2022 ete - Civil - GE5 - Corrige

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 6

PRÉPARATION ESTIVALE 2022 À L’EXAMEN D’ENTRÉE AUX CRFPA

Épreuve de droit civil


Corrigé du galop d’essai no 5
30 juillet – 05 août 2022

I – Cas n° 1 : 7 POINTS
En l’occurrence, un non propriétaire peut devenir propriétaire légitimement d’un bien qui ne
lui appartient pas par possession. Pour faciliter et sécuriser le commerce juridique des meubles,
une protection spéciale du possesseur de bien meuble est instaurée par l’article 2276 du Code
civil, qui ne s’applique que si plusieurs conditions sont réunies :
- Une acquisition a non domino : oui

- Un bien meuble corporel corps certain (ou individualisé) : oui

- Le possesseur doit être de bonne foi. Ici réside une incertitude. Il faut donc distinguer
selon que le marchand est de bonne ou mauvaise foi.

En l’espèce, deux éléments permettent de douter qu’il le soit : 1/ les initiales. Mais d’un
autre côté, il s’agit d’un revendeur qui aurait parfaitement pu l’acquérir en toute régularité. 2/
surtout : le prix défiant toute concurrence et les circonstances de la vente
1,5 point
Rappel : il incombera cependant à Castafiore de démontrer la mauvaise foi du marchand car la
bonne foi est présumée (art. 2268) et s’apprécie au jour de l’entrée en possession (Cass. 1ère
civ., 27 nov. 2001). 0,5 point

A°) Si le marchand est de mauvaise foi 3 points


Si le marchand n’est pas de bonne foi, cad qu’il savait qu’il se portait acquéreur de la bague a
non domino, alors il lui est impossible de se prévaloir de l’article 2276 du Code civil. Dans cette
hypothèse, Mme C. (la verus dominus) peut revendiquer la bague sans difficulté. 1,5 point
Une seule difficulté : on ne sait pas depuis combien de temps le cambriolage a eu lieu
(« plusieurs années »). Donc il faut réserver l’hypothèse – très peu probable – où se serait écoulé
le délai de prescription de droit commun (30 ans) tandis que le revendeur aurait possédé

https://iej.univ-paris1.fr Page 1 / 6
utilement pendant cette période cad de manière à acquérir par prescription trentenaire (art. 2261
C. civ.). 1,5 point

B°) Si le marchand est de bonne foi 3 points


C’est l’hypothèse la moins probable.
Le principe posé par l’article 2276 du Code civil est que le possesseur d’un bien meuble
corporel en devient immédiatement propriétaire. Toutefois, une exception est prévue pour les
meubles perdus ou volés qui peuvent être revendiqués pendant trois ans par leur propriétaire.
En d’autres termes, le possesseur d’un meuble perdu ou volé n’en devient propriétaire qu’à
l’issue d’un délai de trois ans à compter du vol (ou de la perte) des biens. Ici c’est la première
hypothèse.
En l’espèce, il dit l’avoir acquis il y a deux ans. Puisque le délai ne s’est pas écoulé (car même
en supposant qu’il a été mis tout de suite en possession, le délai de 3 ans n’est pas expiré), la
revendication redevient possible. 1, 5 Pt.
Toutefois, l’article 2277 C. civ. réserve alors l’hypothèse du possesseur actuel de la chose volée
l’ayant achetée « dans une foire un marché ou dans une vente publique » mais surtout « d’un
marchand vendant des choses pareilles ».
En l’espèce, il s’agit d’un revendeur « de sa connaissance », donc :
- si on considère qu’il correspond à l’hypothèse de l’article 2277 (peu probable), la
propriétaire ne pourra se la faire rendre qu’en remboursant au possesseur le prix
qque la bague lui a coûté. Donc en l’espèce, il faudra lui rembourser le prix de
l’achat.

- Dans le cas inverse, la revendication est possible sans difficulté.

1, 5 Pt.

