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Tumeurs de la région pinéale


J. Guyotat, A. Vasiljevic, D. Frappaz, A. Durand, M. Fèvre-Montange, A. Jouvet

Les tumeurs de la région pinéale sont rares. Elles se voient à tout âge mais sont plus fréquentes chez
l’enfant. Différentes entités histologiques sont décrites comprenant trois groupes principaux : les tumeurs
du parenchyme pinéal (TPP) (25 % à 30 %) regroupant le pinéalocytome, le pinéaloblastome, et les
tumeurs du parenchyme pinéal de différenciation intermédiaire de grade II et III ; les tumeurs germinales
(30 %) comprenant le germinome et les tumeurs germinales non germinomateuses sécrétantes ou
non ; les tumeurs gliales (astrocytomes pilocytiques, épendymomes, tumeurs papillaires). Le diagnostic
repose sur l’imagerie par résonance magnétique (IRM) encéphalique et panmédullaire qui précise la
localisation et une éventuelle dissémination spinale. Cet examen est systématiquement complété par un
dosage dans le sang et le liquide cérébrospinal (LCS) des marqueurs tumoraux (b hormone
gonadochorionique [b-hCG], a fœtoprotéine) dont l’élévation signe une tumeur germinale sécrétante. Le
traitement repose après confirmation du diagnostic par l’examen histologique sur l’exérèse chirurgicale la
plus complète possible et/ou une chimioradiothérapie complémentaire en fonction de la nature tumorale.
La radiochirurgie a ses défenseurs soit en première intention soit secondairement, mais les résultats
publiés manquent encore de puissance statistique. Habituellement, dans les TPP et les lésions gliales, la
chirurgie est isolée (pinéalocytome, astrocytome pilocytique, tumeurs papillaires), complétée par une
radiothérapie (TPP intermédiaires, tumeurs papillaires, épendymomes), voire une radiochimiothérapie
(pinéaloblastome). Dans les tumeurs germinales, la chimiothérapie suivie d’une radiothérapie avec une
éventuelle chirurgie entre les deux séquences thérapeutiques est proposée. Le pronostic est excellent dans
le pinéalocytome, le germinome pur, le tératome, l’astrocytome pilocytique mais beaucoup plus variable
dans les autres types histologiques. Des récidives parfois tardives sont possibles justifiant une surveillance
prolongée.
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Tumeurs de la région pinéale ; Tumeur germinale ; Tumeur primitive du parenchyme pinéal ;
Tumeurs gliales

Plan ¶ Dosages biologiques 10


Marqueurs tumoraux 10
¶ Introduction 1 Recherche de cellules tumorales dans le LCS 11
¶ Anatomie de la région pinéale 2 ¶ Traitement 11
Limites anatomiques de la région pinéale 2 Méthodes 11
Contenu de la région pinéale 2 ¶ Stratégies thérapeutiques et pronostic 12
¶ Anatomopathologie 2 Tumeurs du parenchyme pinéal 13
Kystes de la glande pinéale 3 Tumeurs germinales 14
Tumeurs du parenchyme pinéal 3 Tumeurs gliales 15
Tumeurs gliales 5 Kystes de la région pinéale 15
Tumeurs germinales 6 ¶ Surveillance 15
Autres tumeurs et processus expansifs tumoraux de la région
¶ Conclusion 15
pinéale 9
¶ Clinique 9
Hydrocéphalie 9
Signes neuro-ophtalmologiques 9
Signes endocriniens 9 ■ Introduction
Autres signes neurologiques 9
Manifestations secondaires à des métastases locorégionales 9 Les tumeurs de la région pinéale (TRP) sont rares. Elles
¶ Imagerie 9 constituent 0,5 % à 1 % des tumeurs intracrâniennes de l’adulte
Radiographies simples du crâne 9 en Europe et aux États-Unis mais jusqu’à 4 % au Japon [1]. Chez
Scanner cérébral 10 l’enfant, elles sont 10 fois plus fréquentes, atteignant 8 %. Leur
Imagerie par résonance magnétique 10 localisation anatomique profondément enfouie sous les hémis-
Angiographie cérébrale 10 phères cérébraux en arrière du III e ventricule et du tronc

Neurologie 1
17-380-D-10 ¶ Tumeurs de la région pinéale

cérébral, et la variété des différents types histologiques expli- Physiologie


quent l’intérêt que suscitent ces lésions et les difficultés de leur La glande pinéale est un organe neuroendocrinien qui sécrète
traitement. Leur prise en charge repose toujours sur les mêmes de la sérotonine et surtout de la mélatonine. Cette hormone, qui
armes thérapeutiques que sont la chirurgie, la radiochirurgie, la dérive de la transformation enzymatique du tryptophane circu-
radiothérapie et la chimiothérapie. La stratégie thérapeutique lant, est sécrétée selon un rythme circadien. Les taux plasmati-
reste discutée mais bénéficie actuellement d’une réflexion ques bas dans la journée s’élèvent en début de nuit pour
systématique au sein de réunions de concertation pluri- atteindre un maximum entre 1 heure et 4 heures du matin. La
disciplinaire. régulation de cette sécrétion est sous la dépendance d’une
horloge circadienne située dans les noyaux suprachiasmatiques
■ Anatomie de la région pinéale hypothalamiques. Ces derniers reçoivent des fibres rétinohypo-
thalamiques qui projettent sur l’épiphyse par des voies nerveuses
empruntant le système nerveux central puis le système nerveux
Limites anatomiques de la région pinéale sympathique via le ganglion cervical supérieur. La mélatonine a
Les limites anatomiques de la région pinéale expliquent la de nombreux effets physiologiques en raison de la large distribu-
séméiologie de ces tumeurs et la difficulté des voies d’abord tion de ses récepteurs qui prédominent toutefois dans le cerveau
chirurgicales décrites pour leur exérèse. Ces limites sont : et notamment dans l’hypothalamus. Cette hormone joue un rôle
• en avant, la paroi postérieure et la base du IIIe ventricule (V3) essentiel dans l’adaptation de l’individu aux conditions d’envi-
situées entre les deux thalami ; ronnement en contrôlant les rythmes biologiques : action sur le
• en haut, le splénium du corps calleux qui adhère au fornix sommeil et sur la température corporelle, rôle modulateur sur la
dont les piliers postérieurs en s’écartant délimitent un triangle fonction de reproduction. Les conséquences d’un déficit hormo-
où s’inscrit la toile choroïdienne supérieure au-dessus du V3 ; nal en mélatonine rencontrées après exérèse d’une TRP sont
• en arrière, le splénium du corps calleux et l’angle falcotento- difficiles à évaluer car intriquées à d’éventuelles séquelles de la
riel en haut et le vermis en bas ferment la région ; chirurgie ou des traitements complémentaires. Un syndrome des
• en bas, la lame tectale et les quatre colliculi (ou tubercules pinéalectomisés corrigé par l’apport exogène de mélatonine a
quadrijumeaux) ; cependant été décrit [2].
• latéralement, la partie postérieure des thalami ou pulvinar
recouvre les colliculi. Citerne quadrigéminale
Prolongement des citernes ambiantes, elle abrite la glande
Contenu de la région pinéale pinéale et les vaisseaux de la région pinéale. Son arachnoïde,
souvent très épaisse, cache les veines de la région, ce qui est
Glande pinéale parfois à l’origine de difficultés lors des exérèses des TRP.
Aspect macroscopique
Artères de la région pinéale
Organe impair et médian, en forme de pomme de pin, d’où
son nom, la glande pinéale ou épiphyse mesure 6 à 8 mm de Ce sont des branches de l’artère cérébrale postérieure et de
long, 4 à 5 mm de largeur et 2 à 3 mm d’épaisseur. Elle pèse l’artère cérébelleuse supérieure. Les artères choroïdiennes
environ 0,20 g. Elle devient kystique et se calcifie dans 60 % des postéromédianes sont les plus proches de la glande pinéale
cas après 20 ans, ce qui en fait un repère à l’imagerie. La glande qu’elles contournent avant de pénétrer dans la toile choroï-
pinéale se fixe par une lamelle supérieure à la commissure dienne supérieure en dedans des veines cérébrales internes. Elles
habénulaire et par une lamelle inférieure à la commissure donnent des artérioles pinéales qui vascularisent la glande.
blanche postérieure surplombant l’orifice de l’aqueduc de
Sylvius. Ces deux prolongements limitent le récessus pinéal. Système veineux
C’est l’ampoule de Galien ou grande veine cérébrale interne
Histologie
qui forme avec ses affluents un réseau vasculaire dense
La glande pinéale est constituée d’une capsule, d’un paren- au-dessus de la glande pinéale et de la lame tectale. Née de
chyme glandulaire, de vaisseaux et de nerfs. La capsule l’union des deux veines cérébrales internes, la grande veine
conjonctive envoie des travées dans l’épaisseur de la glande et cérébrale après un trajet plus ou moins long sous le splénium
donne un aspect lobulé au parenchyme pinéal. Le parenchyme se jette dans le sinus droit à la jonction falcotentorielle. Ce
est composé de pinéalocytes et de cellules interstitielles gliales. réseau veineux représente un risque majeur aussi bien lors de
Les pinéalocytes possèdent des noyaux arrondis ou réniformes, l’abord chirurgical direct que lors d’une biopsie stéréotaxique.
à la chromatine « poivre et sel » avec un petit nucléole. Le
cytoplasme finement granuleux présente des prolongements en
forme de « club de golf » qui sont au contact des vaisseaux. ■ Anatomopathologie
L’étude ultrastructurale du pinéalocyte montre qu’il renferme
des organites plus ou moins vestigiaux rappelant la différenci- Les tumeurs de la région pinéale sont rares. Elles compren-
ation neurosécrétoire et photoréceptrice de la glande nent plusieurs variétés histologiques dont les principales sont
(Tableau 1). les tumeurs germinales, les tumeurs du parenchyme pinéal

Tableau 1.
Étude immunohistochimique de la pinéale normale, des kystes de la pinéale et des tumeurs du parenchyme pinéal.
PN Kyste PC PB TPP int TPRP
Marqueurs neuronaux Paroi gliale Glande résiduelle
Neurofilaments +++ 0 +++ ++ ± ± à ++ -
Synaptophysine +++ 0 +++ +++ ± ± à ++ ±
Chromogranine A ± 0 ± ± à ++ ± ± à ++ ±

Marqueurs gliaux
Protéine gliofibrillaire acide (GFAP) ± (CI) +++ ± (CI) ± (CI – PV) ± ± (CI – PV) ±
Vimentine ++ (V) ++ (V) ++ (V) ± (CI-PV-V) ± ± (CI-PV-V) +
PS 100 ± (CI) ± ± (CI) ± (CI) 0 ± (CI) +
PN : pinéale normale ; PC : pinéalocytome ; PB : pinéaloblastome ; TPP int : tumeur du parenchyme à différenciation intermédiaire ; TPRP : tumeur papillaire de la région
pinéale ; CI : cellules intersitielles ; PV : périvasculaire ; V : vaisseaux ; 0 : pas de marquage ; ± : marquage faible ; ++ : marquage moyen à fort ; +++ : marquage très intense.

