervention de l'Etat est «
abusive, dangereuse pour la liberté, pour les derniers des citoyens et pourDec-23
le
progrès social. »
66
67

 Exemple: l'État gendarme est celui de Singapour dans les années 1960 et 1970
après son indépendance. À cette époque, le gouvernement se concentrait
principalement sur :
1. Sécuriser l'ordre : L'État assurait la sécurité avec une police forte pour maintenir
l'ordre social.
2. Maintenir une armée de défense : Il protégeait ses frontières sans s'engager dans
des guerres extérieures.
3. Minimiser l'intervention économique : L'État laissait le marché et le secteur privé
se développer sans trop d'interventions dans l'économie.
 Le gouvernement se concentrait donc sur les fonctions régaliennes (sécurité,
défense, justice) et laissait l'économie fonctionner avec une intervention
minimale. Cela a permis à Singapour de se développer rapidement, en attirant
des investissements étrangers tout en gardant un contrôle sur la stabilitéDec-23
et la
sécurité.
68 1.2- l'Etat-providence.
 L’avènement de la première guerre mondiale dévoile en grande partie
les insuffisances de la notion d'« Etat- gendarme ».
 Les conséquences économiques et sociales de la guerre impliquent
l'intervention de plus en plus accentuée de l'Etat, seule puissance en
mesure d’y répondre.
 A la base une simple action de distribution de secours à la population,
l'action de l'Etat s'est peu à peu étendue à l'action économique et
sociale : subventions versées pour les entreprises non lucratives, pour des
activités privées déficitaires, appui, puis prise en charge d'entreprises en
difficulté et dont le poids est considérable sur le plan national ou
régional...

Dec-23
69
70
 Le processus des nationalisations confirme cette tendance et permet à l'Etat la
propriété, la direction et la gestion des secteurs stratégiques de l'économie nationale
dans la plupart des pays à économie libérale (chemin de fer, industrie aéronautique,
secteur bancaire et d'assurance, secteur énergétique...)
 À la suite de la seconde guerre mondiale, le rôle de l'Etat va s'étendre au secteur
social.
 Influencé par la théorie de Keynes, l'économiste britannique Beveridge élabore au
cours des années 40 la notion du Welfare State/Etat Providence, ( en Suisse l’Etat social)
 l'Etat est chargé « d'organiser le bien- être de la population par le développement d'un
système de protection sociale unifiée qui doit libérer l'homme du besoin.
 Ainsi, «le principe libéral, selon lequel protection sociale et efficience sont
antinomiques*, est rejeté au nom de la recherche d'une plus grande justice ».
 De la sorte, l'Etat acquiert un rôle considérable dont l'œuvre de régulation économique
et d'équilibre social, lui permettant de lutter de façon plus efficace contre les crises
Dec-23

cycliques* et de prendre en charge la direction de l'économie nationale.


71
 Un exemple pratique de l'État-providence est le modèle social de la Suède. Depuis la
deuxième moitié du XXe siècle, la Suède a adopté un modèle d'État-providence qui
repose sur plusieurs principes clés :

1. Protection sociale étendue : L'État garantit un large éventail de prestations sociales,


telles que les allocations de chômage, les pensions de retraite, et les congés
parentaux généreux.

2. Accès universel à l'éducation et à la santé : L'État assure une éducation gratuite et


une couverture santé universelle pour tous ses citoyens.

3. Redistribution des richesses : L'État met en place un système fiscal progressif, où les
plus hauts revenus contribuent davantage aux finances publiques, permettant ainsi
une redistribution pour financer les services publics.
Dec-23
2- Les fonctions juridiques de l'Etat
72
 L'Etat, personne morale de droit public, dispose du pouvoir d'édicter des règles
de droit, le pouvoir normatif, et du pouvoir de les exécuter en faisant recours, le
cas échéant, à la contrainte légitime institutionnalisée
 À ce titre, l'Etat assure un certain nombre de fonctions qui lui permettent
d’exercer sa souveraineté sur les plans interne et international, ainsi que de
mettre en œuvre ses programmes et ses objectifs politiques.
 La théorie classique dégage trois fonctions fondamentales de l'Etat : la fonction
législative, la fonction exécutive et la fonction juridictionnelle.
 L'évolution constitutionnelle au cours du XXe siècle réduit la rigidité de la
répartition des fonctions juridiques de l'Etat
 Désormais la complémentarité se substitue à la soumission qui a toujours marqué
les rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.
 Alors que le pouvoir juridictionnel requiert une importance majeure comme
Dec-23

pouvoir indépendant au sein de l'Etat.


