Am- Amérique Latine Entre Émergence Et Crises
Am- Amérique Latine Entre Émergence Et Crises
Am- Amérique Latine Entre Émergence Et Crises
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Dans sa quête du développement, l'Amérique latine a connu depuis le début du 19 siècle trois grandes
phases qui correspondent à autant de modèles économiques souvent radicalement contradictoires,
mais dont aucun ne s'est avéré pleinement efficace.
Des indépendances à la crise des années 1930 : elle a continué à être ce qu’elle avait toujours
été depuis le 16 siècle : une région ouverte au commerce international, pourvoyeuse de
matières premières au service des grands centres manufacturiers puis industriels mondiaux.
Des années 1930 aux années 1970 : la région a basculé dans un modèle étatiste et
interventionniste inspiré tout autant du New Deal de Roosevelt et politiquement des régimes
autoritaires européens, en tentant de développer à marche forcée une industrie et un marché
national.
Après 1970 : L'échec de cette tentative a conduit au tournant néolibéral entamé durant la
décennie 1970 dont les excès ont provoqué en retour, au début des années 2000, un basculement
généralisé à gauche interventionniste dans le domaine social du sous-continent.
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Bien sûr indépendance oblige, les bénéfices tirés de ces exportations sont alors censés enrichir les
Latino-Américains plutôt que les Européens, mais ce n’était pas le cas à cause :
Les bénéfices sont demeurés faibles en raison du déséquilibre des termes de l'échange. Ils
n'ont donc jamais permis d'assurer la mutation de l'économie d'exploitation en une économie de
développement. C'est que l'exploitation des ressources primaires installe par principe celui qui
la pratique dans une forme de dépendance à l’égard d’une demande Internationale sur laquelle
il n’a pas de contrôle.
Les retombées économiques doivent être équitablement réparties. Mais un autre héritage de la
période coloniale, les sociétés latino-américaines se caractérisent par leur hiérarchie sociale
extrêmement distinctif et inégalitaire composée de petite aristocratie propriétaires fonciers et
des paysans sans terres qui constitue une main d’œuvre pour les propriétaires fonciers. De même
que l’indépendance politique n’a pas suffi à effacer les séquelles de siècles d’inégalités sociales.
Ces structures économiques extrêmement inégalitaires forment la base à l’émergence des caudillos,
ces dirigeants autoritaires souvent portés au pouvoir par un coup d'Etat et qui s'appuient pour y rester
sur les liens étroits qu'ils entretiennent avec l’armée (ce sont souvent des militaires), les oligarchies
foncières et le clergé religieux. Benito Juarez (1861-1872) et Porfirio Din (1876-1911) au Mexique,
Domingo Sarmiento (1868-1874) en Argentine ou encore Antonio Guzman Blanco (1870-1888) au
Venezuela fournissent quelques exemples de ces dirigeants a poigné qui se maintiennent au pouvoir au
prix d'un habile clientélisme, lequel contribue à détourner les maigres richesses nationales au profit
de quelques-uns et entretient le déficit structurel.
Ce d'autant plus que l'afflux de capitaux européens, en premier lieu britanniques, qui permettent d’aider
régulièrement des Etats latino-américains aux budgets structurellement déficitaires, les place dans une
périlleuse situation de dépendance à leur égard.
2. Les Etats-Unis premiers investisseurs depuis 1890
A partir des années 1890, ce sont les Etats-Unis et leurs entreprises comme la United Fruit Company
(fondée en 1899) qui s'imposent progressivement comme les premiers investisseurs dans la région, les
dirigeants latino-américains apprenant vite à composer avec les exigences sonnantes et trébuchantes de
leur encombrant voisin du nord pour mieux se maintenir au pouvoir. Ainsi parle-t-on de « républiques
bananières » pour designer certains pays d'Amérique centrale devenus dépendants des exportations du
précieux fruit jaune.
Avec la doctrine Monroe (1823) et plus encore le corollaire Roosevelt (1904), Washington impose
peu à peu son hégémonie sur l'ensemble du continent américain. Sous prétexte d'en assurer la
protection à l’égard des appétits européens, en fait à la fois sa chasse gardée et son arrière-coin.
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Encore en 1954, la CIA soutient le coup d‘Etat contre le président guatémaltèque Jacobo Arbenz : ses
projets de réforme agraire heurtaient les intérêts de la United Fruit Company dont l’un des actionnaires
n'était autre qu'Allen Dulles, par ailleurs directeur de la CIA.
B. Des années 1930 aux années 1980 : l'âge d'or du desarrollismo
(développementalisme)
1. Les conséquences de la crise de 1929 sur les économies Latino-américaines :
Sur le plan économique : brutale rétractation du commerce international qui frappe durement
des économies latino-américaines extraverties qui se retrouvent du jour au lendemain en panne
de débouchés, principalement du fait d’effondrement du marché Etats-Unien qui en 1929
absorbait 40 % des exportations brésiliennes, 60 % de celles du Mexique et 75 % de celles de
la Colombie et de Cuba.
Sur le plan social : s'avèrent catastrophiques au Mexique, le nombre de chômeurs passe ainsi
de 100 000 en 1930 à 1 million en 1932.
