Mémoire Geisler - Lambert 2020-2021 Dumas
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10 juin 2021
Remerciements
Nous tenons à remercier nos directrices de mémoire, Madame Catherine Pech et Madame Julie Riccio,
pour leurs précieux conseils, leur soutien bienveillant et la confiance qu'elles nous ont accordée tout au
long de ce travail.
Nous remercions Madame Laure-Anne Garié d'avoir accepté de faire partie de notre jury de mémoire.
Nous remercions enfin Marianne et Benjamin de nous avoir supportés pendant toute cette période.
1
Sommaire
Introduction ............................................................................................................................................ 3
I. Bases théoriques ............................................................................................................................. 5
1. Théorie de l’esprit ...................................................................................................................... 5
1.1. Définition ........................................................................................................................... 5
1.2. Développement typique ...................................................................................................... 7
1.3. Liens avec le langage .......................................................................................................... 8
1.4. Evaluation......................................................................................................................... 10
2. Terminologie et classifications ................................................................................................. 14
2.1. Evolution .......................................................................................................................... 14
2.2. Limites .............................................................................................................................. 15
2.3. Trouble du spectre autistique ............................................................................................ 17
2.4. Dysphasie sémantique-pragmatique ................................................................................. 20
II. Problématique .............................................................................................................................. 23
III. Hypothèses ............................................................................................................................... 24
IV. Méthodologie ........................................................................................................................... 25
V. L’évaluation des compétences en théorie de l’esprit permet de préciser le diagnostic différentiel
entre TSA et DSP ................................................................................................................................. 27
1. Spécificité et universalité des troubles de la TOM chez les enfants TSA ................................. 27
2. Caractéristiques des troubles de la TOM chez les enfants TSA ................................................ 29
3. Caractéristiques des troubles de la TOM chez les enfants TSLO ............................................. 31
4. Comparaison des performances en TOM des enfants TSA et des enfants TSLO ..................... 33
VI. Une rééducation ciblée de la théorie de l’esprit permet d’améliorer les compétences
communicationnelles et interactionnelles ............................................................................................. 35
1. Pourquoi rééduquer la TOM ? .................................................................................................. 35
2. Quelle(s) modalité(s) de rééducation adopter ? ........................................................................ 36
3. Quels axes privilégier ? ............................................................................................................ 38
4. Quels supports utiliser ? ........................................................................................................... 40
5. Accompagnement parental ....................................................................................................... 42
Proposition d’un protocole de rééducation de la théorie de l’esprit ...................................................... 44
En séance : ....................................................................................................................................... 44
A la maison (accompagnement parental) :........................................................................................ 52
Conclusion ........................................................................................................................................... 55
Bibliographie........................................................................................................................................ 57
Annexes................................................................................................................................................ 68
2
Introduction
Sally et Anne. Anne et Sally… ou l’histoire de deux petites filles et d’une balle qui, l’air de rien, fait
couler beaucoup d'encre depuis maintenant presque quarante ans. Comment imaginer en effet que, pour
certains individus, il soit impossible de faire abstraction de ce qu’ils ont vu ou entendu, de se décentrer,
pour permettre de répondre à cette question pourtant toute simple :
Sous ses airs un peu naïfs, cette épreuve révèle en réalité l’atteinte d’une aptitude cognitive cruciale dans
le développement social de l’individu : la théorie de l’esprit. Cette compétence essentielle aux
interactions sociales consiste à savoir reconnaître ses propres états mentaux, à en attribuer de différents
à autrui et ainsi à comprendre ou à prédire leur comportement.
Il s’avère que de nombreuses études publiées ces dernières années s’accordent à dire que cette
compétence fait défaut à certaines catégories de population, et notamment les personnes présentant un
trouble du spectre de l’autisme ou une dysphasie sémantique pragmatique. Or, le diagnostic différentiel
entre ces deux pathologies reste encore aujourd’hui compliqué à poser, tant les symptômes en sont
voisins… Pourtant, poser ce diagnostic est essentiel dans la mise en place d’une rééducation la plus
efficace possible pour ces patients.
Dans cette optique, il nous est donc apparu intéressant de déterminer dans quelle mesure une évaluation
précise de l’atteinte de certaines composantes de la théorie de l’esprit pourrait constituer un atout dans
la pose de ce diagnostic, et par conséquent, d’améliorer la prise en soins proposée.
Nous nous sommes également interrogés sur l’impact que pourrait avoir une rééducation de cette théorie
de l’esprit sur la communication et les interactions sociales et sur les modalités et les composantes les
plus pertinentes à travailler pour maximiser l’éventuel bénéfice.
Enfin, et parce que nous restons avant tout des orthophonistes, il nous tenait à cœur de proposer aux
collègues qui liront ce mémoire quelques exercices de rééducation « clés en mains » inspirés de nos
lectures et utilisables en séance.
3
Sally et Anne, dessin de Stella Lory, d’après Baron-Cohen et al., 1985 (1).
4
I. Bases théoriques
1. Théorie de l’esprit
1.1. Définition
Le terme de « théorie de l’esprit » apparaît pour la première fois à l’initiative de Premack et Woodruff,
en 1978. Ces auteurs évoquent alors la connaissance que semblent posséder les chimpanzés à propos
des états intentionnels des sujets animés (2). Depuis leurs travaux, les recherches au sujet de la théorie
de l’esprit sont florissantes.
S’il est apparu il y a une quarantaine d’années, le terme de « théorie de l’esprit » est « désormais entré
dans la terminologie courante pour se référer à ce domaine du savoir psychologique qui capte la capacité
à attribuer des états mentaux, intentions, désirs et connaissances, à soi-même et à autrui, de voir les siens
comme possiblement différents de ceux des autres, et d'en tirer les conséquences qui vont retentir sur
son propre comportement et sur l'interprétation du comportement d'autrui. » (3). Nous pouvons
compléter cette définition de Veneziano avec les travaux de Shamay-Tsoory et al., selon lesquels une
partie de la « théorie de l’esprit » implique aussi une réflexion sur ses émotions propres et sur celles
d’autrui, et serait liée aux capacités d’empathie (4). Pour Premack et Woodruff, l’empathie serait
d’ailleurs une théorie de l’esprit restreinte, limitée aux motivations d’autrui et ne s’intéressant pas à sa
cognition.
Nous faisons le choix d’utiliser l’acronyme TOM – pour « Theory Of Mind » soit « Théorie De
l’Esprit » – pour référer à la théorie de l’esprit dans notre travail, afin d’en fluidifier la lecture.
Les différentes études témoignent du caractère composite de la TOM, en montrant combien les résultats
peuvent être variables selon les épreuves proposées, tant sur le plan inter-individuel que sur le plan intra-
individuel.
Une première distinction peut être faite entre TOM cognitive et TOM affective.
La seconde, dite TOM chaude, concerne la signification sociale et émotionnelle des intentions d'autrui
pour l'observateur (6). Pour Westby, cette TOM affective a deux composantes : la composante affective
cognitive, ou empathie cognitive, qui concerne la capacité à reconnaître les sentiments des autres, et
l'empathie affective qui fait référence à la capacité « d’expérimenter » les émotions d'autrui. Cette
dernière est suscitée par la perception ou la déduction de l'état affectif d'autrui et ne doit pas être
confondue avec l'imitation ou la contagion émotionnelle (7).
Les TOM affective et cognitive présentent plusieurs stades de développement : la TOM de premier ordre
est la première étape dans le processus de décentration d'un sujet par rapport à sa propre vision du
monde, à sa propre perspective (8) ; à ce stade, l'individu est capable de penser ce qu'autrui est en train
de penser ou de ressentir. Il s'agit d'un raisonnement du type « Je pense que X pense/ressent… ». Bien
5
qu'étant seulement la première étape de développement de la TOM, elle n'en est pas moins coûteuse sur
le plan cognitif puisqu'elle demande de se détacher de son propre point de vue pour envisager celui d'un
autre, recrutant ainsi de nombreuses fonctions exécutives telles que l'inhibition, la flexibilité mentale
(switching) ou encore la mise à jour d'informations dans la mémoire de travail (updating) (9).
L'un des moyens de tester cette TOM de premier ordre a été introduit par Wimmer et Perner dans leur
étude princeps sur les fausses croyances. Il s'agit de l'histoire de Maxi qui veut récupérer du chocolat
qu'il a rangé à un endroit mais qui a été déplacé en son absence. On demande alors à l'enfant : « Où Maxi
va-t-il chercher le chocolat ? », ce qui met en concurrence sa vision du monde et celle du protagoniste,
testant ainsi sa théorie de l'esprit. Dans cette étude, les enfants de moins de quatre ans ne sont pas
capables d'accéder à ce point de vue qui n'est pas le leur et répondent en fonction de leurs propres
connaissances (10).
La TOM de second ordre fait appel à des méta-représentations de plus haut niveau et correspond à des
représentations plus « internes » de l'individu mais également à la faculté d'adopter simultanément une
double perspective, par exemple « Mr X pense que Mme Y pense que… ». Ce niveau de développement
de la théorie de l'esprit permet à l'individu de comprendre notamment les métaphores, l'ironie et de
réaliser des inférences (11). Happé a été l'une des premières à tester cette compétence en proposant aux
sujets des « histoires étranges » (« Strange Stories »), petites saynètes mettant en scène tour à tour des
situations, d'ironie, de double bluff ou de mensonge. Le sujet est alors testé sur sa compréhension de
l'histoire de manière à dresser un profil de développement de sa TOM de second ordre (12). L'acquisition
de cette composante de la TOM, si elle peut commencer vers cinq ou six ans, s’établit sur une longue
période au cours du développement de l’individu tout-venant (13).
Katie et Emma jouent à la maison. Emma prend une banane dans la corbeille à fruits et la met à son
oreille. Elle dit à Katie : « Regarde ! Cette banane est un téléphone ! »
6
1.2. Développement typique
Au fil de leurs recherches, de nombreux auteurs ont nourri nos connaissances en matière de
développement typique de la TOM. Ainsi, Coricelli considère que la TOM évolue d’une forme basique
– mais spécialisée – de cognition sociale, vers une forme plus sophistiquée d’intersubjectivité (14). Il
introduit alors l’idée que la TOM évoluerait selon deux niveaux :
D’autres auteurs nous donnent des tranches d’âge d’acquisition des diverses composantes de la TOM.
Tout d’abord, chez le sujet tout-venant, la TOM est certainement en place dès l’âge de dix-huit mois
(15). L’apparition de la TOM à proprement parler à cet âge est d’ailleurs concomitante à celle du faire-
semblant (5) et à celle de l’attention conjointe (16). En outre, une TOM efficiente ne serait rendue
possible que par la mise en place préalable d’une capacité de méta-représentation, et donc d’un jeu de
faire-semblant. En effet, les enfants autistes présentant un déficit de leur capacité de faire-semblant
présentent aussi un déficit en TOM (5).
Dans leur étude, explorant par le biais de quatre expériences successives les capacités d’attribution de
fausses croyances et de constructions d’énoncés trompeur ou véridique en fonction de ces croyances,
Perner et Wimmer concluent que « l’habileté qui semble émerger et s’établir fermement entre quatre et
six ans » ne peut pas être imputée uniquement à une augmentation des capacités mnésiques et des
capacités de traitement central (10). En effet, cette habileté à comprendre les croyances d’une autre
personne et comment elle réagira sur la base de ces croyances, ainsi que la compréhension de la
tromperie, semblent être de nouvelles capacités cognitives au fonctionnement particulier, et qui
s’établissent au cours de ces deux années. Christopher et Uta Frith évoquent eux aussi un bond
développemental concernant la TOM, entre quatre et six ans. Ainsi, si la compréhension des énoncés de
« fausses croyances » est la marque de l’acquisition d’une TOM chez les enfants de quatre ans (17), ce
ne serait qu’à partir de l’âge de six ans que nous pourrions considérer l’enfant comme ayant une véritable
compréhension explicite des états mentaux et de leur implication dans les comportements d’autrui (15).
En somme, la mise en place de la TOM de premier ordre – celle qui consiste à inférer l’état mental d’une
seule personne, et qui permet donc de comprendre que différentes personnes peuvent avoir différentes
pensées autour d’une même situation (18) – s’établit vers l’âge de quatre ans (10).
La mise en place de la TOM de premier ordre serait suivie de celle de la TOM de second ordre – celle
impliquant des états mentaux imbriqués du type « John pense que Marie pense que… » (18) –, à partir
de l’âge de six ans (10). Même s’ils avancent qu’avant cet âge les enfants ne sont pas capables de
comprendre les fausses croyances de second ordre, Perner et Wimmer nuancent leur propos, en évoquant
en parallèle que certaines formes d’états épistémiques peuvent être compris avant cet âge. Ils soulignent
de plus qu’alors même que l’inférence est incitée et que des conditions optimales sont réunies pour
permettre à l’enfant d’inférer correctement une croyance de second ordre, cette inférence ne se produit
spontanément que dans la moitié des cas chez des enfants âgés de sept ans (13).
Par la suite, les bases neurales de la TOM ainsi que ses liens avec les fonctions exécutives semblent
poursuivre leur développement de l’adolescence à l’âge adulte (19) ; (20).
7
Enfin, chez les sujets sains, le fonctionnement de la TOM peut se trouver altéré avec le vieillissement.
Avec leur étude, dans laquelle ils ont comparé les résultats en TOM de participants réunis en trois
groupes d’âge, Duval et al. mettent en lumière un effet de l’âge sur les habiletés générales de TOM
lorsqu’elle est évaluée de manière objective. Même si la TOM affective semble affectée par le
vieillissement, c’est bien la TOM cognitive qui apparaît significativement touchée. Plus précisément,
l’âge semble avoir un effet direct seulement pour la TOM de second ordre. Un effet indirect est retrouvé
pour la TOM de premier ordre, médié par les processus exécutifs. En effet, les auteurs affirment que les
attributions d’intentions et les fausses croyances de premier ordre sont principalement prédites par les
mesures des fonctions exécutives. Les fausses croyances de second ordre quant à elles, ainsi que la TOM
affective et la TOM composite – évaluée par une épreuve originale, au cours de laquelle il nous faut
prendre en compte à la fois le contexte et les pensées d’un personnage pour décider de ses préférences
– sont principalement prédites par l’âge (21).
Pour Astington et Jenkins, la relation entre ces deux notions est unidirectionnelle, non réciproque : la
TOM dépend du langage. En effet, les compétences langagières à un moment donné permettent de
prédire les compétences en TOM ultérieures. Les auteurs précisent la nature de cette relation, en
affirmant que cette prédiction repose en particulier sur les habiletés syntaxiques (22).
De plus, pour une tâche de TOM donnée, de type fausse croyance de premier ordre, si les enfants tout-
venants réussissent vers l’âge de quatre ans, les enfants autistes, eux, réussiront plutôt vers l’âge de neuf
ans, lorsque leur compétence langagière s’améliore. Autrement dit, les habiletés verbales, qui donnent
un âge mental verbal, sont un bon prédicteur et un fort corrélat de la compétence en TOM, chez les
enfants tout-venants comme chez les enfants autistes (23). D’autres auteurs partagent ce point de vue en
ce qui concerne les enfants présentant un trouble spécifique du langage oral – TSLO. L'ensemble des
capacités linguistiques se développant de concert, elles sont toutes essentielles au développement d’une
TOM, ayant chacune leur place dans la mise en place d’une compétence permettant d’interpréter les
actions d’autrui. Pourtant, la place toute particulière de la compétence grammaticale est spécifiquement
soulignée, et semble être le domaine linguistique le plus finement lié à la TOM (24) ; (25).
Ainsi, Miller, dans une des rares études s’intéressant aux capacités en TOM des enfants présentant un
TSLO, présente deux versions de l’hypothèse du lien étroit entre TOM et langage :
- La première version, dite « forte », affirme que certaines compétences langagières sont
nécessaires pour se représenter des états mentaux. En effet, ces derniers sont en général
exprimés par un verbe introduisant une subordonnée complétive : « penser, croire,
prétendre… », tournure grammaticale d’accès complexe qui pourrait représenter un écueil pour
les enfants avec TSLO, les empêchant d’être performants dans les tests de TOM. De Villiers et
Pyers affirment ainsi qu'il est nécessaire de maîtriser le principe des subordonnées enchâssées
pour être capable d’analyser les énoncés de fausses croyances (26).
- La seconde version, dite « faible », avance que, parce que les tests de fausses croyances sont
souvent présentés à l'oral, ils requièrent un certain niveau de langage pour les résoudre, ce qui
pénalise encore une fois les enfants présentant des troubles du langage.
8
Pour le prouver, Miller adapte les tâches de fausses croyances, de manière à ne pas utiliser de tournure
grammaticale complexe, permettant ainsi de s’affranchir des exigences linguistiques de l’exercice. Les
enfants présentant un TSLO semblent alors avoir des performances en TOM comparables à celle des
témoins, n’étant plus entravés par la complexité linguistique de l’énoncé, ce qui vient confirmer les deux
versions de l’hypothèse (27).
Toutefois, d’autres auteurs soutiennent une relation plus réciproque entre le développement du langage
et celui de la TOM. C’est notamment le cas de Veneziano, pour qui langage et TOM ont en commun un
« développement complexe et multidimensionnel ». Les compétences en TOM seraient même à
l’origine des toutes premières acquisitions langagières (28). De Villiers partage cette même vision en
parlant d’une « interface bidirectionnelle » entre la TOM et le langage. Elle pense que c’est la TOM qui,
précédant le langage, le rend possible (la TOM permettrait, entres autres, de fixer les signifiants aux
signifiés très précocement). Néanmoins, dès l’âge de quatre ans, cette tendance s’inverse et ce serait le
langage qui soutiendrait le développement de la TOM (en fixant de nouvelles structures langagières,
l’enfant acquiert de nouvelles façons de raisonner à propos de l’esprit d’autrui). En outre, l’auteur pense
que TOM et langage se soutiennent et s’enrichissent mutuellement au fil du développement de l’enfant,
avec une prédominance de l’action de l’un sur l’autre selon les périodes (29). De plus, TOM et langage
partagerait un substrat symbolique commun émergeant très tôt dans le développement de l’enfant et lié
aux différences inter-individuelles présentes entre quatre et cinq ans (30). Pour autant, et bien que ce
soit à cet âge-là qu’émergerait une TOM, à l’âge de dix-huit mois, les aptitudes langagières ne sont pas
encore liées à la TOM (31).
