La versification
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La versification
Cet article regroupe ces données techniques en une présentation générale ; les détails
sont présentés dans les
pages césure, diérèse, enjambement, hémistiche, hiatus, métrique, rime, strophe, synér
èse, vers, etc.
Le vers
Métrique
Décompte des syllabes
L'unité de mesure du vers français est la syllabe. Parler de « pied », par analogie avec
le latin ou le grec, est incorrect, comme le relève déjà Joachim du Bellay dans
la Défense et illustration de la langue française, et comme l'écrit encore en 1974 Jean
Mazaleyrat : « Appliquer le terme de pied à la syllabe, comme on l'a fait, comme on le
fait souvent encore dans notre tradition pédagogique, lexicographique et critique, ce
n'est pas seulement mêler les techniques et confondre les notions. C'est méconnaître le
caractère accentuel et rythmique du vers français. C'est plus qu'une inadvertance
terminologique, c'est une erreur de conception. C'est confondre la structure combinée
des mesures rythmiques et la somme pure des syllabes, la fin et les moyens1. »
Règle du e caduc
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Le e caduc désigne la voyelle e dont la prononciation « e » varie en fonction de
l'environnement syntaxique. Souvent le e caduc est improprement appelé e muet, car la
modification de prononciation consiste souvent en une atténuation, voire une disparition,
du son « e » (amuïssement).
En fin de vers, un e caduc associé aux terminaisons « -e », « -es », « -ent », bien qu'il
soit prononcé dans la scansion classique, ne compte cependant pas au nombre des
syllabes d'un vers (apocope).
De plus, au Moyen Âge et au XVIe siècle, ces règles étaient différentes : le « e » s'élidait
souvent à l'hémistiche de l'alexandrin (« césure épique »).
— Le Roman d'Alexandre
Diérèse et synérèse
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Deux syllabes en prose peuvent aussi être contractées en une seule dans l'élocution
versifiée. « hi·er » devient « hier », « li·on » devient « lion ». C'est la synérèse, qui
transforme une voyelle en consonne intégrée à la voyelle majeure du mot ; la diction
ainsi abrégée parait plus dure.
— Molière, Le Misanthrope
Des dictionnaires, comme le Littré, aideront les plus scrupuleux à se conformer aux
règles étymologiques. On trouve sur internet un tableau récapitulatif de l'usage
poétique [archive].
Hiatus
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L'hiatus3 désigne la rencontre de deux voyelles, soit dans le même mot (hiatus interne ;
exemple : « maïs »), soit dans deux mots successifs (hiatus externe).
L'hiatus (externe) abonde au Moyen Âge, mais, comme le retrace Georges Lote4, il est,
au cours même de cette période, progressivement éliminé et Ronsard, en 1565, dans
son Art Poëtique françois, formule une quasi-
prohibition5 que Malherbe et Boileau6 rendront absolue.
Cette intransigeance est critiquée, par exemple par Paul Valéry, qui parlait de « la règle
incompréhensible de l'hiatus »7, ou par Alexandre-Xavier Harduin qui, en 1757,
écrivait « Il semble que, loin d'éviter les hiatus dans le corps d'un mot, les poètes
français aient cherché à les multiplier, quand ils ont séparé en deux syllabes quantité de
voyelles qui font diphtongue dans la conversation. De tuer, ils ont fait tu-er, et ont
allongé de même la prononciation de ru-ine, vi-olence, pi-eux, étudi-er, passi-on, di-
adème, jou-er, avou-er, etc. On ne juge cependant pas que cela rende les vers moins
coulants; on n'y fait aucune attention ; et l'on ne s'aperçoit pas non plus que l'élision de
l'e féminin n'empêche point la rencontre de deux voyelles, comme quand on dit année-
entière, plaie-effroyable, joie-extrême, vue-agréable, vue-égarée, bleue-et
blanche, boue-épaisse »8.
