0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
46 vues45 pages

versification_theorie_generale

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1/ 45

La versification

Quelques repères
Définition

 La versification française recouvre les règles


d’écriture poétique

 Avant le romantisme et d’autres courants ou


poètes qui émancipèrent la poésie des règles
classiques aux XIXe et XXe siècles, écrire un
poème était très codifié
Compter les syllabes

le «e», parfois caduc (=muet):


1) Il compte toujours comme syllabe, quand il est placé entre deux consonnes :

Quand Colette Colet colie (8)


Elle le prend par le colet (8)
(Eustache Deschamps)

2) Il ne compte pas comme syllabe devant un mot commençant par une


voyelle ou un h muet (ex. l’horloge):
Pour contenter notre désir (8)
Et satisfaire à notre attente, Et satisfair'à notre attente (8)
Ne faîtes qu'un demi-soupir (8)
Et nous en ferons plus de trente. (8)
(Charles Cotin)
Le « e » caduc

3) L'e ne compte pas comme une syllabe à la fin du vers:

Quand nous habitions tous ensemble (8)


Sur nos collines d'autrefois, (8)
Où l'eau court, où le buisson tremble (8)
Dans la maison qui touche aux bois... 8
(Victor Hugo)

4) Placé à l'intérieur d'un mot, entre une voyelle et une consonne,


l’ « e » ne compte pas.

Je ne t'envierai pas ce beau titre d'honneur.


(Corneille)
Petits exercices: comptez les
syllabes

 Quand à longs traits je bois l’amoureuse


étincelle
(Ronsard)
Petits exercices: comptez les
syllabes

 Quand à longs traits je bois l’amoureuse


étincelle
(Ronsard)
Petits exercices: comptez les
syllabes

 Comme un ange qui se dévoile


(Hugo)
Petits exercices: comptez les
syllabes

 Comme un ange qui se dévoile


(Hugo)
Diérèse et synérèse

Quand plusieurs voyelles se suivent dans un mot, il faut


savoir combien elles forment de syllabes, car la diction
du poème en dépend.
 La prononciation en deux syllabes de deux voyelles
côte à côte s'appelle une diérèse (dié  2) Ex: hi-
er / li-on
 La prononciation en une syllabe de deux voyelles
côte à côte s'appelle une synérèse. Ex: mièvre / hier /
lion
 C'est le versificateur qui décide de la prononciation et
non l'étymologie.
 En cas de doute, c’est le cotexte qui aide à la décision
L’accent tonique

 L’accent tonique met en relief une syllabe dans un mot en


augmentant l’intensité de la voix, en élevant le ton. La
syllabe ainsi accentuée est appelée « tonique », les autres
« atones ».
 En français, on accentue la dernière syllabe d’un mot (à
terminaison masculine) … SAUF…
si la syllabe du mot se termine par un « e » muet (mot à
terminaison féminine): on accentue l’avant-dernière syllabe

Exemples: longtemps
indépendance
l’amour est amer
L’accent tonique

 Dans le langage courant, on a tendance à garder les


accents sur le dernier mot du groupe de sens, on
neutralise les accents dits « toniques » de chaque mot
 Ex: La Petite Maison dans la prairie n’est plus diffusée

 MAIS en poésie, la diction poétique est


emphatique, elle marque les accents toniques sur
tous les mots en renforçant encore le dernier mot
d’un groupe de sens et à la fin du vers
Le rythme du vers

 Le rythme d’un vers est donné par les accents


toniques (syllabe accentuée, plus longue)
 Après la syllabe accentuée (en gras), la voix marque
une courte pause appelée coupe (/)
 Ex. J’ai longtemps / habité // sous de va/stes
portiques
Baudelaire, « La Vie antérieure »

Ce vers est composée de 4 groupes de 3 syllabes,


produisant une cadence uniforme.
Exercice de repérage
rythmique

 Quel est le schéma rythmique de ce vers de


Jean Racine (Phèdre):

« Juste ciel! Tout mon sang dans mes veines se


glace. »
Exercice de repérage
rythmique

 Quel est le schéma rythmique de ce vers de Jean


Racine (Phèdre):

« Juste ciel/! Tout mon sang // dans mes vei/nes


se glace. »

Réponse: 3/3//3/3
Rythme binaire (régularité, équilibre)
Exercice de repérage
rythmique

 Quel est le schéma rythmique de ce vers de


Victor Hugo tiré de « Demain, dès l’aube » (Les
Contemplations):

« Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées. »


Exercice de repérage
rythmique

 Quel est le schéma rythmique de ce vers de Victor Hugo tiré


de « Demain, dès l’aube » (Les Contemplations):

« Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées. »

Réponse: Je marcherai / les yeux fixés / sur mes pensées

Rythme ternaire: 4 / 4 / 4
- Évocation du balancement régulier de la marche
- Évocation de l’absorption du père meurtri dans ses pensées
lancinantes
Exercice de repérage
rythmique

 Ce vers de Pierre de Corneille (Suréna) est-il


binaire ou ternaire?

