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Éléments d’analyse mathématique des fluides

incompressibles

Charlotte Perrin

18 mars 2024
2
Chapitre 1

Introduction aux équations de la mécanique


des fluides

références : Boyer, Fabrie Mathematical tools for the study of the incompressible Navier-Stokes
equations and related models

1.1 Échelles de description


Pour rappel, on distingue usuellement trois échelles de description pour un système de particules
en interaction :
— échelle microscopique → modèles de "dynamique moléculaire" ;
— échelle mésoscopique → modèles cinétiques ;
— macroscopique : mécanique des milieux continus
On s’intéresse dans ce cours à cette dernière échelle. Grosso modo, cette description macrosco-
pique est valide quand les longueurs caractéristiques du problème sont grandes par rapport au libre
parcours moyen des particules/molécules. Dans ce cas, le mouvement des particules peut être consi-
déré d’un point de vue moyenné, c’est-à-dire qu’on va décrire l’état / la dynamique d’un volume
élémentaire de fluide au travers des variables macroscopiques de : densité (masse contenue dans le
volumne élémentaire), notée dans la suite ρ ≥ 0, et vitesse macroscopique (vitesse moyenne des par-
ticules dans ce volume élémentaire), notée dans la suite v (à valeurs dans Rd , d étant la dimension
d’espace).
Remarque : Au-delà de la vitesse v, et de la densité ρ, l’écoulement d’un fluide peut être décrit
par d’autres variables : entropie, température, salinité, etc. Cependant, nous nous limiterons dans ce
cours aux variables de vitesse et densité.

1.2 Points de vue Eulérien et Lagrangien


On distingue usuellement deux points de vue pour décrire l’écoulement d’un fluide.

Point de vue Lagrangien Le point de vue Lagrangien consiste lui à suivre les "particules de fluides"
au cours du temps. Dans ce cadre, on introduit X (t ; t 0 , a) la position à l’instant t de la particule qui

3
4 CHAPITRE 1. INTRODUCTION AUX ÉQUATIONS DE LA MÉCANIQUE DES FLUIDES

était en a à l’instant t 0 . L’application t 7→ X (t ; t 0 , a) est appelée trajectoire de la particule de fluide


(aussi appelée caractéristique).
Vitesse et trajectoires sont liées par l’équation caractéristique :

 ∂X (t ; t 0 , a) = v ¡t , X (t ; t , a)¢,

0
∂t (1.1)
X (t 0 ; t 0 , a) = a.

Point de vue Eulérien C’est en général selon ce point de vue qu’on exprime les équations de la
dynamique. On se place dans la position d’un observateur situé à l’instant t à la position x ∈ Rd (d est
la dimension d’espace). La bonne notion de dérivée en temps pour la quantité f (t , x) = f (t , X (t ; t 0 , a))
est donnée par la dérivée matérielle :
Df ∂f
:= + (v · ∇) f . (1.2)
Dt ∂t
Rappel : on a pour une fonction f (à valeurs scalaires ou vectorielles)
d
X ∂
(v · ∇) f = vi f
i =1 ∂x i

Dit autrement, regarder la dérivée matérielle consiste à étudier les variations en temps le long des
trajectoires du fluide.

Théorème de transport Soit Ω0 , le volume occupé par le fluide à l’instant 0, on définit le flot ϕt tel
que l’ensemble¡ Ωt = ϕ¢t (Ω0 ) contient les mêmes particules de fluides qu’à l’instant 0. Notons qu’on a
X (t ; t 0 , a) = ϕt ϕ−1
t 0 (a) .
On introduit l’opérateur de divergence, défini de manière générale comme la trace de la matrice
Jacobienne.
— La divergence d’un champ g = (g 1 , . . . , g d ) ∈ Rd est ainsi donnée par :
d ∂g
X i
div (g ) := . (1.3)
i =1 ∂x i

— On appelle divergence du tenseur G = (G i , j )i , j ∈ Rd ×d , le vecteur :


d ∂G
X i,j
div (G) := . (1.4)
j =1 ∂x j

On introduit également le Jacobien du flot : J (t , ·) := det Dϕ(t , ·)

Proposition 1.1. On a
d
J (t , a) = div v (t , ϕt (a)).J (t , a).
¡ ¢
(1.5)
dt
Démonstration. En utilisant l’équation caractéristique (1.1) et la formule de la différentielle d’une
fonction composée, on a

 d Dϕ (a) = D v(t , ϕ (a)).Dϕ (a),



t t t ∀a ∈ Ω0 ,
dt
Dϕ0 = Id.

1.2. POINTS DE VUE EULÉRIEN ET LAGRANGIEN 5

D’autre part, on rappelle que :

det(A + H ) = det(A) + (det A)Tr(H A −1 ) + o(H ),


H →0

de sorte que, en utilisant une nouvelle fois la formule de différentiation d’une fonction composée :
d
J (t , a) = Tr D v(t , ϕt (a)).Dϕt (a)(Dϕt (a))−1 .J (t , a)
¡ ¢
dt
= div v (t , ϕt (a)).J (t , a).
¡ ¢

Théorème 1.2 (Théorème de transport). — Pour toute fonction f ∈ C 1 (R+ × Rd ; R) on a :


d ∂f
Z Z µ ¶
f (t , x)d x = + div ( f v) (t , x) d x, (1.6)
d t Ωt Ωt ∂t

— Pour toute fonction F ∈ C 1 (R+ × Rd ; Rd ) on a :


d ∂F
Z Z µ ¶
F (t , x)d x = + div (F ⊗ v) (t , x) d x, (1.7)
d t Ωt Ωt ∂t

où le produit tensoriel ⊗ est donné par : (F ⊗ v)i , j := F i v j pour tous i , j ∈ {1, . . . , d }.


Démonstration. On a tout d’abord par le changement de variable x = ϕt (a) :
Z Z
f (t , x)d x = f (t , ϕt (a))|J (t , a)|d a,
Ωt Ω0

de sorte que
d d ¡ d
Z Z Z
f (t , ϕt (a)) |J (t , a)|d a + f (t , ϕt (a)) |J (t , a)|d a
¢
f (t , x)d x =
dt Ωt dt dt
ZΩ0 ³ Ω0
´
= ∂t f (t , ϕt (a)) + (v(t , ϕt (a)) · ∇) f (t , ϕt (a)) |J (t , a)|d a
Ω0
J (t , a) d
Z
+ f (t , ϕt (a)) J (t , a)d a
Ω0 |J (t , a)| d t
Z ³
= ∂t f (t , ϕt (a)) + (v(t , ϕt (a)) · ∇) f (t , ϕt (a))
Ω0
´
+ f (t , ϕt (a)) div v (t , ϕt (a)) |J (t , a)|d a.
¡ ¢

Par changement de variable inverse, on en déduit que :


d
Z Z ³ ´
∂t f (t , x) + (v(t , x) · ∇) f (t , x) + f (t , x) div v (t , x) d x
¡ ¢
f (t , x)d x =
d t Ωt
ZΩ t ³ ´
= ∂t f (t , x) + div ( f v)(t , x) d x.
Ωt

dans le cas où f est à valeurs scalaires.


Dans le cas où f est à valeurs vectorielles on utilise l’identité suivante :

div (u ⊗ v) = (div v)u + (v · ∇)u, (1.8)

pour tous champs vectoriels u, v.


6 CHAPITRE 1. INTRODUCTION AUX ÉQUATIONS DE LA MÉCANIQUE DES FLUIDES

1.3 Équations d’évolution, principes de conservation et lois de com-


portement
1.3.1 Équations bilans
Principe de conservation de la masse En supposant qu’il y a conservation globale de la matière
dans le système, on a
d
Z
ρ(t , x)d x = 0,
d t Ωt
et ainsi par le théorème de transport 1.2 :
∂ρ
Z µ ¶
+ div (ρv) (t , x) d x = 0, ∀ t ≥ 0.
Ωt ∂t

Ceci étant vérifié pour tout élément Ωt , on a l’équation locale de conservation de la masse (aussi
appelée équation de continuité) :
∂t ρ + div (ρv) = 0 (1.9)

Bilan de quantité de mouvement On définit la quantité de mouvement totale dans l’élément de


fluide Ωt : Z
ρ(t , x)v(t , x) d x.
Ωt
Le Principe Fondamental de la Dynamique (2e loi de Newton) stipule que la variation en temps de
cette quantité de mouvement totale est égale à la somme des forces qui s’exercent sur cet élément de
fluide, c’est-à-dire la somme
— des forces volumiques, en notant f les (/la densité des) forces extérieures s’appliquant sur l’élé-
ment de fluide (e.g. la force gravité) Z
ρ f d x;
Ωt

— et des forces surfaciques qui rendent comptent des forces exercées par les autres éléments
fluide de l’écoulement sur Ωt :
Z
σ(t , y).nd y, n = normale unit. sortante à la surface ∂Ωt ,
∂Ωt

σ est appelé tenseur des contraintes de Cauchy (Cauchy stress tensor).


Par le théorème de transport et le théorème de divergence on a donc :
∂(ρv)
Z · ¸ Z Z
+ div (ρv ⊗ v) d x = ρf dx + div (σ) d x.
Ωt ∂t Ωt Ωt

L’équation (locale) de la quantité de mouvement s’écrit

∂t (ρv) + div (ρv ⊗ v) − div (σ) = ρ f (1.10)

1.3.2 Lois de comportement et lois d’état


Il reste à "fermer" le système formé par les deux équations bilans (1.9)-(1.10), en précisant la dé-
pendance de σ vis-à-vis de nos deux inconnues ρ et v.
1.3. ÉQUATIONS D’ÉVOLUTION, PRINCIPES DE CONSERVATION ET LOIS DE COMPORTEMENT 7

Décomposition du tenseur des contraintes Tout d’abord, commençons par une propriété fonda-
mentale du tenseur des contraintes :
Proposition 1.3 (Thm I.3.4 Boyer & Fabrie). Supposons que, ρ, v et f sont régulières, alors le tenseur
des contraintes σ est symétrique.
On décompose alors le tenseur σ de la façon suivante :

σ = −pId + S (1.11)


— la composante −pId représente les contraintes subies quand le fluide est au repos, i.e. quand
v = 0. On appelle p = p(t , x) ∈ R la pression du fluide ;
— la composante S ∈ M d ,s ym (R) est appelée tenseur des contraintes visqueuses.

Loi d’état - Fluide barotrope On dit qu’un fluide est barotrope quand la pression est une fonction
de la seule densité :
p = P (ρ). (1.12)
Se donner une fonction P (via la thermodynamique), c’est se munir d’une loi d’état. On peut prendre
par exemple, la loi des gaz isentropiques : P (ρ) = aρ γ , avec a > 0, γ > 1.

Loi constitutive / de comportement du fluide - Hypothèse de fluide Newtonien Se donner un loi


de comportement, c’est expliciter comment S est relié à la vitesse u et éventuellement aux autres
variables de densité, pression, température, etc.
On dit que le fluide est Newtonien si le tenseur des contraintes visqueuses S dépend linéairement de
D(v), D(v) étant défini comme la partie symétrique du gradient :

∇v + (∇v)t
D(v) := ,
2
aussi appelé tenseur des taux de cisaillement (shear rate tensor).
Sous l’hypothèse d’un fluide newtonien, on écrit le tenseur des contraintes visqueuses sous la
forme :
S = 2µD(v) + λdiv v Id (1.13)
Les deux coefficients µ et λ sont deux coefficents réels (qui pourraient, en toute généralité, aussi
dépendre de ρ, p, ou de la température) :
— µ ≥ 0 est appelée viscosité de cisaillement (shear viscosity) ;
2
— λ + µ ≥ 0 (ou parfois juste λ) est appelée viscosité de volume (bulk viscosity).
d

Exercice : vérifier les formules suivantes pour un champ v ∈ Rd

Tr(D(v)) = Tr(∇v) = div v, (1.14)


t
div ((∇v) ) = ∇(div v), (1.15)
div (2D(v)) = ∆v + ∇(div v), (1.16)
¡ ¢
div (div v)Id = ∇(div v), (1.17)

où on définit le Laplacien par ∆v := div (∇v).


8 CHAPITRE 1. INTRODUCTION AUX ÉQUATIONS DE LA MÉCANIQUE DES FLUIDES

1.3.3 Conclusion - Système d’équations


On a obtenu le système d’équations suivantes sur les inconnues (ρ, v) :
(
∂t ρ + div (ρv) = 0,
∀ t > 0, x ∈ Ω ⊂ Rd , (1.18)
∂t (ρv) + div (ρv ⊗ v) + ∇P (ρ) − µ∆v − ∇ (λ + µ)div v = ρ f ,
¡ ¢

appelé
2
— système de Navier-Stokes compressible quand µ > 0, λ + µ ≥ 0;
d
— système d’Euler compressible quand µ = λ = 0 (fluide non-visqueux).
On complète finalement le système avec une condition initiale (ρ 0 , (ρv)0 ) et des conditions au bord
du domaine Ω.
Remarque : d’un point de vue mathématique, les équations d’Euler expriment des phénomènes
de transport et se rattachent donc à la classe des systèmes hyperboliques, tandis que le système de
Navier-Stokes couple des phénomènes de transport et de diffusion (liée à la présence de viscosité).

