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Chapitre 1

Imaginons la musique
de la préhistoire

Le chant, la musique et la danse sont certainement liés à l’homme et


ses ancêtres depuis fort longtemps. Les recherches et les hypothèses sur
l’origine de la musique, en lien avec celle du langage, sont nombreuses. De
Rousseau (Essai sur l’Origine des langues) aux derniers travaux en lien avec
les sciences cognitives, ou les sciences sociales et comportementales, les
théories abondent. Et la question de la « naissance de la musique » dépendra
du domaine de spécialité de chacun.
Malgré le manque de documents, les historiens qui s’interrogent sur
la période de l’humanité située avant l’invention de l’écriture, et avant la
sédentarisation permise par l’agriculture, essaient d’imaginer l’univers
sonore des hommes de la préhistoire.
Ne subsistent que quelques traces archéologiques qui attestent d’une
pratique artistique au paléolithique supérieur (-40 000 / -10 000). Ces instru-
ments en os, bois de cervidés, ivoire ou coquillage nous révèlent pourtant
une pratique déjà établie.
Des archéologues ont remarqué aussi dans certaines grottes, possédant
des draperies de stalactites des marques de coups. Ces marques seraient
le témoignage de l’utilisation de ces concrétions comme lithophones – ou
pierres musicales.

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Histoire de la musique occidentale

La question des origines


Toutes les questions sur le temps passé sont certainement là pour poser
et résoudre nos questions contemporaines. En relation avec l’ethnologie
et l’anthropologie, les recherches sur la préhistoire ont modifié les visions
très centrées sur l’Europe de la définition de l’art et de la musique. Peut-on
appliquer sur les fragments retrouvés dans une échelle temporelle si grande
et des zones géographiques si éparses les mêmes analyses et les mêmes
chronologies que dans l’histoire de la musique contemporaine (du chant
grégorien à nos jours) ? La « préhistoire de la musique » tout comme la
« préhistoire de l’art » ne semblent pas pouvoir se réduire à des cycles trop
simplement tracés.
Il a été de coutume de placer le commencement de l’art en tant que tel
au paléolithique supérieur. Ce sont les parois ornées de Lascaux (environ
15 000 ans avant J.-C.) qui sont bien souvent comprises comme cette origine.
Dans la quête d’un avant et d’un après, Lascaux est un marqueur temporel
pour beaucoup. Il nous faut certes des repères pour mieux échanger et
comprendre, et dans l’histoire de la musique, le XIXe siècle inventera aussi
un avant et après Bach ou Palestrina par exemple.
Si les recherches sur la préhistoire interrogent notre présent, elles
peuvent donc nous questionner sur ce temps long, sur le besoin de marqueurs
temporels, chronologiques – avant / après ou encore ancien / moderne – qui
sont avant tout des inventions a posteriori.
Le mythe des origines est récurrent dans l’histoire de la musique. Les
origines de l’opéra, les origines de la symphonie, les origines du madrigal, les
origines du chant… Il s’agirait presque de constamment tenter de chercher
l’origine pour mieux tracer une courbe ascendante vers une forme, une
expression ou une esthétique aboutie, pour ensuite lui donner une suite, une
décroissance ou dégénérescence. Cette volonté de tracer une ligne d’évolution
positive d’une source indéterminée, magmatique, énigmatique et obscure
vers une forme aboutie, parfaite, classique est une attitude intellectuelle
tenace et marquée par notre progressisme européen.
Si Lascaux n’est pas la naissance de l’art en tant que tel, celui-ci a-t-il été
inventé par Homo Sapiens ? Néandertal et les hominidés antérieurs étaient-ils
capables de gestes artistiques et musicaux ? George Bataille dans son Lascaux
ou la naissance de l’Art (1955) met en avant le caractère « humain » de cette

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« Chapelle sixtine » du paléolithique. En opposition, l’homme de Néandertal


pour Bataille ne pouvait pas concevoir de formes artistiques. Seul l’homme
de Lascaux peut accéder au symbolique et à la création.
La théorie d’une capacité cognitive exclusivement réservée à Homo
Sapiens lui permettant l’abstraction et par là même l’invention d’un geste
artistique et musical est répandue. Ces théories sont cependant retravaillées
maintenant pour ouvrir de nouvelles perspectives. Le préhistorien Michel
Lorblanchet a travaillé sur la question de l’origine de l’art1. Tout en utilisant
le mot « origine », le scientifique évoque les études concernant Néandertal
et les premiers hominidés. Son étude lui permet de définir autrement la
notion d’art :

