Khalil Al-Doulaïmi - Saddam, les secrets d'une mise à mort (2010)
Khalil Al-Doulaïmi - Saddam, les secrets d'une mise à mort (2010)
Khalil Al-Doulaïmi - Saddam, les secrets d'une mise à mort (2010)
Les secrets
d'une mise à mort
livrés par son avocat
2
Khalil A l - D o u l a ï m i
SADDAM
Les secrets
d'une mise à m o r t
livrés par son avocat
INSAF KALAÂGI
SAND
3
4
À une patrie à nulle autre pareille.
À un sang sans pareil.
À des martyrs sans précédent.
À une grande stature comme l'Irak.
À un torrent qui irrigue l'édifice de la dignité.
À des combattants qui donnent une nouvelle forme à la vie.
Au martyr du grand pèlerinage... Saddam Hussein.
Maître Khalil Al Doulaïmi
Président du Comité de soutien pour
la défense du président Saddam Hussein
et de ses camarades mis aux arrêts.
5
Traduit par OmarAl Feniki
© 2009 - Khalil Al Doulaïmi
© 2010 - Editions Sand, 6, rue du Mail - 75002 Paris,
pour la traduction et l'adaptation en langue française.
www.editions-sand.com
ISBN : 978-2-7107-0776-9
Dépôt légal : 1 trimestre 2010
er
6
TABLE DES MATIÈRES
Avertissement de l'éditeur p. 9
Préface de G e n e v i è v e Moll p. 13
La mise à mort p. 19
Avant-propos : Pourquoi m o i , Khalil Al D o u l a ï m i , avocat
de Saddam Hussein, j'écris ce livre ? p. 23
Chapitre I : Qui est Saddam ? p. 27
Chapitre II : La capture de Saddam Hussein p. 47
Chapitre III : Ma première rencontre avec Saddam Hussein p. 69
Chapitre IV : Événements antérieurs à l'agression de 1991 p. 83
Chapitre V : L'appel au président afin de renoncer
au pouvoir et à l'initiative du cheikh Zayed p. 97
Chapitre VI Le déclenchement de la seconde
Guerre du G o l f e p. 101
Chapitre VII Les tentatives de l'Amérique pour
ternir l'image du président p. 123
Chapitre VIII Plans d ' é v a s i o n , efforts diplomatiques pour
sauver le président p. 135
Chapitre IX La détention du président p. 157
Chapitre X Face aux j u g e s p. 173
Chapitre XI Verbatim - Réflexions et commentaires
du président en détention p. 189
Chapitre XII Le verdict : la peine capitale p. 219
Annexes p. 247
Annexe I : Lettres du combattant Saddam Hussein p. 249
Annexe II : Annonce de la mort de Saddam Hussein p. 263
Annexe III : Texte de la rencontre entre Saddam Hussein
et l'ambassadeur américain April Glasby p. 271
Annexe IV: Lettre envoyée au président Saddam Hussein p. 279
Annexe V : La bataille de l'aéroport de Bagdad p. 281
Annexe VI: La carte d'Irak p. 285
7
8
AVERTISSEMENT
DE L'ÉDITEUR
9
Israël et leur allié majeur, les États-Unis d'Amérique, en particulier les
administrations républicaines qui se sont succédé.
Les Arabes ont une mémoire historique prégnante et, depuis deux
siècles, l'Occident ne leur a pas fait de cadeaux.
Si dans l'histoire du monde arabo-musulman, les étrangers et toutes
les confessions monothéistes étaient accueillis, à l'inverse, l'Occident
chrétien refusait les musulmans sur ses terres, à l'exception du royaume
normand d'Italie du Sud, épisode court au regard de l'Histoire.
Saladin chassa les derniers croisés de Terre Sainte, mais protégea les
chrétiens d'Orient comme les Juifs du monde arabo-musulman. Puis,
l'Empire ottoman, s'emparant de Constantinople en 1453 et s'arrêtant
aux portes de Vienne, fit respecter dans les territoires conquis les mino-
rités ethniques et religieuses. Au XIX siècle, les puissances occidentales
e
10
et politiques, bride les transferts de technologies et étouffe les aspirations
au développement.
Dans ce livre, vous lirez de nombreuses accusations sur l'implication
de l'Iran, sur la volonté de l'administration Bush de déclencher une
guerre civile en Irak afin de rendre indispensable la présence des États-
Unis sur le sol irakien. Ces accusations, bien qu'étayées, ne sont pas
vérifiées et seuls les historiens pourront faire le tri après que la cendre de
la guerre sera retombée.
L'auteur apporte aussi des éléments troublants innocentant Saddam
des crimes qui lui furent attribués. Il dénonce le scandale de sa mise à
mort orchestrée par les milices confessionnelles chiites.
Al Doulaïmi est en colère et dénonce la mise à sac de son pays. Il rend
compte de ses derniers entretiens avec le président qui raconte sa vie, les
péripéties de sa capture, mais aussi sa vision de l'avenir de la région.
Entre plaidoyer pro domo et relation intimiste de la détention de Saddam
Hussein, ce texte offre un portrait de la situation irakienne utile pour
comprendre ce que l'on nomme « la rue arabe ».
11
12
PRÉFACE
13
13
Dans le désert, à une trentaine de kilomètres de Bagdad, elles m'ont
fait visiter le château d'Ukheizar - le vert -, un château sassanide qui
avait dû être fastueux, dans un écrin de verdure perdu et qui n'était plus
habité que par les serpents najas.
Puis nous sommes allées à Ctésiphon, où Alexandre le Grand est
mort.
Toutes ces richesses rejoignaient les images de l'Irak rêvé, celui des
califes abbassides qui avaient apporté la civilisation au monde. Il ne res-
tait plus, de cette époque fastueuse, que quelques vestiges dans la capitale
irakienne elle-même : l'université Mustensiriyah, le souk dont les odeurs
d'épices vous montaient à la tête, un caravansérail... Et même dans l'au-
tre capitale abbasside, Samara, ne demeurait que la ziggourat hélicoïdale.
Il ne restait que les remparts de briques crues de l'immense ville détruite.
Que s'était-il passé, dans ce pays qui avait donné le premier code civil
à l'humanité, celui de Hammourabi ? Ce code avait été rédigé, dans un
premier temps, pour réguler la distribution de l'eau du Tigre et de l'Eu-
phrate aux paysans, afin que ceux de l'amont ne confisquent pas la
précieuse substance à ceux de l'aval. C'était 1750 ans avant notre ère.
Depuis, le long des deux fleuves, les agriculteurs avaient construit un
réseau de canaux qui a perduré jusqu'à la mainmise sur l'Irak par les
Ottomans, au xvi siècle. Ceux-ci ont laissé tomber en désuétude ces
e
14
écoles, tous vêtus d'un uniforme. En quelques années, le parti au pou-
voir avait imposé une alphabétisation forcée et le pays se transformait à
vue d'œil. Dès les années 1970, de jeunes Irakiens et de jeunes Irakiennes
étaient envoyés dans les universités étrangères. Halla et sa sœur aimaient
à me montrer ce que ce parti nationaliste arabe, socialiste et laïc, le Baas,
dont le vice-président était un jeune homme nommé Saddam Hussein,
faisait pour le pays. Et pour l'égalité entre les hommes et les femmes. Je
me souviens m'être présentée, seule, dans un lieu qui, paraît-il, existe
encore, malgré la désorganisation de l'Irak. C'était le long du Tigre. Une
vingtaine d'immenses tables de bois supportaient dix échiquiers cha-
cune. Des hommes y jouaient, concentrés, dans le plus grand silence. Je
me suis installée devant un échiquier libre. J'étais occidentale, blonde à
souhait. Un homme s'est assis en face de moi. Nous avons joué. À la fin
de la partie, il m'a remercié en s'inclinant. C'était à Bagdad. Vers les
années 75...
Je crois que c'est au cours de ce même voyage que nous sommes des-
cendues, Halla, sa sœur et moi, dans lés marais du sud de l'Irak, pour
visiter ce peuple des roseaux qui m'a tellement intéressée. Il vivait
comme au temps de la Bible, Ur et sa ziggourat quasiment intacte
n'étaient pas loin. Les hommes lançaient leur senne dans l'eau poisson-
neuse. Leurs maisons étaient construites sur des îles flottantes. Leurs
bateaux ressemblaient à ceux des bas-reliefs assyriens.
« Tu ne peux pas aimer cela, me disait Halla. Ils sont pauvres et ne
profitent pas encore de la richesse du pays. » L'Irak avait nationalisé son
pétrole l'année précédente et la manne financière, enfin toute dédiée au
pays, commençait à éradiquer la misère un peu partout.
Au cours des années suivantes, j'ai vu Bagdad se transformer et le pays
évoluer à une vitesse extraordinaire. L'architecture d'inspiration abbas-
side, les arts, la poésie, la littérature, la peinture ont fait de Bagdad une
capitale culturelle vivante et attrayante.
Après des années de lutte, les Kurdes venaient d'obtenir l'autonomie
de leur province. Le pouvoir, entre les mains de Saddam Hussein, qui
l'avait pris après la démission de Ahmad Hassan Al Bakr, célébrait la fin
des hostilités par une visite de journalistes occidentaux à Arbil, la capitale
du Kurdistan.
Mais les premiers signes de l'autocratie apparaissaient, avec l'arresta-
tion des francs-maçons, puis des communistes. Si les minorités religieuses
comme les chrétiens, ou les Yézidis, ces syncrétistes du pied du Kurdistan,
étaient protégés, le pouvoir se méfiait déjà des radicaux chiites. Il avait
15
accueilli l'imam Khomeïni à Khaziman, près de Bagdad, lorsque le shah
l'avait expulsé d'Iran. Et le mollah en avait profité pour semer le trouble
en Irak. D'où son éviction... vers la France de Valéry Giscard d'Estaing.
Je suis revenue souvent en Irak. Mais, en tant que journaliste, j'avais
toujours un « guide » avec moi, qui surveillait mon travail. Malgré tout,
je constatais l'envol du pays.
Pourtant, lorsque durant la guerre avec l'Iran, j'ai vu les immenses
portraits de Saddam Hussein dans les rues de Bagdad, je me suis dit que
le culte de la personnalité, comme dans d'autres pays arabes moins inté-
ressants, avait pris le dessus. Et j'ai constaté que le président, autrefois
laïc, priait, à la télévision. Certes, c'était peut-être pour montrer aux
chiites que ce n'était pas contre la religion qu'il se battait, mais contre les
mollahs intégristes qui voulaient exporter leur révolution dans les pays
voisins.
Quel drame que cette guerre ! Je suis descendue à Bassorah quelques
mois avant l'armistice, fin 1987. Le Chott Al Arab et la ville étaient dévas-
tés. Il ne restait pas un mur debout. Je ne sais même plus si « l'arbre
d'Adam », dans une île au milieu du fleuve, existait encore. Tous les
efforts que le parti Baas avait faits pour sortir l'Irak de la pauvreté et de
l'obscurantisme avaient été balayés. Quant au peuple des marais, il avait
disparu avec l'assèchement de cette étendue liquide qui, depuis des mil-
lénaires, accueillait et cachait tous les réprouvés et tous les fuyards de
Mésopotamie.
En remontant par la route vers Bagdad, avec mon équipe de télévi-
sion, nous avons longé d'immenses cimetières de chars, d'engins blindés,
de matériel écrabouillé dans la bataille. Quand j'ai entendu parler de la
quatrième armée du monde, je me suis demandé comment, en si peu de
temps - entre 1988 et 1990 -, le gouvernement irakien avait pu rempla-
cer tout le matériel détruit au cours de cette guerre contre l'Iran.
Je ne suis pas retournée en Irak avant l'invasion du Koweït. Et, comme
le secrétaire général de la Ligue arabe de l'époque, Chedli Klibi, je ne l'ai
pas comprise. Lui a démissionné, car Saddam Hussein lui avait toujours
dit qu'il ne fallait pas revenir sur les frontières tracées par le traité de Ver-
sailles. Et là, il contrevenait à l'un de ses principes fondamentaux. Le
premier jour de l'attaque de la coalition contre les troupes irakiennes au
Koweït, j'ai demandé à l'ambassadeur d'Irak à Paris de venir s'exprimer,
16
dans les « Quatre vérités » de Télématin, dont j'étais alors la rédactrice
en chef. Ma direction m'en a empêché : nous étions en guerre, m'a-t-on
dit. J'ai répondu que j'étais journaliste et que mon métier était d'infor-
mer. Rien n'y a fait. Mais nous avons été contraints de reprendre, pour le
journal de vingt heures, la déclaration dudit ambassadeur recueillie dans
la journée par la BBC. Alors, durant toute la guerre, j'ai mis à mon poi-
gnet une montre que le président Saddam Hussein m'avait offerte lors
d'un de mes séjours à Bagdad.
Depuis, l'Irak est une de mes blessures. Parce que j'y ai des amis.
Et parce que ce malheureux peuple a payé de l'intérieur le poids d'un
gouvernement qui lui a à la fois donné l'indépendance grâce à la natio-
nalisation du pétrole, tout en le dominant brutalement. Et, de l'extérieur,
il a subi avec quelle violence.la folie de deux gouvernements américains
sans connaissance de la région et dont l'avidité ne fait maintenant aucun
doute.
La lecture de ces entretiens de Saddam Hussein avec son avocat et des
minutes de son procès éclaire bien des aspects d'une politique dont les
tenants et les aboutissants nous échappaient. Tout est probablement exa-
géré. Et la mégalomanie de Saddam Hussein, son aveuglement dans son
appréhension de la situation intérieure de son pays et du peuple irakien
peuvent choquer. Mais il reste dans son discours des éléments plausibles
qui éclairent certaines de ses actions et celles, injustifiables, des Améri-
cains et de leurs alliés. Comme l'histoire de cette société américaine qui
vient puiser, à la frontière irako-koweïtienne, du pétrole irakien et qui
serait l'une des causes de l'envahissement du Koweït. Ou comme la col-
lusion entre les Israéliens radicaux, l'Iran des mollahs et les Américains
de la famille Bush pour la destruction de l'Irak et le pillage de ses
richesses. Quelles que soient nos réflexions sur les prétentions de Sad-
dam Hussein quant à la capacité de résistance du peuple irakien et sur le
silence des chefs d'États arabes contre cette mainmise étrangère sur un
pays frère, ce livre explique la rancœur de la rue arabe à l'égard de l'Oc-
cident et pourquoi Saddam Hussein, depuis son exécution montrée
d'une manière indécente sur toutes les télévisions du monde, est devenu
un martyr musulman.
En envahissant l'Irak, il est clair que l'Amérique a ouvert une boîte de
Pandore que personne, avant longtemps, ne sera capable de refermer.
Saddam Hussein n'a jamais eu aucun lien avec Al Qaïda. Le terrorisme de
17
ce type était contre sa philosophie même. Mais la manière dont on l'a
traité peut devenir aujourd'hui le prétexte à un nouvel irrédentisme et
alimenter le ressentiment de ceux pour qui l'Occident, tout l'Occident,
doit payer le prix du sang.
Geneviève Moll
Journaliste et écrivain
18
LA MISE À MORT
19
la scène avec leur téléphone portable. L'un d'eux vendit le film à une
chaîne de télévision. Pour intimider les sunnites ? Pour alimenter une
guerre civile qui placerait l'Iran en arbitre ? Pour justifier la présence
de l'armée américaine et légitimer l'administration Bush ?
Cette mise à mort souleva tant d'indignation que George W. Bush
déclara, le 4 janvier 2007, que l'exécution aurait dû se passer de
« manière plus digne » et demanda une enquête sur cette pendaison.
20
• Des écarts de comportement de la part du judiciaire qui ont mis
à mal l'apparente impartialité du président du tribunal.
• Des lacunes importantes au niveau des preuves qui sapent le
caractère persuasif des arguments de l'accusation et posent la ques-
tion de savoir si tous les éléments concernant les crimes imputés ont
été établis.
21
22
A V A N T - P R O P O S
P O U R Q U O I MOI,
KHALIL AL D O U L A Ï M I ,
AVOCAT DE SADDAM H U S S E I N ,
J'ÉCRIS CE LIVRE
Au commencement était la terre de Mésopotamie. La terre du grand
Irak. Berceau de civilisations qui a connu de multiples splendeurs,
comme les Sumériens et la naissance de l'écriture. Ces civilisations se
sont succédé en laissant leurs traces précieuses sur la terre où coulent le
Tigre et l'Euphrate. Ces vestiges racontent l'histoire d'un peuple qui a
travaillé, peiné et s'est appliqué pour que le monde récolte le fruit des
connaissances délivrées par ceux qui se sont établis sur les rives de ces
deux fleuves éternels et sacrés.
Portail et gardien de la Nation orientale, l'Irak a subi des invasions
successives de toutes parts. Assisté à la chute de bien des monarchies.
À la mort de bien des États.
Progrès et croissance considérables dans les domaines économique,
humain, culturel, sanitaire et militaire : tels sont les résultats de l'époque
moderne, en particulier après la nationalisation de son pétrole, naguère
aux mains des étrangers. Le monde a salué alors ses réalisations en
matière de santé, de science et de technologie. Considérée comme la qua-
trième mondiale pour son équipement et ses compétences, son armée
est venue à bout de son pire ennemi, l'Iran, dans une guerre sans merci.
Marquée par un progrès industriel et une révolution scientifique remar-
quable, cette période, qui s'étire de 1967 à 2003, fut pourtant la plus
difficile de l'histoire contemporaine de l'Irak.
Toutes les minorités ethniques ou religieuses vécurent en harmonie,
dans l'unité. Les Kurdes bénéficièrent d'une autonomie et de droits bien
supérieurs à ceux accordés aux autres Kurdes vivant dans les États voi-
sins, l'Iran, la Turquie, la Syrie et l'URSS.
Une guerre longue de huit ans ; en 1991, une guerre mondiale et un
embargo de plus de treize ans. Puis une guerre américaine, britannique,
sioniste et iranienne, aboutissant à l'invasion du pays... Autant d'événe-
23
ments sanglants qui seront relatés par Saddam Hussein dans ce livre.
En 2005, je proposai au président Saddam Hussein, alors captif dans
un camp américain, de rédiger ses mémoires en vue de les publier. Il en
accepta l'idée, m'encourageant à la mettre en œuvre. Mais ses gardiens
américains nous défendaient d'échanger quelque document que ce fût
jusqu'au printemps 2006. Et il n'était pas sûr que les Américains lui per-
mettraient de rédiger quoi que ce soit. Pourtant, me dit-il, « Il faut que je
rédige mes mémoires. Ma vie est entre les mains de Dieu. Je vous racon-
terai tout ce que ma mémoire me permettra d'évoquer pour que vous en
preniez acte ».
Lors de l'une des séances d'interrogatoire menée par le juge Mounir
Haddad, le président me remit quelques pages de ses mémoires écrites de
sa propre main. Le capitaine Michael McCoy - directeur du bureau de
liaison américain - demanda au président de communiquer ces feuilles
au juge. Il promettait de me les remettre après lecture et vérification de
leur contenu. Mais il n'en fit rien. Lorsque le président m'interrogea sur
leur sort, je l'informai de cette censure qui le mit en colère. Après cet inci-
dent, nous décidâmes qu'il me dicterait ses mémoires et que je ferais
passer en secret les pages écrites et signées de sa main.
Ainsi, je pris la responsabilité que m'avait confiée le président Sad-
dam Hussein de transmettre la vérité sur ce qui s'était passé dans notre
cher pays avant et après l'invasion et l'occupation. Ce récit met, d'une
part, en exergue la cruauté de l'occupation, la brutalité des alliés, leur
barbarie, leurs crimes, leur haine à l'égard de l'Irak et de son peuple.
D'autre part, il évoque la bravoure du peuple irakien, sa fierté, son cou-
rage, sa résistance, ses sacrifices et ses actes d'héroïsme dans ses
affrontements avec l'occupant.
J'ai pris sur moi d'être fidèle dans la transcription des souvenirs que
le président me relatait et qu'il voulait transmettre à son peuple et à sa
Nation. J'ai pris sur moi d'être exact quant aux réponses qu'il donnait à
mes multiples questions sur les divers aspects de son parcours. « Tout
transcrire », a-t-il insisté. Parce qu'il pensait que les Américains allaient
à tout moment l'éliminer physiquement. Il me laissa la liberté de pré-
senter ses mémoires à ma manière et de choisir la maison d'édition.
Me voici donc en train de présenter le récit du président Saddam
Hussein, président légitime de la République Irakienne. La marche de
l'État pendant près de quatre décennies, les différentes étapes du défi.
L'édification et la défense de la patrie avant l'agression de 1991 puis après
cette date et pendant l'invasion. L'occupation et la résistance farouche
de l'Irak au projet des envahisseurs.
24
Ces pages constituent un document historique que je présente au
peuple irakien, aux fils de la nation arabe et islamique, à l'opinion
publique internationale et à l'Histoire afin que tous soient en mesure de
juger de la trajectoire de Saddam Hussein. La trajectoire du chef histo-
rique de l'Irak arabo-musulman. Mais aussi celle de l'homme,
combattant et croyant, qui a fait le sacrifice de sa vie - dans la sérénité et
la dignité - pour sa patrie et pour ses principes.
Tout ce que nous présentons dans ce livre n'est ni fiction, ni conte, ni
roman. Il s'agit d'un document. Un témoignage exprimé de la bouche
même de l'un des artisans de l'Irak moderne. Un témoignage sur l'in-
justice dont il a été victime, sur les complots tissés à son encontre, publics
ou secrets.
Je suis heureux d'exprimer ici mes remerciements les plus sincères,
mon respect et ma gratitude à tous ceux qui ont participé à la publication
de ce livre, à tous ceux qui m'ont aidé par leurs idées honnêtes ou leur
travail technique de rédaction et de révision en vue de l'édition finale, à
tous les volontaires anonymes qui m'ont apporté leur appui dans l'éla-
boration de ce livre. Je les salue tous et les remercie infiniment. Dieu les
aide et nous aide tous pour être au service de notre cher Irak et de notre
nation arabe glorieuse.
25
26
CHAPITRE PREMIER
QUI EST S A D D A M ?
SADDAM, AUTOPORTRAIT
27
SADDAM HUSSEIN FACE À L'HISTOIRE,
PAR UN DE SES CAMARADES DE CAPTIVITÉ
Saddam Hussein serait cité comme l'un des plus grands dirigeants de
cette période. Son nom figurerait aux côtés de ceux des plus grands lea-
ders arabes - aux côtés d'un Gamal Abdennasser, dit Nasser par exemple.
De son vivant et après sa mort, Nasser fut l'objet d'accusations et
d'injures indignes. Saddam Hussein a connu le même sort. Avec, sans
doute, davantage de férocité et d'acharnement. Tour à tour taxé de dic-
tateur, de bourreau sanguinaire d'un pays plongé dans plusieurs guerres
qui ont entraîné des centaines de milliers de morts dans les camps ira-
kiens, iraniens et autres, il fut également accusé d'avoir dilapidé la
richesse de son pays dans ses aventures et dans la construction de palais.
Ne convient-il pas de s'interroger, de remettre en perspective ces
accusations avec l'éclairage de leurs provenances ? Après tout, la vérité
ne tient-elle pas dans cette maxime énoncée par Abou Attayeb Al Muta-
nabbi, l'un des plus grands poètes arabes :
Si ma diffamation te vient d'un taré
C'est là la preuve que je suis un homme parfait.
28
Qui sont donc les vecteurs de cette campagne violente qui a duré plu-
sieurs décennies et qui continue après l'assassinat de Saddam Hussein ?
Ce sont d'abord les dirigeants d'Israël. Ce sont ensuite leurs propa-
gandistes et leurs alliés étrangers, en particulier aux États-Unis
d'Amérique et en Europe. Si vous admettez cette vérité, cette vérité
immuable, vous en déduirez la cause. Cela est aussi vrai pour Saddam
que pour Nasser.
Nasser et Saddam : chacun représentait, à son époque, un danger
majeur pour Israël. Les sionistes en Israël ainsi que leurs alliés et partisans
à l'étranger l'ont bien compris.
Il leur fallait détruire ces ennemis.
Nasser était beau comme le jour, grand, élégant. Tout le monde tom-
bait sous son charme. Saddam aussi était beau, élancé, d'une prestance
qui en imposait. Du vivant de .ces deux grands hommes, la presse a publié
deux fois plus de caricatures que de photos. La presse occidentale pro-
sioniste ainsi que les journaux arabes ennemis publiaient en certaines
occasions - et bien malgré eux - des photos de ces dirigeants.
Des traits diaboliques, le corps empâté, le regard terrifiant : il n'y avait
qu'à contempler. Les caricatures de Nasser et de Saddam projetaient ce
que l'on devait voir au plus profond de leurs personnalités, surtout en
Occident : ils devaient être marqués par la férocité, la laideur et le mau-
vais caractère. Deux des plus beaux chefs arabes ont été présentés en
hommes hideux.
Outre la haine des sionistes que nous venons d'évoquer à l'égard de
Saddam et de Nasser perdure une haine religieuse des Juifs envers l'Irak
qui remonte à l'ère de Nabuchodonosor - qui détruisit le Temple de
Jérusalem au vi siècle av. J.-C. - et de Babel. Invraisemblable, exagéré ?
e
Et pourtant. Les temps bibliques sont comme les calendes grecques pour
certains. Chez Menahem Begin, il faut croire que la plaie n'était guère
refermée. « Babel » : c'est de ce nom que le Premier ministre d'Israël avait
choisi de baptiser l'opération israélienne de destruction de la centrale
nucléaire irakienne en 1981. Un hommage que les Juifs capturés à Babel
aux temps bibliques n'auraient pas manqué d'apprécier.
Chez les Persans, les racines de la haine envers le peuple irakien et,
par extension, envers Saddam Hussein, tiennent dans le contrôle de la
Mésopotamie. Pour deux raisons. La première ? La tendance xénophobe
et hégémonique des Persans dont l'Irak a souffert à travers l'Histoire et
qui a perduré, même après l'avènement de la République dite « isla-
mique ». La seconde raison : la nature même de ce que l'on appelle
République islamique iranienne. Pour beaucoup, la haine de l'Iran à
29
l'égard de Saddam Hussein aurait été la conséquence de la guerre irako-
iranienne. Mais alors, pourquoi cette réponse de Khomeïni, réfugié à
Paris, à un journaliste étranger qui lui demandait qui étaient ses enne-
mis : « Mes ennemis sont l'Amérique, le shah et Saddam Hussein ».
C'était avant la révolution. Saddam n'était à l'époque que vice-président.
L'Irak n'était pas en guerre avec l'Iran.
La raison de la haine iranienne réside dans la théorie qui a servi de
fondation au régime de Khomeïni : je veux bien sûr parler de la théo-
cratie, régime fondé sur l'autorité du jurisconsulte, une sorte de Pape.
Le jurisconsulte qui va assumer la direction des fidèles et de l'État, en
l'occurrence Khomeïni, représente le substitut de l'imam Mahdi - qui
précède le retour de Jésus, le Messie, juste avant le Jugement Dernier. Il
est, par voie de conséquence, le guide de tous les musulmans chiites du
monde. Mais il subsiste un obstacle de taille à ce mythe théocratique :
le jurisconsulte persan ne peut avoir ce statut - même s'il devient maî-
tre de l'Iran - tant qu'il n'a pas la mainmise sur les principaux centres
du chiisme, à savoir Najaf, Karbala, Al-Kadhimiya et Samara. Quatre
villes... d'Irak ! La mission du substitut du mythique imam Mahdi : être
le maître et la référence dans ces lieux symboliques fondamentaux. On
comprend dès lors l'urgence d'écarter le parti Baas d'Irak, nationaliste et
« laïc », afin d'atteindre l'hégémonie sur ces lieux. Un objectif qui éclaire
bon nombre de positions politiques actuelles. Parmi elles, l'alliance des
deux partis chiites, Ad-da'wa et le Conseil Islamique, avec les deux par-
tis kurdes, le Parti Démocratique kurde et l'Union Nationale du
Kurdistan. Les deux partis kurdes étant prêts à passer les rênes du pou-
voir aux deux partis chiites dans ces lieux symboliques essentiels, en
contrepartie de quoi ceux-ci leur accorderaient ce qu'ils revendiquent
en Irak. À savoir, la mainmise - pour le moins contestable - sur les villes
de Kirkouk, Ninwa et Diali, tout cela au détriment des Arabes sunnites.
Côté sioniste, à présent : plus de statue à l'effigie de Nabuchodono-
sor, qui a occupé le Royaume d'Israël et emmené des Juifs en captivité à
Babel ; plus de statue célébrant Saddam qui disait à voix haute et jusqu'à
son dernier souffle : « Vive la Palestine libre et arabe, du fleuve jusqu'à la
mer ». Côté persan : le Guide - substitut de l'imam - doit être le maître
indiscutable à Samara, Al-Kadhimiya, Najaf et Karbala. Il existe bien une
convergence d'intérêts entre ces deux mouvances, à l'origine de l'alliance
occulte entre l'Amérique pro-sioniste de Bush, les Perses et les partisans
de Khomeïni parmi les Irakiens.
Près de sept ans se sont écoulés depuis l'occupation de l'Irak et la
chute du régime de Saddam Hussein. Les successeurs de Saddam et du
30
parti Baas prétendent édifier un Irak nouveau, après avoir mis un terme
à la dictature et au régime du parti unique. Je ne me prononcerai pas sur
cette question. Je me contente de demander à tout observateur un tant
soit peu objectif et honnête, non partisan de Saddam et de ses hommes,
de dresser un tableau comparatif de la situation au temps de Saddam et
du parti Baas, avec celle de cet Irak « nouveau ». En politique comme
dans la vie existent de nombreux critères d'évaluation. Mais que l'on soit
communiste, progressiste ou réactionnaire, démocrate ou pas, des
constantes objectives et irréfutables permettent de juger les régimes.
Abordons la question de la sécurité interne. La sécurité est devenue
un droit fondamental que doivent garantir nos sociétés modernes. Dor-
mir sans crainte chez soi, partir le matin pour son travail et revenir sain
et sauf le soir. Rendre visite à un ami ou à un proche, voir un film, aller
au théâtre ou au café sans encourir de danger.
Pendant plus de trente ans, les Irakiens ont eu ces activités sans crain-
dre la moindre violence. Seule une courte période au début de la guerre
avec l'Iran et les années où les États-Unis ont déclenché la guerre ou de
larges offensives contre l'Irak ont interrompu cette sécurité. À l'ère de
Saddam Hussein, le quotidien des Irakiens n'a jamais consisté à se réveil-
ler pour trouver des avenues et des décharges publiques jonchées de
cadavres, comme c'est le cas aujourd'hui, presque tous les jours.
Dans l'Irak de Saddam, une femme pouvait se promener seule. Voilée
ou pas, elle ne courait aucun danger. Le statut de la femme rejoignait, en
droit, celui des hommes.
Si elle occupe la première place au rang des préoccupations des
citoyens, la sécurité n'est pas le seul indicateur de la dégradation du
mode de vie des Irakiens. De nombreuses libertés fondamentales leur ont
été enlevées. Mais quand cela a-t-il bien pu arriver ? Même pendant les
huit longues années de guerre avec l'Iran, la vie quotidienne était sup-
portable. Sinon, comment le peuple irakien aurait-il résisté pendant cette
guerre sanglante ? Il a combattu avec bravoure, obligeant les dirigeants
de Téhéran à cesser les hostilités et à oublier un rêve maladif : celui de
renverser le régime national pour contrôler l'Irak. Le pays est sorti de
cette guerre, non pas détruit, mais rétabli et fort.
La pire souffrance du peuple irakien date de l'embargo total imposé
au pays. Instauré après 1991, il est sans égal dans l'histoire des Nations
Unies. Si dans le passé, d'autres pays ont fait l'objet de sanctions, l'em-
bargo imposé à l'Irak n'avait qu'un seul but : l'asphyxie du pays. Voire sa
destruction. Avec un objectif sous-jacent : faciliter la tâche à ceux qui
allaient renverser le régime. Tout le monde en convient.
31
Après des années d'embargo total, il y eut des changements de
position à l'échelle internationale. Alors que les États-Unis et la Grande-
Bretagne maintenaient leur politique, la France et la Russie cessèrent
progressivement de participer au renversement du régime irakien. Pour-
tant, plusieurs tentatives d'alléger le poids de l'embargo et de le limiter au
paragraphe 22 de la résolution 687 relative aux armes de destruction
massive furent obstruées par le droit de veto dont jouissent les États-Unis
et la Grande-Bretagne au sein du Conseil de Sécurité. Plus tard, enfin,
des changements de position réduisirent sa portée. Pendant ces années
d'embargo total, les dirigeants du pays déployèrent des efforts titanesques
pour alléger le fardeau du peuple. Une campagne nationale, unique en
son genre, fut entreprise pour reconstruire ce que l'agression de 1991
avait démoli.
La guerre de 1991 avait anéanti tous les acquis du pays. Ponts, auto-
routes, centrales électriques, stations d'épuration, usines et même centres
de production laitière : tout était détruit. Avec une ardeur sans pareille,
les Irakiens s'attachèrent à réédifier une grande partie de ce qui avait été
anéanti.
A contrario, l'Irak, aujourd'hui, semble incapable de se reconstruire.
En 1991, des dizaines de ponts furent détruits entre Bagdad et Bassora.
Tous furent réédifiés. Actuellement, on a enregistré la démolition d'un
seul pont à Bagdad, par un acte terroriste : le pont Al Irakiya. L'Irak n'est
plus sous embargo. La présence américaine est censée aider les Irakiens
dans la reconstruction du pays. Pourtant, Al Irakiya est encore fermé aux
piétons. À l'heure où les revenus du pétrole augmentent de façon expo-
nentielle, à l'heure où l'Irak peut avoir des échanges avec tous les pays du
monde sans entrave ni obstacle, les gouvernements actuels se montrent
incapables de fournir aux citoyens l'électricité, l'eau potable ou le télé-
phone. Les usines sont à l'arrêt, les universités et les centres de recherche
scientifique se dégradent, les ingénieurs et les techniciens fuient à l'étran-
ger, quand ils ne sont pas assassinés ou portés disparus. Le gouvernement
actuel se dit pourtant démocratique. Élu par le peuple !
Si nous comparons la corruption de l'administration irakienne à
l'époque de Saddam Hussein à celle qui sévit actuellement, on s'aperçoit
qu'à l'ère de l'Irak « démocratique », elle a gangrené tous les services de
l'État. Le pays jouit désormais du privilège d'être dénoncé par la com-
munauté internationale pour son haut degré de corruption.
Pour prendre la température de l'Irak, autre thermomètre : la carte
d'approvisionnement. Préoccupation quotidienne du citoyen en géné-
ral, du pauvre en particulier, elle est considérée comme un moyen
32
d'évaluation tangible. Après le déclenchement de l'embargo, en 1991, le
président Saddam Hussein décida d'assurer à chaque citoyen une part de
denrées alimentaires de première nécessité telles que riz, farine, sucre,
thé, lait pour enfants, détergents, etc. Malgré cet embargo total et oppres-
seur, malgré le tarissement des revenus de l'État, cette carte fut
maintenue et permit à tout résident d'Irak, qu'il fût Irakien, Arabe ou
étranger nécessiteux, de subvenir à ses besoins alimentaires essentiels.