1.4 Équations d’Euler et Navier-Stokes incompressibles


Proposition 1.4 (Définition régime incompressible). Un écoulement est dit incompressible si l’une de
ces propriétés suivantes équivalentes est satisfaite :
1. le volume de n’importe quel élément de fluide est constant au cours du temps ;
2. le champ de vitesse v est à divergence nulle : div v = 0 ;
3. la densité est constante le long des trajectoires.

Idée de la preuve. — 1 ⇐⇒ 2 : on applique le théorème de transport

d d
Z Z
|Ωt | = 1dx = div v d x;
dt dt Ωt Ωt


— 2 ⇐⇒ 3 on écrit le bilan de masse sous la forme = −ρdiv v.
Dt

Dans le régime incompressible, si la densité initiale à t = 0 est constante, ρ 0 (x) ≡ ρ 0 > 0 alors,
comme ρ est constant le long des caractérisitques, on en déduit que ρ(t , x) ≡ ρ 0 pour tous t , x. Le
fluide est alors dit homogène.

Équations de Navier-Stokes incompressible homogène


(
div v = 0,
(1.19)
∂t v + (v · ∇)v + ∇p − ν∆v = f ,

où ν > 0 est appelée viscosité cinématique, et la "pression" p (qui n’est plus une fonction de la den-
sité) est comprise comme un multiplicateur de Lagrange associé à la contrainte d’incompressibilité
div v = 0.
1.5. VORTICITÉ 9

Remarque : On rappelle que l’équation de quantité de mouvement est une équation vectorielle,
on a pour tout i entre 1 et d :

d d
∂t v i + v j ∂x j v i + ∂x i p − ν ∂2x j v i = f i .
X X
j =1 j =1

Équations d’Euler incompressible homogène Dans le cas d’un fluide non-visqueux, incom-
pressible homogène (on dit parfois fluide parfait), on obtient le système
(
div v = 0,
(1.20)
∂t v + (v · ∇)v + ∇p = f .

Exercice : Montrer que pour une solution régulière (v, p) de (1.19) on a le bilan local d’énergie
suivant µ 2¶ µµ 2 ¶ ¶
|v| |v|
∂t + div + p v − ν(∇v) .v + νTr((∇v)t ∇v) = f · v.
t
(1.21)
2 2 | {z }
| {z } =|∇v|2
=energie cinétique loc.

1.5 Vorticité
La vorticité au sein de l’écoulement est définie comme suit :

ω = curl v (1.22)


— si d = 2
∂v 2 ∂v 1
curl v := ∇ ∧ v = − ∈ R,
∂x 1 ∂x 2
mais on peut également écrire ω = ∇⊥ · v où ∇⊥ := (−∂x2 , ∂x1 )t ;
— si d = 3
∂v 3 ∂v 2
 

 ∂x 2 ∂x 3 
 
 ∂v
 1 ∂v 3 

curl v := ∇ ∧ v =  −  ∈ R3 ;
 ∂x 3 ∂x 1 
 ∂v 2 ∂v 1 
 

∂x 1 ∂x 2

Remarque : En français l’opérateur curl est appelé rot.


Pour comprendre cette notion, on peut considérer un fluide en rotation dont le champ de vitesse est
donné en coordonnées cylindriques par l’équation v(r ) = r Ω ∧ e r où Ω est la vitesse angulaire. On a
alors ω = curl v = 2Ω. Ainsi, la vorticité doit être comprise comme la mesure de la vitesse angulaire
locale des particules de fluides.
10 CHAPITRE 1. INTRODUCTION AUX ÉQUATIONS DE LA MÉCANIQUE DES FLUIDES

Exercice : on considère b un champ scalaire, A un champ vectoriel, vérifier les formules suivantes
curl (∇b) = 0 (1.23)
div (curl A) = 0 (1.24)
curl (b A) = b(curl A) + (∇b) ∧ A (1.25)
1
(A · ∇)A = ∇|A|2 − A ∧ curl A (1.26)
2
curl (curl A) = ∇div A − ∆A (1.27)
Pour simplifier, on supposera dans toute la suite que f ≡ 0 et que les équations (1.19)-(1.20) sont
posées sur Rd tout entier.

1.5.1 Écoulements bidimensionnels


En appliquant l’opérateur curl au système (1.19), on obtient quand d = 2 l’équation scalaire :

= ν∆ω; (1.28)
Dt
Pour un fluide non-visqueux (ν = 0), cela implique que la vorticité est conservée le long des trajec-
toires X (t , a) := X (t ; 0, a) :
ω(t , X (t , a)) = ω0 (a), ∀ t ≥ 0, a ∈ R2 .

Formulation vorticité-courant Comme div v = 0, il existe une fonction courant (unique à une constante
additive près), notée ψ(t , x), telle que
v = ∇⊥ ψ := (−∂x2 ψ, ∂x1 ψ)t . (1.29)
En appliquant alors l’opérateur curl obtient l’équation de Poisson :
ω = ∆ψ. (1.30)
On peut alors exprimer ψ comme la convolution du potentiel newtonien avec ω (ref : Evans (PDE,
Chap 2) ou Folland (1995)) :
1
Z
ψ(t , x) = ln |x − y|ω(t , y) d y, x ∈ R2 ,
2π R2
et en différentiant
x2 x1 t
µ ¶
1
Z
v(t , x) = K 2 (x − y)ω(t , y) d y, où K 2 (x) = − , . (1.31)
R2 2π |x|2 |x|2
On retrouve donc la vitesse à partir de la vorticité ω au moyen d’un opérateur nonlocal, la loi (1.31) ci-
dessous est appelée loi de Biot-Savart (utilisée en électromagnétisme) et on écrit v = B S[ω] = K 2 ∗ ω.
Proposition 1.5 (Formulation vorticité-courant 2D). Pour des écoulements bidimensionnnels décrois-
sant vers 0 suffisamment vite quand |x| → +∞, les équations de Navier-Stokes incompressible (1.19)
sont équivalentes à la formulation vorticité courant

∂t ω + v · ∇ω = ν∆ω,

∀ t ≥ 0, x ∈ R2 (1.32)
Z
v(t , x) = B S[ω](t , x) := K 2 (x − y)ω(t , y) d y,
R2

La pression peut également être retrouvée en résolvant l’équation de Poisson :


−∆p = div (v · ∇v) = Tr(∇v)2 (1.33)
1.5. VORTICITÉ 11

1.5.2 Écoulements tridimensionnels


En appliquant l’opérateur curl au système (1.19), on obtient quand d = 3 l’équation vectorielle :

= ω · ∇v + ν∆ω; (1.34)
Dt
On souhaite obtenir une formulation vorticité-courant similaire au cas bidimensionnel.
ref : bertozzi, majda section 2.4

Décomposition de Hodge et loi de Biot-Savart Dans le cas 3d , on doit résoudre le problème


(
curl v = ω,
(1.35)
div v = 0,

qui est sur-déterminé a priori car on a 4 équations pour seulement 3 inconnues (les trois composantes
du champ de vitesse).

Proposition 1.6. Soit ω ∈ L 2 (R3 ; R3 ), décroisssant vers 0 suffisamment vite à l’infini. Alors
1. Eq (1.35) admet une solution régulière v qui s’annule quand |x| → +∞ si et seulement si

div ω = 0;

2. si div ω = 0, alors la solution v satisfait

v = −curl ψ,

où ψ est la fonction courant vectorielle qui satisfait l’équation de Poisson (vectorielle)

∆ψ = ω.

La vitesse v est alors donnée par la formule de Biot-Savart

1 x ∧h
Z
v(x) = B S[ω](x) := K 3 (x − y)ω(y)d y, où K 3 (x)h = , ∀ h ∈ R3 . (1.36)
R3 4π |x|3

Démonstration. — D’abord, si v est solution de (1.35) alors en particulier ω = curl v et donc par
l’identité (1.24) on a nécessairement div ω = 0.
— Dans l’autre sens, on suppose que div ω = 0 et on veut construire v solution de (1.35). On com-
mence par introduire ψ solution de l’équation de Poisson
1 ω(y)
Z
∆ψ = ω =⇒ ψ(x) = d y. (1.37)
4π R3 |x − y|

ref : Evans (PDE, Chap 2) ou Folland (1995).


Rappelons maintenant l’identité (1.27) :

ω = ∆ψ = −curl curl ψ + ∇div ψ, (1.38)

identité qu’on multiplie par ∇div ψ et qu’on intègre ensuite sur espace :
Z Z Z
2
|∇div ψ| d x = curl curl ψ · ∇div ψ d x − ω · ∇div ψ d x
R3 R3 R3
12 CHAPITRE 1. INTRODUCTION AUX ÉQUATIONS DE LA MÉCANIQUE DES FLUIDES

Par intégration par partie, en utilisant de nouveau l’identité div curl = 0 et le fait que div ω = 0,
on obtient en revenant à (1.38) :

∇div ψ = 0 =⇒ ω = −curl curl ψ.

On pose donc naturellement


v = −curl ψ,
qui satisfait directement curl v = ω et div v = 0. On achève la démonstration en disant que l’ex-
pression de la vitesse (1.36) est obtenue en prenant le curl de l’expression (1.37).

1.6 Compléments - Adimensionnement et régimes d’écoulement


Chapitre 2

Solutions fortes des équations de


Navier-Stokes et d’Euler incompressible

Pour ν ≥ 0, on s’intéresse au système


(
∂t v + (v · ∇)v + ∇p − ν∆v = 0,
∀ t > 0, x ∈ Rd , d = 2 ou 3, (2.1)
div v = 0,
muni de la condition initiale
v |t =0 = v 0 . (2.2)
On s’intéresse dans ce chapitre aux solutions régulières (/ "classiques" / fortes), c’est-à-dire aux solu-
tions pour lesquelles l’équation ci-dessus est satisfaite pour tout temps t et pour tout x ∈ Rd .
Le premier résultat principal de ce chapitre est un résultat de caractère bien-posé localement en
temps.

Théorème 2.1. Soient ν ≥ 0, v 0 ∈ H m (Rd ), m > d2 + 2, avec div v 0 = 0. Alors il existe un temps T ,
1
T≤ ,
C kv 0 kH m
avec C = C (m) une constante positive dépendant de l’indice de régularité m, tel qu’il existe un unique
v ∈ C ([0, T ]; H m (Rd )) ∩ C 1 ([0, T ] ∩ H m−r (Rd )) solution du problème (2.1)-(2.2), avec r = 1 si ν = 0
(Équations d’Euler), r = 2 si ν > 0 (Équations de Navier-Stokes).

Méthodologie classique

1. Introduction d’un problème régularisé (P ε )ε - existence et unicité de la solution v ε de (P ε )ε par


un théorème de point fixe ;
2. Estimations uniformes en ε sur (v ε )ε (estimations d’énergie) ;
3. Passage à la limite ε → 0 existence locale en temps d’une solution v au problème (2.1)-(2.2).
On distinguera ici les deux cas ν > 0, ν = 0 pour obtenir la régularité en temps voulue ;
4. unicité de la solution du problème limite ;
5. solution globale en temps ?

référence principale du chapitre : livre de Bertozzi et Majda Vorticity and incompressible flow

13
14 CHAPITRE 2. SOLUTIONS FORTES

2.1 Préambule
2.1.1 Espaces de Sobolev
L’espace H m (Rd ), m ∈ N, est formé par les fonctions v ∈ L 2 (Rd ) qui sont telles que pour tout multi-
α α
indice α, 0 ≤ |α| ≤ m, on a D α v ∈ L 2 (Rd ), où D α := ∂x11 . . . ∂xdd est une dérivée partielle au sens des
distributions.
Il est muni du produit scalaire et de la norme suivants :
à !1/2
X Z
D α u D α v d x, kD α vk2L 2
X
〈u, v〉H m := kvkH m := .
0≤|α|≤m R
d
0≤|α|≤m

Rmq : de manière plus générale l’espace W m,p (Rd ) désigne l’ensemble des fonctions telles que D α v ∈
L p (Rd ).
On peut aussi introduire des espace de Sobolev pour des indices s ∈ R non entiers. On introduit
pour cela la fonctionnelle définie sur l’espace de Schwartz des fonctions régulières à décroissance
rapide, S (Rd ) :

k · kH s : S (Rd ) → R+ ,
µZ ¶1/2
2 s 2
v 7→ kvkH s := (1 + |ξ| ) |v̂(ξ)| d ξ .
Rd

L’espace H s (Rd ) est alors défini comme le complété de S (Rd ) pour la norme k · kH s . Bien sûr, si s =
m ∈ N, cette norme est équivalente à la précédente.
Nous listons ci-dessous des résultats utiles pour la suite du chapitre/cours.
d
Lemme 2.2. 1. Pour s > , l’espace H s+k (Rd ), k ∈ N, s’injecte continûment dans l’espace C k (Rd ).
2
Autrement dit, il existe une constante C > 0 telle que

kvkC k ≤ C kvkH s+k . (2.3)

2. Inégalité de Gagliardo-Nirenberg : soient deux réels 1 ≤ q, r ≤ ∞ et un entier m. Soient α un réel


et j un entier naturel tels que
j 1 m 1−α j
µ ¶
1
= + − α+ et ≤ α ≤ 1.
p d r d q m
Alors on a l’inégalité
α
kD j vkL p ≤ C kvk1−α m
L q kD vkL r . (2.4)
Cas particulier : inégalité de Ladyzhenskaya
1− d d
kvkL 4 ≤ C kvkL 2 4 k∇vkL42 . (2.5)

Lemme 2.3. 1. Pour tout m ∈ N, il existe C > 0 tel que, pour tous u, v ∈ L ∞ (Rd ) ∩ H m (Rd ),

kuvkH m ≤ C kukL ∞ kD m vkL 2 + kD m ukL 2 kvkL ∞ ,


¡ ¢
(2.6)

avec l’estimation de commutateur :

kD α (uv) − uD α vkL 2 ≤ C k∇ukL ∞ kD m−1 vkL 2 + kD m ukL 2 kvkL ∞ .