II – Cas n° 2 : 13 POINTS
L’action de Monsieur Robert est une action en revendication. Elle est fondée sur le droit de
propriété du verus dominus et permet de remettre en possession le propriétaire tout en
établissant en justice la nullité du titre de l’acquéreur.
En l’espèce, il s’agit d’une vente a non domino c’est-à-dire une vente de la chose d’autrui
(puisque M. Jean, l’auteur de M. Durand n’est pas propriétaire de l’immeuble). La vente est
donc nulle (art. 1599, C. civ.).

A°) De quels moyens de défense dispose M. Durand ? 6 points


Deux moyens sont à sa disposition :

https://iej.univ-paris1.fr Page 2 / 6
1°) D’une part, on peut penser à l’acquisition au bénéfice de l'erreur, fondée sur la théorie de
l’apparence. Ce mécanisme repose sur l’erreur commune (error communis facit jus), cad une
acquisition de lege par égard pour l’erreur de l’acquéreur. Cette solution est jurisprudentielle et
elle est reconnue à qq rares occasions : Civ. 1ère 22 juill. 1986 ; 9 janv. 1996, n° 93-20460.
Deux conditions doivent être réunies : 1/ La bonne foi de l’acquéreur cad au sens de qqun qui
a vraiment cru au titre de son auteur ; 2/ le caractère “commun” de l'erreur + le caractère
« invincible » ou « légitime » de l'erreur cad non seulement une erreur que tout le monde aurait
pu commettre à sa place ; mais encore une erreur qu’il n’était pas possible de déceler. Au
passage, cette condition implique que l’on a affaire à une « vraie » vente donc à titre onéreux.
Cette erreur « commune » s’apprécie au regard d’un modèle abstrait : toute personne placée
dans les mêmes circonstances aurait pu commettre la même erreur.
En l’espèce : un élément peut faire douter de ce caractère « invincible » de l’erreur : la
faiblesse du prix, qui rend douteux le caractère légitime de l'erreur de M. Durand. 2 points

2°) D’autre part, on pense à l’acquisition sur le fondement de la prescription acquisitive


que pourrait invoquer M. Durand à son profit.
Deux voies sont envisageables :
a) La prescription trentenaire, qui permet de purger l’acte de tout vice et rendre
propriétaire le possesseur qui peut s’en prévaloir.
Les conditions sont, d’une part, une possession trentenaire (art. 2272, al. 1er, C. civ.) et
d’autre part, une possession utile cad à titre de propriétaire, paisible, continue, publique
et non équivoque

En l’espèce, la condition temporelle ne peut pas être remplie : cette voie est donc à écarter.
1 point

b) L’usucapion abrégée, qui peut profiter à l’acquéreur a non domino pouvant justifier
d’une possession, depuis la réforme de 2008, de 10 ans.
Les conditions sont énumérées à l’article 2272, al. 2, du Code civil : « celui qui acquiert
de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans. ».
Donc trois conditions essentielles :
- L’acquéreur d’un immeuble qui tient son titre d’un non-propriétaire peut, à certaines
conditions, prescrire le bien dans une durée plus courte, de dix ans. Ce délai se
compte dans les mêmes conditions que le régime général ; il est susceptible
d’interruption et le possesseur peut éventuellement bénéficier de la jonction de la
possession, si son propre auteur répondait aux conditions requises pour la
prescription abrégée qui permet concrètement au possesseur de joindre la durée de
sa possession à celle de son auteur afin de totaliser la durée requise pour prescrire
(art. 2265, C. civ.).