« Toujours aimer, toujours souffrir, toujours


mourir. »
Exercice de repérage
rythmique

 Ce vers de Pierre de Corneille (Suréna) est-il


binaire ou ternaire?

« Toujours aimer, / toujours souffrir, / toujours


mourir. »

Réponse: 3 groupes de 4 syllabes


- Évocation de la force contraignante du destin et
de l’accablement qui en résulte.
Le rythme peut être

 Croissant, quand les groupes sont de plus


en plus longs (amplification):
 Décroissant, quand les groupes sont de
plus en plus courts (marquer le déclin, la
chute)

Vers au rythme croissant:


Ô ra/ge! Ô désespoir! // Ô vieillesse ennemie!
Pierre Corneille, Le Cid
La césure
 C'est une coupure, un repos placé dans un vers après une
syllabe accentuée.
EXEMPLE:
Mais si quelqu'un venait //de la part de Cassandre;
(césure due au groupe fonctionnel)
Ouvre lui tôt la porte, //et ne la fais attendre;
(césure due à la virgule et à la conjonction "et »)
Pierre de Ronsard

 Dans cet extrait d'un poème de Ronsard, les 3 alexandrins


ont une césure entre la sixième et la septième syllabe:
chaque moitié du vers se nomme hémistiche.
L’hiatus

 Il se produit un hiatus quand deux voyelles, l'une finale,


l'autre initiale, se rencontrent. Ceci est surtout mal
venu lorsqu'une voyelle rencontre une même voyelle:
Il se réveilla à l'aube.
J'ai évité la pluie.

 Quand un mot commence par un h aspiré, il n'y a pas


de hiatus.
Il me passa sa hache.

 Finalement, il faudrait éviter l'hiatus qui choque l'oreille


à la diction.
L’enjambement

 Recouvre toute inadéquation entre syntaxe et


métrique
 Un groupe syntaxique déborde sur le vers suivant
 On peut jouer avec ce procédé pour créer un effet
de continuité ou de mise en évidence
 L’enjambement peut même être strophique

 Ex: « Et je ne hais rien tant que les contorsions


De tous ces grands faiseurs de protestations »
Molière, Le Misanthrope
Enjambement: le rejet

 Le contre-rejet est un type d’enjambement


facilement identifiable: une partie du vers
précédent (un ou deux mots) déborde dans le vers
suivant.

Le spectacle fini. la charmante inconnue


Se leva; le cou blanc, l'épaule demi-nue
Se voilèrent; la main rentra dans le manchon.
Et, lorsque je la vis au seuil de sa maison
S'enfuir, je m'aperçus que je l'avais suivie.
(Alfred de Musset)
Enjambement: le contre-rejet

 Le contre-rejet est un type d’enjambement


facilement identifiable: une partie du vers
suivant, comptant un ou deux mots, est contenue
dans le vers précédent (aspiration)

Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,


Défilent lentement dans mon âme; l'espoir,
Vaincu, pleure, et l'angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
(Charles Baudelaire, « Spleen »)
La rime
La rime peut être féminine: La dernière syllabe se termine par un
« e » muet
Mignonne allons voir si la rose
Qui ce matin avait déclose
(Pierre de Ronsard)

La rime peut être masculine: La dernière syllabe ne se termine


pas par un « e »
En sa plus verte nouveauté
Fera ternir votre beauté
(Pierre de Ronsard)

 « nouveauté » et « beauté » sont de genre masculin: la rime n'a donc


aucun rapport avec le genre des noms.
 La poésie classique alterne rimes masculines et rimes féminines.
Rimes riches, suffisantes,
pauvres
Riche Suffisante Pauvre

Au moins trois sons Deux sons doivent Un seul son rime


doivent rimer. rimer.
Quand la pluie
D’aller là-bas vivre C'était un peu avant étalant ses
ensemble Noël, immenses traînées
(…) Quand on met les D'une vaste prison
Au pays qui te jambons en sel. imite les barreaux,
ressemble Le roman de Renart Et qu'un peuple
muet d'infâmes
(Charles Baudelaire) araignées
Vient tendre ses
filets au fond de nos
cerveaux.
(Charles Baudelaire)
Types de rimes: la rime plate
 La rime est dite « plate » quand les rimes masculines et féminines
alternent deux à deux

Quand une lueur pâle à l'orient se lève, (a)


Quand la porte du jour, vague et pareille au rêve, (a)
Commence à s'entreouvrir et blanchit l'horizon, (b)
Comme l'espoir blanchit le seuil d'une prison, (b)
Se réveiller, c'est bien, et travailler, c'est juste. (c)
Quand le matin à Dieu chante son hymne auguste, (c)
Le travail, saint tribut dû par l'homme mortel, (d)
Est la strophe sacrée au pied du sombre autel; (d)
(Victor Hugo)

Schéma: aabb / ccdd / eeff / …


Rimes croisées

 Les rimes croisées: elles alternent une à une:

Comme je descendais des Fleuves impassibles


(a)
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs : (b)
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour
cibles (a)
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.
(b)(Rimbaud)