X ¡ ¢
(2.7)
0≤|α|≤m
2.1. PRÉAMBULE 15

d
2. Pour tout s > , l’espace H s (Rd ) est une algèbre de Banach, c’est-à-dire qu’il existe C > 0 telle que
2
pour tous u, v ∈ H s (Rd ) :
kuvkH s ≤ C kukH s kvkH s .

preuve : Bertozzi & Majda p 130

Lemme 2.4 (Interpolation). Soit s > 0, il existe une constante positive C = C (s) telle pour tout v ∈
H s (Rd ) et r ∈ ]0, s[,
kvkH r ≤ C kvkL1−r
2
/s
kvkrH/ss . (2.8)

On rappelle enfin le résultat d’injection compacte suivant.

Théorème 2.5 (Rellich-Kondrachov). On suppose que U est un ouvert borné de Rd avec ∂U ∈ C 1 . On


suppose que 1 ≤ p < d . Alors

dp
W 1,p (U ) ⊂⊂ L q (U ), ∀ 1 ≤ q < p ∗ := .
d −p

Ainsi, pour tout ouvert borné U de Rd , m ∈ N, l’espace H m+1 (U ) s’injecte de manière compacte
dans H m (U ).

2.1.2 Opérateur de régularisation


On se donne un noyau régularisant, c’est-à-dire une fonction radiale
Z
∞ d
η = η(|x|) ∈ C 0 (R ), η ≥ 0, η d x = 1, (2.9)
Rd

et on introduit, pour ε > 0, l’opérateur J ε qui à v ∈ L p (Rd ), 1 ≤ p ≤ ∞, associe


1
Z ³x − y ´
(J ε v)(x) := d η v(y)d y, ∀ x ∈ Rd . (2.10)
ε Rd ε

Proposition 2.6. Pour tout v ∈ L p (Rd ), 1 ≤ p ≤ ∞, J ε v est une fonction C ∞ . On a de plus les propriétés
suivantes :
1. kJ ε vkL p ≤ kvkL p et, pour p < +∞, J ε v converge vers v dans L p (Rd ) quand ε → 0.
2. si v ∈ C 0 (Rd ), J ε v → v uniformément sur tout compact K ⊂⊂ Rd , et

kJ ε vkL ∞ ≤ kvkL ∞ ;

3. si v ∈ H m (Rd ), alors J ε commute avec les dérivées au sens des distributions

D α J ε v = J ε D α v, ∀ |α| ≤ m;

1 1
4. soit q tel que + = 1, pour tout u ∈ L q (Rd ) :
p q
Z Z
(J ε v) · u d x = v · (J ε u) d x;
Rd Rd
16 CHAPITRE 2. SOLUTIONS FORTES

5. si v ∈ H s (Rd ), J ε v converge vers v dans H s et on a

lim kJ ε v − vkH s = 0,
ε→0

kJ ε v − vkH s−1 ≤ C εkvkH s ; (2.11)

6. si v ∈ H m (Rd ), m, k ∈ N :

C mk
kJ ε vkH m+k ≤ kvkH m ,
εk
Ck
kJ ε D k vkL ∞ ≤ kvkL 2 ,
εd /2+k
où C km ,C k sont deux constantes positives dépendant respectivement de m, k et de k.

voir preuves : Boyer & Fabrie (Prop II.2.25 p.62) ; Bertozzi & Majda P.131

2.1.3 Décomposition de Hodge et projecteur de Leray


La pression, comme mentionné au Chapitre 1, est vue comme un multiplicateur de Lagrange as-
socié à la contrainte d’incompressibilité div v = 0, ce n’est donc pas en soit une inconnue du sys-
tème. Si on connaît le champ de vitesse v on peut effectivement retrouver p. Pour cela, on applique
l’opérateur divergence à l’équation de quantité de mouvement (i.e. on applique ∂xi à chacune des d
composantes de l’éq. de quantité de mouvement et on somme les d équations) :

∂t ∂x i v i + ∂xi v j ∂x j v i + ∂2xi p − ν ∂2x j (∂xi v i ) = 0,


X X ¡ ¢ X X
i i,j i i,j

et on utilise la contrainte d’incompressibilité div v = 0 pour en déduire que p satisfait une équation
de Poisson :
∂xi v j ∂x j v i + ∂2xi p = 0 −∆p = Tr (∇v)2
X X
i.e. (2.12)
i,j i

Ainsi, on peut réécrire le système de Navier-Stokes/Euler en remplaçant ∇p par son expression en


terme de Tr (∇v)2 (on renvoie une nouvelle fois à Evans Chap 2, éq de Laplace/Poisson). On remarque
de plus que, pour des solutions régulières, ∇p est orthogonal à v dans L 2 (Rd ) :
Z Z
∇p · v d x = − p div (v) d x = 0.
Rd Rd

Éliminer p du système revient alors à appliquer à l’équation de quantité de mouvement un opéra-


teur de projection sur l’ensemble des fonctions à divergence nulle. Nous définissons cet opérateur de
projection, appelé projecteur de Leray, dans la proposition suivante.

Proposition 2.7. Tout champ de vecteur u ∈ L 2 (Rd )∩C ∞ (Rd ) admet une unique décomposition ortho-
gonale
u = w + ∇q, avec div w = 0, (2.13)
et satisfaisant les propriétés suivantes :
1. w, ∇q ∈ L 2 (Rd ) ∩ C ∞ (Rd ) ;
2.1. PRÉAMBULE 17
Z
2. w(x) · ∇q(x) d x = 0 (i.e. w ⊥ ∇q dans L 2 ) ;
Rd
3. kD α uk2L 2 = kD α wk2L 2 + k∇D α qk2L 2 .
On peut alors définir l’opérateur de projection de Leray :

P : L 2 (Rd ) ∩ C ∞ (Rd ) → L 2 (Rd ) ∩ C ∞ (Rd ),


P(u) = P(w + ∇q) := w. (2.14)

Démonstration. On renvoie à Bertozzi & Majda p.33. Pour déterminer q et w, on procède de manière
analogue à la discussion d’introduction : on applique l’opérateur divergence à l’équation (2.13) pour
trouver q comme solution de l’équation de Poisson −∆q = div u et on pose ensuite w = u − ∇q.

Remarque : Le projecteur de Leray est parfois défini grâce aux opérateurs "pseudo-différentiels"
(définis via l’analyse de Fourier) par la formule

P(u) = u − ∇∆−1 (div u),

voir par exemple le livre Bahouri, Chemin, Danchin Fourier Analysis and Nonlinear Partial Differen-
tial Equations (Chapitre 5).

On peut facilement étendre la proposition précédente aux cas des fonctions dans H m , comme
énoncé dans la proposition suivante.

Proposition 2.8. Pour tout champ de vecteur u ∈ H m (Rd ), m ∈ N, il existe une unique décomposition
orthogonale
u = w + ∇q,
telle que le projecteur de Leray P(u) = w satisfait les propriétés suivantes :
1. P(u), ∇q ∈ H m (Rd ),
Z
P(u) · ∇qd x = 0, div (Pu) = 0, kPuk2H m + k∇qk2H m = kuk2H m .
Rd

Dans la suite on introduit l’espace de Banach


n o
V m := v ∈ H m (Rd ) : div v = 0 ; (2.15)

2. P commute avec les dérivées au sens des distributions

PD α u = D α Pu, ∀ u ∈ H m (Rd ), |α| ≤ m;

3. P commute avec l’opérateur de régularisation J ε

P(J ε u) = J ε (Pu), ∀ u ∈ H m (Rd ), ε > 0;

4. P est un opérateur symétrique, pour tout u, v ∈ H m (Rd )

< Pu, v >H m =< u, Pv >H m .


18 CHAPITRE 2. SOLUTIONS FORTES

2.2 Unicité de la solution


Commençons par rappeler le lemme de Gronwall

Lemme 2.9 (Lemme de Gronwall). Si a et b sont deux fonctions de R dans R localement intégrables,
alors pour tout fonction dérivable y : R → R+ vérifiant

y 0 (t ) ≤ a(t )y(t ) + b(t ) ∀ t,

on a l’inégalité
µZ t ¶ Z t µZ t ¶
y(t ) ≤ y(0) exp a(s)d s + exp a(τ)d τ b(s)d s.
0 0 s

Proposition 2.10. Soient T > 0 et v 1 , v 2 ∈ C ([0, T ]; L 2 (Rd )), deux solutions du problème (2.1)-(2.2). On
suppose de plus que ∇v 2 ∈ L 1 ([0, T ]; L ∞ (Rd )). Alors v 1 = v 2 .

Démonstration. On a les deux équations


(
∂t v 1 + (v 1 · ∇)v 1 + ∇p 1 − ν∆v 1 = 0,
∂t v 2 + (v 2 · ∇)v 2 + ∇p 2 − ν∆v 2 = 0,

de sorte que la différence δv := v 1 − v 2 satisfait

∂t δv + (v 1 · ∇)δv + (δv · ∇)v 2 + ∇δp − ν∆δv = 0.

Nous prenons maintenant le produit scalaire (dans L 2 (Rd )) avec δv et obtenons

d |δv|2 |δv|2
Z Z Z Z Z
dx + v1 · ∇ dx + (δv · ∇)v 2 · δv d x + ∇δp · δv d x − ν ∆δv · δv = 0.
dt Rd 2 Rd 2 Rd Rd Rd

En intégrant par parties et en utilisant la condition d’incompressibilité div v i = 0, cette équation de-
vient

d |δv|2
Z Z Z
dx + (δv · ∇)v 2 · δv d x + ν |∇δv|2 = 0,
dt Rd 2 Rd Rd

et ainsi

d
Z Z
2
|δv| d x ≤ 2k∇v 2 k L∞
x
|δv|2 d x.
dt Rd Rd

Le lemme de Gronwall permet alors de conclure :


Z µZ µ Z T ¶ ¶
2 2
sup |δv| d x ≤ |(δv)|t =0 | d x exp 2 k∇v 2 (t , ·)kL ∞
x
dt .
t ∈[0,T ] Rd Rd 0
| {z }
=0
2.3. CARACTÈRE BIEN POSÉ DU PROBLÈME RÉGULARISÉ 19

2.3 Caractère bien posé du problème régularisé


Pour ε > 0, on regarde les équations de Navier-Stokes régularisées :
 h i
∂ v
 t ε

 + J ε (J v
ε ε ) · ∇(J ε ε = −∇p ε + νJ ε (J ε ∆v ε ),
v )
div v ε = 0, (2.16)

(v ε )|t =0 = v 0 .

Le problème (P ε )ε que nous allons étudier est obtenu en appliquant la projecteur de Leray aux équa-
tions précédentes (on utilise en particulier le fait que Pv ε = v ε et P∇p ε = 0)
 h i
∂ v + PJ (J v ) · ∇(J v ) = νJ (J ∆v ),
t ε ε ε ε ε ε ε ε ε
(2.17)
(v ) = v 0.
ε |t =0

L’existence et l’unicité de la solution v ε repose sur la généralisation suivante du théorème de


Cauchy-Lipschitz aux espaces de Banach de dimension infinie (qui repose sur un théorème de point
fixe).

Lemme 2.11. Soit B un espace de Banach et O ⊂ B un sous-espace ouvert de B . Soit F : O → B une


application continue. On suppose de plus que F est localement Lipschitzienne, i.e. pour tout X ∈ O, il
existe une constante L > 0 et un voisinage V X ⊂ O tel que

kF (X 1 ) − F (X 2 )kB ≤ LkX 1 − X 2 kB , ∀ X 1, X 2 ∈ VX .

Alors, pour tout X 0 ∈ O, il existe un temps T > 0 tel que le problème de Cauchy

 d X = F (X ),

dt (2.18)
X |t =0 = X 0 ,

admet une unique solution X ∈ C 1 ([0, T [;O).

Lemme 2.12. Sous les conditions du Lemme précédent, l’unique solution X ∈ C 1 ([0, T [;O) du problème
de Cauchy (2.18) soit existe globalement en temps, soit, si T < ∞, sort de l’ouvert O quand t → T − .

Théorème 2.13 (Existence globale et unicité de la solution de (P ε )). Soit v 0 ∈ V m , m ∈ N. Pour tout
ε > 0, ν ≥ 0, il existe une unique solution v ε ∈ C 1 ([0, +∞[;V m ) au problème régularisé (2.17).