https://iej.univ-paris1.fr Page 3 / 6
En l’espèce, la durée est au mieux de trois ans, ce qui est insuffisant. Toutefois, on
pourrait adjoindre la possession de Jean, s’il remplit les conditions d’une possession utile, soit
8 ans. Au total, il serait possible éventuellement de remplir la condition de durée de 10 ans. 1,
5 Pt.
Précision et rectification : le sujet comporte une certaine ambiguïté. Puisqu’il est dit que M.
Jean a acquis le bien il y a 8 ans, et que M. Durand lui a acheté ce bien il y a 3 ans, les étudiants
ont pu valablement considérer que la possession de M. Jean ne pouvait être que de 5 ans, et en
conséquence, que la condition de durée de 10 ans n’est en réalité pas remplie.
- le possesseur doit être muni d’un juste titre : le juste titre est avant tout un titre au
sens de negotium, c'est-à-dire ici un acte juridique translatif de propriété (contrat de
vente, de donation, d’échange, ou bien legs). Ce titre doit être réel et non putatif. On
appelle titre putatif le titre qui n’existe que dans l’esprit de celui qui s’en prévaut (ex
: une personne possède un bien en vertu d’un legs qui en réalité a été révoqué par le
testateur). Ensuite, le titre doit présenter toutes les conditions requises pour pouvoir
transférer la propriété. Dit autrement, est un juste titre le titre qui aurait dû permettre
le transfert de la propriété mais qui n’a pas pu avoir cet effet pour la seule raison que
celui qui y a consenti n’était pas le véritable propriétaire. L’exigence d’un juste titre
a par ailleurs une conséquence sur le délai : celui-ci ne court qu’à compter de la
publication de ce titre (et non de l’entrée en possession comme pour la prescription
générale).
En l’espèce, l’existence d’un juste titre ne semble pas poser de difficulté. 1 point

- le possesseur doit être de bonne foi : cela signifie qu’il doit avoir acquis le bien
possédé d’une personne qu’il a cru être le véritable propriétaire. La bonne foi
s’apprécie donc au moment de l’acquisition du bien possédé. Elle se présume (art.
2274).
En l’espèce, on retrouve les mêmes difficultés d’appréciation de la bonne foi que pour
l’erreur commune, quoique moins marquée. Un élément déterminant repose sur l’aveu de M.
Durand. L’absence de bonne foi écarte sans doute l’application de l’usucapion abrégée. 0,5
point

B°) Si l’action en revendication prospère, quid des travaux entrepris par M. Durand ? 7
POINTS
S’agissant des éventuelles indemnisations consécutives à une action en revendication
victorieuse, il est essentiel de distinguer les améliorations des constructions nouvelles, qui
n’obéissent pas aux mêmes règles. En effet,
- Lorsque la dépense a été engagée pour planter de nouveaux végétaux ou construire
un nouvel édifice, alors elle est soumise aux règles prévues à l’article 555 du Code
civil (plantation ou construction sur le terrain d’autrui), qui ouvre droit à

https://iej.univ-paris1.fr Page 4 / 6
indemnisation du constructeur du fait de la perte subie en raison du mécanisme de
l’accession immobilière (art. 552, C. civ.) ;
- Lorsqu’il s’agit d’améliorations, sur le fondement de l’ancien article 1381 (prévu à
propos de l’enrichissement sans cause) ainsi de textes épars du Code civil et en
puisant dans l’héritage juridique légué par l’histoire, la jurisprudence avait bâti un
ensemble de solutions pour résoudre cette question qu’on appelle la « théorie des
impenses » (qui s’applique également dans d’autres cas voisins : par exemple
lorsque le droit du propriétaire est résolu ou annulé). Cette théorie a été
considérablement enrichie lors de la réforme du droit des obligations de 2016, et le
Code contient désormais une théorie générale des « Restitutions » (art. 1352 et s.).
1 point