73 2.1- La fonction législative

 En règle générale, cette compétence est dévolue au parlement.


 En effet, l'organe législatif est chargé d'édicter les normes juridiques
sous forme de règles générales et impersonnelles.
 Source de cette acception, la loi se définit selon le critère organique,
par référence à l'organe qui en a la charge notamment le parlement.
 La tendance à la rationalisation des rapports entre l'organe législatif et
l'organe gouvernemental met en cause cette définition.
 L'institution parlementaire n'a plus l'exclusivité de l'exercice du pouvoir
normatif.

Dec-23
74

 Une part importante de ce pouvoir revient par la force de la


constitution au pouvoir exécutif sous différentes formes : loi d'habilitation,
décret- loi...
 Il suit de la que la fonction législative dans sa dimension matérielle est
coupée en deux portions, l'une est prise en charge par l'organe législatif
(critère organique), l'autre est prise en charge par le pouvoir
gouvernemental. Le critère organique ne constitue donc qu'un aspect
du critère matériel.
 En contrepartie, le parlement est chargé d'une fonction de contrôle du
gouvernement qui lui confère une influence certaine sur l'action
gouvernementale.

Dec-23
75 2.2- la fonction de gouvernement

 Il convient tout d'abord de préciser que la fonction exécutive ne constitue


qu'un aspect du pouvoir gouvernemental. Le pouvoir gouvernemental
comporte deux aspects :

1- un pouvoir réglementaire autonome à travers lequel l’organe


gouvernemental assure l’édiction d’une partie de la norme juridique.
Les règlements autonomes constituent par là même des règles
générales et impersonnelles au même titre que les règles de nature
législative édictées par le gouvernement par la force de la constitution
(décrets-lois par exemple).
Dec-23
76

2- un pouvoir d’exécution, le gouvernement agit par décisions


réglementaires ou par actes individuels en vue de l’exécution des
règles de droit générales et impersonnelles. Ce sont les actes
d’application qui sont subordonnées aux actes législatifs et ne
pouvant les contredire.

D’autre part, le gouvernement accompli une part importante


en matière d’initiative des lois, ainsi qu’au niveau de
l’élaboration formelle des actes législatifs (procédure de
l’opposition d’irrecevabilité à titre d’exemple).

Dec-23
77 2.3- La fonction juridictionnelle.
 Cette fonction est confiée au pouvoir juridictionnel quel que soit son mode
d’organisation et sa structure.
 Au Maroc, la fonction juridictionnelle est assurée par les tribunaux judiciaires
chargés de trancher les litiges de droit privé et les tribunaux administratifs.
 Cette fonction permet à l’État de trancher les litiges entre les personnes
juridiques, que ce soit des particuliers ou des collectivités publiques, en règle
générale par le biais de mesures individuelles.
 La fonction juridictionnelle est distincte de la fonction de gouvernement dans
la mesure où les actes y afférents ont un caractère obligatoire et absolu:
«les jugements ont ‘force de vérité légale’, ils ont ‘l’autorité de la chose jugée’,
ils sont définitifs et intangibles pour toute personne et pour toute autorité ; une fois
les voies de recours épuisées, ils ne peuvent plus être modifiés par quelque
autorité que ce soit, même par leurs auteurs».
Dec-23
78

