Rakotoalison 2017 Vol-1
Rakotoalison 2017 Vol-1
Rakotoalison 2017 Vol-1
THÈSE
présentée par
RAPPORTEURS :
Monsieur Jean Marius SOLO-RAHARINJANAHARY Maître de Conférences - HDR, Université
d’Antananarivo
Monsieur Alpha BARRY Professeur des Universités, Université Montaigne
Bordeaux
MEMBRES DU JURY :
Monsieur Alpha BARRY Professeur des Universités, Université Montaigne Bordeaux
Monsieur Narivelo RAJAONARIMANANA Professeur émérite, INALCO
Monsieur Malanjaona RAKOTOMALALA Professeur des Universités, INALCO
Monsieur Jean Marius SOLO-RAHARINJANAHARY Maître de Conférences - HDR, Université
d’Antananarivo
TOME I : ETUDE
A mon père
(30 mars 1951 – 19 mai 2007)
et
Au Professeur émérite Siméon Rajaona
(18 fév 1926 – 23 juin 2013)
1
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier toutes les personnes morales et physiques qui ont contribué
de près ou de loin à l’achèvement de cette thèse. Ainsi :
- Le professeur Narivelo Rajaonarimanana qui a prodigué son savoir et a assuré
l’encadrement de cette thèse avec patience et perséverance
- L’EAD ASIEs 4512, l’Ecole doctorale n°265 de l’INALCO pour leur aide
scientifique et financière
- Le CROIMA et le CIRAM (Centre Interdisciplinaire de Recherche Appliquée
au Malgache), mes laboratoires de rattachement pour leur encadrement
scientifique et leur soutien moral
- Les membres du jury : Malanjaona Rakotomalala, Alpha Barry ainsi que
Monsieur Jean Marius Solo-Raharinjanahary, Maître de Conférences, HDR
- La Mention « Etudes Malgaches » de la Faculté des Lettres et Sciences
Humaines, Université d’Antananarivo – Madagascar pour la formation
universitaire,
- Tous les enseignants de la section Malagasy / INALCO et de la Mention
« Etudes Malgaches » qui ont bien voulu nous partager leurs connaissances et
leur savoir au cours de nos études universitaires
- Monsieur Randriamahazo Jean Claude de l’Ecole Nationale Supérieure,
Antananarivo, pour son conseil si précieux
- Tous les membres de la famille, plus particulièrement mon mari, mes amis et
collègues qui m’ont aidée et encouragée pour la réalisation de cette thèse.
Grâce à vous, ce travail a atteint son objectif
2
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS .............................................................................................................. 2
INTRODUCTION..............................................................................................................................23
