prochaines
années le principal moteur de changement,
avec à la clé des répercussions sur la politique
mondiale, l’environnement, l’économie et la
société. Une véritable révolution s’annonce dans le
domaine des technologies de l’information et de
la communication. Aujourd’hui, quelque 11 milliards
d’appareils, de capteurs et d’êtres humains
sont connectés entre eux, un nombre qui pourrait
atteindre 200 milliards d’ici à 2030.
2.3.1. Une nouvelle phase de
la numérisation
Fondée sur l’internet des objets, les big data et
les technologies du cloud, l’intelligence artificielle
(IA) ouvrira une nouvelle phase de la transformation
numérique. L’IA permet aux machines d’apprendre
de l’expérience, de prendre en compte de
nouvelles informations et d’exécuter des tâches qui
nécessitent une capacité de réflexion comparable
à celle de l’homme. Dans certains cas, les systèmes
d’IA atteignent des performances supérieures à la
capacité cognitive humaine. S’agissant des facultés
sensorimotrices et de l’intelligence sociale, l’écart
entre les capacités de ces systèmes et celles de
l’être humain diminue. Celui-ci devrait toutefois
conserver son avantage en ce qui concerne l’intelligence
émotionnelle. La numérisation 2.0 deviendra
un moteur essentiel d’innovation, de création
de valeur et de croissance. Elle changera la manière
dont nous vivons, travaillons et vieillissons. Mais elle
recèle aussi d’énormes risques, par exemple dans le
domaine militaire et en matière de surveillance. L’IA
soulève, pour la Suisse également, de nombreuses
questions sensibles du point de vue de la politique
extérieure.
Les données, matière première du XXIe siècle,
modifient les fondements de la puissance. Les
big data et les technologies d’IA assurent à leur
détenteur un avantage stratégique en termes de
puissance. Il existe certains signes d’une compétition
pour la suprématie technologique future
dans le domaine de l’IA, en particulier entre les
États-Unis et la Chine. Pékin investit des sommes
énormes dans les nouvelles technologies : l’IA
devrait propulser l’économie chinoise dans l’avenir,
mais aussi assurer une surveillance et un contrôle
« intelligents » de la sécurité publique et donc des
citoyens et citoyennes. Le nationalisme technologique
pourrait devenir une tendance significative,
au détriment d’une utilisation libre et équitable des
nouvelles technologies. Le libre accès à Internet est
un acquis de plus en plus menacé.
2.3.2. La quatrième révolution industrielle
À l’instar des technologies de communication, les
biotechnologies et le génie génétique sont
en phase de connaître des innovations majeures.
De nouvelles procédures diagnostiques et thérapeutiques
ouvrent d’énormes possibilités dans le
domaine de la santé, mais soulèvent aussi des questions
éthiques. Le même cas de figure se présente
pour la culture de variétés végétales génétiquement
modifiées ou génétiquement éditées dans l’agriculture.
Les nanotechnologies et la bionique changeront
quant à elles la production industrielle.
Nous vivons le début d’une quatrième révolution
industrielle, portée par la convergence entre
technologies numériques, biologiques et physiques.
Le potentiel de changement que recèle
chacun de ces domaines technologiques est décuplé
sous l’effet de cette convergence. Du point de
vue économique, le monde physique perdra de son
importance par rapport à ce monde numérique interconnecté.
Des experts prévoient que la quatrième
révolution industrielle dépassera largement les précédentes
par sa vitesse, son ampleur et son impact
sur les systèmes économiques, sociaux et politiques.
La quatrième révolution industrielle offre aussi un
grand potentiel pour relever les défis environnementaux.
Les nouvelles technologies contribueront
à réduire l’empreinte écologique de l’humanité et à
inscrire l’interaction entre la société, l’économie et
l’environnement dans une logique de durabilité.
Les avancées vertigineuses de la robotique, de l’apprentissage
automatique et de l’automatisation
auront un impact sur les marchés du travail dans
le monde. L’informatisation complète de la fabrication
et les nouveaux processus et techniques de
production promettent d’importants gains de productivité.
D’une part, de nombreux emplois, même
très qualifiés, sont susceptibles d’être remplacés, ce
qui pourrait accentuer les inégalités sociales. D’autre
part, les nouvelles technologies engendrent toujours
des innovations et de nouvelles tâches dans
l’interaction entre l’homme et la machine. Ainsi, les
taux de chômage sont remarquablement bas dans
des pays comme la Corée du Sud ou le Japon, où
les processus de création de valeur sont fortement
robotisés.
