saberes endógenos
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Sommaire
I. Technologies endogènes
1. L'étude des techniques et des savoir-faire
«traditionnels»: questions de méthode...............................................37
Goudjinou P. Metinhoue
Bibliographie................................................................................... 313
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Introduction
Démarginaliser
Paulin J. Hountondji
La logique de l'extraversion^
On ne le dira jamais assez: sous le rapport de la science et de la
technologie, les pays du tiers monde, et singulièrement d'Afrique noire,
sont aujourd'hui massivement dépendants de l'Occident. De cette
dépendance on n'a pas toujours clairement conscience. Tant qu'il
n'envisage son activité que sous l'angle de la performance et de la
carrière individuelles, le chercheur africain ne trouve rien, ou presque
rien à redire à la situation actuelle. Tout au plus déplorera-t-il
l'insuffisance des équipements, des crédits et autres moyens matériels.
En soi, cette insuffisance n'aura rien de bien grave: elle montrera tout au
plus que la recherche scientifique en est encore ici à ses débuts, qu'elle
est relativement jeune par rapport à celle des grandes métropoles
industrielles, et que l'écart se réduira forcément avec le temps, à mesure
que se développera, en Afrique, l'effort pour des performances
scientifiques plus élevées, dans le cadre des institutions actuelles et des
rapports actuels de production scientifique.
A y regarder de plus près, cependant, le problème est moins
simple. Car il faut aller au-delà des rapprochements quantitatifs, au-delà
des performances de tel savant africain pris isolément, ou de telle équipe
de recherche; au-delà de la compétitivité de tel ou tel centre ou
laboratoire pour examiner, par exemple, l'origine des appareils et autres
instruments utilisés, les modalités du choix des sujets de recherche, les
besoins sociaux et autres exigences pratiques dont procèdent,
directement ou indirectement, les sujets ainsi choisis, le lieu
géographique où ces besoins et exigences se sont imposés, la destination
réelle des résultats de recherche, le lieu où, et la manière dont ils sont
consignés, gardés, capitalisés, la manière dont ils sont, le cas échéant,
appliqués, les liens complexes entre cette recherche et l'industrie, cette
recherche et l'activité économique en général — en posant, à chaque
fois, la question: à quoi sert cette recherche? A qui profite-t-elle?
Comment s'insère-t-elle dans la société même qui la produit? Dans
quelle mesure cette société parvient-elle à s'en approprier les résultats?
En considérant les choses sous cet angle, on s'aperçoit aisément
que la différence n'est pas seulement quantitative, mais qualitative, pas
seulement de degré ou de niveau de développement, mais d'orientation
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2 Les savoirs endogènes
comme un mal en Soi, mais comme la face visible d'un iceberg qu'il faut
apprendre à considérer et, si possible, à soulever dans son ensemble.
Ceux qui partent, en effet, ne sont pas les seuls: ceux qui restent sont
pris, indirectement, dans le même mouvement. En toute rigueur, tous les
cerveaux du tiers monde, toutes les compétences intellectuelles et
scientifiques sont portés, par tout le courant de l'activité scientifique
mondiale, vers le centre du système. Quelques-uns d'entre eux
«s'installent» dans les pays hôtes, d'autres font le va-et-vient entre la
périphérie et le centre, d'autres, dans l'impossibilité d'effectuer le
déplacement, survivent à la périphérie où ils luttent tous les jours, avec
un succès variable, contre les démons du cynisme et du découragement,
les yeux cependant toujours tournés vers le centre, d'où leur viennent,
pour l'essentiel, appareils et instruments de recherche, traditions,
publications, modèles théoriques et méthodologiques, avec tout leur
cortège de valeurs et de contre-valeurs qui les accompagne (de
Certaines, 1972, 1978; Gnininvi, 1978; Collectif, 1978b)^.
7. Forme mineure du brain-drain, le tourisme scientifique
Sud/Nord est un phénomène important, auquel on n'a prêté, jusqu'ici,
que peu d'attention. Dans l'activité normale du chercheur du tiers monde,
le voyage reste une nécessité incontournable; le chercheur doit se
déplacer physiquement, partir vers les grandes métropoles industrielles,
soit pour parfaire sa formation d'homme de science, soit, une fois lancé
son propre programme de recherche, pour le poursuivre au-delà d'un
certain seuil. La question n'est pas de savoir si de tels voyages sont
agréables ou pas; beaucoup, sans doute, les trouvent agréables, surtout
en début de carrière, d'autres, par contre, les trouvent étrangement
répétitifs, ou les vivent comme de véritables arrachements. Ce n'est là
qu'une question d'appréciation personnelle, qui laisse intact le vrai
problème, celui de la nécessité structurelle de tels voyages, des
contraintes objectives qui rendent inévitable cette forme de tourisme
scientifique, et qui caractérisent de manière spécifique l'activité
scientifique dans le tiers monde.
Disant cela, bien entendu, on ne prétend pas ici minimiser l'énorme
profit scientifique que l'on peut tirer de tels voyages; ce qui retient
l'attention, au contraire, c'est le fait que ces voyages restent, dans les
circonstances actuelles, la condition sine qua non d'un tel profit. Aussi
serait-il absurde de chercher, dans ces circonstances, toutes choses
restant par ailleurs égales, à mettre fin, par divers moyens de coercition,
au «tourisme» scientifique Sud/Nord, dont on essaie justement de
montrer qu'en toute rigueur, il n'est pas un tourisme du tout. L'exigence
véritable est ailleurs: il doit s'agir de changer, de transformer en
profondeur les rapports actuels de production scientifique dans le
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Introduction 9