COURS DE THEORIES DU COMPORTEMENT

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COURS DE THEORIES DU COMPORTEMENT- L2 MATH-INFO

COURS DE THEORIES DU COMPORTEMENT


LICENCE 2 MATHEMATIQUES ET INFORMATIQUE
Par le Professeur KENMOGNE FOHOUO Alain

OBJECTIF DU COURS : l’objectif de ce cours est d’indiquer aux apprenants les


théories de base nécessaires à la compréhension du comportement du consommateur,
étant donné que cette compréhension est nécessaire au développement des produits et
services qui leur sont destinés.

PLAN DU COURS :
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1 : GENERALITES
CHAPITRE 2 : LE COMPORTEMENT DU CONSOMMATEUR ET SES
HERITAGES THEORIQUES
CHAPITRE 3 : LES MODELES FONDATEURS EN COMPORTEMENT DU
CONSOMMATEUR ET DE L’ACHETEUR

BIBLIOGRAPHIE :
Richard Ladwein (2003), Le comportement du consommateur et de l’acheteur, 2ème
édition, Economica, Paris.
Gaelle Pantin-Sohier et Joel Brée (2023), Le comportement du consommateur, 5ème
édition, Dunod, Paris.
Amélie Clauzel, Nathalie Guichard et Caroline Riché (2016), Comportement du
consommateur : fondamentaux, nouvelles tendances et perspectives, Vuibert, Paris.

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INTRODUCTION GENERALE
La consommation est l’une des formes élémentaires de la vie quotidienne. Le
développement de la société moderne a conditionné un environnement lourdement
chargé d’objets, de signes et d’interactions fondées sur des échanges marchands. La
production de biens manufacturés augmente de manière inflationniste et les prestations
de services ne cessent de se développer et de se diversifier. A ce phénomène s’ajoute
l’accélération du renouvellement de l’offre disponible.
Face à cette complexité, les acteurs économiques, analystes ou praticiens, cherchent des
repères car les enjeux sont de taille, tant pour les praticiens du marketing que pour les
organisations de défense des consommateurs. Les premiers souhaitent influencer les
acteurs du marché, alors que les seconds espèrent établir un contre-pouvoir.
Si l’on accepte que l’étude du comportement du consommateur et de l’acheteur est en
mesure d’apporter aux entreprises un cadre d’analyse susceptible d’augmenter leurs
performances économiques, ce même cadre d’analyse est exploitable par les
organisations de défense des consommateurs, les sociologues ou les anthropologues
intéressés par la dynamique de la société de consommation.
Historiquement, le développement du marketing s’est basé sur l’esprit visionnaire
d’entrepreneurs qui n’ont pas hésité à adopter le changement comme pratique cardinale
de leur métier. Cette évolution dans les pratiques et les stratégies marketing n’a
cependant pu se faire sans une compréhension croissante des consommateurs, de leurs
désirs et de leur diversité en particulier depuis les années cinquante.
Les professionnels du marketing voient dans l’étude du consommateur ou de l’acheteur
la possibilité d’exercer un contrôle sur les acteurs du marché et, par conséquent, la
réussite des opérations qu’ils mettent en place. Pour y arriver, il est indispensable de
disposer d’une conception claire de l’ensemble des facteurs qui contribuent à
l’élaboration et à la réalisation de ces comportements, mais de telles connaissances
permettent-elles réellement aux praticiens d’influer sur les comportements de
consommation et d’achat ?
Si au premier abord on peut être tenté de répondre par l’affirmative, une analyse plus
fouillée soulève quelques réserves. Les situations de consommation et d’achat sont
d’une telle diversité qu’il semble peu probable de pouvoir y appliquer un modèle
intégrateur unique. L’achat d’un même produit admet, par exemple, des motivations très
différentes selon les acteurs considérés, au même titre qu’un besoin identique peut
conduire à l’achat de produits très différents. Face à une telle variété de situations, on
est en droit de supposer que l’influence sur l’achat souhaitée par les praticiens reste très
lacunaire. A contrario, peut-on pour autant admettre le libre arbitre de l’acheteur ou du
consommateur ?

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Les mouvements consuméristes, qui ambitionnent de défendre les intérêts des


consommateurs, admettent comme vraies les aspirations des praticiens du marketing et
de la vente. La compréhension des mécanismes impliqués dans le processus d’achat et
de consommation est supposée leur permettre de décomposer les dispositifs d’influence
que les firmes mettent en place pour attirer l’acheteur et le rendre dépendant.
Packard relate ainsi les techniques psychanalytiques qui, dans les années de l’après-
guerre, auraient été mises à profit pour contourner les résistances des consommateurs.
Les mouvements consuméristes ont aujourd’hui évolué vers un rôle plus institutionnel
(représentation dans les instances gouvernementales, actions juridiques, information des
consommateurs par diverses publications). Ils privilégient l’information objective et
jouent un rôle modérateur auprès des entreprises. Malgré cette évolution, la
préoccupation des mouvements consuméristes reste basée sur l’idée que l’acheteur ou le
consommateur ne peut disposer de son libre arbitre en raison des pressions qu’il subit
de la part des producteurs ou des distributeurs.
Les ambitions ou les espérances des mouvements consuméristes ne sont guère plus
réalistes que celles des responsables commerciaux ou marketing. Les deux logiques
convergent dans l’hypothèse selon laquelle le marketing dispose aujourd’hui de moyens
d’influence auxquels il est difficile de se soustraire. Dans ces conditions, quel cadre
théorique est-il possible d’invoquer pour disposer d’instruments ou de concepts
permettant au responsable marketing d’améliorer la performance des opérations qu’il
met en place, et aux mouvements consuméristes de prévenir les abus dont pourraient
être l’objet les acheteurs ou les consommateurs ? Bien que légitime, la question ne se
pose pas nécessairement en ces termes. Parce que l’on touche à l’essence de l’être,
l’étude du comportement du consommateur ou de l’acheteur est amplement mystifiée et
l’on s’imagine volontiers que le simple fait de comprendre le comportement individuel
permet forcément sa manipulation. Une telle idée n’est pas défendable. La mise en
œuvre opérationnelle d’un processus d’influence est autrement plus difficile que sa
compréhension.