« Élargissons donc la définition de l’art… Considérons comme les mani-


festations de l’art dans ses débuts les réalisations se présentant comme
les “marques de l’esprit sur la nature”, l’appropriation par l’homme des
productions curieuses de la nature et “les créations humaines qui, quels
que soient leurs buts et leurs contenus (que nous ignorons), impliquent
un jeu de matières, de couleurs et de formes (que nous percevons)”. »
Et de conclure finalement, en résolvant cette question de l’origine :

« Le concept même de “naissance” ou “d’origine” de l’art peut paraître


inadéquat, puisque l’homme est artiste par nature et que l’histoire de
l’art commence avec celle de l’homme. »

L’anthropologue Iain Morley a lui publié en 2013 un ouvrage intitulé


Prehistory of music. Auteur de nombreux articles, il a aussi contribué à un
documentaire, Les Origines de la musique. Dans un article paru en 2014,
« A multi-disciplinary approach to the origins of music : perspectives
from anthropology, archaeology, cognition and behaviour. », Iain Morley
situe l’émergence de l’activité musicale à Homo Heidelbergensis (-600 000
/-300 000), l’ancêtre commun de Neanderthal et Homo Sapiens. Les recons-
titutions du larynx montrent chez Homo Heidelbergensis une évolution
morphologique – un larynx plus bas et une nouvelle cavité supérieure –
lui permettant de tenir les sons plus longtemps et d’élargir son ambitus.
Ces nouvelles capacités pourraient avoir été à l’origine du langage et de la
musique. À ces données physiologiques sont associées des capacités cogni-
tives de reproduction, d’imitation et d’invention. Morley évoque alors les

1. LORBLANCHET, L’Origine de l’art, Paris, 2017.

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sciences comportementales, et la relation entre émotion et transmission de


l’émotion par le corps, le visage et la voix. L’auteur peut alors construire une
définition de la musique :
« L’activité musicale, sans prendre en compte les propriétés et signi-
fications d’un contexte culturel, repose sur la capacité de produire volon-
tairement des séquences de sons modérés par l’intensité et/ou les hauteurs
et/ou des contours mélodiques, générées par un mouvement musculaire
métriquement organisé et souvent coordonné (ou entraîné) par une pulsation
perçue intérieurement ou extérieurement. Ces capacités comprennent aussi
la capacité à traiter et extraire des informations de tels sons1. » Iain Morley
évoque alors le rôle social de la musique (au sens de sa définition) et son aspect
alors profondément humain. La musique est une communication affective.
Elle possède aussi une forte capacité de permettre à chacun de se reconnaître
dans un groupe. La question de l’origine temporelle – -600 000 ans – n’est pas
la seule réponse. Iain Morley, comme Michel Lorblanchet évoquent chacun
la question d’un universel qui n’a pas trait avec des langages musicaux, des
cultures mais concerne l’action de l’homme en tant que tel, le différenciant
des autres espèces animales. Chacun a sa manière démontrent finalement
que l’art et la musique sont le propre de l’homme !

Les premières traces archéologiques


du paléolithique supérieur (-45 000/-8 000)
« Il n’est peut-être pas de religion ou de magie qui n’ait sa danse et sa
musique et particulièrement sa musique instrumentale » affirmait André
Schaeffner dans son ouvrage Origine des instruments de musique paru en
19362.

1. MORLEY, « A multi-disciplinary approach to the origins of music : perspectives from anthro-


pology, archaeology, cognition and behaviour. » in Journal of anthropological sciences. Vol. 92
(2014), p. 147-177. « […] musical activities, regardless of whatever other properties and significances
they possess in their cultural context, rely on the ability to voluntarily produce sequences of sounds
moderated for intensity and/or pitch and/or contour, generated by metrically-organised muscular
movements, and often coordinated (entrained) with an internally or externally-perceived pulse.
They also comprise the ability to process and extract information from such sounds », p. 151.
2. SCHAEFFNER, L’Origine des instruments de musique, Introduction ethnologique à l’histoire de
la musique instrumentale, Paris, Payot, 1936. Nouvelles éditions en 1968, et 1994 (p. 109).

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Le paléolithique supérieur est la fin de la grande période paléolithique


(au sens strict : âge de la pierre ancienne) qui débute en -3 000 000 d’années
avant notre ère. Avec la période pré-paléolithique (de -7 000 000 à -3 000 000),
ces deux périodes entament ce qui est communément appelé depuis la fin du
XIXe siècle la Préhistoire (incluant ensuite le mésolithique et le néolithique).
La période dite du paléolithique supérieur qui voit apparaître les grandes
peintures comme celle de Lascaux est celle de la dispersion d’Homo sapiens
sur de nombreux territoires. Il côtoie l’homme de Néandertal qui va bientôt
disparaître. Cette période d’expansion est aussi celle de la dernière ère
glaciaire : le nord et l’est de l’Eurasie couvert par les glaces vivent dans un
climat froid.