Ainsi, il n'y eut pas de famine en Irak. Au cours des années qui suivirent
le programme « pétrole contre nourriture et médicaments », la part d'ap-
provisionnement quotidienne par habitant dépassa les 6 000 calories. À
la veille de la dernière guerre en 2003, Saddam Hussein ordonna de dis-
tribuer d'une façon anticipée l'équivalent de trois mois de provisions
alimentaires à chaque citoyen, en prévision de l'agression.
Aujourd'hui, dans quelle situation se trouve le pays ?
L'embargo est levé sur l'Irak, le pays est en mesure d'exporter le
pétrole et ses dérivés, le soufre et autres produits commercialisables. Il
peut aussi acheter tout ce qu'il veut, sans l'intervention ou le contrôle de
la commission des sanctions du Conseil de Sécurité. Les prix du pétrole
ont augmenté et ont dépassé 100 dollars par baril. Les responsables du
« nouveau régime » disent que les revenus du pétrole ont atteint en 2008
60 milliards de dollars, peut-être 100 milliards. En comparaison, avec la
crise qui a suivi la révolution islamique en Iran ou avec la suspension de
ses exportations de pétrole en 1991, les revenus du pétrole irakien n'ont
jamais dépassé 30 milliards de dollars.
Six ans après, dans le cadre de cette conjoncture favorable au gouver-
nement, la carte d'approvisionnement trébuche. Dans bien des cas, elle
n'arrive pas à l'ayant droit. Lorsqu'elle parvient à quelques-uns, la ration
n'est jamais complète, les produits sont avariés. Peut-on alors faire la
comparaison entre un régime qui s'emploie dans les moments les plus
sombres à assurer la sécurité alimentaire de son peuple, et un régime
riche, capable d'acheter tout ce qu'il veut, mais qui ne tient pas compte
des conditions de vie du peuple et des pauvres, vole les produits alimen-
taires, et dont les ministres et les hauts fonctionnaires se jouent des
contrats pour obtenir leurs parts de bénéfice qui se transforment en
comptes à l'étranger, y compris en Iran ?
Autre critère essentiel de comparaison : les méthodes de travail. Pen-
dant ses longs mandats, comme vice-président ou président de l'Irak,
Saddam avait visité toutes les régions du pays. Parcouru les rues et les
ruelles des villes et des villages. Rencontré les gens ordinaires. Il était
entré chez eux et s'était enquis de leurs conditions de vie. Ces visites et
33
ces rencontres avaient débouché sur des décisions et des mesures tendant
à résoudre les problèmes et à améliorer le niveau de vie des citoyens. Il
établissait des dates fixes pour rencontrer les citoyens qui voulaient le
voir. Ces rencontres se comptaient par dizaines et parfois par centaines.
En outre, Saddam Hussein avait astreint ses ministres à établir un calen-
drier de rencontres avec leurs fonctionnaires ou tout citoyen ayant un
litige avec son ministère. Un rapport faisant état de ces rencontres et des
mesures prises était exigé de chacun d'entre eux.
Quant aux « preux chevaliers du nouveau régime démocratique »,
arrivés au pouvoir à la suite « d'élections populaires libres » (sic), ils se
terrent depuis plus de six ans dans la « Zone Verte », sous la protection
des forces américaines, pour n'en sortir que très rarement. Certains ne
se rendent jamais dans leur ministère, gérant les affaires par téléphone,
ou rencontrant - s'il le faut - leurs fonctionnaires dans leurs bureaux de
la Zone Verte. À mille lieues des citoyens, dont ils ont peur.
En tant que chef des forces armées, et quels que soient les dangers,
Saddam Hussein rendait visite aux unités militaires, même pendant la
guerre avec l'Iran, à portée d'obus. Il rencontrait les soldats, les sous-offi-
ciers et les officiers, s'enquérant de leurs conditions de vie et de leurs
besoins essentiels. Lors du déclenchement de la campagne militaire
contre les villes de Bassora et de Al-Moussal, personne n'a vu sur le ter-
rain le chef du gouvernement démocratiquement élu et chef des armées.
Posté dans la base britannique de Bassora et la base américaine de Al-
Moussal, il n'a jamais rencontré les habitants de ces deux villes, qui l'ont
élu lors d'élections « libres ».
L'action de Saddam Hussein était relayée par chacun de ses ministres.
Tous le prenaient en exemple. Sur leur feuille de route, l'obligation,
chaque semaine, de quitter leurs bureaux pour visiter les départements
de leur ministère et rencontrer les fonctionnaires afin de contrôler in situ
les projets à leur charge.
Les Irakiens se rappellent que, pendant l'embargo, les services publics
se détérioraient. Pour y remédier, Saddam Hussein prit la décision d'at-
tribuer à chacun de ses ministres la charge d'une province. Une partie du
budget de l'État fut alors consacrée à faire face à certains cas d'urgence.
À l'ère démocratique nouvelle, certains ministères, pour ne pas dire
la majorité, n'ont même pas dépensé le budget qui leur avait été alloué
pour réaliser des projets et améliorer les conditions de vie des citoyens.
En revanche, ces braves ministres n'ont raté aucun symposium ni
congrès tenu à l'étranger, surtout aux États-Unis et en Europe. Ils ont
rendu visite à l'Iran à plusieurs reprises. Pendant les deux guerres du
34
Golfe, les familles des responsables de l'ancien régime restaient en Irak
sous les bombardements aériens, les tirs de canons et de roquettes.
Aujourd'hui, la majorité de celles des responsables du nouveau régime -
pour ne pas dire toutes - vit à l'étranger, dans des villas et des apparte-
ments luxueux, pour ne revenir en Irak que rarement, en « touristes » !
On a parlé des milliards de dollars que Saddam Hussein aurait expa-
triés. Six ans après le renversement de son régime nationaliste par la
guerre, sa condamnation à la peine capitale et son exécution, les suppôts
du nouveau régime et leurs alliés américains, anglais et autres occiden-
taux n'ont pu trouver un seul dollar au nom de Saddam Hussein dans
une banque étrangère. Et ce n'est pas faute d'avoir cherché !
Les dirigeants du nouveau régime ont récemment déclaré que
Saddam Hussein avait deux palais dans le sud de la France et qu'ils les
revendiquaient comme partie intégrante du patrimoine de l'État irakien.
Comme si cela était nécessaire ! Ces deux palais, qui ne sont que des vil-
las, sont enregistrés au nom de l'ambassade d'Irak en France, laquelle
paye les impôts y afférant depuis les années 1970 jusqu'à aujourd'hui. En
outre, personne n'a vu Saddam Hussein visiter la France en privé et habi-
ter dans ces villas. En réalité, elles avaient été achetées par l'un des
organismes d'État - au temps de Saddam - auprès d'un responsable
français, en contrepartie de « services spéciaux » rendus à l'Irak.
On a parlé d'un yacht appartenant à Saddam. Il existe bien un yacht,
propriété de l'État, réservé au président de l'État irakien. Un yacht que
Saddam n'a jamais utilisé, celui-ci ayant été construit après le déclen-
chement de la guerre avec l'Iran, rendant impossible son acheminement
à Bassora. Aussi était-il resté à l'étranger.
Comparer deux villas et un yacht, propriétés de l'État, avec la gabe-
gie et les milliards de dollars de corruption, de captation des richesses
irakiennes et les innombrables turpitudes actuelles, voilà qui pourrait
prêter à sourire. Sauf que le peuple irakien en est la victime expiatoire.
Ceux qui ont vécu sous les mandats de Saddam Hussein et du parti
Baas se rappellent bien comment ils vivaient. La façon dont Saddam les
traitait et dont ses ministres se comportaient. Ces mêmes gens voient
aujourd'hui le standing des « parangons » de l'ère nouvelle, ce qu'ils font
ou plutôt ne font pas... Ils sont aussi informés de leurs comptes auprès
des banques américaines, européennes et iraniennes !
Saddam Hussein est parti. Il a été assassiné par traîtrise par les occu-
pants américains et leurs valets irakiens. L'Histoire retiendra son parcours
glorieux au service de la cause arabe, elle gardera en mémoire la moder-
nisation de l'Irak sous sa houlette. Que Dieu accorde sa miséricorde à
35
Saddam Hussein. De son vivant, il était un grand dirigeant. Face à la
mort, il fut un homme courageux. Aujourd'hui, Saddam Hussein est,
pour les Arabes, le martyr de ce siècle, érigé en héros de la cause arabe.
Le procès d'un homme, sur lequel les avis et les opinions sont partagés,
a fini par devenir une autre preuve historique de l'éternelle dichotomie
entre le vrai et le faux.
Dans la vie de cet homme, bien des péripéties auraient pu nous don-
ner une idée sur son caractère et sa nature profonde. Mais jamais
Saddam Hussein n'a été aussi clair et limpide que lors de son procès.
Là, seulement, la vérité de l'homme est apparue au grand jour, telle
que Dieu l'a pétrie en son âme. Là, seulement, le président s'est défait de
l'aura de son poste pour acquérir celle du héros légendaire.
Là est apparu le « dictateur » sous son véritable jour !
Il s'est dressé devant eux en chef orgueilleux et hautain, prenant de haut
les chaînes, les barreaux, les menottes. Entré au tribunal dominant les pré-
sents de sa grande taille, il en est sorti encore plus grand. Un homme
capable de dire à la mort : « Me voici, viens si tu oses me prendre » !
Et la mort ne l'a pas pris.
Un simple mirage sans plus.
Debout, face à la potence, il a fait acte de foi.
On l'a vu s'avancer tête nue, les yeux ouverts, pour mettre une cra-
vate, une cravate quelque peu rugueuse.
On a vu s'écrouler le corps... On a vu le cadavre étendu... Mais son
dernier sourire a tout exprimé.
Il savait que ce sourire était la dernière ligne du livre du militant, du
compagnon, du président, du père de la Nation... Mais il savait aussi que
ce sourire était la première ligne du livre de sa légende.
De la même façon qu'ils nous ont fait croire à sa « dictature », alors
qu'il n'était qu'un homme très dur, il nous a leurrés par sa « mort ».
Il n'est pas mort. Il a fait un pas... il a souri et s'en est allé pour un
autre monde, comme s'il montait les marches d'un escalier. Comme si la
1. Le professeur Ali As-sarraf est un écrivain et politologue irakien connu. Il fut un oppo-
sant de premier plan au président martyr Saddam Hussein pendant plusieurs décennies.
Mais après l'occupation, il a déclaré publiquement, avec courage et grandeur et en pre-
nant fait et cause pour la patrie, le peuple et la conscience, que toutes ses positions
contre Saddam Hussein, toute son action politique dirigée contre le régime nationaliste,
était une grande erreur. Il a exprimé clairement et de manière audacieuse cette position
dans plusieurs articles importants dont celui-ci.
36
distance entre la vie et l'éternité n'était que cette marche à gravir.
Son corps s'est écroulé, mais la mort ne l'a pas pris. À cet instant est
né l'autre Saddam, Saddam l'éternel. Celui que la mort ne peut nous
arracher.
Certes, on a pleuré, mais on a souri ensemble, à l'instant où l'on a
découvert le leurre du héros. On l'a porté alors dans notre cœur comme
jamais âme d'un militant n'a été couvée. On a remis une partie de lui
entre les mains du Seigneur et l'on a gardé la majeure partie de son âme
pour la résistance.
On a découvert qu'il avait aussi le sourire d'un homme pénétré de
son pouvoir. Mais malgré sa toute-puissance babylonienne, il était magna-
nime et simple, capable de verser des larmes dans l'adversité et le
malheur. Il pouvait être triste, rire ou se mettre en colère comme le com-
mun des mortels. Il avait le cœur tendre, sans se départir de sa prestance
ni de sa stature de héros.
Par sa ténacité, il voulait accomplir une mission, atteindre un but.
Alors les opinions furent partagées : certains ont vu dans cette préten-
due « dictature » des détails presque insensés ; d'autres ont vu ses
objectifs, ses réalisations impressionnantes dans les universités, les entre-
prises et les usines.
Mais la lune est une et indivisible. Quelle que soit la moitié que tu
regardes, l'autre moitié existe bel et bien.
Saddam est ainsi fait, pour nous laisser perplexes, inquiets. Peut-être
pour grandir l'Irak, pas à pas. Cela exaspéra tous ceux qui nourrissaient de
l'animosité envers lui, qui nourrissaient des ambitions inavouables, des
rancœurs illégitimes, ou qui, simplement, étaient vils. Ils se sont alors unis
contre lui pour le tuer et détruire l'Irak en même temps.
Ils ont pris le pouvoir pour détruire, tuer, torturer et violer. Ils ont
transformé l'Irak en abattoir. En une mare de sang.
Tuer Saddam Hussein, c'était tuer l'aspiration de l'Irak à la puissance,
à la prospérité, à la gloire.
Jamais le héros n'a été aussi radieux qu'en prison et au tribunal.
À vouloir l'humilier, le châtiment s'est retourné contre eux.
Ils ont voulu faire le procès de la « dictature ». Il a jugé leur déca-
dence, leur vilenie et leur servitude.
Rares sont les hommes libres à qui le destin a réservé l'honneur de
faire face aux envahisseurs avec tant de majesté. Rares sont ceux que
l'Histoire élève au rang de symbole...
Au tribunal, le juge ne fut jamais neutre. Son penchant naturel l'in-
clinait davantage à la polémique. Colères, hurlements, expulsions des
37
prévenus comme de la vulgaire racaille. De leur côté, les commandos du
ministère de l'Intérieur et les gardes de l'occupation ne se privèrent pas
de frapper les inculpés. De les torturer, face au tribunal, en coulisses ou
en prison.
À l'extérieur, les milices ont achevé le travail : intimidations, menaces,
persécutions envers les défenseurs. Fait unique dans les anales d'un pro-
cès, cinq avocats périrent sous la torture. L'un des cadavres, accroché à
un poteau électrique, témoigna non seulement de la barbarie, mais aussi
de l'éclatante faillite morale de l'occupation, de son gouvernement, de
ses milices et de sa « justice ».
Dans de telles conditions, les avocats de la défense n'ont pas eu la
tâche facile. Malgré leur professionnalisme, ils se sont préparés à la mort.
Ils ont livré bataille non pas dans le cadre de la loi, constamment bafouée,
mais à la recherche de la vérité. Pour que triomphe la justice, dans un
contexte de non-droit, avec tout ce que cela implique de bestialité, de
sous-développement et de rejet des valeurs humaines. Afin de trouver
une voie de salut, une issue à ce nid de vipères.
L'on voulait que ce tribunal fût le « tribunal du siècle ». Ce fut le cas.
Il donna lieu à une comédie hideuse et fracassante dont les échos conti-
nueront à se répercuter, comme la pire des offenses au droit, aux valeurs
de vérité, de justice. Une comédie qui jette le discrédit et le déshonneur
sur tous ceux qui s'y sont impliqués.
La mort fut présente à chaque instant. À chacun des actes de cette
parodie de « procès ».
Car cette comédie n'avait qu'un seul but : éliminer les « inculpés »,
en vertu d'une « loi » confectionnée sur mesure, pour que la forêt de
couteaux déchire les corps de ces victimes, sans scrupule. Spectacle bou-
leversant que celui des avocats en mal de stratégie pour leur plaidoyer,
quand les tueurs sont maîtres de la situation. Des couteaux dirigés non
seulement contre un président déchu, victime d'une force barbare et
aveugle et d'un tissu de mensonges et de subterfuges, non seulement
contre des avocats exposés aux menaces ou exécutés mais surtout des
armes dirigées contre tout un peuple dont les innocents - femmes,
enfants ou vieillards - étaient égorgés comme des animaux de boucherie,
sous les yeux du monde entier.
Cette même racaille sera convoquée au tribunal de demain, au tribu-
nal de l'Histoire.
Un groupe de héros a décidé de risquer sa vie et de se présenter en
tant qu'avocats indépendants, formés dans les meilleures universités,
ayant acquis une large expérience dans les meilleures sphères de la jus-
38
tice, pour défendre un héros dont le destin tragique était connu d'avance.
L'action du « Comité de Défense » fut sous-tendue par ce même sens
de l'honneur et non par une quête de justice, obstinément absente. Pour
ce tribunal, il n'a jamais été question de droit.
Si l'on ne peut l'isoler du contexte d'assassinat autorisé et généralisé
en Irak, ce tribunal a bien été la preuve de la mort des vertus. Et de toutes
les valeurs humaines.
Bien que la cause défendue par ces avocats semblât « perdue
d'avance », leur plaidoyer ne fut pas vain.
Il n'a demandé ni vengeance ni revanche. Du fond de sa prison,
le courage de Saddam nous a révélé un héros plus ferme que l'acier.
Un homme de bien, tolérant et un patriote unique, qui a su se placer au-
dessus de tout pouvoir. Car le « Grand Irak » est resté la tente qui abritait
son cœur.
Quand sonna l'heure du départ, il s'avança d'un pas sûr, le sourire
aux lèvres.
Si nous avons perdu un chef et un fin stratège, nous avons gagné un
héros légendaire et un symbole.
Ses compagnons l'ont imité et il sera imité par tous les adeptes 'de la
liberté. Le Grand Irak, l'Irak de la Vertu, de la Liberté et de la Prospérité
est le leur : si l'arbre éternel perd un héros, il en génère un autre
L'ENFANCE DE SADDAM
40
parti. Une expérience politique rapidement acquise et un sens fulgurant
de l'organisation l'élevèrent en peu de temps au rang des jeunes cadres
baasistes les plus remarquables.
Le coup d'État d'Abdelkerim Kacem en Irak en 1958 fut un événe-
ment important dans la vie du pays dans la mesure où il apporta un
changement profond dans la composition du pouvoir et mit un terme à
la monarchie hachémite du roi Faïçal II. Les officiers auteurs du coup
d'État contre le roi n'étaient pas les Baasistes irakiens. Le parti Baas était
hostile au nouveau pouvoir qui échoua à obtenir la stabilité et à endiguer
tensions et troubles politiques internes. Pour ces raisons, le Parti essaya
d'entreprendre, avec le concours de ses cadres et officiers, une opération
de changement.
lequel il noua des liens solides. C'était au début des années 1960.
Les opérations de persécution et de recherche menées contre Saddam
Hussein, les mandats d'arrêt émis à son encontre, sa conversion en prin-
cipale cible des organismes de la sécurité, rendirent sa cavale périlleuse.
Voyager ou se déplacer était devenu impossible. Aussi décida-t-il d'aban-
donner Tikrit et sa terre natale d'Irak.
Au début du mois de décembre 1959, Saddam entama un long voyage
parsemé d'embûches à travers steppes, déserts et vallées, tantôt à pied,
1. Michel Aflak, né en 1910 d'une famille chrétienne de Damas, fit ses études à la Sor-
bonne. Écrivain, poète et h o m m e politique, il fut influencé par le marxisme et
l'anticolonialisme. Avec quelques camarades de différentes confessions, il fonda le parti
Baas, au début des années 1940, sur un modèle « laïc » et socialiste, défendant une iden-
tité panarabe. Le parti Baas dirigea l'Irak jusqu'à la chute de Saddam, alors qu'il est
toujours au pouvoir en Syrie.
41
tantôt sur une monture, jusqu'à la frontière syro-irakienne, la Syrie étant
alors un fief des nationalistes et des défenseurs de l'unité arabe.
Lors de son premier exil, il demeura trois mois à Damas, où il eut
l'occasion de fréquenter les figures emblématiques de la pensée nationa-
liste et parfaire sa maturité politique. Trois mois pendant lesquels il resta
en contact avec son parti en Irak, à l'affût de ce qui s'y déroulait...
Le Caire fut sa deuxième destination. Arrivé le 21 février 1960, il inté-
gra l'école « Palais du Nil » au Caire afin de terminer ses études
secondaires et entamer des études de droit à l'université. Résidant dans
un foyer d'étudiants avec des camarades baasistes, à la cité Ad-Daqi du
Caire, il progressa dans le travail d'organisation au sein des étudiants et
de leur direction politique jusqu'à devenir le premier responsable étu-
diant du parti en Egypte. À mille lieues du noctambule, il consacrait son
temps libre à la lecture et aux échecs.
42
Fort de ses expériences et grâce à ses capacités, Saddam Hussein par-
vint à fonder une organisation militaire puissante et efficace. Il assura la
coordination des actions et des opérations clandestines du parti, ainsi
que la sécurité de ses cadres et dirigeants militaires, et celle des cercles
qui, au sein de l'armée, lui étaient liées.
Dans la précipitation des événements, Saddam Hussein dut quitter
l'Irak pour se réfugier en Syrie où il rencontra les dirigeants du parti ainsi
que son fondateur, Michel Aflak. Il participa aux longues discussions et
consultations sur les troubles et l'évolution de la situation irakienne, les
divisions entre les différentes ailes du parti en Irak. Au cours de ce voyage,
Saddam acquit la confiance d'Aflak, renforça ses liens avec le dirigeant
syrien et fit l'admiration de la direction du parti Baas dont il fut élu
membre.
Celle-ci insista pour qu'il restât à Damas, craignant pour sa vie, d'au-
tant qu'Abdessalem Aref découvrit que les membres du Parti, ses cadres
et ses organisations militaires préparaient un coup d'État. Mais Saddam
refusa et revint clandestinement à Bagdad, affrontant tous les dangers.
SADDAM S'ÉVADE
43
LE COUP D'ÉTAT DE 1968
44
Il conduisit la délégation du gouvernement irakien chargée des négo-
ciations avec les chefs de la rébellion kurde et se fit l'artisan de l'accord
sur l'autonomie interne concédée à la minorité kurde le 11 mars 1974,
sans précédent dans la région (Iran, Turquie et Syrie).
« Mon père est mort en 1937. J'ai appris par la suite qu'il avait terri-
blement souffert avant de mourir. Il avait voulu venir en aide à une
femme de notre famille, malmenée par un voyou. N'écoutant que son
courage, il avait sauté du haut d'un mur de glaise et s'était brisé une côte.
Le rein déchiré, les urines remplies de sang, Dieu lui avait d'abord accordé
sa miséricorde. Puis, d'après ma mère, sa blessure avait empiré, et il avait
fini par s'affaiblir. Inexorablement.
« Ma mère se remaria. C'était la coutume, en Irak. Tout particulière-
ment dans les campagnes : on remariait les veuves pour leur épargner les
aléas de l'existence. Mais ma mère n'eut pas de chance : Hadj Ibrahim Al
Hassan (Dieu le garde en sa miséricorde), était très dur avec elle. Sans
doute à cause de la mentalité rurale, des difficultés de la vie, de la pau-
vreté, du sous-développement...
« Je me levais très tôt et partais aussitôt ramasser du bois ; c'était ma
tâche quotidienne, hiver comme été, quel que soit le temps. J'aidais aussi
ma mère à faire paître les quelques vaches et brebis que nous possédions.
J'exécutais scrupuleusement les ordres de Hadj Ibrahim Al Hassan, parce
qu'il m'aimait et qu'à ce titre, il ne faisait aucune différence entre moi et ses
autres enfants, Sabaaoui, Barazan et Wutban. Il était, en revanche, particu-
lièrement sévère avec son fils Adham, qu'il jugeait dépourvu d'intelligence.
45
« Quand je voulus m'instruire, on me confia à mon oncle Khayrallah
Talfah (Dieu l'ait dans sa miséricorde).
« Comme enfant, d'abord, puis comme adolescent, j'y connus une vie
assez rude.
« Puis, quand je suis arrivé au pouvoir, j'ai été avant tout soucieux
de servir mon peuple vers qui me guidaient mes souvenirs d'enfant. Il
s'agissait pour moi de gagner sa faveur et celle de Dieu. J'ai traité mon
peuple sans discrimination, et je n'eus jamais de ressentiment contre
qui que ce soit, pas même ceux qui cherchaient à me nuire : je ne les
détestais pas, je détestais leur action. Et je me réjouissais à l'idée qu'ils
puissent revenir sur leurs erreurs et retrouver le chemin de la vérité. »
Quand le président décida de quitter Bagdad, le 11 avril 2003, il
demanda aux membres de sa garde rapprochée de rejoindre leurs
familles. Il ne garda près de lui que les quelques soldats en qui il avait une
totale confiance, tous jeunes. Se souvenant de sa propre jeunesse, il se
souciait de leurs conditions de vie, et demandait à chacun d'eux s'il était
marié, combien il avait d'enfants et qui prenait soin d'eux. Le président
s'occupait personnellement d'un groupe d'orphelins qui habitaient sous
son toit et qui l'appelaient « papa ». Après l'occupation de Bagdad, il se
retrouva un jour assis avec son fils Koussaï et trois de ses gardes. Il se
retourna vers l'un d'eux pour lui demander :
« S'il le faut, tu emmèneras ma famille pour la protéger. »
Le jeune homme lui répondit :
« Pourquoi partir ? Je ne resterai qu'avec mon père, le président. »
46
CHAPITRE II
LA CAPTURE DE
SADDAM HUSSEIN
« Nous avons connu les ennemis avant les amis. Militant depuis notre
jeunesse, avant et après 1959, nous avons accédé au pouvoir grâce à notre
militantisme. C'est le peuple qui nous a choisi et hissé au premier rang et
non les milieux impérialistes et leurs services de renseignements. Honni
soit qui prétend le contraire.
Si c'était l'Amérique ou les sionistes qui nous avaient porté au pou-
voir, nous n'aurions pas connu ce sort dont nous sommes fiers. Nous
irons devant le Tout-Puissant, le cœur serein, les mains propres, si Dieu
le veut.
Et si nous avions accédé au pouvoir avec l'aide de l'Amérique et de
ses proches, elle nous aurait dénoncé, dès le premier jour où nous nous
sommes opposé à elle. Mais, grâce à Dieu, nous la défions de dire quoi
que ce soit, qui puisse ternir notre histoire grandiose. »
Saddam Hussein en captivité
47
LE PRÉSIDENT RACONTE UN ÉPISODE DE SA
« CAVALE »
48
Mais il n'accepta de me laisser que lorsque ma voiture s'ébranla. Après
plus d'un mois, j'ai envoyé une lettre à ce vénérable vieillard. Je lui ai pro-
posé de s'adresser à l'un de mes parents auprès duquel j'avais laissé de
l'argent destiné à financer la résistance. Mais quand il s'est présenté à
l'endroit convenu pour lui réclamer la somme, l'homme s'est mis en
colère, a déchiré la lettre et nié avoir reçu de moi le moindre sou. Il n'en
est pas resté là et a envoyé son fils dénoncer le Cheikh, en violation des
usages et des traditions élémentaires de notre société qui stipulent qu'un
Irakien ne doit jamais dénoncer son hôte. Mais mon bienfaiteur était un
homme avisé : il s'est réfugié chez un autre membre de la tribu qui lui a
rappelé aussitôt qu'il n'aurait jamais dû frapper ainsi à la mauvaise
porte. »
50
d'une centaine de photos de ses ex-gardes du corps et de ses parents, qui
furent soumises à tous ceux qui déclaraient le connaître ou en être
proche, et à qui l'on demandait quand ils avaient vu Saddam. Les ques-
tions récurrentes portaient sur sa garde et ses compagnons, sur leurs
traits distinctifs et les lieux qu'ils fréquentaient.
La CIA était assistée dans cette recherche par une équipe du Mossad
israélien, composée de dix personnes dont le chef de la section dès opé-
rations de reconnaissance. Ainsi, après de longues investigations et après
avoir soumis les photos des gardes du corps aux détenus, les services de
renseignements américains et israéliens conclurent qu'il n'avait gardé
auprès de lui que deux de ses hommes.
La description des gardes apportée par les personnes interrogées,
concorda avec le repérage du président par des témoins à Tikrit, à Ar-
Ramla et à Kirkouk. Les .investigations furent ensuite concentrées sur tous
les détails de leurs mouvements, afin de les arrêter le plus vite possible.
Les informations réunies par les Américains et les Israéliens, avec la
contribution de quelques agents des services de renseignements irakiens,
aboutirent, fin août, à l'arrestation de l'un des proches du président. Mal-
gré toutes sortes de tortures subies, il ne dévoila rien pendant plus de
deux semaines. Mais après dix-huit jours d'atroces sévices psychiques et
physiques, il finit par révéler un important refuge au sud de Bagdad. La
découverte de ce lieu constitua un élément capital dans le plan améri-
cain, caractérisé par une discrétion absolue.
Une fois ce refuge localisé et inspecté discrètement, et surtout sans rien
toucher de ce qu'il contenait, les Américains et les Irakiens surent qu'ils
approchaient de Saddam Hussein. Ils comprirent également que celui-ci
se déplaçait intelligemment entre ces refuges abandonnés et qu'il y laissait
des marques discrètes pour savoir si quelqu'un y entrait. C'est qu'il savait
que les Américains allaient lui tendre un piège dans l'une de ces cachettes.
La personne arrêtée affirmait ne connaître que trois refuges, à Ar-Ramla, à
Kirkouk et un autre au sud de Bagdad, mais pas celui d'Ad-Dour, près de
Tikrit, où plus tard, les Américains prétendirent avoir arrêté Saddam.
Les deux équipes surveillèrent de très près les trois refuges indiqués,
mais il ne s'y rendit jamais. Les forces américaines se rendirent compte
que ces lieux étaient abandonnés et que les informations fournies par
son parent n'étaient pas crédibles.
D'autre part, une théorie penchait pour l'existence d'autres refuges
dans diverses régions d'Irak, utilisées faute de pouvoir recourir à ceux
des palais présidentiels ou ceux réputés pour leur résistance aux bombes
les plus puissantes.
51
TROISIÈME PLAN DE CAPTURE DE SADDAM
vrirent les restes d'un repas pris récemment, qui révélaient que Saddam
Hussein avait l'habitude de s'y rendre.
52
LE PIÈGE EST TENDU
Américains purent cerner la région. Ce même matériel avait déjà été uti-
lisé, avec succès, en Afghanistan. Il altéra énormément le réseau de
communication de la « qaïda » qui fut contrainte de renoncer à tout
appel sur téléphone fixe ou mobile.
Après que j'eus terminé ce récit, le président se mit à rire : « Les Amé-
ricains sont passés maîtres dans le doublage et j'étais persuadé qu'ils
allaient déformer la vérité. Ils ont voulu me présenter au monde d'une
façon avilissante, pour dire aux Irakiens : "Voici votre président", et aux
Arabes : "Voici le héros de votre nationalisme". C'est leur style ; un style
hollywoodien absurde. Ils sont experts dans le genre. Nous avons vu
quand ils ont parachuté leurs forces à Panama, kidnappé le général
Noriega et essayé de noircir sa réputation. Leurs méthodes sont connues
de tous. Je vais vous relater la vraie histoire, et je rejette catégoriquement
la majorité des informations contenues dans le récit américain, en par-
ticulier le nom du délateur, car j'ai une grande confiance en cette
personne. Les Américains veulent brouiller les cartes et couvrir les vrais
traîtres qui m'ont livré aux envahisseurs. »
55
Le président commença le récit de son arrestation.
« J'allais souvent chez un ami à Qadha Ad-Dour, dans le gouverno-
rat de Saladin. J'ai choisi ce lieu parce que c'est là que je me suis réfugié
en 1959 et que j'ai traversé le Tigre, quand j'ai participé à l'attaque
contre le cortège d'Abdelkarim Kacem. Ce lieu se situe sur le Tigre et
tout près, sur l'autre rive, se trouve l'un des palais présidentiels.
« Le propriétaire des lieux était un ami qui avait toute ma confiance.
Il s'agit de Kaïes An'nameq. Je me contentais de deux gardes du corps
qui m'étaient proches, pour ne pas encombrer le maître des lieux et
pour ne pas faire de la maison une cible repérable par les troupes amé-
ricaines. D'autre part, afin de parer à toute éventualité, nous avions
prévu, devant la maison sur le Tigre, une moto, un cheval, et une
embarcation à moteur, tout équipée, que nous aurions tous utilisée, en
cas de besoin si les Américains arrivaient du côté du désert. S'ils pas-
saient par le fleuve ou par la route, nous aurions traversé les plantations
à cheval. Et si, enfin, ils attaquaient par ces dernières, nous nous serions
dirigés, à moto, vers la route du désert. Nous nous sommes ainsi pré-
parés à chaque éventualité. Pour plus de précaution, nous avions
aménagé un abri sous la maison, pour les cas imprévus, qui ressemble
à ceux que nous construisions avec les Irakiens, du temps de la guerre
irano-irakienne. »
« Je passai beaucoup plus de temps dans cette maison que n'importe
où ailleurs. Une fois, j'y suis retourné épuisé, après plusieurs jours passés
dans des régions lointaines à inspecter quelques groupes de résistance et
des habitations irakiennes. C'était l'après-midi. J'ai lu quelques versets du
Coran, jusqu'au coucher du soleil. La femme de cet ami préparait à man-
ger. Quand l'heure de la prière est arrivée, j'ai fermé le Livre saint et j'allais
commencer à prier lorsque mon ami accourut répétant : "ils sont arrivés".
J'ai demandé de qui il s'agissait, il a répondu : "Les Américains". »
« J'ai immédiatement gagné l'abri, que les Américains ont découvert
quelques minutes plus tard. Ils m'ont arrêté sans aucune résistance de
ma part. Je n'y ai même pas pensé, pour la simple raison que j'étais un
chef, et eux des soldats. Il était insensé de m'engager dans une bataille
avec eux et d'en tuer un ou plus, avant de me faire abattre. Cela aurait
été une renonciation au commandement. Le peuple nous a donné sa
confiance en tant que président et chef et non comme soldat. Mais si
Bush avait été avec eux, je me serais engagé dans un combat avec lui
jusqu'à le vaincre ou mourir. »
« Avant de me faire arrêter, j'avais remarqué de vagues changements
56
chez mon ami, le maître des lieux . Une semaine avant l'arrestation, il
1
m'avait paru distrait. Son visage n'était plus le même et son comporte-
ment était devenu affecté. Parfois, je le sentais effrayé et agité mais j'avais
tellement confiance en lui qu'aucun soupçon ne me traversa l'esprit.
Hélas, il s'est égaré et a suivi la voie de Satan. Ou peut-être était-ce la ten-
tation du butin promis par les Américains ? Quant à moi, je n'avais pas
une grosse somme pour prévenir la traîtrise. Tout ce dont je disposais,
c'était 1 280 000 dollars, avec lesquels je gérais quelques opérations de la
résistance... Vous devez donc informer les Irakiens que ce sont Kaïes
An'nameq et ses frères qui m'ont dénoncé.
« Je rejette, également, de façon catégorique avoir été drogué, comme
on l'a prétendu. Cela fait partie du feuilleton à l'américaine. La vérité est
que je n'étais pas drogué. Je n'ai ni bu ni mangé pendant les premiers
jours de mon arrestation, pas plus les jours suivants. Quant aux interro-
gations des gens à propos de mon transfert aux États-Unis, j'affirme que
je n'ai rien pris qui aurait pu me faire perdre la mémoire ou qui m'aurait
endormi. Je n'ai pas changé d'endroit, je suis seulement retourné à la pre-
mière cellule, tout près de l'horloge de Bagdad, là où j'étais auparavant.