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CHAPITRE 1 : GENERALITES
Quel que soit l’angle d’approche adopté, à savoir celui des professionnels du marketing
ou celui des organisations de défense du consommateur, il est indispensable de situer
convenablement la place occupée par l’étude du comportement du consommateur dans
la sphère du marketing.
1.1 Moyens d’action et niveaux d’action
Souhaiter comprendre le comportement du consommateur et de l’acheteur est une
ambition légitime des praticiens du marketing. Ce faisant, les professionnels espèrent
être en mesure de stimuler des comportements, de les orienter, en bref de les contrôler.
Il s’agit là d’une ambition à la fois vaine et nécessaire. Elle est nécessaire parce que
l’entreprise doit prospérer et que toute technique lui permettant d’atteindre les objectifs
qu’elle se fixe ne peut être négligée. Dans cette perspective, l’étude du comportement
du consommateur et de l’acheteur peut contribuer à orienter la prise de décision au sein
du département marketing. Cette ambition est également vaine s’il s’agit de vouloir
définir de manière exacte et exhaustive la dynamique des comportements individuels.
Quelles que soient les techniques d’études utilisées, le praticien ne peut que construire
une représentation des comportements d’achat et de consommation. Il demeure en effet
dans l’impossibilité de savoir comment chacun des acteurs potentiels va se comporter
individuellement. Ce qui lui importe, c’est d’être en mesure de réaliser les objectifs qui
lui sont fixés. Ces objectifs sont, en dernier ressort, purement quantitatifs, ce qui revient
à dire que le responsable marketing doit être en mesure de prévoir et de générer un
certain volume de transactions. Il dispose pour cela de différents moyens d’action qui
relèvent du marketing opérationnel. Il s’agit d’un ensemble de pratiques et de techniques
que l’entreprise exploite afin de satisfaire ses objectifs commerciaux. De manière un peu
schématique, on distingue classiquement la distribution, les actions
publipromotionnelles et les actions relatives à la formulation ou reformulation de l’offre
commerciale. Chacun de ces grands domaines du marketing opérationnel peut être
décomposé en moyens spécifiques. Dans le domaine de la distribution, l’entreprise
dispose de nombreux moyens d’action tels que le merchandising, l’organisation de la
force de vente, la conception d’argumentaires ou l’implantation de réseaux de
distribution et de formes de commercialisation spécifiques comme la vente directe. Dans
le domaine des actions publipromotionnelles, les moyens concernent à la fois le choix
des supports, des médias ainsi que les contenus des messages. Enfin, dans le domaine
de la formulation ou de la reformulation de l’offre commerciale, entrent en ligne de
compte des moyens relatifs à la fixation des prix, au choix des caractéristiques des
produits, des marques et des conditionnements ou encore à la sélection de services
associés aux produits.
La détermination de moyens d’action performants découle bien souvent d’une
réflexion basée sur les effets escomptés. Pour que cette approche soit performante, le
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praticien doit immanquablement identifier les niveaux d’action, c’est-à-dire les


processus psychologiques, cognitifs ou psychosociologiques qui sont exploitables pour
atteindre les objectifs fixés. Par exemple, dans la mise en place d’une action de
communication, l’entreprise peut chercher à obtenir des effets très différents. Elle peut
souhaiter informer les acheteurs potentiels de l’existence du produit ou de la marque.
Elle peut également chercher à donner à ses clients actuels une information qui leur
permettra d’évaluer plus favorablement la marque qu’elle commercialise par rapport à
une nouvelle marque concurrente qui constitue pour elle une menace. Ces différents cas
de figure ne peuvent pas être traités de la même manière car, pour le consommateur, les
processus psychologiques ou cognitifs impliqués sont différents. D’un côté, il s’agit de
faire en sorte que les consommateurs mémorisent le nom de la marque, de l’autre, il faut
les amener à évaluer différemment des marques qu’ils connaissent déjà. De la même
manière, lorsqu’une entreprise implantée en grande distribution cherche à imposer aux
enseignes un merchandising spécifique, elle peut souhaiter poursuivre des objectifs très
différents, comme faciliter l’accès au produit ou augmenter la visibilité de l’offre en
linéaire. Comme précédemment, ces niveaux d’action concernent des processus
psychologiques et cognitifs différents. Un problème tel que l’accès au produit renvoie à
l’aptitude de l’acheteur à s’orienter dans l’espace de vente et à trouver la localisation du
produit qu’il recherche. Ici, l’entreprise est confrontée à un problème général de
repérage dans l’espace. Il faut que l’acheteur trouve la catégorie de produits, en
l’occurrence le rayon dans lequel le produit de son choix est implanté. Si l’entreprise
cherche à augmenter la visibilité des produits ou de la gamme, il s’agit de trouver la
meilleure solution pour provoquer l’attention du consommateur qui déambule dans les
rayons. De telles analyses peuvent être très détaillées afin d’identifier finement les
opportunités ou les risques associés aux différentes solutions opérationnelles envisagées.
Le choix des moyens doit ainsi logiquement découler d’analyses qui mettent clairement
en évidence la relation entre les effets escomptés auprès des prospects ou des
consommateurs et les fonctions psychologiques ou psychocognitives susceptibles d’être
mobilisées pour atteindre ces objectifs.
Dans la réalité, la situation semble être quelque peu différente. Pour le praticien, il est
souvent commode d’appréhender le problème à partir de ce qu’il connaît le mieux,
autrement dit les moyens d’action. Raisonner en actions publicitaires, en opérations de
promotions, est plus aisé que de se poser des questions en termes de niveaux d’action,
car cela requiert des connaissances et des compétences spécifiques. De telles pratiques
sont justifiées par l’expérience et l’intuition des managers. Un praticien expérimenté
pourra développer un raisonnement intuitif aboutissant à une prise de décision
performante. Si certains travaux ont pu mettre en évidence l’intérêt de l’intuition
managériale, il convient de rester prudent, notamment dans le cas de prises de décision
complexes. D’autres travaux offrent des résultats contradictoires. Par exemple, Hoch