La flûte du Hohle Fels


Une flûte en os de vautour presque complète a été retrouvée au sud-ouest
de l’Allemagne dans la grotte du Hohle Fels en 2008 par une équipe menée par
l’archéologue Nicholas J. Conard. Elle est datée de -40 000 / -35 000 av. J.-C.
Elle mesure 22 cm de long, fait 8 mm de diamètre et est percée de 5 trous.
Cette flûte est une découverte majeure pour notre histoire. Elle est consi-
dérée comme le plus ancien instrument de musique du monde ! L’instrument
de musique atteste d’une pratique artistique bien plus ancienne que considérée
auparavant. Et nul ne sait si c’est Homo sapiens ou l’homme de Néandertal
qui a fabriqué cet objet. Précis dans sa facture, cela pourrait laisser entendre
que l’instrument est issu de traditions et d’expérimentations qui nous mènent
encore plus avant dans le temps. C’est l’hypothèse du découvreur de l’ins-
trument Nicholas J. Conard dans « New Flutes Document the Earliest Musical
Tradition in Southwestern Germany1 ».
D’autres flûtes incomplètes en ivoire de mammouth ont été retrouvées
dans la même zone géographique. Et d’autres instruments plus récents du
même type (-25 000) ont été aussi découverts au Pays basque sur le site de
la grotte d’Isturitz. Les nombreuses traces archéologiques montrent que la
flûte est un instrument répandu dans de nombreuses cultures paléolithiques
d’Europe.

1. CONARD, MALINA, et MÜNZEL, « New Flutes Document the Earliest Musical Tradition in
Southwestern Germany ». Nature 460, no 7256 (août 2009) : 737‑40. Article de présentation de
la découverte de la flûte du Hohle Fels.

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Comment étaient joués ces instruments ? Certains avaient-ils une


embouchure ou une anche ? Les questions sont nombreuses. L’observation
de pratiques encore présentes dans de nombreuses cultures musicales
permettent aux archéologues, associés aux anthropologues et musicologues
associés d’imaginer les sonorités de ces instruments. Même si cela relève de
notre imaginaire et de reconstructions modernes.

Les « outils-instruments », phalanges sifflantes,


rhombes, racleurs
Les premiers « outils-instruments » retrouvés datent eux aussi de
-35 000 ans. Les découvertes les plus anciennes ont été, pour le moment,
faites en Europe. Il s’agit de phalanges sifflantes, autrement dit des sifflets,
en os de renne. Percés par une dent de carnassier, l’homme a agrandi et
poli le trou pour transformer l’os percé en objet produisant des sons, ou
instrument. Ces sifflets sont apparemment des outils sonores comme il
en existe de nombreux par le monde. Mais ils pourraient avoir une valeur
symbolique. Ne faut-il pas voir dans le choix d’un os percé par un prédateur
une volonté de s’attribuer son pouvoir et de considérer le son produit par
l’instrument comme magique ? Ces sifflets en os de renne ont perduré et
les Samis, éleveurs de rennes en Laponie utilisent encore des sifflets taillés
dans l’os pour calmer les animaux comme Tinaig Clodoré-Tissot l’affirme
dans « Sons et instruments de musique de la Préhistoire européenne1 ».
Présents dans de nombreux sites, les rhombes sont des plaques ovales,
de différentes tailles, percées à une pointe pour les faire tourner en l’air à
l’aide d’un lien en cuir ou d’une corde. Il ne reste très souvent que la plaque,
les liens n’ayant pas résisté à l’usure du temps. Jeu, outil pour les bergers
afin d’effrayer les prédateurs et notamment les ours ou les loups, instrument
au pouvoir magique et secret, le rhombe est encore très présent dans de
nombreuses cultures. Son nom en français vient du grec « rhombes » et du
latin « rhombus » : toupie, rouet de magicien, ou encore losange. Nul ne sait
comment il pouvait s’appeler il y a 10 000 ans ni qu’elles étaient les utilisations
de ces objets sonores. Les pratiques, encore en usage, dans les rituels Dogon
par exemple où les vibrations des rhombes chassent les non-initiés, femmes et

1. « Sons et instruments de musique de la Préhistoire européenne », conférence en ligne de Tinaig


CLODORÉ-TISSOT, web Tv, Université Lille 3.