Noms basés sur la métrique
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La poésie française privilégie les vers pairs (ayant un nombre pair de syllabes) :
Les vers rapportés, comme les vers brisés, peuvent se lire en ligne et en colonne.
Les vers blancs sont des vers dont la métrique est régulière, mais pas la rime ; c'est par
exemple le cas dans la prose poétique ou au théâtre, quand le rythme particulier d'une
phrase en prose se rapproche d'un mètre traditionnel : cf. Dom Juan « La naissance
n'est rien où la vertu n'est pas ! »
Rime
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Une rime est un retour de sonorités identiques à la fin d'au moins deux vers, avec pour
base la dernière voyelle tonique. Différente de l'assonance médiévale, la rime impose
l'homophonie des sons consonantiques qui suivent la dernière voyelle prononcée. Elle
peut être enrichie par la reprise de sons complémentaires qui précèdent la voyelle.
Noms
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Féminin et masculin
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Une rime est féminine quand elle se termine par un e caduc ; autrement dit, une rime
féminine se termine par un son « e » écrit « e », « es » ou « ent ». Les autres cas
désignent des rimes masculines. Ce e, bien que prononcé dans la scansion classique,
n'est cependant pas compté au nombre des syllabes d'un vers. Dans l'exemple suivant,
la deuxième syllabe du mot têtes est prononcée à la rime mais n'est pas comptée dans
les douze syllabes de l'alexandrin.
Pour·qui·sont·ces·ser·pents·qui·si·fflent·sur·vos·tê(tes) ?
— Jean Racine, Andromaque
Sauf exception, ceci est vrai que le e soit précédé d'une consonne ou d'une voyelle :
« une voiture », « une queue », « des musées » sont des rimes féminines. Pour les
3es personnes du pluriel dans lesquelles la terminaison -ent suit une consonne, la rime
est considérée comme féminine : « ils chantent », « ils lurent ». Lorsque la terminaison -
ent est placée après une voyelle, la rime est considérée comme féminine si le e apparait
au pluriel et au singulier : « ils prient » et « il prie », « ils éternuent » et « il éternue » ;
dans ce cas -ient, -ie, -uent et -ue se prononcent en deux syllabes. La rime est
masculine si le e n'apparaît pas au singulier : « ils plantaient » et « il plantait », « qu'ils
soient » et « qu'il soit » ; dans ce cas -aient et -oient ne forment qu'une seule syllabe et
le e ne se prononce pas.
Une rime masculine doit rimer avec une autre rime masculine et une rime féminine avec
une autre rime féminine ; par exemple, la rime entre « chant choral » et « la chorale »
n'est pas permise. L'alternance entre rimes féminines et masculines est d'usage depuis
le XVIe siècle et de règle depuis Malherbe : par exemple, dans un sonnet de forme
ABBA ABBA CCD EDE, si A est masculine, alors B est féminine, C masculine, D
féminine, E masculine.
Singulier et pluriel
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Une rime au pluriel doit rimer avec une autre rime au pluriel, et une rime au singulier
avec une autre rime au singulier. Par contre, il n'y a pas de règle obligeant à alterner
rimes au pluriel et au singulier (un poème peut ne contenir que des rimes au singulier).
Richesse
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La richesse des rimes (parfois désignée comme la « qualité ») est déterminée par le
nombre de sons communs :
les rimes pauvres ont un son en commun, la dernière voyelle tonique seule (… aussi
/… lit, ... vie /… remplie) ;
les rimes suffisantes possèdent deux phonèmes communs, la dernière voyelle
tonique (V) + une consonne prononcée (C) derrière ou devant, soit deux
combinaisons possibles : V + C ou C + V (… animal /… chacal, ... tordues /…
confondues) ;
les rimes riches présentent trois homophonies entre voyelles toniques et consonnes,
avec quatre combinaisons fréquentes : V + C + V (rime léonine), ou C + V + C, ou C
+ C + V, ou V + C + C (… prêteuse /… emprunteuse) ;
au-delà, on parle de rimes très riches.
