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Document

support matériel ou digital de conservation


d'information structurée et identifiée

Un document renvoie à un ensemble formé par un support et une information (le contenu)1, celle-ci
enregistrée de manière persistante. Il a une valeur explicative, descriptive ou de preuve. Vecteur
matériel de la pensée humaine, il joue un rôle essentiel dans la plupart des sociétés
contemporaines, tant pour le fonctionnement de leurs administrations que dans l'élaboration de
leurs savoirs. Témoin de son époque pour l'historien, pièce à conviction pour le juge, le document
pose toujours le problème de sa véracité, mais plus encore de ce qu'il révèle indépendamment de
son énoncé ou de son illustration.

Exemple de document papier.


Description
Le document peut se concevoir selon trois perspectives2 : comme forme, comme signe et comme
médium. Autrement dit, il implique une matérialité, un sens et un contexte social qui décide de son
statut. Selon une acception assez large, tout objet informatif, même dénué de signes, correspond à
un document: ainsi en est-il du silex taillé pour le préhistorien, d'une bactérie pour le biologiste.
L'emploi du terme renvoie cependant plus souvent à un objet culturel stockant du texte, de l'image
ou du son. Enfin, il constitue un moyen de communication, étant ainsi un vecteur des idées et du
pouvoir. Le document numérique bouleverse la conception traditionnelle de la notion par la
dissociation du contenant et du contenu.

Typologie documentaire
Le document peut être caractérisé selon une typologie fondée sur la nature de l'information, le
support matériel, le mode de consultation et la périodicité : selon la nature de l'information, les
documents peuvent être textuels (documents écrits : texte scientifique, article de presse, texte
juridique, politique, œuvre littéraire) ou non-textuels (documents sonores ou iconographiques de
type images fixes3 ou animées4). Quand la source est une combinaison des images et du son
(et/ou de l'écrit), on parle de documents audiovisuels ou multimédia. Selon le support matériel qui
peut être de type papier (documents manuscrits, tapuscrits, imprimés, visuels), photographique,
magnétique (disquette, audio-cassette, vidéocassette), optique (CD et DVD), numérique (source
Internet). Selon le mode de consultation (direct ou indirect dans le cas où il y a nécessité d'un
appareil de projection ou de lecture pour prendre connaissance de l'information)5.
Perspectives épistémologiques

La conservation du signe
Tout document se caractérise par une structuration minimum du signifiant, par différence avec une
simple juxtaposition d'indices. Robert Escarpit le qualifie d’anti-évènement du fait qu'il cumule des
traces au-delà de sa création, dont un sens perdure malgré la décontextualisation de l'information.
C'est cependant ce même document par lequel est reconstruit ou raconté un événement6. Il sollicite
deux propriétés cognitives indissociables : la mémorisation et l'organisation des idées, préalables à
la créativité et à la transmission. Le rôle structurant du document se vérifie par excellence avec
l'écriture, qui autorise des découpages logiques et des figurations (schémas, plans) propres à ce
médium. Néanmoins, un document audio apporte déjà un surplus conceptuel à la fluidité sonore, en
capturant la musique et la parole, facilitant ainsi son analyse. Une approche subjective élabore une
distinction entre « document par attribution» et « document par intention» : le document est un objet
socialement institué mais l'information qu'il apporte dépend de la volonté de celui qui l'observe7.

Document et archive
Parce qu'il conserve une information, fut-elle fausse, le document constitue une trace du passé. Il
s'agit du matériau de base pour l'écriture de l'histoire. Sa portée ne s'estime qu'en relation avec les
autres documents de l'époque et le savoir de celui qui l'examine. Il ne se résume donc pas aux
données qu'il porte : il valide ou infirme des hypothèses. Les questionnements de l'historien
construisent un savoir en procédant à un découpage entre les faits supposés et la confrontation
des documents8.

Dans une certaine mesure, le document tient de l'archive par lequel l'historien établit les faits. Il
s'inscrit dans la continuité de celle-ci pour rendre compte d'un événement9. Néanmoins, les deux
concepts ne se recouvrent pas en raison de leur différents rapports au temps10. De nombreux
documents servent les affaires du présent, transportent des connaissances actuelles, s'utilisent
comme vecteurs d’opinions alors que l'archive ne joue, par définition, plus le rôle pour lequel elle a
été conçue.