VI- L’élaboration, l’abrogation et la


révision de la Constitution
79 I-L ’élaboration de la Constitution

 Le pouvoir constituant peut s’exprimer dans le cadre de


l’avènement d’un nouvel Etat à la suite d’une indépendance,
d’une révolution, ou d’un Coup d’Etat.
 La nouvelle Constitution est élaborée selon les vœux émis par les
gouvernants qui sont au pouvoir au moment de l’émergence de
ce nouvel Etat.
 Le processus juridique est alors choisi par eux. Tout est sui generis,
rien sur le plan juridique ne les oblige à choisir une voie particulière
(ils peuvent choisir d’instaurer une démocratie autoritaire par
exemple)
80 a- Elaboration autoritaire

 Le peuple est exclu du processus d’élaboration de la Constitution.


Ce sont les gouvernants en place qui décident de la voie à suivre et
du fond de la Constitution.
 Cette Constitution est alors octroyée par un acte unilatéral du
titulaire du pouvoir.
 Le monarque décide unilatéralement de donner une Constitution à
ses sujets sans ratification populaire.
 Il rédige lui-même le texte, organise ses propres pouvoirs. Il accepte
aussi de respecter les dispositions énoncées dans la Constitution.
81 2- Elaboration démocratique

 Dans une société démocratique, le pouvoir constituant originaire


appartient au peuple. Les fondateurs de l’Etat peuvent donner
au peuple le soin d’édicter la Constitution.
 Il existe plusieurs modalités de l’expression de ce pouvoir
constituant.
 Pour donner autorité à la constitution, le texte est soumis au
peuple pour approbation, le peuple peut être appelé à se
prononcer par voie de référendum sur un projet élaboré par les
détenteurs du pouvoir, élaboration auquel le peuple ne participe
pas.
II- La ratification de la constitution
82

1- voie du plébiscite constituant:


- le peuple est appelé à ratifier une Constitution élaborée en dehors de lui ou
même en dehors de ses représentant directs (Constitution Napoléonienne,
Constitution de 1958 élaborées par un Comité Consultatif Constitutionnel)
2- Assemblée Constituante:
- le peuple est invité à désigner une Assemblée chargée de rédiger une
Constitution. Dans ce cas, la rédaction de la Constitution est publique et le
texte est amendé, discuté et voté.
- Le risque est que les membres de l’assemblée ne donnent pas à la future
assemblée législative des droits trops importants.
- En principe, l’Assemblée Constituante est limitée dans le temps et a
seulement pour but de rédiger la Constitution. Elle peut être aussi une
Assemblée Législative (qui vote habituellement des lois ordinaires et rédige le
budget).
83

3- Le référendum constituant:
- une combinaison entre l’élaboration d’un texte par une institution
élaborée à cet effet et une ratification de la part du peuple
(démocratie semi-directe). Ce mode tend à multiplier les
consultations populaires.
- La Constitution française de 1946 premier projet rejeté par le
peuple ; une nouvelle Assemblée est mise en place, l’adoption et la
promulgation a lieu le 27 novembre 1946 (4ème République)
III- La révision de la Constitution
84

