Document n°4 _ l_afrique_face_aux_enjeux_strategiques

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l’Afrique face aux enjeux géostratégiques

Dr Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités, expert International en management stratégique

Cette présente contribution a fait l'objet de mon intervention à la rencontre des experts au sommet France -
Afrique tenu à Paris les 06/07 décembre 2013. Comment ne pas souligner que l’Afrique malgré ses importantes
potentialités est marginalisée au sein tant du produit intérieur mondial que du commerce mondial avec des
variations par pays car n’existe pas une Afrique mais des Afriques. Certains pays notamment le Nigeria, le Gabon, Le
Tchad, la république démocratique du Congo, l’Algérie, la Libye sont spécialisés dans le pétrole, le gaz, et les
matières premières qui connaissent une forte demande et un prix élevé sur le marché mondial leur permettant une
relative aisance financière mais artificielle fonction des cours mondiaux et donc de la croissance de l’économie
mondiale notamment des pays développés et émergents. A l'inverse, des pays comme le Bénin, le Malawi, l'Ile
Maurice, le Swaziland, l’Ethiopie, le Togo, le Mali sont qui sont pénalisés dans des produits qui connaissent souvent
une détérioration des termes de l’échange, la misère famine et souvent des conflits internes et externes, où le budget
des dépenses militaires en Afrique dépassent l’entendement humain , au détriment de l’allocation des ressources à
des fins de développement.