Preuve du Théorème 2.13. — étape 1 (existence et unicité localement en temps). On réécrit le sys-
tème (2.17) sous la forme

 d v ε = F (v ),

ε ε
h i
dt avec F ε (v) := νJ ε (J ε ∆v) − PJ ε (J ε v) · ∇(J ε v) . (2.19)
(v ε )|t =0 = v 0

On vérifie tout d’abord que F ε envoie V m dans V m , la régularité étant assurée par l’opérateur
de régularisation J ε et la propriété de divergence nulle par l’opérateur de projection.
20 CHAPITRE 2. SOLUTIONS FORTES

On a par ailleurs, pour tous v 1 , v 2 ∈ V m :


° h i h i°
kF ε (v 1 ) − F ε (v 2 )kH m ≤ νkJ ε (J ε ∆(v 1 − v 2 ))kH m + °PJ ε (J ε v 1 ) · ∇(J ε v 1 ) − PJ ε (J ε v 2 ) · ∇(J ε v 2 ) °
° °
Hm
= A1 + A2,

avec d’une part

A 1 = νkJ ε (J ε ∆(v 1 − v 2 ))kH m


≤ νkJ ε (J ε (v 1 − v 2 ))kH m+2
ν
≤ C 2 kv 1 − v 2 kH m ,
ε
et d’autre part (en utilisant en particulier l’inégalité (2.6))
° h i° ° h i°
A 2 ≤ °PJ ε (J ε v 1 ) · ∇J ε (v 1 − v 2 ) ° m + °PJ ε (J ε (v 1 − v 2 ) · ∇(J ε v 2 ) ° m
° ° ° °
° h i° H ° h i° H
≤ °J ε (J ε v 1 ) · ∇J ε (v 1 − v 2 ) ° m + °J ε (J ε (v 1 − v 2 ) · ∇(J ε v 2 ) ° m
° ° ° °
H H
h i
m m
≤ C kJ ε v 1 kL ∞ kD J ε ∇(v 1 − v 2 )kL 2 + kD J ε v 1 kL 2 kJ ε ∇(v 1 − v 2 )kL ∞
h i
+C kJ ε (v 1 − v 2 )kL ∞ kD m J ε ∇v 2 kL 2 + kD m J ε (v 1 − v 2 )kL 2 kJ ε ∇v 2 kL ∞
C ³ ´
≤ d /2+m+1 kv 1 kL 2 + kv 2 kL 2 kv 1 − v 2 kH m .
ε
Ainsi
kF ε (v 1 ) − F ε (v 2 )kH m ≤ C (ε, kv i kL 2 )kv 1 − v 2 kH m ,
et on en déduit par le Lemme 2.11 qu’il existe une unique solution v ε pour T > 0 suffisamment
petit (on prend O = {v ∈ V m : kvkH m ≤ M }, pour n’importe quel M > kv 0 kH m ).
— étape 2 (continuation - existence globale en temps). D’après le Lemme 2.12, si le temps maximal
d’existence , T ∗ , de v ε était tel que T ∗ < +∞ alors on aurait kv ε (t , ·)kH m → +∞ quand t → (T ∗ )− .
Or, on a par une estimation similaire aux précédentes
Z t
0
kv ε (t , ·)kH m ≤ kv kH m + kF ε (v ε (s, ·))kH m d s
0
Z t
0
≤ kv kH m +C (ε, kv ε kL ∞ L 2x ) kv ε (s, ·)kH m d s. (2.20)
t
0

Par ailleurs, on peut faire une estimation d’énergie pour estimer kv ε kL ∞ L 2x . On multiplie pour
t
cela l’équation (2.17) par v ε et on intègre en espace, utilisant les propriétés de symétrie de J ε et
P:
1 d
Z Z Z
|v ε |2 d x = ν v ε · J ε2 ∆v ε d x − v ε · PJ ε [(J ε v ε · ∇)(J ε v ε )] d x
2 d t Rd Rd Rd
|J ε v ε |2
Z Z · ¸
=ν J ε v ε · J ε ∆v ε d x − Jεvε · ∇ dx
Rd Rd 2
1
Z Z
2
= −ν |∇J ε v ε | d x + div (J ε v ε ) |J ε v ε |2 d x.
R d 2 R | {z }
d
=0
2.4. ESTIMATIONS UNIFORMES PAR RAPPORT AU PARAMÈTRE ε 21

On obtient ainsi l’estimation d’énergie

kv ε k2L ∞ L 2 + 2νkJ ε ∇v ε k2L 2 L 2 ≤ kv 0 k2L 2 . (2.21)


t x t x x

En revenant à (2.20) et en utilisant le lemme de Gronwall (sous forme intégrale), on en déduit


que
³ ´
sup kv ε (t , ·)kH m ≤ kv 0 kH m exp C (ε, kv 0 kL 2 )T ∗ ,
t ∈[0,T ∗ [

ce démontre que T ∗ = +∞ et achève la démonstration du Théorème 2.13.

2.4 Estimations uniformes par rapport au paramètre ε


On a dans la section précédente obtenu une estimation de kv ε kL ∞ m (cf (2.20)), malheureuse-
t Hx
ment cette estimation n’est pas uniforme par rapport au paramètre ε. Nous allons dans cette section
essayer de généraliser l’estimation d’énergie (2.21) (qui, elle, est bien uniforme en ε) aux dérivées
d’ordre plus élevé de v ε .
d
Proposition 2.14 (Estimation uniforme dans H m ). Soit v 0 ∈ V m , et m > + 1. Alors l’unique solution
2
v ε ∈ C 1 ([0, +∞[;V m ) du problème (P ε ) (2.17) est telle que

1 d
kv ε k2H m + νkJ ε ∇v ε k2H m ≤ C kv ε k3H m , (2.22)
2 dt

et pour tout T < (C kv 0 kH m )−1 :

kv 0 kH m
sup kv ε (t , ·)kH m ≤ . (2.23)
t ∈[0,T ] 1 −C T kv 0 kH m

Ainsi, pour m > d2 +1, T < (C kv 0 kH m )−1 , la suite (v ε )ε est uniformément bornée dans C ([0, T ]; H m (Rd )).

Démonstration. De manière similaire à l’estimation d’énergie obtenue à la section précédente, nous


appliquons l’opérateur D α , |α| ≤ m à l’équation (2.17), et on multiplie le résultat par D α v ε :
Z Z Z
D α ∂t v ε · D α v ε d x − ν D α J ε2 ∆v ε · D α v ε d x = − D α PJ ε (J ε v ε ) · ∇J ε v ε · D α v ε d x.
¡ ¢
Rd Rd Rd

Par intégration par partie et en utilisant les propriétés de J ε et P, on trouve

1 d
Z Z
α 2
|D v ε | d x + ν |D α J ε ∇v ε |2 d x
2 d t Z Rd Rd Z h
α α
¢i
(J ε v ε ) · ∇D J ε v ε · PJ ε D v ε d x + J ε (J ε v ε · ∇)D α J ε v ε − D α J ε (J ε v ε · ∇)J ε v ε · PD α v ε d x
¡ ¢ ¡ ¢ ¡
=−
ZR Rd
d

1
Z h
α
¢i
2
J ε (J ε v ε · ∇)D J ε v ε − D J ε (J ε v ε · ∇)J ε v ε · PD α v ε d x
α α
¡ ¢ ¡
= div (J ε v ε ) |D J ε v ε | d x +
2 RZ d R d
h ¢i
(J ε v ε · ∇)D J ε v ε − D (J ε v ε · ∇)J ε v ε · PJ ε D α v ε d x.
α α
¡
= 0+
Rd
22 CHAPITRE 2. SOLUTIONS FORTES

En sommant sur |α| ≤ m et en revenant à l’estimation de commutateur (2.7), on a


¯ ¯
X ¯Z h α α
¢i α
(J ε v ε ) · ∇D J ε v ε − D (J ε v ε ) · ∇J ε v ε · PJ ε D v ε d x ¯¯
¢ ¡ ¯
¯
Rd
¯
0≤|α|≤m
°(J ε v ε ) · ∇D α J ε v ε − D α (J ε v ε ) · ∇J ε v ε ° 2
X ° ¢ ¡ ¢°
≤ kv ε kH m L
0≤|α|≤m
h i
≤ C kv ε kH m k∇J ε v ε kL ∞ kD m−1 ∇J ε v ε kL 2 + kD m J ε v ε kL 2 k∇J ε v ε kL ∞ .

On en déduit l’estimation
1 d
kv ε k2H m + νkJ ε ∇v ε k2H m ≤ C k∇J ε v ε kL ∞ kv ε k2H m . (2.24)
2 dt
On utilise ensuite l’injection de Sobolev (2.3) au membre de droite, k∇J ε v ε kL ∞ ≤ C kJ ε v ε kH m valide
pour m > d2 + 1, et on obtient :

1 d d
kv ε k2H m + νkJ ε ∇v ε k2H m ≤ C kv ε k3H m i.e. kv ε kH m ≤ C kv ε k2H m . (2.25)
2 dt dt
On conclut en intégrant cette EDO entre t = 0 et t = T :

0 −1 kv 0 kH m
kv ε (T )k−1
H m ≥ kv k H m −C T =⇒ kv ε (T )kH m ≤ .
1 −C T kv 0 kH m

d
Proposition 2.15. Supposons de plus que m > + 2, alors la suite (∂t v ε )ε est uniformément bornée
2
dans L ∞ (]0, T [ ; H m−2 (Rd )).

Démonstration. On revient à l’équation (2.17) :

k∂t v ε (t , ·)kH m−2 ≤ νkJ ε2 ∆v ε (t , ·)kH m−2 + °PJ ε J ε v ε · ∇J ε v ε (t , ·)°H m−2


° ¡ ¢ °

≤ C νkv ε (t , ·)kH m +C ° J ε v ε · ∇ J ε v ε (t , ·)° m−2


°¡ ¢ °
H

d
et comme H m−2 est une algèbre de Banach (on a supposé m − 2 > ) on en déduit l’estimation sou-
2
haitée :

k∂t v ε (t , ·)kH m−2 ≤ C νkv ε (t , ·)kH m +C kJ ε v ε (t , ·)kH m−2 k∇J ε v ε (t , ·)kH m−2
≤ C νkv ε (t , ·)kH m +C kv ε (t , ·)k2H m .

2.5 Passage à la limite ε → 0


La section précédente nous a permis d’identifier les espaces fonctionnels dans lesquels la suite
(v ε )ε>0 était contrôlée. Il nous reste à montrer que la suite (v ε )ε converge (en un sens à préciser) vers
une limite v qui est bien solution au sens classique des équations de Navier-Stokes (ν > 0) ou d’Euler
(ν = 0).
2.5. PASSAGE À LA LIMITE ε → 0 23

2.5.1 Convergence faible, théorèmes de compacité


Definition 2.16. Soit E un espace de Banach et E 0 son espace dual.
On dit qu’une suite (u n ) d’éléments de E converge faiblement vers u ∈ E , si pour tout f ∈ E 0 on a

f (u n ) = < f , u n >E 0 ,E −→ < f , u >E 0 ,E = f (u) quand n → +∞.

On dit qu’une suite ( f n ) d’éléments de E 0 converge faible-* vers f ∈ E 0 , si pour tout u ∈ E on a

f n (u) = < f n , u >E 0 ,E −→ < f , u >E 0 ,E = f (u) quand n → +∞.

Rappelons des versions du théorème de Banach-Alaoglu qui permettent classiquement d’extraire


des sous-suites (faiblement) convergentes à partir d’estimations uniformes.

Théorème 2.17. — Soit E un espace de Banach réflexif et soit (u n )n une suite bornée dans E . Alors
il existe une sous-suite (u nk ) qui converge faiblement dans E ;
— Soit E un espace de Banach séparable, et soit ( f n )n une suite bornée dans l’espace dual E 0 . Alors
il existe une sous-suite ( f nk ) qui converge dans E 0 pour la topologie faible-*.

Corollaire 2.18. Soit E un espace de Banach, et (u n ) une suite d’éléments de E (resp. de E 0 ) qui converge
faiblement (resp. faible-*) vers u ∈ E (resp u ∈ E 0 ). Alors la suite (u n ) est bornée dans E (resp. dans E 0 ) et
on a
kukE ≤ lim inf ku n kE (resp. kukE 0 ≤ lim inf ku n kE 0 ).
n n

Proposition 2.19. Soit E un espace de Banach réflexif (resp. le dual d’un espace de Banach séparable) et
(u n ) une suite bornée dans E . On suppose qu’il existe u ∈ E telle que toute sous-suite de (u n ) faiblement
(faible-*) convergente a une limite égale à u, alors la suite entière (u n ) converge faiblement (resp. faible-
*) vers u.

Au-delà des résultats de convergence de Banach-Alaoglu, nous allons ici nous appuyer sur un
résultat de compacité forte, usuellement appelé lemme d’Aubin-Lions (étendu par Simon pour le cas
p = +∞ que nous allons utiliser).

Théorème 2.20 (Aubin-Lions-Simon). Soient B 0 ⊂ B 1 ⊂ B 2 trois espace de Banach. On suppose que B 1


s’injecte de façon continue dans B 2 et que B 0 s’injecte de manière compacte dans B 1 . Soient 1 ≤ p, r ≤
+∞. Pour T > 0, on définit :

dv
½ ¾
p r
E p,r := v ∈ L (]0, T [; B 0 ), ∈ L (]0, T [; B 2 ) .
dt

— si p < +∞, l’injection de E p,r dans L p (]0, T [; B 1 ) est compacte ;


— si p = +∞ et si r > 1, l’injection de E p,r dans C ([0, T ]; B 1 ) est compacte.

Nous renvoyons à [BoyerFabrie, Thm II.5.16] pour une preuve de ce résultat.