Pour en revenir à la nature plus précise des domaines langagiers influençant le développement de la
TOM, si la syntaxe est évoquée par Astington et Jenkins, d’autres auteurs attribuent un rôle relativement
au domaine sémantique (32), d’autres encore au domaine lexical. Moore et collaborateurs notamment
ont étudié le lien existant entre compréhension de termes exprimant la certitude et TOM. Ils soulignent
que les enfants à partir de quatre ans sont en mesure, s’ils disposent d’une TOM, de distinguer les
différents degrés de certitude exprimés par différents termes lexicaux comme « savoir » et « penser » :
« Je sais qu’il est dans la boîte bleue. » vs. « Je pense qu’il est dans la boîte rouge. » Pour ces auteurs,
cette habileté à différencier une certitude d’une incertitude requiert d’ailleurs une TOM effective (33).
Enfin, la TOM se développerait entre autres au travers de l’exposition de l’enfant aux expressions des
états mentaux, et cette exposition leur permettrait de les manipuler bien plus aisément (les leurs et ceux
d’autrui), ce qui promeut un fonctionnement interactionnel fluide (34). Par ailleurs, dans une revue de
littérature, Baron-Cohen affirme que les compétences pragmatiques sont étroitement liées à la capacité
d’attribuer des états mentaux à autrui (35). Il donne entre autres les raisons suivantes :
- L'interlocuteur possède certaines croyances sur les signifiés auxquels renvoient les signifiants
utilisés par le locuteur.
- L’interlocuteur tente de se représenter le message tel que le locuteur avait l’intention qu’il le
soit.
- L’interlocuteur et le locuteur partagent certaines informations seulement.
- L’interlocuteur a certaines croyances sur la façon dont le locuteur va agir (honnêteté, sincérité,
pertinence…), ce que l’on connaît aussi sous le nom de principe de coopération de Grice, qui
affirme que la conversation est régie par des maximes conversationnelles dont la violation peut
mener à un échec conversationnel.
D’autre part, la théorie des actes de langage, développée et enrichie par plusieurs auteurs dès 1962, nous
apprend que les deux protagonistes d’une conversation doivent prendre en compte mutuellement leurs
9
états mentaux. L’interlocuteur a ainsi besoin de faire des inférences à propos des intentions du locuteur,
alors que ce dernier doit s’assurer que son message a bien été interprété et son intention reconnue.
Baron-Cohen conclut qu’une utilisation du langage porteuse de sens et performante sur le plan
communicationnel nécessite une théorie de l’esprit.
1.4. Evaluation
Une évaluation précise et complète de la TOM pourra permettre de définir une prise en soins au plus
près des besoins du patient. En cela, les outils utilisés pour la tester doivent être choisis avec soin. Malgré
l’existence de nombreux tests (notre travail ne se voulant pour autant pas exhaustif), des difficultés
d’évaluation perdurent : mode de présentation des tâches, caractère écologique des situations proposées,
etc.
Wimmer et Perner sont parmi les premiers à proposer un test mesurant les habiletés en TOM : le test de
Maxi, basé sur une situation de type transfert inattendu (10). Ce test est présenté de façon multimodale
(canaux auditif et visuel) :
Plus tard, Baron-Cohen, Leslie et Frith proposent leur version de cette tâche de transfert inattendu : le
célèbre test de Sally et Anne (1). Ce test est lui aussi présenté de façon multimodale (canaux visuel et
auditif) :
Ces deux premiers tests font appel à une TOM de premier ordre, tout comme celui de Perner, Frith et
Leekam, lui aussi très connu : le test des Smarties (36). Toutefois, ce test place l’enfant non pas dans
une situation de transfert inattendu mais dans une situation dite d’apparence trompeuse. De plus, l’enfant
est acteur de ce test (E : l’examinateur, S : le sujet testé) :
10
Les Smarties, d’après Perner, Frith et Leekam, 1989
→ E : Si ton copain entre maintenant dans la salle, et que je lui demande ce qu’il y a dans la boîte,
que va-t-il me répondre ?
Si les trois tâches que nous venons de citer font appel à une TOM de premier ordre, celle élaborée par
Perner et Wimmer en 1985 permet de tester la TOM de second ordre, plus délicate à évaluer : le test du
Camion de glace (13) . Ce test se présente, comme les deux premiers tests évoqués, sous la forme d’une
histoire dans une situation de transfert inattendu, mettant en scène John et Mary. En raison des difficultés
d’évaluation de cette composante de la TOM, les auteurs ont mis en œuvre un paradigme expérimental
particulier : le pointage est suffisant pour répondre à la question test et il n’existe ni rapports introspectifs
ni difficultés syntaxiques dans les énoncés.
John et Mary sont dans le parc. Ils aperçoivent le camion de glace. Mary a très envie d’une glace,
mais elle a oublié son argent chez elle. Le marchand lui dit : « Ne t’inquiète pas, Mary, je reste dans
le parc jusqu’à la fin de l’après-midi, tu auras le temps de revenir acheter une glace. »
Mary rentre chez elle, elle va chercher son argent. John est seul dans le parc.
Le marchand de glace quitte le parc avec son camion, et prévient John que finalement, il ira vendre
des glaces devant l’église.
En chemin, il passe devant chez Mary et lui dit que finalement, il va vendre des glaces devant l’église
et non plus au parc. « Quelle chance que vous soyez passé devant chez moi pour me prévenir ! », dit
Mary. John ne sait pas que le marchand de glace a prévenu Mary !
Plus tard dans l’après-midi, John va chercher Mary chez elle. La maman de Mary dit à John : « Mary
vient de sortir, elle voulait acheter une glace. »
John va chercher Mary.
Ces quelques tests permettent donc à l’évaluateur d’objectiver les compétences en TOM de premier et
second ordre. Qu’en est-il des aspects cognitifs et affectifs de la TOM ?
L’ATOMIC (Animated Theory of Mind Inventory for Children (37)) permet de répondre à cette
question. Plus récent, il distingue aussi les deux versants de la TOM : le versant cognitif et le versant
émotionnel. Ce test, écologique, multimodal et à la validité solide, basé sur le principe de la séquence
d’images à compléter, inclut de plus une échelle de cohérence centrale. A ce jour, il n’est toutefois pas
disponible en français.
Mais alors, existerait-il une batterie d’évaluation complète de la TOM, qui faciliterait l’analyse des
résultats et la dotation des professionnels dans les pays francophones ?
11
Westby évoque notamment la TOM Task Battery d’Hutchins et Prelock comprenant neuf tâches
couvrant les différents aspects de la TOM (TOM cognitive et affective, de premier et second ordre) et
sélectionnées dans divers tests existants. Cette batterie présente une bonne fiabilité en termes d’effet
test-retest et est particulièrement adaptée aux enfants présentant un TSA (38). La Batterie-TOM-vf en
est une traduction et montre de bonnes fiabilités test-retest et inter-juge. Elle est tout à fait pertinente et
applicable chez des enfants d’âge préscolaire (39).
Une partie des tests existants se présente sous la forme d’images. S’il est tentant de procéder ainsi,
Loukusa et al. soulignent qu’il est presque impossible de mesurer de manière fiable les habiletés non
verbales d’inférences sociales contextuelles en utilisant les tâches basées sur des images (comme c’est
le cas notamment dans la NEPSY-II – Korkman, Kirk et Kemp ; 2012 ; Editions ECPA), car ces tests
structurés ne sont pas aussi compliqués que les situations réelles (40).
Toutefois, Happé a élaboré la batterie « Strange Stories » que nous avons déjà évoquée, qui s’appuie sur
des histoires de la vie quotidienne et qui pallie ce manque de sensibilité et de naturel retrouvé dans des
tâches plus classiques comme les fausses croyances ou la tromperie. L’auteur souligne cependant que si
sa batterie reflète mieux les difficultés rencontrées par les enfants autistes dans leur vie quotidienne, les
tests plus classiques n’en restent pas moins valides et significatifs (12). Freed et al. trouvent que cette
batterie est particulièrement adaptée pour l’évaluation des enfants porteurs d’un trouble de la
communication sociale lorsqu’elle est réalisée avec le système de cotation modifiée par O’Hare et
collaborateurs – qui permet d’approfondir le score des états mentaux partiels, plus utiles dans la
perspective de la mise en place d’une rééducation (41) – notamment car elle permet de révéler des
difficultés langagières de haut niveau (mentalisation) et de raisonnement social qui n’apparaissent pas
dans des tests classiques (42). Ceci va dans le sens de Conti-Ramsden et al., pour qui les tests
actuellement utilisés en clinique, qui se concentrent en particulier sur les aspects structurels du langage,
ne sont pas à même de mettre en évidence les difficultés communicationnelles des jeunes enfants
présentant un TSLO voire, de surcroît, un autisme « incomplet » (tous les éléments de la triade n’étant
pas retrouvés) (43).
Heavey et al. proposent quant à eux une tâche de TOM avancée écologique pour la mesure de la
compréhension sociale chez des adultes souffrant de troubles envahissants du développement. Ce test,
intitulé le Awkward Moments Test, est présenté sous un format si naturel qu’il serait parmi les plus à
même de mettre en évidence des difficultés subtiles de mentalisation (44). Suite au visionnage de courtes
séquences vidéo, les participants doivent répondre à deux questions (modalité écrite) : l’une portant sur
les états mentaux, l’autre contrôle. Les auteurs valident leur hypothèse : par rapport aux sujets contrôles,
les sujets TSA répondent de façon moins correcte aux questions basées sur des états mentaux tout en
ayant davantage de difficultés à expliquer les intentions des personnages. Malgré quelques limites, ces
résultats font du Awkward Moments Test un moyen d’évaluation tout à fait spécifique et intéressant
pour évaluer l’habileté des sujets autistes adultes à attribuer des intentions et des émotions à des
personnages.
Bien que, comme nous le voyons, il existe une multitude de tests pour l’évaluation de la TOM, nous
nous devons de rester prudents quant aux résultats que nous pourrions obtenir. En effet, van Buijsen et
al. trouvent un effet du mode de présentation des tests, qui peut aussi largement différer en fonction de
la population. Par exemple, pour des enfants présentant un TSLO, il existe un effet significatif du mode
de présentation : les tests sont bien mieux réussis et les performances similaires à celles d’enfants tout-
venants lorsqu’ils sont présentés sous forme de dessin, quel que soit le test : Sally et Anne, les Smarties.
Cependant, pour des enfants porteurs d’un TSA, l’effet du mode de présentation est moins tranché : par
exemple, le test des Smarties sera mieux réussi lorsque le mode de présentation sera l’oral ou la vidéo.
12
Notons que cet effet du mode de présentation des tests n’existe que pour des enfants porteurs d’un
trouble, et pas dans la population au développement typique (45).
D’où l’importance certaine d’interroger les parents et les professeurs sur les compétences sociales et
communicationnelles, en plus des tests. Pour ce faire, Hutchins et al. proposent notamment le
questionnaire parental ToMI, pour les enfants et adolescents de deux à dix-sept ans (46), dont la version
française – ToMI-vf – a été validée en 2014 (47).
13
2. Terminologie et classifications
2.1. Evolution
Bien que le simple fait de devoir différencier des pathologies qui pourraient s'inscrire dans un continuum
puisse s'avérer problématique, il est inévitable de se référer à l'une des classifications existantes pour
poser un diagnostic.
Pour Baird et Norbury, la classification idéale doit à la fois être valide et d'utilité clinique. Sa validité
fait référence à la mesure dans laquelle les critères diagnostiques correspondent à un tableau de
symptômes cohérent, son utilité clinique dit en quoi poser un diagnostic et mettre en place le traitement
adapté permettra de réduire les répercussions sur la santé du patient. L'International Classification of
Diseases (ICD) et le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM) constituent les deux
cadres diagnostiques de référence et fournissent les définitions cliniques des pathologies, les principaux
diagnostics différentiels et un seuil diagnostique (48).
Pour redonner une « place » à ces individus, le DSM-5 (2013) propose alors une nouvelle catégorie : le
« Social (Pragmatic) Communication Disorder » ou S(P)CD, qui concerne les « individus présentant des
difficultés à utiliser la communication verbale et non-verbale dans un but social, entraînant une
incapacité à communiquer efficacement, participer socialement, maintenir des relations sociales ou à
être performant au niveau scolaire ou professionnel, ces difficultés ne pouvant pas être expliquées par
des habiletés cognitives limitées. » Les symptômes incluent des difficultés d’acquisition et d’usage du
langage oral et du langage écrit, ainsi que la formulation de réponses inappropriées en conversation. Ces
symptômes doivent être présents dès l’enfance même s’ils ne se manifestent que plus tard, lorsque les
exigences de parole, de langage, ou de communication deviennent trop fortes.
Cette nouvelle catégorie vient ainsi pallier le manque de prise en charge spécifique des patients
présentant des problèmes de communication, mais pas les patterns d’activités, d’intérêts et de
comportements restreints et répétitifs caractéristiques des TSA. En effet, faute de diagnostic adapté, ces
derniers étaient souvent étiquetés « TED-NS » selon la classification de l’ICD-10, et recevaient un
traitement trop peu ciblé sur leurs troubles de la communication sociale, troubles pourtant éligibles en
14
tant que tels à un traitement spécifique. Le DSM-5 fait ainsi du TSA un diagnostic différentiel du
S(P)CD (48).
Néanmoins, on pourrait encore s'interroger sur le caractère trop général de cette catégorie, dans le sens
où on pourrait s’attendre à y voir inclus tous les sujets présentant des difficultés sociales mais sans
diagnostic de TSA. Autrement dit, le S(P)CD du DSM-5 pourrait constituer le TED-NS du DSM-IV.
Cependant, les résultats de l’étude de Mandy et al. semblent contredire cette hypothèse. En effet, dans
leur cohorte de 1081 enfants, d’après les algorithmes établis pour l’étude, les auteurs attribuent un
diagnostic de S(P)CD pour seulement 88 sujets (soit 8,1% de l’échantillon) et 192 autres enfants (soit
17,8% de l’échantillon) ne peuvent être diagnostiqués ni S(P)CD ni TSA : le distinguo est donc fait entre
S(P)CD et TED-NS, et le S(P)CD pourrait effectivement représenter une entité clinique à part entière.
Malgré tout, et bien que ces auteurs dégagent des preuves préliminaires de l’existence du S(P)CD en
tant que syndrome (comprendre rassemblement de symptômes) cohérent, ils évoquent la nécessité de
nouvelles études avant de porter une conclusion formelle (49).
Enfin, les auteurs de l’ICD-11 (qui entrera en vigueur début 2022) ont quant à eux fait le choix de faire
de ce type de trouble une sous-catégorie des troubles du langage (« Language Disorders ») nommée
« Developmental Language Disorder, with Impairment of Pragmatic Language » soit « Trouble
Développemental de la Pragmatique du Langage », qui serait finalement le plus proche de ce que Rapin
et Allen nomment « Syndrome Sémantique-Pragmatique sans autisme » (50) et Gérard « Dysphasie
Sémantique-Pragmatique » (DSP) (51). On y trouve les enfants dont les difficultés pragmatiques sont
durables et dépassent ce que l’on aurait pu attendre au vu de leur niveau de langage dit structurel
(comprenant la phonologie, la sémantique, la morphosyntaxe et le discours narratif) (48). A l’instar du
DSM-5, l’ICD-11 stipule qu’un « Developmental Language Disorder, with Impairment of Pragmatic
Language » ne peut être diagnostiqué qu’en l’absence de TSA, ce dernier pouvant malgré tout en inclure
les symptômes (52).
Nous faisons le choix, pour notre travail, d’utiliser le terme de Gérard, la « dysphasie sémantique-
pragmatique », car son utilisation nous semble être, aujourd’hui encore et malgré les évolutions des
différentes classifications, la plus répandue en France.
2.2. Limites
L'évolution de ces classifications semble servir une volonté de clarification et d'objectivation des critères
de ces pathologies. Pourtant, dans les faits, elles laissent la part belle à l'interprétation et à la subjectivité
du praticien, et donc à des diagnostics encore trop fragiles.
Pour les troubles neurodéveloppementaux notamment, tels que le TSA, les causes peuvent être
multiples, les symptômes évolutifs et les comorbidités nombreuses, ce qui brouille les frontières
diagnostiques (48). Entre les années 1980 et 2010, le nombre de cas d’autisme diagnostiqué n’a cessé
d’augmenter (53), ce qui pourrait notamment être dû à un élargissement des critères diagnostiques sur
cette période. En effet, Bishop montre que des enfants diagnostiqués porteurs d’un trouble
développemental du langage – et notamment un trouble sémantique-pragmatique – seraient, pour un
grand nombre d’entre eux, diagnostiqués autistes ou TSA avec des critères diagnostiques récents (54).
Elle l’explique par le fait que la plupart d’entre eux avaient alors été testés sur la base des DSM-III et
DSM-III-R pour lesquels les critères diagnostiques de l’autisme étaient plus stricts et les formes
d’autisme modérées encore mal reconnues.
15
Avoir conscience des équivalences et des écarts entre les classifications est essentiel tant pour la pose
du diagnostic que pour mettre en perspective les résultats des études basées sur des classifications
différentes. Hoogenhout reprend par exemple une étude affirmant que 30 à 50% des TSA ne seraient
plus diagnostiqués comme tels selon les critères du DSM-5 (55). Elle montre aussi de manière
statistique, en s’appuyant sur les performances en TOM, qu’une catégorisation plus fidèle aux résultats
serait à mi-chemin entre les cinq sous-catégories d’autisme du DSM-IV et la catégorie unique du DSM-
5, et irait notamment vers une dichotomie autisme de haut ou bas niveau de fonctionnement avec le QI
verbal comme critère différentiel. Bishop et Norbury, quant à elles, montrent dans leur double étude
qu'en fonction des outils diagnostiques utilisés, certains individus pourraient indifféremment entrer dans
l'une ou l'autre catégorie (56).