Je démens avoir été mené à l'île de Santiago. Le seul lieu où j'ai été trans-
féré est l'hôpital Avicenne où j'ai été opéré cette année, d'une hernie. On
ne m'a pas anesthésié pour que je souffre au maximum, mais j'ai tenu le
coup. On voulait aussi que je faiblisse, mais, je me suis levé et j'ai com-
mencé à me déplacer de façon normale, défiant ainsi leur cruauté. J'ai
dit : " Est-ce là votre humanisme et votre démocratie ... ?" On m'em-
mène parfois à l'hôpital, quand mon état de santé le nécessite. Je répète
que je suis né en Irak, j'y resterai et j'y mourrai près de mon peuple. Je ne
quitterai ma prison que pour aller là où Dieu a choisi de me conduire.
« Pour ce qui est de la date de mon arrestation, ce fut le jour où je suis
retourné chez cet ami, le 12 décembre 2003, avant la prière du Maghreb
(coucher du soleil). L'image du palmier et des dattes, révélée par les Amé-
ricains - et rejetée par de nombreuses personnes, car on était en hiver -
est, quant à elle, authentique. Cela n'est pas étonnant, l'Irak regorgeant
de différentes variétés de dattes dont certaines mûrissent sur le tard. Par
ailleurs, il arrive à certains de se passer d'une partie de leur récolte et de
laisser les dattes sur le palmier, en guise d'ornement. »
I . L e président Saddam Hussein relate, dans l'une de ses notes, que ses soupçons
concernant Kaïes An'nameq avaient commencé avant son arrestation : il lui avait demandé
de mettre des pierres, c o m m e obstacles et entraves, sur la voie menant à la ferme. Il
avait vainement réitéré sa demande. Il avait également remarqué q u ' A n ' n a m e q avait
placé, les derniers jours, un projecteur sur le toit de la maison, c o m m e il a découvert, tou-
jours avant son arrestation, la disparition de fonds en liquide enfouis dans la ferme
d'An'nameq, soit 1 280 000 dollars destinés aux groupes de la résistance.
57
(Nous disposons d'un enregistrement authentifié de la voix de Sad-
dam Hussein, où il cite, lors de l'une des audiences de son procès, les
noms des individus qui l'ont dénoncé. De notre côté, nous nous deman-
dons s'il n'existe pas d'autres personnes, que le président ne connaît pas
et qui ont été en relation avec ce délateur, en coordination avec les Amé-
ricains).
« Dès qu'on m'a arrêté, j'ai entendu quelqu'un dire : "Le président
Bush vous passe le bonjour." Puis, un interprète américain, à l'accent ira-
kien, a traduit, avant de se mettre à me battre sauvagement, en me
lançant injures et obscénités. De leur côté, quelques soldats américains
m'ont également frappé avec les crosses de leurs fusils. Ensuite, j'ai été
conduit, à bord d'un hélicoptère, à Bagdad, où l'on a continué à me tor-
turer de façon inhumaine. Mes cheveux et ma barbe avaient beaucoup
poussé. Quand le médecin fut amené, il commença à m'ausculter. Alors
que je lui désignais ma mâchoire que je croyais fracturée à force de coups,
il cherchait, dans mon cuir chevelu, des blessures provoquées par la tor-
ture. J'étais à bout, la situation était insupportable.
« On m'a coupé les cheveux et l'on m'a rasé, puis, on a amené trois
personnes parmi lesquelles j'ai reconnu Adnan Al Bajahji, un homme
politique et ex-ministre irakien des Affaires étrangères. Il m'a lancé :
"Qu'avez-vous fait de l'Irak, Saddam ?". Je lui ai rétorqué, à mon tour
"Que faites-vous avec ces gens-là, vous, l'homme politique qui a son his-
toire ?"
« On m'a ensuite présenté l'autre personne qui, si je me souviens, n'a
prononcé aucun mot. Ils ont dit qu'il s'agissait d'Ahmed Al Jalabi. La
troisième personne était Mouaffaq Arrabiï dont j'étais séparé par une
barrière en fils barbelés. Il effectuait des va-et-vient tout en proférant des
obscénités et en clamant : "Maudit, sois-tu Saddam !", puis, il m'a
demandé : "Peux-tu, maintenant, sortir dans la rue ?", je me suis levé
pour lui donner une leçon, mais j'ai été retenu par les Américains. Je lui
ai alors dit : "Il s'agit de mon peuple, je peux sortir à n'importe quel
moment et l'affronter. Je te défie, toi, de sortir dans la rue." Par la suite,
et comme vous l'avez noté, j'ai rencontré le juge Al Jouhi. À part ceux-
là, les gardes et les officiers américains, je n'ai vu personne.
58
LA CONVENTION DE GENÈVE BAFOUÉE
« J'ai reçu, par ailleurs, à trois reprises, la visite des gens de la Croix
Rouge. J'en étais offusqué parce qu'ils n'accomplissaient pas leur tâche
et leur devoir tels que définis par la Convention de Genève. Leurs visites
étaient sans intérêt et, s'ils continuent ainsi, je ne veux plus les revoir. Ils
m'ont cependant remis deux lettres, dont l'une datée d'août 2004.
À l'image de la précédente, on en a raturé 70 % !
Quant à votre question concernant une éventuelle rencontre avec l'un
de mes compagnons, je vous réponds que je n'ai vu personne et que
j'ignore tout de leur état et du lieu de leur détention. Il y a quelque temps,
un officier américain m'a appris, et réitéré, que mon cousin, Ali Hassen
Al Majid, aurait déclaré que j'avais manqué de courage. Je l'ai complète-
ment ignoré, considérant que par ces propos, il cherchait à provoquer la
discorde, ce dont il fallait se méfier, et que cela était une façon de faire
déraper l'instruction.
« Au cours des interrogatoires, les Américains me demandaient
constamment où se trouvaient les armes de destruction massive. Je leur
répondais : " Posez-vous la question à vous-mêmes, vous qui savez per-
tinemment que si j'avais eu des armes de destruction massive, vous
n'auriez jamais osé envahir l'Irak et l'occuper. " Puis, on m'a interrogé à
propos du lieu où je cachais mon immense fortune, m'accusant de
disposer d'un actif de plus de 36 milliards de dollars. Je leur ai rétorqué :
Cherchez dans toutes les banques du monde, creusez la terre sous vos
pieds, vous ne trouverez rien, parce que vous savez très bien que Saddam
Hussein n'a pas de comptes réels ou fictifs. Vous connaissez également
la situation de ma famille. Que Dieu récompense ceux qui l'ont accueil-
lie et prise en charge.
De nombreuses questions insignifiantes indiquaient qu'ils s'enli-
saient dans l'instruction et qu'ils se trouvaient dans un réel pétrin. Aussi
cherchaient-ils n'importe quoi pour sauver la face.
Après que le président eut relaté l'histoire de son arrestation, puis décrit
sa descente au refuge ou à la cave, comme il l'appelait parfois, il me sembla
qu'il manquait un maillon à la chaîne des événements dont il n'avait pas
eu, lui-même, connaissance. C'était ce qui se passa en dehors de la maison.
Car entre le moment où il fut informé de l'arrivée des Américains et celui où
il regagna l'abri, au moins une dizaine de minutes devaient s'écouler. Quant
à sa sortie du refuge, elle ne pouvait se faire sans l'aide de quelqu'un.
59
« La fosse » montrée par les Américains où le président se serait caché
- si on n'en a pas montré une autre -, n'était qu'une petite entrée
menant à l'abri. Aussi n'était-ce que dans l'intention de le discréditer
qu'on le plaça à l'entrée, et non pas à l'intérieur du refuge.
Aussitôt après, on s'est déchaîné sur lui, le frappant avec sauvagerie
et le couvrant d'insultes, ce qui lui fit perdre son équilibre, lui qui appro-
chait de ses 70 ans, et provoqua son évanouissement. On le transporta,
ensuite, à la base militaire américaine de Tikrit puis aussitôt à Bagdad en
hélicoptère.
Le dernier acte de la pièce s'acheva, ainsi que le monde entier le vit :
un médecin auscultant la dentition et le fond de la bouche du président
Saddam, pendant que celui-ci lui faisait signe de vérifier l'état de sa
mâchoire, à la suite des coups reçus sur le visage ; puis ce même médecin
tritura le cuir chevelu du président à la recherche d'ecchymoses.
Quand je demandai au président s'il avait été drogué avant ou après,
il répondit par la négative, disant : « J'avais subi des tortures à en perdre
la raison... »
La simple allusion au sujet de la délation lui faisait très mal.
60
jour de sa capture. On tire des coups de feu en signe de joie dans toutes
les villes et villages d'Irak : le président n'a pas été capturé ! Je prends part
à cette effusion de joie, mais dans mon for intérieur, je ne suis pas
convaincu par cette histoire de sosie. Car bientôt, sa fille Raghad met fin
à la confusion en annonçant, à la une de tous les journaux télévisés, que
les envahisseurs ont capturé le lion pendant qu'il dormait.
Plusieurs questions viennent à l'esprit. Pourquoi les Américains ont-
ils montré le président sous cet aspect humiliant ? Va-t-il comparaître
devant un tribunal ? Quel juge osera faire le procès de cette icône patriote
et nationaliste ?... Les événements se précipitent.
62
mencer. Je dus continuellement me rendre au Conseil de l'ordre des avo-
cats de Bagdad dans la quasi-clandestinité. Personne, -au sein de ma
famille, n'était au courant de ma mission, à l'exception d'un de mes
frères, le plus proche.
PRESSIONS « M U S C L É E S »
POUR QUE JE RENONCE
63
pure souche en général et du clan Al Doulaïmi en particulier m'incitè-
rent à continuer. Dès lors, je me considérai comme un martyr en
puissance, prêt à donner ma vie pour l'Irak et pour le président Saddam
Hussein. Mais la question que je me posais tout au long de ce parcours du
combattant était la suivante : pourquoi avais-je été choisi parmi des mil-
liers d'avocats irakiens, pour assumer cette mission difficile s'il en fut ?
L'AVOCAT PRINCIPAL
PRESSIONS ET DÉSINFORMATION
Il convient de signaler que les États-Unis et les parties liées à son pro-
jet colonialiste tentèrent par tous les moyens de s'infiltrer dans le Comité
de défense de Saddam Hussein. Pour savoir ce qui se tramait dans ses
coulisses ils passèrent par un officier de la CIA d'origine irakienne qui
tenta de s'y infiltrer par tous les moyens, notamment par voie électro-
nique. L'agence incita d'autres personnes à fabriquer de toutes pièces des
problèmes au sein du comité pour en éliminer ses membres notoires. Elle
encouragea des tentatives, parfois avec succès, visant à marginaliser des
avocats compétents auxquels le président Saddam Hussein faisait
confiance.
Étrange et ridicule à la fois, ce cas de l'un des conseillers juridiques
de la CIA, changeant de fonction : de coordonnateur auprès du secré-
taire général des Nations unies, il devint conseiller juridique du tribunal
américano-iranien. Sur requête du président Saddam Hussein, le Comité
de défense demanda publiquement sa mise à l'écart. En vain. Ce conseil-
ler resta à son poste auprès du tribunal dit « irakien », travaillant
d'arrache-pied à la mise en oeuvre de la condamnation à mort du prési-
66
dent. En dépit de nos mises en garde et de notre opposition, il s'est ingéré
dans les affaires du comité. Le jour où - sous l'impulsion des Américains,
des Israéliens et des Iraniens - la condamnation à mort du président Sad-
dam Hussein fut prononcée, il connut le summum de l'extase.
67
68
C H A P I T R E III
MA PREMIÈRE RENCONTRE
AVEC SADDAM HUSSEIN
70
contre avec le président, l'autre à celle où on l'enfermait.
Dans le salon principal, il y avait un ordinateur, avec quatre officiers
autour. Je me rendrai compte plus tard que mes soupçons étaient justi-
fiés : il s'agissait d'un appareil de surveillance pour observer ma
rencontre avec le président.
On fouilla mon cartable. Il contenait du papier, un bloc-notes,
quelques livres que j'avais apporté au président et un exemplaire du
Coran.
72
beaucoup changé et dont le visage était marqué par la fatigue, ou le sosie
dont on parlait ? Ma suspicion augmenta quand il se mit à rire et à plai-
santer avec le soldat américain. Je me demandais qui riait de qui : le sosie
qui se moquait des Américains puisque le président était encore en
liberté - et dans ce cas la capture de ce sosie n'avait pour objet que de
saper le moral du peuple irakien et sa résistance héroïque - ou était-ce
le sosie qui se moquait de moi ? Mais mon cœur me disait que c'était
bien Saddam Hussein qui feuilletait ce carnet. Soudain, il leva la tête et
me dit : « Mon fils, écoute ce poème :
Si tu n'es pas chef, ne sois pas un subalterne. Les subalternes viennent
en queue.
Il a poursuivi la lecture du poème dont je n'ai retenu que ce vers, puis
il m'a dit : « J'ai écrit ce poème alors que je suis incarcéré. La prison ne
peut m'affecter. Elle ne peut ébranler la volonté de l'Arabe militant,
croyant et défenseur des droits de sa nation. Celui qui lit l'Histoire
apprendra que l'Homme arabe libre ne peut s'abaisser, s'humilier ni se
laisser abattre. Il reste la tête haute, même dans les moments d'injustice
et de répression, d'omnipotence et de tyrannie de l'occupant ».
Puis il m'a regardé - le président ou son sosie - comme s'il voulait
savoir ce qui se passait en dehors de la prison. Je me permis de me pré-
senter à lui. Je lui donnai mon nom, les noms de mon clan, celui de ma
province, avant d'ajouter : « Monsieur le président, avant d'être avocat, je
suis citoyen irakien. Je vous transmets les salutations des Irakiens et du
peuple arabe. Vous êtes le maître, je suis le disciple. Et je suis prêt à sui-
vre vos directives. »
Il laissa alors apparaître des signes de quiétude et de sérénité. Il prit
ma main et me dit : « On a consulté Madhlouma et elle s'est opposée fer-
mement ! »'. Il a répété cette phrase plusieurs fois, tandis que le soldat
américain nous regardait avec étonnement.
(1) C'est un dicton du folklore irakien. Il se réfère à une f e m m e âgée appelée « Madh-
louma », qui faisait partie de m o n clan au t e m p s de l'occupation ottomane de l'Irak.
Lorsque les gendarmes pourchassèrent les aïeux de Saddam, certains clans les aban-
donnèrent de peur d'une répression. Ils partirent alors se réfugier auprès du clan Al-Bouali
Al-Jassem (le mien), fort connu pour son sens de l'honneur, qui osa les protéger. Les aïeux
de Saddam se retrouvèrent devant une vieille tente entourée d'une haie en palmes. Son
maître, l'un de mes oncles, était décédé. Dans cette tente vivait Madhlouma. C'était une
f e m m e « hommasse », connue pour sa force de caractère et ses actions téméraires. Ses
enfants lui dirent que les Beyjats - dont fait partie le clan du président Saddam - s'étaient
réfugiés chez eux, que les gendarmes voulaient les capturer. Alors Madhlouma a dit : « Si
vous les livrez aux gendarmes, je couperai mes seins. Essayez plutôt de les convaincre de
rebrousser chemin ». Les enfants ont dit aux gendarmes : « On a consulté Madhlouma
et elle s'est opposée fermement. » Madhlouma brûla la haie qui entourait la tente et tira
des coups de feu avec son vieux fusil. Les gendarmes renoncèrent. Tous les hommes du
clan fredonnèrent avec ses enfants : « On a consulté Madhlouma et elle s'est opposée
fermement. »
73
Après avoir raconté l'histoire de ce dicton, le président me regarda
droit dans les yeux et me dit: « Mon fils Khalil, l'histoire est un éternel
recommencement. Que Dieu te bénisse ! Que Dieu bénisse ta mère qui
t'a mis au monde, ton clan et tous les habitants héroïques d'Al-Ambar ! ».
Je lui décrivis le processus de création du Comité de défense irakien, celui
du Comité international grâce à des avocats arabes et jordaniens, mais
aussi comment on avait fusionné les deux comités en un seul dont le
siège était à Amman. Je lui précisai que le comité irakien comprenait au
départ 250 avocats et que le comité international comptait de nombreux
membres, parmi lesquels quelques-uns des meilleurs juristes arabes et
étrangers.
Je l'informai de la nomination de Maître Ziad Al-Khassaouna en tant
que président du Comité de défense issu de la fusion et de celle du vice-
président, Maître Khalil Al-Doulaïmi, moi-même. Je lui fis aussi savoir
que tous les avocats membres du « Comité de défense du président Sad-
dam Hussein » étaient des volontaires prêts à défendre le président et les
membres de la direction.
Saddam prenait des notes. Enfin, levant la tête, il me remercia et me
dit : « Transmets mes salutations à tous les membres du comité et surtout
à Maître Ziad Al-Khassaouna, à sa famille et à son clan de noble origine et
prestigieux, ainsi qu'à Maître Héni Al-Khassaouna. » Il demanda ensuite
qu'on rebaptisât le comité en « Comité de soutien pour la défense du pré-
sident Saddam Hussein et de tous les prisonniers irakiens et arabes. »
Il s'enquit des conditions de vie du peuple irakien. Je lui fis un long
descriptif de la situation sur le terrain, qui lui permit de livrer cette ana-
lyse : « Je prévois ça et bien pire encore. L'Amérique est venue en Irak
avec un but précis. Elle est venue pour détruire l'État irakien, semer le
chaos et induire la discorde entre les enfants de la patrie. Elle est venue
pour tuer, dévaster, ravager et voler nos richesses. » Puis il ajouta : « Mes
camarades de la direction et moi savions que l'agression était irréversi-
ble, que les allégations de Bush Junior et ses acolytes servaient à
légitimer leur agression. Indépendamment de cela, leurs intentions
étaient claires. » J'affirmai au président que ces allégations étaient toutes
mensongères, et que cela appuyait sa position légale. Il me répon-
dit : « Lorsque nous avons dit que nous n'avions pas d'armes de
destruction massive, nous étions sincères. C'est pourquoi nous voulions
prouver à l'opinion que nous étions prêts à coopérer sans limites, en
particulier lorsque certains chefs d'États arabes me l'ont demandé. Mal-
heureusement, l'Amérique a fait fi de la communauté internationale et
a déclenché l'agression sans recours à la légitimité ni au droit, et en
74
dehors du cadre du Conseil de sécurité. Pourtant, aucune voix ne s'est
levée pour demander de juger l'Amérique pour avoir menti à tout le
monde. Et il s'est avéré, comme nous l'avions toujours répété, que la
question était liée au pétrole et à Israël. C'est pourquoi je vous demande
de réunir toutes les déclarations faites à ce propos par la France, l'Alle-
magne et par d'autres pays. » J'ai fait part au président de la déclaration
du secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, où il affirmait que
tout ce qui s'était passé était un outrage à l'Onu, et que l'occupation de
l'Irak était illégitime et injustifiée. Le président demanda de retenir ce
document aussi et il dit :
« Je pense que le secrétaire général des Nations unies est exaspéré par
les positions américaines. Il connaît le fond des choses et sait que l'Amé-
rique le veut comme simple subalterne et non comme décideur. »
J'informai le président du fait que le peuple espagnol avait fait tom-
ber le Premier ministre Aznar au cours des élections, de l'accession au
pouvoir des socialistes et de leur décision de retirer le contingent mili-
taire espagnol d'Irak.
Le président montra des signes de satisfaction et s'exclama : « C'est
magnifique ! Si Dieu le veut, tous les valets de Bush seront obligés de reti-
rer leurs soldats de la Mésopotamie. Bush se retrouvera seul. Alors, le
peuple américain le contraindra à retirer ses forces qui ne persisteront
pas longtemps dans l'opiniâtreté. »
76
n'avaient qu'à se servir sur le territoire iranien de ses appareils, ses armes
et ses munitions. Nous avons conclu l'accord d'Alger et nous avons fait
des concessions pénibles en vue de préserver l'unité du peuple irakien.
Parmi les clauses les plus évidentes de cet accord, la non-ingérence dans
les affaires internes de chacun des deux pays.
« Quand Khomeïni s'est réfugié en Irak, il a vécu parmi les Irakiens,
entouré de respect. Nous avons fermé les yeux sur beaucoup de ses ten-
tatives d'ingérence dans nos affaires internes. Mais lorsqu'il s'est mis à
utiliser notre territoire pour promouvoir sa révolution et réaliser ses
objectifs, nous lui avons demandé soit de respecter la souveraineté du
pays soit de quitter l'Irak. Cela lui a fortement déplu, il s'est mis à adres-
ser des déclarations contre l'Irak, il en est même arrivé à considérer ce
pays comme partie intégrante du territoire iranien. Et ce bien avant que
les occidentaux le portent au-pouvoir. Il s'est mis à menacer les États du
Golfe, qu'il considérait comme des provinces iraniennes.
« Comme tout le monde le sait, nous avons essayé d'éviter l'affronte-
ment par tous les moyens. Mais dès son arrivée à Téhéran, ses forces ont
été placées sur la frontière irakienne. Il s'est mis à parler publiquement de
l'exportation de sa révolution et de l'Irak comme première étape de ce
processus. En 1980, l'artillerie lourde et les chars ont commencé les pro-
vocations, à bombarder nos villes et nos villages frontaliers. Nous avons
demandé aux Iraniens, à travers des dizaines de notes diplomatiques,
d'arrêter leurs provocations. Mais ils ont échoué : ils ont été combattus
par les chiites irakiens d'abord, par les sunnites ensuite. Plusieurs diri-
geants musulmans et africains, comme Ahmed Sékou Touré en Guinée,
tentèrent de mettre un terme à la guerre, en vain. En conséquence, nous
l'avons combattu et ses plans ont échoué grâce à nos victoires successives.
Fao, notre ville frontière du Chott Al-Arab fut la première perdue, et la
première libérée par la force. Nous avons proclamé notre victoire sur
Khomeïni. Il a dû boire le calice jusqu'à la lie en signant l'ordre de cessez-
le-feu à Al-Qadissiya le 8 août 1988.
1
77
« À la mort de Khomeïni, l'un de mes gardes est venu m'annoncer la
nouvelle sur un ton triomphant. Je l'ai blâmé et lui ai dit : nous sommes
à Dieu et à lui nous revenons. Dieu lui accorde sa miséricorde. Nous
n'avons de haine contre personne.
« Juste après l'occupation et avant mon arrestation, j'ai vu comment
les Américains avaient permis aux Iraniens d'entrer dans nos territoires
avec leurs équipements et leurs armes pour leur prêter main-forte contre
notre peuple et jouer un rôle subversif. Lorsqu'ils ont fait tomber ma sta-
tue sur la place Al-Firdaous, je n'étais pas loin de là. Mais ce genre de
mises en scène ne m'intéresse pas autant que la situation de l'Irak. »
Le président poursuivit son entretien :
« Les Iraniens ont tué beaucoup de savants et ont participé aux opé-
rations de rafle de l'occupant. Ce au vu et au su de ceux qui se sont
érigés en muftis, ces hommes de religion qui s'intéressent plus à l'Iran et
à son rôle subversif en Irak, dans les pays du Golfe et dans toute la
région, qu'à l'intérêt du Golfe, de l'Irak et de son peuple ou à leur appar-
tenance à cette nation. »
À propos de la guerre contre l'Iran, le président a dit :
« Ceux qui pensaient que notre guerre défensive contre les Persans,
que notre méfiance envers leur cupidité et leurs intentions de nuire à
l'Irak et à toute la région pendant les années 1980 étaient injustifiées,
ceux-là n'ont qu'à réviser ce dossier avec ce nouvel éclairage. Ils com-
prendront que les Persans n'ont jamais renoncé à leurs objectifs
expansionnistes. L'Iran fait jeu commun dans cette guerre indigne menée
contre l'Irak, les Arabes, et les musulmans. L'Iran a facilité l'entrée des
États-Unis en Irak, les États-Unis ont facilité l'ingérence de l'Iran dans
les affaires irakiennes ».
Et d'ajouter :
« Nous avions devancé l'Iran en lui prouvant nos bonnes intentions :
à la fin de la guerre, nous sommes revenus aux conditions de l'accord
d'Alger et ce malgré son attitude tyrannique. En outre, nous lui avons
confié nos avions de guerre pour pouvoir les utiliser lors de la seconde
phase de notre bataille avec les États-Unis.
« Nous l'avons fait en toute bonne foi, après que l'Iran nous a promis
de nous prouver à son tour ses bonnes intentions, et nous a affirmé qu'il
était dans notre camp, c'est-à-dire contre les velléités expansionnistes de
Bush dans la région. Et ils ont accueilli favorablement l'idée d'unifica-
tion du front antiaméricain. Mais comme d'habitude, ils nous ont trahis
et n'ont pas respecté leur pacte. C'est la règle chez les Persans. C'est pour-
quoi je mets en garde tout le monde contre leur perfidie. Aujourd'hui
78
plus que jamais, je crains pour la Syrie. Je crains qu'elle ne soit victime de
la traîtrise de l'Iran qui veut l'entraîner dans une guerre contre Israël
pour mieux l'abandonner. La Syrie est en danger, comme c'est le cas pour
l'Irak et la nation arabe. Cette guerre est une croisade xénophobe qui a
pour cible le monde arabe et l'islam sunnite. La haine secrète de nos
ennemis, exprimée à travers leur agression de l'Irak, de son peuple et de
sa civilisation, traduit, au-delà des opérations de destruction, une envie
de revanche. Ils ont conspiré contre notre régime national légitime. S'ils
étaient sincères, pourquoi resteraient-ils en Irak jusqu'à maintenant?
S'ils s'étaient retirés après avoir installé leurs valets contre le gré des Ira-
kiens, l'image aurait été différente. Mais leurs objectifs dépassent leur
conspiration contre Saddam Hussein et contre le régime. »
C'est alors que je lui demandai des précisions sur les théories qui vou-
draient que certains États occidentaux aient vendu des armes à l'Irak
pendant la guerre irano-irakienne.
Il me répondit en ces termes:
« Par le passé, la majorité des pays du Tiers-Monde, dont l'Irak, ne
comptait pour l'armement de ses troupes que sur une source : l'Union
soviétique et certains États du bloc communiste. Mais après les défaites
successives des Arabes dans leur conflit avec Israël, et face aux différentes
formes d'exactions dont ils étaient victimes, nous avons décidé de diver-
sifier les sources d'armement de nos troupes. C'est un droit légitime pour
nous comme pour n'importe qui, d'autant plus légitime que l'Irak par-
tage une frontière sensible et grande avec un voisin hostile et revanchard,
ayant des visées expansionnistes et cherchant à semer la discorde dans le
pays.
« Avant la guerre irano-irakienne, nous avons en effet établi des
contrats avec la France, notamment pour acheter des avions de guerre et
consolider nos forces aériennes. Cependant, l'exécution de ces contrats a
été reportée de quelques années à cause de la guerre et de l'embargo
imposé à l'époque par les États-Unis.
« Depuis 1980, l'Irak a diversifié ses sources d'armement à travers des
contrats légaux établis de manière directe avec beaucoup d'États. Nous
avons aussi acheté des armes par le biais de quelques intermédiaires et
selon les besoins de nos troupes. Où est le mal pour l'Irak à acheter ses
armes au Brésil, à la France, à l'Australie, à la Chine, à l'Union soviétique
ou aux États d'Europe de l'Est, de la même façon que d'autres pays s'ap-
provisionnent auprès des États-Unis ? Pendant la guerre, notre industrie
79
militaire a pu couvrir une grande partie de nos besoins nationaux, ce qui
a irrité l'Amérique. C'est pourquoi elle a focalisé les opérations de des-
truction sur ce secteur vital, dévoilant ses mauvaises intentions.
« Malgré cela, nous avons maintenu des relations commerciales avec
certains États du bloc communiste pour l'achat d'armes et d'équipements
militaires. Nos frères arabes nous ont soutenus dans notre guerre défen-
sive contre les Iraniens. Je ne vois rien à redire là-dessus. Ce qui est
honteux, c'est l'attitude de ceux qui, prétendant que l'Amérique est le
grand Satan, lui achètent à elle - mais aussi à Israël et à la Corée - les armes
et les équipements nécessaires à leurs troupes ! Je vise, bien sûr, l'Iran.
« Pourquoi les États-Unis n'étudient-ils pas objectivement cette ques-
tion ? Pourquoi ne demandent-ils pas des comptes à ces multinationales
qui fournissent des armes à l'Iran dans sa guerre contre les Arabes, alors
qu'ils savent parfaitement qui a frappé Halabja au moyen d'armes chi-
miques fabriquées uniquement en Allemagne? Nous n'avions pas
d'armes chimiques, l'Iran les avait achetées en Allemagne. Les services
de renseignements américains sont au courant de cette affaire et ont des
preuves... Alors pourquoi les États-Unis ne demandent-ils pas des
comptes à l'Iran, au lieu de nous accuser?
« Deux poids deux mesures... Au cours de la bataille de Fao en 1986,
les États-Unis ont incité l'Iran à attaquer ce pan essentiel de notre terri-
toire et l'ont aidé à l'occuper. Ils ont voulu que l'Iran se dresse en
conquérant face aux États du Golfe et leur dise : me voici à quelques
mètres, prêt à vous engloutir ! Elle a voulu leur envoyer ce message :
"l'Irak est incapable d'endiguer la menace iranienne."
Les États-Unis cherchent ainsi à s'approprier les richesses de la région.
C'est pourquoi ils ont divulgué des informations précises sur les posi-
tions de nos pièces d'artillerie à l'Iran, nous transmettant, dans le même
temps, des informations indirectes.
« Quant à nous, nous avons eu des renseignements de la part de nos
frères arabes. Mais ces renseignements provenaient peut-être de sources
américaines. Beaucoup étaient faux, et allaient dans l'intérêt de l'Iran.
Aussi, une bonne partie d'entre eux a entraîné l'occupation de Fao.
« Le monde doit savoir que l'Iran est aujourd'hui en train de tirer les
ficelles de Jalal Talabani au Nord et des Américains et des Britanniques au
Sud. Il doit savoir que l'Irak s'est toujours dressé contre la cupidité de
l'Iran.
80
L'HISTOIRE DU SOSIE : EXISTE-T-IL PLUS D'UN
SADDAM HUSSEIN ?
Pendant les années 1980 et 1990, les nokaat (singulier : nokta) - petites
histoires drôles ridiculisant les dirigeants politiques - se sont répandues
en Irak, surtout celles mettant en scène les dirigeants irakiens. Ces facé-
ties étaient connues de tous et du président Saddam Hussein en
particulier. Ce phénomène existe dans la plupart des sociétés arabes et
partout dans le monde. Ces anecdotes inventées à partir de bases réelles
et populaires servent de soupape, de défouloir, ces critiques satiriques
contre les hommes politiques soulignent les problèmes économiques et
sociaux et sont surtout dirigées contre l'État.
Au cours des deux décennies évoquées, une rumeur prétendait l'exis-
tence de plusieurs sosies « officiels » du président, servant sa sécurité. De
nombreuses blagues se sont propagées à ce sujet.
Après la conquête de l'Irak, l'une d'elles s'échangeant par portable,
affirmant que la statue érigée place Al-Firdaous était celle d'un sosie de
Saddam Hussein. L'histoire s'est répandue sans que l'on sache vraiment
qui la faisait circuler. Les services de renseignements irakiens pour pro-
téger le président ? Ou les Américains pour une raison inavouable ? Des
noms de sosie comme Michel Ramadan ou encore Jassem Al Ali étaient
sur toutes les lèvres.
Il arrivait même que certains m'appellent pour me demander:
« Comment va Jassem Al Ali, Monsieur Khalil? » Ils juraient que la per-
sonne mise aux arrêts était bien Jassem Al Ali et non Saddam. D'autres
soutenaient leur affirmation par l'apparition du président, pendant la
période de sa clandestinité, dans des lieux différents, à des heures rap-
prochées. Ces réactions s'expliquent par l'amour voué au président et
l'espoir de démentir la nouvelle de son arrestation.
J'en ai discuté avec le président. Il m'a répondu :
« Je me déplaçais dans différents endroits pour des raisons de sécu-
rité, pour m'assurer de l'état de mon peuple et pour superviser les
groupes de résistance. D'autre part, pour échapper à l'ennemi, je ne
demeurais pas plus de trois heures au même endroit, hormis là où j'ai
été arrêté. À titre d'exemple, j'apparaissais à Al Fallouja à dix heures, et je
me rendais à Ar Ramadi une heure après. Deux heures plus tard, je me
retrouvais à Saladin. Les gens n'ont pas une idée précise du temps. Et ils
ont fini par croire à cette histoire de sosie. »
Il reprend ensuite ironiquement : « Quand j'ai traversé le Tigre, je me
suis dit que les gens penseraient que j'étais le sosie de Saddam Hussein,
81
surtout que des rumeurs ont couru, prétendant que j'étais malade et
atteint d'un cancer. »
Puis, le président s'est tourné vers moi et m'a demandé en riant : « Et
vous Khalil, qu'en dites-vous? Suis-je Saddam Hussein ou son sosie? »
Je fus surpris par cette question. Les doutes m'envahirent de nouveau,
surtout après avoir posé la question aux collaborateurs du président. Ils
ont nié catégoriquement, excepté un de ses gardes qui m'a confié : « oui,
il y a un sosie, un seul ». Et comme dit le proverbe : « Raconte à l'homme
de raison l'invraisemblable, s'il y croit, c'est qu'il a perdu la raison. »
LE DOUTE, ENCORE...
82
C H A P I T R E IV
ÉVÉNEMENTS ANTÉRIEURS À
L'AGRESSION DE 1 9 9 1
86
ET SUR LE KOWEÏT ?
Après la féroce guerre de huit ans, couronnée par une victoire sur
l'Iran le 8 août 1988, l'Irak a reconstitué une armée nombreuse, dotée de
grands stratèges, bien équipée. Au cours de cette période, l'Irak a connu
de grandes réalisations dans tous les domaines. Cela n'a pas plu aux
Américains et aux sionistes du monde entier. L'Irak commençait effecti-
vement à peser sur le conflit de Palestine.
Au cours d'un déplacement en Irak, le président Saddam Hussein
s'était adressé à la foule qui l'entourait : « Il ne vous reste plus qu'une
petite bataille. » Les sionistes ont saisi le message et ont commencé à réflé-
chir sérieusement à un plan visant la destruction de cette puissance que
personne ne pourrait arrêter le jour où elle marcherait à la conquête de
la Palestine. Israël se mit alors à sonder les intentions irakiennes en mena-
çant la Jordanie de la transformer en champ de bataille. La réponse de
l'Irak était prête : « Si Israël veut transformer la Jordanie en champ de
bataille, l'Irak fera de même ; si Israël nous attaque à l'arme nucléaire,
nous brûlerons la moitié de son territoire à l'arme chimique combinée. »
Cette déclaration de Saddam Hussein est survenue après l'exécution de
Farzad Bazoft, un espion britannique d'origine iranienne qui avait des
relations avec les bureaux d'espionnage britannique au profit du Mossad.