Rythme
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Si, en français, la structure du vers se fonde sur un nombre déterminé de syllabes,
le rythme en est donné par la syntaxe. Dans la diction d'un énoncé versifié, il s'agit de
trouver l'équilibre entre le rythme et le nombre.
Le rythme est modulé par les accents toniques des mots et les pauses marquées aux
coupes et aux césures du vers. Les sensations produites dépendent du découpage du
texte (rythme haché, rapide, ou ralenti), des effets de rupture (contrastes), ou des
variations rythmiques (accélérations, décélérations).
Accent tonique
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L'accent tonique représente une augmentation de l'intensité de la voix sur une syllabe.
En français, l’accent tonique est fixe sur la dernière syllabe prononcée, d'où l'importance
des notions de e caduc.
En français parlé, l'accent tonique, souvent peu marqué, ne doit être confondu ni avec
l'intonation, qui désigne le ton de la voix (cf. « Dégagez ! » : accent tonique sur « -gez »,
intonation autoritaire), ni avec l'accent propre à chaque locuteur dû à son vécu, ni avec
l'accent oratoire, ou accent d'insistance, qui découle de la volonté de marquer ses
propos à certains passages clés (cf. « BIENvenue, mesdames et messieurs, pour cette
IN-CROY-able… »).
Coupe
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Césure et hémistiche
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La césure résulte d'une analyse métrique du vers, et se traduit par un repos dans
l'énoncé ; un vers qui présente une césure est appelé « vers composé ». Dans les vers
de plus de huit syllabes, une césure (notée //) sépare le vers en deux hémistiches :
les vers de treize syllabes, rares, peuvent se diviser en cinq et huit syllabes (5//8, par
exemple chez Paul Scarron) ou en six et sept syllabes (6//7, chez Paul Verlaine) ;
Jetons nos chapeaux // et nous coiffons de nos serviettes,
Et tambourinons // de nos couteaux sur nos assiettes.
— Alphonse de Lamartine
l'hendécasyllabe peut être divisé en deux hémistiches de cinq et six syllabes (5//6)
ou de huit et trois syllabes (8//3) ;
le décasyllabe est traditionnellement divisé en deux hémistiches de quatre et six
syllabes (4//6) ou en deux de cinq syllabes (5//5, produisant un effet de
balancement) ; il est parfois divisé en hémistiches de six et quatre syllabes (6//4) ;
Frères humains // qui après nous vivez
— Charles Baudelaire
Au bout du compte, ce sont les poètes qui ont le dernier mot. Selon Stéphane Mallarmé,
dans Crise de vers, « Les fidèles à l’alexandrin, notre hexamètre, desserrent
intérieurement ce mécanisme rigide et puéril de sa mesure ; l’oreille, affranchie d’un
compteur factice, connaît une jouissance à discerner, seule, toutes les combinaisons
possibles, entre eux, de douze timbres. »
Enjambement, rejet et contre-rejet
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L'enjambement apparaît quand il y a discordance entre la structure grammaticale et la
structure rythmique des vers (= débordement), c'est-à-dire quand le sens du premier
vers ne se précise qu'au suivant. Exemple avec séparation du sujet et du verbe :
Le rejet désigne un bref élément au début d'un vers qui termine le sens du vers
précédent.
Le contre-rejet désigne un élément en fin de vers qui donne déjà un sens au vers
suivant.
une coupe épique désigne une coupe après un e caduc théoriquement non élidable,
néanmoins élidé.
une coupe lyrique, qui procède souvent d'un choix de lecture, désigne une coupe en
décalage avec l'accent tonique ;
une coupe enjambante se fait dans un mot, devant un e caduc compté ;
une césure épique désigne une césure sur un e caduc non élidable, néanmoins élidé
(le e caduc de l'hémistiche est traité comme le e caduc en fin de vers) ;
une césure lyrique se fait après un e caduc compté ;
une césure enjambante se fait dans un mot, devant un e caduc compté.
