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Crisis Management in the Tourism Industry 2nd


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suivant les lignes de contact géologique, plutôt que le long des
oueds.
A la traversée des plateaux Touaregs, les oueds sont
extrêmement pittoresques, ils se sont taillé des canyons étroits, aux
murailles perpendiculaires de grès nu, parfois très élevées. Ces
gorges sauvages ne sont pas seulement superbe matière à
photographies, elles ont pour les Touaregs quelque intérêt
alimentaire ; la preuve en est que, en certains points privilégiés, on
y observe des groupements de gravures rupestres, trace la plus
durable d’ancienne fréquentation — dans le Foum Zeggag par
exemple, dans l’O. Tar’it surtout, ou encore dans les gorges de
Tiratimin (Mouidir, d’après le colonel Laperrine).
La verdure des canyons pourtant se réduit à une bande étroite au
fond du lit, on mène paître de préférence dans les bas-fonds
largement étalés, où les bêtes s’égaillent sur de grands espaces, et
où le pâturage s’épuise lentement.
A l’intérieur de la zone gréseuse les points les plus fréquentés
sont les vallées très ouvertes, — au contact argileux des deux étages
gréseux éodévoniens, Ouallen par exemple, Taoulaoun (voir pl. XLV,
phot. 84) ; — ou bien encore la cuvette synclinale d’Iglitten où s’est
conservé un lambeau méso-dévonien.
Mais c’est de préférence la lisière de la zone gréseuse qui est
vivante, au nord et au sud, en aval et en amont de l’auréole
éodévonienne.
En aval de l’Ahnet, par exemple, s’étend la grande plaine d’el
Ouatia, colmatée d’alluvions plus ou moins transformées en dunes.
Cette masse alluvionnaire, qui voile la pénéplaine méso- et
néodévonienne est très humide, semée de puits ; sur une grande
étendue c’est un pâturage utilisable, on y rencontre toujours des
tentes sur un point ou l’autre, et cette plaine pourrait bien être le
cœur économique de l’Ahnet, encore qu’elle lui soit excentrique et
simplement tangente, à parler littéralement.
A l’autre frontière, celle d’amont, la méridionale, au pied et en
arrière des falaises dévoniennes terminales (baten Ahnet),
s’étendent sur la pénéplaine silurienne des plaques considérables
d’alluvions humides, maader et erg : — ce sont les résidus ou les
représentants de ce qu’on appelle en Russie les lacs de glint ; —
pâturages d’Aït el Kha, de Ouan Tohra, de Haci Masin, d’Adoukrouz,
dans l’Ahnet ; de maader Arak et de Tadjemout au Mouidir.
En somme, aux plateaux Touaregs, la vie végétale, et par
conséquent humaine, est surtout périphérique ; les plateaux gréseux
eux-mêmes se présentent sous la forme de hammadas grandioses et
abominables, indéfiniment nues, noires et luisantes.

La flore. — La flore du Mouidir-Ahnet n’a rien d’original. Au


moins n’avons-nous pas vu, je crois, une seule espèce qui ne figure
dans le catalogue de Foureau[240].
Les pâturages ne contiennent rien qui soit de nature à
surprendre l’estomac des méharis du nord ; on y voit les plantes
classiques : le had, le dhamrane, le belbel (toutes trois des
salsolacées). Tout au plus pourrait-on signaler parmi les graminées la
prédominance inusitée du bou-rékouba (Panicum turgidum et
colonum) sur le drinn (Arthratherum pungens). La première est
plutôt soudanaise, et la seconde algérienne.
Les espèces arbustives ou arborescentes sont naturellement peu
nombreuses ; il semble qu’on puisse essayer d’en dresser une liste,
qui sera à la fois très courte et à peu près complète.
Le plus bel arbre, on pourrait presque dire le seul qui mérite ce
nom est le talha (acacia gommier) ; quelques échantillons
supportent la comparaison avec un grand arbre de notre flore
européenne ; la grande majorité, il est vrai, sont bien plus modestes,
le tronc atteint à peine la grosseur de la cuisse. (Voir pl. XLVIII,
phot. 89.) Après le gommier il faut citer le teboraq (Balanites
ægyptiaca) qui a lui aussi le port et les dimensions d’un arbre
médiocre.
L’ethel et le tarfa (deux espèces de Tamarix) sont de beaux
végétaux, de grosses masses de verdures, mais d’allures
buissonnantes, aux troncs multiples et rampants, la ramure est seule
vivante, le tronc est un cadavre pourri, où le doigt enfonce. (Voir pl.
XLV, phot. 84.) C’est le gommier seul, vu la rareté des Balanites, qui
fournit aux Touaregs ce qu’on pourrait appeler leur bois
d’ébénisterie, c’est-à-dire de quoi fabriquer le seul meuble du
nomade, la selle de son méhari. Sur les gommiers et les Balanites les
tamarix ont, du moins, la supériorité de n’être pas épineux,
infiniment appréciée de qui s’assoit à leur ombre. Après ces géants il
ne reste que le menu fretin des broussailles et des arbustes : — le
r’tem qui a des allures de genêt, — le koronka (Callotropis procera),
qui ne mérite guère cette épithète latine ; il n’a de grand que son
fruit, une énorme gousse ovoïde, d’un beau vert frais, aussi gros
qu’un œuf d’autruche, ridiculement disproportionné à sa taille d’un
mètre cinquante : il joue un rôle important dans l’économie
domestique des Touaregs ; son suc laiteux tient lieu du goudron
végétal des Algériens, c’est un remède efficace contre la gale des
chameaux, et son bois donne le charbon nécessaire à la confection
de la poudre.
Toute cette flore arbustive, au point de vue de la géographie
botanique, est plutôt méditerranéenne, la plupart des espèces
comme le r’tem et le tamarix rappellent le sud de l’Algérie ;
quelques-unes seulement, font déjà songer au Soudan, comme le
Balanites ægyptiaca dont le nom revient si souvent dans Barth. En
somme, c’est la flore saharienne classique, avec un caractère
nettement septentrional. Il y a peu de rapports avec la flore
nettement soudanaise de l’Adr’ar des Iforass, pourtant voisin.
D’autre part on ne voit pas encore apparaître, à ces altitudes
médiocres, quelques espèces qu’on nous signale plus haut, dans le
Hoggar ou même à l’Ifetessen ; le jujubier par exemple (zizyphus
lotus) fait défaut, de même que l’olivier sauvage et le thym.
Ce n’est donc pas par l’originalité de sa flore que le Mouidir-Ahnet
se distingue, c’est par son abondance relative. Le lit des oueds et les
bas-fonds étendus, zones d’épandage des crues, qui sous un autre
climat seraient marécageux, et qu’on appelle ici des maader,
dessinent à la surface du pays un lacis de verdure, et comme un
réseau de circulation et de vie. Il est vrai qu’ils sont mis en valeur
par l’effroyable nudité des grands plateaux gréseux qui les séparent.
Le contraste et la surprise, la satisfaction de déjeuner à l’ombre, en
rehaussent singulièrement l’effet sur l’œil du voyageur et rendent
délicate la mise au point des impressions.
C’est incontestablement une verdure éparse et rabougrie, et qui
paraîtrait misérable ailleurs qu’au désert. Telle qu’elle est pourtant,
elle suffit à la subsistance d’une faune assez abondante d’animaux
sauvages et domestiques.
CARTE
DU
Tidikelt
ET DU
Mouidir-Ahnet
par E. F. Gautier

Fig. 61.