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vérifie que les professionnels du marketing ne prédisent pas mieux les opinions et les
centres d’intérêt des consommateurs américains que des individus sans expertise. Clancy
et Shulman révèlent les nombreux mythes auxquels adhèrent les professionnels et leur
caractère dommageable sur les pratiques marketing. Ces suspicions à l’égard de la
qualité de l’intuition ou de l’expérience managériale sont amplement relayées par les
apports des sciences cognitives qui soulignent les nombreuses erreurs de raisonnement
des individus, qu’ils soient experts ou non.
1.2 Le comportement du consommateur et les études marketing
L’analyse du comportement du consommateur et de l’acheteur par différentes techniques
d’enquêtes ou d’études permet d’évaluer l’adéquation entre les niveaux d’action et les
moyens envisagés. Elle ne peut cependant être réalisée que par une formalisation
satisfaisante des objectifs poursuivis et des effets escomptés par les actions de marketing
opérationnel. Trop souvent, les études menées sont en décalage par rapport aux objectifs
poursuivis. La qualité opérationnelle des résultats obtenus en est alors affectée. Comme
nous l’avons souligné ailleurs, il est indispensable de disposer de théories consistantes
pour envisager de questionner les acteurs du marché, mais aussi de situer les ambitions
des études.
Quels que soient les choix en matière de techniques d’étude, celles-ci ne peuvent être
réalisées sans une connaissance suffisante du comportement du consommateur et de
l’acheteur. L’analyste doit pouvoir conceptualiser les phénomènes de consommation et
d’achat à partir des caractéristiques des individus qui sont à l’origine des
comportements. Il doit être capable d’identifier les phénomènes psychologiques ou
psychosociologiques les plus pertinents à étudier afin de restituer la dynamique du
comportement d’achat et de consommation. La compréhension et l’identification des
niveaux d’action évoqués précédemment contribuent non seulement à l’analyse
conceptuelle de l’adéquation des moyens aux objectifs poursuivis, mais aussi à la mise
en place d’études capables d’apporter des réponses circonstanciées aux différentes
questions posées.
1.3. Le comportement du consommateur et de l’acheteur comme discipline
charnière
La discussion qui précède nous a permis de distinguer en premier lieu les moyens
d’action (les techniques du marketing opérationnel) et les niveaux d’action (les
processus psychologiques et comportementaux). Ainsi, pour choisir des techniques de
marketing opérationnel, il est souhaitable de s’interroger sur les processus
psychologiques ou comportementaux sur lesquels on souhaite agir. Mais pour cela, il
faut avoir préalablement identifié les effets que l’on espère obtenir. Une connaissance
satisfaisante du comportement du consommateur et de l’acheteur est pour le praticien un
excellent moyen pour optimiser ses actions de marketing opérationnel, à condition

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d’analyser et de détailler ses objectifs opérationnels. L’état actuel des connaissances des
processus d’achat et de consommation offre une ressource inestimable qui, au-delà de
l’optimisation des actions de marketing opérationnel, contribue à réaliser des études de
qualité qui alimenteront à leur tour la connaissance des processus psychologiques ou
psychosociologiques conduisant à l’achat et déterminant les choix en matière de
consommation.
La contribution de l’étude du comportement du consommateur et de l’acheteur dans la
préparation des opérations marketing ne doit cependant pas négliger le rôle de la
créativité. Celle-ci joue un rôle important dans le succès de certaines actions
commerciales, et doit être considérée comme un levier de choix dans le développement
et la conquête de marchés. Dans cette perspective, l’analyse du comportement du
consommateur ou de l’acheteur contribue également à réinventer de nouveaux moyens
d’action pour améliorer les performances. Les moyens actuels du marketing sont loin
d’être limités et des investigations créatives dans le domaine de l’étude du
comportement du consommateur et de l’acheteur peuvent contribuer à alimenter de
nouvelles solutions exploitables par le marketing opérationnel. Si la créativité ne se
décrète pas, l’étude du comportement du consommateur et de l’acheteur peut offrir aux
dirigeants des moyens pour reconsidérer leurs pratiques et identifier de nouvelles voies
afin de s’extraire de cadres souvent trop normatifs.

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CHAPITRE 2 : LE COMPORTEMENT DU CONSOMMATEUR ET SES


HERITAGES THEORIQUES
Plusieurs disciplines fondamentales se sont intéressées aux phénomènes de
consommation, sous des angles très différents. Malgré les divergences d’approches et
de présupposés théoriques, elles ont contribué à fournir de nombreux concepts
fondamentaux. C’est à partir de ces disciplines fondamentales que les premiers modèles
du comportement du consommateur ont été élaborés. S’ils jouissent aujourd’hui encore
d’un intérêt incontestable, les nouvelles orientations qui voient le jour sont susceptibles
d’enrichir considérablement l’étude du comportement du consommateur et de
l’acheteur.
Schéma : Les ancrages théoriques

Anthropologie
Economie Anthropologie
économique

Comportement du
Psychologie Anthropologie
consommateur et de
économique sociale
l’acheteur

Psychologie
Psychologie Sociologie
sociale

Les recours théoriques nécessaires à l'étude du comportement du consommateur et de


l'acheteur sont très diversifiés et oscillent entre l'économie, la psychologie, la sociologie
et l’anthropologie. Ces disciplines aujourd’hui très structurées ont largement contribué
à alimenter ce domaine en concepts théoriques. Certaines disciplines se sont combinées
pour structurer de nouveaux domaines autonomes tels que la psychologie économique,
la psychosociologie, l’anthropologie sociale ou l’anthropologie économique. Si chacune
de ces disciplines a apporté sa contribution dans la compréhension et la définition du
comportement du consommateur et de l’acheteur, certaines d’entre elles comme la
psychologie ou l’anthropologie occupent aujourd’hui une position dominante.
2.1. Les apports de l’économie
L’économie désigne l’activité humaine qui consiste en la production, la distribution,
l’échange et la consommation des biens et des services ou encore, c’est une science