Sur le plan politique : Comme en Europe quoique sous des formes différentes, la crise
économique favorise l’ascension de leaders nationalistes et populistes à l'image d'un Giulio
Vargas (1930-1954) au Brésil, d'un Lazaro Cardenas (1 934- 1.940) au Mexique au encore d'un
Juan Peron (1943-1955) en Argentine.
Solution : Repenser les structures économiques et grande dépendance à l'égard des exportations
Dès lors, la priorité va consister à rompre avec le libéralisme et l'extraversion au profit d’une
intervention plus volontariste, destinée à :
Développer un marché intérieur, afin d'assurer un débouché pérenne et sûr de productions
traditionnelles de l'Amérique latine jusqu'alors essentiellement destinées aux marchés extérieurs
sur lesquels aucun contrôle n'est possible.
Forger un tissu industriel à même de transformer sur place les matières premières qui étaient
jusqu'alors destinées à l'exportation.
2. Rompre avec le secteur primaire : stratégie d’industrialisation par substitution
aux importations ISI
Il est donc question de rompre avec la mono-activité primaire pour développer à partir d’elle un secteur
secondaire sur le sol latino-américain. C'est la naissance du modèle de l’industrialisation par
substitution aux importations (ISI) dont les mérites sont vantés par Raul Prebisch et Celso Furtado, les
deux plus célèbres théoriciens.
Selon eux, le sous-développement latino-américain résulte de la structure foncièrement inégalitaire de
la relation économique qu'entretiennent les pays d'Amérique latine avec les pays développés qui leur
achètent bas prix leurs matières premières pour mieux leur revendre prix d'or leurs productions
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industrielles. Il est donc nécessaire de rompre une fois pour toutes avec ce système caractérisé par un «
déséquilibre des termes de l’échange », qui maintient les uns dans le sous-développement et permet aux
autres de s'enrichir sur leur dos, en développant des secteurs industriels nationaux dignes de ce nom.
Concrètement, ce virage interventionniste passe par :
La création d'un vaste secteur public, par la nationalisation d'entreprises préexistantes ou par
la création ex nihilo d'entreprises publiques. Particulièrement lucratif, le domaine pétrolier et
énergétique est le plus stratégique. Chaque Etat cherche ainsi à se doter de son champion
national dans ce secteur : PEMEX au Mexique, YPF en Argentine, PDVSA au Venezuela,
SNAP au Chili, etc. Ayant ainsi pris le contrôle de l'essentiel des secteurs économiques
fondamentaux (transports, énergies), les gouvernements disposent des moyens de mettre en
œuvre des politiques de développement volontaristes en recourant parfois à la planification, à
l'image du plan SALTE (santé, alimentation, transport et énergie) brésilien adopté en 1951.
Adoption de tarifs douaniers élevés afin de protéger leur industrie nationale naissante de la
concurrence étrangère et d'inciter leurs concitoyens à acheter en priorité des productions
nationales plutôt que des biens d'importation dont la consommation devient dissuasive du fait
des fortes taxes auxquelles ils sont assujettis. S’inspirant ainsi des préconisations de Friedrich
List, théoricien du « protectionnisme éducateur »
C'est ainsi que se développent progressivement des industries latino-américaines dans le secteur
agroalimentaire, textile ou encore de la petite mécanique.
Pour les industries plus complexes, qui nécessitent des compétences techniques rares, les partenariats
avec des multinationales états-uniennes ou européennes s'avèrent indispensables et prennent la forme
de sociétés mixtes qui mêlent capitaux nationaux et étrangers (usines Ford au Brésil, Renault au
Mexique).Néanmoins, pour pouvoir à terme maitriser ces secteurs à forte valeur ajoutée, les Etats latino-
américains réclament des transferts de compétences et développent des structures de formation et de
recherche pour former de nouvelles générations d'ingénieurs.
Le bilan négatif du modèle d’industrialisation par substitution aux importations
Poids de l’Etat dans l’économie nationale : Si ces politiques économiques volontaristes ont
en effet permis de réduire la dépendance à l’égard des pays développés, elles ont aussi eu pour
conséquence d'accroitre la dépendance vis-à-vis des Etats, dont le poids économique,
clientélisme aidant, est devenu gigantesque.
Manque de compétitivité : Lever les barrières douanières qui avaient été initialement pensées
comme provisoires s'avère donc impossible car, à l'abri derrière elles, les industries nationales
se sont installées dans un certain confort oligopolistique qui, faute de concurrence sérieuse, ne
les a pas incitées à accroitre leur compétitivité.
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Une lourde dette publique : Pour financer leur interventionnisme économique massif, nombre
d’Etats latino-américains ont eu recours aux emprunts internationaux, principalement auprès du
FMI et des banques commerciales états-uniennes, aggravant dangereusement leur endettement:
à la fin des années 1970, 40 % des prêts bancaires accordés aux pays du tiers-monde le sont à
des pays latino-américains, de plus en plus nombreux à devoir emprunter pour être en mesure
de payer .les intérêts de leur dette. Pour réelle qu'elle soit, la croissance économique latino-
américaine, de l’ordre de 5 % par an entre 1960 et 1980 est donc largement financée à crédit.