Faune. — Pas de grands carnassiers, rien qui dépasse la taille du


renard, du chacal et du fennec (un tout petit canidé à grandes
oreilles)[241]. Ils trouveraient pourtant à se nourrir, car le gibier est
assez abondant. La girafe et l’autruche ne sont représentées
aujourd’hui que par leurs effigies ; l’autruche, en particulier, a été
reproduite avec prédilection par les artistes inconnus, auteurs des
gravures rupestres. Pas de sanglier, — nous n’avons pas rencontré
d’antilope mohor, dont l’existence pourtant ne fait pas de doute,
puisque les Touaregs emploient sa peau à confectionner leurs grands
boucliers. Les sommets rocheux servent de refuge à des mouflons.
Mais c’est la gazelle surtout qui est de rencontre quotidienne, dans
le voyage de 1903 les méharistes de l’escorte en ont tué cinquante-
quatre ; il est vrai que cette hécatombe s’explique, non seulement
par l’abondance du gibier, mais aussi par son inexpérience des fusils
à longue portée. Les gangas (un gallinacé voisin de la perdrix) sont
aussi d’une candeur qui surprend ; les allures du gibier témoignent
de la rareté de l’homme et de la médiocrité de ses armes.
Tout cela, en y ajoutant le lièvre, ne constitue pas une faune
sauvage beaucoup plus riche que celle des grands ergs par exemple.
Il semble seulement que le nombre des individus soit plus grand au
Mouidir Ahnet.
La faune domestique est plus intéressante ; c’est Duveyrier, je
crois, qui a signalé en pays touareg la présence de l’âne sauvage ou
onagre[242]. Nous avons en effet rencontré (à Tadjemout, en
particulier) des troupeaux d’ânes en liberté, loin de toute habitation
humaine actuelle. Mais on sait qu’au cours de la première randonnée
du commandant Laperrine au Mouidir (1902) un de ces animaux fut
chassé, abattu, et qu’on le trouva châtré. Il s’agit, en réalité, d’un
mode particulier d’élevage ; les animaux sont complètement laissés
à eux-mêmes, on se fie à leur sauvagerie pour les protéger contre le
vol. Il semble, il est vrai que cette sauvagerie doive rendre illusoires
les droits du propriétaire : il se contenterait, dit-on, de capturer et de
dresser les ânons.
Pour que l’élevage soit possible dans de pareilles conditions, il
faut un pays de sources et d’aguelman, où l’eau est directement
accessible aux bêtes. Dans le Grand Erg ou sur les plateaux crétacés,
là où il n’y a d’eau qu’au fond des puits, une bête ne peut boire que
si on l’abreuve. La gazelle se tire d’affaire par un miracle qu’on n’a
jamais expliqué, peut être une faculté d’abstinence qui dépasserait
celle du chameau, ou l’utilisation ingénieuse des plantes succulentes.
L’âne abandonné à lui-même serait condamné à mort. D’une façon
générale, pour un peuple pasteur, l’existence de l’eau à l’air libre est
une condition sine quâ non d’existence ; on ne voit pas les Touaregs
abreuvant toutes leurs bêtes seau par seau péniblement tiré du
puits.
Ceux du Hoggar élèvent certainement des bœufs à bosse du
Soudan ; Guillo Lohan en a vu par troupeaux d’une quarantaine[243].
Motylinski les signale fréquemment. Les Touaregs du Mouidir-Ahnet
ne semblent pas en avoir ; pourtant les prisonniers de 1887 ont
affirmé le contraire à Bissuel[244] ; et il ne paraît pas incroyable que
le Mouidir-Ahnet puisse nourrir quelques bœufs, cela n’est pas en
tout cas impossible a priori.
Il y a d’assez beaux troupeaux de chèvres et de moutons sans
laine (deman). Les chameaux[245] sont naturellement la partie la
plus précieuse du cheptel. Il y aurait une comparaison intéressante à
faire entre les méharis touaregs et ceux d’Ouargla (élevés par les
Chaamba). Que ceux-ci, habitués au sable, se coupent les pieds sur
les cailloux des hammadas, c’est sans doute une simple question
d’entraînement. On a signalé depuis longtemps des différences de
poil : le méhari targui est parfois tout blanc ; et des différences de
structure générale : le méhari targui est moins massif, plus léger. Ce
qui frappe surtout, c’est ce qu’on pourrait appeler ses qualités
morales ; il est familier, souple, et même silencieux ; cette dernière
qualité est particulièrement rare chez ses congénères ; de son maître
à lui on croit deviner des liens de confiance et de compréhension
mutuelle. En somme, c’est un méhari plus évolué, plus éloigné, par
la sélection et le dressage, du chameau de bât dont j’imagine qu’il
est issu. Aussi il fait prime, les Chaamba eux-mêmes reconnaissent
sa supériorité, malgré leur amour-propre d’éleveurs.