24 CHAPITRE 2. SOLUTIONS FORTES

2.5.2 Application
Dans tout ce qui suit, sauf mention contraire, on suppose T < (C kv 0 kH m )−1 .
Pour tout compact K de Rd , on considère B 0 = H m (K ) qui s’injecte de manière compacte dans
B 1 = H m−1 (K ), qui lui-même qui s’injecte de façon continue dans B 2 = H m−2 (K ). Par les estima-
tions des propositions 2.14 et 2.14 on déduit grâce au théorème d’Aubin-Lions-Simon que, pour
tout compact K , il existe une sous-suite de (v ε ) dépendant a priori de K , qui converge fortement
dans C ([0, T ]; H m−1 (K )). Par un argument d’extraction diagonale, on peut choisir la même sous-suite
pour tous les compacts K n = [−n, n], on note cette sous-suite encore (v ε ). On a alors l’existence de
v ∈ C ([0, T ]; Hlm−1
oc
(Rd )) tel que

vε → v fortement dans C ([0, T ]; Hlm−1 d


oc (R )). (2.26)

Nous montrons finalement dans la proposition suivante que la limite v est en fait plus régulière.

Proposition 2.21. La limite v de la suite (v ε )ε satisfait

v ∈ C [0, T ]; H m (Rd ) ∩ C 1 [0, T ]; H m−r (Rd ) ,


¡ ¢ ¡ ¢
(2.27)

avec r = 1 si ν = 0 (Euler), r = 2 si ν > 0 (Navier-Stokes).

Par le théorème de Banach-Alaoglu, on a facilement que v ∈ L ∞ ([0, T ]; H m (Rd )), il nous faut donc
montrer que t 7→ kv(t )kH m est une fonction continue.

Definition 2.22. Soit Y un espace de Banach. On dit qu’une fonction f : [0, T ] → Y est faiblement
continue si pour tout ψ ∈ Y 0 , la fonction définie par t ∈ [0, T ] 7→ 〈ψ, f (t )〉Y 0 ,Y est continue. On note
C ([0, T ]; Y w ), l’ensemble des fonctions définies sur [0, T ] à valeurs dans Y qui sont faiblement conti-
nues.

m d
Montrons tout d’abord que v ∈ C ([0, T ]; H w (R )). Ceci repose sur une simple application du
lemme suivant (corollaire du théorème d’Arzelà-Ascoli, dont on trouvera la preuve dans [Lions Math.
Topics in Fluid Machanics T1 - Appendix C]) :

Lemme 2.23. Soit X un espace de Banach réflexif séparable, ( f n )n une suite bornée dans L ∞ (]0, T [; X )
pour un T ∈]0, +∞[. On suppose que f n ∈ C ([0, T ]; Y ) où Y est un espace de Banach tel que X ,→ Y ,
Y 0 est séparable et dense dans X 0 . De plus on suppose que ∀ϕ ∈ Y 0 , < ϕ, f n (t ) >Y 0 ,Y est uniformément
continue en t , uniformément en n, i.e.

sup ¯< ϕ, f n (t ) − f n (s) >Y 0 ,Y ¯ −→ 0 quand |t − s| → 0.


¯ ¯
n

Alors, il existe un sous-suite ( f nk )k qui converge dans C ([0, T ]; X w ).

On applique ce lemme avec X = H m (Rd ), Y = Hlm−1 oc


(Rd ) en utilisant la convergence forte de v ε (à
extraction d’une sous-suite près) dans C ([0, T ]; Hlm−1
oc
(Rd )).

Nous devons à partir de maintenant séparer la preuve selon que ν = 0 (Euler) ou ν > 0 (Navier-
Stokes).
2.5. PASSAGE À LA LIMITE ε → 0 25

Démonstration dans le cas ν = 0. — Continuité en t = 0.


On commence par revenir à l’estimation

kv 0 kH m
sup kv ε (t , ·)kH m ≤ ,
t ∈[0,T ] 1 −C T kv 0 kH m

qui, associée à l’inégalité kv(t )kH m ≤ lim supε kv ε (t )kH m , donne :

kv 0 kH m
sup kv(t , ·)kH m ≤ ,
t ∈[0,T ] 1 −C T kv 0 kH m

de sorte que, en faisant tendre T → 0+ :

lim sup kv(t , ·)kH m ≤ kv 0 kH m .


t →0+

m d
D’autre part, comme v ∈ C ([0, T ]; H w (R )) on a l’inégalité

lim inf
+
kv(t , ·)kH m ≥ kv 0 kH m ,
t →0

et donc
lim kv(t , ·)kH m = kv 0 kH m .
t →0+
On faisant le même raisonnement en remplaçant t en −t , les équations d’Euler étant réver-
sibles, on obtient de la même manière limt →0− kv(t , ·)kH m = kv 0 kH m .
— Continuité à t = t 1 > 0. À t 1 , la fonction v(t 1 , ·) := v 1 satisfait l’estimation

kv 0 kH m
kv 1 kH m ≤ ,
1 −C t 1 kv 0 kH m
donc regarder le problème de Cauchy autour de t = t 1 . On construit une suite de solutions
approchées ṽ ε pour laquelle on contrôle (unif. en ε) la norme H xm sur un petit intervalle de
temps [t 1 − T̃ , t 1 + T̃ ]. Par unicité de la solution du problème (P ε ), la limite quand ε → 0, ṽ doit
coïncider avec v sur [t 1 − T̃ , t 1 + T̃ ]∩[0, T ]. On reproduit alors les arguments du point précédent
pour montrer que t 7→ kṽkH m est continue en t = t 1 , et donc v ∈ C ([0, T ]; H m (Rd )).
— Enfin, pour obtenir la régularité C 1 [0, T ]; H m−1 (Rd ) , on revient à l’équation satisfaite par v :
¡ ¢

³ ´
∂t v = −Pdiv v ⊗ v ,

La régularité v ∈ C ([0, T ]; H m (Rd )) assure que le second membre est dans C ([0, T ]; H m−1 (Rd )),
et ainsi ∂t v ∈ C ([0, T ]; H m−1 (Rd )).

Démonstration dans le cas ν > 0. De la même manière que pour le cas des équations d’Euler (ν = 0),
on assure la continuité à forte de t 7→ kv(t , ·)kH m en t = 0+ . Les équations de Navier-Stokes n’étant pas
réversible en temps du fait de la viscosité ν > 0, nous ne pouvons pas montrer de manière analogue à
continuité en t = 0− . Nous procédons autrement ici en utilisant les effets régularisant justement liés
à la dissipation visqueuse. En effet, en revenant à l’estimation (2.25), on a
p
νkJ ε ∇v ε kL 2 L 2x ≤ C ,
t
26 CHAPITRE 2. SOLUTIONS FORTES

pour une constante C > 0 indépendante de ε > 0. Ainsi, la limite satisfait

v ∈ L 2 ((0, T ); H m+1 (Rd )). (2.28)

et pour presque tout temps t ∈ [0, T ], v(t , ·) ∈ H m+1 (Rd ). En particulier, pour tout δ > 0, il existe
t 1 ∈]0, δ[ tel que v(t 1 , ·) ∈ H m+1 (Rd ) et prenons alors v 1 := v(t 1 , ·) comme nouvelle condition ini-
tiale. En appliquant les mêmes arguments que précédemment (en remplaçant m par m + 1), on
construit une solution v̂ sur un intervalle de temps [t 1 , T̂ ] qui satisfait v̂ ∈ C ([t 1 , T̂ ]; H m (Rd )) avec
T < T̂ < (C kv 0 kH m )−1 . Par unicité de la solution, v̂ coïncide avec v sur [0, T ] ∩ [t 1 , T̂ ]. Comme de plus
δ > 0 est choisi arbitrairement, on en déduit que v ∈ C (]0, T ]; H m (Rd )). On conclut en rappelant la
continuité à forte de t 7→ kv(t , ·)kH m en t = 0+ .

Ceci achève la preuve du Théorème 2.1.

2.6 Existence globale - Critère de Beale-Kato-Majda


Nous avons construit dans les sections précédentes une solution forte locale en temps des équa-
tions de Navier-Stokes et d’Euler. Nous nous intéressons dans cette section à l’existence globale en
temps, qui revient nous l’avons vu, à assurer que t 7→ kv(t , ·)kH m reste bornée. Nous montrons ici que
l’existence globale de la solution est liée à l’accumulation de vorticité. Nous en déduisons l’existence
globale des solutions fortes en dimension 2 d’espace.

Théorème 2.24 (Beale-Kato-Majda, 1984). On suppose que d = 3. Soient ν ≥ 0, v 0 ∈ V m avec m > d2 +2,
et v la solution de (2.1)-(2.2). Alors on a l’équivalence suivante
Z T
lim sup kv(t , ·)kH m < +∞ ⇐⇒ kω(t , ·)kL ∞ d t < +∞, (2.29)
t →T − 0

où ω = curl v.

Ce résultat s’appuie sur les estimations suivantes (admises dans ce cours) qui permettent d’obte-
nir des estimation sur v = B S[ω] (voir notations Chapitre 1).

Lemme 2.25 (Caldéron-Zygmund). Soit p ∈ ]1, +∞[ et ω ∈ L p (Rd ), alors

k∇B S[ω]kL p ≤ C (p)kωkL p . (2.30)

Voir [Chemin Fluides Parfaits Incompressibles, Chap. 3].


Le lemme suivant donne une estimation dans le cas p = +∞.

Lemme 2.26. On suppose que v = B S[ω] est une fonction très régulière, on a alors l’estimation suivante

k∇vkL ∞ ≤ C 1 + ln+ kvkH 3 + ln+ kωkL 2 (1 + kωkL ∞ ),


¡ ¢
(2.31)
où C est une constante positive, et ln+ est la partie positive du logarithme, i.e. ln+ x = ln x si x ≥ 1 et 0
sinon.

Ce lemme est admis ici, on pourra trouver une démonstration dans [BertozziMajda, Chap.3, p.118].
2.6. EXISTENCE GLOBALE - CRITÈRE DE BEALE-KATO-MAJDA 27

Démonstration du Théorème 2.24. Le sens direct se démontre facilement grâce à l’estimation (2.3) :
le contrôle de la norme H xm , permet de contrôler la norme L ∞x de ∇v et donc la norme L x de ω.

On souhaite démontrer l’autre sens, i.e. on veut montrer que le contrôle de kωkL 1 L ∞ permet de
contrôler kvkL ∞ H m . En reproduisant l’estimation (2.24) en norme H m des sections précédentes pour
v (justifié car on a montré que v était suffisamment régulière), on a

d
kvkH m ≤ C k∇vkL ∞ kvkH m . (2.32)
dt
Pour d = 3, la formulation vorticité-courant des équations s’écrit
(
∂t ω + (v · ∇)ω − ν∆ω = (ω · ∇)v,
(2.33)
ω|t =0 = ω0 .

Ainsi, en prenant le produit scalaire avec ω on trouve

d |ω|2 |ω|2
Z Z Z Z
2
dx +ν (ω · ∇)v · ω d x
¡ ¢
|∇ω| d x = − v ·∇ dx +
dt R3 2 R3 Z R
3 2 R3

(ω · ∇)v · ω d x,
¡ ¢
=
R3

et donc en utilisant le lemme 2.25


d
kωk2L 2 ≤ 2k∇vkL 2x kωkL 2x kωkL ∞
x
≤ C kωk2L 2 kωkL ∞
x
.
dt x x

Le lemme de Gronwall assure alors l’inégalité


µZ t ¶
kω(t , ·)k2L 2 ≤ kω0 k2L 2 exp kω(s, ·)kL ∞ d s ≤ F (M ), (2.34)
0
Z T
où M := kω(s, ·)kL ∞ d s. Comme m > d2 + 2 > 3, en injectant cette estimation dans notre estimation
0
de potentiel (2.31), on assure

k∇v(t , ·)kL ∞ ≤ C 1 + k ln+ (v(t , ·))kH m 1 + kω(t , ·)kL ∞ ,


¡ ¢¡ ¢

avec une constante C qui a absorbé la constante F (M ). En revenant à l’estimation (2.32), on a

d ¡ ¢ ¡ ¢
kv(t , ·)kH m + 1 ≤ C kv(t , ·)kH m + 1 k∇v(t , ·)kL ∞ ,
dt
et donc
d ¡
kv(t , ·)kH m + 1 ≤ C kv(t , ·)kH m + 1 1 + k ln+ (v(t , ·))kH 3 kω(t , ·)kL ∞ + 1 .
¢ ¡ ¢¡ ¢¡ ¢
dt | ¡ {z }¢
≤ln kv(t ,·)kH m +1

On pose alors z(t ) := kv(t , ·)kH m + 1, l’inégalité précédente se réécrit

z 0 (t ) ≤ C z(t )(1 + ln z(t ))kω(t , ·)kL ∞ =⇒ (ln z)0 (t ) ≤ C (1 + ln z(t ))kω(t , ·)kL ∞ ,

c’est-à-dire ¡ ¢0
ln(1 + ln z) (t ) ≤ C kω(t , ·)kL ∞ .
28 CHAPITRE 2. SOLUTIONS FORTES

On en déduit que µ Z t ¶
1 + ln z(t ) ≤ (1 + ln z(0)) exp C kω(s, ·)kL ∞ d s .
0
Ainsi,
Z T
kω(t , ·)kL ∞ d t < +∞ =⇒ lim sup z(t ) < +∞ i.e. lim sup kv(t )kH m < +∞.
0 t →T − t →T −

Existence globale dans le cas de la dimension 2 En dimension 2, l’équation de la vorticité est don-
née par l’équation scalaire
∂t ω + (v · ∇)ω − ν∆ω = 0,
qui ne contient donc pas de terme d’élongation (/streching ω∇v) présent les équations 3d (2.33).
— Dans le cas des équations d’Euler ν = 0, ω est donc simplement transporté par le champ de
vitesse v. On assure d’une part par des estimations d’énergie kω(t , ·)kL 2 ≤ kω0 kL 2 , et d’autre
part via les caractéristiques
kω(t , ·)kL ∞ = kω0 kL ∞ .