3
1.1.1. Définitions : Questions de terminologie : réduplication et/ou redoublement ? ...... 53
1.3.1.1. Répartition des radicaux malgaches selon leur fonctionnalité dans un discours .
......................................................................................................................... 77
4
1.3.1.2. Répartition des radicaux malgaches selon leur structure prosodique .............. 78
2.1. CORPUS................................................................................................................. 96
5
2.1.1. Typologie de corpus ............................................................................................... 96
2.2.1. Quelques théories et méthodes déjà appliquées pour l’étude de la réduplication 113
6
3.1.3.1. Le symbolisme phonique au niveau du vocalisme et sa valeur respective .... 141
3.1.4.1. Les mots rédupliqués lexicalisés combinés avec affixation .......................... 147
3.1.5. Les mots rédupliqués lexicalisés avec une variation d’ordre phonique ............... 155
3.1.5.3. Les deux mots rédupliqués mis en opposition comportent chacun son propre
affixe ....................................................................................................................... 160
3.2.1.1. Les mots rédupliqués non lexicalisés sans aucun procédé morphologique ... 161
7
b) La réduplication des radicaux paroxytoniques ................................. 162
b.1) La réduplication des paroxytons sans syllabe finale -ka, -tra, -na
.......................................................................................................... 162
b.2) La réduplication des paroxytons à syllabe finale ...................... 163
b.2.1. La réduplication des paroxytons à syllabe finale faible ......... 163
b.2.2. La réduplication des radicaux paroxytoniques à syllabe finale
forte................................................................................................... 164
b.3. Cas des radicaux paroxytoniques trisyllabique ......................... 164
c) La réduplication des radicaux proparoxytoniques ............................ 165
c.1) Cas où la réduplication entraîne des alternances attendues ....... 165
c.2) Cas où la réduplication déclenche une alternance à l’initiale h/tr
.......................................................................................................... 167
c.3) Cas où la réduplication déclenche une alternance après apparition
d’une consonne épenthétique h ........................................................ 169
3.2.1.2. Les mots rédupliqués non lexicalisés combinés avec d’autres processus
morphologiques ................................................................................................................. 172
3.2.2.1. La réduplication non lexicalisée des formes verbales à affixes ..................... 184
8
b) La réduplication des formes verbales à suffixes............................... 192
b1) Inventaire des suffixes grammaticaux ....................................... 192
b2) Comportement des formes verbales à suffixes en cas de
réduplication ..................................................................................... 192
c) La réduplication des formes verbales à infixe .................................. 193
c2) La réduplication des formes verbales à infixe en cas de
réduplication ..................................................................................... 194
4.1.2. Les faits linguistiques pouvant présenter une ambiguïté morphologique avec la
réduplication par préfixation .............................................................................................. 203
4.1.3. Les différents types de réduplication par préfixation selon la structure des mots
rédupliqués ......................................................................................................................... 209
4.1.3.1. Les mots rédupliqués par préfixation dont la base est une forme simple (CV-
base) ....................................................................................................................... 210
9
b1-2) La RPP avec variation vocalique suivie d’une nasalisation
(CaC-base) ....................................................................................... 216
b1-3) La RPP avec variation consonantique à l’initiale ................... 217
c) Cas particulier : La réduplication du type mimizy.............................. 220
4.1.3.2. Les mots rédupliqués par préfixation dont la base est un mot rédupliqué
lexicalisé ....................................................................................................................... 221
4.2.2. Identification des éléments comportant la réduplication par suffixation ............. 227
4.2.2.1. La classe où l’un des mots mis en opposition est une base simple ................ 227
4.2.2.2. La classe où l’un des mots mis en opposition est une base complexe ........... 227
4.2.3. Cas pouvant être ambigus avec la réduplication par suffixation .......................... 228
4.2.4.1. La réduplication par suffixation dont la base est simple ............................... 230
10
b1) La réduplication par suffixation fonctionnant avec un procédé
d’alternance ...................................................................................... 231
b2) La réduplication par suffixation fonctionnant avec un procédé
d’affixation ....................................................................................... 233