2 Neurologie
Tumeurs de la région pinéale ¶ 17-380-D-10

(TPP) et les tumeurs d’origine gliale [3]. La classification histo- pseudorosettes pinéalocytaires, de taille variable, plus ou moins
pronostique de ces tumeurs pose encore des problèmes en confluentes. Les pinéalocytes tumoraux ont des cytoplasmes
particulier pour les TPP [4]. relativement abondants, ovoïdes avec parfois des prolongements
en « club de golf » bien visibles sur les colorations argenti-
Kystes de la glande pinéale ques [12]. Les cytoplasmes sont éosinophiles ou clarifiés, les
noyaux sont arrondis ou réniformes. Le tissu interstitiel contient
Des kystes gliaux au sein de la glande pinéale, souvent calci- de fins capillaires et des vaisseaux hyalins [3, 4, 13].
fiée, peuvent être découverts au cours d’autopsie spécialement La variante pléiomorphe correspond à des zones de PC typique
chez les personnes âgées. Il s’agit de pseudokystes qui résultent de renfermant de grandes cellules dystrophiques au noyau hyper-
manifestations dégénératives au sein du parenchyme pinéal ou de chromatique et/ou des cellules d’allure ganglionnaire [4, 14, 15].
la séquestration du diverticule du récessus pinéal. Certains kystes, Ces deux formes de PC ne présentent ni mitose, ni nécrose
plus volumineux, peuvent se présenter chez de jeunes adultes tumorale. Les cellules tumorales expriment fortement les
sous forme de processus expansifs, ronds ou ovales de 1 à 3 cm marqueurs neuronaux et/ou neuroendocrines (neurofilaments
de diamètre. Ils se rencontrent plus fréquemment chez la [ Figure 1B], synaptophysine, chromogranine A) [10]. De plus, ces
femme [5-8]. Ils peuvent être asymptomatiques. Leur identification tumeurs peuvent exprimer des marqueurs neurosensoriels
a augmenté de façon très significative ces dernières décennies (antigène S, rhodopsine) rappelant la phylogenèse de la glande
grâce à la disponibilité de l’IRM. Certains kystes sont symptoma- pinéale [4, 16] . La sérotonine et la tryptophane hydroxylase
tiques et entraînent des signes en relation avec la compression de impliquées dans la synthèse de la mélatonine peuvent égale-
l’aqueduc de Sylvius ou de la lame tectale. Une apoplexie pinéale ment être mises en évidence. Les données sur la sécrétion et sur
pourrait être associée à des kystes sous-jacents ou entraîner le la libération de mélatonine par les cellules tumorales restent
développement progressif de ces kystes [9]. contradictoires [17]. Les marqueurs gliaux (GFAP, vimentine,
L’examen histologique montre que le kyste se compose d’une PS100 et plus rarement Olig2) sont présents dans les cellules
paroi autour d’un matériel mucoïde. La paroi kystique est interstitielles (Tableau 1).
formée de trois couches [8]. Une couche interne gliale faite de L’étude ultrastructurale de ces cellules confirme la différen-
gliose piloïde qui renferme des fibres de Rosenthal et du ciation neurosensorielle et neuroendocrine avec la mise en
pigment hémosidérinique, témoin d’hémorragies anciennes. évidence d’organites spécifiques du pinéalocyte : ruban circons-
Cette bande gliale est entourée du parenchyme pinéal com- crit de vésicules rappelant le ruban synaptique des photorécep-
primé englobant souvent des calcifications. La couche externe teurs, des filaments torsadés et des vésicules à cœur dense de
fibreuse comprend la capsule au contact de l’arachnoïde type neuroendocrine.
sclérohypertrophique. La lobulation organoïde, caractéristique
de la glande pinéale, est rarement conservée en raison de la Pinéaloblastome (grade IV de l’OMS)
distorsion inhérente à la formation du kyste. Sur de petites
biopsies, ces kystes peuvent donc poser d’importants problèmes À l’opposé du pinéalocytome, cette tumeur maligne
de diagnostic avec, d’une part, un astrocytome pilocytique et, embryonnaire indifférenciée présente des analogies avec les
d’autre part, une tumeur du parenchyme pinéal. Ce diagnostic médulloblastomes et les autres tumeurs neuroectodermiques
différentiel est crucial afin d’éviter un traitement radiothérapi- primitives (PNET). Cette tumeur survient dans les deux premiè-
que inapproprié. res décennies de la vie avec une plus grande incidence avant
L’étude immunohistochimique peut être une aide importante 10 ans et avec une discrète prépondérance masculine [4].
au diagnostic. En effet, l’alternance de la bande gliale fortement Ces tumeurs apparaissent, à l’étude macroscopique, souvent
marquée avec l’antiprotéine gliofibrillaire acide (GFAP) et de volumineuses, friables et nécrotiques. L’étude histopathologique
celle du parenchyme pinéal exprimant fortement les neurofila- montre une prolifération monomorphe de petites cellules
ments et la synaptophysine est en faveur de la nature kystique bleues. Ces cellules ont des cytoplasmes peu abondants autour
et non tumorale de la lésion [10] (Tableau 1). De plus, la glande de noyaux arrondis ou en forme de carotte (forme pseudomé-
pinéale normale se différencie d’un processus tumoral par un dulloblastique du PB). L’index mitotique est le plus souvent
index de prolifération (MIB1) nul et du pinéalocytome en élevé, les vaisseaux peuvent présenter une hyperplasie endothé-
particulier par l’absence de pseudorosettes pinéalocytaires. liale et des plages de nécrose sont souvent observées [13]. Ces
tumeurs peuvent contenir des pigments de mélanine. Les PB
Tumeurs du parenchyme pinéal renferment souvent des pseudorosettes neuroblastiques de type
Homer-Wright ou des rosettes de Flexner-Wintersteiner comme
Les TPP représentent moins d’un tiers des tumeurs de la dans les rétinoblastomes auxquels ces tumeurs peuvent être
région pinéale et leur classification a été l’objet de nombreuses associées (rétinoblastome trilatéral) [18] . Cette tumeur peu
controverses. La dernière classification de l’Organisation différenciée n’exprime que faiblement ou focalement les
mondiale de la Santé (OMS) reconnaît trois grandes catégories marqueurs neuronaux ou neuroendocrines. Les cellules ne
de TPP [11] : le pinéalocytome ou pinéocytome (PC), tumeur possèdent que de rares organelles à l’étude ultrastructurale [10,
bien différenciée grade I de l’OMS, le pinéaloblastome ou 19] . Un diagnostic différentiel important à considérer chez

pinéoblastome (PB), tumeur immature grade IV de l’OMS, les l’enfant est la tumeur tératoïde/rhabdoïde atypique qui peut se
TPP à différenciation intermédiaire (TPP int) de bas grade développer dans la région pinéale et présenter parfois une
(grade II de l’OMS) et de haut grade (grade III de l’OMS). Les cytologie de tumeur à « petites cellules bleues » (Fig. 2A).
tumeurs mixtes PC/PB sont désormais apparentées aux PB. Cette L’absence d’expression d’integrase interactor 1 (INI1) dans le
classification en quatre grades repose en partie sur l’étude noyau des cellules tumorales est un argument majeur en faveur
anatomoclinique d’une grande série de TPP, publiée en 2000 par de ce dernier diagnostic [20].
Jouvet et al. [4] qui avait pour but de mieux définir les grades
des PC et des TPP int. Tumeurs mixtes PC/PB
Pinéalocytome (grade I de l’OMS) Les tumeurs mixtes PC/PB sont très rares et définies par des
zones de PB alternant avec des zones de PC bien délimitées. La
Les PC sont plus fréquents après 40 ans, en proportion composante de PC doit être clairement différenciée de la glande
presque égale dans les deux sexes. L’aspect macroscopique est pinéale normale infiltrée.
celui d’une tumeur non invasive, bien délimitée, ferme, gris
rosé, non nécrotique, parfois hémorragique. TPP à différenciation intermédiaire
Sur le plan histologique, les PC se présentent sous deux
(grades II et III de l’OMS) (TPP int)
formes : le PC typique et le PC pléiomorphe ou ganglionnaire
(Fig. 1A). Le PC typique évolue en nappes diffuses avec une Les TPP int se rencontrent chez l’adulte jeune entre 20 et
disparition partielle de la lobulation de la glande normale. Les 40 ans. L’aspect macroscopique est proche de celui des
cellules tumorales ménagent de larges plages fibrillaires appelées pinéalocytomes. Les TPP int présentent différents sous-types

Neurologie 3
17-380-D-10 ¶ Tumeurs de la région pinéale

A B

C D
Figure 1. Pinéalocytome.
A. Pinéalocytome (hématoxyline éosine safran, × 20).
B. Neurofilaments (× 40).
C. Imagerie par résonance magnétique en coupe sagittale sans injection de gadolinium.
D. Imagerie par résonance magnétique en coupe sagittale avec injection de gadolinium.