Approche fonctionnaliste
André Tricot, Gilles Sahut et Julie Lemarié ont développé une approche fonctionnaliste du
document qui s'appuie sur la théorie de la pertinence de Sperber et Wilson11. Ces chercheurs en
psychologie cognitive et sciences de l'information et de la communication entendent ainsi décrire
les fonctions du document dans les sociétés humaines. Depuis les tablettes sumériennes jusqu'aux
tablettes numériques, le document remplit une double fonction de communication et de mémoire. Il
permet de communiquer en réduisant les contraintes de temps et d'espace et d'assister la mémoire
humaine. Les cinq fonctions mémorielles du document sont : lutter contre l'oubli ; garantir la fiabilité
d'un souvenir ; donner à reconnaître ce que l'on ne parvient pas à se rappeler ou/et à nommer ;
anticiper les futurs besoins de connaissances ; mettre en forme des savoirs afin qu'ils puissent être
transmis. Les fonctions communicationnelles du document posent inévitablement les questions de
sa pertinence, de la quantité d'information qu'il peut apporter, de sa crédibilité et de sa mise en
forme. Le schéma général sur lequel s'appuie cette théorie du document est le modèle de
communication interpersonnelle de Sperber et Wilson. L'auteur d'un document a ainsi une intention
informationnelle et communicationnelle que le lecteur doit reconnaître pour accéder au sens du
document.

Selon Anne Lehmans et Vincent Liquète, la dimension communicationnelle du document prend


aujourd'hui le pas sur sa fonction de support stable : il devient un espace dans lequel se noue un
dialogue constant12. Il permet la construction d’une culture et d’une mémoire collectives au
croisement de deux mondes distincts (le monde des bureaux et le monde du chantier13, le monde
des étudiants et le monde des professeurs, etc.) et séparés par des pratiques différentes ou une
hiérarchie. L’espace du document (numérique ou non) est utilisé comme stabilisateur des
connaissances et des discours entendus et compris par les différents acteurs qui participent à son
élaboration. Ces derniers s’approprient cet espace par différents moyens (annotations, dessins,
schémas, etc) leur permettant, d'une part, la construction d’une culture collective localisée (dans
une classe, un étage de bureau, une entreprise, etc) entre des acteurs définis ou qui restent à définir,
et, d’autre part, un discours collectif cohérent.
Premiers théoriciens du
concept de document

Paul Otlet et Suzanne Briet


Paul Otlet et Suzanne Briet sont reconnus par la majorité des auteurs comme étant les premiers à
avoir étudié la théorie du document14. Paul Otlet, auteur du Traité de documentation, étudie en 1934
la documentation en lien avec la mémoire, la préservation et le traitement des documents14. Il
définit le document comme un support d’une dimension donnée contenant des signes
représentatifs de données intellectuelles, comme un texte, un objet naturel, une œuvre d’art, etc.
Ses écrits laissent place aux premiers jalons d’une théorie de la documentation15.

Cela dit, Suzanne Briet est considérée comme la fondatrice du mouvement de la documentation en
France15. Dans son ouvrage « Qu’est-ce que la documentation ? », publié en 1951, Briet élabore une
définition du document selon une perspective fonctionnelle et phénoménologique. Elle affirme que
le document est une preuve ou une manifestation physique14. Elle élabore le concept de document
primaire, qui se définit par un objet concret, et celui du document secondaire, qui se définit par des
signes symboliques14. La praticienne affirme que c’est la fonction de l’objet qui le transforme en
document. Elle justifie ce propos en prenant l’exemple de l’antilope. Une antilope qui court dans la
savane n’est pas un document à la base. Toutefois, elle le devient si elle est transformée en sujet
d’étude (par exemple, si on place une photo de l’antilope dans un musée)15. Ainsi, n’importe quel
objet peut devenir un document, à la seule condition qu’il soit un objet d’étude. Cette pensée
élaborée par Briet a permis de grandes avancées dans la théorie de la documentation.
Traitement documentaire

Description et modes de
représentation
La production en masse de documents nécessite la création de sources tertiaires pour faciliter leur
localisation et leur consultation. Les professionnels de la documentation, et en particulier les
bibliothécaires et les archivistes, ont peu à peu normalisé la rédaction des notices bibliographiques,
afin de représenter le document d'une manière univoque et synthétique, dans leur dimension
formelle et thématique16. Créés par l'IFLA, l'ISBD et l'UNIMARC constituent par exemple des efforts
de normalisation internationale pour unifier le travail des bibliothécaires17. La description comporte
également des points d'accès aidant au repérage du document, généralement par auteur, titre et
sujet. Une notice bibliographique ne traite pas l'exemplaire d'un document, contrairement à une
notice catalographique, précisant sa localisation.