4.2.4.3. Réduplication par suffixation fonctionnant avec des affixes flexionnels ...... 235
4.3.2. Problèmes d’identification des mots comportant la réduplication par infixation . 242
4.3.3. Les différents types de fonctionnement de la réduplication par infixation .......... 246
4.3.3.1. La classe où la réduplication par infixation fonctionne dans une base radicale ..
....................................................................................................................... 246
11
4.3.3.2. La classe où les mots rédupliqués par infixation fonctionnent dans une base
construite ....................................................................................................................... 252
12
b3) Réduplication des formes adjectivales ....................................... 276
6.2.3. Différenciation par alternance au niveau de la terminale en cas de suffixation ... 295
6.2.4.2. L’usage de deux préfixes man- et mana- comme solution ............................ 298
13
6.2.5.2. Différenciation au niveau des mots radicaux ................................................. 300
7.1.2. Les couples dont les mots rédupliqués dénotent la valeur généralisante ............. 321
7.1.3. Les couples dont les mots rédupliqués dénotent la valeur spécialisante .............. 323
14
7.2.1. Définition .............................................................................................................. 328
7.2.2.1. Les couples dont les mots rédupliqués dénotent la valeur extensive ............. 329
7.2.2.2. Les couples dont les mots rédupliqués dénotent la valeur intensive ............. 336
7.3.2. Les valeurs dénotées par la réduplication dans un système défini par une
opposition équipollente ...................................................................................................... 347
7.3.2.1. Cas d’une opposition équipollente par transfert métaphorique ..................... 347
15
7.3.2.3. Rapport de la partie du corps et son usage..................................................... 348
16
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................. 387
17
LISTE DES ABREVIATIONS ET SIGNES UTILISES
Liste des abréviations
- Concernant les dictionnaires et lexiques utilisés
Bjrd : Dictionnaire malgache tanala–français de Beaujard
El : Dictionnaire ethnologique Bara –Français du RP. Elli
Frk : Dictionnaire encyclopédique malgache (Boky Firaketana ny fiteny sy ny
zavatra malagasy) de Rajaonah, Randzavola et de Ravelojaona
Gn : Dictionnaire du dialecte malgache de mayotte (Comores) de N. Gueunier
Mlz : Dictionnaire malgache - français de RR –PP. Abinal et Malzac
Rds : Dictionnaire malgache – anglais de Richardson
Rb : Rantimbolana tsimihety de Faridanonana
Rjc : Dictionnaire du malgache contemporain de Rajaonarimanana
Rjtd : Dictionnaire malgache dialectal (Tandroy) –français de Rajaonarimanana et
Sarah Fee
Wb : Dictionnaire Malgache –Français du RP Webber
- Concernant la réduplication
R : Réduplication
RT: Réduplication totale
RR : Les [mots] radicaux rédupliqués
RL : Réduplication lexicale
RG : Réduplication grammaticale
RL : Réduplication lexicalisée
RNL : Réduplication non lexicalisée
NRR : Les [mots] non radicaux rédupliqués
RP : Réduplication partielle
RPP: Réduplication par préfixation
CV- Base : Consonne suivie d’une voyelle –Base (type de réduplication par
préfixation)
Ca-Base : Consonne suivie de la voyelle a - Base
CVC-Base : Consonne voyelle consonne - Base
RPS : Réduplication par suffixation (-CV)
18
RPI : Réduplication par infixation (-VC-)
- Concernant les autres langues / familles ou groupes linguistiques
AN : Austronésien (ne)
Ind : Indonésien
Mnj : Manjaan
Ml : Malais
Tag : Tagalog
Shl : Swahili
Jav : Javanais
Skr : Sankrit
Frs : Français
Angl : Anglais
- Concernant la langue malgache1
M.O : Malgache Officiel
Bl : Betsileo
Bl. N : Betsileo du Nord
Bl. S : Betsileo du Sud
Br : Bara
Btsm : Betsimisaraka
Mr : Merina
Skl. N : Sakalava du Nord
Skl. S : Sakalava du Sud
Td : Tandroy
Th : Thimihety
Tnl : Tanala
Ts : Tanosy
Tkr : Antakarana
1
L’abréviation du malgache officiel ne s’utilise qu’en cas de besoin, car la majorité des éléments traités
dans ce travail sont des mots en malgache officiel. Par contre, les abréviations des variétés dialectales
devraient être mentionnées.
19
Autres
Chap : Chapitre
Litt : traduction littérale
Les signes utilisés
> : devient
< : s’analyse en
~ : équivalent
/ : versus (ou vs)
/…/ : phonème
[…] : phonétique
: réécrit
* : forme non attestée ou forme reconstruite
┴ : variation postaccentuelle
~ : équivalence dialectale
² : forme rédupliquée (ex : lanilany = lany²)
20
LISTE DES FIGURES
21
INTRODUCTION
22
INTRODUCTION
Cette thèse traite de la réduplication en malgache. Le problème étudié,
qu’il s’agisse de la description du fonctionnement ou de la fonction de
la réduplication, relève à la fois de la morphologie et de la sémantique.