Le Mouidir. — La partie étudiée des plateaux Touaregs se divise


en deux parties, en deux individualités bien distinctes, au point de
vue géographique et humain, le Mouidir et l’Ahnet.
Le nom de Mouidir est une déformation, dans laquelle il est
difficile de dire la part qui revient à la phonétique arabe et à
l’européenne, du nom berbère Immidir. La forme incorrecte,
consacrée par l’usage, me paraît avoir éliminé tout à fait l’autre.
Il s’agit ici d’une petite partie du Mouidir, la lisière occidentale.
Encore que le Mouidir lato sensu soit en dehors de notre sujet,
puisque nous ne l’avons pas vu, il est impossible de ne pas signaler
entre lui et l’Ahnet une très curieuse similitude de conformation ;
non seulement la composition géologique est la même, on l’a déjà
dit ; mais la structure et la forme générale sont identiques.
Les cartes le montrent d’un coup d’œil. Que l’on compare par
exemple notre carte de l’Ahnet avec celle du Mouidir, dressée par M.
Besset[246]. J’ai d’ailleurs publié moi-même une carte géologique
générale du Mouidir-Ahnet[247], qui a rapidement vieilli, mais qui fait
ressortir la symétrie entre ce qu’on pourrait appeler les deux
organismes jumeaux ; le Mouidir et l’Ahnet représentent chacun une
cuvette d’effondrement distincte, semi-circulaire ; ou si l’on veut une
cuvette synclinale fermée au sud. Dans les deux pays toutes les
pentes des hammadas convergent, en section d’entonnoir, vers un
centre qui est marqué par la présence des dépôts quaternaires et
des dunes.
Les ergs Ennfous et Tessegafi correspondent exactement aux
ergs Tegant et Iris. L’oued Adrem tient exactement la place de l’oued
Arouri (Bota) ; les pâturages d’el Ouatia ont leur pendant au Mouidir
dans les maader Tegant et Iris.
D’autre part, les deux pays, Ahnet et Mouidir, à leur extrémité
occidentale, projettent vers le nord, vers le Tidikelt, en long
promontoire, une chaîne gréseuse, caractérisée par des
bombements anticlinaux fermés. Les curieux accidents isolés de
Tikeidi et de Timegerden sont, dans l’Ahnet, la reproduction des dj.
Azaz et Idjeran au Mouidir.
La ressemblance fraternelle se laisse établir trait pour trait. Ici et
là les mêmes causes orogéniques ont produit les mêmes effets.
Entre les deux régions la seule différence est de niveau, mais elle
est considérable. Le Mouidir est traversé par le grand axe
montagneux nord-africain, la ligne Hoggar-Ifetessen-Tadmaït. Il est
bien plus élevé que l’Ahnet. L’Ifetessen atteint 1 600 mètres, l’Adr’ar
Ahnet 1 000, et l’Açedjerad cinq ou six cents.
Tout est plus grand au Mouidir. M. Besset y décrit des canyons
profonds de plusieurs centaines de mètres, ceux que j’ai vus sont
certainement plus modestes — 60 ou 80 mètres au maximum. Il a
mesuré des aguelman cinq fois plus grands que Taguerguera, le
géant de l’Ahnet, et peuplés de barbeaux. Les indigènes lui ont
même signalé des crocodiles dans les aguelman du haut Tifirin ;
mais ce renseignement semble controuvé ; on sait pourtant qu’Erwin
de Bary affirme leur existence au lac Mihero, dans le Tassili des
Azguers[248].
M. Besset a trouvé au Mouidir des sources chaudes (Idjeran 38°,
Djoghraf 48°) ; et Erwin de Bary en a vu une de 37° dans l’oued
Mihero. Cela suppose évidemment au Mouidir et au Tassili des failles
plus accusées et des nappes d’eau plus profondes que dans l’Ahnet.
L’eau plus abondante au Mouidir permet quelques misérables
cultures (oasis de Djoghraf par exemple).
La partie du Mouidir que nous avons vue, et que nous décrivons,
n’est guère plus élevée que l’Ahnet, elle n’en participe pas moins,
dans une certaine mesure, à la plus grande richesse en eau du
Mouidir lato sensu. Les pâturages y sont étendus, vallée d’In Belrem,
de Taoulaoun, maader Arak. A Tahount Arak le colonel Laperrine en
1902 a vu de petits barbeaux qui avaient disparu en 1903 et qui
évidemment avaient été apportés des hauts de l’oued par la crue.
Notons surtout qu’en 1903 à l’aïn Tadjemout, nous avons vu des
traces de culture ; ce fut certainement un point habité, encore qu’on
ne vît pas le moindre vestige de construction. En temps normal, des
tentes ou des gourbis y étaient dressés en permanence : de la
source part l’amorce d’une séguia ; sur une vingtaine de mètres
court, ou plutôt stagne un petit canal d’irrigation, soigneusement
complanté de joncs qui le recouvrent en dôme, et le protègent
contre l’évaporation ; c’est rudimentaire et misérable, mais c’est
l’indice incontestable d’une intention agricole.
Aussi bien Motylinski a dressé par ouï-dire une liste des ar’rem
(oasis) touaregs[249] et celui de Tadjemout y figure. En 1903 la
présence en troupeaux d’ânes soi-disant sauvages à proximité de la
source témoignait apparemment de l’exode récent des habitants.
La venue des Français a vidé le Mouidir de ses habitants, mais il
a ses propriétaires, qui reprendront, si ce n’est déjà fait, le chemin
de leurs anciens pâturages. Le Mouidir lato sensu est terrain de
parcours des Kel Immidir, tribu Imr’ad du Hoggar. Mais le bas
Mouidir occidental (les environs de Tadjemout, le maader Arak), en
un mot la région qui nous occupe, appartient aux Islamaten, autre
tribu Imr’ad du Hoggar « presque agrégée à celle des Kel Immidir,
avec qui ils vivent ». Sur le Mouidir occidental (plus particulièrement,
semble-t-il, le maader de Taoulaoun, l’oued In Belrem), les Arabes
nomades d’In Salah ont ou revendiquent des droits de
propriété[250].
Entrer dans plus détails nous entraînerait à exposer l’organisation
politique et sociale du Hoggar. C’est une besogne qui a été bien faite
par M. Benhazera[251].
Bornons-nous à constater que nous sommes ici, au Mouidir, dans
une annexe du Hoggar, c’est-à-dire dans un pays ethniquement et
politiquement distinct de l’Ahnet.

