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Texte n°1 : La première rencontre

J'avais marqué le temps de mon départ d'Amiens. Hélas ! que ne le marquais-je un jour plus
tôt ! j'aurais porté chez mon père toute mon innocence. La veille même de celui que je devais
quitter cette ville, étant à me promener avec mon ami, qui s'appelait Tiberge, nous vîmes arriver
le coche d'Arras, et nous le suivîmes jusqu'à l'hôtellerie où ces voitures descendent. Nous
n'avions pas d'autre motif que la curiosité. Il en sortit quelques femmes, qui se retirèrent
aussitôt. Mais il en resta une, fort jeune, qui s'arrêta seule dans la cour, pendant qu'un homme
d'un âge avancé, qui paraissait lui servir de conducteur, s'empressait pour faire tirer son
équipage des paniers. Elle me parut si charmante que moi, qui n'avais jamais pensé à la
différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d'attention, moi, dis-je, dont tout le monde
admirait la sagesse et la retenue, je me trouvai enflammé tout d'un coup jusqu'au transport.
J'avais le défaut d'être excessivement timide et facile à déconcerter ; mais loin d'être arrêté alors
par cette faiblesse, je m'avançai vers la maîtresse de mon cœur. Quoiqu'elle fût encore moins
âgée que moi, elle reçut mes politesses sans paraître embarrassée. Je lui demandai ce qui
l'amenait à Amiens et si elle y avait quelques personnes de connaissance. Elle me répondit
ingénument qu'elle y était envoyée par ses parents pour être religieuse. L'amour me rendait déjà
si éclairé, depuis un moment qu'il était dans mon cœur, que je regardai ce dessein comme un
coup mortel pour mes désirs. Je lui parlai d'une manière qui lui fit comprendre mes sentiments,
car elle était bien plus expérimentée que moi. C'était malgré elle qu'on l'envoyait au couvent,
pour arrêter sans doute son penchant au plaisir, qui s'était déjà déclaré et qui a causé, dans la
suite, tous ses malheurs et les miens.

Manon Lescaut, L’abbé Prévost, 1753


Texte n°2 : Les retrouvailles à Saint-Sulpice

Elle s'assit. Je demeurai debout, le corps à demi tourné, n'osant l'envisager directement 1. Je
commençai plusieurs fois une réponse, que je n'eus pas la force d'achever. Enfin, je fis un effort
pour m'écrier douloureusement : Perfide Manon ! Ah ! perfide ! perfide ! Elle me répéta, en
pleurant à chaudes larmes, qu'elle ne prétendait point justifier sa perfidie. Que prétendez-vous
donc ? m'écriai-je encore. Je prétends mourir, répondit-elle, si vous ne me rendez votre cœur,
sans lequel il est impossible que je vive. Demande donc ma vie, infidèle ! repris-je en versant
moi-même des pleurs, que je m'efforçai en vain de retenir. Demande ma vie, qui est l'unique
chose qui me reste à te sacrifier ; car mon cœur n'a jamais cessé d'être à toi. À peine eus-je
achevé ces derniers mots, qu'elle se leva avec transport pour venir m'embrasser. Elle m'accabla
de mille caresses passionnées. Elle m'appela par tous les noms que l'amour invente pour
exprimer ses plus vives tendresses. Je n'y répondais encore qu'avec langueur2. Quel passage, en
effet, de la situation tranquille où j'avais été, aux mouvements tumultueux que je sentais renaître
! J'en étais épouvanté. Je frémissais, comme il arrive lorsqu'on se trouve la nuit dans une
campagne écartée3 : on se croit transporté dans un nouvel ordre de choses ; on y est saisi d'une
horreur secrète, dont on ne se remet qu'après avoir considéré longtemps tous les environs.

Extrait de la première partie de Manon Lescaut, L’abbé Prévost, 1753

1
L’envisager directement : la regarder en face.
2
Langueur : faiblesse, manque de vigueur.
3
Écartée : isolée, à l’écart.
Texte n°3 : La mort de Manon

Pardonnez, si j'achève en peu de mots un récit qui me tue. Je vous raconte un malheur
qui n'eut jamais d'exemple. Toute ma vie est destinée à le pleurer. Mais, quoique je le porte sans
cesse dans ma mémoire, mon âme semble reculer d'horreur, chaque fois que j'entreprends de
l'exprimer.