De plus, les symptômes autistiques évoluant avec l’âge, un même individu pourra ne plus satisfaire les
critères diagnostiques qui avaient permis de le catégoriser dans son enfance. C'est en tout cas ce
qu'affirme Conti-Ramsden, qui attribue ces évolutions de diagnostic au fait que des symptômes
autistiques peuvent apparaître plus tard au cours du développement (43). Dans une autre étude publiée
avec Botting, elle évoque entre autres l’aspect temporel parmi les facteurs pouvant conduire à une
confusion dans la description et le diagnostic de troubles langagiers pragmatiques (57). Bishop s’est
d’ailleurs penchée sur un éventuel substrat génétique commun entre trouble du spectre autistique et
trouble spécifique du langage oral, sans pour autant parvenir à conclure à un lien autre que phénotypique
entre ces deux pathologies (58). Pour cette auteure, certains enfants présentant des troubles pragmatiques
ne satisfont ni les critères du trouble spécifique du langage oral, car la structure du langage est correcte,
ni ceux de l’autisme, car ils n’en présentent pas tous les symptômes cardinaux (59).
Néanmoins, d’autres auteurs montrent que les enfants avec un trouble langagier pragmatique présentent
des troubles structurels du langage, qui tendent à exister au niveau de la syntaxe (en expression et en
compréhension). Cette image erronée d’enfant verbeux et linguistiquement performant a notamment
conduit à la confusion de cet enfant, d’autant plus si ses sujets de conversations sont limités, avec
l’enfant Asperger (57).
Shields, avant eux, avait d’ailleurs conclu dans son étude à un large recouvrement entre le syndrome
sémantique-pragmatique et l’autisme de haut niveau, après avoir testé deux populations d’enfants sur
des tâches de compréhension sociale, de théorie de l’esprit et de détection de la direction du regard (60).
Ces résultats, étayés par une autre étude de la même année, où elle mettait en évidence un
dysfonctionnement commun de l’hémisphère droit du cerveau, lui font affirmer que la DSP appartient
au continuum du spectre autistique (61).
Dans son article proposant une traduction du Children’s Communication Checklist de Bishop, Maillart
parle même d’une « controverse trouble pragmatique/trouble autistique » (62). Le fait que les
symptômes de ces deux pathologies soient si proches (langage peu informatif, persévérations,
néologismes, anosognosie…) pousse certains à réfuter l’existence de la DSP et à en attribuer les
difficultés pragmatiques à des troubles de type autistique. Les tentatives visant à la dissocier clairement
des autres dysphasies d’une part et des TSA de l’autre restent peu concluantes et sa dénomination même
pose problème, puisque les troubles sémantiques et pragmatiques ne sont que très rarement corrélés. A
tel point que Bishop elle-même propose de substituer l’appellation « trouble pragmatique du langage »
à celle de « dysphasie sémantique-pragmatique », proposée par Gérard en 1993 (59).
Dans sa revue de littérature, Norbury (63) résume bien la complexité et les enjeux de la pose d'un
diagnostic des troubles pragmatiques et de la communication sociale, en l'occurrence celui de S(P)CD,
alors tout juste introduit dans le DSM-5. Avant tout, ce dernier se doit de correspondre à un phénomène
16
clinique cohérent reposant sur des critères diagnostiques et une terminologie clairs. Il nécessite, pour
être clairement posé, une évaluation réalisée avec des outils fiables et solidement étalonnés, et se doit
d'être suivi dans le temps de manière à caractériser son évolution ; enfin il nécessitera de déterminer un
profil pragmatique et des étiologies permettant de le caractériser spécifiquement. C'est à ce prix-là que
le S(P)CD pourra être considéré comme une catégorie diagnostique à part entière plutôt que comme un
ensemble de symptômes susceptible d'être retrouvé dans de nombreuses pathologies
neurodéveloppementales.
Suite à ses observations, Kanner a fourni les premières descriptions du tableau autistique (64). Sa
synthèse réunit les cas de vingt enfants, dont, selon lui, le comportement diffère de tout ce qui a pu être
décrit. Malgré des variations aussi bien dans le degré d’atteinte que dans la manifestation des traits
caractéristiques et dans le développement, l’auteur dresse le profil global de ces enfants. Le
dénominateur commun semble être leur incapacité à se lier à autrui, dès le début de leur vie, alors que
leur relation aux objets est très développée.
En parallèle, Kanner parle d’une « extrême solitude autistique », présente invariablement chez tous les
enfants, et caractérisée par une relation à l’autre toute particulière : conscience d’autrui atypique, contact
visuel absent, « détachement » et « inaccessibilité » …
D’après Kanner, si le langage émerge, il n’a pas vocation à transmettre ni de l’information ni du sens.
Les enfants ont un bon vocabulaire, toutefois leur compréhension reste très littérale, avec une
inflexibilité – soit l’incapacité à attribuer à un terme un sens différent de celui connu en premier. Lorsque
les phrases se forment, les enfants expérimentent pendant très longtemps une phase de répétition, ce que
nous pouvons appeler l’écholalie différée. Ils ne présentent pas de difficultés avec le pluriel et les temps,
la construction syntaxique est correcte, néanmoins l’utilisation des pronoms est plaquée, inappropriée,
calquée sur ce qui est entendu. Notons que les enfants n’utilisent pas le pronom « je » et réfèrent à eux-
mêmes en utilisant la deuxième ou la troisième personne du singulier. Ils acquièrent cette utilisation à
l’âge de six ans, au lieu de trois pour les enfants tout-venants (65). De plus, l’intonation entendue est
aussi reproduite à l’identique. Parallèlement, les enfants ne distinguent pas un ton amical d’un ton plus
dur lorsqu’on s’adresse à eux (aspect pragmatique du langage). Si nous nous attachons aux fonctions
communicatives, Kanner ne repère pas de différences entre les enfants verbaux et les enfants mutiques.
Ces enfants présentent des comportements répétitifs, qui semblent les rassurer. En effet, Kanner parle
d’un comportement guidé par le « désir anxieux obsessif du maintien de la similitude », le moindre
changement conduisant l’enfant « au désespoir ». Certains enfants vont de plus présenter des intérêts
très restreints.
Cependant, tous ces enfants présentent de bonnes « potentialités cognitives », et ne peuvent être
considérés comme « faibles d’esprit », les faibles résultats aux épreuves de QI pouvant s’expliquer par
un trouble affectif. Les troubles et difficultés ne sont pas non plus en lien avec un trouble auditif (64).
Bleuler parlait de « withdrawal », soit de « retrait », de « repli ». Pour Kanner, la définition donnée par
Bleuler n’est pas suffisamment précise, bien qu’il s’en satisfasse. En effet, il avoue ne pas avoir trouvé
17
de terme à la fois concis et convenable pour décrire le syndrome, tout en évoquant la nécessité de
disposer d’une « désignation d’identification » – regrouper ledit syndrome avec d’autres catégories de
troubles plus générales représentant, à son sens, un « danger » (66).
On voit déjà bien, alors même que l’autisme est tout juste étudié et décrit, la difficulté à le caractériser
et à lui attribuer une dénomination unanime. Ceci est sans doute lié à l’expression polymorphe des
difficultés et particularités inhérentes à ce trouble, ainsi qu’à sa variation intra et interindividuelle (tant
en termes de degré de sévérité que de domaines langagiers et comportementaux touchés). C’est
certainement de cette manière qu’est apparue, plus tard, le besoin de parler de « trouble du spectre
autistique. » En effet, en instaurant la notion de « spectre » autistique, le DSM-5 (2013) permet de
rassembler tous les troubles précédemment décrits dans le DSM-IV (1994) : trouble autistique,
syndrome d’Asperger, trouble désintégratif de l’enfance, trouble envahissant du développement non-
spécifié (le syndrome de Rett, considéré comme un trouble neurologique discret, n’y est plus inclus
(67)).
En 2020, Hodges et al. s’interrogent d’ailleurs sur les effets de cette nouvelle classification sur la
prévalence du TSA et rassemblent dans leur revue de littérature une partie des données dont nous
disposons en termes d’épidémiologie, de causes et de diagnostic. Ainsi, le trouble du spectre autistique
peut être défini comme un trouble neurodéveloppemental, caractérisé par des déficits de la
communication sociale et la présence d’intérêts restreints et de comportements répétitifs (dyade
autistique d’après le DSM-V) (67). Frith introduit de plus la notion de « cohérence centrale », qu’elle
définit comme étant la « tendance spontanée de l’enfant tout-venant à intégrer des stimuli dans des touts
cohérents et ayant du sens » (68). D’après Happé, cette habileté serait déficitaire chez les enfants autistes,
ce qui causerait des difficultés de traitement de l’information contextuelle (69).
La recherche révèle encore à ce jour de multiples facteurs corrélés au risque de TSA, sans pour autant
mettre le doigt sur une cause précise, déterminante. En effet, on peut aujourd’hui dire que le TSA est un
trouble influencé à la fois par des facteurs environnementaux et par des facteurs génétiques, qui vont
tous deux affecter le développement cérébral (67).
L’évaluation se déroule en plusieurs temps. Tout d’abord, un test de screening est réalisé dans
l’ensemble de la population pédiatrique, visant à identifier les enfants à risque de présenter un TSA. S’il
existe alors pour certains enfants une suspicion de TSA, on leur proposera un nouveau test de screening
:
Par la suite, si les résultats à ces derniers tests posent toujours question, on orientera l’enfant et sa famille
vers la réalisation d’examens plus poussés, dans le but de réaliser une évaluation complète. Pour ce faire,
plusieurs moyens d’évaluation existent :
18
- ADI-R (Autism Diagnostic Interview-Revised) : entretien semi-dirigé réalisé auprès des
soignants d’enfants et d’adultes pour lesquels il existe une suspicion d’autisme. La version
révisée est adaptée pour les enfants à partir de dix-huit mois, tout en étant davantage en lien
avec les critères du DSM-IV et de la CIM-10 (73).
- ADOS (Autism Diagnostic Observation Schedule) : protocole standardisé, comprenant huit
tâches ciblant des comportements sociaux et communicatifs d’un point de vue qualitatif. Pour
les enfants et adolescents de six à dix-huit ans (74).
- CARS (Childhood Autism Rating Scale) : protocole d’observation directe de comportements
ciblés, comportant quinze sous-échelles. Pour enfant de tout âge y compris préscolaire (75).
Si l’ADI-R comme l’ADOS sont considérés comme les gold standards, il n’en reste pas moins que ces
tests manquent de finesse, notamment pour l’évaluation de tableaux cliniques voisins de l’autisme (76).
Enfin, les auteurs soulignent l’importance d’évaluer aussi ces enfants en ce qui concerne les troubles
cooccurrents avec le TSA, dont on sait, s’ils ne sont pas systématiquement présents, qu’ils peuvent être
nombreux (67).
Au sein de ce trouble du spectre autistique, et comme nous le soulignions, existent diverses entités
syndromiques cliniques, bien qu’elles ne figurent plus explicitement dans le DSM-5. Parmi elles, le
syndrome d’Asperger, très proche de l’autisme dit de « haut niveau » – dont on a encore aujourd’hui
beaucoup de difficultés à le différencier. En effet, « en comparant ces deux entités syndromiques, on
retrouve une différence d’intensité des symptômes plutôt que des profils symptomatiques distincts, ce
qui serait en faveur de l’hypothèse d’un continuum du spectre autistique », à l’extrémité supérieure
duquel se trouverait le syndrome d’Asperger, avec notamment une absence de retard de l’acquisition du
langage. Ce critère ne fait néanmoins pas l’unanimité au sein de la communauté scientifique. La
difficulté à définir et repérer clairement le syndrome d’Asperger et à en définir des signes précoces est
la cause de son diagnostic tardif, vers l’âge de onze ans (cinq ans et demi pour l’autisme « classique »)
(77).
Prior et al. distinguent plusieurs sous-groupes d’autismes à haut niveau de fonctionnement, et parmi eux
le TED ou TED-NS. Ces enfants auraient des symptômes autistiques atypiques, ou n’atteignant pas le
seuil à partir duquel les cliniciens sont à même de poser un diagnostic d’autisme. Ces enfants évoquent
les enfants autistes, mais avec des troubles moins sévères ou s’exprimant avec des différences subtiles
(78). Ils pourraient parfois être considérés comme présentant un trouble sémantique-pragmatique (59).
Néanmoins, pour Gibson et al., cette catégorie est bien trop floue et ne permet pas de décrire avec
suffisamment de précision un tableau tel que celui des troubles langagiers pragmatiques (79).
S’il est vrai que les sous catégories de l’autisme du DSM-IV disparaissent dans le DSM-5, le terme de
« syndrome d’Asperger » est encore largement utilisé, et notamment par les orthophonistes. Nous
choisissons donc de l’aborder particulièrement, en parallèle du TSA, dans la suite de notre travail, sous
l’acronyme SA. En outre, si le SA fait partie intégrante du TSA, nous pouvons nous attendre à des
différences de performances de TOM au sein du spectre, et en particulier en ce qui concerne le SA.
19
2.4. Dysphasie sémantique-pragmatique
C'est Christophe-Loïc Gérard qui a introduit le terme de dysphasie sémantique-pragmatique (DSP) dans
son ouvrage consacré à l'enfant dysphasique (51).
Contrairement aux simples retards de parole ou de langage, qui consistent en un trouble fonctionnel
d'utilisation de l'un des éléments du modèle de Crosson, les dysphasies sont des troubles structurels,
caractérisées par des déficits liés au dysfonctionnement de l'un de ces éléments.
Pour construire sa classification, Gérard adapte celle de Rapin et Allen (1988) (80) au modèle de Crosson
et définit cinq grands types de « syndromes dysphasiques » :
C'est à cette dernière que nous nous intéresserons particulièrement dans cette étude.
Pour Gérard, la DSP passe souvent inaperçue dans la prime enfance du fait qu'elle n'affecte pas les
aspects formels du langage que sont la phonologie et la syntaxe. Le sujet peut donc faire illusion en
situation spontanée. Cependant, dès que le langage doit être utilisé dans un objectif précis, certaines
anomalies nuisent à l'informativité du discours. L'auteur évoque notamment « des choix lexicaux et
syntaxiques inadéquats entraînant des paraphasies sémantiques […] et une incohérence du discours qui
peut rappeler par certains aspects les troubles psycholinguistiques des sujets frontaux […] constitué de
20
nombreuses paraphasies […], de néologismes […] émaillé de nombreuses persévérations qui agissent
parfois très à distance » mais aussi des écholalies. Ces enfants présentent également un trouble majeur
de la pragmatique – tant sur le plan réceptif qu'expressif – auquel on donne parfois le nom de « cocktail
party syndrome », et qui ne manque pas d'évoquer le fonctionnement des enfants autistes dits « à haut
niveau de fonctionnement », si ce n'est que, selon l'auteur, les enfants DSP sont capable d'utiliser une
interaction non-verbale normale et de s'interroger devant un échec de communication.
Rapin et Allen parlent de « syndrome sémantique-pragmatique sans autisme » et évoquent des enfants
présentant le même tableau que celui évoqué par Gérard : langage expressif fluent, phonologiquement
et syntaxiquement intact mais difficultés à initier ou à maintenir une cohérence par rapport à un sujet de
conversation. Ils notent également des écholalies ainsi que des confusions pronominales et un langage
plaqué (50). Mazeau, quant à elle, même si elle reprend le terme de DSP, classe ce « syndrome
sémantique pragmatique » dans les troubles des fonctions exécutives et non au sein des dysphasies
puisqu’il ne présente « aucune déviance linguistique » (81). On en retrouve cependant la majorité des
symptômes : discours logorrhéique présentant de nombreuses digressions, perte du fil de la conversation,
coq-à-l'âne... Elle évoque également une atteinte majeure de la pragmatique et de l'informativité.
En ce qui concerne la prévalence, Gérard avance que sur soixante cas de dysphasie, un seul est une DSP,
ce qui représente environ 1,7% de la population dysphasique. Pour lui, le diagnostic doit se faire en trois
temps : caractériser le déficit verbal, éliminer les diagnostics différentiels et enfin poser le diagnostic de
dysphasie en s'appuyant sur les « marqueurs de déviance. » Ces derniers sont au nombre de six :
hypospontanéité, dissociation automatico-volontaire, trouble de l'encodage syntaxique, manque du mot,
trouble de la compréhension et trouble de l'informativité. Ces deux derniers marqueurs, et notamment
le manque d'informativité, sont ceux recherchés prioritairement pour établir le diagnostic de DSP. Mais
celui-ci est rarement simple à poser et peut s'étendre sur plusieurs années (82).
La pose du diagnostic différentiel est essentielle pour différencier un trouble du langage secondaire à
une pathologie sous-jacente d'une dysphasie primaire avec atteinte de la pragmatique. Il faut également
exclure toute pathologie neurologique associée, les troubles psychoaffectifs ou les troubles du contact
et la déficience intellectuelle. En effet, la DSP est avant tout un trouble de la pragmatique, et cette
dernière se trouve affectée dans de nombreuses pathologies telles que le trouble de l'attention avec ou
sans hyperactivité (TDA/H), la psychose infantile mais surtout dans les troubles envahissants du
développement (DSM-IV) ou troubles du spectre autistique (DSM-5).
Le DSM-5, pour les raisons évoquées dans le chapitre précédent, a introduit la catégorie « troubles de
la communication sociale. » Ses auteurs évoquent un diagnostic peu courant et rarement utilisé pour les
enfants de moins de quatre ans, dont le langage est toujours en cours de développement. Ils font du TSA
un diagnostic différentiel majeur qui ne sera écarté que si l'histoire développementale ne met en évidence
aucun comportement, champs d'intérêt ou activités répétitifs ou restreints. Anglada et al. pointent
d'ailleurs que le fait que les interactions sociales et la communication aient été regroupées dans la même
catégorie montre la difficulté d'en différencier les symptômes. Enfin, comme présenté dans la partie
« Terminologie et classifications », les auteurs de l'ICD-11, quant à eux, proposent une catégorie qui
« ramène » ce trouble dans les troubles développementaux du langage en introduisant le
« Developmental Language Disorder, with Impairment of Pragmatic Language », tout en conservant le
TSA comme diagnostic différentiel principal.