La coupe épique et ces césures spéciales sont absentes de la versification classique,
mais présentes au Moyen Âge ou dans la poésie moderne.
La strophe
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La strophe est un groupement régulier de vers avec, le plus souvent, un système
complet de rimes et de mètres. La littérature médiévale n'utilise pas le mot de
« strophe », mais celui de « laisse » : comparable à une strophe de longueur variable, la
laisse utilise la même assonance, l'identité acoustique de fin de vers ne prenant en
compte que la dernière voyelle prononcée (exemple : « ami, vis, prist, hardiz, dis »).
D'une façon générale, et quel que soit le nombre de vers de la strophe, il est préférable
d'observer la règle de l'alternance des rimes d'une strophe à l'autre : si la première finit
par un vers masculin, la seconde commencera par un vers féminin et vice versa (bien
que les quatrains des sonnets ne respectent pas cette règle : souvent ABBA puis de
nouveau ABBA).
Les strophes sont, dans presque tous les cas, séparées par une ligne blanche.
une strophe isométrique contient des vers ayant tous un même nombre de syllabes ;
une strophe hétérométrique, comme la stance, contient des vers ayant un nombre
différent de syllabes ;
une strophe carrée contient un nombre de vers égal au nombre de syllabes de
chaque vers (ex. : dizain en décasyllabes) ; elle donne une impression de force et de
cohésion ;
une strophe horizontale contient un nombre de vers inférieur au nombre de syllabes
de chaque vers (ex. : dizain en alexandrins) ; elle donne une impression d'étendue
et de durée ;
une strophe verticale contient un nombre de vers supérieur au nombre de syllabes
de chaque vers (ex. : dizain en octosyllabes) ; elle donne une impression de
succession et de rapidité.
Si des reprises de sonorités se font d'une strophe à une autre, alors on parle :
de rimes inverses, quand les rimes d'une strophe se retrouvent dans un autre ordre
dans la strophe suivante ;
de rimes concaténées, quand le dernier vers d'une strophe sert de premier vers à la
strophe suivante ;
de rimes disjointes, quand les rimes d'une strophe ne trouvent leur équivalent que
dans la strophe suivante.
Noms basés sur le nombre de vers
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Monostique (1 vers)
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Tercet (3 vers)
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Un tercet est une strophe de trois vers. Le schéma de rime peut être de la forme ABA
ou ABB ou encore AAB. Mais seul, le tercet préfère la forme croisée ABA. Pour les
autres cas, le tercet n’est pas seul et il entre dans le schéma de rimes d’un ensemble
(exemple : les 2 tercets en fin de sonnet).
Quatrain (4 vers)
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Un quatrain est une strophe de quatre vers. Les rimes des strophes de quatre vers sont
croisées (ABAB) ou embrassées (ABBA), parfois plates (AABB).
Quintil (5 vers)
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On trouve parfois une forme layée, A12a8b8b8A12 ; c'est souvent le cas, par exemple,
chez Malherbe. Chez Musset et Lamartine nous trouvons le schéma ABAAB ; c'est le
quintil du XVe siècle, tel qu'il apparaît chez Jean de la Taille. Chez Victor Hugo, on
trouve le quintil AABAB à côté du quintil ABBAB et du schème lamartinien ABAAB.
Quant à la forme ABABA choisie par Théodore de Banville, elle se retrouve chez
Baudelaire sous forme layée (A12b8A12b8A12).
Sizain (6 vers)
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Un sizain est une strophe de 6 vers, souvent de deux ou, plus rarement, trois types de
mètres. Il consiste en deux vers à rimes plates suivis de quatre vers à rimes
embrassées ou croisées (AABCCB ou AABCBC) ; c'est la forme adoptée par la stance
de Malherbe. Une seule fois, chez Malherbe, nous avons le schéma ABBACC, qui est
un sizain à rebours. Disposé en rhythmus tripertitus, le sizain se présente sous le
schème AABAAB, sur deux rimes, ou sous la forme AABCCB, sur trois rimes ; les
rhétoriqueurs ont recommandé la première de ces deux formules.