L’Ahnet. — L’Ahnet est séparé du Mouidir, au moins le long de


l’itinéraire suivi en 1903, par une hammada désolée où les oueds
Nazarif et Souf Mellen se sont creusé des lits à sec. Entre les
groupements humains du Mouidir et de l’Ahnet, il y a donc semble-t-
il solution de continuité assez marquée ; en tout cas, pour les
indigènes, la frontière est très nette et les deux pays très distincts.
Le hasard des itinéraires nous a particulièrement familiarisés avec
l’Ahnet d’un bout à l’autre et on peut en essayer une monographie.
La carte jointe a été construite pour partie avec les itinéraires
Laperrine, Voinot, Villatte[252], et pour partie avec un itinéraire
original, de Taourirt à Tin Senasset, au sujet duquel on trouvera en
appendice des renseignements précis. Mais j’ai suivi, sans les lever,
une bonne partie des itinéraires Laperrine, Voinot et Villatte.
Je ne suis pas sûr qu’il soit correct d’étendre le nom d’Ahnet à la
totalité de la région considérée ; les indigènes, autant qu’on peut en
juger le réservent à la moitié orientale, et donnent à la corne
occidentale celui d’Açedjerad ou Achegrad : (ce sont deux variantes
dialectales du même nom, correspondant à deux prononciations
différentes, djoug, du même caractère, tifinar’)[253].
En tout cas le complexe Ahnet-Açedjerad est une unité
géographique, économique et ethnique, domaine propre des Kel
Ahnet et de leurs suzerains Taïtoq.
Bissuel donne au pays qui nous occupe le nom de « région de
l’Adrar Ahnet », et Duveyrier avant lui l’avait baptisé « Baten
Ahnet ». Ce sont deux appellations peu satisfaisantes. Baten Ahnet
s’applique à la grande falaise terminale au sud, la falaise de Glint.
Quant à la dénomination de Bissuel : région de l’Adr’ar Ahnet,
elle est bien longue et vague, c’est une périphrase : le nom d’Adr’ar
Ahnet, comme Bissuel l’a bien compris, s’applique à une région bien
délimitée, et non pas à l’ensemble du pays, qu’il faut appeler Ahnet
tout court, comme on dit Mouidir, en englobant l’Açedjerad pour la
commodité de l’exposition.
L’Ahnet a eu une singulière fortune en librairie. Il a fait l’objet
d’une description géographique détaillée quinze ans avant d’être
exploré ou même entrevu par un Européen. En 1887 sept Touaregs
de l’Ahnet, au cours d’une razzia malheureuse, furent capturés par
les Chaamba, et remis aux mains du gouvernement français. Ce fut
l’un d’eux qui accompagna comme guide l’infortuné Crampel. C’était
l’époque où le Targui, dans l’imagination du public, après avoir été
un chevalier du Moyen âge, tournait décidément au traître de
mélodrame ; il fut admis, à tout hasard, que le guide avait trahi : on
peut affirmer aujourd’hui qu’il n’a jamais revu son pays, ce qui laisse
à supposer qu’il partagea le sort de Crampel. Ses six compagnons
d’infortune, internés à Alger, furent interviewés régulièrement
pendant la durée de leur détention par Masqueray, alors directeur de
l’École des Lettres, et le capitaine Bissuel, officier de bureau arabe.
Cette collaboration aboutit à la publication d’un dictionnaire, édité
par Masqueray, et d’un ouvrage descriptif, intitulé Les Touareg de
l’Ouest, par le capitaine Bissuel[254]. C’est la seule fois peut-être
qu’un travail de ce genre ait été fait officiellement dans les prisons.
Le livre de Bissuel est accompagné d’une carte de l’Ahnet, dont
l’original fut dessiné et modelé par les prisonniers avec du sable sur
le carreau de la prison. C’est elle qui a servi de base à tous les
travaux cartographiques ultérieurs : carte du Sahara de notre état-
major, carte de l’Afrique dans l’atlas de Stieler (Blatt I, bearbeitet von
Lüdekke). Nous avons rencontré un des collaborateurs du capitaine
Bissuel, Tachcha ag Ser’ ada : il était inconscient de son importance
géographique, mais il gardait bon souvenir d’Alger, il l’affirmait du
moins, et il exprimait en termes décents son regret de la mort de
Masqueray.
La carte de Bissuel, ou plutôt de Tachcha, et le texte qui
l’accompagne sont naturellement défectueux, mais beaucoup moins
qu’on aurait pu le craindre. La carte figure assez nettement les
différentes parties de l’Ahnet, mais non leurs rapports de position,
c’est un pêle-mêle de détails justes. Par exemple, l’Adr’ar Ahnet et la
montagne d’In Ziza sont, pris isolément, très reconnaissables, mais
l’un est placé à l’ouest de l’autre, tandis qu’en réalité il est au sud.
Cette carte restera une contribution intéressante à l’étude du sens
topographique chez les nomades sahariens. On sait du reste, et la
carte Bissuel suffirait à prouver, combien ce sens est développé ; ç’a
toujours été un objet d’émerveillement pour l’Européen que la sûreté
avec laquelle un indigène suit et retrouve sa route, sans boussole à
travers des solitudes uniformes : aussi bien, dans le pays de la soif,
est-ce une question de vie et de mort. Nous saisissons ici les limites
de ce sens topographique ; il est surtout basé sur des souvenirs
visuels ; le nomade ne se représente nettement que le paysage qu’il
a pu embrasser d’un seul coup d’œil ; la faculté de coordination et
de représentation mentale d’ensemble lui fait défaut ; il y supplée
par la sûreté de sa mémoire des détails.
En somme, Tachcha et ses compagnons de captivité ont fait
honnêtement leur besogne de géographes ; aux questions qui leur
étaient posées ils ont répondu, non seulement avec sincérité, mais
encore avec précision ; et c’est un fait assez remarquable. Peut-être
faut-il se souvenir à ce sujet que les Touaregs sont des Berbères
particulièrement fermés aux influences arabes. Carette, dans ses
Études sur la Kabylie, établit une comparaison intéressante entre les
onomastiques arabe et berbère ; l’une lui paraît poétique et l’autre
terre à terre. « Les noms berbères énoncent un fait, dit-il, les noms
arabes expriment une image. » C’est ainsi qu’un défilé où on s’est
massacré s’appellera Chabet-el-leham, le « défilé de la viande » ;
une source près de laquelle des bandits avaient l’habitude de
s’embusquer sera aïn-chreb-ou-harreb, la source « bois et
fuis »[255]. Qu’on lise dans le livre de Shaw[256] « une dissertation
sur la cité pétrifiée que les Arabes appellent Ras Sem ». C’était une
cité morte de Tripolitaine, avec ses rues et ses boutiques bondées de
passants et d’artisans dans les attitudes les plus vivantes, mais tous
mués en statues d’une roche bleue ou cendrée. Son existence était
considérée comme un fait positif par l’ambassadeur de Tripolitaine à
Londres, qui le tenait d’un ami d’une incontestable véracité. Le
consul de France, M. Le Maire, paya cinq mille francs un enfant
pétrifié, apporté furtivement de la cité mystérieuse, et s’aperçut trop
tard que c’était une statue endommagée de Cupidon, provenant des
ruines de Leptis. Il se consola quelque temps en croyant posséder
d’authentiques brioches de pierre trouvées dans la boutique d’un
boulanger pétrifié, jusqu’au jour où il fut avéré que c’étaient des
fossiles d’oursins, de l’espèce des clypéastres. Shaw admire « la
cervelle extravagante des Arabes, ces maîtres en inventions ». Il est
possible que des prisonniers arabes eussent fourni à Bissuel des
renseignements analogues à ceux que recueillait M. Le Maire, consul
de France. Il est remarquable en tout cas qu’à une description de
l’Ahnet écrite, loin de tout contrôle possible, sous la dictée d’une
demi-douzaine de Touaregs, l’esprit des Mille et une Nuits soit resté
aussi complètement étranger. Ce sont des cerveaux simples,
dépourvus d’imagination.
Voilà qui prête incidemment à des considérations psychologiques
curieuses. On admet aujourd’hui que la proportion du sang arabe
dans l’Afrique Mineure est infinitésimale ; elle est habitée par une
race berbère homogène et ceux que nous appelons des Arabes ne le
sont que de langue. La simple substitution d’une langue à une autre
suffit donc à transformer un esprit précis en rêveur ; ou bien ne
faut-il pas invoquer plutôt l’influence de l’islam et du monothéisme,
dont la langue arabe est le véhicule nécessaire. Naturellement on se
fait aujourd’hui une image de l’Ahnet beaucoup plus précise que le
tableau tracé par Bissuel.
Il n’y a pas à revenir sur la structure ; on s’est efforcé de
l’analyser dans les pages précédentes ; elle n’est pas originale dans
ses traits généraux puisque l’Ahnet est une réduction du Mouidir, et
qu’il y a entre les deux, en quelque sorte, une simple différence
d’échelle.
Pourtant le Mouidir n’a rien qui équivaille au curieux pâté de
montagnes siluriennes dans le coin est et sud-est de l’Ahnet,
système d’Adoukrouz et surtout Adr’ar Ahnet. On a dit que ce sont
des horsts calédoniens fraîchement disséqués par l’érosion ; la
raideur des pentes est exagérée par le climat qui déchausse et met à
nu le squelette rocheux ; le résultat est un dédale confus d’arêtes et
de pitons, séparés par des abîmes, et qui font une impression de
haute montagne. (Voir pl. XLVIII, phot. 89, pl. L et LI.)
Au nord, ce monde à part est isolé et abrité par un long talus
semi-circulaire haut et régulier de couches gréseuses dévoniennes,
redressées à 45°. (Voir pl. XLVIII, phot. 88.) Quand on vient du
Mouidir, au sortir des longues hammadas monotones, on longe le
pied du talus pendant 30 kilomètres, avant de trouver une voie
d’accès, les gorges de l’oued Adjam. C’est une fissure, large à peine
d’une centaine de mètres, mais qui entaille la muraille jusqu’à la
base ; on a l’impression d’une porte dérobée. (Voir pl. XLVI, phot.
85.)
Au delà on débouche brusquement dans un paysage alpestre.
Pourtant le massif d’Adoukrouz est relativement hospitalier ; ses
arêtes sont isolées, contournées et découpées par de larges vallées.
Autour des puits d’Adoukrouz, de Maçin, et sans doute sur d’autres
points encore, s’étendent des pâturages. La région est ouverte, et
les Touaregs y dressent souvent leurs tentes.
Au sud, au contraire, le horst silurien forme un seul bloc
montagneux massif. C’est proprement l’Adr’ar Ahnet. Comme son
nom l’indique, c’est la montagne par excellence, l’alp de l’Ahnet ; elle
domine tout le pays. Les indigènes en sont très fiers, et mettent leur
Adr’ar en parallèle avec la Koudia du Hoggar. Ce point de vue n’est
pas défendable.
Le socle qui supporte l’Adr’ar Ahnet a 500 mètres environ
d’altitude au-dessus du niveau de la mer, et, je ne crois pas, sous
bénéfice d’inventaire, que les sommets dépassent 300 mètres
d’altitude relative au-dessus du socle ; l’altitude absolue ne doit nulle
part atteindre 1 000 mètres. Nous voilà bien loin du mont Ilaman qui
est au moins deux fois plus élevé. Mais les Touaregs n’ont pas de
baromètre, et la Koudia elle-même n’est pas d’accès et d’ascension
plus difficile que l’Adr’ar Ahnet.
Ce bloc énorme de pierre nue se dresse d’un seul jet, avec des
pentes raides et presque verticales, car les strates sont redressées à
60 ou 70° ; l’escalade est difficile, parfois même dangereuse. Nous