Grâce à son rôle de leader et à ses convictions nationalistes, l'Irak
transforma le conflit arabo-sioniste en conflit irako-sioniste, dans la
mesure où il voyait certains gouvernements arabes se dérober et renier
leur engagement envers des causes arabes et palestinienne.
L'ÉTAT hébreu commença alors à réfléchir aux moyens de se débar-
rasser de l'armée irakienne, d'anéantir l'Irak et de dévier le cours du
conflit. Il s'était rendu compte que l'Irak - du fait de sa direction et de
sa dimension nationaliste - était le principal promoteur et acteur du
conflit arabo-sioniste. Aussi, le lobby sioniste aux États-Unis entreprit-il
des études stratégiques, élaborant divers plans secrets en vue de porter
un coup fatal à l'Irak.
Vers la fin des années 1980 et dans le cadre d'un complot visant l'éco-
nomie et les frontières irakiennes, une société américaine passa avec le
Koweït un contrat de prospection de pétrole. Elle choisit un terrain fron-
talier à l'Irak et y creusa des puits en biais. De là, elle fut capable de
pomper les richesses pétrolières irakiennes.
Elle procéda à la commercialisation du pétrole et à sa vente à des prix
modiques à l'Iran. Elle inonda le marché mondial, pratiquant des prix
87
fortement réduits, afin d'anéantir l'économie irakienne. Ces perspectives
avaient été étudiées et planifiées méthodiquement.
La situation s'aggrava suite au démantèlement de l'Union soviétique
et à l'avènement d'un monde unipolaire, avec les États-Unis à sa tête. Le
jeu sioniste contre l'Irak avait commencé.
Je me devais de poser une question qui préoccupait bien des gens,
mais étais gêné à l'idée de le faire. Cependant, j'avais juré de lui dire -
sans complaisance - tout ce que j'avais en tête et qui intéressait les Ira-
kiens, les Arabes et l'opinion publique. J'avais juré de lui faire poser
toutes les questions qui brûlaient les lèvres des gens dans la rue. L'inva-
sion du Koweït avait-elle été une décision précipitée? Était-ce un piège
tendu à l'Irak?
une revue politique globale sur nos relations bilatérales, sur les tensions
avec le Koweït et envoyer une lettre au président Bush. »
88
ATTITUDE DE CERTAINS ÉTATS ARABES À
L'ÉGARD DE LA CRISE KOWEÏTIENNE
« L'aide que les États de la région - notamment les pays du Golfe - ont
apporté à l'Irak dans sa confrontation avec l'Iran n'avait rien de gratuit. Ils
craignaient la contagion de la révolution islamique que l'Iran avait voulu
exporter en Irak et dans toute la région. Un prélude au déluge.
« L'Irak s'est opposé à cette marée dévastatrice avec le langage de la
force en payant le prix du sang. Outre les raisons que j'ai évoquées plus
tôt à propos de l'invasion du Koweït, tu sais bien, mon fils Khalil, que la
question de l'honneur est pour nous une ligne rouge que personne ne
peut transgresser. Ce qui nous a irrité et nous a fait mal, ce qui nous a
incité à prendre la décision hâtive d'envahir le Koweït, ce furent des mots
blessants qui portent atteinte à l'honneur de la femme irakienne. Nous
avons en effet entendu des propos humiliants proférés par des respon-
sables koweïtiens à l'encontre des dames respectables irakiennes, des
propos contraires à nos valeurs authentiques. Le monde entier a entendu
leurs obscénités. Ils avaient dépassé les bornes . 1
89
« Au cours de cette rencontre, je priai le président Moubarak d'oeu-
vrer pour que les Américains n'interviennent pas dans nos affaires.
Malheureusement, à peine eut-il quitté l'Irak qu'il tranquillisa les Koweï-
tiens alarmés en leur disant que nous n'avions pas l'intention de les
attaquer, ce qui les incita à l'intransigeance. De même, il contacta le pré-
sident Bush et lui fournit tous les détails qu'il réclamait. Ceux qui
prétendent que j'avais promis au président Moubarak de ne pas recourir
à la force se trompent. En effet, le non recours à la force dépendait de la
réussite des négociations. Mais elles n'ont pas abouti.
« Quant au royaume d'Arabie Saoudite, il s'est montré sérieux dans sa
recherche d'une solution pacifique à la crise en invitant toutes les par-
ties à engager une discussion dans son pays. Le roi Fahd, ainsi que le
prince héritier Abdallah, ont tout tenté. Le royaume était profondément
attaché à la paix dans la région. Il.tenait à éloigner le spectre de la guerre
et à éviter les interventions étrangères. Cependant, la délégation koweï-
tienne avait reçu des ordres pour faire échouer les négociations. De leur
côté, les États-Unis avaient réussi à faire croire au royaume d'Arabie
Saoudite et à l'opinion internationale que suite à notre invasion forcée
du Koweït , l'Irak avait l'intention d'attaquer le royaume.
1
90
par conviction, soit pour se venger de ce qui s'était passé du temps de
Sadate. La position de l'Irak était claire et progressiste : nous avions
demandé d'exclure le régime de Sadate de la Ligue des États Arabes suite
à sa visite en Israël. Il se peut aussi que le président ait poussé dans ce
sens pour des intérêts matériels. Cela est d'autant plus plausible que des
milliards de dollars se sont déversés sur son régime. Pourtant, l'Irak n'a
pas failli à son devoir à l'égard de l'Égypte, et du président Moubarak
personnellement. Je ne veux pas entrer dans les détails, il sait tout de la
question. Moubarak a mis de l'huile sur le feu, en particulier à l'occasion
du sommet et de sa querelle avec le Libyen Kadhafi qui cherchait à résou-
dre la crise loin des interventions étrangères. Le président Moubarak
aurait pu faire beaucoup, fermer le canal de Suez et sortir ainsi de l'im-
passe.
« Ceux qui accusent le roi Hussein de Jordanie de nous avoir incités
à envahir le Koweït font erreur. Il a déployé tous ses efforts à résoudre la
crise. Il s'est toujours méfié de la puissance américaine et de sa capacité
de destruction. Ceux qui prétendent que l'Arabie Saoudite ne s'est pas
opposée à l'invasion irakienne du Koweït se trompent également : dans
cette affaire, la position du roi Fahd a été claire.
« Maître Khalil, deux semaines après l'invasion du Koweït, nous
étions donc prêts à nous retirer. Mais nous avions des revendications, et
notamment le règlement de tous les problèmes dans la région dans sa
globalité, et non sur la base de la sélection et du fractionnement. Mais
après le déploiement en Arabie Saoudite des forces américaines et alliées
- qui ont traversé bien des océans -, nous avons décidé d'adopter une
attitude plus prudente compte tenu de l'affrontement qui allait nous être
imposé. L'Amérique a rassemblé des troupes provenant de vingt-huit
États et les a entraînés vers le mal, la guerre. Elle a mobilisé tous ses
moyens matériels et militaires. Elle a eu recours à sa machine enragée, la
désinformation, pour orchestrer une campagne en faveur de la guerre.
Elle a pu convaincre le monde et transformer l'Irak en État agresseur, fai-
sant croire que sa mission se limitait à une opération chirurgicale dont le
but était de sortir les Irakiens du Koweït. Auparavant, elle avait prétendu
qu'elle était venue pour protéger l'Arabie Saoudite de l'invasion ira-
kienne. Malheureusement, une partie du peuple a tenu ce discours pour
vrai. Cependant il y a eu un vaste front d'opposition à la guerre.
« Je dis à ceux qui parlent de droit international, de droits de
l'homme, de relations internationales et de respect mutuel entre les pays
du monde, que l'Amérique et la Grande-Bretagne ont bafoué le droit des
peuples. Au moment où nous étions à la recherche d'une solution hono-
91
rable à la question du Koweït après l'avoir envahi, l'Amérique nous a
envoyé directement ou indirectement des lettres de provocation ; elle a
fait preuve d'une ingérence manifeste dans nos affaires et nous a
demandé de quitter le pouvoir et la direction du peuple. Elle a demandé
à Barazan, qui était à Genève, de me transmettre le message suivant :
"Dites à votre frère qu'il doit savoir que nous sommes des diables blancs,
qu'il doit se retirer du Koweït et quitter le pouvoir." Même Bush Junior
m'a envoyé une lettre où il m'a dit cyniquement: "Si tu n'abandonnes
pas le pouvoir et si tu ne quittes pas l'Irak, je te réduirai à néant ainsi que
ta famille."
« Pendant ce temps, les États-Unis ont profité du démantèlement de
l'Union soviétique. J'ai parlé avec le roi Hussein de cette question. Il a
exprimé ses craintes vis-à-vis de l'effondrement de l'URSS et l'avènement
d'un pôle unique dans le monde, même si la Jordanie avait de bonnes
relations avec les États-Unis. Certains frères arabes nous conseillaient
d'être souple avec les États-Unis. Nous leur avons répondu que l'Amé-
rique considérait la souplesse comme un marchandage. Or, nous ne
marchandons pas avec nos valeurs. L'Amérique est devenue une hyper-
puissance, seul et unique pôle au monde. Nous avons dit aux Américains
que nous pouvions résoudre la question si les intentions étaient bonnes.
Il suffisait de mettre un terme au problème du Proche-Orient, de résou-
dre la question palestinienne, question principale du monde arabe, de
faire de la région un espace de paix durable et d'accorder aux Palestiniens
tous leurs droits. Mais les Américains se sont juré d'anéantir l'Irak et ne
nous ont laissé d'autre choix que celui de nous soumettre à leurs condi-
tions et à leur agenda ou de les affronter dignement, avec l'aide de Dieu.
92
contenté de répondre que nous aurions dû avoir une approche différente.
« Lorsque nos forces se sont retirées du Koweït, le général Schwarz-
kopf a demandé à Bush de continuer à avancer sur Bagdad, mais celui-ci
a refusé en disant: "Qui va endosser la responsabilité du chaos qui se
produira en Irak si l'on renverse le régime de Bagdad ? D'autres assume-
ront cette mission."
Je l'ai interrogé sur les négociations qui s'étaient déroulées à Jeddah
entre une délégation irakienne conduite par notre vice-président Izzet
Ibrahim Ad-Douri et une délégation koweïtienne conduite par le Pre-
mier ministre et prince héritier du Koweït. Je lui ai dit que certains
milieux affirmaient que Izzet Ibrahim avait été très intransigeant lors de
ces négociations.
« Mon frère Abou Ahmed (le vice-président irakien) s'est montré
1
« Lors des visites de nos délégations en Iran afin de régler les pro-
blèmes restés en suspens, les responsables iraniens au plus haut niveau
nous ont encouragés à rester au Koweït et à ne pas nous retirer. Ils ont
affirmé leur refus de toute intervention étrangère. Néanmoins, ils ont dit
qu'ils n'avaient pas intérêt à s'engager dans une guerre contre l'Amérique
côte à côte avec l'Irak. Mais si l'Amérique les provoquait, ils prendraient
probablement parti pour nous. Ils dirent aussi que l'Irak devait résister
aux Américains et qu'ils étaient prêts à accueillir nos avions de guerre
pour les tenir à l'abri de toute frappe préventive lancée contre nous.
L'Iran était prêt à nous laisser utiliser ces avions lors de la seconde phase
de la résistance. Ils nous ont fait d'autres promesses pour nous montrer
leur bonne foi.
93
PAR LA RUSE, L'IRAN CONFISQUE LES AVIONS
IRAKIENS
« Voilà ce qui s'est passé. Mais il s'agit des Persans et nous ne pouvons
jamais leur faire confiance. Au cours de la première guerre du Golfe, en
1991, ils ne se sont pas contentés de s'opposer à nous; ils ont intercepté
les troupes irakiennes pendant leur retrait et les ont attaquées par le biais
des "gardiens de la révolution". Ils ont permis à leurs gangs et à leur
racaille d'entrer en Irak et d'incendier ses provinces au sud et au centre
du pays. Ces intrus ont participé d'une manière efficace aux opérations
de saccage. Et lorsque nous leur avons demandé, pendant l'agression, de
nous restituer nos avions pour résister aux Américains, ils ont refusé. Ils
les détiennent jusqu'à présent. C'est pourquoi nous avons appelé cette
phase "la phase de la traîtrise et la trahison" : la traîtrise de l'Iran et la
trahison de ceux qui ont été dupés ».
J'ai demandé au président d'expliquer le sens de l'expression « les per-
fides ont agi par traîtrise » dans son discours du 17 janvier 1991, date de
déclenchement de l'agression contre l'Irak. Il a répondu :
« Malgré la guerre de désinformation terrible déclenchée à cette
époque contre nous, l'Amérique nous envoyait des messages verbaux
directs ou indirects à travers les intermédiaires qui avaient essayé de
résoudre la crise entre l'Irak et les États-Unis avant l'invasion du Koweït,
où elle affirmait qu'elle ne s'ingérerait jamais dans les affaires arabes.
« Mais elle nous a trahis, comme elle l'a fait avec bien des peuples.
C'est pourquoi nous avons dit dans notre discours susmentionné "les
perfides ont agi par traîtrise".
Le président poursuit son raisonnement :
« Pendant notre guerre défensive contre l'Iran, ce pays était en pre-
mière ligne d'attaque à la place de l'impérialisme américain. Nous
n'avons pas été leurrés par les faux slogans religieux que Khomeïni avait
voulu faire avaler aux gens. L'Amérique a toujours cherché à affaiblir,
voire anéantir l'Irak. Pour faire durer la guerre, elle a fourni des rensei-
gnements aux deux parties. Elle a participé, avec certains services de
renseignements occidentaux, à amener Khomeïni au pouvoir. Elle lui a
apporté son soutien financier et lui a fourni des armes. Même l'entité
sioniste a pris le parti de l'Iran et a mis toutes ses armes et son expertise
à son service. »
Je me rappelle ce qu'a écrit Henry Kissinger dans ses mémoires
concernant la guerre irano-irakienne: « Nous avons souhaité voir cette
94
guerre perdurer le plus longtemps possible sans qu'à la fin il y ait un
vainqueur. »
LE SOULÈVEMENT PALESTINIEN
95
96
CHAPITRE V
L'APPEL AU PRÉSIDENT
AFIN DE RENONCER
AU POUVOIR ET L'INITIATIVE
DU CHEIKH ZAYED
Notre peuple nous a connu, grâce à Dieu, tels que nous sommes, les
mains propres et le cœur sincère.
Et en même temps, notre peuple a trouvé en nous force, ténacité, sens
de la justice et compassion.
Saddam Hussein en captivité
Avant de poser la question au président à propos de l'appel deman-
dant à Saddam de démissionner, lancé au président par le défunt cheikh
Zayed Al Nahyan, président de l'État des Émirats arabes unis - appel
connu sous le nom de « l'initiative du cheikh Zayed » -, j'ai discuté avec
lui de la renonciation au pouvoir. Il me dit alors :
« Oui mon fils Khalil, si Dieu le veut, à l'issue du mandat - en 2009 -
que nous avait confié le peuple pour le servir, j'avais déjà décidé de me
reposer et de laisser le pouvoir en Irak à nos frères du Commandement.
Je suis très fatigué, je veux me reposer et me consacrer à Dieu avec plus
de ferveur. Mais quitter le pouvoir que nous a confié le peuple sous la
contrainte extérieure est impossible, nous ne cédons pas aux pressions
et au chantage. »
100
C H A P I T R E VIII
LE DÉCLENCHEMENT
DE LA
SECONDE GUERRE DU GOLFE
102
« L'ennemi avait pu s'infiltrer avec ses chars et ses blindés dans
quelques zones de Bagdad par la voie principale. J'étais sous un pont avec
mes camarades, nous avons lancé une attaque contre les blindés de l'en-
nemi. J'ai pu, grâce à Dieu, incendier un ou deux tanks au moyen d'un
RPG. Un chef militaire s'opposa fermement à cette action : "Je vous prie
de ne plus vous engager de la sorte. Vous êtes le commandant, vous
orientez les opérations. Vous n'êtes pas un soldat pour être au feu de l'ac-
tion ! Si vous êtes blessé ou si vous mourez, qu'à Dieu ne plaise, cela aura
un impact sur le moral des soldats et des officiers, et même sur vos cama-
rades de la direction." Il est parti, et je suis resté avec mes frères
combattants et ma garde personnelle. Les combattants arabes - qu'ils
soient volontaires ou fedayins - ont joué un rôle héroïque, qui servira de
leçon aux générations futures.
« Lors de la bataille de l'aéroport, je suis monté sur un char. Ce fut un
moment délicat, puisque je dus conduire cet engin au milieu d'un convoi
de blindés qui se dirigeait vers l'aéroport. Les avions et les corbeaux de
l'ennemi voltigeaient dans le ciel de la bataille quand, soudain, une tem-
pête de sable s'est levée, l'empêchant de nous bombarder.
103
L'ENNEMI ENREGISTRE DES REVERS
« Je ne voulais pas parler de mon rôle dans ces batailles. Mais ce sont
là des vérités qu'il faut évoquer pour que les détracteurs sachent où était
Saddam pendant ces batailles. En temps de paix, j'étais avec le peuple ;
en temps de guerre, j'étais avec nos combattants.
« Les combattants arabes ainsi que les fedayins ont livré des combats
féroces contre les blindés ennemis, surtout lors de la bataille du "Tunnel
de la police". J'étais parmi eux, essayant d'empêcher les blindés et les
chars ennemis d'avancer en direction de Bagdad. J'en détruisis plusieurs.
J'ai demandé à nos valeureux combattants de couvrir les volontaires
arabes, puis me suis rendu au quartier Al-Mansour. J'ai pris part au com-
bat que livraient mes frères irakiens et arabes contre les chars ennemis.
J'ai pu, avec l'aide de Dieu, en endommager quelques-uns, ce qui a
poussé l'ennemi à fuir la bataille sur l'avenue 14 Ramadan. Je me dépla-
çais d'un bastion à l'autre. J'étais au milieu des combattants pour leur
remonter le moral.
105
SADDAM QUITTE BAGDAD
« Celui qui braque une arme une seule fois sur l'impérialisme ne peut
plus la laisser tomber. Et s'il le fait, l'impérialisme creusera sa tombe. »
Raul Castro
106
cette phase de résistance farouche où le peuple irakien s'est illustré par
sa force et sa rapidité. Son visage s'illuminait.
« Mon fils Khalil, la phase de résistance aux envahisseurs a débuté le
11 avril 2003, soit seulement deux jours après l'occupation. Ce jour-là,
j'ai rencontré les chefs d'État-major afin qu'ils me fassent leur rapport. Ils
ont répondu un par un. Leurs réponses étaient variées. Le dernier a dit :
" Excellence, il me reste deux bataillons... ". Je leur ai dit : "Vous pouvez
partir. Faites confiance à Dieu et commencez la deuxième phase de votre
bataille."
« Ce qui se passe aujourd'hui ne doit rien au hasard, et n'a rien d'un
acte spontané. Cette opération a été planifiée avant la survenue de
l'agression. Nous avions pris toutes les précautions nécessaires : stockage
d'armes, de munitions et de provisions nécessaires à une longue guerre
d'usure et à une guérilla que l'ennemi ne maîtrisait pas.
« Le 9 avril 2003, j'ai visité la Cité de la Révolution et me suis enquis
de la situation des habitants qui s'étaient amassés autour de moi. Cette
visite n'a pas été filmée parce que nous avions emprunté une route dif-
férente de celle de l'équipe de photographes, retardée à cause des
bombardements. Je me suis rendu après à Al-Aâdhamiya où la foule m'a
acclamé. Nous étions à proximité des chars américains. L'un d'eux ouvrit
le feu. Je fus blessé au flanc gauche. Mais sans gravité.
« Le 11 avril 2003, après avoir rencontré les chefs d'État-major, je
décidai de quitter Bagdad en compagnie de ma garde personnelle. Je n'en
ai gardé que quelques-uns et renvoyé les autres à leurs familles. Nous
avons emprunté le cours du Tigre dans deux barques, si mes souvenirs
sont bons, et sommes sortis de Bagdad. J'avais décidé de basculer dans
la clandestinité, avec, en tête, mon expérience de 1959, une année de lutte
intensive, où nous avions marché pieds nus et survécu à l'aide des fruits
de la chasse ou de nos récoltes dans les champs. J'étais donc rompu à ce
genre d'épreuves : à la fatigue, au manque de sommeil, à l'élaboration de
plans de survie et d'attaque.
LA RÉSISTANCE S'ORGANISE
« J'ai suivi d'un œil vigilant, avec mes camarades, l'action des troupes
de la résistance. Elles étaient capables de me renseigner sur leur situation,
même dans les provinces les plus reculées. Pour ma part, j'évitai de me
rendre dans les provinces du Sud car elles étaient gangrenées par l'ennemi
et ses services de renseignement, en particulier iranien. En revanche, j'ai
poursuivi mes visites à Bagdad, comme dans les provinces de Diali,
Ninwa, Mossoul, Attamim, Al Ouja, Saladin et Al Ambar. Ces visites n'ont
107
jamais dépassé trois heures. L'ennemi nous guettant à chaque pas, je ne
voulais pas être la cause de pertes humaines parmi mon peuple.
« J'étais en contact avec la résistance. Je la dirigeais de façon directe -
en rendant visite à certaines troupes et en prenant part à leur action pour
leur remonter le moral - mais aussi indirecte, à travers des discours ou
des communiqués écrits. Ils furent cependant plus rares, pour des rai-
sons de sécurité. Habillé en Bédouin ou en berger, je me déplaçais à bord
de différents types de véhicules, camions, taxis ou voitures privées, afin
de semer les ennemis.
LA CLANDESTINITÉ
DES IMPRÉVUS
110
conque, chaque partie belligérante prépare ses soldats, son économie et
ses entreprises. Chaque rival commence à comparer ses pouvoirs à celui
de ses ennemis afin de le dépasser en forces armées aérienne, navale et de
fusées. Il en va de même pour les infanteries et les armes blindées, cavale-
rie et autres. Ensuite, chaque partie s'apprête et se met sur ses gardes pour
ne pas laisser l'opportunité à l'ennemi de la surprendre.
« Quand l'Irak défendait ses frontières contre l'avidité de l'Iran, nos
forces aériennes ont évolué et ont pris l'avantage sur leurs homologues
iraniennes. Si nos pilotes héroïques épuisent leurs munitions, ils s'atta-
quent à l'avion de l'ennemi au moyen de leur propre avion, en
recherchant la collision. C'est là où résident toute la vaillance et le cou-
rage. Le meilleur exemple est celui du héros de la guerre, le pilote Abd
Allah Laiibi, originaire du sud de l'Irak. En revanche, les Iraniens ont pris
l'avantage au sol par leur nombre. C'est ainsi.
« Mais ce qui est arrivé lors de la dernière agression des Américains est
tout autre. Elle diffère de leur agression de 1991, des points de vue straté-
gique et tactique, des moyens utilisés et même pour ce qui est du résultat.
L'IRAK AFFAIBLI
DE MAUVAISES DÉCISIONS
U N ÉMISSAIRE ARABE
113
la capacité d'agir de jour.
8- Les multiples débarquements ici et là, derrière nos unités sur les
artères principales, la panique des habitants et le barrage des routes, en
plus du lancement extrêmement rapide par l'ennemi derrière nos lignes.
9- La guerre psychologique, le recours à la propagande et la diffusion
de la rumeur que l'ennemi a réussi à propager au sein même de nos
forces armées, par l'intermédiaire d'une « cinquième colonne ». Par ail-
leurs, des espions et des infiltrés ont fourni des renseignements à
l'aviation ennemie, ce qui lui a permis de détruire nos postes stratégiques
et militaires.
10- La rupture des moyens de communication entre les chefs d'ÉTAT-
major et les commandants des différentes unités et leurs subordonnés.
La non-transmission des ordres a entraîné la démobilisation de quelques
unités qui ont cessé le feu.
11- Lors de la guerre irako-iranienne, les chefs militaires et les déci-
deurs agissaient en fonction des circonstances et de l'évolution de la
situation, parce que l'école militaire irakienne qui a enfanté nos officiers,
chefs et soldats, les meilleurs et les plus braves, est l'une des plus répu-
tées du monde. Aussi n'avons-nous jamais été contraints de soumettre
nos troupes, nos bataillons et leurs chefs aux décisions politiques. À part
l'État-major, les commandants et les chefs avaient toute latitude pour
agir. Même lorsque nous envoyions sur le front, des décideurs politiques,
dont mes fils Oudaï et Koussaï, ils étaient soumis aux ordres des mili-
taires. »
Et là, j'ai interrogé le président sur la soumission des chefs et des com-
mandants militaires aux dirigeants politiques. Il a expliqué les causes et
les conditions de cette décision qu'il a qualifiées d'inévitables. Il a toute-
fois admis avec franchise et courage qu'une telle décision a contribué à
l'affaiblissement des moyens de nos troupes dans leur résistance à l'of-
fensive dévastatrice des forces de l'ennemi. Il a dit : « Ce qui est arrivé lors
de cette bataille délicate, parce qu'elle était décisive dans tous les sens du
terme, nous avons été contraints de soumettre la décision des militaires,
qu'il s'agisse des chefs des unités ou des bataillons et en concertation avec
eux, aux dirigeants politiques. C'est une arme à double tranchant, car la
situation exige parfois de prendre l'initiative et de recourir à l'effet de
surprise. Et quand la décision du militaire est soumise à celle de l'homme
114
politique, cela nécessite un certain temps, peut-être des heures, surtout
avec la rupture des moyens de communication rapide. Cela entrave les
efforts du chef militaire à trouver la solution idoine dans ces situations.
Par ailleurs, les décisions ou les ordres des hommes politiques touchent
à la susceptibilité des chefs militaires, parce qu'ils émanent de personnes
qui manquent d'expérience dans le domaine militaire. Cela a beaucoup
facilité l'avancée rapide de l'ennemi sur Bagdad. »
Le président poursuit son énumération.
12- Les offensives menées par l'ennemi de toute part. Certains pays
frères ont malheureusement facilité l'incursion des unités de l'ennemi à
partir de leurs territoires. D'autres ont autorisé l'ennemi à utiliser leurs
bases et leurs terres pour bombarder l'Irak.
13- Le recours de l'ennemi à ses agents subversifs alliés à l'Iran, ainsi
qu'à des milices pro-iraniennes prétendant agir au nom de l'Islam.
115
Y A-T-IL EL' TRAHISON DANS
LE COMMANDEMENT DE L'ARMÉE ?
116
prévenir ce qui est arrivé et pour éviter à la région de subir ce qu'elle a
subi et pourrait encore subir. Mais nous nous sommes rendu compte
que deux personnes haut placées, dont un proche du président, fai-
saient exprès de taire ces informations, sans que nous en sachions la
raison. »
117
avait beaucoup d'ennemis parmi les Irakiens exilés en Syrie et même
parmi ses proches. Qui plus est, la présence d'Oudaï à Damas pouvait
attiser les prétentions du « taureau américain » et le faire payer cher au
peuple syrien.
Koussaï refusa de se séparer de son frère, et le trio repartit vers l'Irak,
plus précisément vers Mossoul. Koussaï y avait beaucoup de relations et
d'amitiés fidèles, il était très apprécié des chefs de la garde républicaine et
des hauts cadres de l'armée natifs de la ville. Il pouvait, de ce fait, mieux
organiser les opérations de la résistance. Après le retour de Abd Hamoud
à Bagdad, les deux frères et Mustapha, le fils de Koussaï, qui les avait
rejoints optèrent pour le domicile d'une « certaine personne », comme
résidence permanente.
Et ce fut la maudite délation !
LE RÉCIT DE LA DÉLATION
118
de Mossoul, très proche de Petraeus, dont nous tairons le nom et qui a
rapporté cette histoire.
Tous s'empressèrent de se rendre sur les lieux en voitures civiles.
Au bout d'une heure et demie environ, Petraeus revint seul, après
s'être excusé auprès de son hôte, le cheikh de Mossoul - qui sera tué plus
tard par des militants de la résistance irakienne.
Puis ce fut le grand départ : une procession de véhicules militaires
Humvee, des blindés, précédés par Nawaf. Arrivé à la maison, ce dernier
entra pour constater que Koussaï et Oudaï dormaient encore. Il sortit
aussitôt pour faire signe aux militaires que « tout était OK », avant de
monter, en compagnie de son fils, dans une voiture militaire découverte
Humvee, laissant sa maison aux Américains pour qu'ils règlent l'affaire
à leur guise. Le témoin oculaire raconte : « Le téléphone a sonné. Un voi-
sin me demandait de venir au secours des trois assiégés (Koussaï, Oudaï
et Mustapha). J'ai couru avec un groupe d'hommes. Mais le combat était
déjà engagé. Les Américains intimaient l'ordre à Koussaï, Oudaï et Mus-
tapha de se rendre s'ils voulaient avoir la vie sauve. Koussaï répondait de
l'une des fenêtres, avec un lance-roquette. De l'autre fenêtre, Oudaï répli-
quait avec un fusil-mitrailleur. Quant à Mustapha, il tirait du haut de la
terrasse. Au sol, la maison était encerclée par une vingtaine de chars et
autant de blindés et de Humvee, sans parler de soldats, autant d'armes
lourdes et plus de vingt snipers. Il était impossible de les sauver. On nous
apprit, plus tard, qu'ils avaient réussi à tuer 13 Américains. Quand la
situation empira, les marines firent exploser la maison. »
Je ne voulais pas raviver les blessures, mais celles du président Sad-
dam Hussein et de l'Irak ne guériront que lorsque le pays sera débarrassé
de l'occupant et de ses serfs.
J'étais sûr que le président était plus fort que ses blessures, mais son
unique blessure au cœur était l'Irak. Et c'est ce qui m'a encouragé à lui
poser la question : comment a-t-il appris la mort de ses deux fils et de
son petit-fils?
Il répondit :
« Un jour de juillet 2003, j'étais l'hôte d'un Irakien qui m'avait fort
bien accueilli. Mais je lisais dans son regard trouble et inquiétude.
Il me dit:
- Monsieur, j'hésite à vous informer...
- Faites donc, répondis-je.
- Oudaï est mort et il vous a offert sa vie.
- Une bénédiction, ai-je répondu, en souriant. Dieu soit loué !
Il poursuivit :
119
- Et Koussaï, de même.
- Deux bénédictions. Dieu soit loué.
- Monsieur, Mustapha aussi.
- Trois bénédictions. Dieu soit loué.
« Grâce au Tout Puissant, qui m'a honoré de ces héros morts pour la
patrie et qui ne trahirent ni ne surenchérirent. Dieu soit loué, c'était sa
volonté. Ce sont les enfants de l'Irak. Ils rejoignent tous ceux qui ont
sacrifié leur vie à la patrie. Ils ont combattu jusqu'à l'instant ultime, ils
ont refusé de fuir.
« Pas une seconde, il ne fut dans notre intention de quitter l'Irak et
de nous sauver, comme des lâches, à la recherche d'une vie sans valeur. Et
vous êtes tous mes enfants et mes frères. Tous les Irakiens sont mes fils
et mes frères. Au chef de ne jamais hésiter, et d'envoyer ses enfants au
combat avant ceux des autres. •
« Pendant la guerre irako-irakienne, Oudaï et Koussaï étaient en pre-
mière ligne. Ils étaient jeunes à l'époque.
« Les Arabes seront toujours, grâce à Dieu, gagnants. Mais peu d'en-
tre eux risqueraient la vie de tout ou partie de leur famille pour la nation.
120
« Maître Khalil, je ne vous refuserai aucune demande, vous êtes une
personne noble et courageuse. Mais autant pour mon histoire que pour
l'honneur de l'Irak, je n'autoriserai pas ma famille à me rendre visite,
parce que les Américains n'ont aucune parole, il est impossible de se fier
à eux.
« Et je n'ai pas envie de contacter les miens par téléphone pour des
raisons psychologiques. Telle de mes filles pourrait éclater en sanglots, et
telle autre pourrait gémir, mais je remercie Dieu, puisque vous m'ap-
portez de leurs nouvelles. Vous êtes mon fils et mon frère. »
Pas un jour je ne l'ai quitté sans faire le vœu de le revoir aussitôt.
Même dans sa détention, il avait du panache. Les grilles de la prison
ne le cassèrent jamais, ni l'oppression de l'ennemi, d'ailleurs.
Tout au long de l'histoire, l'Irak a plié devant de multiples invasions
barbares, a été exposé à l'anéantissement et à la mort. En dépit de tout
cela, il renaissait comme le phénix pour jeter dehors les occupants et
pour se reconstruire.
121
122
CHAPITRE VII
124
maisons des Irakiens dans le sud de l'Irak dans les années 1970, pour s'as-
surer que chaque foyer était équipé d'électricité et d'un climatiseur?
Pourquoi n'entend-on pas parler des millions d'Arabes qui se ren-
daient en Irak pour profiter du programme de mise à disposition de
terres, lancé par les Baasistes et en vertu duquel chaque individu se voit
attribuer un lopin de terre pour la culture des céréales ?
Pourquoi n'entend-on pas parler des savants irakiens et autres prati-
ciens, envoyés dans les pays arabes, afin de les aider à développer leurs
programmes ?
Pourquoi n'entend-on pas un éloge des pays arabes à l'Irak pour avoir
perdu en grand nombre des soldats lors de la guerre irako-iranienne
pour défendre les Arabes qui redoutaient que l'Iran n'exporte vers leurs
pays des intégristes fanatiques ?
Pourquoi n'entend-on pas parler des nombreuses initiatives présen-
tées à Saddam dans les années 1990 par les Américains afin qu'il
reconnaisse Israël et qu'il autorise les États-Unis à installer des bases mili-
taires en Irak en contrepartie de la levée de l'embargo ?
Pourquoi n'entend-on pas dire que la plupart des membres de
l'équipe d'inspection des armes de destruction massive au cours de la
période 1991-1998 était un espion et non pas un inspecteur? »
DE BASSES TENTATIVES
126
les mensonges répandus par l'Amérique et destinés à flétrir l'image du
président et à justifier son occupation de l'Irak.
En 2003, écrit-il, l'Amérique a annoncé avoir découvert, dans le sud
de l'Irak, un charnier comprenant les restes de 400 000 Irakiens. Tony
Blair devait cependant préciser, ultérieurement, qu'il s'agissait en fait de
quelque cinq mille corps, dont la plupart étaient des soldats tués par les
États-Unis en 1991, lors de l'opération « Tempête du désert ».
Lagauche cite également certaines expressions utilisées à répétition
comme l'expression « Saddam a utilisé les gaz mortels contre son peu-
ple ». Il affirme que les Kurdes de Halabja ont été tués par les gaz iraniens,
vérité établie par les services de renseignement américains dès 1988 et
confirmés en 2004, à savoir que l'Iran avait utilisé les gaz chimiques
contre les Kurdes.