La strophe est dite « couée », quand le 3e et 6e vers sont courts et les autres longs. Le
Moyen Âge avait inventé cette forme ; elle était encore prisée au XVIIe siècle, puis elle
s'est fait rare, pour réapparaître avec le romantisme, d'abord chez Sainte-Beuve, puis
chez Victor Hugo qui a pratiqué la strophe couée brève, avec par exemple des sizains
A7A7b4C7C7b4 ; ce type de sizain convient aux sujets légers, et suscite parfois l'accent
d'une mélancolie voilée. C'est la strophe couée brève qui a fait la fortune de Verlaine
dans :
Septain (7 vers)
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Le septain est une strophe de 7 vers. Il possède plusieurs formes : AABCBCB chez
plusieurs rhétoriqueurs, AABCBCB chez Ronsard, AABCBBC chez Vincent Voiture.
Vigny a fort prisé le septain sous le schème immuable ABABCCB écrit en alexandrins :
rimes croisées puis embrassées, avec une rime charnière centrale appartenant aux
deux systèmes.
Parfois, on rencontre des septains construits sur deux rimes seulement. Leconte de
Lisle nous livre un septain construit sur une simple alternance de rimes (ABABABA) ; il
adopte aussi le schème ABAABBA, moins naïf, mais peu satisfaisant pour la symétrie.
Victor Hugo, lui, recourt à un septain parfaitement symétrique (ABBABBA) ; en outre le
dernier vers de sa formule est écourté.
Huitain (8 vers)
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Le huitain est une strophe de 8 vers. Lorsqu'il ressemble à une superposition de deux
quatrains parallèles, comme dans la disposition ABABCDCD, on parle parfois de « faux
huitain » : pour constituer ces huit vers en une unité strophique, il faudrait une marque
sensible en fin de strophe ; il suffirait pour cela de répéter la même rime, en D, ou de
répéter le même mot final, ou de faire du dernier vers un refrain.
L'octave italienne, dont Aristote et Torquato Tasso ont donné le modèle, suit le modèle
ABABABCC. Achevé en distique, ce huitain se prêterait plus volontiers à un sujet de
caractère martelé, épique.
Le huitain du XIVe siècle est celui de la strophe de la ballade primitive ; ce huitain roule
sur des répétitions de ABABBAAB : la ballade de Guillaume de Machaut reprend trois
fois cette strophe dont le 8e vers sert de refrain. Parmi les huitains du XVe siècle, celui
de Martial d'Auvergne nous fournit la strophe définitive de la petite ballade :
ABABBCBC, où tout est variété (rimes alternées), équilibre (rimes plates au centre,
servant de pivot), unité (la rime B est présente dans les deux moitiés de la strophe),
symétrie nuancée (parfaite inversion du mouvement avec échange de A contre C).
Les rhétoriqueurs ont pratiqué, outre les formes déjà signalées, un huitain enlacé
(AABABBCC). Le huitain romantique se signale par la rime triplée dans le schème
ABABCCCB, ou encore par un huitain quadripertitus caudatus (AAAbCCCb).
Neuvain (9 vers)
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Chez les rhétoriqueurs, on rencontre cinq types fondamentaux de neuvain : sur deux
rimes seulement, un neuvain layé est du plus ravissant effet (utilisé dans la rotrouange
écartelée : A3A1B6/A3A1B6/B4B2A8), sur trois rimes et généralement en décasyllabes
(ABAABBCBC), sur trois rimes et de préférence en octosyllabes (AABABBCBC), sur
quatre rimes et souvent en décasyllabes (ABABCCDCD), sur quatre rimes avec des
octosyllabes (ABABBCCDD) (ce dizain finit platement).
Le neuvain classique, par exemple chez Thomas Corneille, est composé d'un quatrain
et d'un quintil : ABABCDCCD.