histologiques, avec une forme fortement lobulée par une Grading des tumeurs du parenchyme pinéal
trame vasculaire endocrinoïde hyalinisée. Cette forme est
Une corrélation significative entre la survie des malades et
souvent surgradée en pinéaloblastome. Une deuxième forme
l’importance de la différenciation neuronale, neuroendocrine
d’architecture diffuse peut poser des problèmes de diagnostic
et/ou neurosensorielle (marquage des neurofilaments), ainsi que
avec les oligodendrogliomes ou les neurocytomes. Certaines les critères de malignité (en particulier le nombre de mitoses
TPP int ont des aspects transitionnels entre PC et forme observées) a permis de proposer une nouvelle classification en
lobulée ou diffuse [4] (Fig. 3A). quatre grades pronostiques [4] sur laquelle est en partie fondée
Les TPP int sont composées de cellules rondes au cytoplasme la nouvelle classification OMS [11] (Tableau 2).
relativement abondant, au noyau arrondi, régulier, à la chroma- Le grade I correspond au PC typique ou au PC pléiomorphe
tine « poivre et sel » et au nucléole plus ou moins bien visible. à différenciation ganglionnaire. Le grade IV correspond au PB.
Le nombre de mitoses est variable ainsi que l’expression des Les TPP int sont divisées en deux grades, tumeurs de bas grade
marqueurs neuronaux ou neuroendocrines. Une prolifération (grade II) et tumeurs de haut grade (grade III). Des critères ont
endothéliale et des foyers de nécrose peuvent être observés. Une été proposés pour différencier ces deux grades. Les TPP int de
variante pléiomorphe a également été décrite pour cette grade II correspondent aux tumeurs renfermant moins de six
catégorie tumorale [15]. mitoses et présentant un immunomarquage antineurofilaments
L’aspect ultrastructural est en relation avec le degré de nettement positif. Les TPP int de grade III correspondent soit
différenciation de ces TPP int : certaines sont riches en vésicules aux tumeurs avec six mitoses ou plus, soit aux tumeurs avec
à cœur dense témoignant d’une différenciation neuroendocrine. moins de six mitoses mais sans expression des neurofilaments.
Les autres TPP int renferment des organelles de type neurosen- L’OMS reconnaît deux grades parmi les TPP int ; cependant
soriel comme les pinéalocytomes [10, 19]. l’utilisation du compte mitotique et de l’immunomarquage

4 Neurologie
Tumeurs de la région pinéale ¶ 17-380-D-10

A
A

25,9 mm 24,2 mm

B
Figure 3. Tumeur du parenchyme pinéal intermédiaire (TPP int).
A. TPP à différenciation intermédiaire (hématoxyline éosine safran, × 40).
B. Imagerie par résonance magnétique en coupe sagittale avec injection
de gadolinium.

chromosomes 20 et 22 [26]. L’isochromosome 17q ou un gain


déséquilibré du 17q sont des anomalies caractéristiques du
médulloblastome mais retrouvées beaucoup plus rarement dans
les PB [25] . L’acide ribonucléique (ARN) messager de gènes
impliqués dans la biosynthèse de la mélatonine et dans la
phototransduction a été mis en évidence dans les TPP [27, 28].
B Les pinéaloblastomes ont été associés à des mutations germi-
nales du gène du rétinoblastome [29] et au syndrome de Turcot
Figure 2. Pinéaloblastome.
impliquant le gène APC ou adenomatosis polyposis coli [30].
A. Pinéaloblastome (hématoxyline éosine safran, × 20).
B. Imagerie par résonance magnétique en coupe axiale avec injection de
gadolinium. Tumeurs gliales
Les tumeurs gliales de la région pinéale proviennent surtout
de la lame tectale mais peuvent se former à partir des éléments
antineurofilament pour les différencier nécessite d’être confir- gliaux épiphysaires. Il s’agit le plus souvent d’astrocytomes de
mée sur une plus large cohorte. bas grade et plus particulièrement d’astrocytomes pilocytiques.
L’intérêt de l’index de prolifération MIB1 mesuré par l’anti- Ces dernières tumeurs sont parfois difficiles à distinguer, sur de
Ki67 n’a pas encore été validé comme outil dans la classification petites biopsies, d’une gliose piloïde d’un kyste de la glande
des TPP. Néanmoins, les index de prolifération des trois types de pinéale ou d’une gliose de voisinage d’un autre processus
TPP diffèrent notablement avec des valeurs de 1,3-1,6 %, 10,1- expansif de la région. Une faible proportion des astrocytomes de
16,1 %, et 23,5-27,2 %, pour les PC, les TPP int et les PB bas grade de la lame tectale (principalement ceux de petite
respectivement [22]. De rares cas de progression maligne vers le taille, ne prenant pas le contraste et non évolutifs) pourrait
PB (grade IV) ont été rapportés pour les TPP int [23, 24]. correspondre à des processus hamartomateux dont on peut
rapprocher les hamartomes glioneuronaux de l’aqueduc de
Génétique des tumeurs du parenchyme pinéal Sylvius observés chez le fœtus. Il existe de rares oligodendro-
Les rares études génétiques réalisées sur les TPP ne mettent gliomes, glioblastomes, dans cette région ainsi que des ganglio-
pas en évidence de signature moléculaire spécifique. Une étude gliomes parfois mélanotiques [3, 11, 31].
en hybridation génomique comparative (CHG) ne montre pas Les épendymomes de la région pinéale dérivent des cellules
de gains ni de pertes de matériel génétique dans les PC [25]. Elle épendymaires bordant le V3. Certaines tumeurs de la région
rapproche les anomalies chromosomiques des TPP int à celles pinéale pourraient également provenir de cellules épendymaires
identifiées dans les PB. Dans ces derniers, il existe des anomalies spécialisées provenant de l’organe sous-commissural, structure
chromosomiques à la fois structurales et numériques parmi avoisinant la glande pinéale [27, 32] . Ces tumeurs appelées
lesquelles des altérations du chromosome 1, des pertes des « tumeurs papillaires de la région pinéale » (TPRP) et reconnues

Neurologie 5
17-380-D-10 ¶ Tumeurs de la région pinéale

Tableau 2.
Grading des tumeurs du parenchyme pinéal.
Sous-type Pinéalocytomes TPP int (bas grade) TPP int (haut grade) Pinéaloblastomes
histologique
Âge Adulte Adulte Enfant

Aspect Rond Non déterminé Irrégulier, lobulé


macroscopique/ Bien limité Limites mal définies
neuroradiologique
Limites « expansives » Infiltration du parenchyme adjacent
Métastases dans le LCS

Grade OMS I II III IV

Morphologie Pseudorosettes Architecture diffuse ou pseudolobulée Architecture diffuse


pinéalocytaires Forme transitionnelle : zones typiques de pinéalocytome Rosettes d’Homer-Wright
Densité : modérée en continuité avec un contingent de TPP int Rosettes de Flexner-Wintersteiner,
Cellules : taille moyenne Densité : modérée à haute fleurettes (très rare)
Cytoplasme : clair ou Cellules : taille moyenne à petite Densité : haute
éosinophile avec limites Cytoplasme : encore visible Cellules : petites
mal définies
Noyaux : uniformément rond avec anisocaryose modérée Cytoplasme : peu abondant
Noyaux :
Chromatine : « poivre et sel » avec parfois nucléole proéminent Noyaux : anguleux, ronds
taille moyenne, rond
Chromatine : hyperchromatique
ou encoché, peu nucléolé
Chromatine : fine
ou « poivre et sel »

Mitoses (pour 0 < 6(a) < 6(a) ≥ 6(a) Variable


10 champs au fort
grandissement)

Neurofilaments(b) +++ dans ++(a) ±(a) ++(a) ±


les pseudorosettes

Synaptophysine Forte expression, Cytoplasmique, intensité faible à modérée Expression diffuse ou focale, intensité
particulièrement faible
dans les pseudorosettes
pinéalocytaires

Principaux Chirurgie Traitement optimal non déterminé, mais incluant la chirurgie Chirurgie/radiothérapie/chimiothérapie
traitements et au moins un traitement adjuvant

Pronostic (d’après[21]) Favorable Risque de récidives locales Risque de dissémination Défavorable


Survie à 5 ans = 91 % et tardives métastatique Survie à 5 ans = 10 %
Survie à 5 ans = 74 % Survie à 5 ans = 39 %
TPP int : tumeur du parenchyme pinéal à différenciation intermédiaire ; LCS : liquide cérébrospinal. (a) : grading proposé par Jouvet et al. en 2000 [4] pour séparer les TPP int de
grade II des TPP int de grade III. Ces critères nécessitent une validation sur une plus large cohorte et ne sont pas prioritaires sur l’aspect histopathologique initial en colorations
standards. (b) Expression des neurofilaments : +++ : présence de nombreuses cellules ou prolongements cellulaires positifs ; ++ : présence d’amas focaux comprenant au moins
15 % de cellules positives ; ± : absence ou présence de rares cellules positives.

par l’OMS dans sa dernière classification de 2007 [11] ont un le carcinome embryonnaire celui des cellules embryonnaires
aspect pseudoépithélial papillaire et expriment la cytokératine totipotentes, le tératome celui des cellules embryonnaires plus
(notamment 18), marqueur épithélial également présent dans différenciées dont le degré de maturation est de type fœtal
les tumeurs des plexus choroïdes (Fig. 4A). Ces tumeurs peuvent (tératome immature) ou adulte (tératome mature), les tumeurs
poser des problèmes de diagnostic différentiel avec les métasta- du sinus endodermique et le choriocarcinome celui de cellules
ses des cancers épithéliaux. De principe, avant d’affirmer ce type à différenciation extraembryonnaire formant le sac vitellin ou le
de diagnostic, toute lésion papillaire de la région pinéale chez trophoblaste [35].
l’adulte doit faire évoquer en premier lieu une métastase L’histogenèse des TG ovariennes et testiculaires est de mieux
d’adénocarcinome. en mieux connue mais elle reste encore discutée dans
l’encéphale. Le point commun entre toutes les théories histogé-
Tumeurs germinales nétiques des TG est l’implication d’une cellule totipotente, c’est-
à-dire possédant la capacité de générer l’ensemble des tissus
Les tumeurs germinales (TG) intracrâniennes représentent
moins de 7 % de l’ensemble des tumeurs germinales gonadiques embryonnaires et extraembryonnaires de l’organisme. La
et extragonadiques. Elles représentent 0,5 à 3,2 % des tumeurs première hypothèse la plus communément admise fait des CGP
intracrâniennes de l’adulte, 12 % de celles de l’enfant [33]. Les l’origine commune de l’ensemble des TG [36]. À cette première
deux tiers des tumeurs germinales intracrâniennes sont situés hypothèse classique, se rajoutent deux autres hypothèses plus
dans la région pinéale [34]. Les tumeurs germinales sont les plus marginales. La deuxième repose sur l’incorporation anormale de
fréquentes des tumeurs de la région pinéale (30 % à 50 %). Elles cellules embryonnaires dans le tube neural au cours du déve-
se rencontrent avant 20 ans (65 % entre 11 et 20 ans) et loppement [37]. La troisième hypothèse suppose la présence
affectent essentiellement le jeune garçon avant 15 ans. « physiologique » de cellules souches pluripotentes dans la
Les TG reflètent les différents stades des développements région pinéale, ce qui ne nécessite pas la présence d’un méca-
embryonnaires ou extraembryonnaires. Le germinome (appelé nisme complexe de migration [38] . Ces cellules auraient la
séminome dans le testicule et dysgerminome dans l’ovaire) est capacité, après diverses altérations, de reproduire toute la
le versant néoplasique de la cellule germinale primitive (CGP), gamme de différenciation des TG.