avons pu constater que sur toute la face ouest il garde cet aspect de
muraille infranchissable, et, d’après Bissuel, il en est de même sur
les trois autres faces. Il n’y aurait pour pénétrer au cœur de l’Adr’ar
Ahnet qu’une voie d’accès praticable, et nous l’avons suivie, c’est
l’étroit défilé de l’oued Tedjoudjoult. La vallée de l’oued, toujours
aussi profondément encaissée, se prolonge très loin dans la
montagne, son lit est constitué par une telle épaisseur de cailloux
roulés que toute chance de pâturage sérieux se trouve éliminée.
(Voir pl. LI, phot. 93.) Au moins en est-il ainsi jusqu’au point où nous
l’avons remontée. L’Adr’ar Ahnet n’est donc pas un centre de
pâturage, il ne joue pas un rôle économique : en revanche il en joue
un militaire. Ce pâté montagneux inaccessible de toutes parts sauf
par un couloir étroit, long et sinueux, est une admirable forteresse
naturelle, la casbah de l’Ahnet. Désert en temps de paix, il devient le
dernier refuge de la tribu quand elle est battue en rase campagne. A
l’entrée des gorges on distingue des traces de travaux de défense,
une murette en cailloux roulés dans le lit de l’oued.
De tout l’Ahnet, c’est le point que les prisonniers de Bissuel ont
décrit avec le soin le plus méticuleux et l’exactitude la plus
approximative. Evidemment, c’est un point vital.
Des points vitaux d’un autre genre, d’ordre économique, sont les
points d’eau et les pâturages ; on en a déjà étudié la distribution, le
long des limites géologiques.
La vie est surtout périphérique ; au cœur de l’Ahnet (lato sensu),
à l’intérieur de la zone gréseuse, il y a peu de points susceptibles de
fixer les textes : la vallée d’Ouallen, qui s’étire le long de la bande
argileuse intercalée entre les grès ; la cuvette synclinale d’Iglitten,
où s’est conservé un paquet de méso-dévonien.
Les points vivants sont bien plus nombreux au sud et au nord des
plateaux gréseux, sur la lisière. Au sud les maader « de glint » — Aït
el Kha — vallée de l’oued Amdja (Tin Senasset, Ouan Tohra, Foum
Imok) — Haci Maçin — Adoukrouz.
Au nord, les plaines d’alluvions bordières, qui s’étalent, semées
de dunes, suivant la ligne de rupture de pente — les vallées des
oueds Ifisten et Meraguen, avec la région de l’erg Ifisten : — surtout
la grande plaine d’el Ouatia et de l’oued Adrem, avec les ergs
Ennfous et Tessegafi.
La carte et le texte Bissuel sont très détaillés (ce qui n’empêche
pas, il est vrai, la carte d’être singulièrement mauvaise) pour tout ce
qui concerne cette cuvette synclinale centrale. Tout concourt à en
faire une région privilégiée, elle est encadrée entre l’anticlinal de
l’Adr’ar Ahnet et celui de l’Açedjerad. Vers cette cuvette convergent
toutes les pentes des hamadas, et la grande majorité des oueds de
l’Ahnet viennent y aboutir.
Sur le bord externe de l’Ad’rar Ahnet coule l’oued Souf Mellen qui
en draine le versant oriental. Mais, à cette exception près, c’est
l’oued Adrem qui est le grand collecteur de toutes les eaux de
l’Ahnet. Par ses sources il draine la plus grande partie de l’Adr’ar
Ahnet (oued Amdja, oued Tedjouldjoult, oued Maçin). A la traversée
des hammadas il prend le nom d’oued Tar’it. (Tar’it est exactement
l’équivalent berbère de notre « canyon ».) A son débouché dans la
cuvette synclinale, c’est l’oued Adrem ; et toutes les eaux de la
région des hammadas, comme de l’Açedjerad oriental, viennent la
rejoindre.
Cette convergence des oueds produit les effets qu’on en pouvait
attendre. Dans la cuvette synclinale sont accumulés les dépôts
alluvionnaires, comme aussi le tourbillonnement du vent dans cet
immense amphithéâtre de montagnes y a déposé des dunes.
Tout le centre de la cuvette est percé de puits (Ennfous, puits
nombreux en chapelet dans l’oued Adrem) ; son pourtour est
jalonné de sources et d’aguelman (aïn Tikedembati, aguelman
Taguerguera). A sa surface, les oueds élargis dessinent un lacis de
pâturages. Si l’Adr’ar Ahnet est le centre politique et militaire, l’oued
Adrem est le centre économique ; c’est là que les pâturages se
pressent, et qu’on a le plus de chance de rencontrer des tentes.
C’est là en effet que la petite troupe du commandant Laperrine est
entrée en relations pacifiques avec les Taitoq et les Kel Ahnet, en
1903 ; c’est là encore que le capitaine Dinaux en 1905 a vu venir à
lui toute la délégation de l’Ahnet, exactement à Haci Ennfouss[257].
Chose curieuse, de la région des hammadas, qui s’étend entre
l’Adr’ar Ahnet et l’Açedjerad, on ne retrouve pas de traces nettes sur
la carte Bissuel ; elle semble donc ne pas avoir fixé l’attention des
indigènes auteurs de cette carte ; elle n’a pour eux, apparemment,
aucune espèce d’intérêt pratique, c’est une étendue pierreuse
inutilisable, où ils n’ont rien à faire et où ils ne vont pas.
Ce sont pourtant les hammadas entaillées de canyons qui
frappent d’abord l’Européen ; elles sont l’élément caractéristique du
paysage ; on conçoit aisément que ce point de vue ne soit pas celui
des indigènes, qui doivent résoudre en pareil pays le problème
redoutable de l’alimentation quotidienne, et pour qui les données
économiques remplissent tout le premier plan de l’attention.
A ce titre économique il faut insister sur l’importance de quelques
points, amorces de routes transsahariennes. Au sud de l’Ahnet
s’étend un redoutable Tanezrouft traversé par deux routes seulement
l’orientale qu’on pourrait appeler route d’In Ziza, et l’occidentale, ou
route d’Ouallen.
Le volcan éteint d’In Ziza[258], avec ses points d’eau pérennes,
est d’une telle importance pour l’Ahnet que Bissuel et ses
informateurs touaregs le décrivent comme en faisant partie. En
réalité il est à 150 kilomètres au sud, en plein Tanezrouft, et il n’y a
pas lieu de le décrire ici. Contentons-nous de dire que la route
orientale, coupée d’aiguades très espacées, mais très abondantes et
très sûres (In Ziza, Timassao) est beaucoup plus facile et plus suivie
que l’autre. Elle aboutit dans l’Ahnet proprement dit, au voisinage de
l’adr’ar Ahnet, de part et d’autre de l’adr’ar Adhafar, soit à Aït el Kha,
soit dans l’oued Amdja[259] (Tin Senasset, Ouan Tohra). Aït el Kha
est certainement plus rapproché d’In Ziza, mais dans les périodes de
longues sécheresses le point d’eau et le pâturage sont insuffisants.
Aussi, en 1905, le capitaine Dinaux, avec ses 170 animaux, a dû
partir non pas même de Tin Senasset, à peu près tari, mais de Ouan
Tohra.
La route occidentale quitte l’Açeddjera à Ouallen. Deporter[259]
jadis, et plus récemment, comme aussi, je crois, plus exactement, M.
Mussel[260], notre compagnon de voyage, ont recueilli des
renseignements sur cette route d’Ouallen. Quelques points d’eau y
sont mentionnés, mais incertains et médiocres : « Hassi Azenazen,
qui ne cesse d’avoir de l’eau que sept ans après la pluie ... Tin
Diodin et Tin Daksen. Ces deux points cessent d’avoir de l’eau deux
ou trois ans avant la pluie. »
La route d’Ouallen n’a jamais encore été suivie par nos
méharistes et le colonel Laperrine en 1906 n’a pas osé la prendre.
Elle est mauvaise et dangereuse. En revanche par Haci Achourat elle
aboutit à l’Azaouad et à Tombouctou, c’est une supériorité sur la
route d’In Ziza, qui mène directement chez les Ifor’ass, mauvais
intermédiaires pour un trafic transsaharien, puisque les Maures
Kountas leurs ennemis leur interdisent pratiquement l’accès du Niger.
Ouallen est très anciennement connu par renseignements ; mais
il n’a été vu encore que par les quelques Européens qui encadraient
ou accompagnaient le détachement Mussel en mai 1905. M. Mussel
ne croit pas pouvoir en donner les coordonnées géographiques[261].
C’est, je crois, que je n’ai pas pu lui communiquer en temps utile, et
intégralement, les résultats de nos observations communes ; nous
étions, il est vrai, mal outillés ; le sextant employé était affecté d’une
grosse erreur systématique, et d’ailleurs, sous cette latitude et dans
cette saison, c’est un théodolite qu’il eût fallu. Pourtant les données
de l’itinéraire ne peuvent pas être grossièrement inexactes. Comme
on pouvait s’y attendre la position réelle d’Ouallen est notablement
différente de celle qu’on lui attribuait par renseignements. L’erreur
est d’un demi-degré environ en latitude et en longitude (voir par
exemple Atlas Stieler et se reporter à notre appendice I, p. 342.)
Ouallen est le seul point de tout l’Ahnet où l’on puisse signaler un
bâtiment, en ruines d’ailleurs. D’après Mussel « la casbah d’Ouallen
aurait été construite par un marabout de la zaouïa Mouley Heïba,
existant encore actuellement à l’Aoulef. Destinée, selon les uns, à
servir de refuge aux gens qui revenaient du Soudan, elle aurait été
construite, selon les autres, par un marabout de l’Aoulef, chassé par
ses khouans, afin d’interdire l’accès des puits aux gens de l’Aoulef
venant du Soudan[262] ».
Je retrouve dans mes notes que la casbah d’Ouallen fut occupée
un temps par des Arabes coupeurs de route, les Oueld Moulad. En
tout cas c’est un château fort, et non pas du tout le centre d’une
exploitation agricole, dont on ne voit, aux alentours, ni traces, ni
même possibilité ; un mauvais pâturage, un petit groupe de puits
très peu profonds et abondants, voilà quelles étaient les seules
ressources d’Ouallen en 1905. Les puits eux-mêmes étaient peu
fréquentés, puisque, au fond de l’un d’eux nous avons trouvé une
tanière de chacal.
Il faut noter que la casbah est construite en pierres sèches, elle
appartient donc à une catégorie d’édifices archaïques très répandus
au Sahara, de l’Atlas au Niger (à Colomb-Béchar, dans l’oued Saoura,
à Charouïn, au bas Touat, ar’rem d’es-Souk et de Kidal dans l’Adr’ar
des Ifor’ass). Il est intéressant de constater ici qu’une forteresse de
ce genre peut se trouver dans un point comme Ouallen, où toute
agriculture semble impossible.
Sur ces routes transsahariennes qui aboutissent à l’Ahnet il se fait
peu de commerce ; pour l’alimenter, outre les produits de l’élevage,
il faut noter qu’il existe des ressources minérales locales.
Les unes sont au Tidikelt occidental, dont les Touaregs de l’Ahnet
sont les courtiers. C’est d’abord l’alun d’Aïn Chebbi ; c’est un produit
assez répandu au Sahara dans les schistes du Silurien supérieur, les
Touaregs l’utilisent comme mordant. Auprès d’Akabli, dans les argiles
schisteuses carbonifériennes (?), les indigènes exploitent un produit
minéral qu’ils appellent tomela. C’est un sulfate de fer, qui donne
une couleur noire très recherchée. Alun et tomela alimentent surtout
les petites industries domestiques de la tente chez les Touaregs ; le
travail du cuir. (Voir appendice IX, p. 357.)
Le sel de l’Açedjerad est au contraire un produit d’échange, qu’on
exporte au loin, au Soudan en particulier. Ce sel se trouve quelque
part dans les hauts de l’oued Meraguen, au lieu dit Tiliouin In
Chikadh ; qui est très célèbre, et dont j’ai beaucoup entendu parler,
sans le voir.