L’effet disruptif de la quatrième révolution industrielle
sur les marchés du travail et la société dépendra du
décalage entre l’automatisation et l’émergence
de nouveaux domaines d’activité. Cette transition
requiert la mise en place d’un cadre approprié, par
exemple dans le domaine de l’éducation. La dynamique
technologique doit bénéficier au plus grand
nombre.
9 Le monde en 2028 – à quoi faut-il se préparer ?
2.4. Moteurs économiques :
le commerce et la production en
point de mire de la numérisation
et de la géopolitique
Le changement technologique marque aussi
l’évolution économique mondiale : la quatrième
révolution industrielle modifie les flux commerciaux.
Cela s’explique par la mutation de l’industrie
mondiale : les groupes ayant de grandes unités
de production dans divers pays ne seront probablement
pas le modèle d’avenir. L’intelligence artificielle
et la baisse des coûts de production font
que la production de masse tend à être délaissée
au profit de petites productions locales : les entreprises
peuvent de nouveau se rapprocher de leurs
clients et produire sur leur marché de distribution.
D’une part, les sociétés internationales sont ainsi
davantage incitées à renforcer leur ancrage dans
l’économie locale, ce qui peut favoriser une croissance
plus inclusive dans les zones périphériques.
D’autre part, des lignes de production qui avaient
été délocalisées dans des pays à bas salaire sont
rapatriées dans les pays membres de l’OCDE.
2.4.1. Glocalisation
Les entreprises de pays dont le marché national
est exigu, comme la Suisse, sont particulièrement
concernées par cet enjeu, mais elles voient aussi
s’ouvrir de nouvelles perspectives. Pour prendre
un exemple, les textiles intelligents et les textiles
connectés modifieront profondément l’industrie
textile mondiale. La combinaison de coûts de production
plus faibles, d’un savoir-faire textile et de
compétences en électronique pourrait donner un
nouvel élan à l’industrie textile suisse. Dans le secteur
de l’industrie, près de 60 % de tous les biens
exportés aujourd’hui sont des produits non finis
qui transitent par les chaînes de valeurs mondiales.
Cette part va baisser, avec la glocalisation croissante
des processus de production.
Les avancées technologiques constitueront
un défi tout particulier pour les pays en développement.
L’industrialisation, considérée jusqu’à
présent comme un moteur important du développement,
risque de disparaître. Des emplois peu
qualifiés du secteur industriel pourraient être supprimés.
L’ambition de l’Agenda 2030 de ne laisser
personne de côté prend une nouvelle signification
à la lumière du changement technologique.
Dans le même temps, une pression accrue s’exerce
de ce fait sur ces pays pour qu’ils améliorent leurs
conditions-cadres économiques afin de continuer
à attirer des investissements. Les pays en développement
ont, pour certains, une plus grande capacité
d’adaptation que les pays industrialisés, car ils
comptent moins de structures anciennes entravant
le changement. En outre, les avancées technologiques
– par exemple, le smartphone – sont
aujourd’hui disponibles simultanément presque
partout. Des choix judicieux pourraient engendrer
pour les pays en développement de nouvelles
opportunités de croissance.
S’agissant des pays industrialisés et émergents,
on peut donc imaginer que les pays à hauts
salaires sont mieux placés pour la quatrième
révolution industrielle que les pays émergents.
Le basculement structurel de puissance de l’Occident
vers d’autres régions du monde pourrait se
ralentir. Mais il reste l’inconnue de l’évolution de la
croissance dans les différents pays.
2.4.2. Un ordre commercial fragmenté
La polarisation de la politique internationale se
reflète dans une fragmentation de l’ordre commercial
international. L’Organisation mondiale du
commerce lutte pour conserver son rôle de gardien
du système commercial international. Elle doit
se réformer pour renforcer sa légitimité. Dans le
domaine de la régulation, les accords plurilatéraux
tendent cependant à remplacer les accords multilatéraux.
Concernant la suppression des droits de
douane et le libre-échange, les accords régionaux
et bilatéraux sont une réalité incontournable.
L’escalade actuelle des mesures protectionnistes
et des contre-mesures entre les puissances commerciales
affaiblit l’ordre commercial international.
Tant que la politique internationale sera dominée
par des tensions entre les grandes puissances, les
objectifs et les ambitions politiques pourraient
avoir une influence sur le commerce mondial. De
nouvelles tensions géo-économiques sont à
prévoir.
Le