La Ligue des droits-de l'Homme, ajoute-t-il, a indiqué que les forces
irakiennes ont tué, lors de l'opération d'Anfal, en 1988, quelque 180 000
personnes, dont une majorité de Kurdes, mais a reconnu ultérieurement
avoir été induite en erreur par les Américains, affirmant en outre n'avoir
découvert aucun corps.
127
multiplié les problèmes, tenté de nous provoquer fréquemment et violé
la souveraineté de l'Irak. Tout cela pour offrir à l'Amérique le prétexte
d'agresser notre pays. L'un d'eux a rendu justice à l'Irak et dit la vérité, mais
ils ont ignoré ses déclarations : Scott Ritter. Si l'Amérique savait que l'Irak
possédait des armes de destruction massive, elle n'aurait pas osé l'agresser.
« Les Américains, des gens des services de renseignement, m'ont sou-
mis à des interrogatoires six ou sept mois durant, avant que tu viennes
pour me voir pour la première fois. Toutes leurs questions tournaient
autour des armes de destruction massive. Où sont-elles? Les as-tu
cachées en Syrie ? Vous savez bien, leur disais-je, que l'Irak ne possède
pas ce genre d'armes. Je leur ai rappelé qu'en leur donnant toute latitude
de procéder à une inspection intégrale de l'Irak et d'y circuler à leur
guise, nous voulions qu'ils s'assurent de notre bonne foi et de notre atta-
chement à respecter nos engagements et nos obligations vis-à-vis de la
communauté internationale.
AUTRES MENSONGES
« Vous autres Américains, leur dis-je encore, devez savoir que l'Irak
est limitrophe d'un ennemi féroce, l'Iran, qui dispose d'un puissant
potentiel militaire, humain et matériel. Pendant que vous soumettiez
l'Irak à un blocus treize années durant, nous craignions que l'Iran atta-
quât l'Irak en mettant à profit votre blocus. Vous avez, en outre, créé
des zones arbitraires de restriction de vols dans l'espace aérien irakien.
Les enquêteurs m'ont ensuite montré une photo d'un char transportant
un groupe d'enfants irakiens et m'ont dit : "vous utilisiez ces enfants
comme bouclier humain. Cela est contraire au droit." En regardant bien
la photo, je me suis rendu compte qu'il s'agissait d'un char britannique
et non d'un char irakien. En fait, ils ont manipulé la photo rien que pour
ternir mon image devant le monde.
131
bureau. À l'intérieur, un interprète et deux autres personnes dont l'une
de petite taille et parlant anglais avec un accent proche de l'hébreu. Je
pensais immédiatement que j'avais affaire à un Israélien. L'interprète tra-
duisait. Ils posèrent des questions avec une certaine courtoisie, croyant
que j'avais peur. En réalité, j'étais un peu sous tension du fait de cette
ambiance surprenante. Tout indiquait qu'il y avait une participation
d'unités israéliennes sous uniforme américain à la guerre en Irak. Sur le
qui-vive, je répondais aux questions de cet Israélien qui ne pouvait
qu'appartenir au Mossad, tout comme la plupart des personnes se trou-
vant dans ce service chargé des interrogatoires. Leurs questions étaient
bizarres et portaient même sur des parents très lointains ou sur les
36 milliards de dollars qu'ils croyaient que le président Saddam Hussein
possédait et cachait dans des banques sous de fausses identités.
Je n'en suis reparti que vers 22 heures. La responsable du camp amé-
ricain a tenu à me reconduire avec sa voiture jusqu'au lieu où
m'attendaient mes hommes. J'étais obligé de passer la nuit à Bagdad,
mais où dans cette jungle? Nous sommes, finalement, allés chez un ami
après avoir fait diversion plusieurs fois. Sa maison se trouvait dans une
zone survolée sans interruption par les hélicoptères américains. Je n'ai
dormi qu'une petite heure. Au matin, mes hommes m'ont conduit dans
la zone verte pour assister à la première audience du procès.
132
hommes sont venus. L'un, apparemment Kurde, s'est présenté comme
un certain Ibrahim ». J'ai interrompu le président pour tenter de corri-
ger: s'appellerait-il Barham Salah? « Oui, c'est cela, répondit-il. Mais, je
ne sais de quoi il est ministre. L'autre s'est présenté comme étant minis-
tre et de la même famille que le bâtonnier. L'un et l'autre se sont
comportés envers moi d'une manière provocante comme si leur visite
avait cet objectif. Je ne leur ai accordé aucun intérêt. Je les ai ignorés
jusqu'à leur départ. »
« Tous ceux qui sont venus me rendre visite étaient des esprits cha-
grins. Ils sont venus soit par esprit de vengeance, honnis soient-ils, soit
pour me provoquer. Qu'en est-il au juste, Abou Alaa f ».'
J'ai soumis cette question à mes confrères du Conseil de l'ordre à Bag-
dad. L'un d'eux m'a répondu qu'un ministre parmi ses proches l'avait
informé que les occupants et le gouvernement de l'occupation avaient
demandé aux ministres de se rendre régulièrement auprès du président
pour le provoquer et l'humilier. Quelques-uns ont accepté de remplir
cette mission indigne. Quant au ministre en question, il a refusé, arguant
que le président était prisonnier !
133
134
CHAPITRE VIII
135
de faire évader le président. C'était un des chefs de la résistance irakienne.
La nouvelle apporta une certaine satisfaction au président :
« Par Dieu, mon fils, je ne veux pas mettre un irakien en danger par
ma faute. Cependant, qu'il prépare son groupe et le tienne prêt à agir.
Nous prendrons une décision selon le cours des événements. J'espère que
les Américains recouvreront leur lucidité et comprendront que leurs
efforts pour m'éliminer de la scène sont inutiles. Si je désespère des Amé-
ricains pour trouver une autre solution, je donnerai mon accord à ce
groupe pour attaquer la prison. »
Plus tard, je vins à la rencontre, dans une capitale arabe, d'un
dénommé Abou Ammar, à sa demande pressante. Il y avait avec nous
l'un des cousins du président.
« Nous sommes un groupe comparable à une brigade, avec des élé-
ments de différentes armées, me dit Abou Ammar. Nous avons un
groupe de forces spéciales, créées par le président avant son emprison-
nement. S'il pensait que ses chances d'arrestation étaient minimes, il
nous avait quand même assignés la mission d'attaquer la prison où il
serait détenu. Nous avons un code pour communiquer entre nous. »
Je lui demandai de me le communiquer. « Nous sommes prêts à atta-
quer le lieu de détention du président et à l'en faire sortir pour diriger la
résistance. Nous avons préparé plus de quarante cachettes ; les chances
de réussite sont évaluées à près de 90 %. » Il exigea alors un accord écrit
de la main du président pour se couvrir en cas d'échec, ou si l'on venait
à lui reprocher son initiative.
Je fis un compte rendu complet au président, du code y compris, et il
déclara : « Grâce soit rendue à Dieu, quand je les ai laissés, c'était encore
un bataillon, maintenant c'est une compagnie entière, peut-être plus. Il
s'agit de la crème des hommes d'honneur irakiens. Dis-leur de repérer
les lieux avec précision, puis donne-leur des précisions sur les positions
de l'ennemi, les armes à utiliser, les forces d'attaque et de soutien. Il me
demanda de lui rendre des visites personnelles fréquentes. Informé des
directives, le groupe procéda aux repérages et au transfert des armes et
des forces à proximité de la cible. « Dis au président que nous sommes
prêts, et que le temps travaille pour nous. »
Le président requérait le secret le plus total pour cette opération. Il me
demanda des vêtements qu'il mettrait après sa libération. Il me fixa un
jour de rendez-vous où 0 me ferait part de sa décision définitive et la date.
Le 17 juillet 2006, je vins lui rendre visite : « Dis à Abou Ammar qu'il
a le feu vert et de s'en remettre à Dieu. » Le code secret est contenu dans
les vers suivants :
136
Abou Ammar, tes nobles faits perdurent en nos âmes,
Nos peuples et bien d'autres, partout, se les relatent,
Rappelle-toi les oiseaux quand ils ont peur et les gazelles
Tu sais que le moyen pour protéger toute action
Seul Dieu le Clément et Miséricordieux le connaît, et celui qui sait
observer
Ce dont j'ai peur ce sont les attaques de nos ennemis
Et non ceux qui complotent en son sein
Viens, les âmes des ennemis seront sacrifiées pour toi,
En tout temps, Dieu te garde, Lui, le Vengeur immanent et omnipo-
tent.
Puis il ajouta : « Qu'ils viennent et que chacun d'entre eux soit accom-
pagné d'un combattant de réserve. »
Quelques jours avant le commencement de l'opération, une personne
résidant hors d'Irak me contacta d'une cabine téléphonique : « Abou Ala,
demande au président s'il a reçu la lettre. Je demandai des précisions,
mais il s'avéra que cette personne n'avait aucune relation avec l'opéra-
tion, et qu'il n'était au courant de rien. Que cela fut son but ou non, son
acte et sa tentative confuse compliquèrent nos plans.
Quand je me rendis auprès du président, je le trouvai très las d'avoir
veillé. Son visage et ses yeux trahissaient sa fatigue. Il dit :
L'ATTAQUE RETARDÉE
138
Le 26 août 2006, le bureau de liaison des Américains me contacta afin
de rencontrer le président le 28 août. Je m'étais mis d'accord avec le pré-
sident pour cette visite qu'il appelait de ses vœux, car elle serait décisive
quant à sa détention. Il avait planifié la visite, et m'avait conseillé d'ame-
ner avec moi un de mes confrères pour ne pas être accusé d'avoir
participé à l'attaque de la prison. Comme d'habitude, ces visites n'ont
lieu qu'après accord de certaines autorités, qui sont informées au préa-
lable. Après cet incident, les Américains renforcèrent la surveillance
autour du président. Les agents de surveillance furent remplacés, comme
souvent. Sauf qu'il s'agissait cette fois-ci d'une force que le président qua-
lifiait de la plus dure qui soit... L'occasion de sauver le président fut
perdue à ce moment.
LE PLAN D'ÉVASION
141
Maître Ziad Al Khassaouna me contacta, et me demanda de le rejoin-
dre à son bureau qui était ouvert à tous les volontaires désireux de défendre
Saddam Hussein. À mon arrivée, il me mit au courant du projet, que je lui
demandai de garder secret jusqu'à ce qu'on le soumette au président.
Deux jours après, je reçus un coup de téléphone de la part de ce per-
sonnage, qui me répéta ce qu'il avait dit à Maître Al Khassaouna : Maître
Khalil, vous n'avez qu'à accepter, nous vous remettrons le président à
l'endroit qui vous conviendra, à l'intérieur ou hors des frontières de
l'Irak. Vous - ou quelqu'un en qui vous avez confiance - pourrez venir
prendre livraison du « colis ». Il est en excellente santé, nous vous le
remettrons sain et sauf. Si vous ne pouvez prendre en charge les frais de
transport et de résidence, nous vous garantissons toutes les facilités. En
gage de confiance, nous vous remettrons une personne importante en
otage jusqu'à ce que le président soit entre vos mains, et vous devrez libé-
rer l'otage quelques jours plus tard.
Au début, j'ai pensé qu'il s'agissait d'un fou, d'un manipulateur ou
d'un rêveur. Je lui ai demandé comment il allait réaliser cette dangereuse
opération. Si les Américains étaient d'accord. Si l'Iran, Israël, ou le Mos-
sad étaient derrière lui, etc. Il répondit que je n'avais qu'à donner mon
accord sans poser de questions : « Prenez seulement vos dispositions pour
récupérer le président, pour qu'il ne fasse aucune déclaration après sa
libération, et pour qu'il ne revienne jamais en Irak. Nous lui garantissons
l'immunité dans le pays de son choix, y compris de la part des USA. Je
répète, nous garantissons son arrivée dans sa famille, sain et sauf. Il vous
suffira de le récupérer. Si vous voulez de l'argent, nous vous en donne-
rons. Sa situation financière, celle de sa famille et la vôtre seront assurées. »
Après bien des explications et malgré mes hésitations, je lui répon-
dis : « Laissez-moi soumettre la proposition à ceux que cela concerne en
premier lieu. »
Par principe, je me méfie de ce genre de propositions. Je ne sais quel
complot et quel secret elles peuvent cacher. Je soumis donc une partie du
marché aux personnes concernées. Elles voulurent savoir où elles pour-
raient amener Saddam Hussein, qui n'était pas un homme ordinaire
qu'on pouvait facilement cacher. Il était clair qu'à supposer que ces gens
fussent sérieux, leur motivation était soit de l'éloigner de la scène poli-
tique parce qu'il représentait leur adversaire le plus dangereux, soit de
s'en débarrasser. Au bout du compte, assumer pareille responsabilité ne
parut pas raisonnable.
142
LE PLAN EST REFUSÉ PAR SADDAM
144
échouer, après que nous les eûmes prévenus à plusieurs reprises, soit à
travers les médias, soit lors de nos rencontres au président, soit au cours
de la parodie de procès.
146
mité légale et constitutionnelle. C'est la volonté du peuple. Allez-y, posez
vos questions. »
NON AU CHANTAGE
LE MANIFESTE ANONYME
148
MES EFFORTS DIPLOMATIQUES POUR SAUVER
LE PRÉSIDENT
152
britannique auprès de cet État. L'initiative de ce pays arabe visait alors à:
- Abroger la loi interdisant le parti Baas.
-Amender la constitution, abroger le fédéralisme et le mode de
répartition des richesses.
- Confirmer l'unité de l'Irak.
- Confirmer la liberté d'action politique en Irak.
- Réinstaurer l'armée irakienne.
- Libérer tous les prisonniers et détenus.
Les demandes irakiennes visaient, quant à elles à :
- Annoncer le retrait des troupes étrangères en premier lieu.
- Réinstaurer l'armée irakienne et toutes les institutions
constitutionnelles
- Libérer les prisonniers, y compris le président Saddam.
- Abroger toutes les lois et annuler toutes les décisions consécutives à
l'occupation en 2003.
- Se référer au président Saddam Hussein pour tous les points à
négocier
La réponse du conseiller britannique, qui parlait parfaitement l'arabe,
fut éloquente. Il dit en plaisantant : « Il n'y a pas lieu de parler de Sad-
dam, car il est aux mains des mécréants, mais on peut parler de tout le
reste, et je ne manquerai pas de transmettre toutes ces propositions à
mon gouvernement. »
Ces négociations ne purent aboutir, les négociateurs américains et
britanniques repartirent dans leurs pays sans nous donner de réponse.
Ces pourparlers avaient été menés en réponse à une médiation arabe,
sans que le président eût été tenu au courant ni donné son accord.
ATERMOIEMENTS ET MANŒUVRES
154
ailleurs, les feuilles vierges, qui étaient à la disposition du président, lui
avaient été fournies par les Américains et ne pouvaient, par voie de
conséquence, être empoisonnées. Pourquoi, dans ces conditions, nous
interdire de les récupérer auprès de lui ? Nous posâmes également des
questions sur les conditions de travail des avocats de la défense, la falsi-
fication délibérée des documents et le déséquilibre flagrant en faveur de
l'accusation. Il finit par nous dire :
« Vous devez vous désengager de tous les dossiers dans lesquels vous
êtes impliqués et vous concentrer sur la défense d'un seul accusé. La
concertation entre vous et la coordination de vos actions a profondé-
ment troublé la Cour et ses conseillers. Un avocat qui défend Saddam ne
doit défendre ni Barazan, ni Ramadhan, ni qui que ce soit ; d'ailleurs je
pense que le principal accusé qui restera incriminé dans cette affaire, c'est
Barazan. »
Avant la fin de la rencontre, qui dura plusieurs heures, je lui dis :
« Vous devriez informer les Américains que l'unité de l'Irak, son avenir
et le sort de Saddam Hussein représentent une ligne rouge à ne pas fran-
chir ».
Une question s'impose aujourd'hui : si les Américains savaient que le
président n'était pour rien dans l'affaire d'Al Doujaïl, pourquoi se sont-
ils empressés de le livrer à ses ennemis pour qu'ils l'exécutent, en se
lavant les mains de sa mort?
155
Ici ou là, on affirme que des membres des deux partis kurdes, asso-
ciés à d'autres factions locales et régionales, ont conseillé aux Américains
de condamner Saddam à mort sur une accusation impliquant une ethnie
beaucoup plus nombreuse que celle des Kurdes. Il aurait aussi fallu la
relier à d'autres partis politiques nettement plus favorables à cette sen-
tence que le PPK. En effet, il était vite apparu que la majorité des Kurdes,
à presque 90 %, rejetait une telle issue.
156
CHAPITRE IX
LA DÉTENTION DU PRÉSIDENT
SADDAM HUSSEIN
157
tends le bruit des explosions et le vrombissement des bombardiers.
« On me conduisait aussi quotidiennement dans une espèce de trou,
relié à Beït Ennour. C'étaient des murs hauts, entourant un espace de
terre ne dépassant pas les dix mètres sur vingt-cinq, recouverts de croi-
sillons en fer forgé et surplombés d'un dôme dont une partie avait été
laissée entrouverte pour que je puisse apercevoir le ciel. »
« Je rejoignais cet endroit après être passé par quatre portes de
métal. »
« Je m'interrogeai d'ailleurs : qu'importe pour un prisonnier d'avoir
une prison avec cinq ou dix fenêtres, ou pas de fenêtres du tout?
« Vous savez à quel point je suis patient.
« Quand je vais voir un de mes avocats, je suis déplacé dans un blindé
"sourd et aveugle" de l'armée.
« Au début, lorsque je rencontrais mes avocats, ils nous surveillaient
par-dessus nos têtes. Mais aujourd'hui, ils peuvent nous observer de la
salle d'en face, à travers deux portes opposées, dotées chacune d'une
ouverture permettant d'échanger les regards et de bien suivre nos ren-
contres, sans compter la surveillance électronique à l'intérieur de la pièce.
Qu'importe. Rien ne m'affecte. Et je ne suis pas abattu ou triste. Ne me
chagrine que le malheur qui touche notre peuple et qui a dépassé mes
pires prévisions.
« Quant à la prison, ce n'est pas nouveau pour moi.
« L'ennemi n'hésite plus à avouer son échec. L'Irak et ceux qui appel-
lent avec lui à la paix, sont revenus à l'honneur. Même le chef des
agresseurs et ceux qu'on appelle ici "gouvernement", plaident pour la
libération de tous les prisonniers sans condition, promettant aux leurs
un délai de deux mois pour réussir ce qu'on dénomme réconciliation et
contrôle de la sécurité dans le pays.
« Tout cela n'est que verbiage, car la résistance se renforce et son bras
devient plus long de jour en jour. J'entends quotidiennement, jour et
nuit, le bruit des explosions et des canons Quand on est désespéré et
qu'on se noie, on s'accroche aux branches. De toute manière, ma convic-
tion est que le salut est proche, avec la permission de Dieu. ».
Extraits d'une lettre manuscrite du président, datée du
24 /10/2006, où il décrit sa prison, les conditions de sa déten-
tion et parle de la résistance, de l'échec de l'occupant et de son
inéluctable chute.
158
ENTRE CORAN ET FAMILLE
159
Sur le chemin du retour, la voiture s'arrêta et un second officier yan-
kee, grand de taille, la face empourprée, m'accosta pour s'enquérir de ma
visite à Saddam Hussein, après s'être présenté, nom et grade. C'était le
responsable de la prison.
Je souhaitai descendre pour discuter de certains points concernant le
président. Mais il s'y refusa, de peur que je repère le lieu de sa détention.
« Nous vous faciliterons vos visites, me dit-il, mais je vous en prie, pas
un mot sur l'endroit où il se trouve. Le ciel de l'Irak est jonché de satel-
lites et nous craignons que certains États ne donnent des informations à
d'autres qui pourraient venir bombarder. Dans un tel cas, vous seriez
tenu pour responsable. »
Je répliquai : « La vie de cet homme est plus chère aux Irakiens et à
moi-même qu'à vous. J'y veille moi-même avec force scrupules. » Je me
plaignis ensuite du nombre de barrages et de points de contrôle améri-
cains qui m'empêchaient d'être à temps aux visites. Il me donna son
numéro personnel, afin que je puisse le joindre en cas de besoin.
Après cette visite au président, les Américains annoncèrent qu'ils
avaient fait sauter la prison et déplacé le président. Puis ils ont coupé la
ligne de leur collègue officier. Il s'est avéré par la suite qu'il n'y avait eu
ni démolition, ni déplacement, mais seulement des modifications appor-
tées à la prison, comme la pose d'objets et autres éléments de diversion,
afin de dissimuler tout indice sur le lieu.
Le président m'en informa lui-même, plus tard :
« Le lieu est resté le même, me dit-il. Il y a toujours le lac Ennour et
« Khouloua Foukah ». Tout ce qu'ils ont fait, c'est déguiser pour brouiller.
161
tondeuse qui a provoqué une allergie au visage et au cou. Ils m'ont même
refusé un petit ciseau pour "m'élaguer" le menton. Puis ils ont répondu
qu'ils allaient en référer à leurs supérieurs. Cela a duré plus d'un mois.
Au final : refus, de nouveau. Ils craignaient que j'attente à mes jours. Mais
si j'avais voulu me suicider, je l'aurais fait plus tôt. Je leur ai expliqué que
notre grande religion interdit le suicide. Et puis, Saddam Hussein n'est
pas homme à se donner la mort !
JE NE PEUX ME RASER
DES VEXATIONS
« Une fois, l'un d'eux me dit : "Bush est un menteur, il nous a trahis".
Et lorsque nos relations se sont consolidées, ses supérieurs se sont
empressés de le remplacer.
« Quand de nouveaux surveillants arrivaient, je leur disais, d'emblée,
que je ne nourrissais pas d'animosité à l'égard du peuple américain, mais
à l'encontre de son gouvernement.
« Je me souviens du jour où ils m'avaient conduit près du lac Ennour.
Un missile lancé par les héros de la résistance tomba soudain, non loin de
nous. Les gardiens accoururent et me ramenèrent à l'intérieur pour ma
sécurité. Mais ce missile me réjouissai. Je leur ai déclaré alors : " Vous
n'avez rien à craindre de mon peuple pour ce qui me concerne." Ces gar-
diens étaient obligés d'obéir à leurs chefs. Parfois, nous avions des
conversations, je les trouvais affligés par les mensonges et les comporte-
ments de leur gouvernement. Ils déclaraient être en désaccord avec
l'occupation de l'Irak et déploraient la mort de leurs camarades. Ils
avaient, en outre, la nostalgie de leur pays et de leurs familles.
« Un autre jour, alors que je m'apprêtais à vous rencontrer ici, ils me
confièrent que si j'étais la cible d'un attentat terroriste, ils me protége-
raient de leurs corps. De nouveau, je leur répliquai : " Vous n'avez rien à
craindre de mon peuple pour ce qui me concerne." Lorsque l'Irak sera
redevenu libre, ajoutai-je, que vous aurez regagné l'Amérique et que la
vie aura repris son cours normal, je vous inviterai à nous rendre visite.
« Ils en furent réjouis et promirent d'accepter l'invitation.
163
« Lorsque je faisais la grève de la faim, pour quelque raison que ce fut,
ils essayaient de me convaincre d'y renoncer. Et quand ils n'y parvenaient
pas, ils menaçaient de convoquer mes avocats, et spécialement vous, car
ils savaient que vous étiez le seul à pouvoir me dissuader. Et de fait,
quand vous veniez, ils vous demandaient, toujours de le faire.
« Certains d'entre eux demandaient mon autographe, et d'autres
gardaient ma photo sur leurs téléphones portables. Un jour, j'ai reçu la
visite d'un officier américain, celui-là même qui vous a prié d'écrire un
mémorandum à l'intention du commandant en chef des armées, pour
lui éviter une mutation. Il m'aimait beaucoup et me servait avec sincé-
rité. Il est venu me voir, les larmes aux yeux, et il m'a annoncé qu'on
l'avait muté à un autre poste, ajoutant qu'il ne voulait pas être éloigné de
moi. Puis quand vint le moment de partir, il se jeta à mon cou, explosant
en sanglots.
« Ainsi, chaque fois que je commençais à nouer des liens solides avec
un gardien, celui-ci était inéluctablement remplacé. Le dernier groupe
de gardiens qui fut désigné était particulièrement malfaisant. Tous
s'acharnaient à me provoquer en chantant fort et en dansant, en émet-
tant des sons pénibles et en tapant des pieds. Mais rien de cela n'eut
raison de mes nerfs, rien n'altéra ma volonté.
« Aujourd'hui ils ont placé un fil barbelé entre le conducteur, l'offi-
cier et moi dans le camion militaire. J'étais ligoté par le fer. Ils ont justifié
ce traitement par la crainte de subir une attaque sur le chemin et que j'en
profite pour prendre la fuite. Vous pouvez imaginer leur peur ! »
« Durant ces courts déplacements, je ne manquais jamais d'observer
les arbres et les palmiers à l'entretien et à l'arrosage desquels je veillais en
personne. Je les ai trouvés négligés, desséchés. Cela m'a beaucoup ému
et m'a inspiré des vers lancinants.
« Quand je me mis à la poésie ce fut par solitude. Je n'ai ni compa-
gnon, ni personne à qui parler. J'ai découvert que la poésie, seule, pouvait
exprimer notre être profond. »
164
Ramadi est cernée de ses trois côtés, de l'Euphrate et deux affluents.
Aux trois entrées de la cité, se dressaient des barrages militaires très
complexes et sensibles dirigés par des forces du ministère irakien de l'In-
térieur appelées les maghawir (les terribles) qui sont connues pour leurs
partis pris ethniques. Des unités d'occupation américaines dirigeaient
également des barrages. Je devais me rendre quotidiennement au siège
du comité, afin de recueillir le courrier en provenance du bureau central
de Amman, du syndicat, du tribunal, et répondre.
Un samedi de mars 2005, à 9 heures du matin, je conduisais ma voi-
ture près du barrage principal au nord de Ramadi, sur le pont Al Jazira.
Un marine me fît signe de m'arrêter et de descendre pour un contrôle.
À ce moment, un membre des maghawir s'approcha de moi, me fouilla
minutieusement, et s'enquit de ma nationalité. Il me fixait du regard.
Jusque-là, je n'avais jamais eu affaire aux agents des renseignements. Il
me demanda ensuite de me présenter plus longuement, ayant constaté
sur mon passeport, que j'avais transité par la Syrie et la Jordanie.
Je refusai de parler, exigeant la présence d'un officier américain.
Autrement, on n'eut pas donné cher de ma peau, je le savais.
On me fit entrer auprès de l'officier américain qui me demanda de
m'asseoir face à l'appareil de fouille, puis me questionna sur ma per-
sonne. Je répondis que je ne piperais mot, tant que ces « gens de
l'intérieur », les maghawir seraient présents.
L'officier leur en intima l'ordre et ils s'exécutèrent, sauf un, un colo-
nel qui me manifestait beaucoup d'intérêt.
J'exigeai qu'il sorte à son tour. Des soldats yankees haussèrent la voix
et il s'éclipsa apeuré.
Je dévoilai enfin mon identité. Je voulais qu'elle ne fut connue de per-
sonne. A fortiori de ces miliciens du « régiment Badr ».
Contact fut pris aussitôt avec le commandant américain qui demanda
vite à me voir, insistant pour qu'on me traitât au mieux.
Je montai dans un Humvee, on me banda les yeux jusqu'à l'arrivée au
siège du commandement.
Je dus attendre dans une salle contiguë, toujours les yeux bandés, sans
doute voulait-on m'empêcher de remarquer un collaborateur irakien en
train de faire son rapport. J'en eus le cœur net dès que l'on me libéra les
yeux, puisque j'aperçus la silhouette de « l'indic » quittant précipitam-
ment le bureau.
Le commandant me souhaita la bienvenue et me demanda de pré-
senter un document attestant que j'étais bien Khalil Al Doulaïmi,
président du comité de défense du président.
165
Je n'avais aucun papier de la sorte ; aussi lui suggérai-je d'en référer au
syndicat des avocats irakiens ou au directeur de la prison où était détenu
Saddam, ou encore de se renseigner auprès de l'ambassadeur américain
lui-même. Et comme au syndicat, l'horaire de travail était dépassé, ce fut
précisément l'ambassadeur des États-Unis qui confirma mes dires.
Le commandant me présenta ses excuses et m'invita à déjeuner.
Je déclinai l'invitation prenant prétexte du couvre-feu approchant. Un
officier me proposa de me raccompagner à « mon point de contrôle ». Je
refusai d'abord car je redoutais que l'on me surprît en compagnie amé-
ricaine ; mais ne pouvant faire autrement, je finis par accepter.
LA MONTRE DU PRÉSIDENT
166
Convaincu, l'officier des « Marshall » me demanda de ne plus remet-
tre quoi que ce soit au président sans « leur autorisation ». Il prit la
montre et la confia vraisemblablement aux magistrats. Ils l'auraient alors
à leur tour remise à un officier américain d'origine irakienne. Cet homme
appartenait aux renseignements généraux américains et était conseiller à
l'ambassade américaine, ce qui lui permettait d'avoir un œil sur tous les
protagonistes du procès.
Au lendemain de la séance au tribunal, ce conseiller voulut me voir. Je
fis quelques pas avec lui à l'intérieur du tribunal.
Il me dit : « Maître Khalil, j'ai beaucoup d'estime pour vous et je veille
sur vous, bien que vous soyez méfiant à mon égard. Maître Khalil, vous
allez au-devant de graves ennuis. »
Je l'interrogeai, perplexe sur ces ennuis.
Il répondit : « Vous avez donné à Saddam une montre contenant
un enregistreur électronique, et vous savez pertinemment que cela est
une violation flagrante de la déontologie de votre métier. Néanmoins
je vais essayer de vous aider et d'être à vos côtés si vous renoncez
à employer le mot Sayidi- monsieur, au sens étymologique - en parlant
avec Saddam. »
J'ai répliqué: « Cette montre est-elle encore chez vous, ou bien a-t-
elle été envoyée à Téhéran pour qu'on y pose un appareil enregistreur ?
Non, je ne cède pas au chantage ! »
Je pris congé de lui et m'enpressai d'informer le capitaine Michael Me
Coy de cette manigance. Il m'assura de son soutien : « Je casserai la tête
à tous ceux qui tenteront de nuire aux avocats. » Et il me rapporta la
montre.
Voila un petit échantillon des entraves et des pressions que j'ai eu à
endurer, en permanence.
LA GRÈVE DE LA FAIM
168
LE CULTE DE LA PERSONNALITÉ
170
nous recommandait souvent d'agir pour le bien, de pardonner plutôt
que de nous venger et de ne jamais garder de rancune pour le mal qu'on
nous faisait.
Même si la profondeur et la sincérité de sa foi étaient encore plus évi-
dentes pendant le Ramadan, il jeûnait tout au long de l'année. Il rompait
toujours son jeûne en mangeant quelques dattes. Il aimait particulière-
ment celles que sa famille lui faisait parvenir.
Alors qu'un jour, je parlais religion avec lui, il m'avoua :
« Jamais, dans mes décisions ou mes actes, y compris vis-à-vis de
l'idéologie de notre parti, je n'ai laissé croire qu'il y pouvait y avoir un
équilibre entre la religion et l'athéisme. Nous avons toujours été du côté
de la religion, et contre l'athéisme, mais dans le respect des convictions
de chacun. Tous les édifices que nous avons bâtis, toutes les mosquées, et
tous les mausolées ne sont que l'expression de notre devoir de croyants. »
-
171
On lui répondit que les symptômes correspondaient bien à l'adminis-
tration d'un poison à effet retardé. Comme le président n'aurait jamais
pu faire sortir un échantillon d'urine ou de sang, on nous proposa de
recourir à un mouchoir stérile, qu'il serait le seul à toucher, qu'il impré-
gnerait de sa transpiration, et qu'on placerait ensuite dans un sac stérile.
Je pris donc trois feuilles de papier stériles dans un laboratoire, les mis
dans un sac et demandai au président de les tenir dans ses mains.
Comme je redoutais que les Américains m'empêchent de mener à bien
cette mission, je prétendis que les papiers devaient servir à inscrire le
nom des confrères que le président choisirait pour assurer sa défense avec
moi. Mais les papiers furent confisqués par les Américains avant que je
puisse les transmettre au président. Cet empoisonnement ne dénonçait-
il pas une volonté de l'exécuter au plus vite avant que le scandale
n'éclate?
Saddam se plaignait continuellement de l'estomac. À tel point qu'un
jour, le juge Al Jouhi l'apprit et lui demanda des nouvelles de ses dou-
leurs. Le président me raconta aussi qu'une fois, il avait brusquement
perdu conscience et qu'il avait été transporté par un hélicoptère Black
Hawk dans la « zone verte », jusqu'à l'hôpital Avicenne. Il dut aussi subir
une intervention pour une hernie, sans anesthésie.
On peut, dans ces conditions, s'interroger sur l'efficacité des soins que
les Américains accordaient au président. En fait, les médecins qu'on lui
avait assignés à domicile lui prenaient la température, mesuraient le taux
d'humidité de sa chambre et lui faisaient un check-up trois fois par jour.
On peut donc écarter la thèse d'un complot sanitaire manigancé par les
Américains. De surcroît, lorsque ses avocats lui rendaient visite, ils man-
geaient parfois avec lui, à l'exception toutefois d'un avocat étranger,
d'une extrême prudence, qui se contentait de grignoter des biscuits et du
chocolat qu'il apportait lui-même d'Amman. En fin de compte, n'étant
pas nous-mêmes médecins, il nous est très difficile de nous prononcer
avec certitude sur cette question.
172
C H A P I T R E IX
173
et le juge Ra'ed Al Jouhi, dans ce qu'il est convenu d'appeler les affaires
d'Al Doujaïl et d'Al Anfal. Ce juge fixait continuellement le président du
regard, sans jamais sourciller. Le président relevait le défi avec une inten-
sité et une fermeté sans faille.
Au cours de l'une des audiences sur l'affaire d'Al Doujaïl, en 2005,
je découvris le président fatigué, comme s'il n'avait pas bien dormi.
J'eus même l'impression, l'espace d'un instant, qu'il n'était pas le pré-
sident Saddam Hussein. Quand il pénétra dans la salle d'audience, le
juge Al Jouhi, surpris, le dévisagea avec insistance. Malgré cela, il y eut
aussitôt un échange de propos de la plus grande véhémence entre les
deux parties.
Le président raconte :
« Lorsque le juge Al Jouhi a déclamé mon identité en disant : tu es
Saddam Hussein, né en 1937, ancien président de la République d'Irak,
ancien commandant en chef des forces armées, dissoutes, ancien prési-
dent du conseil de commandement de la révolution, dissous... Je lui ai
répondu : je suis Saddam Hussein, président de la République d'Irak,
commandant en chef des forces armées et président du conseil de com-
mandement de la révolution, et j'habite encore en Irak. Et quand il m'a
demandé si j'étais juriste, je lui ai répondu que je pensais que lui, il était
juge... Je lui ai dit: par Dieu, Ibn Jouhi, si tu n'avais pas été juge du
temps de Saddam Hussein, tu ne le serais pas maintenant, car les fils
d'agriculteurs n'auraient pas eu l'occasion de faire des études sans les
opportunités que leur a offertes Saddam Hussein. »
Le président connut une autre épreuve au cours de l'audition de l'af-
faire dite des commerçants. Le juge, président du comité chargé du procès,
était alors Ali Al Rabii, secondé par le juge Abd Al Hussein Hattab. Avant
le début des auditions, ce dernier provoqua le président Saddam Hussein,
déclenchant une violente algarade verbale entre les deux hommes. Le juge
proféra des paroles indécentes que nous lui renvoyâmes au centuple.