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enfants et dans le même temps évoquent la voix des âmes errantes, ou encore
chez les Aborigènes d’Australie, permettent d’imaginer de nombreuses choses.
Le rhombe est lié à de nombreux interdits ainsi qu’aux rites d’initiation de
par sa force symbolique d’évocation du monde des ancêtres et de la mort.
La Vénus de Laussel (-25 000), découverte en 1911 dans l’abri portant le
même nom sur la commune de Marquay dans la célèbre vallée de la Vézère
en Dordogne est parfois appelée Vénus à la corne. Cette sculpture en relief
est celle d’une femme qui porte ostensiblement une corne marquée de dents.
Les archéologues en ont déduit qu’elle pouvait porter un instrument de
musique, identifié sous le nom de racleur – selon Tinaig Clodoré-Tissot. Le
son est produit par le passage d’un objet, bâton dur par exemple, sur les dents
de la corne. Il est encore possible de trouver de tels instruments au Pérou.
La musique cubaine et portoricaine utilise aussi un racleur, le güiro, une
calebasse évidée flanquée de strie qui devient sonore avec un bâton qui racle.

Les lithophones, la pierre serait un des premiers


artefacts produisant des sons
De façon fortuite, le paléo-musicologue et ethno-minéralogiste, Erik
Gonthier a découvert en 2004 que certaines pierres des collections du Musée
de l’homme à Paris produisaient des sons quand, posées sur des coussins
mous, elles étaient frappées : ainsi, ce qui avait été pris pour un pilon s’avère
être le premier instrument de musique, capable de faire entendre un son
fondamental et ses harmoniques, à la manière des cloches. Le nom donné
à ces pierres musicales est « lithophone ». Ces lithophones font partie de
la famille des instruments dits « idiophoniques », ce qui signifie que le
son provient de la vibration de la matière frappée par une masselotte. La
propagation des ondes, soit de volume, soit d’interface donne les harmo-
niques du son et le timbre.
Erik Gonthier a donc mis en évidence que nous pouvions entendre les
sons exacts de la préhistoire grâce à ces lithophones qui, suivant leur forme,
donnent un seul son, deux sons, ou une résonance de plus de huit secondes :
les lithophones de section ronde sont isophones ; ceux qui sont de section
ovale sont ditoniques ; et ceux qui proviennent de roches feuilletées, sorte
de lames, ont une résonance prolongée qui traverse l’espace et le temps dans
les régions désertiques.

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Erik Gonthier suppose que ces lithophones, pierres transportables, ont


été fabriquées délibérément par des artisans pour produire des sons. Il a mis
également en évidence que certaines concrétions dans les grottes, stalactites
et stalagmites, produisaient des sons quand elles étaient percutées et certaines
portent des traces de cette érosion humaine. C’est le cas notamment de la
grotte d’Isturitz au Pays basque.
À quoi servaient ces lithophones ? à donner l’alerte ? à se rassembler ?
à animer des danses et des chants ? Mis en regard d’autres objets, telles les
parures déposées autour du mort qui a été enseveli, ou telles les peintures
rupestres, il est possible de supposer que ces sons originels ont été intégrés
dans la pensée symbolique possédée par les premiers hommes – dès le temps
de l’homme de Néandertal qui a vécu les variations climatiques et y résista,
après la découverte du feu, entre 350 000 et 35 000 av. J.-C. en Eurasie conti-
nentale et au Proche-Orient.
Les spécialistes de la préhistoire savent que les propriétés vibratoires
des pierres ont été détectées vers -35 000 (époque de la grotte Chauvet,
temps de l’aurignacien). Après la voix, le lithophone serait donc le premier
instrument ? ou bien, est-ce le seul témoin de cette période lointaine ? le
seul qui ait traversé les millénaires, les autres instruments fabriqués en
matière périssable (bois, tendons, peaux, os) ayant disparu, à l’exception de
l’embouchure d’une flûte sans doute en os de vautour exposée au Musée de
l’Homme à Paris : le cartel suggère que les peintres qui décoraient les parois
des grottes auraient pu être accompagnés de musique, de sonorités, pour se
protéger et écarter les animaux sauvages en les effrayant ? ou également pour
se donner du cœur à l’ouvrage dans l’obscurité oppressante de la grotte, si
peu éclairée par le feu ?

Les instruments du néolithique


(-12 000 à -6 000 / -2 000)
Le néolithique ne débute pas de manière homogène sur l’ensemble des
territoires. Ce nouvel âge semble débuter au Moyen-Orient, dans le « croissant
fertile ». C’est là que l’Homme, auparavant nomade, chasseur et cueilleur,
construit les premières habitations, se sédentarise, cultive et domestique

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