6 Neurologie
Tumeurs de la région pinéale ¶ 17-380-D-10

A
Figure 4. Tumeur papillaire de la région pinéale (TPRP).
A. TPRP (hématoxyline éosine safran, × 40)
B. Imagerie par résonance magnétique en coupe sagittale avec injection de
gadolinium.
C. Imagerie par résonance magnétique en coupe axiale avec injection de
gadolinium.

Germinome individualisés. Le premier contingent est constitué par de


grandes cellules arrondies ou polygonales au cytoplasme clair ou
Le germinome représente 50 % des tumeurs germinales de la
finement granuleux, riche en glycogène, acide périodique Schiff
région pinéale [34]. Tumeur maligne, grise rosée, molle, friable,
(PAS) positif, avec des noyaux arrondis centraux, à la chroma-
le germinome a tendance à disséminer ses cellules dans le
tine fine et au volumineux nucléole. Ces cellules ressemblent
liquide cérébrospinal (LCS) et l’arachnoïde et à donner des
aux CGP. Elles prolifèrent en plages séparées par des travées
métastases névraxiques.
Le germinome, encore appelé séminome de la pinéale conjonctives grêles. Le deuxième contingent cellulaire à petites
(seminoma-like pinealoma des Anglo-Saxons) a été appelé à tort cellules sombres est réactionnel, il correspond à des cellules
« pinéalome » en raison de sa ressemblance avec la glande lymphocytaires. Cette réaction lymphocytaire riche en lympho-
pinéale fœtale où il existe une alternance de grandes cellules cytes T s’accompagne parfois d’une réaction granulomateuse à
claires et de petites cellules sombres rondes pinéalocytaires. cellules géantes macrophagiques qui peut être extensive et poser
L’histogenèse commune avec les autres tumeurs germinales doit des problèmes de diagnostic différentiel avec une sarcoïdose [13].
faire abandonner le terme de « pinéalome » qui entraîne encore Les germinomes ont un marquage membranaire et cytoplas-
des confusions avec les pinéalomes « vrais » actuellement mique diffus pour la phosphatase alcaline placentaire (PLAP),
appelés tumeurs du parenchyme pinéal. L’autre localisation des protéine exprimée par les cellules germinales primitives mais
germinomes intracrâniens est la région suprasellaire, hypotha- 5 % à 10 % des germinomes sont PLAP négatifs. Les germino-
lamique. Ces germinomes hypothalamiques sont encore à tort mes ont une expression membranaire CD 117 (c-Kit) et peuvent
appelés « pinéalomes ectopiques ». La double localisation exprimer focalement la kératine. OCT3/4 (octamer 3/4 ou
pinéale et hypothalamique du germinome n’est pas POU5F1) est un nouveau marqueur nucléaire correspondant à
exceptionnelle. un facteur de transcription à domaine POU impliqué dans la
Le germinome pur est caractérisé sur le plan histologique par biologie des cellules souches (Tableau 3). Ce marqueur est
son aspect biphasique avec deux types cellulaires clairement exprimé dans les cellules souches embryonnaires et dans les

Neurologie 7
17-380-D-10 ¶ Tumeurs de la région pinéale

Tableau 3.
Étude immunohistochimique des tumeurs germinales.
CK PLAP CD117 OCT3/4 HLP bHCG ␣FP CD30
Germinome pur ± + + mb + - - - -
Avec CGST + + +

Tératome
- mature + - - - - - - -
- immature ± - - - - - Possible(a) -

Carcinome embryonnaire + + - + - - - +

Tumeur du sac vitellin + ± - - - - + -

Choriocarcinome + ± - - + + - -
CGST : cellules géantes syncytiotrophoblastiques ; CK : cytokératines ; PLAP : phosphatase alcaline placentaire ; CD117 : c-kit (mb : marquage membranaire) ; OCT3/4 :
octamer 3/4 ; HLP : hormone lactogène placentaire ; bhCG : hormone chorionique gonadotrophique, sous-unité bêta ; aFP : alpha fœtoprotéine ; CD30 : Ki-1 ; - : expression
immunohistochimique négative ; ± : expression immunohistochimique faible et/ou focale ; + : expression immunohistochimique positive. (a) Expression possible de l’aFP si
différenciation digestive de type fœtal (tube digestif immature).

CGP. On l’identifie ainsi logiquement dans les carcinomes Tératomes immatures


embryonnaires et les germinomes. Dans le diagnostic de ces Les tératomes immatures (anciennement dysembryomes
tumeurs, il peut constituer un outil plus fiable que l’anticorps immatures) sont constitués par des tissus immatures (tissu
anti-PLAP dont l’interprétation est parfois délicate [39]. nerveux en développement, tube digestif ou cartilage
Les germinomes peuvent renfermer des cellules géantes immature).
multinucléées syncytiotrophoblastiques isolées. Celles-ci ne
doivent pas être considérées comme un contingent de chorio- Choriocarcinome et tumeur vitelline
carcinome car ce dernier est défini par la présence concomitante
de cellules tumorales mononucléées cytotrophoblastiques, Les tumeurs à différenciation extraembryonnaire correspon-
absentes dans les germinomes. L’expression d’une faible quan- dent au choriocarcinome et à la tumeur vitelline (ou tumeur du
tité de bêta hormone gonadochorionique (b-hCG) peut alors sinus endodermique, yolk sac tumor des Anglo-Saxons). Ces deux
être identifiée dans le LCS sans atteindre toutefois les taux dernières tumeurs sont dites tumeurs germinales malignes
observés lorsque la tumeur comprend un authentique contin- « sécrétantes ». Les choriocarcinomes sécrètent de la b-hCG et
gent choriocarcinomateux [33]. les tumeurs du sinus endodermique de l’alfa fœtoprotéine (aFP).
Ces marqueurs doivent être cherchés systématiquement, avant
l’intervention, dans le sang et le LCS : présents, ils permettent
Carcinome embryonnaire
un diagnostic préopératoire. Ces marqueurs sont retrouvés par
Le carcinome embryonnaire ressemble à un tissu d’allure immunohistochimie au sein même des tumeurs lors de l’exa-
épithéliale immature. L’architecture peut être acineuse, tubu- men histologique [11].
laire, papillaire, voire solide. Les cellules sont polygonales avec
des contours cytoplasmiques flous. Leur noyau est vésiculeux Tumeurs germinales mixtes
avec un ou plusieurs volumineux nucléoles. Les mitoses sont Elles comprennent par définition au moins deux composants
nombreuses, parfois atypiques. Ce contingent tumoral est parmi les types tumoraux précédemment décrits. Les associa-
rarement pur, le plus souvent associé à du tératome immature. tions les plus fréquentes dans le système nerveux central sont
germinome et tératome immature [33]. La croissance du téra-
Tératomes tome, qui représente le contingent le plus différencié et donc le
Ce sont des tumeurs comprenant différents éléments rappe- moins chimiosensible, peut être responsable d’une aggravation
lant la différenciation des trois feuillets embryonnaires (ecto- clinique paradoxale alors que les contingents les plus malins
derme, mésoderme, endoderme). Ils peuvent être composés de ont été éliminés par le traitement (growing teratoma
tissus matures et/ou immatures. Les tératomes sont des tumeurs syndrome) [41].
bien limitées, multilobées et hétérogènes. L’ensemble des tératomes immatures et des tumeurs mixtes
représente le dernier quart des tumeurs germinales de la région
Tératomes matures pinéale. L’histologie de ces tumeurs est comparable à celle des
Les tératomes matures représentent un quart des tumeurs autres tumeurs germinales (cf. tumeurs germinales gonadiques).
germinales de la région pinéale et sont constitués de tissus
Génétique des tumeurs germinales
matures différenciés issus des trois feuillets embryonnaires.
Comme dans les tératomes matures de l’ovaire, les tératomes intracrâniennes
matures de la région pinéale peuvent renfermer des cheveux, La majeure partie des connaissances actuelles sur la biologie
dents, cartilage. Parfois, ils se limitent au contingent épidermi- des TG est basée sur l’analyse moléculaire des tumeurs gonadi-
que et sont alors appelés kystes dermoïdes si les annexes ques qui sont fréquentes et facilement accessibles. Les tumeurs
cutanées sont présentes ou kystes épidermoïdes si elles sont germinales intracrâniennes, elles, sont au contraire beaucoup
absentes. Les kystes épidermoïdes correspondent vraisemblable- plus rares et d’accès complexe, ce qui limite la quantité de
ment à des inclusions ectodermiques s’étant constituées lors de matériel tissulaire disponible pour analyse génétique et donc
la fermeture du tube neural alors que la nature néoplasique ou explique le faible nombre d’études moléculaires les concernant.
malformative des kystes dermoïdes intracrâniens est discu- Il a été récemment proposé une classification des TG en cinq
tée [40] . Ces derniers aspects rassurants, matures, doivent types basée sur différentes caractéristiques comprenant la nature
cependant faire rechercher, par des coupes multiples de de la cellule d’origine, l’histologie, l’âge, la localisation, les
l’ensemble des prélèvements, d’autres contingents tumoraux anomalies chromosomiques et le statut d’empreinte génétique
immatures responsables d’un pronostic plus défavorable du tissu tumoral [36]. Dans cette classification, seuls les types I
(tumeur germinale mixte). Les tératomes peuvent se cancériser. et II peuvent se développer en situation intracrânienne. Les TG
Le plus fréquemment il s’agit de la transformation sarcomateuse de type I sont les tératomes et les tumeurs vitellines pures de la
d’une composante conjonctive. période périnatale et du très jeune enfant qui sont rarement de