L'évaluation de la DSP repose principalement sur des épreuves testant la composante pragmatique du
langage, telles que la Children's Communication Checklist de Bishop (62), le Profil des Troubles
21
Pragmatiques de Monfort (2005) ou bien encore l'échelle d'évaluation de la communication sociale
précoce de Guidetti et Tourette (2011) en plus de l'analyse du discours spontané.
Cette évaluation se situera sans doute au sein d’une évaluation langagière plus globale, pour laquelle les
orthophonistes disposent de nombre de batteries. Nous pourrons y trouver diverses épreuves testant la
pragmatique, dont voici un aperçu non exhaustif :
22
II. Problématique
La TOM est nécessaire à l’enfant pour s’adapter à son interlocuteur et à ses besoins socio-communicatifs
(83), ce qui en fait un élément fondamental du développement d’une communication efficiente (84).
Il est communément admis, malgré l’existence de quelques nuances, que les enfants autistes présentent
un déficit en TOM (12) ; (84) ; (85) ; (86). De plus, la distinction entre TSA et DSP est souvent sujette
à débat, car il est encore compliqué actuellement de réaliser le diagnostic différentiel entre ces deux
pathologies. Le diagnostic ne serait d’ailleurs établi que par exclusion, en écartant toute autre possibilité
diagnostique, plutôt que par identification de certaines caractéristiques clés (87).
Ainsi, une évaluation des diverses composantes de la TOM pourrait être un moyen d’étayer le diagnostic
différentiel entre ces deux pathologies.
Il serait donc particulièrement utile de définir des profils de TOM correspondant à chacune de ces
d’elles, non seulement pour aider à la pose du diagnostic, mais aussi et peut-être surtout pour mettre en
place une prise en soins adaptée et efficace. Westby l’évoque en conclusion de son article traitant des
avancées récentes de la connaissance du fonctionnement de la TOM (7). Elle conseille en effet d’évaluer
chacune des composantes de la TOM (cognitive/affective, interpersonnelle/intrapersonnelle) de manière
à dresser un profil de chaque patient et être ainsi capable de mettre en œuvre les stratégies de remédiation
ciblant les fondements linguistiques et cognitifs/affectifs du développement de la TOM.
En outre, l’orthophoniste est tout à fait apte à mener une rééducation des diverses composantes de la
communication. C’est pourquoi nous nous attacherons à évaluer, dans un second temps, si la prise en
soins d’enfants présentant un déficit de TOM permet une amélioration d’une part des compétences en
TOM, et d’autre part de la communication.
23
III. Hypothèses
Hypothèse 1 : L’évaluation des compétences en théorie de l’esprit permet de préciser le diagnostic
différentiel entre TSA et DSP.
Hypothèse 2 : Une rééducation ciblée de la théorie de l’esprit permet d’améliorer les compétences
communicationnelles chez les enfants TSA et DSP.
24
IV. Méthodologie
Pour réaliser cette revue de littérature, il nous a fallu en premier lieu trouver les articles relatifs à notre
sujet de la manière la plus efficace et la plus exhaustive possible.
Pour définir notre question clinique, nous nous appuyons sur la méthode PICO issue de la démarche
EBP (Evidence Based Practice). Elle se définit ainsi :
« Une évaluation de la théorie de l’esprit permet-elle d’aider au diagnostic différentiel entre trouble du
spectre autistique et dysphasie sémantique pragmatique ? »
Puis nous en extrayons les mots-clés qui nous servent à effectuer nos recherches dans les bases de
données scientifiques telles que PubMed ou EM | Premium ou bien sur les sites de revues en ligne, tel
que Science Direct, par exemple. Pour ce faire, nous cherchons les équivalent « MeSH » de ces mots-
clés (Medical Subject Headings), termes normalisés appartenant au thésaurus de référence du domaine
biomédical et à partir desquels les articles sont indexés. Nous croisons alors ces « MeSH terms » de la
sorte :
- Pour obtenir les articles traitant des troubles du spectre autistique et de la TOM : ("Autism
Spectrum Disorder"[Mesh]) AND ("Theory of Mind"[Mesh])
- Pour obtenir les articles traitant de la “DSP” et de la TOM : ("Social Communication
Disorder"[MeSH Terms] OR "Language Development Disorders"[MeSH Terms]) AND
"Theory of Mind"[MeSH Terms]
NB : Le terme "DSP" n’étant pas répertorié comme terme « MeSH », nous utilisons les termes les plus
souvent associés à cette pathologie dans la littérature, et notamment dans le DSM-5 ("S(P)CD" par
exemple).
Une fois les articles trouvés, il a fallu sélectionner en plusieurs étapes ceux qui nous serviraient à
construire notre revue de littérature. Pour ce faire, nous nous sommes inspirés de la méthodologie
proposée dans le « Prisma statement » et notamment de son « flow diagram » de manière à cibler au
mieux les articles sources à retenir pour notre synthèse (88).
25
« Flow diagram » au cours d’une revue de littérature, d’après Moher, 2009 (88).
Nous avons suivi le même processus pour définir notre seconde hypothèse, puis trouver des articles nous
permettant d’y répondre.
26
V. L’évaluation des compétences en théorie de
l’esprit permet de préciser le diagnostic
différentiel entre TSA et DSP
Lors de nos recherches bibliographiques, et comme nous l’avons relaté dans notre chapitre
« Terminologie et classifications », nous avons pu constater que de nombreux termes sont utilisés pour
désigner les troubles de la pragmatique et de la cognition sociale tels que la dysphasie sémantique-
pragmatique. Et bien que les pathologies désignées par chacun de ces termes ne soient pas identiques,
leurs manifestations cliniques sont très similaires. Aussi, par souci de lisibilité et de cohérence, nous
avons fait le choix de ne conserver qu’une seule appellation, celle qui nous semble la plus pertinente,
pour désigner ce trouble dans la suite de notre mémoire, en l'occurrence celle du DSM-5, c’est à dire le
« Social (pragmatic) communication disorder » désigné par l’acronyme « S(P)CD » traduit en français
par « Trouble de la communication sociale (pragmatique) ».
De plus, s’il existe de nombreuses études évoquant les troubles de la théorie de l’esprit chez les SLI
(« Specific language impairment » soit « Trouble spécifique du langage oral » ou TSLO en français,
équivalant à la dysphasie), ceux traitant spécifiquement de la DSP sont plus rares. Cependant, la DSP
appartenant au champ des TSLO, nous considérons ici que les résultats sont, au moins en partie,
représentatifs du trouble de la communication sociale. Aussi, nous faisons le choix, dans la suite de notre
travail, de prendre également en considération les résultats des études concernant les troubles de la TOM
chez les enfants présentant un TSLO.
L’un des premiers à s’être intéressé à un éventuel trouble de la TOM dans la population autiste est Simon
Baron-Cohen. Dans une de ses premières études, menée de front avec Alain Leslie et Utah Frith, il émet
l’hypothèse que non seulement les enfants autistes ne maîtrisent pas la théorie de l’esprit et ce malgré
un niveau cognitif normal, mais que cette défaillance leur est propre, en faisant un déficit spécifique (1).
Pour cela, il s’appuie sur le test de Sally et Anne (10) qu’il fait passer à un groupe d’enfants autistes, un
groupe d’enfants porteurs de trisomie 21 (syndrome de Down) et un groupe d’enfants témoins. Si l’on
pouvait s’attendre à ce que les enfants témoins réussissent le test, le fait que les enfants T21, qui
présentent un niveau cognitif subnormal (QI < 80), le passent aussi avec succès est riche
d’enseignements. En effet, il est révélateur d’une part du fait que l’échec rencontré par les TSA n’est
pas entièrement imputable à leur limitation cognitive, d’autre part que ce trouble de la TOM serait
spécifique aux TSA.
Ceci sera plus tard remis en cause, notamment par Ozonoff et al., qui, forts des résultats de leur étude
qui révèlent des difficultés en TOM chez les individus tout-venants, concluent à la potentielle non-
spécificité des déficits de la TOM chez le TSA (89).
27
Leslie et Frith proposent d’affiner les découvertes de Baron-Cohen en comparant les performances
d’enfants TSA en méta-représentation – et donc en TOM – à celles d’enfants TSLO d’âge verbal
équivalent. Non seulement le résultat est sans appel, puisque les deux tiers des TSA échouent là où tous
les TSLO réussissent, mais l’on ne retrouve pas chez les TSA « l’enthousiasme complice détecté chez
les TSLO à piéger l’expérimentateur… » Ces différences de performances et de comportement à niveau
de langage équivalent tendent à prouver que ce dernier ne peut être tenu pour responsable des déficits
de compréhension des états mentaux chez les TSA (86).
En ce qui concerne la TOM de premier ordre des enfants autistes, Perner et al. apportent de précieuses
informations. Dans l’une de leurs études, ils décèlent que les difficultés d’attribution de fausses
croyances ainsi que les troubles de communication sont indépendants du développement intellectuel de
l’enfant, n’étant le résultat ni d’un trouble mnésique, ni d’un retard mental global. Ces difficultés de
compréhension des fausses croyances, bien présentes dans cette population, peuvent quantitativement
être illustrées comme suit : un enfant autiste ayant un âge mental de treize ans peine à réaliser ce que
maîtrise un enfant-tout venant de trois ans (âge mental). Ainsi, les auteurs résument leur recherche en
concluant que les enfants autistes sont retardés dans leur acquisition de la TOM (36). Mais pour
Hoogenhout et Malcolm-Smith, les déficits de TOM chez les enfants autistes à bas niveau de
fonctionnement sont le fruit à la fois d’un retard et d’une déviance (55). En effet, si l’installation de la
TOM est retardée, on observe un effet plafond et un plateau à un âge plus avancé, voire des régressions
par rapport à des enfants du même âge chronologique (90), à l’instar des enfants souffrant de déficience
intellectuelle ne présentant pas de TSA.
Évoquons en effet les tâches de fausses croyances. Nous considérons, rappelons-le, que typiquement la
TOM de premier ordre est en place à quatre ans (10) et que la TOM de second ordre est en place à six
ans (13). Si une certaine proportion d’enfants présentant un TSA ou un syndrome d’Asperger sont
capables de réussir des tests de premier ordre (85), il n’a jamais été rapporté qu’il les ait réussis au «
bon âge mental. » En effet, un sujet atteint d’autisme de haut niveau ou du syndrome d’Asperger, qui,
par définition, a une intelligence normale, réussit les tests de fausses croyances plus tard qu’un enfant
au développement typique. Par exemple, un enfant autiste ne pourra réussir les tests de fausses croyances
de second ordre en moyenne qu’à l’âge mental (verbal) de neuf ans (23). Pour Happé, il n’est donc pas
raisonnable de remettre en cause l’universalité de l’atteinte de la TOM chez les enfants TSA. Ce point
de vue n’est pas celui de Ozonoff et al., qui affirment que, si les déficits de la TOM de second ordre,
couplés aux déficits des fonctions exécutives, sont universellement présents au sein de la population
autiste, les déficits de la TOM de premier ordre ne concernent qu’un sous-ensemble de l’échantillon
étudié. Selon eux, il semble donc intéressant de ne plus parler « d’universalité des troubles de la TOM »
si l’on n’en précise pas les caractéristiques (89).
Ces difficultés de mentalisation sont généralisées à l’ensemble de la population autiste (du syndrome
d’Asperger au « bas niveau de fonctionnement »), comme le démontre l’étude de Colle et al. dans
laquelle ils utilisent un test de fausses croyances non-verbal afin de distinguer TSA « bas niveau de
fonctionnement » et TSLO. En effet, les résultats suggèrent que les enfants TSA non verbaux ont
davantage de difficultés que les enfants TSLO, ces derniers réussissant correctement le test (91). Cette
idée de déficit universel de la TOM caractéristique chez les enfants TSA, qui se traduirait notamment
par les difficultés de compréhension des états mentaux d’autrui, est notamment soutenue par Baron-
Cohen, pour qui il apparaissent très tôt (85).
28
Chez les TSA, il ne s’agit donc pas d’une absence de TOM, mais bien d’un fonctionnement différent de
celui de l’enfant tout-venant. Frith et al. précisent d’ailleurs que la réussite des enfants TSA à certaines
tâches de TOM ne saurait signifier une normalité de la TOM, mais plutôt que des stratégies autres
émergent pour résoudre les tâches (92).
En effet, Perner et al. pensent que la majorité des enfants autistes sont capables d’ajuster leur
communication en fonction des connaissances de leur interlocuteur (compétence pragmatique du
langage, nécessitant une TOM efficiente). Pourtant, ils ne choisiraient d’utiliser cette habileté
qu'occasionnellement, soit une fois sur trois (36). Baron-Cohen propose d’ailleurs une comparaison des
manifestations de cette anomalie chez les enfants au développement typique et chez les enfants TSA. Il
conclut à une dissociation des performances entre ces deux populations, concernant notamment :
- La distinction apparence-réalité,
- Les fausses croyances de premier ordre,
- Le principe « voir conduit à savoir » (93),
- La reconnaissance des états mentaux,
- Le jeu de faire-semblant spontané,
- La compréhension de causes complexes d’émotions,
- La capacité à contrôler ses propres intentions,
- La tromperie,
- La compréhension de métaphores, de sarcasmes, de blagues et de l’ironie,
- La pragmatique,
- L’imagination,
- Les fausses croyances de second ordre.
Les enfants au développement typique réussissent tous ces tests dès l’âge de trois ou quatre ans. A un
âge mental équivalent, les enfants TSA y échouent mais paraissent toutefois en mesure de réussir
certains tests à un âge plus tardif. Néanmoins, même s’ils sont parfois en mesure de réussir les tests de
fausses croyances de second ordre à l’adolescence, les enfants TSA présenteront toujours des difficultés
pour les tâches de TOM plus avancées telles que le double-bluff (les enfants tout-venants réussissent
ces tâches vers l’âge de huit ans) (85).
Dans son étude, Happé étudie les performances de sujets autistes dans une tâche complexe de TOM.
Elle détermine que certains types d’histoires permettraient d’objectiver des différences de performances
entre les sujets autistes (ceux n’ayant préalablement réussi aucune tâche de TOM dite classique, ceux
ayant réussi seulement les tâches mettant en jeu la TOM de premier ordre, et ceux ayant réussi, en plus
des tâches de TOM premier ordre, des tâches impliquant la TOM second ordre). En effet, pour chacun
de ces types d’histoires – qui concernent la plaisanterie, le mensonge et la persuasion – suite auxquelles
les sujets doivent répondre à une ou plusieurs questions et fournir des justifications, les résultats des
sujets autistes dits « no-TOM » sont inférieurs à ceux des sujets dits « TOM1 », eux-mêmes inférieurs
à ceux des sujets dits « TOM2 ». Ces types d’histoire auraient donc un niveau de difficulté idéal pour
révéler de telles différences, d’autres histoires étant trop simples (apparence/réalité par exemple) ou trop
complexes (sarcasme, double bluff) (12). Dans cette même étude, Happé objective que les enfants
autistes disposant d’une TOM effective (c’est-à-dire ayant au minimum réussi les tâches de TOM de
29
premier ordre) font plus d’erreurs dites « d’état mental » que les individus contrôles, hormis, et c’est
assez surprenant, pour les situations de figures de style (ce qui évoque un apprentissage de ces structures
figées sans nécessité d’apprécier les états mentaux) et les situations d’émotions contraires.
Si de nombreuses études se sont intéressées aux atteintes de la TOM chez les enfants porteurs d’un
trouble du spectre autistique « classique », peu ont exploré ces carences chez les enfants autistes à haut
niveau de fonctionnement, et celles qui ont été menées ont débouché sur des résultats peu concluants.
White relate notamment la grande diversité individuelle chez ces enfants, certains parvenant même à
être plus performants que les témoins (94). Scheeren, quant à elle, ne constate aucune différence de
groupe au niveau des résultats de TOM avancée de type modification d’émotions ou « Strange stories »
regroupant des situations de type double bluff, de faux-pas ou de sarcasme (11). Elle précise malgré tout
qu’il semblerait que, plus que l’âge, ce soient les capacités verbales et les habiletés générales de
raisonnement qui sous-tendraient les capacités de TOM avancée. Par ailleurs, Bauminger et Kasari
montrent qu’un groupe d’enfants autistes à haut niveau de fonctionnement est aussi performant qu’un
groupe d’enfants témoins aux habiletés cognitives comparables sur une tâche de fausse croyance de
second ordre (Le Camion de glace, d’après Wimmer et Perner, 1985) (95). Pourtant ces deux études
évoquent aussi des limites dans la maîtrise du concept sous-jacent par ces enfants, et ce malgré leurs
excellents résultats aux tests. En effet, Scheeren constate des limites dans la capacité de ces derniers à
généraliser les compétences d’inférer des états mentaux aux interactions sociales de la vie quotidienne.
Elle l’explique notamment par le fait que ces interactions ne peuvent être réduites aux concepts
théoriques testés par les épreuves de TOM, et qu’elles nécessitent des compétences sociales supérieures.
Pour leur part, Bauminger et Kasari relèvent de nombreuses erreurs de justification des réponses exactes
données au test du Camion de glace, soit parce que cette justification est fausse, soit parce qu’elle est
hors-sujet. Ceci tendrait à montrer que bien que leurs capacités cognitives soient aussi bonnes que les
enfants tout-venants, elles ne compensent malgré tout pas totalement leurs troubles de la compréhension
sociale. En creux, ces deux études montrent également les limites des épreuves de test de la TOM
existantes, qualifiées de « statiques » par Scheeren tant elles reflètent mal les compétences « réelles »
de ces enfants. Les auteurs se rejoignent d’ailleurs dans leur vœu de disposer de tests plus écologiques
et plus fidèles à la réalité socio-interactionnelle.