1.-L’impact mitigé du NEPAD

Le 23 octobre 2001, au Sommet de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) qui s'est tenu à
Abuja, trois chefs d'Etat africains, constatant l'échec de tous les efforts fournis en matière de
développement de l'Afrique, prennent l'initiative de proposer une nouvelle approche dans le
traitement des problèmes que vit le continent africain. Les pays constituant l'Afrique par zones sont : -a -
(Afrique du Nord - Algérie - Égypte - Libye - Maroc – Tunisie. - b - Afrique occidentale - Bénin - Burkina Faso - Côte
d'Ivoire - Ghana - Guinée Bissau - Libéria - Mali - Mauritanie - Nigéria - Sénégal – Togo.- c - Afrique centrale - Burundi -
Cameroun - République Centrafricaine – République Démocratique Du Congo - Guinée Équatoriale - Rwanda – Tchad.-d -
Afrique orientale - Djibouti - Érythrée - Éthiopie - Kenya - Ouganda - Soudan – Tanzanie.- e - Afrique australe et océan
indien - Afrique du Sud - Madagascar - Malawi - Maurice - Zambie – Zimbabwe. Cette initiative a été une
synthèse entre deux plans : celui de l’Algérie, de l’Afrique du Sud du sud-africain, appelé «
Millenium African Plan » (MAP) et celui du Sénégal (permettant à la France de se
positionner) dénommé plan OMEGA. Ces deux plans sont fusionnés pour donner la «
Nouvelle Initiative Africaine » (NIA). La NIA prendra plus tard le nom de « Nouveau
Partenariat Pour le Développement de l'Afrique » ou NEPAD (de l'anglais « New Partnership
for African Development »). Le NEPAD avait été conçu pour face aux difficultés que connaît
le continent africain actuellement mais hélas son impact et très mitigé pour ne pas dire nul.
L’objectif au départ du NEPAD était par exemple de traduire en actes concrets notamment
le problème de l’eau et de l’énergie. L'enjeu fondement du développement de l’agriculture qui
devait reposer plus sur les cultures vivrières est un enjeu majeur du continent sans oublier les
conflits comme ceux récemment entre l’Egypte et l’Ethiopie pour l’eau du Nil. Sans oublier
le problème de la désertification en Afrique et donc également d'une véritable politique
écologique, tenant compte de la protection de l'environnement et du cadre de vie dont les
forêts. Car, il est prouvé mondialement ces dernières années dans les différents rapports de
l'ONU, l'UNESCO, du Conseil Mondial de l'eau, que les ressources en eau vont poser un
grave problème à l'humanité, les deux tiers de la planète dont l'Afrique, risquant de souffrir
d'un manque d'eau grave en cas où les schémas actuels de la politique de l'eau restent
inchangés. Quant à l'accès à l'énergie des pays africains qui en sont dépourvus, il était prévu
le développement des infrastructures de transport et de communication, notamment les grands
projets comme le Nigal -gazoduc Nigeria Europe via Algérie nécessitant un financement
prévu au départ de plus de 7 milliards de dollars US mais qui a été réévalué en 2012 à plus de
15 milliards de dollars toujours malheureusement en gestation, avec la connexion des
gisements tchadiens de gaz qui sont des projets structurants pour l'Afrique. Par ailleurs, les
sujets tels que l'intensification de la pauvreté et le sous-développement des pays africains
ainsi que la constante marginalisation de l'Afrique nécessitent ainsi que la corruption montre
le peu d’impacts de cette organisation. Le rapport conjoint BAD-GFI diffusé le 29 mai 2013
met en relief que l'Afrique a pâti de sorties nettes de fonds de l’ordre de 597 milliards de
dollars EU à 1 400 milliards de dollars, entre 1980 et 2009, après ajustement des transferts
nets enregistrés pour les flux financiers sortants frauduleux et que la fuite des ressources
hors de l'Afrique au cours des trente dernières années – quasi l'équivalent du PIB actuel de
l'Afrique – freine le décollage du continent. « L’idée reçue a toujours été que l'Occident
injecte de l'argent en Afrique, grâce à l'aide étrangère et aux autres flux de capitaux du secteur
privé, sans recevoir grand-chose en retour. Notre rapport inverse le raisonnement : l'Afrique
est en situation de créancier net par rapport au reste du monde depuis des décennies », a
déclaré Raymond Baker, directeur du centre de recherche et de défense GFI, basé à
Washington. Comment dès lors fixer durablement les populations par un développement
durable et éviter ce mythe d'eldorado artificiel notamment l'Europe, l'Amérique ou
l'Australie ? L'Afrique perd chaque année 20.000 professionnels comme conséquence de la
«fuite des cerveaux», selon le bulletin de la Commission Européenne. Un tel exode influe
négativement sur le continent dont le départ des compétences intellectuelles vers d'autres
continents contribue à marginaliser l'Afrique dans les systèmes mondiaux du savoir. Le fait
que ces personnes qualifiées et compétentes ne retournent pas dans leur pays, souvent pour
des raisons de marginalisation par le pouvoir constitue la cause de l'impossibilité pour
l'Afrique, d'entrer dans l'arène mondiale du savoir.