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sociale qui étudie la production, la distribution et la consommation des richesses d’une


société.
Bien qu’il soit vaste et traversé par de nombreux courants, le domaine de l’économie a
su alimenter par quelques concepts fondateurs l’étude du comportement du
consommateur et de l’acheteur. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous retiendrons les
éléments les plus marquants de la discipline.
A l’économie caractérisant les grandes unités (macroéconomie), s’oppose l’économie
des comportements individuels (microéconomie). L’histoire des sciences économiques
a été largement marquée par cette distinction. Les économistes ont privilégié l’analyse
des grandes unités et des marchés à un niveau global. Cette approche macroscopique
révèle des problématiques liées à la relation entre l’offre et la demande, la monnaie,
l’emploi, la concurrence, les facteurs de productivité des firmes ou la régulation des prix.
A contrario l’économie des comportements individuels a privilégié une approche visant
à expliquer et à comprendre les déterminants des comportements des acteurs. Au cœur
de cette approche, on trouve logiquement les notions d’utilité et de rationalité qui ont eu
un impact considérable sur l’étude du comportement du consommateur et de l’acheteur.
La notion d’utilité, amplement développée par Mill, a été reprise pour poser les bases
d’un courant de pensée autonome : les marginalistes. L’utilitarisme est un principe
conduisant les individus à privilégier la recherche du bonheur, c’est-à-dire l’évitement
de déplaisirs et la recherche de plaisirs. La recherche du bonheur est une finalité pour
chacun, même si les plaisirs varient qualitativement et quantitativement selon les
individus. Mill souligne que l’utilitarisme ne peut être réduit à la simple recherche de
satisfaction. Celle-ci découle du niveau d’aspiration qui, selon les individus, est plus ou
moins élevé. Mill précise encore que l’individu peut délibérément choisir des aspirations
élevées même si celles-ci sont plus difficiles à réaliser. La notion d’utilité a ouvert la
voie à la discussion du principe de rationalité. Celui-ci a fait l’objet de nombreux débats.
Plusieurs conceptions de la rationalité émergent : celle de l’arbitrage entre des coûts et
des avantages, celle de la hiérarchisation des préférences ou encore celle du choix de
moyens adaptés aux objectifs poursuivis. Parallèlement d’autres conceptions peuvent
être évoquées, comme par exemple celle de la rationalité dans le choix des finalités ou
celle du rôle de l’incertitude et des biais de jugement. Ces différentes conceptions
soulignent l’ambiguïté des notions d’utilité et de rationalité. Si, comme l’a souligné
Katona, les postulats sous-jacents à la théorie classique de la rationalité sont
difficilement défendables, force est de reconnaître que les notions de rationalité et
d’utilité ont largement pénétré le domaine de l’étude du comportement du
consommateur et de l’acheteur.
Par ses choix méthodologiques, la micro-économie a conduit à introduire la
modélisation du comportement du consommateur et de l’acheteur. Cela a notamment eu
pour effet l’élaboration de nombreux modèles de choix. Dans ce cadre, le modèle de
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Lancaster a su s’imposer comme préfigurant la modélisation du choix, en concevant les


offres en concurrence comme des paniers d’attributs entre lesquels le consommateur doit
arbitrer. Son choix est supposé se porter sur le produit dont les attributs maximisent son
utilité. Malgré les limites de l’approche de Lancaster, la modélisation a fait son entrée
dans l’étude du comportement du consommateur et de l’acheteur sans renoncer au
principe de rationalité de la théorie économique classique.
Le tableau ci-dessous résume les principaux apports de l’économie à l’étude du
comportement du consommateur.
Tableau 1. Les principaux apports de l’économie

Les courants Les apports


Utilitarisme Les choix sont motivés, rationnels et font l’objet de
délibérations entre offres concurrentes

Micro-économie Modélisation des comportements de choix à partir des


caractéristiques des offres en concurrence

2.2 La psychologie
La psychologie est l’étude scientifique des phénomènes psychiques. Elle est
incontestablement la discipline qui a le plus marqué l’étude du comportement du
consommateur et de l’acheteur. Ses apports, très diversifiés, ont contribué à fonder
différents modèles dont l’impact est encore sensible aujourd’hui. Dès l’origine, la
psychologie a eu une influence sur les praticiens et les théoriciens du marketing. Cette
influence apparaît légitime au regard de l’objet de la psychologie. Le psychologue se
donne pour objectif l’étude de la conduite humaine et des faits mentaux susceptibles de
l’expliquer dans une situation donnée. On comprend aisément, par cette définition très
générale, que la psychologie ait rapidement rencontré les faveurs des professionnels de
la vente et du commerce qui ont pu y entrevoir des moyens pour décrire et expliquer les
comportements d’achat et de consommation afin de soutenir leurs ambitions
commerciales.
C’est tout d’abord à la psychanalyse et à l’approche introspective que l’on doit les
premières incursions dans le domaine commercial. L’approche introspective souligne le
rôle de la vie psychique intérieure, particulièrement autour de la notion de pulsion. Elle
est considérée comme une force qui oriente l’individu vers la recherche du plaisir. Celle-
ci peut être entravée par la réalité et provoquer des refoulements ou des résistances. Dans
cette perspective, la psychanalyse a été exploitée pour traiter l’étude des motivations,
dans le but de provoquer le désir d’achat et de lever ou de contourner d’éventuelles
résistances. Dichter s’est révélé comme le chef de file de ce type d’investigations.

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L’approche béhavioriste, qui en psychologie s’est développée pratiquement en même