Il semble toutefois important de préciser les résultats obtenus par Ozonoff et al., qui révèlent que les
enfants autistes à haut niveau de fonctionnement ont les mêmes aptitudes que les enfants autistes avec
retard mental lorsqu’il est question d’attribuer des états mentaux à autrui (89).
De son côté, Happé affirme que les différences de performances parmi les enfants autistes ne sont pas
en lien avec des différences de QI verbal, mais qu’elles reflètent bien des différences dans la
compréhension des états mentaux sous-jacents (12). Ceci entre en contradiction avec les résultats de
Prior et al., qui avancent que le niveau cognitif et la compétence langagière d’un enfant influencent tous
les domaines de son fonctionnement cognitif, dont la mentalisation fait simplement partie. Les déficits
en TOM étant alors moins évidents lorsque les habiletés verbales sont proches d’un niveau moyen (78).
Toutefois, pour Bauminger et Kasari, la corrélation est forte entre les performances en TOM et le QI
verbal de l’enfant, ce qui peut s’expliquer par le fait que l’enfant autiste s’appuie beaucoup plus sur le
langage et ses compétences cognitives générales pour résoudre les tâches de TOM que l’enfant tout-
venant (95).
Enfin, pour d’autres auteurs, par rapport à des sujets tout-venants, les enfants porteurs d’un syndrome
d’Asperger ont des résultats bien plus faibles en TOM, bien que les performances en cohérence centrale
de ces deux groupes soient équivalentes. Ceci laisse sous-entendre que les faibles performances de TOM
des enfants Asperger ne sont pas en lien avec un déficit des capacités de traitement global de
30
l’information contextuelle – ce qui était avancé dans des études précédentes – ni avec un déficit des
capacités d’inférence. Néanmoins, elles pourraient être en partie expliquées par une faiblesse des
processus mnésiques et attentionnels (37).
De manière générale, Hoogenhout affirme que les contradictions entre ces différentes études pourraient
être dues, entre autres, à un biais de sélection (55). En effet, les premières études (celle de Holroyd et
Baron-Cohen en 1993, par exemple) sont basées sur des contingents où l’autisme à bas niveau de
fonctionnement peut avoir été surreprésenté, or, c’est le seul groupe pour lequel l’âge n’est pas un bon
indicateur des performances en TOM.
Si les enfants TSA présentent un déficit d’empathie (96) et une difficulté à reconnaître les émotions, la
nature affective ou cognitive de ce déficit a beaucoup interrogé (35). Deux des déficits cognitifs
responsables des troubles du fonctionnement social chez les enfants TSA sont d’une part la difficulté à
décoder les émotions, et d’autre part les troubles d’accès au symbolique et à la méta-représentation (97).
Par ailleurs, le développement du jeu symbolique et du jeu de faire-semblant se trouve souvent retardé
chez les enfants TSA. Leslie évoque deux modes de représentation du monde : la première, primaire qui
code les choses telles qu'elles sont, et la secondaire, ou méta-représentation, qui recode les
représentations primaires sans pour autant les remplacer. La capacité de méta-représentation se
manifeste d'abord dans le jeu symbolique puis dans l'usage de termes d'états mentaux (« vouloir »,
« espérer » …) et constitue une base essentielle à la mise en place de la théorie de l’esprit. Les difficultés
d’accès au jeu symbolique des enfants TSA pourraient témoigner d’un défaut de mise en place des méta-
représentations et donc de la théorie de l’esprit (5).
Bishop a formulé trois hypothèses qui pourraient expliquer le lien entre troubles du langage et atteinte
de l’interaction sociale (98) :
- Les déficits des enfants TSLO sont dus à un trouble non spécifique de la mémoire de travail et
des capacités de traitement. Ces déficits pourraient entraîner des difficultés de conversation,
empêchant donc les enfants de développer une bonne compréhension des interactions sociales
et des états mentaux d’autrui.
- Les déficits sociaux des enfants TSLO sont la conséquence de leurs expériences sociales
chaotiques causées par leurs difficultés de communication. Ces enfants seraient stigmatisés et
isolés, ce qui entraînerait l’émergence de comportements non adaptés et d’habiletés socio-
cognitives limitées.
- Il existe des déficits sous-jacents à la cognition sociale responsables de troubles de la
communication et de l’interaction sociale
En effet, si nous considérons que le langage joue un rôle dans le développement de la TOM (99), alors
il est fort probable que les capacités en TOM des enfants TSLO, dont les difficultés se situent
spécifiquement autour du langage (98) , soient déficitaires. C’est ce que montrent Holmes et Tucker : le
développement de la TOM se trouvent retardé chez les enfants TSLO de quatre à sept ans (100), ce
retard pouvant aller de douze à dix-huit mois chez les enfants TSLO âgés de cinq ans à six ans et demi
31
(101). Précisons que si le développement de la TOM est bien lié à celui du langage, il l’est aussi à celui
de la prise de perspective visuelle, qui correspond à la capacité à « voir » les objets selon le point de vue
d’autrui. Ces trois compétences voient leurs développements propres très intriqués et sont déficitaires
chez les enfants TSLO (102).
Toutefois, les travaux de Miller nuancent ces résultats. Tout d’abord, si les enfants TSLO de cinq ans et
demi (âge moyen étudié) ont de moins bons résultats que leurs pairs tout-venants, ce n’est que pour
certains types de tâches de fausses croyances. Ensuite, il s’avère qu’alors qu’ils ont le niveau conceptuel
pour réussir les tâches de TOM, ils sont empêchés de le faire par les exigences linguistiques présentes
dans les énoncés, et notamment les subordonnées complétives introduites pas les verbes d’états mentaux
(27). Miller démontre aussi que le fait de simplifier ces énoncés sur le plan linguistique permet à ces
enfants d’exprimer leur « vrai » potentiel en ce qui concerne la TOM, permettant aux enfants TSLO
d’égaler les performances des enfants tout-venants (103).
Peu d’études se sont penchées sur les déficits des TSLO en TOM, mais l’on peut citer par exemple celle
de Leslie et Frith (86), que nous avons déjà évoquée dans le chapitre précédent, ou bien encore leur
travail avec Perner (36) où les enfants TSLO constituaient des groupes témoins pour les enfants TSA,
et qui ont notamment permis d’affirmer que les troubles de la compréhension du langage oral n’étaient
pas responsables de l’échec des enfants TSA aux épreuves de TOM.
Pour autant, il apparaît que les compétences en TOM de second ordre des enfants TSLO sont inférieures
à celles des enfants tout-venants (104) ; (105). En effet, Farmer décrit comment un groupe d’enfants
TSLO âgés de dix à onze ans, pourtant scolarisé dans un établissement spécialisé, montre des difficultés
avec la TOM de second ordre – maîtrisée dès l’âge de huit à neuf ans chez des enfants tout-venants – et
pêchent au niveau des habiletés sociales. Ils sont également en retard sur le test des « Strange stories »
de Happé et sur une tâche de justification d’états mentaux. Ce retard pourrait être imputable au fait que
les enfants TSLO présentent des difficultés à se détacher du sens littéral et peinent à comprendre l’ironie,
l’humour ou les sarcasmes. Ces observations sont vraies pour tous les enfants présentant un trouble
spécifique du langage oral, sans précision sur les versants langagiers touchés (104). Ceci diffère des
résultats de Shields, pour qui seuls les enfants présentant un trouble des versants sémantique et
pragmatique ont des difficultés dans les tâches impliquant la cognition sociale (60).
Malgré les limites de leur recherche, empêchant d’en généraliser les résultats à l’ensemble de la
population TSLO – et donc à la DSP en particulier –, Spanoudis et al. trouvent que pour une tâche de
TOM avancée donnée, les TSLO sont moins performants que les enfants tout-venants, et que ce sont les
compétences syntaxiques et pragmatiques qui semblent être les meilleurs prédicteurs de ces
compétences en TOM (105).
Enfin, Freed a réalisé une étude portant spécifiquement sur les enfants présentant un S(P)CD (soit un
trouble développemental de la pragmatique du langage, cf. II. Terminologie et classifications), qui se
rapproche le plus de ce que nous appelons DSP. Pour lui, les enfants S(P)CD ont une habileté limitée à
expliquer les utilisations du langage non-littéral. Pour le mettre en évidence, elle a modifié la méthode
de cotation du test « Strange stories » de Happé, de manière à pouvoir distinguer si les erreurs commises
étaient dues à un manque de compréhension du langage littéral ou à une incapacité à comprendre les
états mentaux. Cette cotation permet également de différencier les réponses d’états mentaux et
physiques, mettant en évidence un degré de maturité langagière moindre chez les S(P)CD. (42).
32
4. Comparaison des performances en TOM des enfants TSA et des
enfants TSLO
Certaines études ont montré que les enfants TSA (44) et les enfants TSLO (104) ont des scores inférieurs
à ceux d’enfants tout-venants aux tâches de TOM, et notamment aux « Strange stories » de Happé. De
plus, les troubles de la TOM chez les TSLO semblent plus relever d’un retard développemental que d’un
déficit structurel comme chez les TSA (106).
Brook et Bowler (97) déplorent que la seule étude proposant, à l'époque, de comparer TSA et TSLO sur
la capacité d’attribution des états mentaux soit celle de Leslie et Frith, dans laquelle elles montrent que
72% des TSA échouent là où tous les TSLO réussissent (86). Malheureusement, la proportion d’enfants
atteints de trouble sémantique-pragmatique parmi les TSLO n’est pas connue, ce qui ne nous permet pas
de préciser ces résultats.
Malgré les biais décrits par les auteurs dans leur étude, Loukusa et al. soulignent que la connexion entre
perception sociale et langage est plus forte chez les TSLO que chez les TSA (40), notamment en ce qui
concerne les tâches de closure grammaticale, ce qui va dans le sens des conclusions de Farrar et al. (25).
Toujours pour Loukusa, TSA comme TSLO ont des difficultés au niveau de la TOM verbale, ce qui
peut affecter leur perception sociale. Néanmoins, seuls les TSA sont concernés par des difficultés de
reconnaissance des émotions qui impactent elles aussi leur perception sociale.
Il existe en effet des similarités dans la communication et l’interaction sociales entre S(P)CD et TSA,
mais il est possible de distinguer ces deux tableaux grâce à la présence ou l’absence de comportements
restreints et répétitifs (absents chez S(P)CD). De plus, il n’existe pas de trouble social chez les enfants
TSLO (ce qui permet de les distinguer d’une part du TSA, et d’autre part du S(P)CD qui, rappelons-le,
est une sous-partie du TSLO). Ceci supporte la nouvelle catégorie « S(P)CD » du DSM-5. Il pourrait
exister une continuité dans la dimension sociale entre trouble spécifique du langage et trouble du spectre
autistique, avec des difficultés sociales croissantes : les TSLO ont moins de difficultés sociales que les
S(P)CD, qui eux-mêmes en ont moins que les TSA (79).
Difficultés sociales
Nous avons vu que TSLO et TSA obtenaient des résultats plus faibles que les enfants tout-venants à des
tâches de TOM « avancée », testée par les « Strange stories » de Happé.
Qu’en est-il de la TOM de premier ordre ? Perner et al. montrent que malgré un âge mental bien
inférieur, les résultats des enfants TSLO sont supérieurs à ceux des enfants TSA (36).
A contrario, Schaeffer, dans son étude visant à déterminer les causes potentielles d’un mauvais choix
entre article défini et indéfini, montre que les enfants TSLO et les enfants TSA présentent des résultats
33
en TOM (tâche de fausses croyances) comparables à ceux d’enfants tout-venants si la TOM est évaluée
avec le test non-verbal de Call et Tomasello (1999) (107). Toutefois, Colle, avant elle, a obtenu des
résultats plus nuancés : si les TSLO semblent en effet montrer des compétences normales en TOM, les
TSA ne voient pas leurs résultats s’améliorer (91).
Notons de plus qu’il existe une corrélation entre les capacités de complémentation et la TOM chez les
enfants TSLO. A capacités de complémentation égales, les performances en TOM des enfants tout-
venants, TSLO et TSA seront similaires (pour une tâche de TOM peu verbale). Mais précisons qu’alors,
les enfants TSA sont plus âgés que les enfants TSLO, eux-mêmes plus âgés que les enfants tout-venants
(108).
In fine, pour Botting et Conti-Ramsden, il apparaît que la seule mesure de TOM ne permet pas de
différencier les groupes cliniques similaires que sont le TSA, le TSLO et le PLI (pour « Pragmatic
Language Impairment », que nous rapprochons du S(P)CD). D’autres domaines seraient plus à même
de décrire précisément les différences et les similarités entre ces groupes, comme les mécanismes sous-
jacents du langage. Les auteurs ont notamment étudié quels marqueurs psycholinguistiques pourraient
permettre de différencier ces trois sous-groupes, et concluent que le rappel de phrases du CELF-R
(Clinical Evaluation of Language Fundamentals – Revised, Semel et al., 1987) serait le marqueur le plus
pertinent (87). Ils précisent enfin que l’utilisation de paradigmes narratifs pourraient permettre de
différencier trouble du langage complexe, S(P)CD et TSA (57).
En effet, TSA et S(P)CD ont des profils similaires pour ce qui est des difficultés sociales et des
problèmes de compréhension et d’utilisation du langage en contexte. Cependant, les S(P)CD présentent
plus de difficultés dans les aspects structurels du langage mais moins de problèmes d’initiation, de
langage stéréotypé, de communication non-verbale et de restrictions des intérêts (79).
Ainsi, malgré les nombreuses similitudes d’atteinte de la TOM chez les TSA et les S(P)CD, il apparaît
que certaines composantes de cette compétence soient plus ou moins affectées dans l’une ou l’autre de
ces pathologies.
Il apparaît que la caractérisation des troubles de la théorie de l’esprit au sein des populations étudiées
est très complexe. Elle met en jeu différents facteurs tels que l’âge, les capacités de complémentation,
le mode de présentation de la tâche évaluative (modalité verbale ou non)… à ceci s’ajoutent enfin
l’évolutivité des classifications, la difficulté à estimer le pourcentage de DSP au sein des TSLO ainsi
que le manque d’études comparatives longitudinales, essentielles tant certaines capacités semblent
émerger à des âges différents en fonction des populations (97).
Forts de ce constat, nous allons maintenant nous efforcer de déterminer dans quelle mesure une
rééducation ciblée de certaines composantes de la TOM serait à même non seulement d’améliorer les
performances en TOM, mais également de rejaillir sur les habiletés sociales et communicationnelles de
l’enfant. Nous présenterons enfin les modalités de rééducation qui nous semblent les plus efficaces et
les plus adaptées au cadre d’une prise en soin orthophonique.
34
VI. Une rééducation ciblée de la théorie de
l’esprit permet d’améliorer les compétences
communicationnelles et interactionnelles
Notre deuxième hypothèse consiste à dire qu’une rééducation de la théorie de l’esprit améliore les
compétences en communication.
Néanmoins, certaines études incluses dans la revue de littérature de Fletcher-Watson et al. montrent un
effet positif d’une intervention basée sur la TOM en ce qui concerne la communication (111) et, dans
une moindre mesure, les interactions sociales (112) ; (113).
Ainsi, si Fletcher-Watson et al. remettent en question la pertinence d’une intervention basée sur la TOM
chez les individus TSA, d’autres auteurs y trouvent un intérêt réel, et rapportent des résultats tout à fait
significatifs, chez les TSA mais aussi chez des enfants présentant des difficultés sociales sans trouble
envahissant (114) ; (115) ; (116). C’est pourquoi nous choisissons d’établir un inventaire des différents
moyens de prise en soins de la TOM, dans une optique interventionnelle globale et écologique. En effet,
une rééducation de la TOM pourra s’effectuer au sein d’une rééducation plus générale du langage, que
l’on sait très lié au développement de la mentalisation (117).
35
2. Quelle(s) modalité(s) de rééducation adopter ?
La plupart des études proposent un format rééducatif individuel, c’est-à-dire dans le cadre d’une
situation duelle. La durée des sessions varie généralement de quinze à vingt minutes, mais elle n’est
toutefois pas corrélée à l’efficacité de la prise en soins. Néanmoins, de nouvelles études sont nécessaires
pour mesurer l’impact de ce cadre interventionnel (109).
D’autres auteurs préconisent au contraire une rééducation de groupe, les interactions sociales ayant une
place toute particulière dans le développement de la TOM (115) ; (118) ; (119). Ce format permet une
approche plus écologique puisqu’il offre par exemple l’occasion de se questionner sur le point de vue
qu’a un autre participant sur un même objet au même instant et d’en débattre en groupe, permettant ainsi
de mettre en évidence le fait que son propre état mental n’est pas partagé par tout le monde (116) ; (120).
En effet, en proposant des groupes d’entraînement aux habiletés sociales à des adolescents autistes à
raison d’une fois par semaine, on s’aperçoit que leur reconnaissance des émotions simples s’améliore
(ce qui n’est pas le cas pour des émotions plus complexes, inférées à partir de la région des yeux), tout
comme certains aspects de la TOM (détection de faux-pas et inférence d’un état émotionnel) et de la
pragmatique du langage. Au total, entraîner les habiletés sociales améliore la cognition sociale – dont la
TOM fait partie – des adolescents autistes lorsqu’on met en place un dispositif de groupe. Néanmoins,
la question de la généralisation et du transfert des compétences dans la vie quotidienne persiste (121).
Steerneman et al., pour leur part, proposent de composer des groupes de six à huit enfants ayant une
différence d’âge de trois ans maximum, en veillant à mixer des enfants dits socialement « anxieux » et
des enfants dits socialement « agressifs » afin d’équilibrer l’ensemble (116). D’autres auteurs précisent
l’intérêt de mélanger des enfants d’âge différent : lorsqu’un enfant est en contact avec un autre enfant
ayant une différence d’âge supérieure à un an, l’interaction qui en résulte montre de réels bénéfices sur
les habiletés en théorie de l’esprit (118). Notons que concernant les enfants TSA, il semble plus
intéressant de les inclure ensemble, en les mélangeant à d’autres enfants, dans des groupes de quatre à
six individus (116).