Dépendance vis-à-vis du FMI : L'industrialisation en substitution aux importations, qui avait
été pensé comme un moyen d'affirmer l'indépendance latino-américaine, n'a fait que produire
un assujettissement d'un nouveau genre, dans lequel les banques et le FMI sont les nouveaux
maitres. Il n'est pas certain que la région ait gagné au change.
Seuls de rares pays comme le Brésil, à propos duquel on parle même alors d'un véritable « miracle
économique », l’Argentine ou le Mexique parviennent développer un tissu économique diversifié et
relativement performant.
3. Croissance ne se traduit pas au développement à cause des rivalités de la Guerre
froide :
Croissance économique ne se traduit que rarement par des progrès tangibles sur le plan du
développement, faute de réformes sociales suffisamment audacieuses pour corriger en profondeur les
inégalités héritées de la période coloniale.
Il faut dire que la mise en œuvre de telles réformes sociales est entravée, en cette période de guerre
froide, par l’opposition des Etats-Unis à l’implantation de tout, ce qui ressemblerait de près ou de loin
à du communisme dans leur arrière-cour. La tentative de renversement du régime castriste orchestrée
par Washington aboutit pourtant au résultat inverse à celui recherché, contribuant à pousser le Lider
Maximo cubain dans les bras d’une Union soviétique qui n'en demandait pas tant.
La question cubaine provoqua un véritable séisme dans le sous-continent, Cuba devenant pour les uns
l'exemple à suivre, pour les autres l'ennemi à abattre. Elle entraina des coups d'Etat militaires «
préventifs » anti communiste en Argentine et au Pérou en 1962, au Guatemala, en Equateur et à la
Dominique en 1963, au Brésil et en Bolivie en 1964, en Argentine en 1966, au Pérou et au Panama en
1968. Une vague répressive qui n’empêchera pas l'émergence de régimes d'inspiration révolutionnaire
dans les années 1970 au Pérou (régime du général Juan Velasco Alvarado de 1968 à 1976), au Nicaragua
(révolution sandiniste de 1979 à 1989) et au Chili (arrivée au pouvoir en 1970 de Salvador Allende,
renversé en 1973).
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C. Depuis 1980 : de la décennie perdue à la reprimarisation
1. La crise de la dette de l’Amérique latine et le PAS
Lorsqu'éclate en 1982 la crise de la dette latino-américaine, l'endettement cumulé des pays de la région,
qui n'était que de 7 milliards de dollars trente ans plus tôt, atteint désormais les 314 milliards de dollars.
Au mois d'août, le président mexicain Jose Lopez Portillo, à la tête du plus endetté des pays de la région
(83 milliards de dollars à lui seul), annonce qu'il se trouve dans l'incapacité d'assumer ses
remboursements et décrète unilatéralement un délai sur ceux-ci.
La crise de confiance qui s'ensuit affecte l'ensemble des pays Latino-américains auxquels les créanciers
refusent désormais de nouveaux prêts... pourtant indispensables pour rembourser les précédents. C'est
le début d’une spirale infernale qui contraint les pays de la région à accepter les recettes venues de
Washington pour tenter de sortir la tête de l‘eau.
Le plan Baker de 1985, du nom du secrétaire d'Etat Etats-Unien au Trésor, suivi en 1987 du plan Brady,
du nom de son successeur au même poste, conditionnent le rééchelonnement et l'effacement partiel
de la dette Latino-Américaine à l'application de « plans d'ajustement structurels » (PAS)
d'inspiration libérale censés relancer l'économie régionale et mettre un terme aux déficits budgétaires
structurels. Sous la pression du FMI, les Etats latino-américains sont donc invités à dérèglementer leurs
économies, à abaisser les barrières douanières, à privatiser les groupes publics, à réduire les dépenses
sociales, etc.
Expérimenté au Chili depuis le virage libéral de la fin des années 1970, toute la panoplie néolibérale
constitutive du « consensus de Washington » est déployée dans les années 1980 sur le reste du sous-
continent. L'idée présidant à cette politique est de jeter l'Amérique Latine dans le « grand bain »
économique mondial, les entreprises réellement compétitives survivront, et tant pis pour celles qui se
noieront. Les Etats, qui n'auront plus à financer la perte des industries non compétitives, en sortiront
gagnants, et les consommateurs, qui verront les prix tirés vers le bas, n'auront pas non plus à se plaindre.
2. Conséquences du PAS sur le plan économique, politique et social
Si ces mesures radicales et les garanties financières apportées par le Trésor Etats-Unien permettent à
l'Amérique latine de sortir progressivement - non sans rechutes (Mexique en 1991, Argentine en 2001)
de la crise de la dette, les conséquences sociales des reformes imposées s'avèrent dramatiques. La
CEPAL parle d'ailleurs à propos des années 1980 d'une « décennie perdue » les efforts drastiques
consentis pour redresser les comptes publics se sont faits au prix de nombreux sacrifices pour les
populations.
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Sur le plan économique :
Ils ont abouti à une forme de retour en arrière que symbolise dans les années 1990 la tendance a
réprimarisation des économies latino-américaines suite à l'échec de la « secondarisation » à marche
forcée qu'avaient incarné les politiques d'ISI (industrialisation par substitution aux importations).