Par la compilation de notices, normalisées ou non, sont réalisées plusieurs types de produits
documentaires. Le catalogue recense un fonds documentaire et dépend donc d'une collection. La
normalisation et l'informatisation permettent notamment un catalogage partagé comme le pratique
le réseau universitaire du Sudoc en France. La complexité et la lourdeur du catalogage provoquent
un débat récurrent quant à leur utilité18. La bibliographie liste différentes références
indépendamment d'une collection, selon une logique de recherche ou systématique dans le cas des
bibliographies nationales. L'index analytique se compose de notices résumant brièvement un
document, relatives à un domaine de connaissances ou un sujet traité. Les centres d'archives
produisent également des instruments de recherches (guide, inventaire) visant à donner une vision
globale d'un fonds ou détaillant les caractéristiques d'une série de documents.
Classification et indexation
Regrouper des documents par catégories améliore la cohérence et la lisibilité d'une collection. La
classification par sujet organise des entités d'un point de vue conceptuel, par différence avec le
classement qui range des éléments dans l'espace. Plusieurs critères, seuls ou combinés, servent à
cette catégorisation : la forme, l'auditoire potentiel, le contenu, la valeur accordée au document. Une
classification thématique, plus courante que les autres, situe un document dans une structuration
du savoir et de la culture, parfois encyclopédique, comme dans le cas de la Classification Décimale
Universelle de Paul Otlet ou la celle de Melvil Dewey. Une classification n'est jamais entièrement
neutre et traduit des préférences dans le découpage des connaissances, y compris pour le modèle
encyclopédique19.

L'indexation indique aussi le contenu d'un document, non à partir d'indices, par différence avec la
classification, mais avec un vocabulaire en langage naturel ou contrôlés par une liste de
descripteurs prédéfinis, relative à un langage documentaire (thésaurus documentaire, classification
à facettes, assemblage de vedettes-matières comme Rameau20). Cette opération joue un rôle
essentiel dans la recherche d'information car elle facilite grandement les recherches par sujet. Les
langages documentaires possèdent l'avantage sur les mots ordinaires de tenir compte des
ambiguïtés et de la polysémie du langage ordinaire. L'indexation automatique, utilisée dans les
moteurs de recherches, se distingue de l'analyse humaine, car elle évacue l'attention portée au sens
au profit d'une approche statistique. Néanmoins, l'étude des relations sémantiques et l'apport du
Traitement automatique des langues tentent de combler cet écart21.

L'expertise en écritures

Document de question
Dans l'expertise en écritures, il s'agit d'un document litigieux, soumis à question, c'est-à-dire voué à
subir l'épreuve de la comparaison contradictoirement avec un document comparable (de
provenance semblable), réputé authentique.
Document de comparaison
Dans l'expertise en écritures, il s'agit d'un document réputé authentique, puisque obtenu sur ordre
de l'autorité judiciaire, par saisie judiciaire (par exemple : le suspect, établit sous l'observation
visuelle d'enquêteurs assermentés, ledit document, dans des termes proches du document dit « de
question »), et donc destiné à permettre la comparaison entre le (ou les) document(s) litigieux dit(s)
« de question » et lui-même.

Il peut, dans certains cas s'avérer nécessaire à la justice de disposer de plusieurs documents de
comparaison, afin d'obtenir expertise d'un ou de plusieurs documents « de question », d'aspects
différents, ou suspects d'émaner de provenances diverses, et/ou douteuses.