Même le juge Ali Al Rabii désapprouvait son confrère. Après que j'eus
exprimé mon intention de ne plus prendre part à la procédure si l'audi-
tion se déroulait dans de telles conditions, le président décida de quitter
l'audience pour prendre quelques instants de repos.
C'est là qu'un dénommé Tahsin, auditeur judiciaire, se leva d'un siège
réservé aux services du renseignement américain, se précipita vers le pré-
sident, lui attrapa le poignet, voulant l'agresser. Je me suis interposé entre
174
l'agresseur et le président pour le protéger de mon corps et de mes poings
quand le capitaine Mikael Me Coy intervint pour nous séparer. J'exigeai
alors des juges et des Américains l'expulsion de l'individu. C'était pour
moi la seule condition du retour du président dans la salle d'audience.
Mais ils me demandèrent de l'accepter cantonné au dernier rang de la
salle. Je suggérai alors au président de refuser l'audition et de ne plus
répondre à aucune question. Il préféra demander le report de l'audience.
Un autre moment difficile se déroula devant la cour de justice. Quand
vint son tour de prendre la parole, le président lut un long document.
Trop long pour le juge Raouf, irrité par la présence de quelques passages
poétiques. Le magistrat l'interrompit avec agressivité. Saddam revendi-
qua le droit de parler sans être interrompu. Mais dès qu'il l'autorisa à
reprendre son texte, le juge ne cessa de l'interrompre de plus en plus
ouvertement. Comprimant nerveusement dans sa paume une boule de
mouchoirs, le président entra dans une colère profonde. Ses yeux
humides et courroucés fixèrent le juge et semblaient vouloir dire : « L'im-
pudent! Si j'étais libre... » Cette séquence ne fut pas filmée. Après cet
incident, et après lecture d'une note émanant des généraux, de la CIA et
du gouvernement de l'occupation, le juge décréta que les séances se tien-
draient à huis clos.
175
COLÈRE : LES GARDES BATTENT LE DEMI-FRÈRE
DE SADDAM
« En, 1987, pendant la guerre contre l'Iran, l'Irak était occupé par la
défense du flanc est, face aux attaques de Khomeïni. Nous devions ren-
forcer le front militaire en augmentant la cohésion populaire et
l'édification du pays. De ce fait', il était indispensable de vérifier de visu
les conditions de vie de notre peuple, de nous rendre dans les villes, les
garnisons, les villages et les campagnes. Cette fois-là, la visite était pro-
grammée pour la préfecture de Doujaïl.
« À l'arrivée du cortège, nous avons été reçus au siège de la préfecture
avec la joie la plus sincère et la plus grande déférence. Ces gens étaient
connus pour leur hospitalité, comme dans toutes les autres villes et pré-
fectures d'Irak. Les habitants avaient égorgé plusieurs bêtes pour nous
honorer. Quelques femmes venaient vers nous pour nous saluer. Mais,
alors que je m'apprêtais à monter dans la voiture qui m'avait été réservée,
un des agents de la protection rapprochée vint me prier de monter dans
une des autres voitures du cortège. Il m'informa qu'une des femmes avait
plongé sa main dans le sang des bêtes égorgées, puis l'avait apposée sur
la voiture qui m'était réservée. C'était une coutume connue chez les Ira-
kiens de le faire quand ils achètent une voiture, et parfois également en
signe de considération pour les invités. Seulement, les agents de la sécu-
rité rapprochée avaient prévu la pire des hypothèses: celle que cette
empreinte soit un signal en vue d'une action ultérieure. Nous avons laissé
la voiture portant cette marque prendre la tête du cortège avec, à son
bord, quelques agents de sécurité. À ce que je me rappelle, la voiture que
j'avais prise était la troisième ou la quatrième dans le cortège.
« Pendant le trajet, alors que nous roulions dans l'avenue principale,
une bande de criminels à la solde de l'Iran nous a aspergés d'une pluie
de balles. Le feu était intense et provenait des plantations qui se trou-
vaient à la gauche de l'avenue. Quelques voitures ont été touchées, mais
la plupart de tirs étaient dirigés vers celle qui portait l'empreinte de cette
femme. Quelques agents de la sécurité sont tombés, mortellement tou-
176
chés par les agents de ma garde rapprochée. Le deuxième cercle de pro-
tection, qui n'était pas aussi proche de moi, a aussi perdu quelques-uns
de ses membres. Même les hélicoptères, qui survolaient ces plantations
afin de localiser ces criminels, ont été soumis à des tirs de différentes
armes, y compris des mitraillettes. Nous avons perdu quelques pilotes
dans cet incident.
« Il était naturel que l'équipe de la protection rapprochée et le groupe
de sécurité réagissent rapidement, et répliquent en direction des tireurs,
afin de les mettre hors d'état de nuire. Les criminels se sont alors enfuis
vers l'intérieur des plantations touffues, devenues dangereuses même
pour les habitants de la région. À ce moment, certains patriotes de Dou-
jaïl ont aidé le groupe de sécurité et abattu quelques criminels et, parmi
eux, le traître dénommé Saïd Karbalaï qui avait planifié et commandité
l'attentat. Ce personnage était iranien et non irakien.
« Les cheikhs et les habitants de Doujaïl étaient navrés de ce qui était
arrivé et nous ont présenté leurs excuses. J'ai alors terminé ma visite et
je suis rentré à Bagdad. Puis, et c'est tout naturel, les autorités de l'État
ont entrepris d'instruire l'affaire et de poursuivre les criminels. Cet acte
constituait un grave danger pour la cohésion du front intérieur. Les
autorités judiciaires ont assumé leur responsabilité dans l'instruction et
le jugement, sans ingérence de notre part. Il était normal que les crimi-
nels soient jugés. Cependant, nous avons par la suite amnistié plusieurs
d'entre eux.
« C'est pour cela, et conformément à la Constitution et à la loi, que
l'autorité compétente a exproprié les plantations entremêlées avec les
habitations et qui constituaient un danger pour la sécurité de la ville et
de son avenue principale. Ensuite, l'État a largement indemnisé les pro-
priétaires des plantations et leur a octroyé des parcelles agricoles et
d'autres d'habitation. Finalement, ces plantations ont été restituées à
leurs propriétaires.
« Quant aux familles des criminels, elles ont été transférées ailleurs et
ont été relogées dans des endroits sûrs. C'était pour leur bien et afin de
les préserver des actes de vengeance. Ces familles jouissaient d'une liberté
totale et ont gardé tous leurs biens. Et à celui qui prétend que des cas de
viols d'Irakiennes ont eu lieu en rapport avec cette affaire, je lui affirme
que ces mensonges visent à nuire à la bonne marche du pays : chacun
sait que Saddam Hussein perd le sommeil à l'idée qu'une seule Irakienne
puisse être agressée et s'empresse de la soutenir, de l'aider.
« C'est ainsi que les choses se sont passées. Et si le ministère public
disait la vérité, il aurait produit les originaux des procès-verbaux de l'af-
177
faire, qui comportent les aveux des criminels sur ce qu'ils avaient plani-
fié et accompli, avec leurs signatures, et l'implication de l'Iran dans cet
incident, car c'est le parti Al Da'wa - interdit par la loi et la constitution
irakienne -, et auquel est affilié le chef du gouvernement d'occupation
qui a exécuté cette lâche opération. L'Iran avait même annoncé la nou-
velle de l'attentat avant que les radios de l'Irak n'en parlent.
« Quant à demander aux prévenus et aux avocats de la défense, de
produire les procès-verbaux de l'affaire initiale, c'est demander l'impos-
sible. Ils savent pertinemment que les détenus et les avocats sont menacés
de mort. D'ailleurs, ceux qui se sont octroyé le titre de ministère public
et, derrière eux les envahisseurs et leurs agents, savent où se trouvent les
procès-verbaux de l'affaire. C'est cette affaire pour laquelle sont jugés
Saddam Hussein et ses camarades. »
D'où les échanges vifs sur cette affaire avec le juge :
« Quand on ouvre le feu sur le président de la République, même sur
un président nommé par l'Amérique, est-ce qu'il y a une instruction, oui
ou non? Les services de sécurité n'ont-ils pas le droit de faire des
enquêtes et des investigations pour un tel événement ?
« Le responsable, c'est Saddam Hussein, il pouvait ordonner l'arrêt
de l'instruction et désapprouver les condamnations à mort.
« Les propriétaires des exploitations agricoles, d'où sont partis les
coups de feu, et dont les biens avaient été réquisitionnés, ont été large-
ment indemnisés à la fin de l'enquête.
« Si vous voulez juger, ou si les Américains veulent juger, alors je
déclare que j'ai exercé mes attributions constitutionnelles et légales
comme chef d'État.
« Il est inutile de continuer cette mascarade, si vous voulez la tête de
Saddam Hussein, elle est à vous. »
178
En ce qui concerne Tarek Aziz, Aoued Al Bandar et les autres cama-
rades, le président dit qu'il leur était possible d'intenter de pareilles
actions et qu'il ne voyait aucun inconvénient à ce que n'importe lequel
d'entre eux le fasse, s'il y trouvait son intérêt. Mais en ce qui le concernait,
il n'en voulait pas. Il ajouta: « le n'ai jamais sollicité qui que ce soit
depuis mon jeune âge et ne le ferai jamais. J'ai été condamné à mort
plusieurs fois et je n'ai pas demandé la vie sauve. Comment donc, main-
tenant, à près de soixante-dix ans, la demanderais-je ? »
179
UN TRIBUNAL ILLÉGITIME, ANTICONSTITUTIONNEL
Le président poursuivit :
« Ce tribunal est illégitime et anticonstitutionnel, c'est une création
de l'occupant, des envahisseurs. Il est le fruit de l'agression criminelle
contre la légitimité, le droit international et les valeurs de justice. Cela
constitue une atteinte à la justice et au droit, c'est une mise en scène
minable qui vise à tromper l'opinion publique et à présenter les choses
comme étant conformes à la justice et au droit, alors qu'elles en sont très
loin. J'ai lu la convention de Genève, surtout la partie relative aux pri-
sonniers. C'est pour cela que je vous conseille d'intenter un pourvoi
contre l'institution du tribunal, qui est contraire à la loi et à la constitu-
tion irakiennes, contraire aux conventions de Genève, car tout ce qui est
bâti sur quelque chose d'illégal est, lui-même, illégal. »
180
POURQUOI CE PROCÈS ?
184
J'ai demandé au président Saddam Hussein, au début du mois d'oc-
tobre 2006, si les occupants américains avaient essayé de le soumettre à
un chantage. Il répondit :
« Dix jours après mon arrestation, un général américain est venu me
voir, je pense que c'était un des généraux du camp de détention, il était
accompagné d'un interprète égyptien qui avait un papier dans la main.
Le général me dit : Saddam, tu as une dernière occasion, ou bien tu te
comportes comme Napoléon Bonaparte, ou bien comme Mussolini... Je
me suis levé et j'ai frappé l'interprète sur les mains puis je lui dis : va-t'en,
toi et ton maître, par Dieu, je ne serai que Saddam Hussein et je ne
demanderai à mon peuple que de continuer à résister et à se battre pour
libérer l'Irak et vous chasser par la force. Si le but du général est que je
demande à mon peuple de cesser le combat... Qu'ils aillent au diable!
« Pour ce qui est d'autres négociations, comme la visite éclair de Bush,
ou ce qu'a publié le journal égyptien que tu m'as apporté, Maître Khalil,
faisant état de prétendues négociations entre Rumsfeld et moi, par Dieu,
je n'ai négocié avec personne... Ils essaient par tous les moyens de mini-
miser mon rôle, ou plutôt de le nier totalement, de l'annuler et de
m'isoler ainsi de mon peuple, croyant que de cette manière ils pourraient
me forcer à changer de position. Ils sont naïfs. Notre position est ferme
et repose sur des bases claires. Quant à ce qu'on raconte à propos de
négociations en cours avec certains, je dirai que nous n'avons mandaté,
ni ne mandaterons personne pour négocier en notre nom. Ils nous
connaissent et nous sommes entre leurs mains. Je n'ai rien demandé à
l'ennemi sauf de respecter le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et
à décider de leur propre avenir. Nous avons été élus par le peuple et nous
ne le décevrons jamais, avec l'aide de Dieu.
« Ils ont saisi l'état d'esprit de Saddam Hussein et ont compris que la
stabilité de l'Irak viendra des Irakiens eux-mêmes ; et que je ne négocie-
rai pas pour avoir la vie sauve, même pour quelque chose de formel. »
À ce moment, le président commença à parler de beaucoup de choses
en général, sur un ton enjoué, afin de créer un climat de détente et de
sympathie entre nous, et il dit :
« Le 1 janvier 2006, les braves résistants ont touché le lieu de déten-
er
tion avec un missile qui est tombé dans le lac Ennour, et on voyait les
186
Américains détaler comme des rats ; ils ont voulu m'entraîner loin pour
ma sécurité ! J'ai alors refusé et leur ai dit de me laisser écouter le bruit de
ces combattants. J'ai dit à mes camarades de détention que nous sorti-
rions au printemps, s'il pleuvait. Je suis convaincu que nous sommes nés
avec un certain retard, et que nous aurions dû naître cent ans plus tôt.
187
188
CHAPITRE XI
VERBATIM
RÉFLEXIONS ET COMMENTAIRES
DU PRÉSIDENT EN DÉTENTION
189
Pendant que je nageais, allant et venant, le volume du son de la télé fut
légèrement augmenté et j'ai entendu l'un de ceux qui étaient assis au
bord de la piscine annoncer qu'un événement s'était produit. Soudain,
l'un des correspondants des médias est arrivé comme s'il voulait que je
lui dise quelque chose. Il était, si je me souviens bien, aux environs de
six heures et demie de l'après-midi. Je lui ai demandé ce qu'il voulait.
"Monsieur le président, répondit-il, les journaux télévisés ont annoncé
que des avions ont attaqué les États-Unis. La télévision est en train de
diffuser des images de l'attaque". J'ai poursuivi ma séance de natation.
Après une demi-heure, je sortis de la piscine et m'habillai. Puis, je pris
le thé.
« Entre-temps, des amis sont arrivés. Tous parlaient de l'incroyable
événement. Jusqu'à cet instant, je n'avais pas encore vu les images de l'at-
taque. Je m'installai pour suivre avec eux les péripéties de l'événement.
Les commentaires allaient bon train. Pour l'un, c'était un coup étudié et
les avions qui avaient attaqué les deux tours étaient téléguidés par des
ondes spéciales. Pour un autre, c'étaient des avions commerciaux. D'au-
tres observations ont été avancées. J'écoutais sans faire de commentaire.
Ayant vu les gens fuir, en proie à la panique, je me demandai : "Quel
crime ces innocents ont-ils commis ?".
190
et ne pouvait être imaginé. On ne peut prévoir les conséquences d'un tel
acte.
« Quand on accomplit ce genre d'actions terroristes, on compromet
la légitimité de sa cause et on perd le soutien des peuples. Ces actes ne
peuvent pas permettre à ceux qui les ont planifiés d'atteindre leurs objec-
tifs ; bien au contraire, ils se retournent toujours contre eux.
« J'ai dit qu'il était très difficile, à ce moment-là, d'identifier, à partir
d'analyses préliminaires, l'auteur, ou la partie, qui se tient derrière, qu'il
était impossible pour les organes de sécurité des États-Unis, quelque per-
formants que soient les outils dont ils disposent, d'arriver rapidement à
un résultat, en se contentant de regarder la catastrophe. Je me suis
attendu à ce qu'ils découvrent très tôt les auteurs, mais qu'ils pourraient
échouer à identifier le véritable instigateur de la catastrophe et que l'acte
pourrait être revendiqué, comme cela se fait chaque fois en pareilles cir-
constances. Cela leur épargnerait des investigations. Les États-Unis - et,
avec eux, Israël - ont pris l'habitude d'appeler "terroriste" celui qui
résiste et qui cherche à récupérer son droit spolié, alors qu'il existe une loi
internationale reconnaissant les opérations de résistance comme des
actions légitimes. On fait maintenant un amalgame entre ceux qui font
de la résistance légitime contre l'occupant et ceux qui engendrent ces
catastrophes dramatiques. Cela n'est pas innocent ; cela est voulu et pro-
cède d'un amalgame des concepts et d'une négation du droit à la
résistance légitime.
« J'ai dit à mes hôtes qui souhaitaient m'entendre commenter l'évé-
nement que je n'évoquerai que les sentiments que m'inspirent ceux qui
se suicident, ceux qui se sont emparés de ces avions et se sont tués avec. Ce
comportement indique que, devant ce qui leur est arrivé, à eux ou à leurs
proches à cause de l'attitude des États-Unis, ils ressentaient une injustice
intolérable. Il ne fait pas de doute qu'ils savaient que l'argent ne pouvait
remplacer la vie et qu'il ne leur serait d'aucune utilité après la mort. L'ar-
gent n'était donc pas leur mobile. Je peux affirmer que ces gens n'étaient
pas des mercenaires. Mais l'injustice qui s'est abattue sur eux, a engendré
dans les profondeurs de leur être une immense rancune et le puissant
désir de se venger. Ne dit-on pas que l'injustice crée un climat délétère !
C'est le facteur qui incite à la vengeance. Tout en regrettant le sort des
innocents qui ont perdu la vie dans cette catastrophe, je me demandais si
l'Amérique était en train de prendre conscience de l'injustice de sa poli-
tique à l'égard de beaucoup de gens qu'elle poussait ainsi au suicide.
« J'aurais aimé que, au lieu de parler de "kamikazes terroristes", les
services de renseignement américains cherchent à savoir qui se trouve
191
derrière eux et qui leur a fait atteindre cette capacité à violer la sécurité
du pays. Je doutais qu'ils parviennent à connaître toute la vérité. Peut-
être fermaient-ils les yeux sur cette vérité, se contentant de désigner l'une
des organisations terroristes.
« En tout état de cause, la vérité sera entièrement connue dans les
jours à venir, car il est impossible d'accuser, avec cette rapidité et dans
un laps de temps aussi court, la partie qui se trouve derrière cette grave
action qui a pris pour cible le peuple américain, ce peuple qui n'accepte
pas les agissements de sa maladroite administration.
« Derrière ce type d'opérations, il y a toujours des forces cachées que
réunit un intérêt quelconque. Il ne sera pas aisé pour les services de ren-
seignement américains de dénouer toutes les ficelles de ce crime... Ce
qui compte, c'est que l'administration américaine prenne la mesure de
ce qui s'est produit afin de changer ses politiques et ses pressions sur
l'humanité. La patience des hommes et leur capacité à supporter l'injus-
tice ont des limites. Quant aux actions-suicides, on ne peut pas les
contrôler ; elles constituent le moyen ultime auquel a recours la victime
pour se venger de celui qui lui inflige cette injustice. Il n'est d'aucun pro-
fit pour l'Amérique d'être prompte à accuser et à réagir, car le fait pour
elle d'envisager la vengeance ne fera que pousser davantage les peuples à
se venger encore.
« Cet événement m'affecte profondément. J'ai souffert à cause des
destructions que subit l'humanité, à cause de la mort de ces innocents.
« Voilà ce que nous disions hier, quand la catastrophe s'est produite.
Nous le redisons aujourd'hui, sans rien y changer : l'injustice et la tyran-
nie de l'administration américaine pousseront les gens à se venger d'une
manière ou d'une autre. Nous rejetons toute action terroriste, qu'elle soit
le fait d'États ou d'individus. Mais il est fort possible que les services de
renseignement américains - ou le sionisme - ne soient pas innocents.
C'est bien l'Amérique qui a fabriqué Al-Qaïda en Afghanistan pour
qu'elle combatte l'Union Soviétique. Elle a utilisé cette catastrophe du
11 septembre comme prétexte pour attaquer l'Afghanistan et l'occuper,
pour attaquer l'Irak et l'occuper. Son opinion publique a cru à la désin-
formation de Bush. »
Après ces dernières paroles du président, je me suis remémoré ce que
faisaient les États-Unis depuis le 11 septembre 2001, pour trouver un
lien entre Saddam Hussein et Al-Qaïda. Dans une interview réalisée le
21 mars 2004, par CBS News, à la suite de la parution de son livre
"Contre tous les ennemis", Richard Clarke a affirmé que Bush lui avait
demandé, après le 11 septembre, de chercher un lien entre ces événe-
192
ments et le président Saddam Hussein, bien qu'il l'ait déjà informé qu'il
n'y en avait aucun. Il a également déclaré que Rumsfeld poussait, immé-
diatement après l'événement, dans le sens d'une attaque contre l'Irak.
Bush lui avait demandé de chercher à savoir si l'Irak avait commis ces
actes « comme si Bush souhaitait que je revienne le voir avec un rapport
disant que l'Irak avait fait cela. »
L'ÉTAT ET L'OPPOSITION
195
« J'ai toujours appliqué la loi de façon égalitaire.
« Je soutenais particulièrement le gouverneur de Saladin compte tenu
de la présence de mes proches dans cette province. Un jour, il m'a
contacté pour m'informer qu'un fils de mes proches conduisait sa
luxueuse voiture d'une manière dangereuse. Je lui ai demandé de sortir
lui-même et de mettre le feu à la voiture en question ou de donner des
ordres pour qu'on y mette le feu !
« Quand je recevais des informations sur Oudaï, le plus turbulent de
mes fils, j'étais constamment inquiet, au point de limiter ses prérogatives
dans maints domaines. J'appris, alors que l'Irak était sous embargo, qu'il
possédait de nombreuses automobiles, dont certaines reçues en présents
de commerçants ou d'amis. Je demandai à mon aide de camp où se trou-
vaient les voitures en question. Dès que j'appris qu'elles étaient au parc
de l'Assemblée nationale, je m'y rendis et les brûlai toutes. L'aide de
camp me demanda pourquoi ne pas les distribuer au peuple. Je lui rétor-
quai que quiconque recevrait une de ces voitures serait la cible de la
vengeance d'Oudaï et aurait des désagréments à mon insu.
« Je me fâchais quand j'apprenais qu'un de mes proches se compor-
tait mal, car son attitude rejaillissait sur ma réputation.
« Lorsque Oudaï fut la cible de tirs à Al-Mansour, lors d'une tentative
d'assassinat, je ne me suis même pas enquis de l'incident, je le jure. Je n'ai
même pas cherché à savoir si une enquête avait eu lieu ou pas, jusqu'à ce
que le directeur des services de renseignement vienne me voir et relate
certains détails des faits. Je me suis contenté de me rendre à son chevet,
à l'hôpital, avec quelques membres de la famille. »
J'ai alors demandé au président si ses fils avaient un rôle dans le pou-
voir de décision politique. Il me répondit ceci : « Ni ma petite famille ni
mes fils n'avaient un rôle ni dans la politique ni dans le processus déci-
sionnel politique. Le pouvoir de décision était de notre ressort, mes
compagnons et moi. Pour autant, mon avis, lors de la prise de décision,
ne résultait pas forcément de la somme des voix. En effet, pour décider,
le dirigeant ne doit pas tergiverser. Car je n'aime pas les gens hésitants. »
198
« Nous avons toujours, ajouta-t-il, respecté les hommes de religion,
de quelque confession qu'ils fussent, musulmans, chrétiens, sabéens, etc.
Ils n'ont jamais fait l'objet d'une discrimination quelconque, sauf s'ils
remettaient en cause les bases du patriotisme et de la fidélité à l'Irak. »
L'AMÉRIQUE ET L'IRAN
J'ai interrogé, à ce propos, le président, lui qui sait plus que quiconque
ce qu'est l'Iran qui, avec les « Safaoui », les chiites à sa solde, en ont fait
voir de toutes les couleurs à l'Irak, tout au long de son histoire. Il dit :
« L'Amérique ne frappera pas l'Iran, Israël non plus. Pour l'Amérique
qui a permis à l'Iran de jouer un grand rôle dans la destruction de l'Irak,
le principal ennemi est la résistance irakienne, pas l'Iran. Durant la
guerre irako-iranienne, je me suis rendu partout dans le pays, inspectant
la force dont nous disposions dans chaque escadron, apprenant par cœur
la nature de nos armes. Je puis dire que je connais tous les complots de
l'Iran. Et puis les chiites d'Irak, majoritaires dans notre vaillante armée,
sont des patriotes.
« Ce qui m'afflige, c'est l'attitude des Arabes qui ont assisté en spec-
tateurs à l'agression du Liban en juillet 2006, offrant à l'Iran l'occasion
de jouer sur les sentiments. Nos frères arabes sont bien loin de ce que
nous fûmes par le passé !
« Quant aux menaces d'Israël contre l'Iran, nous avons une expé-
rience, à ce propos. Quand les Iraniens ont demandé à passer par l'Irak,
pour combattre Israël, nous leur avons fait rater cette possibilité, en leur
répliquant que pour leur permettre de traverser nos terres vers Jérusa-
199
lem, il fallait d'abord conclure la paix ! Ils ont dit : Bagdad d'abord, Jéru-
salem ensuite.
« Lors de la guerre irako-iranienne, j'étais enchanté lorsqu'on me
disait que tel officier était kurde, beaucoup plus que s'il était arabe. Nous
avons combattu l'Iran, loin de tout esprit ethnique, alors qu'il voulait
imposer à notre peuple une guerre confessionnelle et ethnique qui déchi-
rerait son tissu national. Les deux principaux bénéficiaires de la
destruction de l'Irak et des Arabes seraient l'Iran et Israël.
« Contrairement à ceux qui disent que l'Amérique va frapper l'Iran,
je dis qu'elle ne le fera pas. C'est que si l'Amérique décide le faire, il lui
faut préparer une force terrestre au détroit d'Ormuz et à l'est du golfe
arabe. Sinon l'Iran fermera le détroit par ses canons et missiles. Toute
frappe de l'Amérique contre l'Iran fera grimper le prix du baril de pétrole
vers les 200 dollars. Trop cher...
« En ce qui concerne la Syrie, elle doit se tenir sur ses gardes, l'Iran
étant plus apte à étendre son influence au Liban. La Syrie est politique-
ment mûre et il est vrai qu'elle craint la résistance, parce que ses
conditions intérieures sont particulières. Il n'est pas dans son intérêt
d'ouvrir le front du Golan, qu'ils ne considèrent, d'ailleurs, pas comme
leur but essentiel. Mais la Syrie a tout à gagner à ouvrir ses frontières avec
le Liban, à soutenir la résistance libanaise et à laisser les portes grand
ouvertes aux volontaires. Et puis, les relations ont toujours été bonnes
entre le Liban et la Syrie, mais lorsqu'une partie étrangère intervient, elles
se détériorent. Nos frères au Liban devraient trouver une solution avec
leurs frères syriens, en dehors de l'emprise américaine, cette dernière
étant vouée à être annihilée, grâce à la résistance irakienne, beaucoup
plus vite que ne le pensent certains.
« Et je dis qu'Israël attend le feu vert pour frapper le réacteur
nucléaire iranien. Mais elle ne peut frapper des sites iraniens à la place
de l'Amérique, tant que l'Iran dispose de missiles capables d'atteindre
Israël.
« Quant à la Turquie, je crois qu'elle ne peut agir en dehors de ce qui
est permis par l'Amérique. Et celle-ci n'a pas d'intérêt à ce qu'il y ait ani-
mosité entre Turcs et Kurdes d'Irak.
« Je crois que l'Occident ne peut frapper l'Iran, cela serait fatal pour
lui. Par conséquent, les États-Unis trouveront un accord avec l'Iran, selon
leurs intérêts. Le peuple irakien paiera de ses richesses, de son indépen-
200
dance et de son unité nationale, le prix de cet accord. Tout ce remue
ménage autour de l'Iran n'est destiné qu'à occuper les Arabes par cette
question. Le sionisme ne veut pas que l'Iran soit frappé. L'Amérique n'est
pas seulement venue en Irak pour écarter Saddam Hussein du pouvoir,
même si cet objectif était caché, mais pour exécuter une stratégie à long
terme qui permettrait la réalisation des objectifs sionistes. Et si l'Amé-
rique considérait le réacteur nucléaire iranien comme un danger
menaçant l'entité sioniste elle ou l'entité sioniste l'aurait frappé avant
que l'Iran n'arrive à la phase de l'enrichissement de l'uranium, comme le
fit l'ennemi sioniste avec le réacteur irakien de Tamouz. Aussi, l'Amé-
rique voit-elle en la résistance irakienne le vrai danger et non ce qui a
trait à l'Iran ou l'intervention iranienne en Irak.
« Le maximum que je puisse imaginer, c'est que des avions américains
procèdent, pendant une période assez courte, à des frappes sur des cibles
déterminées, avant que soit annoncé un cessez-le-feu. C'est peu probable,
mais il se peut également que la frappe vienne des Démocrates. Ce serait
par décision du Conseil de Sécurité et non par décision américaine,
comme ce fut le cas en Irak.
202
Bourguiba, paix à son âme, l'a réprimandé en lui disant : "Comment
Bagdad peut-elle être frappée par vos missiles ? "
Et le président d'évoquer ceux qui continuent à le calomnier sur sa
gouvernance, ignorant l'extraordinaire parcours de l'Irak :
« Quant à ceux qui parlent d'erreurs commises dans un parcours de
35 ans, je leur dis que seul celui qui ne travaille pas ne commet pas de
faute. Est-il possible qu'une révolution qui compte toutes ces réalisations
et valeurs ne soit accompagnée d'erreurs, ici ou là ? Les révolutions qui
ont eu lieu dans le monde en étaient-elles exemptes ? Est-ce qu'une révo-
lution comme celle-ci, avec tous ses programmes économiques,
scientifiques, de ressources humaines et de développement peut exister
sans que des erreurs ne soient commises ? Nous sommes conscients que,
dès le début, on a comploté contre cette révolution grandiose et nous
savons que les conspirations ont commencé depuis que la révolution a
nationalisé le pétrole en 1972. À propos de notre peuple kurde et de l'au-
tonomie dont il jouissait, nous demandons : est-ce que les Kurdes dans
les pays voisins, plusieurs fois plus nombreux que ceux de l'Irak, ont les
mêmes droits que ceux dont jouit notre peuple ? Et lequel des pays dit
du Tiers-Monde a pu, comme l'Irak, venir à bout de l'analphabétisme,
en une période aussi courte ?
« Le système de santé en Irak dépassait de loin ceux de certains pays
développés. À l'ère de la révolution, nous avons formé, toutes spécialités
confondues, une armée de scientifiques, penseurs, enseignants, juges,
avocats. Ils constituent la richesse du peuple et de la nation.
« Quant à ceux qui parlent de démocratie, ils ont été les premiers à
l'entraver. Depuis que l'honneur du pouvoir nous a échu, il ne m'est
jamais arrivé de prendre une décision sans la participation de nos frères
du commandement, quel que soit le domaine. Où est donc la démocratie
de l'Occident, lorsque des millions de leurs peuples ont manifesté contre
la guerre en Irak, sans que leurs voix et leurs appels ne soient écoutés ?
« Les juges avaient une situation convenable et un bon niveau de vie.
Nous les entourions particulièrement de notre sollicitude pour qu'ils
assurent l'équité et rendent justice aux victimes. Pour qu'ils soient insen-
sibles à la corruption. Grâce à Dieu, le domaine de la justice n'a
enregistré aucune transgression ou abus. Le peuple vivait en paix et en
sécurité dans un État de droit et d'institutions.
« En 1990, l'Irak avait préparé un programme pour le multipartisme.
Nous allions le mettre en œuvre et l'appliquer, mais les circonstances
imposées par l'Amérique, le sionisme mondial, leurs agents et leurs
hommes de main, nous en ont empêchés.
203
« Oui, aujourd'hui comme hier, nous sommes soucieux de notre peu-
ple plus que de nous-mêmes et nous sommes attachés à son droit de
choisir, comme nous l'avons juré devant lui.
« Ce qui arrive aujourd'hui à notre peuple, patient et stoïque, rien que
pour son rôle pionnier et avant-gardiste dans le service des valeurs de sa
nation, fait mal au cœur. Qu'a fait l'Irak ? Avons-nous traversé les océans
et agressé l'Amérique ? Est-ce que nous avons des visées contre l'Amé-
rique ? Ce sont, je le jure, leurs rancunes et les rancunes des Perses, depuis
la nuit des temps.
204
« Quant à la France, elle a été influencée par les prises de position de
certains pays occidentaux qui se sont rangés derrière les États-Unis. La
France s'est même éloignée de ses positions du temps du général De
Gaulle. Je suis convaincu, étant donné que l'Amérique s'est retrouvée
seule à diriger le monde, que la France continuera à subir les influences
de la politique américaine jusqu'à l'émergence d'un autre grand pôle
comme la Chine et ses alliés.
« Les différentes prises de position à l'échelle internationale n'ont
malheureusement pas été à la hauteur de nos attentes - même les plus
infimes - pour interdire les agressions de 1991 et de 2003. Mais je consi-
dère qu'après l'effondrement des États Unis,- et ils s'effondreront par la
grâce de Dieu -, l'Europe unie s'imposera comme le pôle principal et le
plus influent de la politique internationale. Avec des positions indépen-
dantes. Les États européens s'affranchiront du suivisme actuel vis-à-vis
de la politique américaine.
« Avant 1990, j'avais prévu l'effondrement de l'URSS et du bloc de
l'Est. J'avais prédit le déséquilibre des rapports des forces qui en décou-
lerait, érigeant les États-Unis en hyperpuissance que nul contrepoids ne
pourrait contrôler. J'avais prédit que le monde arabe en pâtirait.
205
UNE BRUTALITÉ INATTENDUE
L'ONU BAFOUÉE
206
RENCONTRE DU PRÉSIDENT AVEC UN MINISTRE
IRANIEN
207
SOUVENIRS AVEC QUELQUES FRÈRES
210
Le président fit une digression :
« En général, tous les grands États dans le monde ne veulent pas
qu'un pays qui possède du pétrole et qui veut agir dans le sens de l'unité
et du développement, demeure stable, que ce pays soit l'Iran ou un autre.
Ils sont cependant plus durs et plus intransigeants envers les Arabes du
fait de leur frilosité vis-à-vis de la cause palestinienne. Mais je dis à ces
grands États que, s'ils veulent éviter d'autres guerres, mieux vaut utiliser
la menace de l'emploi de la force, que la force elle-même. Cependant, s'ils
utilisent la menace sans avoir de résultats, cela devient un problème très
grave.