8 Neurologie
Tumeurs de la région pinéale ¶ 17-380-D-10

localisation intracrânienne. Les TG de type II sont les plus Signe d’Argyll-Robertson


classiques et se divisent en TG germinomateuses et non
Signant une souffrance de la commissure blanche postérieure,
germinomateuses.
il se caractérise par des pupilles en myosis plus ou moins serré
Des gains du chromosome X ont été rapportés dans la
avec abolition bilatérale du réflexe photomoteur et conservation
majorité des TG intracrâniennes. Le syndrome de Klinefelter qui
de la contraction pupillaire à l’accommodation-convergence.
se caractérise par la présence d’un chromosome X supplémen-
taire avec un caryotype XXY est associé à une incidence plus Nystagmus retractorius
fréquente de TG extragonadiques [42]. Un risque plus important
de TG intracrâniennes a été également rapporté chez les Il correspond à une souffrance de la substance grise périaque-
patients présentant une trisomie 21 [43]. ducale. Parfois associé au syndrome de Parinaud, il se traduit
La présence d’un isochromosome 12p (correspondant à un par une rétraction en saccades rapides des globes oculaires à
chromosome anormal ayant perdu son bras long et dupliqué son l’intérieur de l’orbite associée à un retour lent. Il est habituelle-
bras court) ou d’un gain du 12p sont des déséquilibres chromo- ment déclenché par des tentatives d’élévation ou de
somiques particulièrement fréquents dans les TG testiculaires et convergence.
caractérisent les TG de type II. Dans les TG intracrâniennes, ces
anomalies sont aussi fréquemment identifiées [44].
Autres signes
Deux études récentes en CGH ont montré de nombreux Une paralysie d’un des nerfs oculomoteurs (III, IV, VI) peut
déséquilibres chromosomiques dans les TG intracrâniennes [44, être présente par envahissement des noyaux mésencéphaliques
45]. Les gains les plus fréquents concernent les régions 12p, 8q ou du fait de l’hypertension intracrânienne. Une amputation du
et 1q. Une méta analyse comparant les TG cérébrales et testicu- champ visuel est rare et relève d’une compression chiasmatique
laires n’a pas montré de différence significative dans leur par une dilation du V3.
composition chromosomique, ce qui constitue un argument fort
en faveur d’une origine cellulaire commune [45]. Comme dans Signes endocriniens
les TG testiculaires, il a été montré dans les TG intracrâniennes
une surexpression protéique fréquente de p53 alors que la Les manifestations sont suffisamment fréquentes pour justi-
mutation du gène correspondant est rare. La protéine Mdm2, fier un bilan préopératoire systématique. Elles sont le plus
inhibiteur de p53, est surexprimée par un mécanisme d’ampli- souvent la conséquence d’une compression hypothalamique par
fication génique. Ces résultats impliquent des interactions p53- la tumeur d’une sécrétion ectopique d’hCG. Associées à des
mdm2 dans la tumorigenèse des TG intracrâniennes. signes ophtalmologiques, ces manifestations endocriniennes
sont très caractéristiques des TRP.
Autres tumeurs et processus expansifs Diabète insipide
tumoraux de la région pinéale Présent dans 15 % des cas, le diabète insipide est souvent le
Il s’agit de tumeurs de voisinage comme les méningiomes, les premier et le seul signe d’atteinte endocrinienne.
tumeurs des plexus choroïdes, de rares lipomes et d’exception-
nels mélanomes. Les tumeurs secondaires sont rares dans la Puberté précoce
région pinéale, elles représentent moins de 3 % des tumeurs de Elle est constatée dans 5 % des cas et se voit avant 9 ans chez
la région pinéale. Elles sont majoritairement en relation avec la fille et avant 11 ans chez le garçon chez qui elle plus
une tumeur primitive pulmonaire et le plus souvent associées à fréquente. Conséquence d’une hypersécrétion de b-hCG, ce
une dissémination leptoméningée [46]. symptôme est plus spécifique du choriocarcinome.
Enfin, on peut observer des malformations vasculaires
(angiome, varice de la veine de Galien) et des kystes Retard pubertaire et insuffisance hypophysaire
arachnoïdiens.
Ces symptômes sont plus rares.

■ Clinique Autres signes neurologiques


Le tableau clinique se constitue le plus souvent progressive- Ils sont très divers, peu évocateurs et dépendent de l’exten-
ment. Une révélation brutale, parfois par un coma secondaire à sion tumorale : syndrome cérébelleux par extension postérieure
une hémorragie intratumorale (apoplexie pinéale) ou dans les (10 % des cas), signes pyramidaux par atteinte de la capsule
espaces sous-arachnoïdiens, est rare et plus souvent le fait des interne (10 % des cas), troubles sensitifs d’origine thalamique,
choriocarcinomes. Les manifestations cliniques sont sous la troubles de mémoire par compression du fornix, syndrome
dépendance de la compression et de l’envahissement des structu- extrapyramidal par atteinte des noyaux de la base, atteinte de
res de voisinage. l’audition par compression des colliculi inférieurs, troubles du
comportement alimentaire, du sommeil, de la thermorégulation,
crises comitiales.
Hydrocéphalie
Conséquence de la compression de l’aqueduc de Sylvius, cette Manifestations secondaires à des métastases
hydrocéphalie est triventriculaire. Le plus souvent cette dilata-
tion est responsable d’un tableau d’hypertension intracrânienne.
locorégionales
Ce syndrome, dans ses différentes expressions cliniques, Conséquences d’une dissémination par voie liquidienne au
constitue le mode de révélation le plus précoce et le plus niveau spinal, les métastases sont présentes dans 10 % à 30 %
fréquent des TRP, surtout chez l’enfant (85 % des cas). Plus des cas. Elles sont le plus souvent latentes, beaucoup plus
rarement, l’hydrocéphalie se manifeste sous forme de céphalées rarement responsables d’une compression médullaire. Ces
chroniques, voire d’un tableau d’hydrocéphalie à pression métastases spinales, notamment dans les TRP malignes, doivent
normale, notamment chez l’adulte. être systématiquement recherchées par une étude du LCS et une
imagerie rachidienne. Les métastases extranévraxiques sont
Signes neuro-ophtalmologiques beaucoup plus rares.

Syndrome de Parinaud
Ce syndrome est la conséquence d’une atteinte de la lame
■ Imagerie
tectale. Il associe une paralysie des mouvements verticaux du
regard à une paralysie de convergence. Présent dans 50 % des
Radiographies simples du crâne
cas, il est souvent incomplet, se réduisant à une paralysie isolée Cette imagerie n’a plus d’intérêt actuellement dans le bilan
du regard vers le haut. diagnostique même si classiquement une calcification pinéale

Neurologie 9
17-380-D-10 ¶ Tumeurs de la région pinéale

Figure 5. Germinome.
A. Imagerie par résonance magnétique en coupe sagittale avec injection de
gadolinium.
B. Imagerie par résonance magnétique en coupe axiale avec injection de
gadolinium.
C. Imagerie par résonance magnétique médullaire après injection de gadoli-
nium montrant des localisations métastatiques (flèches).

de plus de 10 mm avant 10 ans doit faire suspecter une TRP. En vers tel ou tel type histologique : signal de la graisse dans le
revanche, en postopératoire, les radiographies simples du crâne tératome, du sang dans le choriocarcinome, rehaussement
sont utiles chez les patients porteurs d’une dérivation. Devant homogène et net dans le pinéalocytome et plus hétérogène
la réapparition d’une hypertension intracrânienne, elles per- dans le pinéaloblastome. Grâce aux coupes multiplanaires,
mettent de découvrir une fracture du matériel ou un dérègle- l’extension aux structures de voisinage, une diffusion aux
ment, notamment dans les suites d’une IRM. espaces sous-arachnoïdiens, une double localisation pourront
être précisées, ce qui est essentiel pour la stratégie thérapeuti-
Scanner cérébral que : choix de la voie d’abord, volume à irradier, réponse à la
chimiothérapie, notamment dans les germinomes.
Son intérêt a diminué depuis l’IRM, mais il reste encore le L’IRM cérébrale doit systématiquement être complétée par
premier examen demandé devant un tableau d’hypertension une IRM médullaire à réaliser de préférence en préopératoire à
intracrânienne. Réalisé sans et avec injection, le scanner fait le la recherche d’une dissémination spinale.
diagnostic lésionnel. Habituellement, il s’agit d’une lésion
hyperdense spontanément prenant plus ou moins le contraste.
Les limites plus ou moins régulières, la densité et le caractère Angiographie cérébrale
homogène ou non du rehaussement après injection, l’impor- Remplacée de plus en plus par l’angio-IRM, l’angiographie
tance des calcifications, l’existence de signes de dissémination peut être utile lorsqu’un méningiome est suspecté et est
dans les espaces sous-arachnoïdiens peuvent orienter vers un indispensable dans le bilan d’une malformation artérioveineuse
type histologique précis [47]. La recherche d’une hydrocéphalie, de la région ou un anévrisme de l’ampoule de Galien.
d’une deuxième localisation (germinome surtout) fait partie de
l’analyse tomodensitométrique.

Imagerie par résonance magnétique ■ Dosages biologiques


(Fig. 1 à 5)
Marqueurs tumoraux
L’IRM cérébrale avec ses différentes séquences (T1 avec et
sans gadolinium, T2, flair, perfusion, diffusion, spectroscopie, La découverte d’une TRP doit systématiquement entraîner le
angio-IRM) est l’examen incontournable. Classiquement, la TRP dosage d’un certain nombre de marqueurs tumoraux dans le
est iso-, hypo-, ou hyperintense en T1 avec une prise de sang et surtout le LCS (liquide de ponction ventriculaire ou
contraste plus ou moins homogène et limitée. Il existe un lombaire) qui est le plus sensible. Parfois un seul des deux
hypersignal hétérogène en T2. Certains aspects peuvent orienter secteurs peut revenir positif.