Nous avions passé tranquillement une partie de la nuit. Je croyais ma chère maîtresse
endormie et je n'osais pousser le moindre souffle, dans la crainte de troubler son sommeil. Je
m'aperçus dès le point du jour, en touchant ses mains, qu'elle les avait froides et tremblantes. Je
les approchai de mon sein, pour les échauffer. Elle sentit ce mouvement, et, faisant un effort
pour saisir les miennes, elle me dit, d'une voix faible, qu'elle se croyait à sa dernière heure. Je
ne pris d'abord ce discours que pour un langage ordinaire dans l'infortune, et je n'y répondis que
par les tendres consolations de l'amour. Mais, ses soupirs fréquents, son silence à mes
interrogations, le serrement de ses mains, dans lesquelles elle continuait de tenir les miennes
me firent connaître que la fin de ses malheurs approchait. N'exigez point de moi que je vous
décrive mes sentiments, ni que je vous rapporte ses dernières expressions. Je la perdis ; je reçus
d'elle des marques d'amour, au moment même qu'elle expirait. C'est tout ce que j'ai la force de
vous apprendre de ce fatal et déplorable événement.

Mon âme ne suivit pas la sienne. Le Ciel ne me trouva point, sans doute, assez
rigoureusement puni. Il a voulu que j'aie traîné, depuis, une vie languissante et misérable. Je
renonce volontairement à la mener jamais plus heureuse.

Extrait de la deuxième partie de Manon Lescaut, L’abbé Prévost, 1753


Texte n°4 : L’aveu de la Princesse de Clèves à son mari

- Eh bien, Monsieur, lui répondit-elle en se jetant à ses genoux, je vais vous faire un
aveu que l’on n’a jamais fait à son mari, mais l’innocence de ma conduite et de mes intentions
m’en donne la force. Il est vrai que j’ai des raisons de m’éloigner de la cour, et que je veux
éviter les périls où se trouvent quelquefois les personnes de mon âge. Je n’ai jamais donné nulle
marque de faiblesse, et je ne craindrais pas d’en laisser paraître, si vous me laissiez la liberté de
me retirer de la cour, ou si j’avais encore madame de Chartres pour aider à me conduire.
Quelque dangereux que soit le parti que je prends, je le prends avec joie pour me conserver
digne d’être à vous. Je vous demande mille pardons, si j’ai des sentiments qui vous déplaisent,
du moins je ne vous déplairai jamais par mes actions. Songez que pour faire ce que je fais, il
faut avoir plus d’amitié et plus d’estime pour un mari que l’on n’en a jamais eu ; conduisez-
moi, ayez pitié de moi, et aimez-moi encore, si vous pouvez.

Monsieur de Clèves était demeuré pendant tout ce discours, la tête appuyée sur ses
mains, hors de lui-même, et il n’avait pas songé à faire relever sa femme. Quand elle eut cessé
de parler, qu’il jeta les yeux sur elle, qu’il la vit à ses genoux le visage couvert de larmes, et
d’une beauté si admirable, il pensa mourir de douleur, et l’embrassant en la relevant :

-Ayez pitié de moi, vous-même, Madame, lui dit-il, j’en suis digne ; et pardonnez si
dans les premiers moments d’une affliction aussi violente qu’est la mienne, je ne réponds pas,
comme je dois, à un procédé comme le vôtre. Vous me paraissez plus digne d’estime et
d’admiration que tout ce qu’il y a jamais eu de femmes au monde ; mais aussi je me trouve le
plus malheureux homme qui ait jamais été. Vous m’avez donné de la passion dès le premier
moment que je vous ai vue, vos rigueurs et votre possession n’ont pu l’éteindre : elle dure
encore ; je n’ai jamais pu vous donner de l’amour, et je vois que vous craignez d’en avoir pour
un autre. […] Vous me rendez malheureux par la plus grande marque de fidélité que jamais une
femme ait donnée à son mari.

La Princesses de Clèves, Madame de La Fayette, 1678

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