Alors que nombre d'entreprises du secteur secondaire(industriel) ont fait faillite du fait de leur
incapacité à affronter la concurrence internationale, les secteurs agricoles et miniers ont vite fait figure
de refuge.
On parle de « désindustrialisation précoce » ou « prématurée » pour designer ce phénomène qui voit
le poids du secteur secondaire dans l’économie latino-américaine reculer fortement avant même que ce
secteur ne se soit pleinement développé dans la région. La désindustrialisation latino-américaine diffère
donc de celle que connaissent au même moment l'Europe ou les Etats-Unis car il s'agit d'une
désindustrialisation entamée avant même d'avoir achevé la phase d'industrialisation.
Cette précocité de la désindustrialisation latino-américaine ne s'explique pas tant par un progrès de la
tertiarisation que par la concurrence des pays asiatiques à bas coût de main-d'œuvre qui pousse à se
replier sur une économie extractive centrée sur le secteur primaire, traditionnel socle de l'économie.
Profitant de l'augmentation des cours de l'or noir, les pays producteurs de pétrole (Venezuela, Mexique,
Equateur), de gaz (Bolivie), de minerais (Chili, Argentine) exploitent de nouveau à fond leurs
ressources fossiles, mais redeviennent cependant dangereusement dépendants de cette rente, par nature
aléatoire et temporaire, Quant aux pays qui ne disposent pas de telles ressources fossiles, c'est surtout
vers l'agriculture intensive qu'ils se tournent, renouant avec leur vieille tradition agraire.
Un agrobusiness hyper productiviste florissant se développe, notamment autour de la culture du soja et
des céréales, mais aussi, dans les Andes, de la coca. Le Brésil, premier producteur mondial de sucre, de
café, de volaille ou encore de tabac, s'impose ainsi au début des années 2000 comme la « ferme du
monde ». Le problème est que contrairement à ce qui prévalait au XIXe siècle quand les secteurs miniers
et agricoles latino-américains permettaient d'absorber l'afflux de main-d'œuvre venue d'Europe, ils sont
désormais largement mécanisés et ne génèrent donc que très peu d'emplois.
L'émergence chinoise, si elle a contribué à tuer dans l’œuf les industries latino-américaines, n'en a pas
moins eu pour conséquence de tirer vers le haut la demande mondiale et donc le cours des matières
premières, tant fossiles qu’agricole. Une tendance haussière perceptible durant toute la décennie 2000
qui a pleinement bénéficié à une Amérique latine alors en pleine vague de réprimarisation. Les
bénéfices tirés des exportations primaires ont permis de dégager des fonds dont les gouvernements se
sont emparés pour mener d'ambitieuses politiques sociales.
Sur le plan politique :
Il faut dire qu’après la vague néolibérale des années 1980 et 1990, la région connait au début des années
2000 un basculement généralisé à gauche interventionniste que symbolisent entre autres les arrivées au
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pouvoir d'Hugo Chavez au Venezuela (1999), de Lula au Brésil (2002) ou encore d'Evo Morales en
Bolivie (2006). Mais la région est bientôt rattrapée par ses vieux démons : la croissance économique
des années 2000, qui avait notamment permis l'émergence brésilienne et la généreuse politique sociale
« bolivarienne » au Venezuela, connait à partir de 2010 un net ralentissement, corrélé à la chute des
cours des matières premières, particulièrement sensible à partir de 2012. Ce n'est sans doute pas un
hasard si le Brésil sombre quelques années plus tard dans une grave crise politique sur fond de marasme
économique (destitution de la présidente Dilma Roussef en 2016), tandis que le Venezuela chaviste
s'enfonce dans un chaos institutionnel et économique, connaissant de graves pénuries de nombreux
biens de première nécessité. L'arrivée au pouvoir de Mauricio Macri en Argentine (2015), de Michel
Temer au Brésil (2016) et de Sebastian Pifiera au Chili (2018) semble marquer un retour en grâce de
la droite libérale dans la région.
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Elles s'appuient sur les cadres traditionnels que sont l'armée et l'Eglise catholique, éléments encore très
conservateurs dans la religion. Les classes moyennes, si elles progressent dans l'administration (santé,
éducation) ou dans l'industrie, n'ont pas de projet d'ensemble et restent dépendantes des évolutions des
marchés.
En second lieu, l'urbanisation galopante aggrave les déséquilibres initiaux. Les taux
d'urbanisation restent très variables 194 % en Uruguay, 50 % au Guatemala) mais sont souvent
synonymes de macrocéphalie (Montevideo réunit à elle seule 40 % de la population de
l'Uruguay, Buenos Aires 35 % de la population argentine), sans oublier l'essor des villes
moyennes (55 villes de 1 à 5 millions d'habitants, 62 de 500 000 à 1 million:).
L'urbanisation trouve sa source dans des migrations interurbaines et dans l'accroissement naturel
et a pour conséquence la prolifération des bidonvilles- insalubres (40 % de la population de Sao
Paulo) qui constituent de véritables poches de sous-développement peuplées par ceux qu'on
appelle ici les « ni-ni » (pour «ni éducation ni emploi). L’une des caractéristiques les plus
frappantes pour le visiteur est l'extrême proximité géographique entre quartiers riches et
pauvres, qui ne sont parfois séparés que par une clôture
Solutions face aux inégalités :
Face à ces inégalités criantes, les populations latino-américaines ne demeurent pas inactives et les
mobilisations sociales sont fréquentes, citons :
• Le Mouvement des sans-terre brésiliens lance en 1985 qui milite pour une meilleure répartition
de la propriété foncière.