— Dans le cas Navier-Stokes ν > 0, on a de la même façon kω(t , ·)kL 2 ≤ kω0 kL 2 , tandis que la borne
L ∞ est assurée par le principe du maximum

kω(t , ·)kL ∞ ≤ kω0 kL ∞ .

En reproduisant les arguments de la preuve précédente, on montre que pour m > d2 + 2 = 3,

d
kvkH m ≤ C (1 + ln+ kvkH m )kvkH m , (2.35)
dt
et en posant z(t ) = 1 + kv(t , ·)kH m
¡ ¢ ¡ ¢
ln 1 + ln z(T ) ≤ ln 1 + ln z(0) +C T.

Ainsi, lim supt →T − kv(t , ·)kH m ≤ C T < +∞, et donc la solution existe globalement en temps.

Remarques de conclusion sur le cas 3D La question de l’existence globale des solutions fortes pour
les équations d’Euler et Navier-Stokes 3D est a priori toujours ouverte. Il s’agit d’un des problèmes du
millénaire identifié par l’institut Clay, voir
https://www.claymath.org/millennium/navier-stokes-equation/
et l’article de description de Fefferman. On peut néanmoins citer des travaux récents (encore à
l’état de preprints) de Chen et Hou qui semblent montrer, au moyen d’une preuve assistée par ordi-
nateur, l’apparition de singularité en temps fini pour les équations d’Euler 3D (on pourra par exemple
consulter l’article de vulgarisation correspondant sur le site Quanta Magazine).
Chapitre 3

Solutions faibles

Nous avons vu dans le chapitre précédent que les solutions fortes des équations de Navier-Stokes
et d’Euler (3D) étaient a priori définies sur un intervalle de temps fini. Nous nous intéressons dans
cette section à des classes de solutions à régularité plus faible où les équations ne seront définies
qu’au sens des distributions, mais dans lesquelles les solutions sont définies globalement en temps.
L’inconvénient étant qu’a priori l’unicité de ces solutions n’est plus garantie.
Nous présentons des classes de solutions faibles des équations de Navier-Stokes (solutions de
Leray) et d’Euler (solutions de Yudovich) pour lesquelles l’unicité est assurée dans le cas de la dimen-
sion 2.

3.1 Solutions faibles à vorticité L ∞ pour les équations d’Euler 2D


On rappelle que dans le cas 2D, pourvu que v décroisse suffisamment vite vers 0 quand |x| → +∞,
les équations d’Euler incompressible se ramène au système vorticité-courant suivant
(
∂t ω + v · ∇ω = 0,
(3.1)
ω|t =0 = ω0

avec la loi de Biot-Savart


1
Z
v(t , x) := B S[ω](t , x) = K 2 (x − y)ω(t , y)d y, K 2 (x) = (−x 2 , x 1 ). (3.2)
R2 2π|x|2

Nous introduisons maintenant la notion de solution faible (introduite par Yudovich) pour la for-
mulation vorticité-courant.

Definition 3.1. Soit ω0 ∈ L 1 (R2 ) ∩ L ∞ (R2 ). On dit que ω ∈ L ∞ (R+ ; L 1 (R2 ) ∩ L ∞ (R2 )) est une solution
faible de (3.1)-(3.2) si, pour tout ϕ ∈ C c∞ (R+ × R2 ) :
Z Z h i Z
ω ∂t φ + ω B S[ω] · ∇φ d xd t + ω0 (x) φ(0, x)d x = 0 (3.3)
R+ R2 R2

Le résultat principal de cette section est le théorème suivant.

Théorème 3.2 (Yudovich (1963)). Soit ω0 ∈ L 1 (R2 ) ∩ L ∞ (R2 ). Il existe une unique solution faible au
système (3.1)-(3.2).

29
30 CHAPITRE 3. SOLUTIONS FAIBLES

3.1.1 Existence
Problème approché Notre problème approché se base sur un schéma d’Euler (explicite) couplé à
une régularisation de la donnée initiale.
Soit ε > 0, on pose initialement
ωε,n (0, x) = J ε ω0 . (3.4)
h i
On construit alors la solution approchée ωε,n sur les intervalles de temps successifs nk , k+1
n pour
k ∈ N. Supposons la solution ωε,n construite jusqu’au temps t n = nk , et posons ω̄ε,n (x) := ωε,n ( nk , x)
h i
pour tout x ∈ R2 . On définit alors ωε,n sur l’intervalle nk , k+1
n
comme la solution de l’équation de
transport linéaire (
∂t ωε,n + B S[ω̄ε,n ] · ∇ωε,n = 0, x ∈ R2 , nk < t ≤ k+1
n ,
k
(3.5)
ωε,n ( n , x) = ω̄ε,n (x).
C’est donc directement la méthode des caractéristiques
h i qui nous assure l’existence et l’unicité d’une
k k+1
solution ωε,n globale en temps. Sur l’intervalle n , n , on a

k ¢
µ ¶
−1
ωε,n (t , x) = ω̄ε,n (X ε,n )
¡
t − ,x , (3.6)
n

où la caractéristique X ε,n est l’unique solution du problème de Cauchy

 d X (t , a) = B S £ω̄ (X (t , a))¤,

ε,n ε,n ε,n
dt
X ε,n (0, a) = a.

Par récurrence sur l’indice k, on montre que ωε,n est dans Liploc (R+ ; C ∞ (R2 )) pour ε > 0, n ∈ N∗ fixés.

Estimations uniformes La construction de notre solution approchée nous assure directement les
estimations uniformes suivantes

sup kωε,n (t , ·)kL p ≤ kω0ε kL p ≤ C kω0 kL p , ∀ p ∈ [1, +∞]. (3.7)


t ∈R+

Dans la suite nous admettons le résultat de Caldéron-Zygmund énoncé au Chap 2.

Lemme 3.3 (Caldéron-Zygmund). Soit p ∈ ]1, +∞[ et ω ∈ L p (R2 ), alors

k∇B S[ω]kL p ≤ C (p)kωkL p . (3.8)

Ainsi, grâce à l’inégalité de Sobolev,

kB S ωε,n (t , ·)k 2p ≤ C °∇B S ωε,n (t , ·)°L p ≤ C (p)kω(t , ·)kL p ≤ C (p)kω0 kL p


¡ ¢ ° ¡ ¢ °
∀ p ∈ ]1, 2[,
L 2−p

de sorte que

°B S ωε,n (t , ·)° 1,q = °B S ωε,n (t , ·)° q + °∇B S ωε,n (t , ·)° q


° ¡ ¢ ° ° ¡ ¢ ° ° ¡ ¢ °
W ° L ¡ L
≤ C (q)kωkL q + °∇B S ωε,n (t , ·)° 2q
¢ °
L q−2
≤C pour tout q ∈ ]2, +∞[ . (3.9)
3.1. CAS EULER 2D - YUDOVICH 31

Enfin, on peut également obtenir une estimation de ∂t B S(ωε,n ) de la façon suivante.


On applique l’opérateur B S = ∇⊥ ∆−1 = K 2 ∗ · à l’équation pour obtenir

∂t B S[ωε,n ] = −B S B S[ω̄ε,n ] · ∇ωε,n = −B S div B S[ω̄ε,n ]ωε,n .


£ ¤ £ ¡ ¢¤
(3.10)

On assure ainsi grâce à l’estimation de Caldéron-Zygmund

k∂t B S[ωε,n ]kL ∞ L q ≤ C °∇B S B S[ω̄ε,n ] ωε,n °L ∞ L q


° £ ¤°
t x t x

≤ C (q) B S[ω̄ε,n ] ωε,n L ∞ L


° °
° ° q
t x

≤ C (q)kωε,n kL ∞
t ,x
kB S[ω̄ε,n ]kL ∞ L q ∀ q ∈ ]2, +∞[ . (3.11)
t x

Passage à la limite On considère des suites (ε j ) j ∈N et (n j ) j ∈N telles que

ε j → 0, n j → +∞ quand j → +∞.

Grâce au contrôle en norme L ∞ L p de ωε j ,n j , le théorème de Banach-Alaoglu nous donne l’existence


de ω ∈ L ∞ (R+ ; L p (R2 )) tel que (à extraction d’une sous-suite près)

ωε j ,n j * ω faible-* dans L ∞ (R+ ; L p (R2 )), ∀ p ∈ ]1, +∞] . (3.12)

L’opérateur B S étant un opérateur linéaire, et du fait de l’estimation (3.9), on en déduit que

B S[ωε j ,n j ] * B S[ω] faible-* dans L ∞ (R+ ;W 1,q (R2 )), ∀ q ∈ ]2, +∞[ . (3.13)

On utilise maintenant le contrôle de la dérivée en temps (3.11) pour conclure à la convergence forte
1,q q
de B S[ωε j ,n j ] grâce au lemme d’Aubin-Lions-Simon 2.20 (avec B 0 = Wl oc (R2 ) ⊂⊂ B 1 = B 2 = L l oc (R2 )) :
pour tout T > 0
q
B S[ωε j ,n j ] → B S[ω] dans C ([0, T ]; L l oc (R2 )), ∀ q ∈ ]2, +∞[ . (3.14)

Enfin, avant de passer à la limite dans la formulation faible, on remarque que l’estimation (3.11)
donne
Z k+1
n
kB S[ωε,n ] − B S[ω̄ε,n ]kL L ≤ sup
∞ q k∂t B S[ωε,n (t , ·)]kL q d t
k
k=0,...,n n
C
≤ ,
n
ce qui nous permet de conclure à la convergence forte de B S[ω̄ε j ,n j ] :
q
B S[ω̄ε j ,n j ] → B S[ω] in C ([0, T ]; L l oc (R2 )), ∀ q ∈ ]2, +∞[ . (3.15)

On peut alors passer à la limite dans la formulation faible, pour tout φ ∈ C c∞ (R+ × R2 ) :
Z Z h i Z
ωε j ,n j ∂t φ + ωε j ,n j B S[ω̄ε j ,n j ] · ∇φ d xd t + ω0ε j (x) φ(0, x)d x = 0
R+ R2 R2

Z Z h i Z
=⇒ ω ∂t φ + ωB S[ω] · ∇φ d xd t + ω0 (x) φ(0, x)d x = 0. (3.16)
R+ R2 R2

Il reste à montrer que la limite ω ∈ L ∞ (R+ ; L 1 (R2 ) ∩ L ∞ (R2 )), i.e. ω(t , ·) ∈ L 1 (R2 ).
32 CHAPITRE 3. SOLUTIONS FAIBLES

Lemme 3.4 (Variante du résultat de Dunford-Pettis). Soit ( f n ) une suite bornée dans L 1 (Rd ), unifor-
mément intégrable c’est-à-dire
Z
lim f n 1{| f n |>R} d x = 0 uniformément en n,
R→+∞ Rd

Alors il existe une sous-suite, encore notée ( f n ), et f ∈ L 1 (Rd ), tels que


Z Z
fn g d x → f g dx pour tout g ∈ L ∞ (Rd ), g (x) → 0.
Rd Rd |x|→0

Nous commençons par montrer que la suite (ω0ε j ) j est uniformément intégrable. On rappelle que
ω0ε = J ε ω0 converge fortement vers ω0 dans L 1 (R2 ) et donc, pour tout ε ≤ ε̄

kω0ε kL 1 ≤ 2kω0 kL 1 .

Par ailleurs on peut montrer qu’il existe une fonction g ∈ L 1 (Rd ) telle que

|ω0ε | ≤ g ,

et pour tout η > 0, il existe ε̄ tel que


Z
|ω0ε − ω0 |d x ≤ η ∀ ε < ε̄.
R2

Ainsi, pour R > 0, et pour tout ε j < ε̄


Z Z
0
|ωε j | d x ≤ |ω0ε j | d x
|ω0ε j |>R |g |>R
Z Z
0
≤ |ω | d x + |ω0ε j − ω0 | d x
|g |>R |g |>R
≤ |{|g | > R}|kω0 kL ∞ + η.

On observe maintenant qu’il existe R η tel que pour tout R > R η ,


Z
0
|{|g | > R}|kω kL < η
∞ et donc |ω0ε j | d x < 2η.
|ω0ε j |>R

D’autre part, pour ε j ≥ ε̄ fixé, il existe R η0 tel que


Z
|ω0ε j | d x ≤ 2η ∀R > R η0 .
|ω0ε j |>R

Ainsi, pour tout R > max(R η , R η0 ) on a


Z
|ω0ε j | d x ≤ 2η ∀ εj .
|ω0ε j |>R

La suite (ω0ε j ) j est donc uniformément intégrable, ce qui permet de conclure à l’uniforme intégrabi-
lité de la suite (ωε j ,n j ) j . En effet, par la méthode des caractéristiques, on a sur l’intervalle de temps
]k/n, (k + 1)/n]
ωε j ,n j (t , x) = ω̄ε j ,n j (a),
3.1. CAS EULER 2D - YUDOVICH 33

où a est la pied de la caractéristique au temps k/n et donc par changement de variable sous l’intégrale
(la divergence du champs de vitesse étant nulle)
Z Z
|ωε j ,n j (t , x)|d x = |ω̄ε j ,n j (a)| d a.
|ωε j ,n j |>R |ω̄ε j ,n j |>R

Par récurrence sur k : Z Z


|ωε j ,n j (t , x)|d x = |ω0ε j (a)| d a.
|ωε j ,n j |>R |ω0ε j |>R

Ceci achève la preuve de l’existence d’une solution faible ω ∈ L ∞ (R+ ; L 1 (R2 ) ∩ L ∞ (R2 )).