 La révision d’une Constitution est opérée par le pouvoir constituant dérivé


qui est généralement confié aux organes qui sont mis en place par la
Constitution pour exercer des fonctions permanentes dans la direction des
affaires de l’Etat ; En plus de leurs fonctions législatives ordinaires, les
chambres pourront avoir le pouvoir constituant dérivé.
 Les règles de révision peuvent être différentes, rigides ou souples, et c’est à
partir de la caractérisation de ces règles que l’on peut distinguer deux
catégories de Constitutions : les Constitutions souples ou rigides.
 Il est rare de rencontrer des Constitutions souples : la supériorité de la
Constitution sur les lois ordinaires ne débouche sur aucune conséquence
juridique pratique (en Angleterre, la souveraineté du Parlement est totale)
85 1- La procédure de révision des Constitutions rigides
 Cette procédure de révision doit être suffisamment encadrée pour
protéger ce texte des fluctuations et des aléas de la vie politique,
afin d’en garantir la stabilité.
 Il faut encadrer les règles de révision sans pour autant interdire l’accès au
texte. Il y a plusieurs étapes dans la révision :
l’initiative :
- le Droit de proposer une modification de la Constitution sera réservé soit à
certaines personnalités soit très largement ouvert.
- Habituellement au Maroc ce droit est confié au Roi, au chef du
gouvernement et aux membres du Parlement.
- Selon Article 172. (L'initiative de la révision de la Constitution appartient au
Roi, au Chef du Gouvernement, à la Chambre des Représentants et à la
Chambre des Conseillers.
86 l’Article 174 le Roi peut initier la révision directement au parlement ( Le Roi
 selon
peut, après avoir consulté le Président de la Cour constitutionnelle, soumettre par
dahir au Parlement un projet de révision de certaines dispositions de la Constitution.
Le Parlement, convoqué par le Roi en Chambres réunies, l'approuve à la majorité
des deux tiers des membres).
 Décision de prendre en considération l’initiative et de lui donner suite : Article 173
(La proposition de révision émanant d'un ou de plusieurs membres d'une des deux
Chambres du Parlement ne peut être adoptée que par un vote à la majorité des
deux tiers des membres la composant. Cette proposition est soumise à l'autre
Chambre qui l'adopte à la même majorité des deux tiers des membres la
composant. La proposition de révision émanant du Chef du Gouvernement
est soumise au Conseil des ministres après délibération en Conseil de
Gouvernement).
 L’adoption définitive du projet : la valorisation des principes démocratique conduit
le peuple à approuver la décision par voie de référendum. Selon l’Article 172 (Le
Roi peut soumettre directement au référendum le projet de révision dont Il prend
l'initiative(
87

Ce pouvoir de décision de la révision doit s’exercer


dans certaines limites, des limites inscrites au sein de la
constitution elle-même, qui doivent être soit formelles
soit procédurales :
88 IV- Les limites à la révision constitutionnelle

 Le pouvoir de révision constitutionnelle est susceptible d'être limité,


 Si l'on regarde les textes constitutionnels, on découvre tout de suite
que les constitutions elles-mêmes prévoient des limites à leur révision.
 Certains auteurs ne se contentent pas d'énumérer les limites à la
révision constitutionnelle prévues expressément par la constitution,
allant encore plus loin, ils proposent d'autres limites à l'exercice de
ce pouvoir.
1- La typologie générale des limites à la révision
89 constitutionnelle inscrites des les textes constitutionnels

 Si l'on regarde les textes constitutionnels, on trouve plusieurs dispositions


qui réglementent la révision constitutionnelle.
 Une partie de ces dispositions organise l'organe chargé de la révision
constitutionnelle, d'autres parties déterminent la procédure suivant
laquelle cet organe peut adopter une loi constitutionnelle.
 Une autre partie de ces dispositions imposent des limites à la révision
constitutionnelle. Ainsi, les constitutions interdisent leurs révisions
pendant un certain délai ou sur tel ou tel point.
 Par conséquent il y a principalement deux types de limites à la révision
constitutionnelle inscrites dans les textes constitutionnels: les limites
matérielles et les limites temporelles.
90 a. Les limites matérielle

 Si l'on examine les textes, on voit que quelques constitutions interdisent la


révision de certaines de leurs dispositions. On appelle ces interdictions les
limites matérielles, les limites de fond ou les limites relatives à l'objet de la
révision.
 En d'autres termes, quelques constitutions contiennent des dispositions
intangibles, autrement dit des clauses irréformables.
 On entend par là les dispositions constitutionnelles qui ne peuvent pas
être révisées par la procédure de révision constitutionnelle.
 Ainsi si la constitution prévoit une telle intangibilité, la révision de la
constitution ne peut pas porter sur toutes les matières.
91

 Les constitutions déclarent intangibles en général les principes


qu'elles jugent essentiels pour l'existence du régime politique
qu'elles ont établi.
 Le but de ces interdictions est donc de protéger les bases
fondamentales du système étatique.
 On trouve les limites matérielles dans les plusieurs constitutions. En
1985, parmi les 142 constitutions écrites, Marie-Françoise Rigaux
dénombre 38 constitutions qui consacrent le principe de
l'immutabilité de certaines matières constitutionnelles
(Marie-Françoise Rigaux, La théorie des limites matérielles à l'exercice de la fonction constituante, Bruxelles, Larcier, 1985, p.45.)
 La limite matérielle la plus rencontrée est celle de l'interdiction de
92 réviser la forme monarchique ou républicaine de l’Etat.