• Le mouvement des Piqueteros argentins qui s'est fait connaitre dans les années 1990 en bloquant
des axes routiers pour protester contre la vie chère, les corporatismes et la misère. Composé de
chômeurs, de fonctionnaires non payés, de petits agriculteurs appauvris, il revendique le droit à
l'emploi, à des subventions, à la nourriture, et réclame la renationalisation des entreprises
privatisées sur injonction du FMI.
• Plus récemment, les manifestations lors de la Coupe des confédérations de football en 2013 au
Brésil, parties d’une opposition à la hausse du prix des transports en commun à Rio de Janeiro,
ont aussi montré le mécontentement profond des classes moyennes, qui sont les premières
frappées par le retournement de la conjoncture.
B. Des économies fragiles :
1. Le secteur industriel demeure le parent pauvre des économies latino-américaines
Alain Rouquié explique cette lacune dans son ouvrage Amérique latine : introduction a extrême
Occident (1987) par un triple déficit :
• Déficit d'unité qui favorise un émiettement industriel ;
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• Déficit de main-d'œuvre qualifiée et du marché de consommation ;
• Déficit d'entrepreneurs enfin, sauf au Brésil, au Mexique et en Argentine.
L'industrie brésilienne est un peu l'arbre qui cache la forêt avec un éventail allant de la proto-industrie
aux industries les plus modernes, notamment dans l'aéronautique avec les firmes Embraer et Piper.
2. Le secteur primaire dépendant des exportations
Faute d'être solidement industrialisée, l'Amérique latine demeure largement dépendante de ses
exportations de ressources minières et agricoles, et donc des marchés internationaux.
Sur les dix dernières années, le Pérou a connu une croissance de son PIB de 5,5 % par an, croissance
tirée en partie par les ressources minières comme l'argent, minerai dont l'exploitation est contrôlée par
des firmes chinoise (Chinalco) et canadienne (Pan American Silver). Ce contrôle par l'étranger est remis
en cause, notamment au Venezuela ou encore en Bolivie ; ou l'on a procédé à des renationalisations.
Rappelons enfin que près de 12 % de la valeur totale des exportations latino-américaines reposent sur
trois métaux : le fer, le cuivre et l'or.
Les produits agricoles relèvent de perspectives proches des réformes agraires commencées au cours du
20e siècle, qui devaient réduire l'inégalité foncière, améliorer la production et retirer aux propriétaires
la source de leur domination économique et sociale, ont progressivement été stoppées dans les années
1980 pour faciliter une intégration plus poussée aux marchés mondiaux.
3. La tertiarisation de l’économie n’est pas encore aboutie
Enfin la tertiarisation de l’économie latino-américaine n'est pas aussi aboutie que dans d'autres espaces
mondiaux : 60 % du PIB pour 1'Argentine, le Mexique, la République dominicaine ou le Chili, 65 %
pour l'Uruguay, 70 % pour le Brésil, 75 % pour le Panama. Dans ce secteur, le poids de l'économie
informelle est forte, ce qui peut s'expliquer par une économie de survie développée lors de la décennie
perdue des années 1980.
Comme pour le secteur industriel, seuls l'Argentine, le Mexique et le Brésil semblent armés dans ce
domaine avec des secteurs financiers complets, des entreprises continentales comme Telefonica ou les
chaines de médias comme Globo et Televiso. Le tourisme pourrait devenir l'un des points forts de
l'économie des pays de la région, notamment autour du Bassin caribéen, mais il nécessite des
infrastructures et une stabilité politique qui font trop souvent défaut.
C. L'ouverture au monde
1. Connexions à la mondialisation
Un modèle de développement plus ou moins lié à l’ouverture internationale
L’histoire de l’Amérique latine et de son ouverture au monde est très contrastée en fonction des
périodes. Des indépendances aux années 1930, le modèle de développement a en effet été fondé sur les
exportations et l’appel aux capitaux étrangers. Cet espace a ainsi subi une insertion précoce dans la
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mondialisation, en lien avec l’époque coloniale. Dès 1850, nombre de pays se spécialisent en fonction
de la demande extérieure (cuivre au Chili, bananes en Amérique centrale). Les capitaux étrangers
affluent et cette ouverture économique a permis un certain développement économique, social et même
politique.
À partir des années 1930, au contraire, on assiste à une rupture avec le modèle d’extraversion et au
choix d’un développement national autocentré. C’est l’industrialisation par substitution aux
importations qui compte sur le développement d’un marché intérieur. Ce modèle est fondé sur
l’interventionnisme étatique et le protectionnisme.
À partir des années 1980, l’Amérique latine refait le choix de l’ouverture à la faveur de la généralisation
du néolibéralisme via les programmes d’ajustement structurels notamment. En Argentine, par exemple,
c’est le moment où le président Fernando Cardoso met en place le Plan real pour lutter contre l’inflation
et opère de grands programmes de privatisations. C’est encore le modèle qui prévaut aujourd’hui même
si certains gouvernements de gauche parvenus au pouvoir à la fin des années 1990 et au début des
années 2000 ont cherché à nationaliser les richesses intérieures.