« En ce qui concerne les publications, je vous informe que les jour-
naux qui commencent à me parvenir sont incomplets. En effet, ils
omettent de nombreux événements afin que je ne sois pas au courant de
ce qui se passe. Notamment la révolte actuelle des tribus irakiennes. »
Autre incise du président à propos des États-Unis :
« Au printemps 1990, je reçus la visite d'une délégation du Sénat amé-
ricain, accompagnée de personnalités, conduite par le sénateur Bob Dole.
Je les avais invités à Mossoul où je me trouvais, à bord d'un avion spé-
cial. Lors de notre rencontre, je leur proposai de faire du Proche-Orient
une zone d'interdiction des armes de destruction massive, comme pré-
lude à leur disparition dans le monde entier. Mon idée était que les
États-Unis devaient assumer le rôle principal de cette initiative. L'Irak,
alors, n'était pas en guerre avec les États-Unis, au contraire. Il sortait vic-
torieux de sa guerre contre l'Iran. Quand je reçus la visite du président
Hosni Moubarak, je lui demandai de parler au nom de l'Irak et de
l'Égypte. Et quand je lui dis que nous voulions que le Proche-Orient soit
une zone démunie d'armes de destruction massive, Israël y compris, il
fut étonné et dit : « C'est toi qui dis cela ? » Je répondis : " Tu peux par-
ler de cela en notre nom. " Nous avons même mis cette discussion par
écrit dans une lettre remise à l'ambassade américaine. J'avais expliqué au
sénateur la nécessité de réaliser cela, et lui avais demandé : " Que feriez-
vous si un terroriste mettait des armes de destruction massive dans une
voiture et la faisait exploser à Washington ? " Je lui conseillai de faire en
sorte que les États-Unis cessent d'exercer des pressions à l'encontre des
organisations palestiniennes, en soutenant Israël contre les Arabes. Je lui
ai dit : " Si Israël nous attaquait, nous répliquerions. " Mes paroles étaient
claires et je leur ai dit que, malgré notre demande de faire de la région
une zone démunie d'armes de destruction massive, il était du droit des
Arabes de posséder n'importe quelle arme dont disposait l'ennemi. Cer-
tains ont considéré nos paroles comme une menace pour Israël. Ce
211
discours a été tenu avant la guerre, c'est-à-dire avant l'offensive au
Koweït et avant que le problème des armes de destruction massive soit
soulevé.
« Par Dieu, les projecteurs étaient braqués sur Saddam Hussein
depuis 1959. Le populisme dominait alors le pouvoir, c'était une réalité,
du fait de ce maudit voisinage avec l'Iran. Mais le populisme, à la longue,
s'avère lâche et peureux, et finit dans la tyrannie, dans les tueries. Le
populisme en Irak était un choix sanguinaire. Ces populistes sont un
couteau planté dans le dos de la nation. Ils ont été défaits et sont appa-
rus faibles. Nos héros les ont frappés et leur ont infligé des défaites
successives.
La pensée nationaliste n'avait alors aucune capacité d'organisation.
J'informai le président de l'enlèvement de diplomates russes, il dit :
« Je suis persuadé qu'ils ont été enlevés par les Américains, afin de les
empêcher de révéler que l'Irak n'a pas d'armes et les motivations réelles
des Américains à occuper l'Irak. »
LETTRE À WASHINGTON
212
Il tenait à ce que nos propos soient tenus à l'abri des médias et des
analyses de personnes tendancieuses : son intention était de transmettre
une lettre explicative orale au gouvernement américain, par l'entremise
de monsieur Clark. Personne, en dehors de Maître Ramsey Clark et moi-
même, ne devait en connaître le contenu. Mais il se heurta au problème
de la traduction. Nous n'avions d'autre choix que de recourir à un
confrère arabe qui connaissait l'anglais. Cela força le président à se
contenter d'une lettre à l'intention du peuple américain. Il laissa à mon-
sieur Clark totale liberté quant à son moyen de diffusion.
Quant au message oral, il concernait un règlement global de la ques-
tion irakienne et de la région tout entière.
Comme je l'ai affirmé précédemment, il n'y a jamais eu de négocia-
tion avec le président Saddam Hussein. Quand je lui rendis visite avec
l'un de mes confrères à Camp Cropper, je lui demandai la permission
de lui parler, pour une fois, en toute franchise, sans mauvaise interpré-
tation. Je lui suggérai de s'ouvrir vers la partie américaine et de
s'entendre avec elle pour sauvegarder ce qui restait de l'Irak, pour sau-
vegarder son unité nationale et sa propre existence menacée. Ma
demande était motivée par l'insistance des personnes pour qui le sort
du président importait beaucoup et par leurs lettres.
Après mon exposé insistant, le président dit :
« Je ferai mon possible - si Dieu le veut - mais ils ne sont pas venus à
moi jusqu'à présent. Tous mes camarades de détention qui ont été
contactés ont refusé de coopérer avec les autorités américaines. Ils savent
que Saddam Hussein est la clé. »
Notre parti est un grand parti par son histoire, son cheminement, ses
acquis, ses choix nationaux et humanitaires. J'ai mal au cœur, lorsque
j'entends les voix de nos ennemis et de tous ceux que le sentimentalisme
et la rancune ont aveuglés, dire qu'il faut changer le nom de cette cita-
delle militante dont nous sommes partie intégrante et qui est partie
intégrante du peuple irakien et de son voisinage arabe.
Saddam Hussein en détention
Au cours de plusieurs entretiens, le président Saddam Hussein a émis
plusieurs prévisions, et fait part de divers sentiments envers ses frères et
enfants irakiens. Puis il dit:
« Ce que je prévois, c'est qu'un nouveau gouvernement succédera à
celui d'Al Maliki. Après quoi Bush ou le gouvernement américain vien-
213
dront frapper à la bonne porte. Ils mettront au pouvoir des gens non affi-
liés au parti Baas, et diront que c'est le gouvernement qui représente le
peuple. C'est ce qui arrivera dans les six mois qui viennent, j'en suis per-
suadé.
« Il y a quatre jours le 28 septembre 2006, je discutai avec mes cama-
rades de détention dans l'enceinte du tribunal. Je leur disais que si la crise
cessait et que l'Irak était libéré, les choses se dérouleraient ainsi :
• Premièrement, l'amnistie sera accordée à tous ceux qui reviendront
en Irak, y compris ceux qui ont dénoncé les enfants de Saddam Hussein.
Une amnistie générale, en somme.
• Deuxièmement, celui qui prendra les armes sera combattu jusqu'à la
mort, sauf s'il renonce. Il sera alors traité selon la loi relative à l'infrac-
tion commise. Nous ne pouvons changer au point de devenir des
imbéciles, après avoir été sévères et décidés, cela n'est pas possible. Nous
prévenons, nous dirigeons, nous pardonnons, mais le sérieux est indis-
pensable.
« Un jour, j'ai senti du fond de ma prison, que la situation était anor-
male à Bagdad. J'appris que le gouvernement avait institué un plan de
sécurité, ce qui me fit rire. Imaginez, après plus de trois ans d'occupa-
tion, les Américains et leurs valets du gouvernement veulent instituer un
plan de sécurité. Ils ont amené des renforts américains d'Al Anbar. Qu'a
fait alors l'armée de 150000 hommes et qu'attendent-ils de ce groupe ou
de ce bataillon ? Bagdad les engloutira et en engloutira des milliers
encore.
« Je dis à ceux qui veulent adopter une nouvelle constitution, que tout
acte accompli sous l'occupation est une reconnaissance de cette occupa-
tion. Je leur dis : celui qui n'a pas le peuple avec lui ne peut rien réussir.
« En Irak, il n'y a pas eu un seul jour de couvre-feu depuis la révolu-
tion des 17 au 30 juillet 1968. Je souffre pour le sang versé pour mon
peuple, car il est cher à notre cœur. Je comprends mon peuple mieux que
tout autre, car j'ai combattu l'Iran avec lui, et il m'importe qu'il soit vic-
torieux. Que représente la vie dans l'humiliation ? Nous ne voulons pas
d'une vie humiliante. Plutôt aller en enfer, avec sa dignité. C'est ce que
disaient nos anciens.
« Avant mon arrivée au pouvoir, les gens vivaient dans la pauvreté. Je
leur ai assuré une vie digne. Saddam vivait jusqu'à présent avec le revenu
de vice-président du conseil de commandement de la révolution. J'au-
rais honte de moi et de mes camarades si nous demandions à
reconsidérer nos revenus. Quand le prix de la tomate augmentait, Sad-
dam ne dormait pas la nuit. Mais maintenant...»
214
L'IRAK PEUT REDEVENIR FLORISSANT
« Le Bédouin s'est vengé après quarante années et a dit : j'ai été rapide.
Ce qui me chagrine, c'est que les enfants de notre peuple s'entre-déchi-
rent avec unefitna (discorde)religieuse. Il m'importait peu que quelqu'un
soit membre du parti ou non, chiite ou sunnite, chrétien ou autre, car les
particularismes étroits ne m'intéressent pas. J'ai dit un jour au chef du
cabinet Ahmed Hussein : vous devez agir avec les gens en fonction de leur
" irakité ". Certes, il est nécessaire de reconnaître les particularismes, mais
nous devons agir uniquement sur la base du mérite. Et quand je parle de
la secte chiite des «Safaoui », je dis qu'ils ne sont pas dupes, car leur rela-
tion avec l'Iran fait d'eux des ennemis du peuple. L'action clandestine
qu'ils entreprennent ne représente pas la bonne voie.
« Peut-être est-il nécessaire que les Sefaoui prennent le pouvoir pour
un temps, afin de montrer leur vrai visage. Même l'action de ceux qu'on
nomme " terroristes ", comme Zarkaoui et d'autres, est moins dange-
reuse que les agissements de ces envieux.
« En ce qui concerne ma vision de l'avenir, j'affirme que si Bush
reconnaît son erreur, il doit réparer le mal qu'il a fait. L'Amérique perdra
beaucoup et paiera le prix de ses crimes. À mon avis, ni le capitalisme ni
le communisme ne sont profitables aux peuples. La Justice seule est
garante de la stabilité.
215
LETTRE DU PRÉSIDENT À TALABANI
216
FIERTÉ DE L'ATTITUDE DES ARABES ET DES
IRAKIENS
LE VERDICT :
LA PEINE CAPITALE
« La paix soit sur le calife Omar quand il a dit : " Si seulement il y avait
une montagne de feu entre la Perse et nous." »
Saddam Hussein en captivité
« Je recommande à tous les Irakiens de préserver l'unité du pays et
d'être tolérants les uns envers les autres. La scission est l'objectif premier
de nos ennemis, qu'ils n'atteindront qu'en encourageant les haines
enfouies et les particularismes que nous rejetons tous. Et je vous dis :
Dieu vous bénisse, vous êtes, vous, des citoyens fidèles, emplis de foi et
d'abnégation au prix de votre vie et de votre sécurité... Je n'ai jamais
trouvé auprès de vous que la preuve vivante de l'endurance, de la persé-
vérance et du sacrifice de soi... »
Saddam Hussein en captivité
AL-ANFAL
probable qu'il aurait évoqué des aspects très embarrassant pour bien des
gouvernements, en premier lieu celui des États-Unis, qui fournissaient à
l'Irak, par le biais de certains États arabes, des informations fausses sur les
positions et les mouvements de l'armée iranienne. Au même moment,
Israël et les États-Unis fournissaient des armes à l'Iran (Irangate). On voit
1. Rappelons que l'opération «Al-Anfal» concerne les événements meurtriers dont fut
victime la population du Kurdistan irakien. Il s'agissait de déplacer des populations accu-
sées de liens avec l'Iran. Une composante de «Al-Anfal» fut le gazage du village de
Halabja. Dans cette affaire complexe, l'Irak accusait l'Iran de ces sévices tandis que cer-
taines factions kurdes et l'Iran accusaient Saddam. (N.d.T.)
220
donc comment ces derniers suivaient une politique ambivalente et faisait
tout leur possible pour épuiser l'énergie et les ressources tant de l'Irak que
de l'Iran. Leur but était de contrôler les réserves des pays du Golfe, de se
rapprocher de l'Asie centrale de contrôler la Russie et la Chine, de manière
à faire de l'entité sioniste la seule puissance militaire de la région.
Il est par ailleurs probable que le président aurait évoqué les négo-
ciations menées par les deux chefs de parti kurdes avec le gouvernement
irakien légitime, il avait, à cet égard, demandé la comparution de Jalal
Talabani comme témoin dans l'affaire d'Al Anfal. Le président aurait
aussi pu parler des documents relatifs à Halabja, déposés au ministère
des Affaires étrangères irakien, qui auraient pu gêner à la fois les Améri-
cains, les Allemands et les autres gouvernements impliqués dans cette
affaire. Talabani aurait eu en sa possession un document secret, dont il
avait connaissance et qu'il aurait pu révéler s'il avait été présent au pro-
cès de l'affaire Halabja. C'est pour ces raisons que l'Amérique, et tous
ceux qui s'étaient alignés sur elle, tenaient à séparer l'affaire d'Al Anfal
de celle de Halabja.
Signalons au passage que l'Iran insistait lourdement pour que l'affaire
de Halabja ne fût jamais évoquée devant la Cour de justice. Nous avons
eu connaissance des contacts que l'Iran avait établis avec des avocats
arabes du Comité de défense de Saddam. Ceux-ci s'étaient vus proposer
des millions de dollars contre la promesse de ne pas évoquer l'affaire ou,
dans le cas où ils seraient amenés à en discuter, de se contenter d'en attri-
buer la responsabilité aux Moujahidin de Khalk.
221
SADDAM REFUSE TOUT MARCHANDAGE
L'EXÉCUTION DU PRÉSIDENT
AU CENTRE DES PRÉOCCUPATIONS
L'un des moments les plus difficiles pour le président fut celui qui eut
lieu lors de l'entrevue du 4 novembre 2006, veille du verdict, avec mes
confrères. Nos regards étaient inquiets, comme si nous sentions qu'il
s'agissait d'adieux. Une tension sensible enveloppait la salle. Nous avions
obtenu une visite au président et nous attendions tous ce que le destin
nous réservait pour le lendemain matin. Le président était assis sur un
siège doté d'accoudoirs mais dont les pieds étaient fragiles. Pendant nos
échanges, il se penchait, tantôt vers l'arrière, tantôt vers l'avant. Brusque-
ment le siège se brisa net et il tomba à la renverse. Je me précipitai vers lui
pour le prendre sous les épaules et l'aider à se relever. L'officier américain
vint à mon aide et le siège fut changé. L'incident me laissa le goût d'un
sombre pressentiment. Puis l'officier nous prévint que le temps de l'en-
trevue était terminé. Mes confrères quittèrent la salle et je demandai au
président s'il voulait que je reste seul avec lui. Je le faisais chaque jour. Il
me jeta un regard étrange que je crois n'avoir jamais remarqué aupara-
vant. Je le pris comme un poignant signe d'adieu. Il me transperça
jusqu'au tréfonds de mon âme et révéla ce lien particulier qui s'était noué
entre nous au cours de ces jours difficiles. En mon for intérieur, je sou-
haitais qu'il ne me demandât pas de m'isoler avec lui. Il m'en dispensa,
comme si son intuition et sa perspicacité lui avaient fait deviner ma pen-
sée. Nous nous dîmes adieu du regard, avec le sentiment que c'était bien
la dernière fois. Je contins ma douleur, mais dès que nous fûmes séparés,
j'éclatai en sanglots. Sans retenue, contrairement à mon habitude. Les
Américains accoururent vers moi et tentèrent de me consoler. Mais j'ap-
pelai aussitôt mes confrères : je ne voulais pas me faire consoler par les
Américains qui étaient la cause de tous les malheurs de l'Irak.
Le 5 novembre 2006, le verdict tombe : la peine capitale.
« À quoi bon ? À qui vais-je adresser l'appel ? À mes ennemis ? Ils ont
monté ce procès inéquitable, et ils en ont écrit le scénario, du début à la
fin. Mais je vous affirme que je suis en paix. En paix parce que je vais à la
rencontre de Dieu, le cœur pur et ferme, les mains propres, la conscience
tranquille ; parce que j'ai toujours fait mon devoir en mon âme et
conscience et que je me suis toujours tenu du côté de la justice et du
droit. J'ai affronté l'injustice et je lui ai barré la route. J'aurais pu me
trouver une excuse, passer un marché avec eux. C'était possible, mais j'ai
juré devant Dieu de n'agir que selon ma conscience, ma religion, mon
amour et ma loyauté pour la nation irakienne. Après tous ces défis, après
le refus systématique de toutes les propositions qu'ils ont pu me faire,
224
pensez-vous que Saddam Hussein puisse encore marchander pour sau-
ver sa tête et demander sa libération ? Le Saddam Hussein que vous
connaissez ne peut s'y résoudre... Et si je le faisais, que pourrais-je dire
devant Dieu et devant les combattants ? Allez dire à celui qui vous a sug-
géré cette proposition, que Saddam Hussein ne prie que son Dieu et qu'il
ne priera personne d'autre de lui accorder quoi que ce soit. Que Dieu
confonde nos ennemis et fasse triompher les fidèles !
PAS DE HAINE !
« Je dis aux enfants de notre peuple : ne vous laissez pas gagner par
la haine. J'ai combattu Khomeïni pendant huit ans pour défendre l'Irak
et la nation, pour faire face aux projets expansionnistes et doctrinaires.
Mais jamais je n'ai haï mon ennemi. Je le jure sur le sang de mes pro-
pres enfants. Il était mon ennemi, je le combattais en le respectant,
comme c'était le cas pour le président George Bush. Bush a détruit mon
peuple, il l'a poussé à l'exode. Je l'ai combattu en y mettant toute ma
volonté et j'appelle encore à le combattre et à le vaincre. Mais ce n'est
jamais la rancœur qui me guide. Une ligne de démarcation doit toujours
séparer la haine du combat.
« Je vous invite aussi à ne jamais oublier que Saddam commença sa
226
vie en combattant, qu'il adhéra au parti Baas, qu'il arracha le pouvoir au
cercle fatal du chaos et de la destruction. Nous avons édifié l'Irak, pierre
par pierre et, quand l'heure fatale a sonné, j'ai affronté les ennemis de la
nation avec une âme de combattant et de résistant.
« J'ai disparu pendant huit mois, et je les ai passés à parcourir toutes
les régions de l'Irak. J'ai soutenu les actions de la résistance, en demeu-
rant à son contact. J'ai dormi chez des inconnus. Après seulement trois
mois d'occupation de Bagdad, j'ai libéré tous les soldats de ma garde per-
sonnelle à l'exception d'un seul, qui est resté avec moi.
« Je me suis déguisé au cours de mes déplacements, j'ai changé de
vêtements et d'apparence, j'ai parcouru des fermes, des champs, des
plantations, j'ai gravi des montagnes. J'ai toujours été porté par une
mentalité de combattant. Je l'ai gardée pendant mes années de détention,
même si, au cours du procès, on a essayé de me nuire par des allégations
et des photos mensongères .
« Lorsque la révolution a éclaté, en 1968, il n'y avait que 770 mem-
bres au sein du parti Baas. Il nous fallait alors un haut degré de
conscience et de militantisme. Le chemin de la victoire n'est jamais facile.
Ce fut la situation la plus délicate que le parti ait jamais connue avant
l'occupation actuelle.
« Peut-être vous ai-je ennuyé avec mes propos. Mais je vous le dis :
Dieu vous bénisse, vous êtes des hommes de foi et de loyauté et vous avez
exposé vos vies au danger qui vous guette à tout instant. Je n'ai trouvé
en vous que patience, persévérance et sacrifice personnel. Dieu vous
bénisse et qu'il bénisse aussi vos familles qui ne vous ont pas abandon-
nés quand vous avez décidé d'assurer ma défense et celle de mes
camarades. Louange à Dieu, le maître du monde, je l'implore de vous
récompenser, dans cette vie et dans l'au-delà, d'accorder sa miséricorde
au martyr Khémaies Al Abidi et de glorifier nos armées et notre peuple.
« Transmettez mes salutations à Um Ali, à sa mère et à ses sœurs, à
leurs enfants, à mes petits-fils, à toute la famille. À chacun son destin et
ses échéances. Qu'ils acceptent, dans leur foi, ce que Dieu nous a pres-
crit. Qu'ils se souviennent que leur père a lutté et combattu en homme
d'honneur, non pour gagner quelque faveur, mais pour mériter l'hon-
neur d'être issu de ce peuple et de cette nation. L'image que je garde en
moi aujourd'hui est celle d'un peuple et de ses forces armées, qui ont
toute ma confiance, même si certains paraissent hésitants. Il y a toujours
une avant-garde et une arrière-garde... Notre expérience est riche et
immense. Notre peuple est fils de culture et de civilisation, et notre parti
reste fidèle à ses principes, à la justice et à l'équité. »
227
Au cours de ce dernier entretien, le président ne manqua pas de rele-
ver mon absence. Il fut troublé de l'interdiction qui me frappait, alors
même qu'il avait besoin de ma présence. Dieu seul sait l'importance que
j'ai eue à ses côtés. Il avait sans doute deviné les intentions de ceux qui
ont tenté de m'éloigner de lui au dernier moment. Et c'est la raison pour
laquelle il voulut m'adresser ce poème qui fait ma fierté :
Noble, loyal et sans pareil Khalil.
Sa parole est suave, mais elle accable l'ennemi.
Jamais il ne tremble dans la difficulté ni ne trahit,
Mais gronde et roule l'adversaire, telle une déferlante,
Ferme comme le roc, patient et ouvert.
Même devant le monstre le plus redoutable,
Il est semblable à la flamme-attisée par le souffle de l'air,
Se répandant vers le ciel et avalant la terre.
Il escalade le ciel et le contient avec vigueur.
Jamais ses racines ne plient, ni ne rompent.
Semblable à la mer bouillonnante, aux vagues courroucées,
Il fait front et son épée ne plie devant personne, fut-il Abel.
Il est la patience, il est le courage et l'audace,
Quand l'injustice des États sévit et nous submerge,
Quand les vautours planent dans le ciel et que monte le cliquetis
[des fers.
Digne père de ton fils, Ala, nous ne te prêtons que de nobles
[intentions.
Toi, en qui nous avons vu l'homme de courage et généreux,
Jamais tu ne fuis l'adversité, tu la combats et l'encercles,
Digne et noble descendant de preux et valeureux guerriers.
Saddam Hussein,
Président de la République irakienne,
Commandant en chef des Forces armées combattantes.
Le 28 décembre 2006
Pendant toute cette période, les lettres entre l'ambassade et les res-
ponsables militaires américains furent légion. Ces derniers, finalement,
228
semblaient prendre conscience de l'erreur qu'ils avaient commise en
envahissant l'Irak, avec son cortège de destructions et de pertes pour les
deux parties. Avec toutes les ethnies et les confessions qui le composent,
l'Irak ne pouvait qu'approuver l'approche de Saddam Hussein dans sa
gestion passée des affaires et du gouvernement.
L'affaire d'Al Doujaïl fut l'un des grands chapitres du complot juri-
dique américano-iranien, même si des conseillers du gouvernement
américain ont affirmé que le délit d'Al Doujaïl ne méritait qu'une
condamnation de deux ans de prison..
Au moment où l'Irak était engagé dans une guerre sans merci contre
l'Iran, le président avait été victime d'une tentative d'assassinat menée
par des partisans du parti interdit du Premier ministre Al Maliki, Al
Da'wa, d'obédience iranienne. Comme c'est le cas chaque fois qu'un
chef militaire est victime d'une tentative d'assassinat, ce sont les autori-
tés spéciales qui mènent d'abord l'enquête avant de transmettre le dossier
aux autorités judiciaires indépendantes. Et si la constitution a investi
exclusivement le président de la République de ce pouvoir, c'est pour
permettre aux accusés d'y faire appel en dernier recours.
Or dans cette affaire, le président confirma certaines condamnations
à mort et en leva d'autres. Il est de notoriété publique que le parti d'Al
Da'wa était interdit en Irak et que, du fait de sa connivence avec un agres-
seur de l'Irak, la loi condamnait à la peine capitale ceux dont on pouvait
matériellement prouver l'adhésion au parti. Les membres de ce parti -
dont la plupart étaient déserteurs de l'armée - avaient commis des
crimes inqualifiables contre les enfants du pays.
Le président avait affirmé devant la cour :
« Quand on tire sur le président de la République, y compris sur celui
des États-Unis, ne doit-on pas s'attendre à ce qu'une enquête soit
menée ? N'est-il pas du ressort des services de sécurité d'enquêter sur ce
genre d'affaire ? Le seul responsable est Saddam Hussein, parce qu'il est
le seul à pouvoir arrêter l'instruction de l'affaire, parce qu'il est le seul à
pouvoir infirmer le jugement. Il n'est pas admissible de continuer ce petit
jeu. Si vous voulez sa vie, Saddam Hussein est à votre disposition. C'est
à lui seul que les Américains peuvent demander des comptes. Je suis res-
ponsable et j'ai, comme président de l'Irak, assumé mes prérogatives
constitutionnelles et légales. »
Une fois que le parti d'Al Da'wa se fut emparé du gouvernement
d'occupation et de ses institutions, parmi lesquelles cette cour, il était
229
tout à fait naturel que l'on travaille à y faire exécuter Saddam Hussein.
Mais le Comité de défense du président, avec une énergie aussi bien col-
lective qu'individuelle, démasqua les mensonges et les manigances de la
cour. Le rôle des témoins y contribua de façon déterminante, jetant le
trouble dans les rangs des juges et les irritant au point que certains
témoins à la détention furent condamnés -, un comportement qu'au-
cune cour, dans aucun pays au monde et dans aucune annale de la
justice, ne connut jamais.
230
du gouvernement irakien Nouri Al Maliki. Dès qu'il l'apprit, Moktada
Al Sadr fit savoir qu'il suspendrait la participation de ses ministres au
gouvernement de coalition si une telle rencontre avait lieu. Ce fut le cas
et Moktada mit sa menace à exécution. Mais le 14 novembre, soit deux
semaines après la condamnation de Saddam, l'un des membres du
groupe « Sadriste », Nacer Al Rabii annonça que son groupe réintégrait
le gouvernement et le parlement, ce qui fut fait le 21 du même mois. Ce
retour dans le giron du gouvernement nous amène à poser une question
que personne n'a soulevée : pourquoi Moktada Al Sadr est-il revenu sur
sa position de quitter le gouvernement ? Voici un extrait de sa fameuse
lettre : « Si les Américains n'autorisent pas l'exécution de Saddam le
deuxième jour de l'Aïd Al Idhha, les chiites déclareront la guerre aux cent
cinquante mille soldats américains en Irak. » {op. cit. pp. 250-262)
Le président,Saddam Hussein était retenu prisonnier au rez-de-
chaussée de l'une de ses résidences, située sur le lac Ennour, sur la rive
gauche du pont flottant. Il fut caché dans cette maison, habilement
camouflée pour échapper aux satellites d'observation. Les Américains
craignaient que la position ne soit divulguée à la résistance ou à l'Iran.
Même la peinture intérieure fut recouverte de dalles de liège, afin de ren-
dre le lieu méconnaissable, y compris aux yeux du président lui-même
qui avait supervisé la construction du bâtiment et qui aurait pu en don-
ner les coordonnées à la résistance par l'intermédiaire de ses avocats.
232
blaient de leurs insultes, lui reprochant la guerre avec l'Iran dans les
années 1980. Dans une nouvelle salle, il se trouva face à l'ancien avocat
Mounir Haddad, qui était devenu juge d'instruction. C'est lui qui, au
cours de l'une des audiences concernant les déplacements forcés des
Kurdes en 2005, avait déclaré qu'il résidait dans un pays du Golfe, qu'il
était milliardaire, et que personne ne pouvait l'influencer. Il avait pour-
suivi, s'adressant au président : « Arrête de parler politique ! Tu nous as
abreuvés de politique pendant trente-cinq ans et aujourd'hui, tu es pour-
suivi pour crimes de guerre !. »
Moktada pénétra dans la zone avec ses gardiens et, quand il vit le pré-
sident assis en train de lire le Coran, il lui lança : « Comment vas-tu,
tyran ? » Le président le regarda avec mépris, et l'un des gardiens de
Moktada lui frappa la tête de la crosse de son fusil.
Le juge Mounir Haddad demanda à Saddam de s'asseoir sur le siège
qui lui était réservé, puis il lut la décision inique de l'exécution. L'acte
portait la signature de Nouri Al Maliki, mais n'était pas validé par le pré-
sumé Conseil de la présidence, comme l'exigeaient les propres lois de
cette cour ridicule.
234
Pendant ce temps, Ali Al Messadi, photographe officiel d'Al Maliki,
prenait des clichés. Ensuite les criminels délièrent les mains de Saddam
pour les lier de nouveau dans son dos, remplacèrent les fers qui entra-
vaient ses pieds par un lien réservé aux exécutions. Le président demanda
au procureur général Monkidh Al Feraoun de remettre le Coran qu'il
avait sur lui à l'avocat Badr Al Bandar, afin qu'il soit remis à sa famille.
Le président présenta son cou à la corde avec une fierté et une foi
exemplaires que le monde entier a pu constater et qui sont bien loin de
ce qu'a pu prétendre Al Rabii à propos de la peur qu'aurait exprimé le
visage de Saddam. Il monta à l'échafaud, le nom de Dieu à la bouche :
« Ya Allah, Ya Allah. » Telle la montagne altière, tel le haut palmier ira-
kien, il se tint droit, ferme et courageux devant la corde. Cette attitude
imposante prit de court les comploteurs et dérouta ceux qui assistaient à
l'exécution.
Le président refusa le sac qu'on voulait lui mettre sur la tête mais
demanda qu'on le glisse autour de son cou, sous la corde. La corde avait
été remise aux Américains par un soldat sioniste. Elle avait été fabriquée
selon des normes de longueur, de matière et de tressage tout à fait
contraires à la loi. Avant qu'elle soit placée autour du cou de Saddam, un
soldat américain d'origine juive pénétra dans la salle. Il mesura la lon-
gueur de la corde jusqu'à ce qu'il eût atteint exactement trente-neuf
pouces. Puis le soldat demanda qu'on lui donne un cutter. On lui tendit
un couteau de boucher, celui qui était destiné à décapiter le président afin
que ses ennemis puissent brandir sa tête au bout d'une pique et la pro-
mener à travers la ville.
235
Mais pourquoi couper la corde à trente-neuf pouces ? Parce qu'en
1991, l'Irak avait lancé sur Tel-Aviv 39 missiles qui déclenchèrent la haine
des sionistes contre Saddam Hussein et constituèrent, probablement,
l'une des causes de son exécution. Moktada s'avança et mit soigneuse-
ment la corde autour du cou du président. Il s'assura que celui qu'il allait
exécuter de ses propres mains était bien Saddam Hussein, et non son
sosie. Le président s'avança avec assurance et se plaça au-dessus de la
trappe carrée de 80 centimètres de côté. L'un des membres du gouver-
nement - et non le gardien comme on le prétend - déclama selon la
tradition iranienne : « Dieu bénisse Mohammed et la famille de Moham-
med, Mohammed et Ali » ; un autre cria le nom de Mohammed Baker
Al Sadr, pendant que tous clamaient à l'unisson le nom de Moktada. Il y
eut même des invectives aigries envers le président, qui le poussèrent à
répondre : « Moktada... quelle bravoure ! ? ». Ses bourreaux ne l'épar-
gnaient même pas au moment où il s'apprêtait à affronter le destin que
Dieu lui avait réservé. L'un des membres du gouvernement de Maliki lui
cria au dernier moment : « Va en enfer ! », ce à quoi le président répon-
dit : « Au paradis, si Dieu le veut, en martyr pour l'Irak !. » C'est à ce
moment-là aussi que deux personnalités ont filmé la scène avec un télé-
phone portable ; l'un d'eux devait, par la suite, vendre le film à l'une des
chaînes satellitaire, pour la somme de 18 000 dollars.
Munkidh Al Feraoun, vice-procureur général du tribunal ethnique et
illégitime, tenta de faire taire les invectives et les huées envers le président, au
moins devant la caméra... Il leur répétait : « Je vous en prie... mes frères »,
mais ses appels furent perdus dans l'agitation et le vacarme. D'ailleurs, il
pensait sans doute beaucoup plus à la caméra qu'au respect du président.
Tout cela n'a rien d'étonnant de la part de ceux dont les scandales
n'arrêtaient pas d'éclater depuis qu'ils avaient commencé à comploter
contre l'Irak et son régime national ! Par exemple, les Américains avaient
invoqué toutes sortes de raisons pour interdire au Comité de défense de
Saddam Hussein d'accéder au tribunal. Ils avaient ensuite préparé eux-
mêmes une pétition pour la défense du président martyr. Et c'est ce
même tribunal médiocre et infâme qui demanda à un avocat nommé
Abd Al Samad Al Husseïni, titulaire d'un diplôme de droit falsifié, de lire
la prétendue pétition.
qui avait pour mission de renseigner les forces militaires irakiennes sur
l'ennemi au cours de la guerre avec l'Iran. Le bâtiment fut donc certai-
nement choisi pour symboliser l'esprit de revanche iranienne contre
l'Irak. Ce même Irak qui avait pu, sous la direction du président martyr
Saddam Hussein, repousser la campagne de Khomeïni qui projetait l'in-
vasion du pays et l'usurpation de ses terres, avant la conquête des autres
pays arabes du Golfe et de toute la péninsule Arabique.
237
Le jour suivant, après avoir humilié l'islam et les musulmans, Al
Maliki célébra l'événement à sa manière. Le jour de leur grande fête, l'aïd
Al idha, il maria son fils Ahmed. Tous les Iraniens qui avaient pris part à
l'assassinat, ainsi que leurs partisans, étaient présents à la noce. Signa-
lons qu'ils avaient au préalable décalé d'un jour la fête de l'aïd Al Idha, à
allant à l'encontre de toutes les traditions qui exigent, du fait de son inci-
dence directe sur le rituel du pèlerinage à la Mecque (Al Hadj), une
concordance absolue dans la désignation de la date de l'aïd Al Idha.
Certes, ils ne faisaient en cela que respecter les coutumes iraniennes qui
se distinguent des rites islamiques authentiques et de leur calendrier.
Pour ce qui est de la volonté d'Al Maliki (et avant lui d'Al Jaafari)
d'exécuter Saddam sous son mandat, il est facile d'en deviner les raisons :
la prétendue accusation d'Al Doujaïl concernait essentiellement le parti
Al Da'awa dont se réclamaient à la fois Al Maliki et Al Jaafari. Et
l'exécution constituait l'une des clauses initiales de l'accord « américano-
malikien. » La preuve en est qu'après l'assassinat du président, Al Maliki
déclara qu'il ne se souciait plus d'être démis de ses fonctions de prési-
dent du gouvernement. Il avait atteint son objectif...
La famille du président et son principal avocat contactèrent deux
nations arabes afin qu'elles interviennent auprès de l'administration
américaine pour autoriser le transport et l'inhumation du corps de Sad-
dam au Yémen. Au cours de ces négociations, le secrétaire du président
de l'une de ces deux nations m'a signifié ses profonds regrets pour ce qui
était arrivé.