Touaregs de l’Ahnet. — Sur les habitants de l’Ahnet on a


maintenant des renseignements précis. On en trouvera le détail dans
le travail de M. Benhazera[263].
L’Ahnet est sous la suzeraineté exclusive d’une tribu noble
Touareg, les Taïtoq ; il est habité par eux et par leurs imrads dont les
principaux sont les Kel Ahnet (gens de l’Ahnet).
Taïtoq et Kel Ahnet ont les plus grandes affinités avec leurs
congénères du Hoggar. Les Taïtoq sont des Hoggar ou Ahaggar[264]
au sens littéral du mot. « En Tamaheq, dit M. Benhazera, le mot
Ahaggar, pluriel Ihaggaren, veut dire noble, et s’applique
indistinctement à tous les nobles. » Les Taïtoq sont une des trois
familles ou tribus nobles qui se partagent l’autorité dans la
confédération du Hoggar, ils se rattachent comme les deux autres, à
l’aïeule commune Tin Hinan, enterrée à Abalessa dans un beau
tombeau mégalithique[265].
Les Kel Ahnet se réclament aussi d’une aïeule commune aux Dag
R’ali, la plus importante des tribus Imr’ads du Hoggar ; cette aïeule
commune est Takamat qui est enterrée elle aussi à Abalessa, auprès
de Tin Hinan, dans un redjem turriforme.
Tous ces gens-là ont donc pour patrie Abalessa, où ils ont leurs
tombeaux de famille.
Les Taïtoq se sont brouillés avec l’autre grande tribu noble, les
Kel R’ela (la troisième tribu ne comptant pas numériquement) ; c’est
la vieille rivalité, souvent sanglante, entre Kel R’ela et Taïtoq qui
donne à l’Ahnet une vie à part, une individualité politique.
Les Taïtoq ont pour tributaires (outre les Kel Ahnet), des Arabes
nomades d’Akabli, les Mouazil, les Settaf, et les Sekakna, qui portent
d’ailleurs le costume et l’armement des Touaregs. Il en résulte
qu’Akabli est pour les Taïtoq une sorte de capitale. Leur chef, Sidi ag
Gueradji, y possède une maison et y a fait de longs séjours. Toute la
tribu se trouve avoir une familiarité plus intime avec la langue et la
culture arabe. On parle couramment arabe dans l’Ahnet, ce qui est
bien loin d’être le cas au Hoggar. Il y a là pour les gens de l’Ahnet un
principe d’individualisation. — La soumission des Taïtoq à l’autorité
française a précédé celle des autres Touaregs, sans doute parce que,
d’esprit plus ouvert, ils comprirent plus vite la situation nouvelle.
E.-F. Gautier. — Sahara Algérien. Pl. LII.