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Petrobras, entreprise pétrolière brésilienne, est la 1re d’Amérique latine avec un chiffre d’affaires en
2020 de 56,7 milliards $ (181e position selon le classement Fortune Global 500 en 2021). JBS,
principale entreprise agroalimentaire du Brésil est 202e et Vale (entreprise minière) 294e. Pour le
Mexique, la première FTN est America Movil, une entreprise de télécommunication qui se classe 237e.
Ce sont d’ailleurs les deux seuls pays d’Amérique latine à avoir des FTN classées dans les 500
premières.
2. La relation de l’Amérique latine avec la chine et l’Asie
En 2016, l'Amérique latine représente, 7 % des exportations mondiales (contre 12 % en 1948 et 4,4
% en 1993). Trois Etats font figure de leaders régionaux sur ce plan : le Mexique, le Brésil et
l'Argentine, qui représentent 4 % des exportations mondiales à eux trois.
En matière d'IDE, l'Amérique latine reçoit le tiers des flux à destinations des Sud. Trois pays latino-
américains appartiennent au G20 (Argentine, Brésil et Mexique) et deux sont membres de l'OCDE
(Mexique, Chili).
S'agissant des FTN, les groupes brésiliens participent de manière massive et active à la mondialisation
: le géant minier Vale a par exemple réalisé un investissement de plus de 2,5 milliards de dollars en
Guinée, conjointement avec le chinois Chinalco. L'essor des firmes brésiliennes à valeur d'exemple et
d'entrainement pour toute la région : entre 2009 et 2010, les firmes chiliennes ont investi près de 2
milliards de dollars rien qu'au Brésil, par exemple Cencosud dans la distribution ou Sonda dans
l'ingénierie. Le Chili est d'ailleurs un exemple d'internationalisation et d'intégration régionale puisque
dans les vingt dernières années, ses entreprises ont investi plus de 52 milliards de dollars hors de ses
frontières, dont 20 % au Brésil et 50 % en Argentine.
Si l'Amérique latine s'intéresse au monde par le biais des firmes de ses pays émergents, le monde
s'intéresse en retour à elle, en particulier une Chine avide de sécuriser les approvisionnements en
matières premières de ses nombreuses industries.
La tournée latino-américaine d'Hu Jintao en avril 2010, les accords de libre-échange signés avec le
Chili, le Pérou, le Costa Rica, la montée des investissements, la première place de la Chine comme
partenaire du Brésil ou du Pérou sont autant de signes montrant l'intérêt chinois pour la région. Rien
qu'en 2010, in CNOOC (China National Offshore Oil Corporation) a acheté 50 % du pétrolier argentin.
Au-delà du pétrole, les investissements sont aussi miniers au Pérou et agricoles avec la location de
terres (land grabbing) au Brésil et en Argentine. Mais la Chine n'est pas le seul pays émergent intéressé
: l'Inde, les pétromonarchies du Moyen-Orient, la Russie et Singapour sont aussi présents sur la scène
latino-américaine.
Le Chili se rapproche de la Malaisie et du Viet Nam, le Costa Rica de Singapour, le Pérou du Japon et
de la Corée du Sud. Les exportations de produits agricoles et de minéraux vers l'Asie ont augmenté
de plus de 80 % depuis 2004. Les exportations de soja vers l'Asie font flamber les prix et ont augmenté
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les surfaces cultivées au point que l'on a pu parler de « sojadollars » ou de « sojatisation » de certains
pays de la région (Brésil, Argentine, Uruguay,)
3. La relation de l’Amérique latine avec l’Union européenne :
Dans ce contexte de déploiement des pays émergents, le retour de l'Union européenne doit être
mentionné.
En mai 2010, le sommet Europe-Amérique latine-Caraïbes s'est solde par un bilan positif : relance des
négociations commerciales UE-MERCOSUR accords bilatéraux avec le Pérou et la Colombie, création
d'une fondation UE-Amérique latine-Caraïbes (EULACY visant à densifier les relations et à favoriser
l'innovation, enfin mise en place de la LAIF (Facilite d'investissement pour l'Amérique latine), dotée
de 100 millions d'euros.
Nous n'en sommes qu'au début d'une nouvelle relation qui reste pour l'instant inégale selon les pays
: si, au Brésil, la moitié de l'IDE a pour origine l'UE, au Mexique, elle en représente seulement un
cinquième. Dans le domaine des exportations, seuls 15 % des exportations brésiliennes se dirigent vers
l'Europe, 5 % pour le Mexique.
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Régime dans lequel la parité de la monnaie est fixée (généralement) par rapport au dollar et dans lequel la banque
centrale du pays qui a adopté ce système perd son pouvoir d’émission
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la limitation importante des retraits bancaires. Cela mène tout droit au « cacerolazo » (concert de
casseroles), les 19 et 20 décembre 2001, un grand mouvement de protestations populaires. En 2002, le
PIB argentin a ainsi chuté de 11 %. Son successeur, Eduardo Duhalde déclare alors l’insolvabilité
(défaut de paiement) face aux créanciers et le peso est dévalué, ce qui fit perdre une grosse partie de
leur épargne, d’un coup, aux Argentins. Il faut attendre 2003 pour voir la croissance repartir (en 2005,
elle atteint 9,2 % et le président Nestor Kirchner rembourse en avance sa dette aux FMI.