Schéma: abab / cdcd / efef /


Rimes embrassées

 Lorsque deux rimes sont entourées par deux


autres:

Lecteur, as-tu quelquefois respiré (a)


Avec ivresse et lente gourmandise (b)
Ce gravin d'encens qui remplit une église (b)
Ou d'un sachet le musc invétéré? (a)
(Charles Baudelaire)

Schéma: abba / cddc / effe /


La rime: des reflets

 Les mots à la rime s’allument de reflets


réciproques, comme le disait Mallarmé.
 Les mots à la rime sont rapprochés par leur
signifiant (leur plasticité phonétique). Par
extension, leur signifié (ce qu’ils signifient)
peut être confronté.
 Les mots à la rime sont souvent les mots-clé
du poème.
La poésie transforme la
phrase!
L'inversion (ou transformation de la phrase P): permet de changer
la place des mots dans la phrase afin de placer le mot essentiel à la
rime

De paresse amoureuse et de langueur voilée (Alfred de Musset)


 Au lieu de: Voilée de langueur et de paresse amoureuse.

Inversion du sujet du verbe :

Je fuis, ainsi le veut la fortune ennemie. (Racine)


 Au lieu de: Je fuis, ainsi la fortune ennemie le veut

Inversion du complément du verbe:


Le temps aux plus belles choses / Se plaît à faire un affront;
Allitérations et assonances
 Allitération: répétition des mêmes syllabes
consonantiques
Assonance

Répétition de mêmes syllabes vocaliques (voyelles)

 avec le phonème /i/:

« Tout m’afflige et me nuit et conspire à me


nuire »
Racine, Phèdre
Jeu sur les sons et la
structure
 Le rythme et la sonorité semblent s'accorder aux
sentiments :

Les sanglots longs


Des violons
De l'automne
Blessent mon cœur
D'une langueur
Monotone.
(Paul Verlaine, Chanson d’automne)

Allitération en « l » et retours à la ligne miment la monotonie et la


lassitude
Strophes
 La strophe est un ensemble de vers formant un
groupe, une unité. On nomme une strophe en
fonction du nombre de vers qu’elle contient.
 1 seul vers est appelé un « monostique »
« Et l’unique cordeau des trompettes marines »
(Apollinaire, Alcools)
Poèmes à forme fixe

 Les poèmes à forme fixe respectent une


structure imposée, comme le nombre et la
répétition de vers, des strophes, une
certaine alternance des rimes.

 Les plus connus en Occident sont le sonnet,


la fable, la ballade, l’ode, le rondeau, le
triolet et le pantoum
Le sonnet

liberté en poésie que


l'auteur peut prendre
avec les règles et
l’usage

Boileau, Art poétique, XVIIe s.


Exemple de sonnet
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.

Comme de longs échos qui de loin se confondent


Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

II est des parfums frais comme des chairs d'enfants,


Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
— Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,

Ayant l'expansion des choses infinies,


Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal


La fable

La cimaise ayant chaponné


Tout l’éternueur
Se tuba fort dépurative
Quand la bixacée fut verdie :
Pas un sexué pétrographique
morio
De moufette ou de verrat. La fraction n’est pas prévisible :
Elle alla crocher frange C’est là son moléculaire défi.
Chez la fraction sa volcanique « Que ferriez-vous au tendon cher
La processionnant de lui primer ?
Quelque gramen pour succomber Discorda-t-elle à cette énarthrose.
Jusqu’à la salanque nucléaire. - Nuncupation et joyau à tout
« Je vous peinerai, lui discorda-t- vendeur,
elle, Je chaponnais, ne vous déploie.
Avant l’apanage, folâtrerie - Vous chaponniez ? J’en suis fort
d’Annamite ! alarmante.
Exemple d’un pantoum
Les papillons jouent à l'entour sur leurs ailes ;
Ils volent vers la mer, près de la chaîne des
rochers.
Mon cœur s'est senti malade dans ma poitrine,
Depuis mes premiers jours jusqu'à l'heure
présente.

Ils volent vers la mer, près de la chaîne de


rochers...
Le vautour dirige son essor vers Bandam.;
Depuis mes premiers jours jusqu'à l'heure
présente,
Exemple d’une ballade

Poème médiéval
composé de trois
strophes
(couplets)
carrées et d’une
demi-strophe
appelée
« envoi »
Traduction de la ballade des
pendus

Frères humains, qui après nous vivez,


N'ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, si pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
Vous nous voyez ci attachés, cinq, six :
Quant à la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéça dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s'en rie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
(…)
Le Haïku

Un vieil étang et
Une grenouille qui plonge,
Le bruit de l'eau.

Bashō
L’art poétique

 Ensemble de critères propres à tel auteur, tel recueil


ou tel courant définissant les règles de la poésie, du
Beau, au service d’une esthétique particulière.

 Ex.
De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l'Impair
Plus vague et plus soluble dans l'air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.
(Paul Verlaine)
Source principale

Buffard-Moret (B.), Introduction à la versification, Paris, Dunod,


coll. « Les topos », 1997 (128 pages)

Vous aimerez peut-être aussi