Les études montrent que le développement de la TOM peut transformer les interactions des enfants en
leur faisant prendre conscience du point de vue de l'agent d'une action (122). Par exemple, en 2003,
Saggers a montré l'efficacité d'un entraînement de la TOM au sein d'un programme d'entraînement des
compétences sociales chez des étudiants. On note notamment des progrès dans les relations
interpersonnelles, les loisirs et les compétences sociales (123).
Ozonoff et Miller ont, eux aussi, prouvé qu’un entraînement de groupe des compétences sociales chez
cinq enfants TSA permettait d’améliorer les performances en TOM et notamment des fausses croyances
; cependant, les parents ne rapportaient pas de généralisation dans la vie quotidienne (120). A l’inverse,
Feng et collaborateurs ont observé des progrès notables sur les interactions sociales, sur les plans
quantitatif et qualitatif, et notamment l’apparition de nouveaux comportements tels que le fait de dire
« au revoir » quand on quitte quelqu’un, ou d’autres productions empathiques, comme dire « merci » ou
« je suis désolé ». Pourtant, aucune de ces compétences n’a été directement travaillée durant la période
d’entraînement de la TOM en petits groupes chez ces enfants autistes (124).
Cotugno, pour sa part, a montré les effets bénéfiques d’un entraînement de groupe de trente semaines
des habiletés et des compétences sociales chez dix-huit enfants TSA âgés de sept à onze ans. En effet,
36
des progrès nets ont été mesurés grâce à l’échelle des compétences sociales et de l’ajustement social de
Walker-McConnell, notamment dans la gestion de l’anxiété, l’attention conjointe et la flexibilité
mentale, prouvant ainsi que cette approche peut être efficace pour combler les déficits sociaux de base
des individus TSA (125). Certains auteurs montrent qu’une intervention, même brève et très ciblée,
permet une amélioration des compétences sous-jacentes voire de la TOM. Par exemple, un programme
d’intervention ciblé sur l’attention conjointe et le jeu pour des enfants autistes non verbaux âgés de trois
à cinq ans (à raison d’une heure hebdomadaire sur douze semaines) a pour effet une diversification du
jeu et un engagement social plus important, malgré un manque de généralisation (112).
De leur côté, Steerneman et collaborateurs ont démontré l’efficacité d’un programme de sept mois (vingt
et une sessions de groupe) chez des enfants présentant une atteinte des habiletés sociales sur la
reconnaissance des émotions et sur la TOM, et leurs parents rapportent une amélioration des
compétences sociales à l’issue de cet entraînement. Ce programme d’intervention, établi pour des
enfants âgés de quatre à neuf ans et pouvant facilement s’adapter pour des enfants plus âgés (de dix à
douze ans), est composé de cent soixante-treize activités de difficulté croissante et mettant l’accent sur
différents aspects des habiletés sociales (perception et imitation, distinction fantaisie/réalité,
reconnaissance d’émotions, TOM à proprement parler). Ainsi, ce protocole fournit un cadre guidant le
développement social immature (116).
Gevers et collaborateurs ont complété les deux études précédentes en montrant l’efficacité d’un
entraînement de la cognition sociale basé sur la TOM chez les TSA, les composantes de la TOM et les
compétences de socialisation étant évaluées pré- et post-test. Les enfants, dix-huit enfants TSA, âgés de
huit à onze ans ont donc suivi un entraînement de la cognition sociale par groupes de cinq ou six à raison
d’une séance de soixante minutes par semaine pendant vingt et une semaines. En parallèle, les parents
suivent des sessions de psychoéducation où leur sont présentés la pathologie, le développement de la
TOM ainsi que des conseils pour participer au bon développement de la cognition sociale de leur enfant
à travers des jeux ou des récits. Les résultats montrent une nette amélioration des habiletés sociales ainsi
que de tous les domaines de la TOM, mise à part la reconnaissance des émotions (126). De plus, à
l’instar des résultats obtenus par Feng et collaborateurs, les parents rapportent une amélioration des
performances sociales au quotidien, et donc une généralisation avec une amélioration des habiletés
cognitives entraînant un renforcement des compétences sociales dans la vie de tous les jours (124).
Andrés-Roqueta et al. soulignent enfin l’importance d’une « éducation précoce » visant à réduire le
retard de développement de la TOM chez les enfants TSLO (qui serait d’un an d’après leur étude),
pendant sa période d’acquisition et celle, concomitante, des interactions sociales (24). Selon eux, « les
méthodes d’intervention doivent s’orienter vers la zone où le langage rencontre la TOM. » De la même
manière, il est primordial de prendre en charge les troubles de l’intersubjectivité chez les enfants autistes
sans déficit intellectuel, qui peuvent apparaître dès la grande section de maternelle (127).
37
3. Quels axes privilégier ?
Nader-Grosbois a identifié seize « cibles d’intervention en faveur de la TOM ». Selon les pathologies,
l’âge du patient et le degré d’atteinte de la théorie de l’esprit, il sera intéressant de retenir certaines de
ces cibles via des interventions ou des activités que Nader-Grosbois résume ainsi :
1. « Assurer les prérequis de la TOM », ce qui peut être fait de manière précoce ;
2. Un axe triple : « stimuler les compétences cognitives spécifiques et exécutives », « faciliter le
traitement perceptif et socio-perceptif » et « étoffer les connaissances sociales, soutenir la
théorie de l’esprit et la résolution de problèmes sociaux » ;
3. « Améliorer les comportements d’interactions sociales en contexte » ;
4. « Améliorer la perception de l’adaptation sociale. »
Du second temps, nous ne retiendrons ici que l’axe « étoffer les connaissances sociales, soutenir la
théorie de l’esprit et la résolution de problèmes sociaux », puisque c’est celui qui nous intéresse le plus
dans le cadre de notre hypothèse.
Dans leur étude, Melot et Angeard montrent que l’entraînement spécifique de la TOM, et notamment
des inférences de fausses croyances et de la distinction apparence-réalité, a un effet direct sur ces deux
tâches réévaluées post-test, même si ces dernières étaient déjà maîtrisées, mais également sur des tâches
non entraînées (129). Swettenham, pour sa part, s’est appuyé sur une version informatique du test de
Sally et Anne pour entraîner trois groupes d’enfants aux fausses croyances : enfants TSA, enfants
porteurs d’une trisomie 21 et enfants tout-venants. Pour être sélectionnés dans l’essai, ces enfants
devaient échouer à la tâche de Sally et Anne, dite de transfert proche, et à trois autres tâches de fausses
38
croyances, dites de transfert lointain. A l’issue du test, tous les groupes réussissaient la tâche de Sally et
Anne et seuls les enfants TSA échouaient à la tâche de transfert lointain (130).
Mais il nous faut préciser maintenant que la réussite aux tâches de fausses croyances implique, entre
autres, la maîtrise syntaxique des subordonnées complétives, cruciale pour leur compréhension. On parle
de structure syntaxique complétive lorsqu’une phrase a pour complément d’objet une clause complète
(complément sentenciel). Ces phrases complexes consistent en une clause principale contenant un verbe
d’état mental, de perception ou de communication, dans laquelle une autre clause (le complément)
est enchâssée. C’est dans cette dernière clause qu’est explicité le contenu de l’état mental.
En effet, chez les enfants de trois ans, il existe une amélioration significative de la compréhension des
fausses croyances suite à un travail spécifique sur les subordonnées complétives. Cet entraînement
comprend l’utilisation de verbes d’états mentaux et de subordonnées complétives, autour d’une situation
trompeuse. Lorsque ces trois conditions sont présentes, les enfants développent davantage leur
compétence en compréhension des fausses croyances, par rapport à d’autres enfants ayant reçu un
entraînement sous d’autres conditions. Cet entraînement autour des trois conditions porte ses fruits au
bout de trois sessions seulement (99).
Toutefois, il est important de noter qu’un entraînement seulement axé sur ces structures syntaxiques –
incluant des verbes d’états mentaux mais sans situation trompeuse – permet d’obtenir une amélioration
similaire. De plus, l’utilisation de verbes dits d’états mentaux n’est pas strictement nécessaire,
l’utilisation d’autres types de verbes, dits de perception notamment, permettant d’obtenir des résultats
similaires. En somme, c’est véritablement la forme de la phrase qui permet l’amélioration de la
compréhension des fausses croyances des enfants.
Dans leur mémoire de capacité d’orthophonie sous la direction de Stéphanie Durrleman, Breesé et Anon
ont également voulu tester l’efficacité d’un entraînement syntaxique ciblant les propositions
subordonnées complétives sur les compétences en théorie de l’esprit chez des enfants TSLO, TSA et
tout-venants. Les résultats montrent que cet entraînement a bénéficié de manière comparable aux enfants
TSLO et aux tout-venants pour lesquels on constate une amélioration des performances en
compréhension syntaxique et en théorie de l’esprit, tant sur les tests verbaux que non-verbaux. Chez les
enfants TSA, en revanche, aucune amélioration n’est objectivée, que ce soit en compréhension
syntaxique ou en théorie de l’esprit. Les autrices expliquent cet échec par l’impact d’une perturbation
des fonctions exécutives, notamment de l’inhibition et de la flexibilité, qui pourrait expliquer un défaut
de généralisation de l’entraînement (131).
39
Mais, si la réussite aux épreuves de TOM nécessite la compréhension des termes d’états mentaux et de
la syntaxe complexe – dont la syntaxe complétive –, elle requiert aussi une mémoire de travail ainsi que
des capacités d’inhibition effectives, qui sont d’importants aspects des fonctions exécutives (109).
Dans leur double étude de 2003, Kloo et Perner montrent le lien étroit entre fonctions exécutives et
théorie de l’esprit. Ils ont tout d’abord fait suivre à soixante enfants de trois à quatre ans un entraînement
basé sur une tâche de classement de jeu de cartes dit à « changement de dimension » où l’on fait varier
le critère de tri d’un exercice à l’autre. Ils ont non seulement constaté un progrès de ces enfants sur cette
tâche spécifique, mais également une généralisation sur les tâches de fausse croyance, mettant ainsi en
évidence un lien réciproque entre contrôle exécutif et théorie de l’esprit que l’on pourrait résumer ainsi
: comprendre les états mentaux nécessite un certain degré de contrôle exécutif et le fonctionnement
exécutif requiert un certain niveau de connaissance de ses propres états mentaux (135).
Ainsi, s’il est pertinent d’axer la rééducation autour de composantes linguistiques, il semble tout à fait
possible de le faire de manière concomitante autour des fonctions exécutives. Benson et al., précisent
d’ailleurs que l’efficacité d’un entraînement de la TOM sera dépendante des fonctions exécutives des
individus, qui leur permettent d’apprendre des expériences vécues et de réfléchir dessus (136).
Concernant la prise en soins orthophonique des enfants TSA ne présentant pas de déficit intellectuel,
Tanet-Mory nous donne quelques pistes. Tout d’abord, elle précise que cette prise en soins ne peut être
efficace que si elle est pluridisciplinaire, étant donnée l’importance de « croiser les axes cognitif et
psychodynamique ». D’ailleurs, Attwood pense qu’associer une psychothérapie à une prise en soins
orthophonique spécifique est une piste intéressante, notamment dans des groupes thérapeutiques
spécifiques tels que l’autisme (137). Ensuite, Tanet-Mory recommande l’utilisation d’échelles telle que
celle de Tony Attwood qui permet de repérer les troubles de l’intersubjectivité. Il pourra ensuite être
intéressant d’utiliser des bilans spécifiques pour évaluer plus en finesse les capacités de compréhension
et de communication intersubjectives. La prise en soins pourra s’articuler autour de la compréhension
et de l’expression émotionnelle, avec un travail sur les métaphores, le double langage et l’humour, mais
aussi sur l’interlocution, l’écoute et la prise de parole, le partage narratif et le partage de l’imaginaire.
Enfin, elle souligne l’importance de l’alliance thérapeutique avec les parents ainsi que le rôle essentiel
des enseignants – auprès desquels information et guidance sont primordiales – dans l’intégration
scolaire. En somme, tout doit être mis en œuvre pour accompagner ces enfants « dans la sortie de leur
enfermement autistique » (127).
La batterie « Strange stories » de Happé est un outil précieux pour l’évaluation ainsi que pour la prise
en soins des enfants présentant des troubles de la TOM. En effet, l’analyse qualitative des réponses
données permet d’orienter la rééducation en indiquant où en est l’enfant dans sa compréhension des
énoncés et de situer une potentielle difficulté : s’agit-il d’un problème de compréhension littérale ou
bien d’un réel déficit de compréhension des états mentaux ? (42)
De plus, et comme nous l’avons vu, la prise en soins des enfants avec troubles de la TOM devrait être
réalisée à partir de matériel verbal, ce qui permettrait d’améliorer leur compréhension sociale, le matériel
verbal étant plus facilitateur que le matériel non-verbal dans l’attribution de fausses croyances et
d’intentions (138).
40
En outre, chez l’enfant tout-venant du moins, un début de compétence en TOM pourrait se développer
plus rapidement à la suite d’un travail scolaire sur des états mentaux utilisant un support visuel tel que
l’album jeunesse – ce qui indique de plus que les interventions pédagogiques ont un effet sur le
développement de la TOM (139). De la même manière, Baron et Makdissi proposent l’utilisation de
livres de jeunesse dans un contexte de lecture interactive, au sein duquel l’adulte joue le rôle de
médiateur. Si leur étude n’inclut qu’une seule enfant autiste de onze ans, les résultats obtenus sont
satisfaisants. Sur une période de dix mois et à raison de cinq fois par semaine, une lecture interactive est
proposée à l’enfant. Le livre est différent à chaque fois, et les histoires sont proposées dans un ordre
croissant de difficulté. Après cet entraînement, on note une progression de l’enfant en ce qui a trait à la
TOM. En parallèle, l’intervention de l’adulte en tant que médiateur est elle aussi évolutive, de façon à
toujours se trouver dans la zone proximale de développement (ZPD) de l’enfant (concept introduit par
Lev Vygotsky). On peut notamment évoquer le type de questions posées : au fil du temps, l’adulte pose
de moins en moins de questions fermées au profit de questions plus ouvertes permettant à l’enfant de
penser, se questionner, faire des relations causales et de partager des informations et des sentiments. De
la même façon, le type d’état interne énoncé par l’enfant évolue lui aussi. Ainsi, l’utilisation de la lecture
interactive apparaît comme tout à fait intéressante pour le développement d’une TOM chez les enfants
TSA (140). Une intervention basée sur ce support pourrait être proposée d’emblée aux enfants autistes.
Si les résultats ne sont pas aussi probants que ceux obtenus par le sujet de l’étude, nous pouvons
raisonnablement estimer qu’il reste intéressant en termes d’interactions sociales et d’attention conjointe.
Adibsereshki et al. proposent de la même manière un programme d’entraînement basé sur des bandes-
dessinées composées de deux images, à partir desquelles des questions concernant les émotions, les
désirs ou les croyances seront posées aux enfants (114). Leur protocole montre une amélioration des
compétences sociales chez des enfants autistes de sept à douze ans. Jouen et al. démontrent, eux aussi,
grâce à leur étude d’un cas unique, que l’utilisation de bandes-dessinées amusantes et adaptées à l’âge
de l’enfant, dans le cadre d’un travail spécifique d’une durée de cinq mois (une séance individuelle par
semaine), peut permettre une amélioration des compétences en TOM (141).
Dans la même démarche, une rééducation basée sur l’utilisation de « bulles de pensée », avec un
protocole hiérarchisé et clair, aurait pour conséquence une amélioration des compétences en résolution
de tâches de fausses croyances chez les enfants TSA à partir de quatre ans. Ce support représente un
moyen clair pour les enfants de se représenter les pensées des personnages et d’en déduire leurs
comportements. Ce protocole, s’il n’a pas vocation à faire émerger une TOM typique telle qu’elle existe
chez les enfants tout-venants, vise à développer des processus compensatoires chez les enfants autistes,
en s’appuyant sur des éléments qu’ils maîtrisent (photographies et images physiques) pour pallier des
déficits dans d’autres éléments (états mentaux et représentations mentales) (142). C’est également ce
que rapporte la double étude de Parsons et Mitchell, s’inspirant de celle de Wellman. Dans la première
d’entre elles, ils montrent comment quinze enfants TSA parviennent à interpréter les « bulles de
pensée » comme des objets représentationnels permettant d’inférer une réalité qui ne leur est pas connue,
ou de les informer sur des fausses croyances. Dans leur seconde étude, ils mettent en évidence comment
ces bulles de pensée améliorent la compréhension des états mentaux (tâches de fausses croyances) chez
des enfants présentant des troubles de l’apprentissage et chez les TSA (143).
En contrepartie, si l’utilisation de jouets mécaniques est utile pour permettre aux enfants TSA
d’exprimer leurs désirs et émotions, elle ne permet pas de promouvoir leur compréhension de l’esprit
d’autrui, la nature du discours produit dans ce contexte n’en étant pas indicative. Cependant, des
techniques d’intervention ciblant les fonctions exécutives et l’attention sur les états mentaux humains
devraient être tout à fait adaptées. L’utilisation d’histoires mettant en scène des humains semble donc
41
indiquée. De même, le récit libre d’une histoire mettant en scène des intentions pourrait représenter un
outil diagnostique pertinent (144).
Enfin, Silver et Oakes ont créé le programme informatique « Emotion Trainer » destiné à apprendre aux
TSA à mieux reconnaître et prédire les réponses émotionnelles d’autrui. Ils ont donc constitué deux
groupes de onze enfants autistes âgés de douze à dix-huit ans, dont l’un devait suivre un entraînement
de deux semaines sur ce logiciel à raison de cinq séances d’une demi-heure par semaine. Les enfants ont
été évalués pré- et post-entraînement sur les photographies d’expression faciale de Spence, les « Strange
stories » de Happé et les dessins animés de reconnaissance des émotions.
Le programme, divisé en cinq sections, propose une reconnaissance d’expressions faciales, le lien entre
situations et émotions, le lien entre satisfaction des attentes et émotion positive, le lien entre états
mentaux et réponse émotionnelle en cas de non-adéquation avec la réalité et enfin la relation entre la
présence (respectivement l’absence) d’un objet aimé (respectivement détesté) et les émotions.