2. La crise de la Covid-19 semble avoir enterré les espoirs de reprise économique
Cette crise intervient juste après 5 ans de récession et tend à anéantir tous les espoirs de reprise
économique. Les risques sont importants selon les prévisions de l’OPS (organisation panaméricaine de
la santé) : destructions au sein du tissu des entreprises (dont 99 % sont micros, petites, ou moyennes et
qui assurent plus de 60 % des emplois), explosion correspondante du chômage (13,5 % de la population
en 2020 en moyenne, soit plus de 44 millions de personnes), accroissement des inégalités sociales (tous
les pays de la région repasseront entre 0,5 et 0,6 en termes d’indice de Gini), augmentation de la
pauvreté (37,3 % de la population en 2020, soit plus de 230 millions de personnes, une augmentation
de plus de 45 millions d’individus par rapport à 2019), et de l’extrême pauvreté (15,5 % de la
population, soit près de 96 millions d’individus, le taux le plus élevé depuis deux décennies), menace
d’une « pandémie de la faim » selon les termes du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations
unies, qui considère que le coronavirus pourrait condamner 14 millions de personnes supplémentaires
à une « insécurité alimentaire sévère » en Amérique latine en 2021.
« La pandémie s’est abattue sur des pays très affaiblis et n’a fait que précipiter des crises préexistantes »
conclut Pierre Salama.
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B. Des inégalités criantes
1. Des inégalités qui avaient tendu à se réduire dans les années 2000
« L’Amérique latine n’est pas le continent le plus pauvre, mais peut-être bien le plus injuste » avait
affirmé Ricardo Lagos Escobar, président du Chili entre 2000 et 2006.
Celles-ci avaient été réduites pendant la période de forte croissance. Entre 1999 et 2007, la population
en dessous du seuil de pauvreté est passée de 43,9 % à 34,1 %. Durant cette même période, la population
en dessous du seuil d’indigence (revenus nécessaires à la satisfaction des besoins alimentaires des
personnes) a diminué de 18,7 % à 12,6 %. En termes absolus, 27,5 millions de personnes ont échappé
à la pauvreté et 21,6 millions à l’indigence.
Il en est allé de même au Brésil, sous la présidence Lula (2003-2011). En 2003, il met en œuvre le
programme « fome zero » (« faim zéro ») qui vise à l’éradication de la faim et de l’exclusion sociale. Il
agit sur les causes (politiques structurelles) de la faim, par exemple en favorisant l’emploi des jeunes
issus de couches sociales défavorisées, en aidant au développement des microentreprises, en
consolidant l’économie solidaire, en valorisant l’artisanat… D’autres politiques visent à permettre
l’accès direct à l’alimentation des familles les plus défavorisées via des dons de paniers alimentaires de
base. Lula a également mis en place des cantines scolaires et développé la création de restaurants
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populaires, qui bénéficient aux travailleurs à bas revenus, aux chômeurs, étudiants, retraités et sans-
abri. Ce programme s’adresse à près de 10 millions de familles.
Cela dit, les inégalités restent importantes en Amérique latine et elles se creusent encore plus depuis
quelques années.
Le coefficient de Gini y est parmi les plus élevés du monde. Le Brésil est ainsi particulièrement
inégalitaire avec 0,534 en 2019 (contre 0,513 en 2015). La Colombie est à 0,513, le Panama à 0,498, le
Honduras et le Costa Rica à 0,482, le Paraguay à 0,457, l’Argentine à 0,429.
Ces chiffres ont globalement augmenté ces dernières années et encore plus avec la crise liée au
coronavirus.
2. Des crises sociales
Les crises alimentaires sont particulièrement importantes en Amérique latine, notamment en 2007-
2008.
Entre février 2007 et février 2008, l’indice FAO des prix des produits alimentaires est passé de 139 à
219, les plus fortes augmentations concernant les céréales (prix passé de 152 à 281). Les origines de la
crise sont multiples. Parmi les causes structurelles, on peut citer la consommation croissante de viande
et de laitage notamment dans les pays émergents, la dégradation (désertification et épuisement des sols)
et le recul des sols arables (la Chine a perdu 1 million d’ha de terres arables à cause de l’urbanisation
entre 2005 et 2008), l’augmentation du prix du pétrole et la baisse des prix agricoles (qui a fait diminuer
l’investissement en matière d’agriculture). Parmi les causes conjoncturelles, on peut avancer le
développement des agrocarburants, la crise financière qui a vu les matières premières agricoles devenir
des valeurs refuges, la baisse des stocks, des phénomènes climatiques (sécheresses en Roumanie, en
Somalie, au Ghana ; inondations en Équateur, Bolivie, Sri Lanka ; hiver rude au sud de la Chine, en
Argentine). Les conséquences de la crise ont été importantes : des émeutes ont éclaté dans de nombreux
pays d’Amérique, comme au Mexique ou en Bolivie.