 Au Maroc depuis la constitution de 7 décembre 1962 (art 108), les


Constitutions interdisent de réviser la forme monarchique de l'État, ainsi
que les dispositions relatives à la religion musulmane,
(La forme monarchique de l'État, ainsi que les dispositions relatives à la religion musulmane, ne
peuvent faire l'objet d'une révision constitutionnelle),

 En France depuis la loi du 14 août 1884, les Constitutions interdisent de


réviser la forme républicaine du gouvernement.
 La même interdiction figure aussi dans les Constitutions italienne
(art.139), portugaise (art.288, al.3) et turque (art.4).
 Dans les pays africains : le Cameroun (art.37), la Côte-d'Ivoire (art.73),
la République centrafricaine (art.42), la Guinée équatoriale (art.59), le
Gabon (art.85), le Madagascar (art.108), le Mali (art.76), le Sénégal
(art.89), et le Togo (art.53).
93
 Dans le sens inverse, certaines constitutions monarchiques déclarent
intangibles la forme monarchique de l'Etat. au Koweït (art.175) ce sont
les dispositions constitutionnelles relatives au régime monarchique qui
ne peuvent pas faire l'objet d'une révision.
 De même autrefois, les Constitutions iranienne de 1906 et grecque de
1952 interdisaient la révision de la forme monarchique de l'Etat,
 Dans certains Etats fédéraux, c'est la structure fédérale de l'Etat qui est
intangible.
 Par exemple, selon la Constitution allemande (art.79, al.3) «toute
révision de la présente Loi fondamentale qui toucherait à
l'organisation de la Fédération en Länder, au principe de la
participation des Länder à la législation... est interdite».
 La Constitution brésilienne du 5 octobre 1988, elle aussi, interdit de
réviser la forme fédérative de l'Etat (art.60).
 Par contre, en Turquie, c'est le caractère unitaire de l'Etat qui est intangible (art.3). De
même,
94 la Constitution portugaise prévoit que «les lois de révision constitutionnelle
doivent respecter... l'unité de l'Etat » (art.288, al.1, a).
 Une autre interdiction qui l'on rencontre dans divers Etats est assez intéressante : c'est
l'interdiction de réviser les fondements idéologiques de l'Etat. Par exp La Constitution
turque affirme l'intangibilité du nationalisme d'Atatürk (art.2). en Iran (non seulement la
Constitution de 1979, mais aussi celle de 1906)
 Au Maroc depuis const 1962 (art.108), le caractère islamique de l'Etat est déclaré
intangible.
 Dans divers pays ce sont les droits de l'homme qui sont déclarés intangibles. l'Allemagne
(art.1 en vertu de l'article 79 et le Portugal, art.288). Maroc (art 157 const 2011),
 Une autre immutabilité prévue dans les diverses constitutions, c'est l'intégrité du territoire
de l'Etat. Par exemple au Cameroun (art.37), au Portugal (art.288) et en Turquie (art.3) les
constitutions interdisent la révision des dispositions constitutionnelles qui touchent à
l'intégrité de leur territoire.
 Cependant il faut signaler qu'il est presque impossible de faire une liste exhaustive des
limites matérielles à la révision constitutionnelle. Car, ces limites sont parfois formulées très
largement.
95 b. Les limites temporelles