temps que le courant psychanalytique, réfute l’idée que l’on puisse appréhender
effectivement la réalité de la vie psychique. Celle-ci est considérée comme une boîte
noire dont le contenu ne présente que peu d’intérêt. Seules comptent les relations entre
des stimuli que l’on contrôle et des réponses comportementales observées, dans le cadre
d’une conception parfaitement déterministe de l’activité humaine. S’il a été amplement
critiqué, le courant béhavioriste a défendu la nécessité d’une psychologie positive. Les
choix méthodologiques ont largement contribué à introduire l’idée que l’explication des
conduites humaines devait être basée sur des expérimentations vérifiables et
reproductibles. Le courant béhavioriste n’a pas eu d’incidence directe sur les praticiens
du marketing. Il en a eu davantage sur les théoriciens qui ont formalisé les premiers
modèles fondateurs en comportement du consommateur et de l’acheteur.
La psychologie expérimentale, en s’appuyant sur les options méthodologiques du
courant béhavioriste, s’est assigné comme objectif l’identification et la compréhension
des fonctions psychologiques. Alors que la boîte noire, chère aux béhavioristes, offre
une conception indifférenciée des mécanismes impliqués dans le choix d’une réponse
comportementale consécutivement à une stimulation, la psychologie expérimentale
propose d’étudier les fonctions adaptatives, c’est-à-dire des systèmes spécialisés dédiés
à des processus psychologiques spécifiques. Ces fonctions sont notamment les
sensations, la perception, la mémoire, l’apprentissage, l’intelligence ou l’activité
intellectuelle, le langage comme fonction sémiotique, la motivation et la vigilance. Dans
le cadre de l’approche expérimentale, les fonctions spécialisées sont généralement
étudiées indépendamment les unes des autres. Les apports de la psychologie
expérimentale ont profondément marqué l’étude du comportement du consommateur et
de l’acheteur. De très nombreux travaux ont exploité les résultats fondamentaux obtenus
par la psychologie expérimentale, pour les adapter à des problématiques spécifiques à
l’étude de comportements de consommation et d’achat. Ces investigations ont porté
notamment sur des problèmes de perception et de mémorisation. En situant l’acheteur
dans un système d’influence et de persuasion, les fonctions de perception et de
mémorisation sont supposées jouer un rôle déterminant dans la prévision du
comportement d’achat.
En dernier lieu, les sciences cognitives ont investi progressivement le champ laissé
vacant par la psychologie expérimentale classique. Le projet des sciences cognitives est
sans conteste le plus ambitieux puisqu’il vise non seulement à étudier le fonctionnement
mental et ses résultantes mais aussi à terme à le simuler. Les sciences cognitives se sont
enrichies des apports de disciplines voisines, telles que l’informatique, l’intelligence
artificielle ou la linguistique. Dans cette perspective, c’est surtout l’étude des processus
de traitement des informations qui a mobilisé les chercheurs. L’activité mentale n’est
plus considérée comme un ensemble de fonctions plus ou moins indépendantes, mais

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comme un dispositif fonctionnel mobilisant diverses compétences en vue de l’exécution


d’une tâche, d’un raisonnement ou d’une prise de décision. On entrevoit de fait aisément
l’apport des sciences cognitives dans l’étude du comportement du consommateur et de
l’acheteur. A ce jour, l’approche cognitive n’est pas encore systématiquement exploitée
par les praticiens. Les contributions qui ont d’ores et déjà affecté l’étude du
comportement du consommateur et de l’acheteur concernent principalement la prise de
décision.
Si les apports de la psychologie apparaissent aussi diversifiés, il faut y voir la nécessité
de prendre en compte une réalité humaine complexe. Malgré cette diversité, il existe une
certaine unité donnée par l’objet d’étude : la conduite humaine et le fonctionnement
mental. Chacun des courants qui a façonné la psychologie a nourri le domaine de l’étude
du comportement du consommateur et de l’acheteur.
Le tableau ci-dessous résume les principaux apports de de la psychologie à l’étude du
comportement du consommateur.
Tableau 2. Les apports de la psychologie

Les courants Les apports


Psychanalyse L’activité humaine est motivée ; l’individu est
animé de désirs et résistances éventuellement
inconscients susceptibles d’expliquer l’achat

Béhaviorisme L’individu est raisonné comme un système


stimulus-réponse, capable d’apprendre et de
réagir à partir d’actions marketing

Psychologie expérimentale La décomposition de fonctions psychologiques


(perception, mémoire, etc.) explique les
conditions dans lesquelles un achat se réalise

Sciences cognitives Intégration des fonctions psychologiques et


approche par les processus de traitement de
l’information nécessitant des ressources et des
compétences pour faire aboutir une décision

2.3 La psychologie économique


La psychologie économique a trouvé un véritable essor avec les travaux de Katona. Les
processus économiques sont considérés comme des manifestations du comportement
humain et en tant que tels, ils doivent être étudiés à partir des apports de la psychologie.

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La psychologie économique se soucie des déterminants individuels des comportements


économiques. Pour Albou, la psychologie économique est assimilée à l’étude des
conduites économiques. L’individu est considéré comme un agent économique qui fait
l’objet d’investigations tant en ce qui concerne son activité de consommation que son
activité sociale. Les conduites économiques et sociales sont étroitement liées et les
échanges ne peuvent être compris qu’au regard des multiples formes d’interactions entre
les agents économiques, qu’il s’agisse de groupes ou d’individus.
Dans cette perspective, l'étude de la gestion budgétaire des ménages est un domaine
d’investigation privilégié. Il s'agit notamment de décrire la manière de gérer les
dépenses, l'affectation des ressources budgétaires entre différents types d’achats, mais
aussi les pratiques d'épargne notamment en ce qui concerne des investissements à long
terme comme l'achat de maisons ou d'automobiles. Pour Katona, la gestion budgétaire
des ménages présente autant d'intérêt que les pratiques de gestion du chef d'entreprise.
La psychologie économique tient aussi compte des évolutions économiques et traite de
la perception des phénomènes inflationnistes, de la confiance à l'égard des
gouvernements ou encore des tensions internationales dans la compréhension des
pratiques de consommation et leurs prévisions à court terme.
Le principal intérêt de la psychologie économique est d'avoir permis de désenclaver
l'étude du comportement du consommateur et de l'acheteur de conceptions trop
générales. Ainsi Katona a pu mettre en évidence que les achats des ménages ne
dépendent pas seulement des revenus disponibles. Ils dépendent également de la
disposition à acheter. Cette demande discrétionnaire qui combine la capacité et la
disposition à acheter est donc fonction des ressources (revenus, actifs, épargne) mais
également des motivations, des attitudes à l'égard des firmes et des gouvernements, ainsi
que des prévisions que les consommateurs font quant à l'avenir.
Relayée par la psychologie économique, l’économie a largement contribué à délimiter
l’étude du comportement du consommateur et de l’acheteur comme un champ
d’investigation autonome. La théorie économique a posé bon nombre de concepts
fondateurs, que la psychologie économique a su adapter à l’étude du comportement du
consommateur et de l’acheteur.
2.4 L’anthropologie
L'anthropologie est la branche des sciences sociales qui étudie l’être humain sous tous
ses aspects, à la fois physiques et culturels. Quant à l’ethnologie, il s’agit de l’étude
explicative et comparative de l’ensemble des caractères de groupes humains,
particulièrement des populations primitives, qui tente d’aboutir à la formulation de la
structure et de l’évolution des sociétés.
L'anthropologie permet incontestablement de positionner les comportements de
consommation et d'achat dans un contexte bien plus général que celui auquel nous