Le neuvain parnassien de Leconte de Lisle, construit sur trois rimes seulement, accuse
plus d'exigence (ABABCCBCB) et frappe par l'impression de continuité qui se dégage
de la forme de cette strophe : elle tient en grande partie à cette structure fortement
nouée et symétrique ; avec C répété trois fois et B répété quatre fois, la strophe évolue
entre une variété restreinte (AB*AB) et une monotonie insistante (...B/CCBCB*).
Malherbe lui a donné un tel lustre (cf. ses odes héroïques) que la première moitié
du XVIIe siècle fut submergée par un déluge d'odes en dizains. Distribué en ABAB\\CC\\
DEED, le dizain présente les trois types possibles de successions de rimes : croisées,
plates, embrassées. En outre, il est équilibré de part et d'autre d'un axe CC.
Les romantiques ont essayé d'obtenir le onzain au moyen d'un dizain à rimes plates,
enflé d'un vers : ABABCCCDEED ou ABABCCDEEED.
Victor Hugo a ensuite proposé une autre forme tirée du dizain en rendant triples les
deux rimes plates du dizain : ABABCCCDEEED.
— Mellin de Saint-Gelais
Certains poètes ont parfois écrit des strophes très longues ; par exemple, Hommage à
la vie de Jules Supervielle contient 40 vers continus, sans séparation visible.
Le poème
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Noms et formes
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Rondel de Stéphane Mallarmé.
Un poème obéit à des règles plus ou moins complexes et plus ou moins rigides qui
concernent les types de vers, la présence d'un refrain, les types de strophes, leur
agencement ou leur nombre. Les règles et les modes ont varié au cours de l'histoire.
le haïku : poème japonais sans rimes de 17 mores sur trois segments 5-7-512 ;
le tanka : poème japonais sans rimes de 31 mores sur cinq lignes (5-7-5-7-7
syllabes);
l'ode, imitée de l'Antiquité, mais assouplie par Ronsard avec 2 strophes égales + 1
strophe plus courte ;
le pantoum : d'origine malaise, introduit en France au XIXe siècle, codifié
par Théodore de Banville dans son Petit traité de Poésie française, est construit par
reprises décalées des vers d'une strophe sur l'autre (les vers 2 et 4 de la première
strophe deviennent les vers 1 et 3 de la strophe suivante, et ainsi de suite) ;
la sextine est une forme poétique, composée de six sizains, dont les mots en fin de
vers restent les mêmes, mais sont répartis selon un ordre différent ; créée
au XIIe siècle, cette forme a été revisitée par les poètes de l'Oulipo ;
le sonnet : hérité de Pétrarque et imposé peu à peu au XVIe siècle, très vivant
au XIXe siècle (Baudelaire, Verlaine, Hérédia…), dont l'une des dispositions les plus
classiques se compose de deux quatrains aux rimes embrassées et répétées, et 2
tercets sur 2 ou 3 rimes à disposition variable (les formes les plus courantes en
français sont : ABBA ABBA CCD EED ou ABBA ABBA CCD EDE) ; la mise en
valeur du dernier vers est appelé la chute du sonnet ;
les stances, la villanelle…
Enfin, il existe des genres poétiques qui ne relèvent pas à proprement parler de la
versification, puisque leur thème, leur ton, et leur aspect technique diffèrent de ce qui
vient d'être décrit ; les genres poétiques ont cependant tenu une grande place dans les
époques passées : épopée, chanson de geste, poésie didactique et engagée (art
poétique, épigramme, satire, fable), expression personnelle
(blason, élégie, églogue, épithalame, glose, madrigal, roman
courtois, pastorale, bergerie), etc.
Figures de style
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Allégorie de l'Alchimie
De nombreuses figures de style servent à enrichir l'expression poétique ; elles peuvent
fonctionner sur un ou plusieurs vers. En voici quelques-unes.