Cliché Laperrine
94. — TOUAREG ARMÉ.

Cliché Laperrine
95. — TOURNOI TOUAREG, ou plus exactement fantasia.
Cliché Laperrine
96. — UN AUTRE TEMPS DE LA FANTASIA TOUAREG

Les Taïtoq et leurs Imr’ads restent néanmoins mêlés intimement


à la vie commune de la confédération Hoggar dont ils font partie. Il
leur serait d’ailleurs géographiquement impossible de s’en abstraire.
Les pâturages de l’Ahnet, comme tous ceux du Sahara d’ailleurs,
sont trop incertains pour qu’on puisse compter exclusivement sur
eux. Taïtoq et Kel Ahnet sont propriétaires ou usufruitiers de districts
étendus dans l’Adr’ar des Ifor’ass, où ils voisinent avec les Kel R’ela.
Actuellement pourtant les Taïtoq ont obtenu des autorités
françaises la consécration de leur autonomie ; leur chef Sidi ag
Gueradji est un aménokal indépendant.
Ce que nous avons appris de plus neuf dans ces dernières
années sur les Touaregs en général et les Taïtoq en particulier, c’est
leur faiblesse numérique. D’après Bissuel les tribus qui habitent la
région de l’Ahnet « pourraient armer deux cent cinquante
combattants, auxquels viendraient se joindre dix guerriers de
Sekakna et quinze des Mouazil, soit un total de 275 hommes, dont la
répartition par tribus nous reste inconnue ».
Ce sont des chiffres bien modestes, 275 soldats sur 15 000
kilomètres carrés ; et combien suggestive la mention de dix guerriers
des Sekakna. Ces chiffres sont encore exagérés de plus de moitié.
D’après M. Benhazera les Kel Ahnet peuvent mettre sur pied une
cinquantaine d’hommes ; et c’est de beaucoup la fraction la plus
intéressante ; qu’on lise, chez M. Benhazera, la liste nominative des
Taïtoq, comportant 28 numéros. Ce sont des pays où les
recensements se font sur les doigts de la main.
Avec le travail de M. Benhazera pour base on peut essayer de
tracer un tableau économique de l’Ahnet.

MOUTONS
CHAMEAUX BŒUFS PALMIERS
OU CHÈVRES
Taïtoq 375 1 000 0
Kel Ahnet 600 1 500 0
Iouarouaren 225 600 0 300 (près de Silet).
Mouazil et Settaf 100 ? 0 ? (Akabli).
1 300 3 100 0