 Les constitutions limitent parfois le pouvoir de révision


constitutionnelle dans le temps.
 En d'autres termes, certaines constitutions interdisent leur révision
pendant un certain laps de temps. Dans de tels cas, on parle des
limites de temps du pouvoir de révision constitutionnelle.
 Ces limites apparaissent de deux façons : la constitution interdit sa
révision avant l'écoulement d'un certain délai à partir de sa mise
en vigueur. Ou bien elle exclut sa révision dans certaines
circonstances.
96
1. L'interdiction de réviser la constitution avant l'écoulement d'un
certain délai à partir de sa mise en vigueur
 Il est évident que la question de révision de la constitution ne peut être posée
pour la première fois qu'un certain temps après sa mise en vigueur. qu'après
un certain délai.
 Dans ce but, soit les constitutions interdisent leur révision jusqu'à une date
précise, soit elles déterminent un certain délai à partir de son entrée en
vigueur.
 Par exemple la Constitution française de 1791 interdisait toute proposition de
révision aux deux premières législatures, c'est-à-dire pendant quatre ans.
 La Constitution de Paraguay de 1967 interdisait sa révision totale avant
l'écoulement de dix ans, et sa révision partielle avant cinq ans à partir de sa
publication (art.219).
97
 la Constitution des Etats-Unis (art.5) interdisait la révision de la première et de la quatrième
clause de la neuvième section du premier article avant l'année 1808 (art.5). (première const
1787)
Proposition des amendements :
 Par le Congrès avec une majorité des deux tiers dans les deux chambres.
 Ou par une convention convoquée à la demande des deux tiers des législatures des États.
 Ratification des amendements :
 Par les législatures des trois quarts des États.
 Ou par des conventions dans les trois quarts des États (selon la méthode choisie par le
Congrès).
 Limitations :
 Avant 1808, aucun amendement ne pouvait toucher certaines clauses sur l’esclavage (Article
I, Section 9).
 Aucun État ne peut être privé de son égalité de vote au Sénat sans son consentement.
98

 Il faut encore signaler que certaines constitutions prévoient un laps de temps après la
dernière révision. Par exemple, la Constitution portugaise de 1976 (art.284, al.1)
précise que « l'Assemblée de la République peut réviser la Constitution cinq ans
révolus après la date de la publication de la dernière loi de révision constitutionnelle».
Il en va de même pour la Constitution grecque de 1975 (art.110, al.6).
 Une autre sorte de limitation du pouvoir de révision constitutionnelle dans le temps
consiste à prévoir deux délibérations successives séparées par un intervalle de temps
pour l'adoption des lois constitutionnelles.
 Par exemple, la Constitution italienne de 1947 (art 138, al.1) prévoit un intervalle de
trois mois au moins entre deux délibérations. De même, la Constitution française de
1946 (art.90) obligeait l'Assemblée nationale à adopter la résolution de révision en
deux lectures séparées d'au moins trois mois.
99

 Le but des limitations dans le temps est de permettre au régime nouvellement


institué de se mettre en place et de s'affermir. En retardant le moment où l'on
pourra effectuer une révision constitutionnelle, on essaye d'assurer une certaine
stabilité aux institutions nouvellement créées.
 En d'autres termes, les limites de temps ont pour objet de permettre à une
constitution nouvelle de se consolider. Ainsi la constitution, en limitant le pouvoir de
révision constitutionnelle dans le temps, favorise son enracinement.
 Quant au procédé qui consiste à introduire un délai dans la procédure de révision
constitutionnelle, le but est d'éviter les révisions brusques. Ainsi l'on exige que «les
modifications qui seront apportées à la constitution le soient après la réflexion »
100 2. L'interdiction de réviser la constitution
dans certaines circonstances