1°/ S’agissant des améliorations 2 points


La règle générale est de se fonder sur l’intérêt de la dépense pour déterminer si elle doit
donner lieu à remboursement. Ce principe, qui résultait de l’article 1381 ancien, est consacré
à l’article 1352-5 : « Pour fixer le montant des restitutions, il est tenu compte à celui qui doit
restituer des dépenses nécessaires à la conservation de la chose et de celles qui en ont augmenté
la valeur, dans la limite de la plus-value estimée au jour de la restitution ». Bien que le nouvel
article 1352-5 ne précise pas, il ne fait pas doute que, comme le prévoyait l’ancien article 1381,
la bonne ou mauvaise foi du possesseur importe peu. Sous ces précisions générales, il résulte
de cette théorie des impenses qu’il faut distinguer trois types de dépenses :
- Les dépenses nécessaires qui s’entendent des dépenses exposées en vue de
conserver le bien. Ce sont celles sans lesquelles le bien se serait dégradé ou aurait
péri. Le possesseur en est remboursé sans condition. Il importe notamment peu
qu’elles se soient trouvées privées d’intérêt par la disparition ultérieure du bien (ex :
l’immeuble dont le toit a été réparé brûle un peu plus tard).
- Les dépenses utiles qui i ont été exposées en vue d’améliorer le bien, de lui apporter
une plus-value objective (surélévation, création d’une terrasse, etc…). Elles sont
remboursées au possesseur (même de mauvaise foi) mais uniquement dans la mesure
du profit subsistant au jour où la revendication est déclarée fondée1.
- Enfin, les dépenses somptuaires s’entendent des dépenses exposées dans l’intérêt
personnel de celui qui les a engagées, qui ne procurent pas une plus-value objective
à l’immeuble mais ont simplement contribué à l’agrément du possesseur. On les
qualifie également de dépenses de pur luxe ou d’agrément. De telles dépenses ne
donnent pas lieu à indemnisation. Le possesseur peut toutefois enlever les objets
apposés sur le fonds au titre de ces dépenses si cette dépose peut être faite sans
dommage pour l’immeuble2.
En l’espèce, la réfaction de la toiture constitue sans aucun doute une dépense
nécessaire au fonds, donc M. Durand sera indemniser de cette dépense dans la limite de la plus-
value apportée au bien au jour de la restitution du bien.

1
Arg. art. 861, 1673, 2175.
2
Arg. art. 599, al. 3.

https://iej.univ-paris1.fr Page 5 / 6
L’agrandissement des dépendances, les installations techniques et les fenêtres pourront
être qualifiées de dépenses utiles au fonds, soumises au même régime. Si toutefois, elles étaient
qualifiées de dépenses somptuaires (peu probables) elles ne donneront pas lieu à indemnisation.
M. Durand toutefois ne pourrait rien récupérer sans dommage ici pour l’immeuble…

2°) S’agissant des constructions nouvelles : 4 points


Deux biens sont à envisager :
a) Le couloir de nage
Il s’agit bien d’une construction nouvelle. Dans cette hypothèse, le régime prévu à l’article 555
s’applique. Lorsque la démolition n’est pas ordonnée comme en l’espèce (la mauvaise foi du
constructeur éventuelle aurait pu ouvrir un tel choix), le constructeur peut prétendre à a vlauer
de la construction, estimée au jour du paiement. Le propriétaire du sol a toutefois une option
qui s’ouvre : il peut, « à son choix, rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le
fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d’œuvre estimés à
la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent lesdites constructions,
plantations et ouvrages. ». Cette option est souveraine (Cass. civ. 3e, 24 oct. 1990, n° 89-12280)
donc non, M. Durand ne peut forcer la main de M. Robert. 1 point
b) La grange en ruine
Les travaux de rénovation d’un bâtiment en ruine, qq soient leur importance, ne constituent pas
une construction nouvelle au sens de l’article 555 du Code civil mais biens des travaux
d’améliorations (Cass. 3e civ., 9 sept. 2021, n° 20-15.713, cf. Fascicule révision), ce qui nous
renvoie à la règle des impenses déjà envisagées. L’option de démolition aux frais du
constructeur n’est donc pas ouverte.
En l’espèce, nous sommes sans doute dans le cas de dépenses utiles au fonds, ce qui
permet à M. Durand d’espérer une indemnisation dans la limite de la plus-value procurée au
fonds. 2 points

3°/ La bibliothèque installée


Elle ne pose a priori aucun problème : elle n’est pas acquise par accession à M. Robert, et ne
peut être qualifiée d’immeuble par destination faute pour M. Durand d’avoir été le propriétaire
du fonds (art. 524, C. civ.). Elle reste donc un meuble corporel, acheté par son propriétaire, M.
Durand, qui pourra donc récupérer sa bibliothèque. 1 point

https://iej.univ-paris1.fr Page 6 / 6

Vous aimerez peut-être aussi