Les résultats montrent une amélioration des performances obtenues sur les tâches testées par le logiciel
d’une part, mais également sur les dessins animés des émotions et les « Strange stories », semblant
mettre en évidence un effet de généralisation. De plus, on constate que les progrès sont proportionnels
au nombre de fois que les enfants ont utilisé le logiciel d’entraînement, ce qui prouve son effet bénéfique.
Il serait cependant intéressant d’évaluer les progrès réalisés dans la vie quotidienne suite à ce protocole
(145).
5. Accompagnement parental
Nous pouvons de plus choisir de mener un accompagnement parental, de manière concomitante à notre
action rééducative avec l’enfant. En effet, il apparaît qu’une éducation précoce couplée à un soutien
parental permet non seulement de limiter les problématiques secondaires liées aux troubles du
comportement, mais aussi de permettre aux enfants d’exprimer et de développer au maximum leurs
potentialités (146). Il s’agira d’accompagner les parents dans leur compréhension du mode de
fonctionnement de leur enfant. Il nous faudra leur expliquer tout d’abord ce à quoi correspond la théorie
de l’esprit et ce qu’elle implique en termes de fonctionnement social. Ainsi, nous pourrons en faire de
véritables alliés au quotidien.
Mazzone et Nader-Grosbois ont notamment mis en lumière le rôle capital des réactions parentales aux
émotions vécues par un enfant TSA dans le développement de la TOM. Ces auteurs concluent que toutes
les réactions permettant à l’enfant d’expérimenter et de comprendre ses émotions (réponses en lien avec
le problème, réprimande…) sont des facteurs protecteurs de la mise en place de la TOM. Inversement,
les réactions n’offrant pas l'opportunité à l’enfant de comprendre ses émotions et la façon dont il pourrait
résoudre une situation de problème (réconfort) ou celles générant des émotions excessives ne pouvant
être auto-régulées (encouragement), en sont des facteurs de risque. Ils soulignent aussi que d’autres
types de réactions peuvent être bénéfiques à la mise en place de la TOM, comme le fait d’avoir avec
l’enfant des conversations portant sur les émotions (147). Cette idée est partagée par d’autres auteurs,
pour qui le discours conversationnel maternel et notamment celui orienté autour des émotions joue un
rôle important dans le développement de la TOM (115). Toutefois, ces résultats doivent être nuancés :
les facteurs dits protecteurs ou de risques ici peuvent avoir des conséquences très différentes si l’on
considère d’autres domaines des habiletés sociales et émotionnelles. Par exemple, un parent qui
42
réconforte son enfant l’aidera à acquérir ou conserver, entre autres, une bonne estime de lui-même, ce
qui est aussi un facteur essentiel à l’adaptation sociale (148).
Dans leur étude de 2006, Gevers et collaborateurs proposent aux parents d’enfants TSA qui bénéficient
d’une rééducation de la TOM de suivre des sessions de psychoéducation où leur sont présentés la
pathologie, le développement de la TOM ainsi que des conseils pour participer au bon développement
de la cognition sociale de leur enfant à travers des jeux ou des récits (126). Une activité de visionnage
de dessin animé adapté pourra, par exemple, être présentée aux parents. Les études montrent en effet
que des dessins animés tels que « The Transporters » (série de dessins animés spécialement conçue pour
la reconnaissance, la compréhension et l’attribution d’émotions), lorsqu’ils sont visionnés au rythme
d’un épisode par jour pendant trois semaines et en présence des parents (conformément au protocole),
améliorent les conduites sociales des enfants TSA. Toutefois, cette activité ne semble pas permettre, du
moins sur le court terme, de faire diminuer les comportements stéréotypés et répétitifs, ni d’améliorer la
qualité du regard (113).
Wong et Kwan, quant à eux, démontrent qu’un entraînement court et intensif de certaines compétences
sous-jacentes de la TOM permettent à la fois d’améliorer les compétences communicationnelles et
interactionnelles des enfants et de réduire le niveau de stress des parents. En effet, l’entraînement
« Autism 1-2-3 » tel que proposé par ces auteurs et basé sur le contact visuel, les gestes et les
vocalisations démontre un effet positif après seulement dix sessions de trente minutes effectuées sur
deux semaines (111). Cet entraînement est mené quotidiennement par les parents.
En ce qui concerne la formation des parents, elle cite l’étude de Gulsrud et collaborateurs, qui présente
l'efficacité d’un entraînement de l’attention conjointe et de la « co-régulation » des émotions dans la
dyade mère-enfant. Les résultats montrent ainsi que les enfants voient décroître l’expression de leur
négativité et que dans le même temps, les mères renforcent leur étayage émotionnel et motivationnel
(149). Nader-Grosbois évoque également les travaux de Macklem qui donnent des pistes aux parents
pour mieux gérer les émotions de l’enfant, les accueillir de façon plus apaisée, échanger à propos de ces
émotions dans le cadre d’un coaching émotionnel et facilitant ainsi le développement de stratégies de
coping chez l’enfant.
43
Proposition d’un protocole de rééducation de la
théorie de l’esprit
En séance :
Activités à proposer lors de séances de groupes, exemples issus de Steerneman et al., 1996 :
Installation : les enfants sont assis les uns à côté des autres. L’orthophoniste installe entre chacun un
écran opaque/un carton de façon à ce qu’ils ne puissent pas se voir. L’orthophoniste se place face à eux
et met un tabouret devant lui (entre les enfants et lui, il servira de présentoir). Il dispose de plusieurs
objets, notamment de plusieurs cubes présentant des couleurs et des formes différentes.
Déroulé : l’orthophoniste place un cube sur le tabouret et décrit ce qu’il voit. Les enfants doivent dessiner
ce que voit l’orthophoniste.
Installation : certains enfants s’assoient, d’autres s’allongent ou encore restent debout, partout dans la
pièce. Des objets sont disposés dans la pièce (peluches, cubes, jouets…).
Déroulé : demander à chaque enfant de dire ce qu’il voit (énumération). Expliquer que la perspective de
chacun va différer selon la position qu’il occupe dans la pièce. Demander ensuite à chaque enfant de
décrire un par un les objets qu’il voit.
Augmenter la difficulté : demander à chaque enfant de décrire la perspective d’un autre enfant dans la
pièce.
• Séquences d’actions
Installation : les enfants sont assis en demi-cercle. L’orthophoniste leur présente deux marionnettes qui
s’appellent Michel et Arthur.
Déroulé :
- Michel (à Arthur) : Dis, est-ce que tu te souviens de comment tu étais quand tu étais bébé ?
- Michel (aux enfants) : même question.
- Michel (à Arthur puis aux enfants) : Est-ce que tu te souviens comment tu as appris à te brosser
les dents/à aller aux toilettes/à marcher/à parler/à dessiner/à faire du vélo…?
44
Discuter de chaque situation en fournissant un feedback positif. « Raconte-nous comment ça s’est passé
!»
- Michel (à Arthur puis aux enfants) : Maintenant, imagine que tu sois en train d’apprendre à
conduire/nager…
Décomposer au maximum les étapes vers la réalisation de l’action, pour chaque enfant.
Installation : les enfants sont assis en demi-cercle. Utilisation des marionnettes Michel et Arthur.
Expliquer aux enfants que Michel et Arthur vont discuter, et qu’ils devront réfléchir avec eux sur chaque
histoire.
Déroulé :
- Arthur (à Michel) : Hier soir, je suis passé devant chez Léon, et j’ai pensé qu’il y avait une fête
chez lui.
- Orthophoniste (aux enfants) : Pourquoi Arthur a-t-il pensé ça ?
- Michel (à Arthur) : Pourquoi as-tu pensé qu’il y avait une fête chez Léon ?
Autres exemples de sujets : je pense qu’il va pleuvoir/je pense que cette dame est très âgée/je pense que
cet enfant est malade…
Pour chaque histoire, demander aux enfants de penser aux détails de la scène.
Installation : les enfants sont assis en demi-cercle. L’orthophoniste raconte une histoire tout en
présentant des images l’illustrant.
Pierre et Arnaud sont frères, et voici où ils habitent. C’est l’été, les vacances commencent aujourd’hui.
Ils partiront plus tard en vacances avec leurs parents, d’ailleurs leurs valises sont prêtes ! Papa et
Maman ont accepté que Pierre et Arnaud prennent un peu d’argent pour s’acheter un ballon de volley
en revenant de l’école.
- As-tu ton argent avec toi ? demande Pierre.
Arnaud met la main dans sa poche pour sentir les pièces, mais zut ! Il s’aperçoit qu’il a oublié son
argent !
- Heu… oui, je l’ai, répond Arnaud.
- Tant mieux, dit Pierre, parce que j’ai oublié le mien.
Quand ils arrivent au magasin, Pierre va directement au rayon des jeux de plage pour chercher un
ballon, mais Arnaud dit soudain : « Attends une minute ! »
Pourquoi Arnaud dit-il cela ? Est-ce que Pierre a son argent sur lui ? Est-ce qu’Arnaud a son argent
sur lui ? Pourquoi Pierre et Arnaud ont-ils besoin d’argent ?
- Pierre, dit Arnaud, en fait, je n’ai pas d’argent, je l’ai oublié moi aussi. Je cours à la maison
le chercher. Attends-moi ici.
Arnaud court à la maison récupérer son argent pour acheter le ballon de volley.
45
Pierre attend, il met les mains dans ses poches. Et que sent-il dans sa poche ? Des pièces ! En réalité,
il avait bien son argent sur lui, mais il l’avait mis dans une autre poche !
Que pense Pierre ? Comment se sent-il ? (Encourager les enfants à analyser les pensées et sentiments
de Pierre.)
Pendant ce temps, Arnaud est bien arrivé à la maison et raconte à Maman ce qu’il s’est passé.
- Que veux-tu dire, dit Maman. Bien sûr que Pierre a son argent sur lui, je l’ai vu le mettre dans
sa poche.
Que pense Arnaud ? Que ressent-il ?
Pendant ce temps, Pierre est sorti du magasin sans le ballon. Il ne l’a pas acheté parce qu’il a pensé
que ça n’aurait pas été sympa pour Arnaud.
Pourquoi Pierre pense-t-il que ça n’aurait pas été sympa pour Arnaud ?
A ce moment-là, Pierre croise Inès, une fille de sa classe. Il lui dit qu’il rentre chez lui et qu’il
reviendra, avec Arnaud, pour acheter le ballon de volley. Inès lui dit que ce serait mieux d’acheter le
ballon dans un autre magasin, qui est dans une autre rue, parce que leurs ballons sont beaucoup plus
beaux.
Arnaud prend un raccourci et court au magasin où il a laissé Pierre. En chemin, il croise Inès. Inès lui
dit que Pierre est rentré à la maison, mais qu’il n’avait pas le ballon avec lui. Arnaud retourne à la
maison, en prenant le même raccourci qu’à l’aller.
Est-ce qu’Arnaud sait que Pierre a de l’argent ? Comment le sait-il ? Est-ce que Pierre sait
qu’Arnaud a parlé avec Inès ? Est-ce qu’Arnaud sait que Pierre a parlé avec Inès ?
Arnaud voit Pierre marcher dans la rue vers la maison, il l’appelle. Pierre se retourne.
- Je pensais que tu aurais le ballon de volley, dit Arnaud.
- Pourquoi ? demande Pierre.
Pourquoi Arnaud pense-t-il que Pierre aurait acheté le ballon ?
- Est-ce que tu as pris de l’argent ? demande Pierre.
- Non, répond Arnaud, Maman m’a dit que tu en avais déjà.
- C’est vrai, dit Pierre, il était dans mon autre poche.
- Faisons la course, dit Arnaud. Voyons qui arrive en premier au magasin !
Pierre et Arnaud partent en courant, mais ne prennent pas le même chemin.
Où Pierre pense-t-il qu’Arnaud va pour acheter le ballon ? (Premier magasin ou deuxième magasin)
En chemin, Arnaud rencontre à nouveau Inès. Inès lui dit qu’elle a dit à Pierre d’aller acheter le ballon
de volley dans le deuxième magasin, car ils proposent de plus beaux ballons.
A quel magasin Arnaud va-t-il maintenant ? Où Arnaud pense-t-il que Pierre est allé pour acheter le
ballon ? (réponse : Arnaud pense que Pierre est allé acheter le ballon au deuxième magasin, sur les
conseils d’Inès.) Où Arnaud pense-t-il que Pierre pense que lui, Arnaud, pense qu’il est mieux
d’acheter le ballon de volley ? (réponse : Arnaud pense que Pierre pense que lui, Arnaud, pense qu’il
est mieux de l’acheter au premier magasin, car il ne sait pas qu’Arnaud a croisé Inès).
A la lecture de cette histoire, indiquer aux enfants qu’ils peuvent intervenir et poser des questions.
Ensuite, l’histoire leur est relue dans une version plus courte, afin de se concentrer sur la nature du
problème et la façon dont il a été résolu. On se rend compte que c’est une histoire très compliquée, mais
qu’en analysant les pensées et les émotions de chaque personnage, ça devient plus clair. Analyser à
nouveau l’histoire en accordant plus d’importance aux pensées et aux émotions.
Pour finir sur cet exercice, un jeu de rôle peut être proposé. Du ruban adhésif coloré peut conceptualiser
les rues, le magasin et la maison. L’orthophoniste relit l’histoire en même temps que les enfants jouent
leur rôle. Utiliser les images comme aide-mémoire. Échanger ensuite au sujet des pensées et émotions
des enfants. Enregistrer le jeu de rôle pour une prochaine séance (enregistrement vidéo).
46
Programme d’entraînement de la TOM (enfants TSA à partir de 9 ans), d’après Adibsereshki et al.,
2015 :
Les supports présentés sont fournis à titre d’exemple et ne sont pas issus de l’article original.
Des images de bandes-dessinées représentant des visages avec des émotions différentes sont présentées
à l’enfant. Il doit associer correctement chaque image à l’émotion. Fournir un feedback correctif si
besoin.
Cette fois, l’enfant devra associer correctement l’émotion ressentie par un personnage en fonction de la
situation dans laquelle il se trouve. Décrire l’image et l’événement s’y déroulant, puis demander à
l’enfant que ressent le personnage dans cette situation/à ce moment-là… Fournir un feedback correctif
si besoin.
Plusieurs bandes-dessinées sont présentées à l’enfant, chaque histoire comportant deux images. Décrire
l’image et l’événement s’y déroulant, puis demander à l’enfant ce que veut le personnage dans cette
situation/à ce moment-là… on pourra ensuite lui demander ce que ressent le personnage. Aide de
l’orthophoniste par le pointage et fournir un feedback correctif si besoin.
Plusieurs bandes-dessinées sont présentées à l’enfant, chaque histoire comportant deux images. Décrire
l’image et l’événement s’y déroulant, puis demander à l’enfant ce que croit le personnage dans cette
situation/à ce moment-là… on pourra ensuite lui demander ce que ressent le personnage et pourquoi il
ressent cela. Fournir un feedback correctif si besoin.
Plusieurs bandes-dessinées sont présentées à l’enfant, chaque histoire comportant deux images. Décrire
l’image et l’événement s’y déroulant, puis demander à l’enfant ce que veut et ce que croit le personnage
dans cette situation/à ce moment-là… Expliquer ensuite à l’enfant pourquoi le personnage a de telles
émotions. Fournir un feedback correctif si besoin.
47
Bulles de pensées, d’après Wellman et al., 2002 :
Puis on demande à l’enfant d’associer la bonne bulle de pensée à Sally qui regarde quelque chose et de
répondre aux trois questions suivantes : « Que regarde Sally ? », « Qu’y a-t-il dans sa bulle de pensée
? », « A quoi est-elle en train de penser ? »
Si l’enfant réussit 3 objets d’affilée, on passe à l’étape 2. Si les 5 objets ne suffisent pas, on revient à la
démonstration de l’étape 1
• Etape 2 : Pensées sur des objets hors de vue qui restent comme ils sont
On montre à l’enfant que l’on peut penser à quelque chose que l’on ne voit pas forcément. Pour ce faire,
on montre Sally avec sa bulle de pensée correspondant à un objet qu’elle est en train de regarder, puis
on faire sortir Sally de la pièce avec sa bulle de pensée en disant à l’enfant qu’elle ne peut pas voir ce
qui est de l’autre côté de la porte, mais qu’elle peut y penser.
On demande à l’enfant de dire à quoi pense Sally et de répondre à 3 questions : « Sally peut-elle voir
l’objet ? », « A quoi pense Sally ? », « Que pense-t-elle qu’il y a de l’autre côté de la porte ? ». Mêmes
règles que précédemment pour passer à l’étape 3.
• Etape 3 : Pensées sur des objets hors de vue qui sont modifiés
On explique à l’enfant que nos pensées dépendent de ce qu’on a vu, et donc que si l’état du monde
change sans que nous le voyions, notre représentation du monde restera la même. « Quand Sally quitte
la salle, que pense-t-elle qu’il y a derrière la porte ? », « Peut-elle voir ce qu’il y a de l’autre côté de la
porte ? »
Un adulte change l’objet : « Si on change l’objet, Sally ne peut pas voir ce que l’on a fait. Sa bulle de
pensée n’a pas changé ! Quand Sally revient dans la pièce, elle se rend compte que sa bulle de pensée
est fausse et alors elle obtient une autre bulle de pensée » (on échange sa bulle de pensée).
On fait à nouveau jusqu’à 5 essais avec l’enfant, 3 réussites de rang lui permettant de passer à l’étape 4.
48
• Etape 4 : Prédire l’emplacement d’objets cachés qui ne sont pas déplacés
On montre à l’enfant que l’utilisation de la pensée permet de prédire où sera l’objet dans le futur. Les
bulles de pensée peuvent favoriser un comportement.