Reprise de sonorité
Assonance : reprise du même son vocalique (cf. le son [an] : « Je fais souvent ce
rêve étrange et pénétrant », Paul Verlaine) ;
Allitération : reprise d'un son consonantique (cf. le son [r] : « Tandis que les
crachats rouges de la mitraille », Arthur Rimbaud) ;
Harmonie imitative : association soulignée du son et du sens (cf. allitération en
[s] associée au sifflement du serpent : « Pour qui sont ces serpents qui sifflent
sur vos têtes ? », Jean Racine dans Andromaque).
Sens des mots
Allégorie : représentation concrète d'un élément abstrait ;
Comparaison : association directe entre deux éléments ou plus ;
Euphémisme : atténuation, notamment pour réduire l'impact d'un événement ou
d'un fait cruel ;
Image : rapprochement de deux éléments via un élément commun ;
Métaphore : analogie ou comparaison indirecte basée sur un rapprochement de
sens et d'image ;
Périphrase : mot remplacé par une expression ;
Personnification : attribution de caractéristiques humaines à une chose ou un
animal ;
Symbole : image de référence.
Place des mots
Anaphore : reprise de mots dans des constructions semblables (« Puisque… /
Puisque… / Puisque… ») ;
Accumulation : énumération d'éléments semblables (« Adieu veau, vache,
cochon... », Jean de La Fontaine) ;
Hyperbole : exagération pour mettre en évidence ;
Oxymore : rapprochement d'élément dissemblable (ex : un soleil noir) ;
Parallélisme : répétition pour rapprocher deux choses ou deux objets.
Diction
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Jean-Jules-Antoine Lecomte du Nouy, Démosthène s'exerçant à la parole.
La diction est l’ensemble des règles qui régissent le langage parlé. Cependant, la
lecture des vers ne répond à aucune règle absolue ; et si le minimum à respecter parait
être le respect des sonorités et du rythme (imposés par les e caducs, les liaisons, les
coupes et les césures, les diérèses et synérèses, la ponctuation), les approches varient
(règles restrictives, approches « historiques », déclamation, scansion inspirée de la
versification latine ou grecque, etc.) : pour Charles Batteux, « les espaces exigés par
l'esprit, par les objets, par la respiration, par l'oreille, sont absolument les mêmes dans
la prose et dans la poésie »13 ; pour Michel Bernardy, « le vers français ayant un nombre
fixe de syllabes, celles-ci doivent être toutes perceptibles dans l'élocution : comme la
voyelle est le centre de la syllabe, toutes les voyelles constitutives du vers ont le même
droit à l'existence dans le phrasé versifié »14 ; pour Louis Dubroca, la diction se doit de
prononcer toutes les syllabes (voyelles) qui en composent la structure métrique15 ;
pour Georges Le Roy, la ponctuation orale n’est pas toujours en relation directe avec la
ponctuation écrite : la ponctuation en vers est soumise au sens, et ne doit jamais être
placée après la coupe ou à la fin du vers si elle n’est pas justifiée16 ; pour Ernest
Legouvé, la première des césures qu'il importe de pratiquer est celle qui sépare le sujet
du verbe : c'est le suspens d'écoute majeur d'une phrase, comme dans
« Nabuchodonosor / conquit Jérusalem. »17 ; pour Henri Meschonnic, l'accent, en
français, n'est pas métrique, il est linguistique18 ; etc.
— Molière, Le Misanthrope
Coupes supplémentaires quand des syntagmes s'ajoutent aux syntagmes nominaux
et verbaux.
La valeur / n’attend point le nombre des années.
L'ardeur de vain_cre / cède à la peur de mourir.
Coupes supplémentaires en cas d'ellipse (un élément est sous-entendu ; ceci doit
être marqué).
Je l'adorais / vivant, / et je le pleu_re / mort
→ Je l'adorais (quand il était) vivant, et je le pleure (maintenant qu'il est) mort.
— Molière, Tartuffe
Notes et références
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