D’une part, l’étude est morphologique en ce sens qu’elle vise à décrire
les structures internes des mots rédupliqués, en expliquant systématiquement
les différents phénomènes apparaissant lors de l’emploi de ce procédé morphologique.
D’autre part, l’étude s’inscrit dans le cadre de la sémantique dans la mesure où
la réduplication, en tant que processus morphologique, dénote généralement une valeur
ou une fonction spécifique à travers les couples de mots que nous avons analysés.
Autrement dit, l’étude de la réduplication effectuée est descriptive en ce qu’elle
concerne la description formelle et sémantique des mots rédupliqués.
Dans cette introduction, sera exposé un aperçu général du travail que nous avons
effectué : le cadre général de la recherche, l’objet d’étude et les hypothèses,
les problématiques et les objectifs visés, le cadre théorique approprié ainsi que
le corpus. Cette partie introductive se termine par la présentation générale du plan,
c’est-à-dire, l’organisation matérielle de la thèse.
Cette thèse s’inscrit dans l’étude linguistique du malgache. Dans la majeure partie
des cas, le terme qui désigne la langue, dénote aussi la communauté qui la parle. C’est
ainsi que le mot français exprime à la fois la langue utilisée en France et le peuple qui
la parle. De même, le terme malgache ou malagasy désigne le peuple originaire de
Madagascar et la langue qu’il utilise. De ce fait, il sera judicieux d’apporter un bref
historique de cette population avant l’aperçu général sur la langue malgache.
23
Bref aperçu sur l’histoire du peuplement de Madagascar2
2
L’étude relativement récente concernant l’histoire de Madagascar est détaillée dans les ouvrages de
Philippe Beaujard suivants :
Beaujard, Ph., 2003, Les arrivés austronésiennes à Madagascar : Vagues ou continuum ? (Partie I), Langues
et cultures de l’Océan Indien Occidental n° 35-36, Etudes Océan Indien, Langues’O, Inalco et Beaujard,
Ph., 2012, Les mondes de l’Océan Indien, Tome I : De la formation de l’Etat au premier système-monde
afro-eurasien (4è millénaire av. J.-C. siècle ap. J.-C.), Armand Colin, Paris : notamment le Chapitre 15 :
L’expansion austronésienne et les premières cultures malgaches.
3
Razafindrazaka, 2010, Le peuplement humain de Madagascar : Anthropologie génétique de trois groupes
traditionnels, Thèse de doctorat, Université Toulouse III, Paul Sabatier.
4
Le mot Ntaolo peut s’analyser en ntao « homme » et olo « premier, origine ».
5
Hübsch et alii (2015 : 15) ; Razafindrazaka (2010 : 41)
6
Ibid (2015 : 15)
7
Allibert, Claude, 2007, in http://www.cairn. Info/revue-diogene-2007
24
chercheurs « s’accordent à reconnaître la parenté de la langue malagasy avec le parler
du groupe Barito Sud-Est de Kalimantan (Borneo) ».
Les peuples d’avant Ntaolo8, qui sont des austronésiens navigateurs, sont à
l’origine peuple malgache. La première migration des austronésiens a été due à la
transgression marine appelée « flandrienne », et par conséquent, ces peuples ont été
obligés de quitter « les basses terres » et s’installèrent sur les niveaux les plus hauts9.
Cette migration fut réalisée en continium, et les échanges commerciaux, les
migrations bantoues ont aussi participé à la formation du pleuple malgache. Simon, P.