En somme environ 1 300 chameaux et 3 000 moutons, c’est là-


dessus exclusivement que les Touaregs de l’Ahnet doivent vivre. Il
faut souligner l’absence à peu près totale de cultures ; à défaut de
céréales on moissonne méthodiquement des graminées sauvages (le
drinn) ; ce qui nous reporte en quelque sorte avant Triptolème. Les
Touaregs de l’Ahnet sont plus pauvres que leurs cousins du Hoggar ;
ceux-ci ont quelques bœufs et quelques cultures ; Motylinski
énumère au Hoggar 35 ar’rem (oasis rudimentaires) ; l’Ahnet n’en a
pas un seul. C’est encore un élément d’individualisation. Plus
pauvres que les Kel R’ela, les Taïtoq sont aussi des bandits plus
redoutables ; ils représentent ce qu’on pourrait appeler la fleur de la
chevalerie Touareg ; redoutés et légendaires pour leur humeur
batailleuse. Il leur en a cui d’ailleurs. La tribu s’est épuisée à courir
les aventures. La dernière fut particulièrement tragique.
En 1906 sur une quarantaine de Touaregs, en majorité Taïtoq,
partis en rezzou au Sahel marocain, 4 seulement sont revenus.
Les Touaregs[266] ont vivement excité l’intérêt des voyageurs,
depuis Duveyrier jusqu’à M. Benhazera : ils sont une admirable
matière à monographie ; celle en particulier qu’a écrite Duveyrier
reste excellente, il serait absurde de vouloir la refaire.
Je crois seulement qu’un côté de la question mériterait d’être mis
en lumière. Les Touaregs sont incontestablement de race
caucasique. Je crois bien que certains caractères physiques, la taille
colossale chez beaucoup d’hommes, le stéatopygie chez quelques
femmes, témoignent d’un mélange avec le sang nègre qui est
d’ailleurs avoué. Dans l’ensemble pourtant le sang caucasique
semble s’être défendu admirablement. M. Desplagnes qui le constate
l’explique par les usages matrimoniaux (matriarcat) ; le Touareg a
des négresses pour concubines, mais comme « le ventre teint
l’enfant », les métis qui résultent de ces unions sont considérés
comme nègres et restent étrangers à la tribu. Ce point de vue est
peut-être juste, au Soudan en particulier. Au Sahara une autre
explication me paraîtrait possible. On a remarqué au Soudan que le
nègre boit énormément, sans doute parce que sa peau est
conformée pour évaporer énormément, en conséquence il a horreur
du désert, le pays de la soif. La soif joue peut-être au désert, parmi
les nomades, le même rôle que la malaria aux oasis. Sous les
palmiers la race noire, résistante à la malaria, élimine la blanche.
Dans les pâturages et sur les grands chemins la race blanche,
résistante à la soif, éliminerait la noire ? Cette explication repose, il
est vrai, sur une hypothèse incomplètement prouvée, — que
l’organisme caucasique serait plus spécialement susceptible
d’acquérir « une structure xérophile », comme disent les botanistes.
Quoi qu’il en soit de l’explication le fait est constant. Il a été
souvent mentionné. Un trait de ressemblance avec la race blanche,
que je ne me souviens pas d’avoir vu noter ailleurs, est la précocité
de la calvitie et de la canitie chez les Touaregs. Elle est d’autant plus
frappante que le corps, entretenu par des exercices violents,
conserve sa souplesse jusqu’à un âge avancé. Quand le vent soulève
les voiles bleus, on aperçoit souvent des barbes incultes, grises ou
blanches, qu’on eût été tenté de situer plutôt entre un faux col et un
chapeau rond.
Les intelligences et les caractères nous font aussi une impression
caucasique, fraternelle ; on a comparé les Touaregs aux chevaliers
du Moyen âge (voir pl. LII, phot. 95, 96) ; on sait combien fut vive la
sympathie de Duveyrier ; des personnalités comme celle
d’Ikhenoukhen, le contemporain de Duveyrier, ou bien de Moussa ag
Amastane et de Sidi ag Gueradji[267], qui jouent aujourd’hui les
premiers rôles, nous sont pleinement intelligibles et nous attirent
vivement ; tandis qu’un héros noir ou jaune, Béhanzin ou le Dé-
Tham nous paraît toujours par quelque côté monstrueux ou
inquiétant.
M. Chudeau voudrait rattacher les Berbères à la race de Cro-
Magnon[268] ; en tout cas tout se passe comme s’ils étaient
relativement près de nous, du moins comme individus, comme
organismes humains.
Comme société au contraire, ils sont prodigieusement loin au
delà de la barbarie, encore en pleine sauvagerie primitive. On a dit
qu’ils sont à peine dégagés du néolithisme, — (bracelet de pierre
polie, emmanchure néolithique de la hache en fer). — Le totémisme
chez eux est encore tout frais, ils ont de nombreux tabous, le lézard
de sable, la poule, le poisson ; et ils en rendent compte par des
considérations de parenté : « Nous ne mangeons pas l’ourane, parce
qu’il est notre oncle maternel. » Le voile qui n’est pas du tout une
mesure hygiénique ne peut pas être autre chose qu’une survivance
d’un vieux tabou[269]. On a beaucoup admiré, par opposition à
l’asservissement de la femme arabe, la situation élevée que la
femme tient dans la famille et dans la société : cette admiration est
très justifiée ; mais l’égalité des sexes qui sera peut-être une
conquête de l’avenir était réalisée au berceau de l’humanité ; la
famille Touareg a pour base le matriarcat, comme la famille
primitive[270] ; « le ventre teint l’enfant », c’est-à-dire qu’il suit sa
mère et qu’il ignore son père ; son plus proche parent mâle est
l’oncle maternel ; les mœurs sont très libres, polynésiennes.
En effet cette coexistence d’institutions aussi anciennes,
néolithisme, totémisme, matriarcat, avec une cérébralité individuelle
très développée, rappelle la Polynésie. Aussi bien y a-t-il peut-être
quelque analogie géographique entre des montagnes isolées au
milieu du désert et les atolls du Pacifique.
Nous allons nous trouver mieux outillés maintenant pour
comprendre ce que fut au Tidikelt, au Touat, etc. la conquête arabe
et si l’on veut andalouse des XVe et XVIe siècles. Ces « nazaréens »
dont on voit dans la Saoura les villages détruits, ces Zénètes Juifs du
Gourara et du Touat, ces Barmata du bas Touat, toutes ces
populations qui furent islamisées et arabisées par les marabouts de
la Seguiet el Hamra, appartenaient sans doute à ce type d’humanité
qui s’est conservé en pays touareg.
Ibn Khaldoun nous apprend que les Sanhadja du Sahara se
convertirent à l’islamisme au IIIe siècle de l’hégire[271], lors de la
conquête almoravide dont ils furent les instruments et les
bénéficiaires. Mais cette conversion fut superficielle, les Touaregs
n’ont ni mosquée, ni clergé, ils ne pratiquent pas la prière et le
jeûne ; ils ont une réputation d’impiété parfaite auprès de leurs
voisins arabes, chez qui le R’amadan par exemple bouleverse une
fois l’an toute la vie domestique et publique.
Aujourd’hui encore l’Islam et la langue arabe, l’un portant l’autre,
après avoir conquis le Maurétanie et le Touat, s’attaquent au bloc
Touareg. Les personnages influents au Hoggar sont des marabouts
kounta, le fameux Abiddin, ou bien encore Baÿ de Teleyet, qu’on
pourrait appeler le directeur de conscience de Moussa ag Amastan.
Il faut définir ainsi les Touaregs : ce sont ceux des Berbères
Sanhadja, qui ont échappé jusqu’ici au grand mouvement
d’expansion islamique, parti au XVe siècle de la Seguiet el Hamra. On
trouve en présence au Sahara, sur deux domaines très distincts,
d’une part des Touaregs, et de l’autre des Arabes nomades, des
Maures. Il y a entre eux d’énormes différences de langue, de culture,
de mœurs, de costume, d’armement, sans parler de haines
inexpiables. Ce sont deux peuples différents à coup sûr et l’on
voudrait dire deux races. L’histoire nous montre que ce fossé si
profond est creusé d’hier ; de part et d’autre il y a les mêmes
Berbères Sanhadja, mais les uns sont franchement convertis à
l’islamisme, et les autres ont conservé dans la famille, dans la
société, dans les mœurs, une énorme quantité de survivances
préislamiques ; disons que les uns sont des civilisés et les autres des
sauvages. Nous avons vu que le Tidikelt est la dernière conquête
arabe, et que le résultat de la conquête fut la création des
palmeraies. Comme représentants de la civilisation, c’est nous qui
avons succédé aux marabouts marocains. Réussirons-nous à créer
des oasis dans l’Ahnet ?
D’une façon générale, les plateaux touaregs et les causses du
Tadmaït ont actuellement à peu près la vie économique qu’ils
méritent. Les causses sont le pays classique des très grosses sources
qui concentrent la vie sur un petit nombre de points. Les plateaux
gréseux, qui sont en Europe pays de bois, semblent naturellement
appelés au désert à devenir pays de pâturages.
Il semble incontestable pourtant que les Touaregs, aussi
longtemps qu’ils furent les maîtres au Tidikelt y ont entravé la
culture. On se rend très bien compte d’ailleurs qu’ils l’entravent au
Hoggar, où elle semble appelée à prendre un certain
développement[272]. L’avenir agricole du Mouidir-Ahnet est plus
incertain en ce sens que les indigènes, dont la connaissance du pays
est la base même de tout progrès, ne nous donnent ici aucune
indication. L’avenir dépend d’un forage heureux de puits artésien, et
le choix de l’emplacement est délicat.
[219] Voir la carte p. 315 et la grande carte géologique en couleurs.
[220] M. Flamand a constaté l’existence de cette faille dès 1900, ainsi
qu’il a bien voulu me l’affirmer oralement.
[221] Je répète qu’une partie de tout ceci est empruntée aux
conversations de M. Flamand.
[222] C. R. Ac. Sc., 23 juin 1902. M. Flamand ne précise pas la
provenance des fossiles qui lui ont été envoyés par M. le capitaine
Cauvet.
[223] C. R. Ac. Sc., 2 juin 1902.
[224] Documents, etc., p. 588, fig. 152.
[225] Id., p. 755.
[226] Il s’ensuit que l’expression de plissement calédonien est inexacte,
puisque ce plissement n’affecte pas le Silurien supérieur. Mais cette
expression est provisoirement commode encore qu’inadéquate.
[227] G.-B.-M. Flamand, Sur l’existence des schistes à graptolithes à
Haci el Kheneg C. R. Ac. Sc., t. CXI, p. 954-957, 3 avril 1905.
[228] Une phrase de deux lignes dans G.-B.-M. Flamand : Mission au
Tidikelt. La Géographie, 1900, p. 361.
[229] MM. Flamand et Ficheur, après un examen très sommaire, avaient
rattaché ces fossiles au Carboniférien (voir E.-F. Gautier, le Mouidir-
Ahnet, dans La Géographie, juillet 1904). Ce qui rend tout à fait
certain, d’après M. Haug, l’âge supradévonien c’est la présence de
Spirifer Verneuilli, accompagnée de Productella cf. dissimilis, etc.
[230] C. R. Ac. Sc., 4 décembre 1905.
[231] L. c.
[232] Mussel, Renseignements coloniaux, juin 1907. (Voir appendice I,
p. 340.)
[233] Sur la carte géologique, il a été marqué Dévonien par erreur.
[234] C. R. Ac. Sc., 19 mars 1906.
[235] Besset, Bulletin du Comité de l’Afrique française, 1904. — E.-F.
Gautier, Le Mouidir Ahnet, La Géographie, X, 1904.
[236] Je saisis cette occasion de remercier M. le commandant Lacroix,
qui a bien voulu me communiquer ce travail ; — et M. Voinot lui-
même à qui j’ai d’ailleurs d’autres obligations.
[237] L. c., p. 212.
[238] J’en donne en appendice. M. Flamand en a signalé : il en existe
auprès du fort Miribel, d’après le colonel Laperrine.
[239] Bulletin du Comité de l’Afr. fr. Supplément de décembre 1902.
[240] Foureau, Essai de catalogue des noms arabes et berbères de
quelques plantes, arbustes et arbres algériens et sahariens. Paris,

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