10 Neurologie
Tumeurs de la région pinéale ¶ 17-380-D-10

Marqueurs des tumeurs germinales des problèmes aux neuropathologistes. Un diagnostic est obtenu
dans 87 % à 97 % des cas mais n’est pas forcément représentatif
L’aFP est élevée dans les tumeurs du sac vitellin mais parfois du contingent tumoral le plus agressif, notamment dans les
retrouvée aussi dans les carcinomes embryonnaires et les tumeurs mixtes [52, 55]. Bien que réputées risquées en raison de
tératomes immatures. la proximité de vaisseaux, ces biopsies exposent à un taux de
La b-HCG totale et sous-unité libre est augmentée dans les mortalité de 0 % à 2 %, de morbidité transitoire de 7 % à 8,4 %
choriocarcinomes. En principe le germinome pur n’est pas et de séquelles définitives de 0 % à 1,2 %, ce qui n’est pas très
sécrétant. Cependant, 5 % d’entre eux présentent une sécrétion différent d’autres localisations [55].
marginale de b-hCG et seraient de moins bon pronostic [48].
Actuellement, beaucoup d’équipes parlent de tumeurs germina- Abord chirurgical
les non sécrétantes et de tumeurs germinales sécrétantes
L’objectif d’un abord direct est de permettre un diagnostic
caractérisées par un taux d’aFP supérieur ou égal à 25 ng/dl et
histologique précis et, à l’exception des tumeurs germinales
de b-hCG égal ou supérieur à 50 IU/l dans le sang et/ou le
radio-chimio-sensibles, de réaliser une résection la plus complète
LCS [49]. La signification pronostique d’une élévation de ces
possible. La qualité de l’exérèse a un impact positif sur la survie
marqueurs reste discutée [48].
dans les TRP bénignes et améliore l’efficacité des traitements
Le dosage des marqueurs trouve aussi son intérêt dans le
complémentaires dans les lésions malignes. Toutefois, le
suivi. Une normalisation sous traitement témoigne de son
pourcentage d’exérèse jugée complète ne dépasse pas 65 % dans
efficacité. La persistance ou une nouvelle augmentation doit
les séries les plus importantes [51, 52, 56].
faire craindre une non-réponse thérapeutique, une récidive ou
Les progrès de l’imagerie qui évaluent plus précisément
une métastase.
l’extension et l’infiltration tumorale et de la réanimation
postopératoire ont rendu cette chirurgie d’exérèse plus sûre. La
Mélatonine
mortalité dans les séries publiées ces 15 dernières années est
L’intérêt diagnostique de l’étude du rythme nycthéméral de inférieure à 3 % [51, 52].
la mélatonine est limité et n’oriente pas vers un type histologi- Les atteintes postopératoires sévères varient de 3 % à 6,8 %.
que précis. Ce rythme serait mieux conservé dans les TRP Les séquelles minimes et définitives principalement représentées
bénignes et aboli dans les TRP indifférenciées détruisant la par des troubles de l’oculomotricité et une ataxie sont présents
glande [50]. En postopératoire, le dosage de la mélatonine peut dans 20 % des cas [51, 52].
être utile, un effondrement des taux pouvant justifier une De par sa localisation profonde, la région pinéale est d’abord
supplémentation chez des patients présentant un syndrome difficile. Toutes les voies d’abord sont étroites. Les principales
post-pinéalectomie. approches actuellement utilisées sont les suivantes.
Voie occipitale transtentorielle [57-59]. Le patient est installé
Recherche de cellules tumorales dans le LCS le plus souvent en position semi-assise. Après réalisation d’un
volet pariéto-occipital droit au ras du sinus longitudinal
Elle est systématiquement réalisée en peropératoire ou en supérieur et du sinus transverse, la dure-mère est ouverte. Après
postopératoire par ponction lombaire même si sa sensibilité est rétraction du lobe occipital en dehors et vers le haut, la tente
discutée. La positivité au niveau lombaire signe une évolution du cervelet est incisée parallèlement au sinus droit. L’arachnoïde
métastatique qui nécessite un traitement adapté. postérieure de la citerne quadrijumelle est incisée avec plus ou
moins de difficultés. L’ampoule de Galien et ses affluents sont
disséqués exposant largement la tumeur. Cette approche est
■ Traitement limitée en cas d’extension importante controlatérale ou dans la
fosse cérébrale postérieure. Elle expose à une hémianopsie
Méthodes latérale homonyme par écartement du lobe occipital ou lésion
de la veine occipitale interne.
Chirurgie Une variante a été plus récemment décrite [60]. Le patient est
installé en position trois quart ventrale. Le volet est pariéto-
Traitement de l’hydrocéphalie occipital sous la ligne médiane. Cet abord évite la rétraction du
Pour certains, ce traitement ne doit pas être systématique car lobe occipital qui s’écarte spontanément sous l’effet de son
il peut rendre l’exérèse chirurgicale plus difficile et moins poids après section des brides arachnoïdiennes. Cette approche
complète [51]. Toutefois, entre 60 % et 90 % des patients avec donne un accès plus court à la région pinéale. Il est parfois
une TRP doivent être dérivés en raison d’une hydrocéphalie rendu difficile en cas de veines ponts pariétales afférentes au
symptomatique [51, 52]. Chez des patients fragiles ou porteurs sinus. Ces veines limitent l’affaissement du cortex. Leur
d’une tumeur de mauvais pronostic, la dérivation peut être le déchirure peut être responsable d’un infarcissement veineux de
seul traitement chirurgical proposé. zones fonctionnelles.
La procédure de choix est actuellement la ventriculocisternos- Voie infratentorielle supracérébelleuse [61]. Le patient est
tomie par perforation du plancher du V3 sous endoscopie, ce qui habituellement installé en position assise. Le volet est médian
évite les complications liées à la mise en place d’une dérivation sous-occipital exposant le torcular et les deux sinus transverses.
ventriculopéritonéale et le risque de dissémination en cas de Après ouverture de la dure-mère et de la grande citerne, les
tumeur maligne [52]. Un autre avantage de l’endoscopie est de veines ponts entre le cervelet et la tente sont sectionnées
pouvoir réaliser dans le même temps une biopsie de la tumeur permettant l’affaissement du cervelet. La citerne quadrijumelle
avec l’obtention d’un diagnostic histologique précis dans 90 % est ouverte exposant la région pinéale en dessous de l’ampoule
à 100 % des cas [53]. Avec cette technique, le taux de complica- de Galien. Cet abord est limité latéralement par l’incisure
tions définitives est inférieur à 3 % et principalement lié à un tentorielle et contrôle mal une extension antérosupérieure de la
saignement opératoire [52, 53]. Toutefois, dans 15 % des cas, une tumeur dans le V3. Il a aussi l’inconvénient d’exposer à une
dérivation ventriculopéritonéale devra secondairement être mise ataxie cérébelleuse et à un engagement des amygdales cérébel-
en place en raison d’une oblitération de la stomie du V3 [54]. leuses par ptôse du cervelet. Cette voie est surtout intéressante
pour les lésions médianes développées en dessous du complexe
Biopsie stéréotaxique veineux.
La décision d’une biopsie stéréotaxique obéit à une stratégie Autres voies d’abord. Plus rarement d’autres abords en
de traitement différente. Il s’agit d’un geste à visée diagnostique fonction de l’extension tumorale peuvent être discutés.
et non plus thérapeutique qui doit dans la majorité des cas Abord sous-choroïdien antérieur : cette approche est parfois
s’accompagner d’un traitement complémentaire. Les techniques justifiée en cas de développement antérieur de la tumeur dans
stéréotaxiques actuelles ont bénéficié des possibilités de fusion le V3 mais il ne permet pas un bon contrôle postérieur de la
des différentes imageries qui les rendent plus sûres. La taille de tumeur et des vaisseaux. L’abord se fait par voie frontale
l’échantillon pose parfois (comme les biopsies sous endoscopie) transcorticale. Après ouverture de la corne ventriculaire frontale,