3.1.2 Unicité

Preuve de l’unicité

Soient ω1 , ω2 ∈ L ∞ (R+ ; L 1 ∩ L ∞ (R2 )) deux solutions faibles émanant de la même donnée initiale
ω0 . On définit v i = B S[ωi ] les vitesses associées. Nous allons montrer que pour tout t ≥ 0 on a k(v 1 −
v 2 )(t , ·)kL 2 = 0.
On a l’équation
∂t v i + (v i · ∇)v i + ∇p i = 0, div v i = 0

satisfaite au sens des distributions. Par le théorème de Caldéron-Zygmund, on a ∇v(t ) ∈ L p (R2 ) pour
tout p ∈]1, +∞[. Par injection de Sobolev on en déduit pour p ∈ ]1, 2[ que :

kv(t , ·)k 2p ≤ C k∇v(t , ·)kL p ≤ C kω(t , ·)kL p ≤ C , (3.17)


L 2−p

de sorte que v(t , ·) ∈ W 1,q (R2 ) pour tout q ∈ ]2, +∞[ et

k∂t v i (t , ·)kL 2 ≤ kP(v i · ∇v i )(t , ·)kL 2 ≤ k(v i · ∇v i )(t , ·)kL 2 ≤ kv i (t , ·)kL 4 k∇v i (t , ·)kL 4 ≤ C .

On en déduit que δv := v 1 − v 2 ∈ Lipl oc (R+ ; L 2 (R2 )).


Pour presque tout t on a alors

d
Z
2
P (δv · ∇)v 1 + (v 2 · ∇)δv · δvd x
£ ¤
kδv(t , ·)kL 2 = −2
dt ZR
2

(δv · ∇)v 1 + (v 2 · ∇)δv · Pδvd x


£ ¤
= −2
ZR
2

(δv · ∇)v 1 + (v 2 · ∇)δv · δvd x,


£ ¤
= −2
R2

car div δv = 0. En utilisant de nouveau l’égalité div v 2 = 0 on a

d 1
Z
2
(δv · ∇)v 1 · δv + v 2 · ∇|δv|2 d x
£ ¤
kδv(t , ·)kL 2 = −2
dt ZR
2 2
= −2 (δv · ∇)v 1 · δv d x.
R2
34 CHAPITRE 3. SOLUTIONS FAIBLES

Nous en déduisons par une inégalité de Hölder et l’estimation de Caldéron-Zygmund (avec on le


rappelle une constante C (p) = O(p) quand p → +∞) que

d
kδv(t , ·)k2L 2 ≤ 2kδv(t , ·)kL 2 kδv(t , ·)kL q k∇v 1 (t , ·)kL p
dt
≤ C pkδv(t , ·)kL 2 kδv(t , ·)kL q kv 1 (t , ·)kL p
| {z }
≤C par (3.17)

1
avec p > 2 et p
+ q1 = 12 . On rappelle maintenant l’inégalité d’interpolation entre les espaces de Le-
besgue :
1 α 1−α
k f kL q ≤ k f kα
L2
k f k1−α
L4
avec α ∈ ]0, 1[ tel que = + ,
q 2 4
c’est-à-dire α = 1 − p4 . En majorant kδv(t , ·)kL 4 ≤ kv 1 (t , ·)kL 4 + kv 2 (t , ·)kL 4 ≤ C , nous obtenons alors

d ¢ 1+α ¢1− p2
kδv(t , ·)k2L 2 ≤ C pkδv(t , ·)kL1+α = C p kδv(t , ·)k2L 2 2 = C p kδv(t , ·)k2L 2
¡ ¡
2 .
dt
Ainsi, comme δv(0, ·) = 0, p
kδv(t , ·)k2L 2 ≤ (2C t ) 2 .
Pourvu que t < T1 = (2C )−1 , en faisant tendre p → +∞, on en déduit que

kδv(t , ·)k2L 2 = 0,

et donc l’unicité sur le petit intervalle de temps [0, T1 ]. On peut répéter l’argument sur l’intervalle de
temps [T1 , 2T1 ] et ainsi de suite. D’où l’unicité globale.

Vitesse et caractéristiques

Proposition 3.5. Soit ω ∈ L ∞ (R+ ; L 1 ∩ L ∞ (R2 )) la solution de la formulation vorticité-courant. Alors la


vitesse v = B S[ω] est bornée et log-lipschitzienne, c’est-à-dire que pour tous x, y ∈ R2
1 ¯ ¯
|x − y| ≤ =⇒ |v(t , x) − v(t , y)| ≤ C |x − y| ¯log |x − y|¯ ,
2
où C est une constante positive qui ne dépend que de kω0 kL 1 et kω0 kL ∞ .
De plus les caractéristiques sont globales en temps et uniques.

Nous prouvons cette proposition dans la sous-section suivante, nous avons besoin au préalable
de donner des généralisations du lemme de Gronwall et du théorème de Cauchy-Lipschitz.

Lemme d’Osgood et problème de Cauchy

Lemme 3.6 (Lemme d’Osgood). Soit f : R+ → R+ continue positive et vérifiant l’inégalité


Z t
f (t ) ≤ A + θ( f (s)) d s,
0

où A > 0, θ est une fonction croissante, positive tendant vers 0 en 0 et satisfaisant l’hypothèse
Z 1
1
d z = +∞.
0 θ(z)
3.1. CAS EULER 2D - YUDOVICH 35

Alors
Θ( f (t )) ≤ Θ(A) + t , ∀ t ≥ 0, (3.18)
où z 1
Z
Θ(z) = d u, Θ(0) = −∞.
1 θ(u)

Démonstration. On introduit la fonction h ∈ C 1 , à valeurs strictement positives


Z t
h(t ) := A + θ( f (s)) d s,
0

qui satisfait donc


θ%, f ≤h
h 0 (t ) = θ( f (t )) =⇒ h 0 (t ) ≤ θ(h(t )).
On a à présent
d h 0 (t )
Θ(h(t )) = Θ0 (h(t )).h 0 (t ) = ≤ 1,
dt θ(h(t ))
et ainsi par intégration entre 0 et t :
Θ(h(t )) ≤ Θ(A) + t .
θ étant une fonction à valeurs positives, Θ est une fonction croissante et on conclut à l’inégalité vou-
lue :
Θ( f (t )) ≤ Θ(A) + t , ∀ t ≥ 0.

Corollaire 3.7. Sous les hypothèses du lemme précédent, en supposant cette fois que A = 0, alors f est
nulle sur [0, +∞[.

Démonstration. On prend A = η > 0 et on fait tendre η vers 0, on a alors Θ(η) + t → −∞ pour tout
t ≥ 0. Nécessairement f (t ) = 0 car sinon Θ( f (t )) aurait une valeur finie.

Proposition 3.8. Soit f : Rd → Rd une fonction telle que

| f (t , x) − f (t , y)| ≤ C µ(|x − y|),

où µ est une fonction continue, positive, croissante. On suppose de plus que


Z 1 1
d z = +∞.
0 µ(z)

Alors, pour tout y 0 ∈ Rd , il existe une unique solution globale au problème de Cauchy
(
y 0 (t ) = f (y(t )),
y(0) = y 0 .

Démonstration. — existence assurée par la continuité de f via le théorème de Cauchy-Peano.


36 CHAPITRE 3. SOLUTIONS FAIBLES

— pour montrer l’unicité locale, on considère deux solutions y 1,2 définies sur un intervalle com-
mun J . On a pour tout t ∈ J
Z t Z t
µ |y 1 (s) − y 2 (s)| d s.
¯ ¯ ¡ ¢
|y 1 (t ) − y 2 (t )| ≤ ¯ f (y 1 (s)) − f (y 2 (s))¯ d s ≤
0 0

Le lemme d’Osgood nous assure alors que y 1 = y 2 sur l’intervalle J car µ est bien une fonction
positive, croissante satisfaisant la condition de dégénerescence en 0.
— caractère global en temps : comme f est uniformément continue, il existe δ0 tel que µ(δ0 ) ≤ 1.
|x−y|
Soient x, y ∈ Rd , on introduit N ∈ N tel que N = b δ0 c. On a alors

N ¯ µ
¯
y x y x
¶ µ ¶¯
X − − ¯
| f (x) − f (y)| ≤ ¯ f x + kδ − f x + (k + 1)δ ¯
¯
k=0 |y − x| |y − x| ¯
N
µ(δ)
X

k=0
|x − y|
≤ N +1 ≤ + 1,
δ
et donc pour y = 0
|x|
| f (x)| ≤
+ 1 + | f (0)|,
δ
ce qui signifie que f est sous-linéaire. On peut alors utiliser le lemme standard de Gronwall
dans l’inégalité
|y(t )|
|y 0 (t )| ≤ + 1 + | f (0)|
δ0
pour conclure qu’il ne peut pas se produire d’explosion en temps fini.

Preuve de la Proposition 3.5. Pour montrer le résultat il nous faut obtenir l’existence et l’unicité d’une
vitesse log-lipschitz, le résultat sur les caractéristiques découlant alors directement de la Proposi-
tion 3.8 appliquée à la fonction µ(z) = z| ln z|.
D’après la loi de Biot-Savart, on a pour tout x, y ∈ R2 , avec δ := |x − y| < 1/2 :
Z
K 2 (x − z) − K 2 (y − z) ω(t , z) d z
¡ ¢
v(t , x) − v(t , y) =
ZR
2

K 2 (x − z) − K 2 (y − z) ω(t , z)1{|x−z|>2} d z
¡ ¢
=
RZ2

K 2 (x − z) − K 2 (y − z) ω(t , z)1{2δ<|x−z|<2} d z
¡ ¢
+
ZR
2

K 2 (x − z) − K 2 (y − z) ω(t , z)1{|x−z|<2δ} d z
¡ ¢
+
R2
=: I 1 + I 2 + I 3 .

On remarque tout d’abord que

|x − y|
|K 2 (x − z) − K 2 (y − z)| = .
2π|x − z||y − z|
3.1. CAS EULER 2D - YUDOVICH 37

Pour I 1 , on intègre sur un domaine où la quantité ci-dessus est bien contrôlée car |x −z| > 2, et d’après
l’hypothèse sur δ : |y − z| > 3/2. Ainsi

1
|I 1 | ≤ |x − y|kω(t , ·)kL 1 ,

et comme on suppose δ := |x − y| < 1/2, on peut majorer grossièrement par
¯ ¯
|I 1 | ≤ C (kω(t , ·)kL 1 ) |x − y| ¯ log |x − y|¯.

Pour I 2 , nous avons δ < |z − y| < 3/2 et

dz
Z
|I 2 | ≤ C kω(t , ·)kL ∞ δ
2δ<|x−z|<2 |x − z||y − z|
dz
Z
≤ C kω(t , ·)kL ∞ δ
2δ<|x−z|<2 |x − z| |x − z| − δ
¡ ¢
Z 2
2πd r
≤ C kω(t , ·)kL ∞ δ
2δ r − δ
i
≤ C kω(t , ·)kL ∞ δ log(2 − δ) − log δ
£

≤ C kω(t , ·)kL ∞ δ | log δ| = C kωkL ∞ |x − y| ¯ log |x − y|¯


¯ ¯

Enfin pour I 3 , on est dans la région où |x − z| ≤ 2δ et |y − z| ≤ 3δ. On majore alors l’intégrande comme
suit µ ¶
1 1 1
|K 2 (x − z) − K 2 (y − z)| ≤ |K 2 (x, y)| + |K 2 (y, z)| ≤ + ,
2 |x − z| |y − z|
et
µZ ¶
1 1
Z
|I 3 | ≤ C kω(t , ·)kL ∞ dz + dz
|x−z|≤2δ |x − z| |x−z|≤2δ |y − z|
µZ ¶
1 1
Z
≤ C kω(t , ·)kL ∞ dz + dz
|x−z|≤2δ |x − z| |y−z|≤3δ |y − z|
µZ 2δ Z 3δ ¶
≤ C kω(t , ·)kL ∞ 2πd r + 2πd r
0 0
≤ C kω(t , ·)kL ∞ δ = C kωkL ∞ |x − y|.