(2006) a souligné que les proto-malgaches « une population de la langue
austronésienne entrant en contact avec des proto-bantou (…) des premiers siècles de
notre ère »10. De son côté, Razafindrazaka (2010) estime que « les travaux sur les
marqueurs du Y permettant de suivre les lignées paternelles soulignaient cependant que
l’importance des lignées africaines par rapport aux indonésiennes, bien que la faiblesse
de l’échantillion empêchait toute synthèse définitive »11. « Les premières études
anthropologiques mirent en évidence cette dualité de peuplement (indonésien et
africain) dans l’origine des populations contemporaines12 ». Dans son article, Allibert
(2007) affirme que « seule la génétique nous renseignera de façon certaine sur l’origine
de vecteur humian en cause ». Ces hypothèses devraient être comparées et confrontées
avec des diverses données historiques, sur des éléments culturels13, des éléments
linguistiques ou autres repères et approches afin que les origines du peuple malgache
8
Ces Ntaolo « les austronésiens » apportèrent non seulement la langue mais aussi la culture commune
malgache tels que la célébration du nouvel an « asaramanitra », la croyance du rite de passage ou
le retournement des morts « famadihana ». En parlant de la musique et des instruments musicaux, je cite à
titre d’exemples l’antsiva « la conque marine », le tambour de cérémonie « hazolahy », la valiha « le luth »
ou encore le sodina « la flûte », etc. Comme danse commune, je me réfère à la danse des oiseux que l’on
retrouve dans presque tout Madagascar, le « mandihiza Rahitsikitsika ». Concernant la culture, je cite
la culture du taro saonjo, de la banane, du cocotier et de la canne à sucre. Tout cela est d’origine
austronésienne. (Beaujard, Ph., 2003).
9
Hübsh et alii, (2015 : 15)
10
Simon, P., 2006, La langue des ancêtres. Ny fitenin-dRazana. Une périodisation du malgache de l’origine
au XVè siècle, Paris L’Harmattan.
11
En effet, comme l’intitulé de sa thèse l’a indiqué, les travaux de recherche effectués par Razafindrazaka
(2010) ont été basés sur les données génétiques, confrontées aux données historiques.
12
Ibid.
13
Allibert a présenté, dans son article (2007), les quatre exemples associant Madagascar et le monde
austronésien, entre autres, « le rôle de zama, l’oncle matérnel lors de la circoncision de son neveu,
le famadihana les secondes funérailles, la terminologie austronésienne utilisée pour désigner la pirogue à
balancier ou lakana, et la géméllité associant enfant et réptile ».
25
soient bien fondées. D’après les données historiques, « les vazimba14 sont, des
personnes de petite taille, les premiers occupant de la terre malgache »
(Razafindrazaka, 2010 : 66). Ces derniers se subdivisèrent en deux : ceux qui
s’installèrent dans les forêts de l’intérieur et ceux qui restèrent sur la côte ouest. Les
protomalgaches restés sur la côte sont des pêcheurs et ceux qui se sont installés au
centre sont des chasseurs et des cueilleurs.
Le peuple malgache est constitué de plusieurs « éthnies » ou foko, une division
qui semble difficile à délimiter : des anthropologues disent qu’il existe 18 ethnies à
Madagascar, alors que pour certains, il y en a 24. « A l’époque coloniale, on parlerait
souvent des « vingt tribus » et la République Malgache indépendante a repris avec
quelques variantes la nomenclature de ces groupes ethniques qui avaient été
traditionnellement reconnus »15. Razafindrazaka a rappelé aussi que, selon
Rakotonirina et Poirier « Le nombre d’ethnies se situe entre cinquante et soixante ».
Cette imprécision résulte du fait que les chercheurs n’ont jamais le même point de vue
concernant la notion d’« éthnie », que ce soit sur son sens ou sur leur nombre. Selon
Razafindrazaka, « La distribution des peuples en ethnie reste un énigme (2010 : 31).
D’ailleurs, la plupart des anthropologues malgaches s’accordent pour dire qu’on ne
peut pas se baser sur ces anciens chiffres car le nombre même de groupes ethniques
malgaches n’est jamais consensuel.
Après la période coloniale jusqu’en 2002, Madagascar était divisé en six
provinces, la capitale étant toujours Antananarivo, celle de l’Imerina. C’était
une division politico-géographique des peuples malgaches qui était toujours en
corrélation avec la répartition ethnique difficile à délimiter. De plus, depuis la troisième
République, la décision politique permet la division de Madagascar en 22 régions.
Selon la dernière estimation16, la population malgache compte aujourd’hui environ
24 millions d’habitants.