2.-L’Afrique et les tensions au Sahel

Depuis des siècles, l’Afrique via le Maghreb est lié avec l’Europe où les relations entre les
deux rives du Sahara et les dynamiques de la conflictualité saharienne actuelle interpellent
l’Europe sur les relations de toutes natures entre le Maghreb et l’Afrique noire et notamment
subsaharienne avec la pénétration de l’islamisme radical à ne pas confondre avec l’Islam
religion de tolérance à l’instar du judaïsme ou du christianisme avec des menaces réelles tant
au Maghreb, qu’ en Europe. Et sans oublier qu’existent des influences religieuses autour de
la conception de l’Islam en Afrique qui influence largement les dirigeants politiques. Entre
les frères musulmans qui encouragent les le maraboutisme (zaouias) dominantes d’ailleurs au
Maghreb financé par un pays comme le Qatar, et les djihadistes largement financés par
l’Arabie Saoudite qui y voient une dérive de la religion, comme en témoigne la destruction
des mausolées au Mali lors de l’occupation dans certains régions par les djihafistes. Nous
avons assisté dans la région à de profondes mutations de la géopolitique saharienne après
l’effondrement du régime libyen, avec des conséquences pour la région et avant
l’intervention française à la sécession du Nord-Mali. Déjà, les rapports entre le Sahel et la
Libye de Kadhafi étaient complexe, ce dernier s'appuyant sur les Touaregs, minoritaires dans
tous les pays de cette région, et s'estimant maltraités aussi bien par les Arabes au nord que par
les subsahariens au sud, leur donnant des armes et de l'argent avec la possibilité de les
utiliser contre les gouvernements du Sahel. Encore qu’il faille ne pas confondre la stratégie
des Touaregs, locales, avec AQMI qui est une organisation supranationale avec une
composante de pays variés ayant ses propres filières de contrebande. Bien avant et surtout
depuis la chute du régime de Kadhafi le Sahel est l'un de ces espaces échappant à toute
autorité centrale, où se sont installés groupes armés et contrebandiers. Kadhafi disparu, ce
pays n’ayant jamais eu d’Etat au sens proprement dit à l’instar de bon nombre de régimes
dictatoriaux qui s ‘appuient sur des proches soit familiaux ou régionaux pour conserver le
pouvoir , des centaines de milliers, dont 15 000 missiles sol-air étaient dans les entrepôts de
l'armée libyenne, puis ont équipé les rebelles au fur et à mesure de leur avancée dont une
partie a été accaparé par de différents groupes qui opèrent au Sahel. Le directeur du FBI, James
Comey qui a affirmé le 14 novembre 2013 devant le Congrès qu’Al Qaida au Maghreb Islamique (Aqmi)
constituait une forte menace aux intérêts américains et occidentaux dans la région de l’Afrique du nord et du
Sahel. C’est donc dans un contexte d’instabilité dans la zone sahélo-saharienne, que la France va accueillir les
6/7 décembre 2013 les chefs d’Etat africains. La résolution finale insistera certainement sur
l’urgence de lever les contraintes du fait que la corruptibilité générale des
institutions, pèsent lourdement sur les systèmes chargés de l'application des lois et la justice
pénale en général qui ont des difficultés à s’adapter aux nouveaux défis posés par la
sophistication des réseaux du crime organisé. La collaboration inter-juridictionnelle est
ralentie par l’hétérogénéité des systèmes juridiques notamment en Afrique du Nord et en
Afrique noire. De plus, la porosité des frontières aussi bien que la coordination entre un
grand nombre d’agences chargées de la sécurité aux frontières posent de grands problèmes.
À terme, il s’agira d’attirer graduellement les utilisateurs du système informel vers le réseau
formel et ainsi isoler les éléments criminels pour mieux les cibler tout en diminuant les
dommages collatéraux pour les utilisateurs légitimes. La plupart des dirigeants du Maghreb de
l’Afrique de l’Europe et des Etats Unis d’Amérique s’accordent dorénavant sur la nécessité
de coopérer d’avantage face à la menace de l’insécurité et du crime organisé. Il s’ agit
dorénavant de mettre l’accent sur l’obligation de mettre en application une stratégie
interrégionale qui associe l’ensemble des pays de la zone en plus des partenaires européens et
internationaux, du fait que la région est devenue un espace ouvert pour divers mouvements
terroristes et autres groupes qui prospèrent via le trafic d'armes ou la drogue, menaçant la
sécurité régionale et par ricochet l’Europe et les USA. Et ce comme cela a été mis en
relief lors de la 22ème conférence régionale africaine internationale d’Interpol, tenu à Oran
(Algérie) en septembre 2013, où la résolution finale stipule l’urgence d’une coopération
tant africaine que mondiale dans la lutte contre la criminalité transnationale
avec l’implication de chacun des Bureaux centraux nationaux d’Interpol des 190 pays
membres , nécessitant une amélioration des bases de données afin de lutter
efficacement contre le crime transfrontalier et le terrorisme.