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sommes quotidiennement confrontés. L'hypermarché n'a pas toujours existé, alors que
les échanges commerciaux ont traversé les siècles et les cultures. Evidemment ceux-ci
ont varié, évolué en fonction des conditions particulières dans lesquelles ils avaient à se
déployer. Afin de comprendre quels sont les fondements des échanges commerciaux et
des pratiques de consommation, l’anthropologie et l’anthropologie économique ont
apporté des éclairages tout à fait intéressants, en situant les échanges dans le système
culturel qui les autorise. En fonction de l’environnement social et culturel, les échanges
et la consommation prennent des formes variables.
A l’origine, l’anthropologie de Mauss s’inscrit avant tout dans une démarche
d’inventaire. Il s’agit en effet de décrire une société ou un groupe social à partir de son
organisation géographique, politique, ses techniques, ses pratiques culturelles,
religieuses, juridiques et son économie. En dressant une véritable carte d’identité des
systèmes sociaux, l’anthropologie descriptive cherche à identifier les caractéristiques
récurrentes de toute société ou groupement humain. Le principal apport de Mauss a été
de mettre en évidence que toutes les sociétés humaines peuvent être étudiées à partir
d’une grille d’analyse relativement invariable qui autorise de fructueuses comparaisons.
L’approche structurale développée par Levi-Strauss a consisté à interroger les pratiques
sociales (dans lesquelles entrent les phénomènes de consommation et d’échanges)
comme l’expression de structures mentales partagées par l’ensemble d’une
communauté. Ces pratiques sociales fonctionnent comme de véritables régulateurs qui
inscrivent l’individu dans la culture ou qui l’excluent s’il transgresse les prescriptions
implicites que lui propose le système culturel.
Le point de vue de l'anthropologie structurale est de considérer que la consommation est
régulée par des contraintes sociales. La culture donne du sens aux actes de
consommation. Par exemple dans le domaine culinaire, les plats cuits sont autorisés et
les plats crus sont proscrits car ils symbolisent la nature au détriment de la culture. De
manière comparable, les pratiques initiatiques imposées aux adolescents traduisent
l’accès à la culture par un jeu de symboles (la communion, le baccalauréat, etc.). Au-
delà de la consommation, l'échange de biens est un échange de signes situant les
individus les uns par rapport aux autres. Il en est de même pour les relations de parenté
qui s'inscrivent dans un système d'échanges et d'obligations réciproques. Ainsi les faits
sociaux ne sont pas anodins. Ils relèvent d'une logique propre à la culture qui impose
des obligations, des interdictions et qui situe les individus les uns par rapport aux autres,
au travers de statuts et de rôles parfaitement codifiés. Apparemment rigide, l'emprise
culturelle confère cependant une stabilité et une pérennité au système social.
Si l'anthropologie structurale s'est principalement basée sur l'étude de sociétés
traditionnelles, ses apports peuvent également s'appliquer aux sociétés contemporaines.
Les pratiques du mariage sont encore largement déterminées par des codes implicites
qui reflètent une situation d'échange. De même, les étapes initiatiques qui jalonnent la
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vie de l'enfant jusqu'à l’adolescence et enfin jusqu'à l’âge adulte, peuvent être appréciées
sur des bases culturelles.
D’autres auteurs, comme Barthes ou Baudrillard, souvent classés comme sociologues,
analysent les phénomènes de consommation à partir du sens. Certains produits
véhiculent un imaginaire puissant et leur acquisition conduit l’acheteur à s’approprier
les valeurs qu’ils véhiculent. Si de telles analyses ambitionnent de révéler la signification
de certains comportements d’achat ou des symboles associés aux produits possédés,
elles ont également une portée critique. La société de consommation instaure une
dépendance à l’égard du monde des objets et leur possession procure un substitut de
sens. Mais plus que la possession, c'est la quête du sens par l’acquisition de nouveaux
objets qui structure la société de consommation. En ce sens, Baudrillard souligne qu’en
détruisant la valeur d’échange des biens, leur valeur d’usage se dissout.
Si les positions de Barthes ou de Baudrillard sont très critiques à l’égard de la société de
consommation, elles ont le mérite d’introduire la question du sens dans les choix en
matière de consommation.
De manière complémentaire, l’anthropologie économique apporte des éclairages sur
l’articulation entre l’économique et le culturel. Godelier analyse ainsi les fonctions, la
nature et l’organisation des échanges, de la production et de la consommation. Ces
pratiques ont une signification sociale qui dépasse le simple point de vue économique.
Les échanges, quelle que soit leur nature (échanges commerciaux, dons, contredons),
contribuent à organiser et à maintenir le lien social, tout en étant l’expression du système
culturel dans lequel ils se développent.
La conception anthropologique semble aujourd’hui admise dans les pratiques. Arnould
et Wallendorf défendent par exemple l’idée selon laquelle l’anthropologie est
susceptible d’apporter un éclairage intéressant dans la compréhension des individus
composant un marché. L’idée sous-jacente est que les comportements des individus,
lorsqu’ils sont étudiés de manière atomisée, perdent leur signification sociale profonde,
ce qui constitue un déficit informationnel dommageable lors de l’élaboration de
stratégies marketing.
Au-delà, des auteurs comme Holbrook ou Sherry adoptent une approche
anthropologique pour appréhender les phénomènes de consommation. Le grand intérêt
de l’approche anthropologique est d’inscrire l’acheteur ou le consommateur dans un
espace social et culturel au sein duquel les choix en matière de consommation ne se
réduisent pas à une conception utilitariste. Certains achats ou pratiques de
consommation traduisent l’appartenance sociale et participent à la stabilité des groupes
sociaux et à la construction de modèles culturels.
Le tableau ci-dessous résume les principaux apports de l’anthropologie à l’étude du
comportement du consommateur.