 Parfois les constitutions interdisent leur révision dans certaines


hypothèses. A cette occasion, on parle de la limitation du pouvoir
de révision constitutionnelle dans les circonstances.
 Paolo Biscaretti di Ruffia parle des «périodes particulièrement
délicates de la vie de l'Etat ».
 Le but de ces limitations «est d'interdire la révision à certaines
époques en raison des circonstances, afin d'éviter toute révision sous
la pression des événements ».
 Certaines constitutions interdisent leur révision lorsqu'il est porté atteinte à l'intégrité du
territoire. Par exemple la Constitution française de 1946, instruite par l'expérience du 10
101
juillet 1940, interdisait sa révision «au cas d'occupation de tout ou partie du territoire
métropolitain par des forces étrangères » (art.94). La même interdiction se retrouve dans
la Constitution de 1958 (art.89, al.4).
 Une interdiction analogue est également adoptée par certains Etats africains (le Mali,
art.76 ; la Côte-d'Ivoire, art.73 ; le Gabon, art.84 ; le Togo, art.53).
 D'autre part, on trouve dans certaines constitutions monarchiques l'interdiction de réviser
la constitution en période de régence*. Par exemple, selon la Constitution belge,
«pendant une régence aucun changement ne peut être apporté à la Constitution en
ce qui concerne les pouvoirs constitutionnels du Roi et les articles 85 à 88, 91 à 95, 106 et
197 de la Constitution » (art.197 de la nouvelle Constitution belge du 17 février 1994,
art.84 de la Constitution du 7 février 1831).
 Dans le même sens, certaines constitutions républicaines interdisent leur révision pendant
l'intérim de la présidence de la république. Par exemple, selon la Constitution française
de 1958, la révision de la Constitution ne peut pas intervenir « durant la vacance de la
Présidence de la République ou durant la période qui s'écoule entre la déclaration du
caractère définitif de l'empêchement du Président de la République et l'élection de son
successeur » (art.7, dernier alinéa).
102

 Une autre limite circonstancielle qui se rencontre dans plusieurs


constitutions, c'est l'interdiction de réviser la constitution pendant les états
exceptionnels.
 Par exemple, selon la Constitution espagnole, la révision de la Constitution
est interdite en temps de guerre ou lorsque l'état d'urgence, ou l'état
d'exception, ou l'état de siège est en vigueur (art.169).
 De même, l'article 289 de la Constitution portugaise précise qu'« aucun
acte de révision constitutionnelle ne peut être accompli pendant l'état de
siège* ou l'état d'urgence ».
 La Constitution belge interdit la révision de la Constitution en temps de
guerre (art.196 de la nouvelle Constitution belge du 17 février 1994; art.
131bis de la Constitution de 1831).
 Ces interdictions ont pour objet d'éviter les révisions constitutionnelles dans
une phase où les conditions de légalité démocratique sont fragiles.
103
C. Les conditions de forme

 Nous entendons par « conditions de forme », les conditions qui sont


exigées pour la proposition, l'adoption et la ratification des lois de
révision constitutionnelle,
 Comme la proposition par un certain nombre de parlementaires,
comme la condition de deux délibérations, comme celle de
dissolution de l'assemblée qui a proposé la révision, comme la
condition de l'adoption par les majorités qualifiées, ou la présence
d'un quorum spécial lors des votes du Parlement.
104

 Par exemple:
1- la Constitution Marocaine de 2011 n'impose pas seulement des
limites à la révision constitutionnelle, mais elle détermine aussi des
conditions de forme dans la procédure de révision constitutionnelle.
- Ainsi selon l'article 173, La proposition de révision émanant d'un ou de
plusieurs membres d'une des deux Chambres du Parlement ne peut
être adoptée que par un vote à la majorité des deux tiers des
membres la composant. Cette proposition est soumise à l'autre
Chambre qui l'adopte à la même majorité des deux tiers des
membres la composant.
- Aussi bien que la proposition de révision émanant du Chef du
Gouvernement est soumise au Conseil des ministres après
délibération en Conseil de Gouvernement.
105

2- Même chose on constate pour la Constitution française de


1958 elle détermine aussi des conditions de forme dans la
procédure de révision constitutionnelle.
- Ainsi selon l'article 89, l'initiative de la révision du président de la
République ne peut s'exercer que sur proposition du Premier
ministre.
- De même « le projet ou la proposition de révision doit être voté
par les deux assemblées en termes identiques » (art.89, al.2).
106

Professeur Kamal HACHOUMY


Théorie générale du droit
constitutionnel
Semestre 1
Année universitaire 2024-2025
Dec-23

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