Neurologie 11
17-380-D-10 ¶ Tumeurs de la région pinéale

le foramen interventriculaire est agrandi en arrière. La dissection minime. Dans les tumeurs de plus mauvais pronostic, des
est poursuivie dans l’espace inter-thalamo-trigonal. L’accès à la tentatives de chimiothérapies massives avec réinjection de
région pinéale est obtenu après écartement de la toile choroï- cellules souches périphériques explorent l’intérêt de l’effet dose.
dienne supérieure. Cet abord expose à des séquelles mnésiques. La chimiothérapie intrathécale, souvent par réservoir d’Omaya,
Abord sus- et sous-tentoriel avec ligature du sinus transverse : est préconisée par certains groupes.
cette voie a été décrite dans les volumineuses tumeurs à Dans les pinéaloblastomes, la stratégie thérapeutique est
extension sus- et sous-tentorielle. Il donne un large accès à la protocolisée chez l’enfant seulement. Les pinéaloblastomes sont
région. en général assimilés aux tumeurs primitives neuroectodermiques
Le choix de la voie d’abord basé sur une analyse précise de supratentorielles. La stratégie chimiothérapique fait habituelle-
l’imagerie dépend de l’extension de la tumeur par rapport à ment appel, en raison de la proximité histologique, à des
l’apex de l’incisure tentorielle mais beaucoup de l’habitude de associations utilisées dans les médulloblastomes de haut risque.
l’équipe chirurgicale de telle ou telle approche. Il s’agit soit de chimiothérapies exclusives (nourrissons [64]), soit
d’un prélude à une irradiation en général craniospinale [65],
Radiochirurgie voire d’une consolidation par chimiothérapie massive après
La radiochirurgie se définit comme l’application d’une dose irradiation craniospinale [66]. Chez l’enfant de moins de 3 ans,
unique de rayons en condition stéréotaxique. Elle s’adresse à des la chimiothérapie exclusive est en général prolongée sur plus de
tumeurs qui font moins de 3 cm. La dose délivrée dépend du 1 an et peut comporter des cycles itératifs alternant par exemple
type histologique. Différentes techniques sont utilisées mais étoposide/carboplatine, étoposide/cisplatine, et vincristine/
toutes relèvent de la même définition. La place de ce traitement BCNU/cisplatine [64]. Chez l’enfant plus âgé, d’autres stratégies
est encore débattue. La radiochirurgie permet d’obtenir un associent des cocktails plus ou moins complexes dans leur
contrôle tumoral (régression totale, régression partielle, stabili- composition et leur déroulement en sandwich : polychimiothé-
sation) dans 66 % à 100 % des cas, mais n’empêche pas une rapie préradiothérapique (ifosfamide/VP16/méthotrexate à
éventuelle diffusion leptoméningée [62, 63]. Toutes les séries haute dose/cisplatine/cytarabine) puis post-radiothérapique
publiées souffrent de certaines critiques. Le nombre de cas (carboplatine/CCNU/vincristine) par exemple [65] . D’autres
inclus est peu important. Les histologies sont variables. Le recul groupes proposent après chimiothérapie classique et irradiation,
est faible. Enfin, ces études mélangent souvent des malades des chimiothérapies à haute dose habituellement à type d’alky-
traités à des stades évolutifs différents : en première intention lants (melphalan, associées à du Vépéside®, du carboplatine) [66].
après la réalisation d’une biopsie stéréotaxique dans les TRP Enfin, le rôle et la toxicité éventuelle du méthotrexate intrathé-
bénignes pour diminuer la morbidité liée à la chirurgie, secon- cal reste un objet de controverses intenses, en particulier chez
dairement sur un résidu ou une récidive, à la place ou en l’enfant. Chez l’adulte, les traitements sont moins systématisés :
complément d’une irradiation fractionnée, notamment chez VP16/cisplatine, plus rarement étoposide/ifosfamide voire
l’enfant pour diminuer le champ d’irradiation. étoposide/fotémustine, prélude à une irradiation craniospinale.
Dans les épendymomes malins, aucune chimiothérapie n’a
Radiothérapie vraiment fait la preuve de son efficacité en phase II. Chez le
nourrisson, des protocoles prolongés sur plusieurs mois propo-
Les techniques de radiothérapie sont en constante évolution. sent des polychimiothérapies toutes les 2 à 3 semaines, pendant
Elles visent à optimiser en les réduisant l’étendue des zones plus de 12 mois, afin de tenter de retarder une éventuelle
traitées pour diminuer le risque des séquelles à moyen et long radiothérapie. Ici encore, les drogues utilisées comportent en
terme, en particulier sur le plan neuropsychologique. Les association variable carboplatine, vincristine, procarbazine,
modalités dépendent de l’étendue du volume à irradier et des Vépéside®, cisplatine, cyclophosphamide [67]. Les protocoles
caractéristiques balistiques. En effet, le volume à irradier peut prospectifs chez l’enfant font plutôt appel à des associations
comporter la tumeur elle-même sans marge de sécurité, ou d’alkylants de type Vépéside®/cyclophosphamide/cisplatinum
s’étendre au système ventriculaire, voire à la totalité du névraxe pendant des périodes plus courtes qui précèdent la radiothéra-
jusqu’au cul-de-sac dural. Les conditions balistiques peuvent pie [68]. Les protocoles de chimiothérapie à haute dose, proposés
justifier l’utilisation de techniques classiques, conformationnel- en rechute, ont montré leur complète inefficacité [69]. Chez
les, d’une modulation d’intensité (IMRT), voire de protons. l’adulte, le protocole souvent utilisé associe cisplatine et VP16.
L’irradiation localisée à la région pinéale, en technique En cas d’échappement, le témozolomide est fréquemment
conformationnelle 3D requiert un système de contention proposé.
performant à la fois dans le repositionnement de la tête du Dans les tumeurs germinales malignes, la place des dérivés du
patient lors de chaque séance et dans la mobilité du système platine est essentielle, comme dans les formes systémiques.
lui-même. Les masques de contention les plus performants L’étoposide est aussi une drogue majeure. En revanche, la
permettent d’obtenir une précision de l’ordre de 2 mm. Cette bléomycine est volontiers remplacée par l’ifosfamide qui pénètre
technique nécessite l’utilisation d’une fusion d’images entre mieux la barrière hématoméningée. Dans ces 10 dernières
l’IRM et le scanner. années, toutes les équipes européennes ont traité les tumeurs
L’irradiation de la totalité du système ventriculaire est utilisée germinales malignes intracrâniennes de manière protocolisée
dans les germinomes de la région pinéale. Les techniques de chez l’enfant et l’adolescent.
fusion d’images scanner/IRM sont obligatoires. Une marge de Dans les germinomes purs, le protocole de chimiothérapie a
sécurité de 1 cm est conseillée. utilisé une alternance de VP16/carboplatine et VP16/ifosfamide
L’irradiation de tout le névraxe nécessite un système de délivrée toutes les 3 semaines.
contention particulier chez un patient en décubitus ventral. Dans les tumeurs germinales non germinomateuses, plus
L’utilisation d’une imagerie numérique quotidienne du champ chimiorésistantes, des cures associant cisplatine/étoposide/
d’irradiation améliore la reproductibilité du positionnement. La ifosfamide sont proposées.
technique d’irradiation elle-même est relativement complexe,
utilisant des faisceaux latéraux pour l’encéphale et la moelle
cervicale couplés à des faisceaux directs et multiples pour la
région dorso-lombo-sacrée. Afin d’éviter les sous-dosages et les ■ Stratégies thérapeutiques
surdosages, la technique doit utiliser des recoupes mobiles. Les
doses habituellement délivrées vont de 24 à 36 Gy. et pronostic (Fig. 6 à 10)
Les indications thérapeutiques doivent être discutées en
Chimiothérapie réunion de concertation pluridisciplinaire. Le choix du traite-
Les protocoles de chimiothérapie sont différents en fonction ment dépend de l’état clinique (âge, état général et neurologi-
des types histologiques. Ils utilisent des cytotoxiques qui que), de l’imagerie (localisation, infiltration des structures de
traversent la barrière hématoméningée, et privilégient ceux dont voisinage, hydrocéphalie), du résultat des marqueurs tumoraux
la toxicité, en particulier neurologique et audiologique, est et de l’histologie.

12 Neurologie
Tumeurs de la région pinéale ¶ 17-380-D-10

Figure 6. Arbre décisionnel. Prise en charge


Tumeur de la région pinéale des tumeurs pinéales. IRM : imagerie par réso-
Clinique et IRM encéphalique nance magnétique ; aFP : alphafœtoprotéine ;
b-hCG : bêta hormone gonadochorionique.

Marqueurs des tumeurs germinales (sang et/ou liquide cérébrospinal)


IRM spinale

Négatifs Positifs
αFP ≤ 25 ng/ml et/ou β-hCG ≤ 50 UI/ml αFP ≥ 25 ng/ml et/ou β-hCG ≥ 50 UI/ml

Ventriculocisternostomie si hydrocéphalie
Biopsie :
- par ventriculocisternostomie
- stéréotaxique
- chirurgicale
Cytologie du liquide cérébrospinal

Tumeurs du parenchyme pinéal


Tumeurs germinales
Tumeurs germinales malignes sécrétantes
Tumeurs gliales
Autres

Figure 7. Arbre décisionnel.


Traitement des tumeurs du parenchyme pinéal Prise en charge des tumeurs du
parenchyme pinéal. PC : pinéalo-
cytome ; TPP int : tumeur du pa-
renchyme pinéal intermédiaire ;
Chirurgie
PB : pinéaloblastome.

PC TPP int TPP int PB


Grade I Grade II Grade III Grade IV

Chimiothérapie
Résidu Radiothérapie Radiothérapie
Complète Radiothérapie
Surveillance ? - névraxe : 36 Gy - névraxe : 36 Gy
Surveillance focalisée 50 Gy
Radiochirurgie ? - focalisée : 20 Gy - focalisée : 20 Gy
± radiochiurgie

Survie à 5 ans Survie à 5 ans Survie à 5 ans Survie à 5 ans


91 % 74 % 39 % 10 %

La première étape consiste à éliminer une tumeur germinale Dans le pinéalocytome, en cas d’exérèse complète, un traite-
sécrétante par la recherche de marqueurs tumoraux (aFP et ment complémentaire n’est pas nécessaire. Sur un résidu laissé
b-hCG) réalisée à la fois dans le sérum et le LCS. La positivité en place, le bénéfice d’une radiothérapie n’est pas prouvé [71]. Le
de l’un ou plusieurs marqueurs dans l’un ou les deux secteurs taux de survie à 5 ans varie de 67 % à 90 % [72].
permet d’éviter une chirurgie parfois inutilement iatrogène dans Dans les TPP int de grade II, l’exérèse de la lésion est com-
ce contexte de maladie hautement curable, et de débuter une plétée par une irradiation conformationnelle (55 Gy) de la
chimiothérapie sans biopsie. Dans les autres cas (à l’exception région pinéale. Dans les TPP int de grade III, une irradiation du
des kystes), l’obtention d’une histologie de bonne qualité est
névraxe de 36 Gy avec une surimpression de 20 Gy de la région
cruciale soit par une biopsie (stéréotaxique, ou au cours de la
pinéale est proposée. Le pronostic de ces lésions dépend de
procédure de ventriculocisternostomie en cas d’hydrocéphalie),
l’extension de la maladie (locale versus dissémination spinale),
soit par abord direct.
de l’exérèse et du grade. Les récidives sont observées dans 26 %
des cas, sont tardives (en moyenne 7 ans) et locales pour le
Tumeurs du parenchyme pinéal grade II. Elles sont plus fréquentes (56 % des cas), plus précoces
L’exérèse de la tumeur est le traitement initial le plus souvent (en moyenne 3 ans) et locales ou spinales pour le grade III [21].
proposé. Le pronostic est directement lié à la qualité de la La médiane de survie sans récidive et la survie à 10 ans sont
résection [51, 52]. Pour certains, la radiochirurgie peut constituer respectivement de 90 % et 61 % pour le grade II et de 56 % et
une alternative [70]. 10 % pour le grade III [21].

Neurologie 13
17-380-D-10 ¶ Tumeurs de la région pinéale

Figure 8. Arbre décisionnel. Prise en charge


Traitement des germinomes purs des germinomes. IRM : imagerie par résonance
après confirmation histologique magnétique.

Cytologie du liquide
Uni- ou bifocaux cérébrospinal positive
IRM spinale positive

Chimiothérapie deux cures Chimiothérapie deux cures


Carboplatine + VP16 Ifosfamide + VP16

Radiothérapie
Radiothérapie Irradiation craniospinale
Névraxe : 24 Gy
Surdosage tumoral : 16 Gy

Enfant
Adulte
Cavités ventriculaires : 24 Gy
Totalité V3 : 24 Gy
Surdosage tumoral : 16 Gy

Figure 9. Arbre décisionnel. Prise en charge


Traitement des tumeurs germinales malignes sécrétantes des tumeurs germinales malignes sécrétantes.
(marqueurs positifs) IRM : imagerie par résonance magnétique.