3.-La responsabilité du devenir de l'Afrique est celle des Africains

Les dirigeants tant européens qu’africains doivent s’attaquer à l’essence de ce mal et non aux
apparences comme le montre une étude du Forum économique mondial – WEF- du 14
novembre 2013 qui révèle que fortement secoués depuis deux ans par des crises politiques à
répétition, les pays d'Afrique du Nord, dont fait partie l'Algérie sont à l'aube d'une crise
majeure et sont une source d'inquiétude, ces pays traversant une crise morale du fait
du manque de valeurs au niveau du leadership. Le fossé entre les riches et les pauvres
devient de plus en plus grand et tandis que l’écart de revenus renforce les inégalités en
matière de richesse, l’éducation, la santé et la mobilité sociale sont toutes menacées. L’étude
met en garde contre les conséquences pernicieuses du chômage : « une génération qui
commence sa carrière dans un désespoir complet sera plus enclin aux politiques
populistes alors que l’ampleur de la récession mondiale et le rythme du rétablissement ont
laissé des cicatrices profondes, spécialement parmi la jeunesse ». Le rapport
considère « qu’il y a maintenant un consensus croissant selon lequel la région (Mena,
Proche-Orient et Afrique du Nord) est à l’orée d’une période d’incertitude croissance, aux
racines ancrées dans la polarisation de la société. C’est ce qui explique que parallèlement au
sommet des chefs d’Etat se tiendront plusieurs forums économiques regroupant plusieurs
centaines de personnalités africaines et des deux rives de la méditerranée, les 04/05
décembre 2013 afin de dynamiser le développement harmonieux entre l’Europe et l’Afrique
dans le cadre de co-partenariats et des colocalisations. Mais en dehors de ces forums
l’Afrique sera ce que ses dirigeants et ses populations devant éviter toute vision
européo-centriste, voudront qu’elle soit par une nouvelle vision garantissant la régénération de
l'Afrique. Disons le franchement, les dirigeants africains portent une lourde responsabilité
devant leur population doivent respecter davantage les principes de démocratie dont le
fondement est la bonne gouvernance, donc la lutte contre la corruption et les mentalités
tribales, la protection des droits de l'Homme et s'engager résolument dans la réforme globale.
Il est donc impératif pour les pays développés et pour l'intérêt de l'humanité qu'à une vision
strictement marchande se substitue un co-développement pour une richesse partagée tenant
compte, d'une bonne gouvernance par une lutte efficace contre la corruption qui mine les
nations africaines. L’Afrique pour peu que les dirigeants dépassent leurs visions étroites
d'une autre époque, a toutes les potentialités pour devenir un grand continent avec une
influence, économique, dans la mesure où en ce XXIème siècle l'ère des micros-Etats étant
révolue et que la puissance militaire est déterminée par la puissance économique. Pour cela,
des stratégies d'adaptation au nouveau monde sont nécessaires pour l’Afrique, étant multiples,
nationales, régionales ou globales mettant en compétition/confrontation des acteurs de
dimensions et de puissances différentes et inégales. Face aux menaces communes et aux défis
lancés à la société des nations et à celles des hommes, les stratégies de riposte de l’Afrique
doivent être collectives, étant l'objet de toutes les convoitises (notamment USA via
Europe/Chine). Le continent Afrique est un enjeu géostratégique majeur au XXIe siècle avec
plus de 25% de la population mondiale avec d'importantes ressources non exploitées, sous
réserve d'une meilleure gouvernance et d'intégration sous-régionales à l'horizon 2030 l'axe de
la dynamisation de la croissance de l'économie mondiale devant se déplacer de l'Asie vers
l'Afrique expliquant en partie les tensions actuelles. L’Afrique dont le Maghreb sous-segment
de l’Afrique du Nord(1), devant servir de pont entre l’Europe et l’Afrique noire, est appelé, à
se déterminer par rapport à des questions cruciales et de relever des défis dont le moins qu'on
puisse dire est qu'ils dépassent en importance et en ampleur les défis qu'il a eu à relever
jusqu'à présent. Pour un diaalogue féccond et une prospérité partagée , le dialogue des civilisations
s'avère plus que jamais nécessaire à la cohabitation entre les peuples et les nations.

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