Références

1. Jean Meyriat, « Document,


documentation, documentologie »,
Schéma et Schématisation : Revue
Internationale de Bibliologie, no 14,‎
1981, p. 51-63
2. Selon la tripartition proposée par le
réseau scientifique Roger T.Pédauque.
Roger T. Pédauque, Le document à la
lumière du numérique, C&F éditions,
2006, p.32
3. Dessin, photographie, peinture, affiche,
tableau de données, graphique, etc.
4. Documentaire, film, etc.
5. Une typologie du document (http://www
1.univ-ag.fr/buag/cours/LS5-web/co/Co
urs2.html) [archive], module de
méthodologie documentaire des
bibliothèques de l'Université des
Antilles.
6. Cité par Pascal Robert, L'impensé
informatique. Critique du mode
d'existence idéologique des
technologies de l'information et de la
communication. Les années 1970-1980,
Éditions des archives contemporaines,
2012, (ISBN 978-2-8130-0074-3), p. 44.
7. Jean Meyriat, « De l'écrit à l'information :
la notion de document et la
méthodologie de l'analyse
documentaire », Infocom 78, 1er
Congrès SFSIC, Compiègne, 1978, p. 23-
32
8. Antoine Prost, Douze Leçons sur
l'Histoire, Seuil, Paris, 1996
9. Paul Ricœur, La mémoire, l'histoire,
l'oubli, Le Seuil, 2000. « Avec le
témoignage s'ouvre un procès
épistémologique qui part de la mémoire
déclarée, passe par l'archive et les
documents, et s'achève sur la preuve
documentaire. »
10. Jean-Paul Metzger, « Temps, mémoire
et document », dans Fabrice Papy (dir.),
Problématiques émergentes dans les
sciences de l'information, Paris,
Lavoisier, 2008
11. André Tricot, Gilles Sahut et Julie
Lemarié, Le document : communication
et mémoire, De Boeck, 2016
12. Lehmans, Anne et Liquète, Vincent, « Le
document dans une pragmatique
sociale de l'information »,
Communication & langages,‎2019,
p. 115-129 (lire en ligne (https://www.cairn.inf
o/revue-communication-et-langages-2019-1-pag
e-115.htm) [archive])

13. Stalder, Angèle, « Du bureau au


chantier : communiquer (par) le
document ou quand le document
soutient la socialisation
professionnelle », Communication &
langages, no 199,‎2019, p. 131-146 (lire
en ligne (https://www.cairn.info/revue-communi
cation-et-langages-2019-1-page-131.ht

m) [archive])
14. Céline Gendron, « Le support du
document est-il lui-même un
document ? L’exemple du papier »,
Documentation et bibliothèques, vol. 59,
no 2,‎25 septembre 2015, p. 102–113
(ISSN 2291-8949 (https://portal.issn.org/resour
ce/issn/2291-8949) et 0315-2340 (https://porta
l.issn.org/resource/issn/0315-2340),
DOI
10.7202/1033222ar (https://dx.doi.org/10.7202/1033
, lire en ligne (http://id.erudit.org/iderudit/10332
22ar) [archive], consulté le 25 novembre 2019)
15. Cristina Ortega et Gustavo Saldanha,
« La notion de document d’Otlet à
Meyriat et les propositions
néodocumentalistes », Sciences de la
société, no 100,‎1er janvier 2017
(ISSN 1168-1446 (https://portal.issn.org/resour
ce/issn/1168-1446) et 2275-2145 (https://porta

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10.4000/sds.5945 (https://dx.doi.org/10.4000/sds.59
, lire en ligne (http://journals.openedition.org/sd
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16. Witt, Maria, « La normalisation et le


bibliothécaire », BBF, 1993, n° 5, p. 37-39
17. « Normes, formats, données d'autorité
(http://www.bnf.fr/fr/professionnels/cat
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BnF - Site institutionnel (consulté le
28 octobre 2020).

18. Revelli, Carlo, « L'assassinat des


catalogueurs (http://bbf.enssib.fr/consu
lter/bbf-2005-04-0013-002) [archive] »,
BBF, 2005, n° 4, p. 13-19
http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2005-
04-0013-002#note-48 [archive]
19. Béthery, Annie, « Liberté bien
ordonnée... », BBF, 1988, n° 6, p. 450-455
20. « Accueil - rameau (http://rameau.bnf.f
r/) [archive] », sur bnf.fr (consulté le
6 octobre 2023).
21. Lyne Da Sylva « Relations sémantiques
pour l'indexation automatique »,
Document numérique 3/2004 (Vol. 8), p.
135-155.

Voir aussi

Articles connexes

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