En combinant ces trois estimations, on obtient le résultat voulu :


¡ ¢ ¯ ¯
|v(t , x) − v(t , y)| ≤ C kω(t , ·)kL 1 + kω(t , ·)kL ∞ |x − y| ¯ log |x − y|¯
38 CHAPITRE 3. SOLUTIONS FAIBLES

3.2 Solutions de Leray pour les équations de Navier-Stokes


On rappelle les équations de Navier-Stokes définies pour une viscosité ν > 0
(
∂t v + (v · ∇)v + ∇p − ν∆v = 0,
∀ t > 0, x ∈ Rd , d = 2 ou 3, (3.19)
div v = 0,
muni de la condition initiale
v |t =0 = v 0 . (3.20)

3.2.1 Définition des solutions faibles de Leray et résultat principal


Definition 3.9 (Solutions faibles de Leray). On dit que v est une solution faible de Leray des équations
de Navier-Stokes (3.19)-(3.20) si pour tout T > 0 les conditions suivantes sont satisfaites :
1. v satisfait la régularité suivante

v ∈ L ∞ ([0, T ]; L 2 (Rd )) ∩ L 2 (0, T ; Ḣ 1 (Rd )); (3.21)

2. la condition d’incompressibilité est satisfaite au sens des distributions


Z
v · ∇φ d x = 0, ∀ φ ∈ C c∞ (R3 ; R); (3.22)
Rd

3. l’équation de quantité de mouvement est satisfaite au sens des distributions : pour toute fonction
test ϕ ∈ C c∞ ([0, T [×R3 ; R3 ) telle que div ϕ = 0
Z TZ h i Z
v · ∂t ϕ − v · (∇ϕ.v) − νv · ∆ϕ d xd t − v 0 · ϕ(0, ·)d x = 0; (3.23)
0 Rd Rd

4. pour tout t ∈ [0, T ], l’inégalité d’énergie est satisfaite


Z t
2
kv(t , ·)kL 2 + 2ν k∇v(t , ·)k2L 2 d s ≤ kv 0 k2L 2 . (3.24)
0

Théorème 3.10 (Leray, 1934). Soit v 0 ∈ L 2 (Rd ) à divergence nulle. Alors


— il existe une solution faible de Leray aux équations de Navier-Stokes (3.19)-(3.20) ;
— si d = 2, cette solution est unique.

3.2.2 Existence d’une solution de Leray, d = 2 ou 3


Problème approché On suit l’approche originelle de Leray et on introduit le problème approché
suivant 
∂t v ε + (J ε v ε · ∇)v ε + ∇p ε − ν∆v ε = 0,


div v ε = 0, (3.25)

(v ) = J v 0,

ε |t =0 ε

où (J ε )ε est une famille d’opérateurs régularisants comme introduit au chapitre précédent.


Comme précédemment, on applique le projecteur de Leray pour éliminer la pression
(
∂t v ε + P(J ε v ε · ∇)v ε − ν∆v ε = 0,
(3.26)
(v ε )|t =0 = J ε v 0 .
3.2. CAS NAVIER-STOKES - LERAY 39

Proposition 3.11. Soit ε > 0, il existe une unique solution v ε du problème (3.26).

Idée de la preuve. On montre qu’il existe un temps Tε tel que l’application


Z t
νt ∆
v(t ) 7→ Aε (v)(t ) := e 0
e ν(t −s)∆ Pdiv J ε v(s) ⊗ v(s) d s,
¡ ¢
Jεv −
0

admet un unique point fixe dans l’espace de Banach

X Tε := L ∞ 0, Tε ; B̄V 0 (2kv 0 kL 2 ) .
¡ ¢

On prolonge ensuite la solution v ε sur l’intervalle de temps R+ tout entier en utilisant le contrôle de
l’énergie
Z t
sup kv ε (s, ·)k2L 2 + 2ν k∇v ε (s, ·)k2L 2 = kv ε0 k2L 2 ≤ C kv 0 k2L 2 . (3.27)
s∈[0,t ] 0

Estimations uniformes

Proposition 3.12 (Bornes). — Pour tout T > 0, la suite (v ε )ε est bornée dans L ∞ (0, T ; L 2 (Rd )) ∩
L 2 (0, T ; Ḣ 1 (Rd )) ;
4
— Pour tout T > 0, la suite (∂t v ε )ε est bornée dans L d (0, T ; Ḣ −1 (Rd )).

Démonstration. — Par l’estimation d’énergie (3.27) on a le contrôle uniforme de (v ε ) dans


L (0, T ; L (R )) ∩ L 2 (0, T ; Ḣ 1 (Rd )).
∞ 2 d

— Pour estimer ∂t v ε on utilise l’équation (3.26)


Z Z
< ∂t v ε (t , ·), ϕ >H −1 ,H 1 = −ν ∇v ε (t , ·) : ∇ϕ d x + J ε v ε (t , ·) · (∇Pϕ . v ε (t , ·)) d x.
Rd Rd

pour obtenir

| < ∂t v ε (t , ·), ϕ >H −1 ,H 1 | ≤ νk∇v ε (t , ·)kL 2 k∇ϕkL 2 + kv ε k2L 4 k∇ϕkL 2 .

On rappelle l’inégalité de Ladyzhenskaya (2.5) (qui est un cas particulier de l’inégalité de Gagliardo-
Niremberg)
1− d d
kvkL 4 ≤ C kvkL 2 4 k∇vkL42 . (3.28)

Ainsi

2− d d
k∂t v ε (t , ·)kH −1 ≤ νk∇v ε (t , ·)kL 2 + kv ε (t , ·)kL 2 2 k∇v ε (t , ·)kL22 .
| {z } | {z }
∈L 2t ∈L 4/d
t
40 CHAPITRE 3. SOLUTIONS FAIBLES

Passage à la limite. D’après les estimations uniformes ci-dessus, et le lemme d’Aubin-Lions-Simon,


on en déduit qu’il existe qu’il existe une sous-suite encore notée (v ε ) et une limite v ∈ C ([0, T ]; L 2l oc (Rd ))∩
L 2 (0, T ; Ḣ 1 (Rd )) tels que

vε * v faible-* dans L ∞ (0, T ; L 2 (Rd )), (3.29)


2 d
∇v ε * ∇v faiblement dans L ((0, T ) × R ), (3.30)
v ε −→ v fortement dans L 2 ((0, T ) × Rd ). (3.31)

Par ailleurs, on peut appliquer le Lemme 2.23 aux espaces X = L 2 (K ), Y = H −1 (K ) pour déduire que

v ∈ C ([0, T ]; L 2w,l oc (Rd )). (3.32)

On passe alors facilement à la limite dans la formulation faible. En effet, on a pour toute fonction
test ϕ ∈ C c∞ ([0, T [×R3 ; R3 ) telle que div ϕ = 0
Z TZ Z TZ
v ε · ∂t ϕ d xd t −→ v · ∂t ϕ d xd t ,
0 Rd ε→0 0 Rd
Z T Z Z T Z
ν v ε · ∆ϕ d xd t −→ ν v · ∆ϕ d xd t ,
0 Rd ε→0 0 Rd
Z Z
0
J ε v · ϕ(0, ·)d x −→ v 0 · ϕ(0, ·)d x,
Rd ε→0 Rd

puis, grâce à la convergence force de v ε (et donc de J ε v ε ) dans L 2 ((0, T ) × Rd )


Z TZ Z TZ
(J ε v ε · ∇)v ε · ϕ d xd t = − J ε v ε · (∇ϕ.v ε ) d xd t
0 Rd 0 Rd
Z TZ Z TZ
−→ − v · (∇ϕ.v) d xd t = (v · ∇)v · ϕ d xd t .
ε→0 0 Rd 0 Rd

En ce qui concerne l’inégalité d’énergie, on utilise la convergence faible (3.30) pour avoir (cf
lemme semi-continuité inférieure de la norme)
Z t Z t
k∇v(s, ·)k2L 2 d s ≤ lim inf k∇v ε (s, ·)k2L 2 d s. (3.33)
0 ε 0

Pour le terme associé à l’énergie cinétique nous ne pouvons pas conclure directement car la conver-
gence de v ε a lieu dans L 2t L 2x (et pas dans C ([0, T ]; L 2 (Rd )). On introduit donc une fonction test α =
α(t ) ∈ C ([0, T [) de sorte que par les convergences faibles de αv ε , α∇v ε on a
Z TZ Z T µZ t Z ¶
2 2 2 2
|α(t )| |v(t , x)| d xd t + 2µ |α(t )| |∇v(s, x)| d xd s d t
0 Rd 0 0 Rd
·Z T Z Z T µZ t Z ¶ ¸
2 2 2 2
≤ lim inf |α(t )| |v ε (t , x)| d xd t + 2µ |α(t )| |∇v ε (s, x)| d xd s d t
ε→0+ 0 Rd 0 0 Rd
Z TZ Z T
2 0 2 0 2
= |α(t )| |J ε v | d xd t ≤ kv kL 2 |α(t )|2 d t .
0 Rd 0
RT
Soient t 0 ∈ ]0, T [, η > 0 fixés, θ ∈ C c∞ ([0, T [) telle que |θ(t )|2 d t = 1. On pose
0

t − t0
µ ¶
1
α(t ) := 1/2 θ .
η η
3.2. CAS NAVIER-STOKES - LERAY 41

Soit f une fonction intégrable sur ]0, T [, on rappelle que t 0 ∈ ]0, T [ est un point de Lebesgue de f si
1
Z
sup | f (t ) − f (t 0 )|d t −→ 0,
ω∈Vη (t 0 ) |ω| ω η→0

où Vη (t 0 ) désigne l’ensemble des voisinages de t 0 de mesure plus petite que η.


Avec cette fonction test α et en faisant tendre η → 0+ dans l’inégalité précédente, on obtient
Z T Z t0
1 2 t − t0
µ ¶
2
lim sup θ kv(t , ·)kL 2 d t + 2µ k∇v(s, ·)k2L 2 d s ≤ kv 0 k2L 2 .
η→0 + 0 η η 0

Ainsi, pour t 0 un point de Lebesgue de la fonction t 7→ kv(t , ·)k2L 2 on a


Z t0
kv(t 0 , ·)k2L 2 d t + 2µ k∇v(s, ·)k2L 2 d s ≤ kv 0 k2L 2 .
0

On étend le résultat à tout point t 0 ∈ [0, T ] en choisissant une suite t n de points de Lebesgue de t 7→
kv(t , ·)k2L 2 qui converge vers t 0 (l’ensemble des points de Lebesgue d’une fonction intégrable sur ]0, T [,
est dense dans [0, T ]), ainsi
Z t0 · Z tn ¸
2 2 2
kv(t 0 , ·)kL 2 + 2ν k∇v(t , ·)kL 2 d s ≤ lim inf kv(t n , ·)kL 2 + 2ν k∇v(t , ·)kL 2 d s ≤ kv 0 k2L 2 . (3.34)
2
0 n 0

On vérifie enfin que la donnée initiale est atteinte dans L 2x . En effet comme v ∈ C ([0, T ]; L 2w,l oc (Rd ))
on a d’une part kv 0 kL 2 ≤ lim inft →0+ kv(t , ·)kL 2 . D’autre part, l’inégalité d’énergie précédemment dé-
montrée nous donne lim supt →0+ kv(t , ·)kL 2 ≤ kv 0 kL 2 . Ainsi on a la convergence en norme kv(t , ·)kL 2 →
kv 0 kL 2 et par la continuité faible en temps on conclut que kv(t , ·) − v 0 kL 2 → 0 quand t → 0+ .

Commentaires D’autres constructions sont possibles, notamment dans le cas d’un domaine borné
— approximation de Faedo-Galerkin
— approximation schéma d’Euler

3.2.3 Unicité de la solution de Leray pour d = 2 - Ladyzhenskaya


Soient v 1 , v 2 deux solutions de Leray émanant de la même donnée initiale v 0 . On note δv := v 1 −
v 2 . On a
∂t δv − ν∆δv + (v 1 · ∇)δv + (δv · ∇)v 2 + ∇(p 1 − p 2 ) = 0, avec (δv)t =0 = 0.
On a δv ∈ L 2 (0, T ; Ḣ 1 (Rd )) avec div δv = 0, ainsi en prenant le produit scalaire dans L 2 (Rd ) avec δv on
a pour presque tout t
1 d
kδv(t , ·)k2L 2 + νk∇δv(t , ·)k2L 2 ≤ k∇δv(t , ·)kL 2 kδv(t , ·)kL 4 kv 2 (t , ·)kL 4
2 dt
≤ k∇δv(t , ·)k3/2
L2
kδv(t , ·)k1/2
L2
kv 2 (t , ·)k1/2
L2
k∇v 2 (t , ·)k1/2
L2
,

grâce à l’inégalité de Ladyzhenskaya avec d = 2. Par une inégalité de Young on a alors


1 d ν
kδv(t , ·)k2L 2 + νk∇δv(t , ·)k2L 2 ≤ k∇δv(t , ·)k2L 2 +C ν kδv(t , ·)k2L 2 kv 2 (t , ·)k2L 2 k∇v 2 (t , ·)k2L 2 .
2 dt 2
42 CHAPITRE 3. SOLUTIONS FAIBLES

On absorbe le premier terme du membre de droite dans le membre de gauche,

1 ν t
Z
kδv(t , ·)k2L 2 + k∇δv(s, ·)k2L 2 d s ≤ C ν kδv(t , ·)k2L 2 kv 2 (t , ·)k2L 2 k∇v 2 (t , ·)k2L 2 ,
2 2 0

et on finit en utilisant l’inégalité de Gronwall et l’inégalité d’énergie satisfaite par v 2 :


µ Z t ¶
kδv(t , ·)k2L 2 ≤ kδv(0, ·)k2L 2 exp C ν 2 2 2 2
kv (s, ·)kL 2 k∇v (s, ·)kL 2 d s
0
³ ´
≤ kδv(0, ·)k2L 2 exp C ν kv 2 k2L ∞ L 2 k∇v 2 k2L 2 L 2
t x t x

≤ kδv(0, ·)k2L 2 0 4
¡ ¢
exp C ν kv kL 2 = 0.

Commentaires dans le cas d = 3 non-unicité en présence d’une force extérieure résultat d’Albrit-
ton, Brué, Colombo 2022 on renvoie à un article de vulgarisation sur Quanta Magazine, et au sémi-
naire Bourbaki d’A.-L. Dalibard (juin 2023).

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