Disséminées
Uni- ou bifocales Cytologie du liquide cérébrospinal positive
IRM spinale positive

Chimiothérapie quatre cures


Cisplatine/étoposide/ifosfamide

Résidu + Résidu -

Chirurgie

Formes uni- ou bifocales :


- radiothérapie focalisée : 55 Gy
Formes disséminées :
- craniospinale : 30 Gy
- site tumoral primitif et sites métastatiques : 24 Gy

Dans le pinéaloblastome, la stratégie thérapeutique dépend de annuelle est suffisante dans le pinéalocytome, celle-ci doit être
l’âge du patient : chez le nourrisson, une chimiothérapie plus rapprochée, biannuelle, voire trimestrielle dans les formes
exclusive ou prolongée jusqu’à l’âge où une irradiation ne les plus malignes et plus prolongées.
provoque pas de séquelles neuropsychologiques intolérables a
été proposée [64] . Chez l’enfant au-delà de 3 à 5 ans, un Tumeurs germinales
traitement associant, comme dans les médulloblastomes à haut
risque, une chimiothérapie plus ou moins intensive, suivie Dans le germinome pur (aFP < 25 ng/ml – b-hCG < 50 UI/l
d’une irradiation locale ou craniospinale est habituellement dans le sérum et le LCS), après confirmation du diagnostic
conseillée [65]. La stratégie thérapeutique est plus empirique chez histologique, l’exérèse chirurgicale n’a pas d’indication. Une
l’adulte. Malgré la lourdeur du traitement, les rechutes survien- irradiation est traditionnellement proposée. Elle est le plus
nent dans trois cas sur quatre, avec un pronostic d’autant plus souvent curative. Les doses et les champs d’irradiation restent
redoutable que le patient est jeune [21] . Ces rechutes sont encore discutés.
locales, spinales et métastatiques osseuses. La médiane de survie Dans les tumeurs non disséminées, unifocales (glande
sans récidive est de 42 % et la survie à 2 ans se situe entre 0 % pinéale) ou bifocales (glande pinéale et lésion suprasellaire), une
et 20 % [21, 73] . Une surveillance clinique et radiologique irradiation craniospinale exclusive à la dose de 24 Gy suivie

14 Neurologie
Tumeurs de la région pinéale ¶ 17-380-D-10

Kystes de la région pinéale


Traitement des épendymomes et des La découverte d’un kyste de la région pinéale asymptomati-
tumeurs papillaires de la région pinéale que ne doit pas conduire systématiquement à une chirurgie. Un
kyste responsable d’une hydrocéphalie peut faire l’objet d’une
simple dérivation. Plus rarement, une exérèse est proposée
Chirurgie devant un syndrome tumoral lié à l’augmentation de volume
lésionnel. Le pronostic est habituellement excellent [76].

Complète
Surveillance
Résidu ■ Surveillance
Radiothérapie focalisée 55 Gy
Radiothérapie focalisée 55 Gy ? Les modalités de surveillance de ces tumeurs ne font pas
l’objet de consensus. Un examen clinique et une IRM postopé-
Figure 10. Arbre décisionnel. Prise en charge des épendymomes et des ratoire à 3 mois sont systématiques. Le rythme de surveillance
tumeurs papillaires de la région pinéale. dépend ensuite de l’histologie et du degré d’agressivité : annuel
pendant au moins 5 ans dans les pinéalocytomes, les astrocyto-
mes pilocytiques, biannuel, voire trimestriel et beaucoup plus
d’un complément sur le site tumoral de 16 Gy était tradition- prolongé dans les autres types tumoraux. Dans les tumeurs
nellement choisie. La survie totale à 10 ans était de plus de germinales, un dosage des marqueurs est également réalisé.
90 % [74]. La toxicité neuropsychologique secondaire à cette Chez l’enfant et l’adolescent, un bilan endocrinien est néces-
procédure a incité plus récemment à réduire le champ d’irradia- saire en cas de traitement complémentaire. Un bilan neuropsy-
tion au système ventriculaire (24 Gy), siège principal des chologique encore souvent négligé devrait également être
rechutes et au site tumoral primitif (16 Gy), en associant demandé en cas de radiothérapie complémentaire.
différents protocoles de chimiothérapie d’induction
(carboplatine/VP16). Le pronostic de ces tumeurs n’a pas été
modifié : 98 % de survie à 3 ans et 12 % de rechutes cura-
bles [75]. Chez l’adulte, l’irradiation est limitée au V3 à la dose
■ Conclusion
de 24 Gy. Une évaluation à long terme des séquelles sur la Le traitement des tumeurs de la région pinéale reste com-
croissance chez l’enfant, et neuropsychologiques chez l’enfant et plexe. La rareté et les nombreuses entités histologiques justifient
chez l’adulte, doit être conduite pendant au moins 10 ans. que la prise en charge de ces lésions se fasse dans le cadre
Dans les formes multifocales ou disséminées à extension d’études protocolisées et multicentriques.
névraxique (IRM encéphalique et ou panmédullaire et/ou
cytologie du LCS positive), une chimiothérapie (ifosfamide/
VP16) précédant une irradiation cette fois craniospinale (24 Gy
suivie d’un surdosage tumoral de 16 Gy) donne un pronostic Cet article a fait l’objet d’une prépublication en ligne : l’année du copyright
identique aux formes localisées. peut donc être antérieure à celle de la mise à jour à laquelle il est intégré.
Dans les tumeurs germinales non germinomateuses, le .

traitement varie en fonction des contingents histologiques.


Dans les tumeurs germinales malignes sécrétantes (carcinome ■ Références
embryonnaire, choriocarcinome, tumeurs du sac vitellin, [1] Al-Hussaini M, Sultan I, Abuirmileh N, Jaradat J, Qaddoumi I. Pineal
tumeurs germinales mixtes), une chimiothérapie (cisplatine/ gland tumors: Experience from the seer database. J Neurooncol 2009;
étoposide/ifosfamide) est proposée. En cas de réponse complète, 94:351-8.
une radiothérapie soit focalisée sur le lit tumoral (55 Gy), soit [2] Anisimov VH, Popovich JG, Zabezhinski MA, Anisimov SV,
associée à une irradiation craniospinale (30 Gy) en cas de Vesnushkin GM, Vinogradova IA. Melatonin as antioxidant,
dissémination méningée est réalisée. En cas de réponse incom- geroprotector and anticarcinogen. Biochim Biophys Acta 2006;1757:
plète, en fin de chimiothérapie, une chirurgie d’exérèse du 573-89.
reliquat est pratiquée, à la recherche d’un contingent tératoma- [3] Hirato J, Nakazato Y. Pathology of pineal region tumors. J Neurooncol
teux mature ou immature peu chimiosensible. Une irradiation 2001;54:239-49.
selon le même protocole est ensuite pratiquée. Une intensifica- [4] Jouvet A, Saint-Pierre G, Fauchon F, Privat K, Bouffet E,
tion thérapeutique dans les formes de mauvais pronostic (en Ruchoux MM, et al. Pineal parenchymal tumors: A correlation of
particulier les patients ayant des taux initiaux élevés d’aFP ou histological features with prognosis in 66 cases. Brain Pathol 2000;10:
des résidus vivaces après chimiothérapie) est parfois discutée 49-60.
dans le cadre de protocoles. Le pronostic de ces formes malignes [5] Klein P, Rubinstein LJ. Benign symptomatic glial cysts of the pineal
dépend du contingent le plus malin. Le taux de survie totale à gland: A report of seven cases and review of the literature. J Neurol
Neurosurg Psychiatry 1989;52:991-5.
3 ans ne dépasse pas 75 % [75]. Dans le tératome mature, une
[6] Engel U, Gottschalk S, Niehaus L, Lehmann R, May C, Vogel S, et al.
exérèse chirurgicale isolée est habituellement suffisante. Le taux
Cystic lesions of the pineal region-MRI and pathology. Neuroradiology
de survie à 10 ans dépasse 90 % [33]. En cas de contingent 2000;42:399-402.
immature, le protocole est identique à celui des tumeurs [7] Fain JS, Tomlinson FH, Scheithauer BW, Parisi JE, Fletcher GP,
malignes sécrétantes. La survie totale est de 92 % à 5 ans [75]. Kelly PJ, et al. Symptomatic glial cysts of the pineal gland. J Neurosurg
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Tumeurs gliales [8] Taraszewska A, Matyja E, Koszewski W, Zaczynski A, Bardadin K,
Dans l’astrocytome pilocytique, le traitement est chirurgical. Czernicki Z. Asymptomatic and symptomatic glial cysts of the pineal
gland. Folia Neuropathol 2008;146:186-95.
Si l’exérèse est incomplète, il n’y a pas d’indication d’irradiation
[9] McNeely PD, Howes WJ, Mehta V. Pineal apoplexy: Is it a facilitator
complémentaire si le reliquat n’évolue pas et est accessible à
for the development of pineal cysts? Can J Neurol Sci 2003;30:67-71.
une nouvelle exérèse. Dans les gliomes infiltrants astrocytaires [10] Jouvet A, Fevre-Montange M, Besancon R, Derrington E, Saint-
ou oligodendrogliaux, le traitement est le plus souvent chirur- Pierre G, Belin MF, et al. Structural and ultrastructural characteristics
gical et complété, selon le type et le grade, par une radiothéra- of human pineal gland, and pineal parenchymal tumors. Acta
pie localisée ou une chimiothérapie. Dans les tumeurs Neuropathol (Berl) 1994;88:334-48.
épendymaires (épendymome classique et TPRP), le traitement [11] Louis DN, Ohgaki H, Wiestler OD, Cavenee WK, Burger PC, Jouvet A,
repose sur une exérèse la plus complète possible suivie d’irra- et al. The 2007 WHO classification of tumours of the central nervous
diation localisée en cas de résidu. Le pronostic est très variable, system. Acta Neuropathol (Berl) 2007;114:97-109.
meilleur dans l’épendymome (20 % de récidive à 7 ans) que [12] De Girolami U, Fevre-Montange M, Seilhean D, Jouvet A. Pathology
dans les TPRP (90 % de récidive à 7 ans) [11]. of tumors of the pineal region. Rev Neurol 2008;164:882-95.

Neurologie 15
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J. Guyotat ([email protected]).
Service de neurochirurgie D, Groupement hospitalier Est, 69677 Bron, France.
A. Vasiljevic.
Centre de pathologie Est, Groupement hospitalier Est, 69677 Bron, France.
D. Frappaz.
Centre Léon Bérard, 69003 Lyon, France.
A. Durand.
Service de neurochirurgie D, Groupement hospitalier Est, 69677 Bron, France.
M. Fèvre-Montange.
INSERM U842, Université de Lyon, Lyon 1, UMR-S842, 69372 Lyon, France.
A. Jouvet.
Centre de pathologie Est, Groupement hospitalier Est, 69677 Bron, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Guyotat J., Vasiljevic A., Frappaz D., Durand A., Fèvre-Montange M., Jouvet A. Tumeurs de la région
pinéale. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Neurologie, 17-380-D-10, 2011.

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