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Tableau 3. Les principaux apports de l’anthropologie


Les courants Les apports
Anthropologie descriptive et etnologie Les sociétés sont décrites à partir de leur
organisation politique, économique, des
facteurs sociodémographiques, culturels
et religieux

Anthropologie économique La production, la consommation et les


échanges sont ancrés culturellement et
sont déterminés par des contraintes de
stabilité sociale

Anthropologie structurale L’activité sociale (notamment la


consommation et les échanges) est
déterminée par l’impact des structures
symboliques et culturelles qui
fonctionnent comme des régulateurs
inconscients

Anthropologie sociale La consommation n’est pas uniquement


utilitariste ; consommer c’est produire du
sens, afficher une identité et une
appartenance sociale

2.5. La sociologie et la psychosociologie


La sociologie est la branche des sciences sociales qui a pour objectif de rechercher des
explications et des compréhensions typiquement sociales à des phénomènes
observables, afin d’en montrer leur nature sociologique. Autrement dit, c’est l’étude des
relations, actons et représentations sociales par lesquelles se constituent les sociétés.
La sociologie est traversée par de nombreux courants.
A l’origine, deux écoles se partagent l’étude des faits sociaux. Le courant français, avec
Durkheim, propose une explication du fait social par ses causes. Cette approche conduit
à expliquer les formes sociales actuelles à partir d’états antérieurs. L’apport de
Durkheim est essentiellement méthodologique, car il propose d’appréhender les faits
sociaux comme des objets susceptibles d’être décrits et différenciés à partir de
caractéristiques sociales connues des individus telles que l’âge, le sexe, la confession
religieuse ou la profession. Le courant allemand, avec Weber et Simmel, interroge le
fait social de manière compréhensive. L’activité sociale est indissociable de son sens.
Elle est l’expression de la culture, en même temps qu’elle contribue à la façonner. Les

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valeurs culturelles déterminent l’activité sociale et plus particulièrement l’activité


économique.
La sociologie moderne est quant à elle traversée par deux courants principaux : le
fonctionnalisme et l’individualisme méthodologique. L’approche fonctionnaliste,
développée par Merton et Parsons, propose d’appréhender l’organisation et l’activité
sociale comme un système dont la fonction est de préserver le contrôle social par la
culture et les valeurs, d’intégrer chacun des acteurs dans la communauté par le respect
des normes sociales, d’assurer la réalisation de fins collectives par l’organisation
politique et de contribuer à l’adaptation à l’environnement par l’économie. Dans cette
perspective, les rôles et les statuts sociaux assumés par les acteurs articulent le
fonctionnement social.
L’individualisme méthodologique, défendu par Boudon, souligne la nécessité de partir
de l’individu pour appréhender le fait social. Celui-ci ne peut être déterminé que par un
ensemble de comportements individuels ayant leur rationalité propre dans un système
d’interactions et de contraintes. Dans cette perspective, si l’action individuelle est
localement rationnelle, l’action collective qui résulte de multiples actions individuelles
ne l’est pas nécessairement. Les notions de coopération et de conflit sont alors amenées
à jouer un rôle prépondérant dans l’analyse sociologique.
Les apports de la sociologie classique sont principalement exploités dans deux domaines
: celui de la stratification sociale et celui du changement social. La problématique de la
stratification sociale a permis de renoncer à l’idée d’un corps social homogène. Les
individus sont très diversifiés et toute analyse doit en tenir compte. La stratification est
riche d’enseignements pour qualifier les marchés. Les partitions qui en résultent jouent
un rôle décisif dans la segmentation des marchés, du fait notamment du fort pouvoir
explicatif des classes sociales.
En ce qui concerne le changement social, différents travaux se sont attachés à
comprendre l’évolution des modes de consommation qui s’est opérée parallèlement à
l’évolution du contexte politique, des conditions économiques, des styles de vie et des
mœurs. De telles approches ont principalement pour vocation de décrire les
changements et raisonner hypothétiquement sur les valeurs qui conditionnent
l’évolution des pratiques de consommation, sans cependant être en mesure de poser des
schémas de causalité satisfaisants.
Plus que la sociologie, la psychosociologie a significativement contribué à l’étude du
comportement du consommateur et de l’acheteur. Les apports sont largement reconnus
par les psychosociologues qui y voient un terrain d’application privilégié. Les
principaux acquis concernent la dimension sociale de l’influence interpersonnelle.
Inséré dans la vie sociale, l’individu subit une pression des différents groupes dans

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lesquels il est impliqué. Cette pression sociale peut avoir des effets sur ses choix en
matière de consommation ou d’achat.
La sociologie et la psychosociologie offrent un cadre d’analyse performant dans l’étude
du comportement du consommateur et de l’acheteur. Alors que la sociologie a introduit
la nécessité de tenir compte de l’hétérogénéité du corps social pour mieux comprendre
et différencier les pratiques de consommation, la psychosociologie s’est davantage
attachée à déterminer les mécanismes d’influence interpersonnelle ainsi que le rôle de
certains achats dans le processus de socialisation de l’individu.
Le tableau ci-dessous résume les principaux apports de de la sociologie et de la
psychosociologie à l’étude du comportement du consommateur.
Tableau 4. Les apports de la sociologie et de la psychosociologie
Les courants Les apports
Le courant français Description du corps social et des faits sociaux,
stratification sociale

Le courant allemand L’activité sociale est indissociable du sens ; elle


est l’expression de la culture en même temps
qu’elle contribue à la façonner

Fonctionnalisme La société est structurée comme un système


fonctionnel duquel découlent les rôles et les
statuts des acteurs

Individualisme méthodologique La dynamique sociale est la conséquence de


rationalités individuelles

Psychosociologie Fonctionnement des groupes sociaux,


interactions sociales et influences au sein des
groupes

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CHAPITRE 3 : LES MODELES FONDATEURS EN