On utilise maintenant une boite et un panier : « Si Sally met sa balle dans la boîte, elle obtient une bulle
de pensée correspondante. Si elle sort, elle ne peut pas voir où est la balle, mais elle peut l’imaginer avec
sa bulle de pensée. Donc quand elle entrera à nouveau, elle saura où chercher sa balle ! »
Pour l’évaluation, Sally est présentée à 5 reprises à l’extérieur de la pièce avec une bulle de pensée et
l’enfant doit répondre à 2 questions : « Où Sally pense-t-elle que l’objet est ? » et « Où cherchera-t-elle
cet objet ? »
• Etape 5 : Prédire l’emplacement d’objets cachés qui sont déplacés (fausses croyances)
On introduit Anne, l’amie de Sally, qui déplace l’objet de la boîte vers le panier.
Puis on demande à l’enfant : « Sally peut-elle voir où est l’objet ? », « Où pense-t-elle qu’il est ? », « Où
est-il vraiment ? »
Anne change l’objet de place ; on demande à l’enfant : « Sally a-t-elle vu ce qu’a fait Anne ? »
« Donc la bulle de pensée de Sally dit toujours que le jouet est dans la boîte mais en fait il est dans le
panier. Et Sally va chercher l’objet où elle croit qu’il est, donc dans la boîte ! Mais elle a tort, parce que
le jouet est dans le panier ! Ha ha ! Quelle bonne blague de Anne ! »
3 questions évaluatrices sur 5 situations : « Où est la balle ? », « Où Sally pense-t-elle que la balle est
? », « Où Sally ira-t-elle chercher la balle ? »
49
Les « objets trompeurs » pour le travail des verbes d’états mentaux et des subordonnées complétives,
d’après Lohmann et Tomasello, 2003 :
Ce protocole a montré son efficacité sur 138 enfants âgés de 3;3 à 3;10 ans au bout de 4 séances de 20
à 30 mn. Se munir d’une marionnette.
Protocole (option « entraînement complet ») : on présente à l’enfant un « objet trompeur », par exemple
un objet qui pourrait ressembler au premier abord à une pomme et être en réalité une bougie…
Questions Feedback
Que penses-tu que ce soit ? Tu penses que c’est un X ? Oui, moi aussi je
pense que ça ressemble à un X.
Maintenant prends cet objet et regarde-le de plus Tu as raison, c’est bien un Y !
près… Que penses-tu que ce soit vraiment ?
Quand je l’ai sorti de ma boîte, et que tu l’as vu X → C’est ça ! Tu as d’abord pensé que c’était
la première fois, qu’as-tu pensé que c’était ? un X. Il ressemble à un X, donc tu dois penser que
c’est un X…
Y → Non, ça ressemble à un X, n’est-ce pas ?
Donc au début tu as cru que c’était un X, mais
maintenant tu sais que c’est un Y.
Et qu’est-ce que c’est vraiment ? Y → Exactement ! En fait, c’est un Y.
X → Non, regarde : qu’est-ce que c’est en réalité
?
J’ai amené quelqu’un avec moi : le petit Schnuffi. Il dormait dans la boîte. Je le sors pour lui
montrer cet objet ?
Quand Schnuffi va le voir, que pensera-t-il que Tu penses qu’il va croire que c’est X ou Y ?
c’est ? Ecoutons ce qu’il dit !
« Schnuffi, regarde, j’ai un Y ! » Schnuffi : « Comment ça un Y ? Mais non, c’est
un X, je le vois bien ! »
Pourquoi dit-il ça ? C’est ça !
Est-ce que Schnuffi savait avant qu’en réalité Non → Tu as raison, il ne le savait pas. Au début,
c’est un Y ? il pensait que c’était un X.
Oui → Non, au début il pensait que c’était un X,
pas vrai ?
Ce protocole met à la fois l’accent sur l’aspect trompeur de l’objet, les verbes d’état mentaux ou de
communication et les structures complétives, tant au niveau des questions posées à l’enfant que du
feedback.
Objets pouvant être utilisés : bougie en forme de fruit, stylo en forme d’animal (en forme de poisson par
exemple), gomme en forme de fromage, boîte à bijoux en forme de livre, tirelire en forme de canette ou
de boîte de conserve...
50
Histoires sociales et BD les illustrant (enfants TSA à partir de 6 ans), d’après Hutchins et Prelock,
2006 :
Création d’une histoire sociale (d’après Gray, 1994). Les histoires sociales sont des textes décrivant une
situation sociale, elles sont coconstruites avec l’enfant et permettent d’éviter les potentielles confusions
émergeant au cours d’une vraie situation sociale, notamment car elles permettent un accès direct à
l’information sociale. Cet outil est, de fait, particulièrement adapté aux enfants autistes.
Voici un exemple d’une histoire sociale, celle de Timothée, dont on pourra s’inspirer :
J’ai une petite sœur qui s’appelle Elodie. Elle apprend à parler. Parfois, elle utilise ses mains ou son
livre d’images pour parler.
Parfois, je ne veux pas jouer avec Elodie, parce qu’elle m’énerve. Parfois, je m’énerve parce que c’est
compliqué de jouer avec Elodie. Parfois, elle peut me frapper et ne pas vouloir jouer comme je veux.
Elle fait peut-être ça parce que c’est difficile pour elle de parler, d’utiliser des mots.
Quand Elodie m’énerve, je crie ou je dis des choses méchantes. Par exemple : « Je n’aime pas Elodie
!»
Ça rend Elodie triste. Ça rend Maman triste aussi.
Maman est triste parce qu’elle m’aime, qu’elle aime aussi Elodie et qu’elle aimerait qu’on s’entende
bien.
C’est moi le grand frère, donc je peux aider Maman en étant gentil avec Elodie. Je peux aider Elodie
à jouer et à parler.
Quand Elodie me mettra en colère, j’essaierai de me souvenir de ne pas dire de choses méchantes. Je
pourrais dire « Je ne veux pas jouer maintenant ! » Je pourrais aussi demander de l’aide à un adulte.
Maman aime lorsqu’Elodie et moi jouons ensemble.
Suite à la création de l’histoire sociale, on réalisera une BD ayant pour but d’expliciter les sentiments et
les comportements des personnes intervenant dans la situation décrite. Cette BD servira donc de support
à une conversation ciblée sur une situation sociale évoquée par l’enfant et qui tient réellement compte
de son point de vue. La « BD conversationnelle » implique le système visuel, le dessin, l’écriture et
l’échange conversationnel. Elle inclut de plus un système symbolique simple pour illustrer ce que les
personnages font, disent et pensent (des bulles de pensée par exemple). Enfin, il est intéressant
51
d’attribuer une couleur par émotion expérimentée. Cette BD est créée lors de la première séance et sera
reprise et complétée avec l’enfant au fil des séances suivantes.
Il sera alors très intéressant d’impliquer les parents de l’enfant, en leur demandant de noter, plusieurs
fois par semaine, l’évolution de l’enfant dans la situation sociale décrite par l’histoire sociale. Par
exemple, dans le cas de Timothée, on demandera aux parents de décrire l’attitude de leur fils vis-à-vis
de sa petite sœur, au fil des semaines. L’intérêt est multiple : l’implication des parents les rend acteurs
de la rééducation, ils sont au plus proche du patient et ce quotidiennement, ils observeront ou non les
effets de cet exercice sur une situation quotidienne spécifique choisie ensemble (utilité de la rééducation
dans la vie de tous les jours, pour des problématiques quotidiennes concrètes).
Cet entraînement se focalise sur la mise en place de termes exprimant la demande. Utiliser un des jouets
favoris de l’enfant pour susciter une demande.
Dans le cas d’un enfant préverbal, dès qu’il accède au jouet, ouvrir la paume de sa main, le lui donner
et dire « je veux. »
Dès que le geste est acquis par l’enfant, ne plus lui donner que le modèle verbal « je veux », afin qu’il
utilise spontanément le geste.
Veiller à proposer les activités progressivement (ne passer à l’étape d’après que lorsque l’étape en cours
est acquise). D’abord le contact visuel, puis la partie gestuelle + verbale, puis la partie uniquement
verbale.
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Visionnage d’un épisode de « Thomas et ses amis » (enfants TSA de 4 à 8 ans), d’après Young et
Posselt, 2012 :
https://www.filmspourenfants.net/thomas-ses-amis/
Principes à mettre en œuvre en vue d’optimiser le visionnage :
Utiliser le thème de l’épisode : en parlant de l’émotion principale, ses causes et comment elle peut être
reconnue chez autrui. Parler aussi des relations sociales existantes et de l’importance de certains
comportements sociaux (par exemple, dire « merci », s’excuser, tenir ses promesses…).
Poser des questions sur l’émotion représentée dans l’épisode, mais aussi sur les émotions ressenties par
l’enfant pendant le visionnage. Essayer de commencer uniquement avec des émotions qui peuvent être
comprises par l’enfant.
Utiliser le vocabulaire des émotions : pour parler de l’épisode, en cours de visionnage, dans la vie de
tous les jours. Encourager l’enfant à faire de même.
Porter son attention sur les traits du visage : associer des émotions à des expressions du visage.
Diriger l’attention de l’enfant sur les régions du visage les plus importantes en termes d’expression
(yeux et bouche). Comparer les expressions de chaque personnage, ainsi qu’une même expression chez
différents personnages pour mettre en évidence des points communs.
Mimer des expressions faciales : commencer avec le personnage préféré de l’enfant. Se placer devant
un miroir ou bien filmer l’enfant pour pouvoir comparer au dessin animé. Voire créer un jeu de rôle
autour des émotions.
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Parler des causes et des conséquences des émotions : encourager l’enfant à analyser les causes de
différentes émotions. On pourra se concentrer sur deux types de causes : celles en lien avec la situation
et celles en lien avec les croyances, pensées, émotions et désirs d’un personnage.
Puis transférer à la vie quotidienne : comparer diverses situations : quand quelque chose que j’aime se
produit, je suis… / quand quelque chose que je n’aime pas se produit, je suis… Comparer aussi
différentes situations au cours desquelles l’enfant ressent la même émotion.
Ces éléments sont extraits (et traduits) de la brochure réalisée par Baron-Cohen et al. en 2018. Ils ont
été décrits pour un matériel spécifiquement créé pour le travail des émotions (https://aadad696-70ef-
4b9a-b1cc-d76d0aa4c9a9.filesusr.com/ugd/de27c6_357e7635a7c44bc5aef62645fff57e97.pdf).
Nous proposons cette traduction pour aborder ce travail, tout en sachant que le support de base n’est pas
le même : « The Transporters », outil de remédiation spécifique pour la version originale ; « Thomas et
ses amis », dessin animé pour le grand public pour notre traduction.
Nous formulons l’hypothèse qu’une fois l’adulte imprégné des différents principes décrits, le visionnage
d’un épisode de « Thomas et ses amis », bien que n’étant pas un matériel spécifique, sera enrichi de
toutes les formules aidant l’enfant à se questionner sur les émotions, leurs causes, leurs conséquences…
et sera donc bénéfique.
En outre, nous proposons cette traduction, issue d’un outil efficace, comme un support supplémentaire,
écologique et accessible aux familles. L’efficacité de cet outil une fois traduit et se basant sur un support
différent de l’original n’est pas démontrée.
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Conclusion
Si une évaluation fine de la théorie de l’esprit et de ses composantes semble pouvoir aider à confirmer
un diagnostic, ce dernier sera malgré tout rendu difficile par la frontière floue et mouvante posée par les
classifications successives entre la dysphasie sémantique-pragmatique et le trouble du spectre autistique.
Pour autant, il s’avère que cette aptitude essentielle dans le développement du langage et des interactions
sociales est largement déficitaire dans ces deux pathologies. Ce déficit présente bien des différences
dans ces deux populations, mais celles-ci sont subtiles, et il apparaît que, finalement, la seule évaluation
des compétences en théorie de l’esprit ne permet pas de poser avec certitude un diagnostic. En outre,
cette évaluation de la théorie de l’esprit s’inscrit dans une évaluation globale et au long cours. Ce n’est
qu’alors qu’elle permet de caractériser au mieux le profil de l’enfant, d’aider l’orthophoniste à mener
des séances de rééducation spécifiques, voire, en effet, de préciser le diagnostic.
Il serait désormais intéressant de réaliser des passations d’épreuves de théorie de l’esprit choisies, dont
les « Strange stories » de Happé, chez des populations TSA, DSP et TSLO de manière à en caractériser
les atteintes et à en dresser des profils. Ces données pourront, in fine, aider au diagnostic différentiel.
De plus, la prise en soins des troubles de la théorie de l’esprit, qu’elle soit ciblée ou plus généraliste,
permet non seulement une amélioration de la théorie de l’esprit elle-même, mais également de
nombreuses fonctions qu’elle sous-tend, telles que la communication ou les habiletés sociales et
pragmatiques.
Pour cela, il sera nécessaire d’adapter cet entraînement le plus finement possible aux besoins du sujet,
que le diagnostic, quel qu’il soit, soit posé ou non. Pour cela, nous pourrons jouer sur la modalité –
situation duelle ou de groupe –, sur les axes à privilégier, des fonctions exécutives au langage ou encore
sur les supports à exploiter. Là encore, le résultat issu de nos diverses recherches laisse entrevoir des
résultats très encourageants si cet entraînement est mis en place de manière précoce et accompagné de
séances d’accompagnement parental et de psychoéducation.
Tout l’enjeu réside dans le maintien et la généralisation en vie quotidienne des progrès constatés sur les
épreuves de théorie de l’esprit. En d’autres termes, l’objectif n’est pas tant que l’enfant sache répondre
à la question « Où Sally ira-t-elle chercher la balle ? », mais qu’il se saisisse des mécanismes qui lui
auront permis d’arriver à cette conclusion !
Enfin, puisque ce mémoire s’adresse avant tout à des orthophonistes, et parce que ces derniers sont
fondés à mener une rééducation de la TOM en tant que spécialistes du langage et de la communication,
nous avons tenu à leur fournir un protocole « clés en main », compilant des exercices recueillis lors de
nos lectures et facilement applicable dans le cadre d’une prise en soin orthophonique.
Il pourrait être intéressant, dans le cadre d’un futur mémoire d’orthophonie, d’administrer ce protocole
à des enfants présentant des difficultés de communication sociale, dans le but d’en évaluer l’efficacité
et de l’amender si nécessaire.
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Annexes
Les différents supports proposés ont été élaborés sur le site www.storyboardthat.com.
68
B – Emotions situationnelles
69
C – Sally et Anne
70
D – Un ballon pour les vacances
71
Pierre et Arnaud (les désigner) sont Les deux garçons rentrent de l’école. Arnaud met la main dans sa poche pour
frères, et voici où ils habitent. C’est l’été sentir ses pièces, mais zut ! Il
Pierre (t-shirt vert, le désigner)
(désigner le soleil), les vacances s’aperçoit qu’il a oublié son argent !
demande à Arnaud :
commencent aujourd’hui. Ils partiront
plus tard en vacances avec leurs - As-tu ton argent avec toi ?
parents, d’ailleurs leurs valises sont
déjà prêtes (les désigner) !
- Heu… oui, oui, je l’ai, répond Arnaud. Ils entrent dans le magasin de jouets. - En fait, dit Arnaud, je n’ai pas d’argent,
Pierre va directement au rayon des je l’ai oublié, moi aussi. Ne t’en fait pas,
- Tant mieux, dit Pierre, parce que j’ai
jeux sportifs pour chercher un ballon, je cours à la maison le chercher.
oublié le mien !
mais Arnaud dit soudain : Attends-moi ici !
Et là, Pierre croise Inès, une fille de sa Arnaud a pris un raccourci pour - Pierre ? dit-elle. Oui je l’ai croisé lui
classe. rejoindre Pierre au magasin où il l’a aussi. Il m’a dit qu’il rentrait chez lui,
laissé. En chemin, il croise à son tour mais il n’avait pas de ballon !
- Je rentre à la maison, lui dit-il. Nous
Inès.
reviendrons plus tard, avec Arnaud, Alors, Arnaud retourne à la maison, en
pour acheter un ballon de volley. prenant le même raccourci qu’à l’aller.
La littérature a longtemps essayé de différencier les populations porteuses d'un trouble du spectre
autistique (TSA) de celles porteuses d'une dysphasie sémantique pragmatique (DSP) sans vraiment y
parvenir tant ces deux troubles semblent appartenir à un continuum. Le diagnostic différentiel entre ces
deux pathologies est donc aujourd'hui encore compliqué à poser mais reste pourtant essentiel en vue de
la mise en place d'une rééducation la plus efficace possible.
Parmi les caractéristiques communes à ces deux pathologies, on trouve une atteinte de la théorie de
l'esprit. Cette dernière constitue une aptitude cognitive permettant de reconnaître ses propres états
mentaux, d'en attribuer à autrui et ainsi de comprendre et prédire un comportement. Pour cela, elle joue
un rôle essentiel dans les interactions sociales et se trouve étroitement liée au langage avec lequel elle
exerce une influence mutuelle tout au long du développement de l'enfant.
Bien que cette atteinte soit commune aux deux pathologies, notre première hypothèse affirme que les
modalités en sont différentes et que les composantes de la théorie de l'esprit ne sont affectées ni de la
même façon, ni dans la même mesure.
Une deuxième hypothèse avance qu'une rééducation ciblée de cette théorie de l'esprit peut avoir un
impact positif sur la communication et les interactions sociales.
Cette revue de littérature montre qu'il existe bien des différences fonctionnelles et développementales
chez ces deux populations, faisant de l'évaluation de la théorie de l'esprit un atout supplémentaire dans
le diagnostic différentiel entre ces deux pathologies.
Elle confirme, de plus, qu'une rééducation ciblée de la théorie de l'esprit permet effectivement
d'améliorer les compétences communicationnelles. Un protocole proposé en annexe de ce travail et qu'il
sera intéressant de tester dans le cadre d'un prochain mémoire, pourra servir de base à cet entraînement.
MOTS-CLES
Orthophonie, théorie de l'esprit (TOM), trouble spécifique du langage oral (TSLO), dysphasie
sémantique-pragmatique (DSP), trouble du spectre autistique (TSA), habiletés sociales, communication,
langage, diagnostic différentiel, rééducation.