LA PASSATION DE POUVOIR
Qu'il soit mille fois l'objet de la miséricorde divine ! Il vécut sur les
principes auxquels il adhérait, et mourut en martyr.
Maître Salah Al Mokhtar a dit :
« Tout individu qui a assisté à cette scène exceptionnelle [la mise à
mort du président] se retrouve face à une question sans réponse : com-
ment cet homme, qui a fait preuve d'un courage nettement supérieur à
celui que l'on observe dans les épopées héroïques des livres d'Histoire, qui
a refusé tous les marchandages avec fermeté, comment cet homme-là
peut-il être celui que les médias occidentaux, favorables au sionisme, ou
les organes de presse iraniens, xénophobes et haineux, décrivent comme
un être répugnant ? »
Puis il pose une deuxième question :
« Comment un homme qui, en toute connaissance de cause, sourit
quand on l'assassine, peut ne pas être un saint, guidé par la piété et la
pureté, un grand homme au regard des valeurs morales et rationnelles ? »
Les autres questions se déduisent d'elles-mêmes : quels principes a-t-
on inculqué dans son éducation à cette légende vivante pour faire face à
la mort avec un tel sourire, comme s'il était sûr d'aller vers la béatitude
éternelle ? Quels éléments de la psychologie de Saddam lui ont permis de
franchir les limites du possible et du rationnel, de se hisser à un niveau
exceptionnel d'héroïsme, de dignité et de nationalisme ? Qui a intérêt à
diaboliser ainsi un saint de notre époque, en ces temps qui ignorent les
saints ? Qu'est-ce que cet homme exceptionnel a bien pu accomplir d'ex-
ceptionnel pour que le trident du mal, l'Amérique, Israël et l'Iran, le
vouent à une mort atroce et n'ait pas masqué sa joie de le voir condamné ?
Jules Mounier, Secrétaire général de l'Association d'amitié franco-ira-
kienne a écrit : « Saddam laisse la marque d'un président qui aura tenté
de reconstruire la grandeur de l'ancienne Mésopotamie et de faire de
Bagdad un phare dans tout le monde arabe. Il mourut en combattant,
mais nous ne doutons pas que son message restera présent. »
241
« À notre peuple glorieux. À tous les membres de notre nation, et à
l'humanité tout entière. Nombreux parmi vous sont ceux qui connais-
sent Fauteur des propos qui vont suivre. Nombreux sont ceux qui sont
convaincus de son intégrité et du soin qu'il a toujours pris à servir loya-
lement son peuple, à diriger avec sagesse le gouvernement, à veiller
fermement à l'application de la justice dans les affaires du peuple et à
protéger les biens des citoyens et de l'État. Saddam Hussein a vécu, dans
sa conscience, au rythme de son peuple. Il souffrait quand le peuple était
dans le malheur et il ne retrouvait la paix qu'après avoir rendu justice
aux pauvres et aidé les nécessiteux. Son cœur était assez vaste pour tout
le peuple et toute la nation. Il était l'homme de la foi fidèle, celui qui reje-
tait toute discrimination entre les enfants du peuple, ou qui ne l'acceptait
qu'à partir de la sincérité des actions et de la compétence au service de la
nation. Aujourd'hui, sachant que l'intérêt des plus justes d'entre vous est
celui de la nation, je vous le dis : vous avez connu votre frère et votre chef
tel que le connaissent les membres de sa famille. Vous ne l'avez jamais vu
plier la tête devant les tyrans, vous l'avez connu, sabre brandi et étendard
déployé, au service des valeurs qu'il chérissait et pour le plus grand mal-
heur de tous les injustes. N'est-ce pas là l'image que vous gardez en vous
de votre frère, de votre fils, de votre chef ? C'est la même image qui doit
rester de Saddam Hussein. Et si elle avait été autre, à Dieu ne plaise, il
l'aurait lui-même reniée. C'est à son image que devront être choisis les
hommes qui doivent vous diriger, de véritables phares pour la nation,
fidèles à ses valeurs, les meilleurs d'entre vous après Dieu tout-puissant.
« J'offre ma vie en sacrifice, et si Dieu le veut, qu'il la conduise où bon
lui semble, auprès des élus, des justes et des martyrs. Mais s'il en décide
autrement, il reste le maître de la miséricorde, lui qui nous créa et vers
qui nous revenons. Nous garderons patience et nous nous appuierons
sur lui pour faire face aux nations de l'injustice.
« Mes chers frères, ô notre très cher peuple, je vous invite à préserver
toutes les valeurs qui vous rendent dignes de porter votre foi et de bran-
dir très haut l'étendard étincelant de la civilisation. Je vous recommande
de prendre soin de votre terre prophétique, qui a vu la naissance d'Abra-
ham le bien-aimé et d'autres prophètes, de cultiver les valeurs de la
grandeur que vous incarnez, et d'être toujours prêts à vous sacrifier pour
la nation et pour son peuple. Saddam a voué toute sa vie, ainsi que la vie
de tous les membres de sa famille, quel que soit leur âge, au service de la
nation, et ce depuis les toutes premières étapes du plan qu'il édifia pour
notre glorieux et généreux peuple. Il ne s'en est jamais détourné. Dieu
242
n'a pas voulu rappeler à lui Saddam Hussein au cours des épreuves à haut
risque qu'il a traversées, avant et après la Révolution. Et si sa volonté est
de le rappeler à l'occasion de cette ultime épreuve, alors qu'il l'avait pré-
muni jusqu'alors, il demeure libre de faire ce qu'il veut de sa création. La
mort de Saddam Hussein en martyr ne fait que le glorifier encore plus.
D'autres, plus jeunes que lui, ont accepté d'emprunter la même voie et
de connaître le même sort, en toute connaissance de cause et l'âme apai-
sée. Si Dieu veut que son âme monte auprès de lui en martyr, nous le
remercierons et le glorifierons pour ce qu'il a décidé. Prenons patience
ô fidèles et aidons-nous de la puissance et de la protection du Créateur,
pour faire face aux nations de l'injustice. Souvenez-vous que Saddam
Hussein est le monument altier et immense que Dieu vous a fourni et
dont vous devez vous inspirer dans votre vie privée pour devenir un
modèle de compassion, de pardon, de tolérance et de coexistence frater-
nelle. Dieu, dans sa clairvoyance, n'a pas voulu vous charger des peines
et des souffrances dont il a chargé l'un des vôtres afin qu'il vous serve
d'exemple et que vous vous en inspiriez. C'est également Dieu qui aida
les suppôts de Satan, les héritiers de Kisra et les forces d'outre Atlantique,
à tenter de corrompre des Irakiens et à les dresser ainsi contre leurs frères
de chair et de sang pour mieux servir leurs intérêts et les intérêts sio-
nistes. Il l'a fait pour vous révéler la haine que les ennemis vous portent,
pour démasquer les traîtres dans vos rangs, et pour faire naître la force
qui demeure en vous.
« C'est sur les fondements de la foi, de l'amour et de la paix que
revendique tout homme digne, que vous avez édifié, loin de toute haine,
de toute discorde et de tout ressentiment, les grandes réalisations de
l'Irak. C'est ce qui vous donne, lorsque vous marchez sous la bannière de
la nation depuis la grande et glorieuse révolution de juillet 1986, le sen-
timent de fierté et de sécurité qui orne vos fronts. Vous avez triomphé de
l'adversité et fait triompher les couleurs de l'Irak uni et solidaire dans les
tranchées du combat, comme dans les chantiers de nos grandes réalisa-
tions. Les ennemis de votre pays, les envahisseurs perses, ont trouvé votre
cohésion et votre unité préjudiciables à leurs visées. Ils ont alors soufflé
sur vous le vent mauvais de la discorde, comme ils l'avaient fait par le
passé. Certains, parmi vous, devenus des étrangers à la nationalité ira-
kienne, le cœur désormais empli de la haine que les Iraniens leur avaient
insufflée, ont servi leurs intérêts. Ils ont cru, honte sur eux, qu'ils pou-
vaient semer le vent de la discorde entre les vrais fils de ce pays, pour vous
affaiblir et vous dresser les uns contre les autres, lorsque vous deviez vous
243
unir contre vos véritables ennemis. Tous unis sous la bannière de Dieu
tout-puissant et celle du grand peuple irakien et de sa nation...
« Mes chers frères, valeureux combattants, je vous invite, avec insis-
tance, à dissiper la haine de votre cœur, parce qu'elle vous aveugle et vous
éloigne du sens de la justice. Elle obscurcit la raison et fige la pensée, ren-
dant sa proie incapable de tout discernement et de toute analyse
pondérée. Celui qui est travaillé par la haine ne perçoit ni la complexité,
ni l'évolution de la réalité. Il finit par prendre les pires ennemis et les
hommes les plus malhonnêtes pour ce qu'ils ne sont pas, portant ainsi
préjudice aux intérêts de notre peuple et de notre glorieuse nation.
« J'invite également toutes mes sœurs et tous mes frères, tous mes
enfants irakiens et tous les combattants, à ne pas haïr les peuples des
États qui nous ont agressés et à ne pas confondre ces peuples avec ceux
qui les gouvernent. Ce qu'il faut détester avant tout, c'est l'action détes-
table qu'ils ont entreprise. Laissez donc la haine loin de votre cœur et
loin de votre esprit, même si elle vous semble légitime. Ne détestez pas
ceux qui font le mal, mais détestez le mal lui-même et luttez contre ses
effets. Pardonnez à tous ceux qui, à l'intérieur ou à l'extérieur de l'Irak,
se repentiront et réintégreront la voie du bien. Offrez-leur une nouvelle
possibilité de se racheter, car Dieu est le maître du pardon et il aime ceux
qui pardonnent quand ils ont les moyens de sévir. La fermeté reste une
nécessité, mais le peuple et la nation ne l'acceptent que si elle est fondée
sur la loi, la justice et l'équité. Elle ne peut se borner à des violences gui-
dées par des haines ou des intérêts illégitimes. Sachez également, mes
chers frères, qu'il existe, parmi les peuples dont les États vous agressent,
des hommes qui soutiennent vos combats contre les envahisseurs. Cer-
tains d'entre eux, avocats, se sont portés volontaires pour assurer la
défense des détenus, dont Saddam Hussein. D'autres encore ont révélé
et condamné publiquement les scandales et les actions honteuses des
envahisseurs avant de nous quitter, en pleurant à chaudes larmes, quand
leur mission fut accomplie. C'est ce à quoi je vous invite et ce que je vous
recommande : soyez un peuple uni et fidèle, œuvrant pour son bien et
pour celui de l'humanité, toujours sincère et conséquent dans ses actes,
autant avec lui-même qu'avec les autres.
« À notre généreux et fidèle peuple, je dis adieu. Mon âme est déjà
entre les mains de Dieu le miséricordieux, qui jamais ne dessert celui qui
se confie à lui et jamais ne déçoit le croyant fidèle et sincère.
244
« Dieu est grand. Dieu est grand ! Vive notre nation irakienne ! Que
l'humanité vive en paix et en sécurité, là où régnent la justice et l'équité !
Dieu est grand. Vive notre grand peuple combattant ! Vive l'Irak ! Vive
l'Irak ! Vive la Palestine, vive la résistance et les résistants ! Dieu est grand.
Honte aux infâmes ! »
Saddam Hussein, président de la République
Commandant en chef des forces armées de la résistance
Le 4 novembre 2006
245
246
ANNEXES
247
248
ANNEXE I
LETTRES DU COMBATTANT
SADDAM HUSSEÏN
250
Annexe I
PREMIÈRE LETTRE
251
SADDAM Les secrets d'une mise à mort
DEUXIÈME LETTRE
252
A n n e x eI
TROISIÈME LETTRE
Le criminel Bush est entré dans Bagdad, comme le fit avant lui
Holaku, tel le poison dans le corps, et quel poison !
Ils ne vous ont pas vaincus, vous qui refusez l'occupation et
l'humiliation, vous dont le cœur et l'esprit sont les foyers de l'ara-
bité et de l'islam. Ils ne vous ont vaincus que par la trahison. Mais,
par Dieu, ce ne sera pas leur victoire tant que vos âmes abriteront
le désir de résistance. Désormais, ce que nous avons toujours dit
éclate au grand jour, nous ne vivrons jamais en paix tant que le
cancer de l'entité sioniste sera entré sur nos terres arabes. Et c'est
pour cette raison que toutes les causes arabes sont une.
253
SADDAM Les secrets d'une mise à mort
QUATRIÈME LETTRE
254
Annexe I
CINQUIÈME LETTRE
Le 9 mai 2003
255
SADDAM Les secrets d'une mise à mort
SIXIÈME LETTRE
256
Annexe I
SEPTIÈME LETTRE
257
SADDAM Les secrets d'une mise à mort
HUITIÈME LETTRE
258
Annexe I
NEUVI È M E L E T T R E
Le 25 juillet 2003
259
SADDAM Les secrets d'une mise à mort
DIXIÈME LETTRE
260
Annexe I
ONZIEME L E T T R E
261
SADDAM Les secrets d'une mise à mort
DOUZIÈME LETTRE
(LA DERNIÈRE AVANT L'ARRESTATION)
262
A N N E X E III
ANNONCE DE LA MORT DE
SADDAM HUSSEIN
264
sacrifices les plus lourds et les plus nombreux même parmi ses
chefs pour sauvegarder ses valeurs, ses principes et sa liberté.
Qu'ils se rappellent l'exemple insigne de l'un des plus grands chefs
que l'humanité ait connus et que l'un de ses braves et valeureux
compagnons évoqua en citant le saint Coran : Mohammed n'est
qu'un prophète que d'autres prophètes ont devancé avant de
mourir avant lui. S'il devait mourir ou être tué, devez-vous pour
autant renier votre foi ? Ceux qui se renient ne nuiront en rien à
Dieu. « Que ceux qui adoraient Mohammed sachent que Moham-
med est mort, et que ceux qui adorent Dieu apprennent que Dieu
est vivant et éternel. »
Nous le clamons, face à la terre entière : « Que ceux qui com-
battent pour Saddam Husseïn sachent qu'il a accompli son rôle
de martyr glorieux et bienheureux, comme tous les grands de
notre nation ; et que ceux qui combattent pour la nation, son
unité, sa liberté et son avenir sachent que la nation demeure, éter-
nelle, jusqu'à ce que Dieu hérite de la terre et de ceux qu'elle
porte, selon sa volonté et sa loi...
Camarades, je vous invite à transformer le jour du martyr de
notre chef en une journée de déclenchement d'un mouvement de
révolte de tous les combattants courageux, patriotes, nationalistes
et musulmans unis. Visez l'occupant usurpateur en premier lieu,
ses agents et ses espions connus ensuite et préservez la sécurité du
peuple, ses biens et ses intérêts. Ne laissez pas le terrorisme s'im-
miscer dans vos rangs, et que cette journée soit celle de l'unité, de
la concorde et de la réconciliation de tous sur le champ de bataille
et dans tous les autres domaines... »
« J'invite tous les chers frères, chefs valeureux et résistants de
nos courageuses troupes combattantes dans tous les secteurs de la
lutte, à œuvrer sérieusement et en toute loyauté à unifier nos
lignes de combat, pour donner naissance à la résistance à laquelle
notre peuple et notre nation aspirent intensément et impatiem-
ment et à en coordonner les actions sur les plans militaire,
politique et médiatique. C'est là la seule manière de tirer le meil-
leur parti de notre potentiel, de parvenir à détruire l'ennemi et à
libérer notre chère patrie...
265
Aux nobles enfants de notre nation dans les partis, les organi-
sations, les mouvements et les courants politiques : unissez vos
rangs et intensifiez l'action de votre résistance héroïque et victo-
rieuse, afin que nous puissions mettre à exécution la sentence de
mort contre nos occupants, leurs agents et leurs espions sur
chaque parcelle de la terre sacrée de l'Irak. Et que la révolte de la
U m m a s'enracine dans la révolte de l'Irak victorieux, afin de
concrétiser son unité, sa liberté et d'édifier son avenir et son État
sur les valeurs de la foi et de la civilisation. L'Irak continuera ainsi
à assurer sa mission de guide, de défenseur de la justice, de la paix
et de la liberté pour toutes les autres nations. Luttons pour une
civilisation qui préserve l'humanité de l'homme, qui l'aide à pro-
mouvoir son potentiel et sa créativité, et qui répande les valeurs
de la vertu et de la morale.
Que la paix soit avec toi, ô notre chef, le jour où tu te dressas,
de toute ta fierté, face aux tempêtes du mal et de l'obscurantisme.
Que la paix soit avec toi le jour où tu accomplis ton devoir et y
mis ta famille, tes biens et ta vie comme prix...
Nous jurons devant Dieu le Tout Puissant et te jurons, à toi et
à tous les martyrs de la nation, ainsi qu'à ses grandes figures his-
toriques, de rester les fidèles gardiens du message éternel du ciel,
jusqu'à ce que Dieu, que sa puissance soit glorifiée, rende possi-
ble, par son soutien, la victoire pour laquelle tu t'es sacrifié.
Que la paix soit avec les martyrs du Baas, que la paix soit avec
les martyrs de la Palestine chère à nos cœurs, que la paix soit avec
les martyrs des deux nations arabes et islamiques, la paix éternelle,
avec les valeureux combattants héroïques, patriotes, nationalistes
et musulmans.
Que nos fidèles combattants sachent que Dieu aime ceux qui
luttent pour son nom, unis comme la muraille imprenable. »
Al Mo'taz Billah
Izzet Ibrahim Ad Douri
Serviteur du combat et des combattants
266
ANNONCE DE LA MORT DU PRÉSIDENT PAR LE
DOCTEUR MAHATIR MOHAMMED
268
COMMUNIQUÉ DU COMITÉ DE DÉFENSE DU
PRÉSIDENT SADDAM HUSSEIN
269
Cour de justice. Celle-ci n'était qu'une décision américaine, et son
verdict était connu et prévisible.
Le martyr a choisi la voie du don de soi et du sacrifice, en
pleine connaissance de cause et même avec une conviction iné-
branlable, affirmant sans cesse que le combat du droit contre la
force ne prendra pas fin avec cette épreuve de la confrontation
inégale de la justice partisane et du droit, ni avec aucune autre
d'ailleurs. Le Comité de défense ne classera pas le dossier et conti-
nuera son combat juridique avec tous les moyens légaux à sa
disposition, à l'échelle locale et internationale, jusqu'à ce que
l'opinion publique soit informée de toute la vérité et que toutes
les dimensions de cet assassinat politique soient révélées, une fois
qu'on aura prouvé que l'objectif de. toute l'entreprise engagée était
de se débarrasser de Saddam Hussein et non de révéler quelque
vérité que ce soit.
Le Comité de défense attend de toutes les organisations et de
toutes les personnalités internationales dans les domaines du droit
et de la jurisprudence qu'elles intensifient leurs efforts pour faire
toute la vérité et la révéler au grand jour et rappelle qu'il est pos-
sible d'oublier le mal que nos ennemis ont dit de nous, mais
impossible d'occulter le silence des amis.
Le martyre de Saddam Hussein restera à jamais, aux yeux de
tous les combattants de la planète, le symbole de la résistance du
droit d'une nation à disposer d'elle-même face à la loi de la domi-
nation et de l'hégémonie américaine. Il mourut en martyr tel un
fier palmier de l'Irak, et sa dernière demeure sera le paradis
céleste, si Dieu le veut.
Le Comité de défense du président
Saddam Hussein
Le 30 décembre 2006
270
A N N E X E III
TEXTE DE LA RENCONTRE DE
SADDAM HUSSEIN AVEC
L'AMBASSADEUR AMÉRICAIN
APRIL GLASBY
Le 25 juillet 1990, le président Saddam Hussein invita l'am-
bassadeur des États-Unis d'Amérique, Madame April Glasby. Il lui
fit part de ce qui suit :
« Nous avons entretenu des relations durant la guerre irako-
iranienne, au niveau du ministère des Affaires étrangères, et nous
espérions aboutir à une meilleure entente commune et à de plus
grandes opportunités de coopération, dans l'intérêt de nos peu-
ples et de tous les peuples arabes. Mais ces relations ont connu
plusieurs moments critiques, surtout en 1986, au cours de ce qui
est connu comme l'Irangate, deux années après l'établissement de
relations entre nous.
« La crise de l'Irangate est intervenue au cours de l'année pen-
dant laquelle l'Iran a occupé la presqu'île irakienne du Fao. Nous
pensions, tout naturellement, pouvoir dire à ce moment que nos
anciennes relations, et l'enchevêtrement de nos intérêts réci-
proques pouvaient absorber et neutraliser de nombreuses erreurs.
Mais quand les intérêts sont limités dans leur portée, et les rela-
tions toutes récentes, il ne peut y avoir d'accord profond et les
erreurs peuvent avoir des retombées négatives. Parfois, les consé-
quences de l'erreur peuvent être plus sévères que l'erreur
elle-même.
« Malgré cela, nous avons accepté les excuses que nous a trans-
mises l'émissaire du président américain, en ce qui concerne
l'Irangate, avons refermé la page du passé et nous nous sommes
dit qu'il ne fallait pas remuer ce passé, sauf si des événements nou-
271
veaux nous font prendre conscience que les erreurs passées
n'étaient pas un simple hasard. Il y a, aux États-Unis, des groupes
qui ont travaillé à dresser les pays du Golfe contre l'Irak, pour
qu'ils en aient peur et qu'ils refusent de lui apporter le soutien
dont il a besoin. Nous avons en notre possession les preuves de ces
incitations.
« Certes, l'Irak est sorti de la guerre accablé de nombreuses
dettes. Et comme je l'ai indiqué, une partie de cette dette était
constituée par le soutien financier que nous ont apporté certains
pays arabes. Et vous savez parfaitement, comme eux, que s'il n'y
avait pas l'Irak, ces pays n'auraient pas pu disposer de toutes ces
sommes et que l'avenir de toute la région aurait été complètement
différent.
« Puis, nous avons commencé à faire face à la politique de
baisse du prix du pétrole, et avons constaté que les États-Unis, qui
ne cessent de parler de démocratie, ne laissent aucune possibilité
à la partie adverse d'exposer son point de vue. La campagne
contre Saddam Hussein a ensuite été engagée par les médias offi-
ciels américains. Les États-Unis pensent sans doute que la
situation en Irak est semblable à celle de la Pologne et de la Tché-
coslovaquie. Et même si cette campagne nous a embarrassés, nous
ne nous sommes pas inquiétés outre mesure, parce que nous vou-
lions laisser une opportunité aux décideurs des États-Unis de
prendre conscience des vérités et de juger en connaissance de
cause, si cette campagne médiatique avait une quelconque
influence sur l'état d'esprit des Irakiens. Nous espérions voir les
autorités américaines prendre la bonne décision en ce qui
concerne ces relations avec l'Irak, parce que ceux qui sont liés par
de bonnes relations supportent parfois les divergences. Mais
quand la politique planifiée et préméditée de baisse des prix du
pétrole, sans aucune justification commerciale pertinente, a été
engagée, cela signifiait le déclenchement d'une autre guerre contre
l'Irak. Si la guerre par les armes tue les gens en faisant couler leur
sang, la guerre économique détruit leur humanité en les privant
de la chance de jouir d'un niveau de vie satisfaisant. Et comme
vous le savez, des fleuves de sang ont été répandus pendant une
guerre qui a duré huit ans, sans que jamais nous ne perdions notre
272
humanité. Les Irakiens ont le droit de prétendre à une vie digne,
et nous ne permettrons à personne d'attenter à la dignité ira-
kienne et au droit des Irakiens de jouir d'un niveau de vie
honorable.
« Le Koweït et les Émirats arabes unis ont constitué le front de
cette politique qui vise à rabaisser la position de l'Irak et à priver
son peuple d'un niveau de vie et de moyens économiques supé-
rieurs. Vous savez que le Koweït étend son territoire aux dépens
de notre terre et qu'il ne s'agit pas là d'une simple rumeur. Par ail-
leurs, j'attire votre attention sur le document qui fixe le parcours
des rondes militaires sur la frontière, entériné par la Ligue Arabe
en 1961, et qui interdit aux patrouilles militaires de franchir cette
ligne. Maintenant, vous pouvez constater par vous-même que les
rondes koweïtiennes, ainsi que les installations pétrolières de ce
pays à proximité de la ligne de frontière, ne sont là que pour affir-
mer leur prétention sur cette terre irakienne.
« Nous croyons que les États-Unis doivent prendre conscience
que les hommes qui vivent dans l'aisance économique peuvent
parvenir à un accord avec eux sur leurs intérêts légitimes com-
muns, contrairement à ceux qui vivent dans le dénuement
économique et dans la faim. Nous n'admettons pas les menaces,
d'où qu'elles viennent, et souhaitons que les États-Unis ne se fas-
sent pas trop d'illusions. Nous travaillerons à augmenter le
nombre de nos amis et non de nos ennemis... J'ai en effet lu des
déclarations américaines parlant d'amitiés dans la région, et cha-
cun demeure, bien évidemment, libre de choisir ses amis, mais
vous savez très bien que ce n'est pas vous qui avez assuré la pro-
tection de vos amis au cours de la guerre contre l'Iran. Et je peux
vous assurer que si les forces iraniennes avaient envahi la région,
vous n'auriez pu les arrêter qu'en utilisant les armes nucléaires. Je
ne veux pas par là diminuer l'importance de votre rôle, je tiens
uniquement compte de la composition et de la nature de la société
américaine qui ne tolère pas la mort de dizaines de milliers de sol-
dats dans une seule bataille.
« Vous savez que l'Iran a accepté le cessez-le-feu, non parce que
les États-Unis ont bombardé l'une de ses plateformes pétrolières,
mais uniquement après que nous eûmes libéré la région irakienne
273
du Fao. Est-ce là la récompense que l'Irak mérite pour avoir pré-
servé la stabilité de la région et lui avoir évité un déluge sans
précédent? Et puis, que peut signifier la déclaration selon laquelle
l'Amérique protégerait ses amis contre les prétentions irakiennes ?
Cette attitude et bien d'autres déclarations et manœuvres ont
encouragé le Koweït et les Émirats arabes unis à ignorer les droits
irakiens.
« Je le dis de la manière la plus claire, les droits de l'Irak, tels que
mentionnés dans le mémorandum, seront tous respectés et hono-
rés, peut-être pas aujourd'hui, dans un mois ou dans un an, mais
devront tous être respectés... Nous ne sommes pas de ceux qui
renoncent à leurs droits et aucune autorité historique ou légale ne
peut servir de prétexte au Koweït et aux Émirats arabes unis pour
ne pas honorer leurs engagements et nos droits. S'ils sont dans le
besoin, nous connaissons également la même situation.
« Les États-Unis doivent avoir une meilleure compréhension
de la situation et dire quels sont leurs amis et leurs ennemis. Ils
n'ont pas à considérer comme leurs propres ennemis ceux qui
adoptent une position différente de la leur à propos du conflit
entre les Arabes et Israël. Noue déduisons de vos déclarations que
vous souhaitez que l'approvisionnement en pétrole se poursuive
dans le cadre de la concertation avec les pays de la région et dans
le respect des intérêts de toutes les parties. Mais nous ne compre-
nons pas les tentatives qui incitent certaines parties à nuire aux
intérêts de l'Irak. Vous voulez assurer l'approvisionnement en
pétrole, et nous le comprenons très bien, mais vous n'avez pas à
utiliser pour cela le déploiement des forces ni les pressions. Si vous
recourez aux pressions, nous userons et des pressions et de la
force. Vous pouvez nous nuire, même si nous ne vous menaçons
guère; mais nous pouvons également vous nuire, selon nos
moyens et notre puissance. Nous ne pouvons pas parcourir toute
la distance qui nous sépare des États-Unis, mais des individus
arabes peuvent le faire.
« Vous pouvez débarquer en Irak avec vos avions et vos mis-
siles, mais ne nous poussez pas au point de non retour. Car si vous
voulez nous humilier et annihiler la possibilité pour les Irakiens
de prétendre à une vie digne, nous répondrons à vos centaines de
274
missiles par les quelques dizaines en notre possession. La vie sans
dignité est sans valeur aucune. Il est inadmissible pour nous de
demander aux enfants de notre peuple, qui ont consenti en sacri-
fices des torrents de sang durant huit ans, d'accepter l'agression
du Koweït, des Émirats arabes unis, des États-Unis ou d'Israël.
Précisons que nous ne mettons pas tous ces pays dans le même
bateau, mais nous souffrons du différend qui nous oppose au
Koweït et aux Émirats arabes unis, qui devrait connaître une solu-
tion dans un cadre arabe de négociations bilatérales directes. Et
nous ne comptons pas l'Amérique parmi nos ennemis, mais à la
place qui revient à nos amis. Toutefois, les déclarations améri-
caines de l'an passé révèlent que les Américains ne nous prennent
pas pour des amis, et ils sont libres dans ce qu'ils font. Si nous
recherchons l'amitié, c'est dans le cadre du respect de la liberté
d'initiative et de la dignité. Nous demandons à être traités selon
notre rang, comme nous traitons nos partenaires en tenant
compte de leurs intérêts au même titre que des nôtres, et nous
attendons d'eux qu'ils agissent de même. Comment peut-on com-
prendre l'invitation du ministre de la Guerre sioniste au
États-Unis en ce moment ? Que signifient ces déclarations enflam-
mées et insidieuses diffusées à partir de Tel-Aviv, ces derniers
jours, sur l'imminence d'une guerre plus qu'à aucun autre
moment par le passé ?
« Nous ne voulons pas la guerre parce que nous savons ce
qu'elle signifie ; mais ne nous poussez pas à la considérer comme
le derniers recours en vue d'assurer à notre peuple une vie dans
la dignité. Nous sommes décidés à vivre, ou à mourir, dans la
dignité. Nous ne vous demandons pas de résoudre notre pro-
blème qui peut être solutionné dans un cadre arabe. Mais ne
poussez personne à s'engager dans une entreprise hasardeuse qui
excède ses moyens. Personne ne souffrira par la faute de l'amitié
qui le lie à l'Irak. Le président américain, selon mon analyse des
faits, n'a pas encore commis de faute à l'égard des Arabes, même
si nous considérons comme erronée sa décision de geler le dia-
logue avec l'OLP Est. Il l'a apparemment prise pour faire plaisir
au lobby sioniste, ou comme une composante dans une stratégie
visant à apaiser la colère des sionistes avant de revenir à une
275
deuxième tentative de dialogue avec les Palestiniens. Nous espé-
rons que c'est le deuxième terme de l'alternative qui sera le bon.
« Vous donnez satisfaction à l'usurpateur sur les plans écono-
mique, politique et militaire et mettez vos médias à son service.
Quand vous adressez un compliment aux Arabes, c'est contre trois
déclarations de bienveillance, destinées à plaire à l'usurpateur sio-
niste. Quand verrons-nous une initiative américaine, en faveur
d'une solution équitable aux yeux de 200 millions d'hommes,
engagée avec la même conviction que les initiatives que vous pre-
nez en faveur de 3 millions de Juifs? Oui, nous recherchons
l'amitié, mais nous ne harcelons personne pour l'obtenir, de
même que nous refusons toutes les agressions militaires, mais
nous répondrons si nous sommes agressés. C'est là notre droit,
que l'agression vienne de l'Amérique, d'Israël, du Koweït ou des
Émirats arabes unis, sachant que je ne mets pas tous ces pays sur
le même plan. Mais quand ces deux pays arabes essayent d'affai-
blir l'Irak, ils contribuent par leur action à aider l'ennemi. Il sera
alors du droit de l'Irak de se défendre.
« J'espère que le président Bush lira lui-même ces propos et
qu'il ne laissera pas l'affaire entre les mains de la bande du minis-
tère des Affaires étrangères, dont j'excepte Kelly que je connais et
avec qui j'ai évoqué nos positions respectives auparavant. »
La réponse de l'ambassadrice américaine
« Je vous remercie, Monsieur le président, et je suis heureuse,
en ma qualité de diplomate, de vous rencontrer et de parler direc-
tement avec vous. Je comprends parfaitement votre message parce
que j'ai étudié l'Histoire à l'école qui nous a habitués à répéter "La
liberté ou la mort". Je vis en Irak depuis des années et j'admire les
efforts exceptionnels que vous déployez pour reconstruire votre
pays. Je connais votre besoin de financements et nous devons
recréer l'opportunité favorable à la reconstruction de votre pays.
Mais nous n'avons pas d'opinion sur les conflits arabo-arabes,
comme celui qui vous oppose sur la délimitation des frontières au
Koweït que nous considérons comme une affaire interne. »
Ensuite, l'ambassadrice a exprimé l'inquiétude de son pays face
au renforcement du dispositif militaire dans le sud du pays et ce
276
Annexe III
277
278
ANNEXE IV I
280
ANNEXE V
LA BATAILLE DE L'AÉROPORT
DE BAGDAD
282
contrôle de l'aéroport par les forces terrestres, après avoir détruit
les défenses. Des avions B52 ont participé aux bombardements
massacrant la majorité des individus, brûlés ou soufflés. Ce pilon-
nage systématique était inhabituel, tant sur le plan de la durée, du
volume de bombes larguées, que la nature de ces dernières (utili-
sation d'armes prohibées telles que les bombes à neutrons,
incendiaires ou paralysantes). Ensuite, l'ennemi procéda au para-
chutage sur l'autoroute stratégique, près de l'aéroport.
4- Extension de la bataille terrestre
Elle a duré du 3 au 8 avril 2003 et s'est déroulée aux alentours
et à l'intérieur même de l'aéroport, ainsi qu'au complexe de la
Radhouania. Des affrontements violents et féroces opposèrent la
garde républicaine, les unités des forces spéciales, les fedayins de
Saddam, l'infanterie et les missiles de la garde républicaine d'un
côté, et les forces de l'envahisseur de l'autre. Des vagues de soldats
des troupes terrestres ou aéroportées ont été totalement anéan-
ties. L'ennemi a battu en retraite après l'affrontement pour
permettre à ses avions de renouveler l'opération de destruction.
De notre côté, nous en profitions pour retourner aux abris, afin
de limiter l'impact des bombardements ennemis. La tactique uti-
lisée par les deux parties lors de ces affrontements, fut celle de
l'attaque-retrait, mais la puissance de feu de l'ennemi était plus
forte et sa latitude à recourir à de nouvelles forces plus large.
La bataille a été directement dirigée par le président et son fils
Koussaï. Le président donnait personnellement ses directives aux
forces spéciales de la garde républicaine quant à la stratégie de
combat et à la direction des opérations. La bataille décisive eut lieu
dans le vaste complexe présidentiel de Radhouania. De violents
affrontements entre les forces spéciales de la garde républicaine,
l'infanterie et les fedayins d'un côté, et l'ennemi de l'autre, ont eu
lieu ; ce dernier y a subi des pertes considérables, ce qui le poussa
à utiliser les bombes à neutrons. La majorité de nos forces de la
défense de l'aéroport ont été anéanties. Personne n'a survécu.
283
ANNEXE VI
LA CARTE D ' I R A K
284
285
GOLFE PERSIQUE
286
Achevé d'imprimer en février 2010
par Mondadori Printing, Italie
287