14
Pourtant, du point de vue linguistique, en kiswahili, le terme vazimba s’analyse en *ba/va-yimba « ceux de
la forêt » dans lequel yimba signifie en malais « forêt » et vezo vient du *ba/va/be/ve-jau « ceux de
la côte ».
15
Razafindrazaka (2010 : 34). L’auteur souligne également que la notion d’ethnies ne pourrait pas assimiler
à la notion de modèle socioéconomique, mais l’appartenance à une ethnie est définie par certains rapports
sociaux à l’intérieur de l’Île.
16
« En 2016, la population de Madagascar est estimée à 24 430 325 d’habitants »
https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mographie_de_Madagascar (consulté le 19 avril 2017). Le service
statistique (INSTAT) est en train de faire actuellement un recencement général de la population malagche.
26
Figure 1: Situation géographique de Madagascar et de Comores
27
Quelques éléments sur la langue malgache
Quatre points principaux seront évoqués dans cette présentation. D’abord, nous
allons évoquer la famille linguistique dont le malgache fait partie. Ensuite, nous
aborderons les caractéristiques de la langue malgache. Le troisième point concernera la
formation du lexique malgache, selon son origine. L’histoire de son écriture clôt ce
sous-chapitre.
17
Adelaar (2005 : 1) précise qu’il y a environ 1200 membres, environ 270 millions de population qui parlent
les langues austronésiennes.
18
D’après l’étude de Solo-Raharinjanahary et alii :1992 sur l’atlas linguistique de Madagascar, la plupart de
noms indiquant les éléments du « corps humain » sont d’origine austronésienne.
19
Selon l’hypothèse de Vérin en 1970, 90% du vocabulaire malgache présente une parenté avec le manjaan.
28
En outre, il convient de noter que les dernières recherches sur les langues
austronésiennes montrent que la langue malgache et les langues formosanes ont des
traits communs. En effet, d’une part, géographiqument, Madagascar est le pays le plus
éloigné du monde austronésien, donc la langue malgache s’est effectivement séparée de
l’autronésien il y avait bien longtemps, et d’autre part, les langues formosanes de
Taïwan conservent des caractérès archaïques des langues austronésiennes.
Ces recherches menées sur les langues de ce groupe montrent que les trois
caractéristiques de base communes à ce groupe sont : l’importance de l’emploi du
procédé d’affixation et d’alternance, l’existence des voix verbales multiples et
l’importance du processus de réduplication. D’ailleurs, les linguistes typologistes
soulignent que la structure morphosyntaxique malgache est d’origine proto-
austronésienne.
20
Finalement, avec l’accord de mon directeur de thèse, j’ai décidé de publier ultérieurement sous forme
d’article ce chapitre comparatif sur le malgache et les langues formosanes.
29
Figure 2 : Carte représentant les langues de la famille austronésienne
Source : Adelaar, 1989, Les langues austronésiennes et la place du Malagasy dans leur
ensemble, Archipel n°39, pp.35- 52
30
http://www.axl.cefan.ulaval.ca/monde/famaustro.htm
Les caractéristiques de la langue malgache
La langue malgache est une langue unique21, avec diverses variétés dialectales22,
parlée par environ 24 millions de malgaches à Madagascar et par environ 50 000
mahorais à Mayotte (Comores)23.
L’unicité linguistique dans tout Madagascar est étonnante, étant donné la
superficie de l’île. L’unicité de la langue malgache est confirmée par
l’intercompréhension entre les peuples malgaches et l’existence des traits communs à
tous les niveaux d’analyse linguistique des variétés dialectales malgaches.
Des chercheurs ont essayé d’effectuer une classification des variétés dialectales
malgaches. A partir de l’opposition des syllabes li vs di et ti vs tsi, Jacques Dez (1963 :
588 – 597) a réparti les dialectes en parlers occidentaux et en parlers orientaux. Il est à
noter aussi que l’opposition au niveau de ces syllabes est une innovation phonologique
qui se définit comme une caractéristique commune de la langue malagche et celle de
manjaan, contrairement à celle de malais ou tagalog qui garde les caractéristiques
communes de l’austronésien.