COMPORTEMENT DU CONSOMMATEUR ET DE L’ACHETEUR
Les modèles fondateurs en comportement du consommateur et de l’acheteur se sont
développés à partir des insuffisances de la psychologie économique et par la volonté de
constituer une discipline autonome. Les modèles qui ont été élaborés ont cependant
continué à s’inspirer largement des apports de la psychologie et plus particulièrement du
courant béhavioriste. Celui-ci propose d’appréhender l’acheteur ou le consommateur
comme un système générant des réponses consécutivement à des stimulations
marketing. Mais les auteurs qui ont développé de tels modèles se sont également attachés
à comprendre les mécanismes de la décision. Dans ce cadre, la notion d’attitude a joué
un rôle considérable.
3.1. Les caractéristiques des principaux modèles fondateurs
Si de nombreux modèles ont vu le jour depuis plusieurs décennies, deux d’entre eux ont
eu un impact significatif. Le premier, le modèle de Howard et Sheth, est de type
«stimulus-réponse». Les informations entrantes sont traitées par des processus
perceptuels avant d’être éventuellement stockées en mémoire. Elles sont ensuite
susceptibles de donner lieu à un comportement de réponse depuis l’attitude à l’égard de
l’offre jusqu’à l’achat. Le modèle est largement déterministe puisque la décision est
consécutive à la perception des caractéristiques de l’offre, à leur évaluation et leur
aptitude à répondre aux motivations. Le stockage des informations en mémoire est
supposé provoquer une réponse d’achat si l’attitude à l’égard du produit est positive. A
l’aide des diverses variables exogènes, le modèle ambitionne de décrire un processus
systémique de décision.
Le second modèle (schéma 2), initié par Engel, Blackwell et Miniard, développe et
précise certaines imperfections du modèle de Howard et Sheth. L’approche adoptée est
centrée sur les différentes étapes du processus de décision et les facteurs qui sont
susceptibles de l’affecter.

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Schéma 2. Schématisation du modèle d’Engel, Blackwell et Miniard

Source: Engel J.F., Blackwell R.D., Miniard P.W. (1990), p. 536.


Le processus de décision est constitué de plusieurs étapes qui décrivent successivement
la reconnaissance du besoin, la recherche d’informations pour répondre au besoin,
l’évaluation d’offres en concurrence et enfin la satisfaction qui résulte de l’achat. Celle-
ci est alors en mesure de modifier les croyances ou l’attitude de l’individu.
Dans ce modèle, le processus de décision est affecté par les processus de traitement des
informations, par les caractéristiques spécifiques à l’acheteur ou au consommateur et
enfin par l’environnement dans lequel il évolue. Les processus de traitement des

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informations concernent principalement la perception et la mémorisation. Dans son


environnement, l’individu est exposé à un ensemble de stimulations auxquelles il prête
une attention variable et qui, en fin de processus, sont susceptibles d’être mémorisées.
Les processus perceptifs et la mémoire permettent ainsi l’acquisition d’informations
nouvelles ou l’utilisation d’informations déjà détenues. Le processus de décision est
également influencé par des variables environnementales, parmi lesquelles les auteurs
associent indifféremment la culture, la classe sociale, les influences interpersonnelles, la
famille et d’une manière générale, la situation dans laquelle se prend la décision. Enfin,
des différences individuelles caractérisant les acteurs affectent le processus de décision.
Il s’agit alors de variables de ressources, de motivations, de personnalité, de
connaissances ou de styles de vie.
Comme le soulignent Antonides et Van Raaij, à l’origine, le modèle d’Engel, Blackwell
et Miniard a la volonté d’intégrer les nombreux travaux parfois dispersés qui se sont
attachés à décrire et à comprendre la dynamique du comportement d’achat. Cette
entreprise s’est révélée fructueuse, puisqu’elle a permis de structurer de manière
cohérente les principaux domaines d’investigation susceptibles de rendre compte de la
dynamique d’achat.
3.2. Les modèles intégrateurs en question
Ces modèles fondateurs, que l’on qualifie habituellement de modèles intégrateurs, ont
évidemment évolué. Mais l’évolution a davantage porté sur l’approfondissement et la
systématisation de modèles existants plutôt que sur l’intégration des nouveaux apports
issus des disciplines telles que la psychologie, la sociologie ou la psychosociologie.
C’est par exemple le cas d’Ehrenberg qui poursuit l’ambition de construire un modèle
intégrateur complet, mais à la différence de ceux présentés précédemment, il s’agit d’un
modèle de type computationnel. Si l'étude du comportement du consommateur et de
l'acheteur ne peut en aucun cas se substituer aux diverses disciplines de base des sciences
humaines, il apparaît en revanche nécessaire que les modèles utilisés tiennent davantage
compte de leurs évolutions. A ce titre, les sciences cognitives, qui ont bouleversé la
psychologie traditionnelle, mériteraient d’être exploitées de manière plus systématique.
Dans le même sens, la sociologie ou l’anthropologie sont en mesure d’alimenter
davantage l’étude du comportement du consommateur et de l’acheteur. Ces disciplines
sont encore bien négligées, alors qu’elles sont susceptibles d’avoir un impact important
sur la compréhension des acteurs et de leur logique.
Une approche plus nuancée et moins déterministe du comportement du consommateur
ou de l’acheteur apparaît aujourd’hui indispensable afin de faire face aux évolutions qui
affectent les marchés. Celles-ci sont considérables, tant du point de vue des stratégies
industrielles que de celui des pratiques marketing. Par conséquent les comportements de
consommation et d’achat évoluent et se diversifient. Qu’y a-t-il de commun entre
l’utilisation d’une lessive et la visite d’un parc d’attractions ? L’achat d’un best seller
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sur Internet est-il comparable à celui d’un livre ancien dans une vente aux enchères ?
Entre toutes ces situations, il y a bien plus de différences que de points communs, tant
sous l’angle de la consommation que sous celui du comportement d’achat, et les
exemples pourraient être multipliés à l’infini. Implicitement, les modèles intégrateurs
portent en eux une véritable idéologie du choix ou de la décision qui à bien des égards
apparaît comme trop restrictive. Ces quelques remarques concourent à promouvoir une
approche qui permet de désenclaver la recherche en comportement du consommateur et
de l’acheteur de modèles trop déterministes ou trop centrés sur le processus de décision.

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