C. Des crises politiques souvent liées aux crises sociales
1. Des contestations politiques nombreuses
Au Nicaragua, de vastes manifestations ont eu lieu en 2018-2019 pour contester une réforme des
retraites. Daniel Ortega, président de la République du Nicaragua depuis 2007, avait doublé le nombre
de bénéficiaires du système de retraite entre 2007 et 2017 et augmenté la retraite minimum. Mais cela
avait provoqué un déficit important et le FMI avait alors proposé un projet de réforme. Ortega décide
finalement d’augmenter les cotisations (salariales et patronales) et de baisser les pensions de retraite,
ce qui provoque un véritable soulèvement en avril 2018. Malgré le retrait de ces mesures, les
manifestations se poursuivent, avec le soutien des opposants politiques, tandis que des exactions sont
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commises par des groupes paramilitaires à la solde du pouvoir. Ce dernier décide enfin d’en finir en
menant une offensive avec la police qui fait plus de 300 morts en juin 2018.
Il en est allé de même au Chili, à partir d’octobre 2019. De violentes manifestations ont touché le pays
en réaction à des mesures d’augmentation des prix des services publics. Elles ont révélé un profond
ressentiment vis-à-vis des inégalités croissantes qui y sévissaient, alors que le pays faisait figure
d’exemple stable dans une Amérique latine en ébullition. Cela a finalement mené à l’élaboration d’une
nouvelle constitution.
2. Coups d’État et troubles politiques
La démocratie est parfois mal ancrée dans la région. De nombreux coups d’État ou tentatives de coups
d’État ont émaillé son histoire. En 2009, au Honduras, l’armée, soutenue par la Cour Suprême et par le
Congrès a décidé d’arrêter et d’expulser le président Manuel Zelaya suite à un conflit institutionnel. Ce
dernier voulait consulter le peuple afin de provoquer la réunion d’une assemblée constituante dans le
but de remettre en cause la règle constitutionnelle interdisant au président de briguer un second mandat.
À la suite de ces événements, la Cour suprême valide le renversement du président par l’armée (alors
que Zelaya bénéficie du soutien de la communauté internationale), le Parlement désigne un nouveau
gouvernement qui déclare le couvre-feu puis l’état d’urgence. Si des élections ont lieu par la suite, et
sont remportées par Porfirio Lobo Sosa, des négociations sont ensuite menées entre Zelaya et le pouvoir
hondurien qui lui permettent de rentrer dans son pays en 2011. Le calme n’est pourtant pas revenu
puisque lors des élections générales de 2017, alors que les résultats étaient serrés entre deux candidats
à la présidence, le sortant Hernandez et le challenger Nasralla, et que des irrégularités ont été constatées,
des troubles ont à nouveau eu lieu entraînant un couvre-feu de 10 jours.
Le Venezuela est aussi un pays ravagé par les troubles politiques. Le président Maduro, successeur de
Chavez a rapidement été contesté, notamment par Juan Guaido après 2019. L’économie vénézuélienne
souffre en effet de la chute des prix du pétrole (90 % des exportations, 50 % du budget de l’État). Cela
favorise une large crise économique et une hyperinflation (800 % en 2016).
La montée des populismes exacerbe également la crise politique dans l’ensemble de l’Amérique latine.
3. De nombreuses violences
De nombreux pays d’Amérique latine connaissent une criminalité importante en lien avec les cartels de
la drogue. Le Salvador est par exemple célèbre pour l’insécurité endémique qui y règne, à cause de la
pauvreté mais aussi de la guerre à laquelle se livrent les gangs mafieux : la MS-13 et la Mara 18.
Si l’on prend l’indice de criminalité dans les villes du monde, Caracas est la ville la plus dangereuse
avec un score de 84,54 en 2020. Suivent, outre les villes d’Afrique du Sud, San Pedro Sula au Honduras,
Fortaleza, Rio de Janeiro, Salvador, Porto Alegre et Recife au Brésil, Rosario en Argentine…
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De nombreux cartels de la drogue en sont responsables. Le cartel de Sinaloa, basé au Mexique,
disposerait ainsi de 100 000 hommes armés selon le ministère de la Défense des États-Unis et ses
opérations s’étendent sur tout le continent américain mais aussi en Europe.
Conclusion
L’émergence de l’Amérique latine est encore inachevée et c’est la diversité qui prévaut surtout. De
manière générale, l’insertion dans la mondialisation reste faible ou alors elle se fait au détriment des
populations et des États. Notamment depuis la fin du supercycle des matières premières qui a précipité
nombre de pays dans la crise.
L’émergence, la croissance et le développement n’ont pas mis fin aux crises et en ont, au contraire, créé
de nouvelles. Sur le plan économique, le néolibéralisme semble avoir fait des ravages en accentuant de
façon drastique des inégalités déjà très présentes. Cela favorise d’autres crises, notamment politiques
et, de plus en plus, environnementales.
Certains pays tentent de s’associer dans des organisations régionales, souvent trop nombreuses et
parfois concurrentes, pour mieux s’insérer dans la mondialisation. Mais il ne faut pas oublier qu’il existe
aussi de nombreuses résistances à l’ouverture et à la globalisation.
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