Les quelques exemples ci-après illustrent ce que nous venons de dire :
Li/di
INC li Malgache Malgache Manjaan
Malais/tagalog (retention) occidentale orientale di di
li (retention) (innovation) (innovation)
kulit’ « peau » holitse hoditra kudik
lime « cinq » lime dimy dime
piliq « notion de choisir » fily fidy pidi
kali « fossé » haly hady kadi
21
Il est à remarquer qu’en dépit de leur trait commun, de l’unicité de la langue malgache, chaque variété
dialectale comporte chacune des emprunts lexicaux spécifiques dus à des contacts historiques variés.
22
A un moment donné, l’étude de la dialectologie malgache intéresse les chercheurs comme Dalmond :
1841, Webber : 1853 et plus tard, par Siméon Rajaona, pour l’étude du dialecte Tandroy (1968) ;
Rabenilaina : 1974 sur le dialecte bara, Beaujard : 1998 sur le parler tanala ; Solo Raharinjanahary : 1983 ,
sur le dialecte antanosy et sur l’étude des l’Atlas linguistique à Madagascar (2012). Il faut le dire que ces
noms sont cités ici à titre d’exemples mais d’autres chercheurs ont déjà travaillé cette piste d’études
linguistiques.
23
Noel Gueunier dans son dictionnaire ( 2016), Dictionnaire de dialecte malgache du Mayotte, (Comores),
Nouvelle édition, KomEDIT.
31
Ti/ tsi
INC ti Malgache Malgache Manjaan tsi
Malais /tagalog (rentention) occidentale orientale (innovation)
ti tsi
(retention) (innovation)
timpun « notion de ramasser » timpo tsimpona simpon
bitik « fourmi » vitike vitsika visik
t-in-aqi « intestin » tinae tsinay sanai
24
Solo-Raharinjanahary, 2004, « Langue, dialectes et ethnies à Madagascar », Madagascar : Ethnie et
ethnicité, Dakar, Imprimerie Saint-Paul, pp. 137-202.
25
Régis Manoro, 1983, Description syntaxique du tsimihety, thèse de doctorat de 3ème cycle de linguistique,
Université Paris VII.
26
Berthier, H., 1922, Manuel de la langue malgache, Imprimerie de la mission norvégienne, Tananarive.
27
Rajaona, S., 2004, Morphologie inflexionnelle du malgache : Les phénomènes morphologiques,
Ambozontany Analamahitsy, Antananarivo.
32
phonologique une voyelle e en position postaccentuelle fait partie des parlers « here »
(Rakotoalison : 2014)28.
Le tableau suivant illustre ce classement de Rajaona :
Parler here [┴e] Parler heri [┴i] Signification
ampe ampy « suffisant »
fale faly « joyeux, content »
hevetse hevitra « idée »
mate maty « mort »
vale valy « notion de répondre »
En outre, Adelaar (2012)29 apporte une nouvelle méthode pour classer les
dialectes malgaches. Dans son article, avant d’entrer dans la présentation d’un nouveau
classement basé sur la génétique, il a synthétisé, selon l’ordre chronologique (dépuis
Ranavalona première jusqu’à aujourd’hui)30, les différents travaux des chercheurs
portant sur le classement des variétés dialectales malgaches (Adelaar, 2012, pp.1-3).
Cette synthèse a évoqué, chronologiquement les quelques classements existants, à
savoir :
1) La tentative de créer un atlas dialectal basé sur les données lexicales dans
toute l’Île (une liste commandée par la Reine Ranavalona I)
2) Le classement des dialectes malgaches de Dez (1963) que nous avons déjà
rappelé précedemment
3) Le travail de Vérin, Kottack et Gorlin (1969) portant sur le classement basé
sur les statistiques lexicales
4) La typologie fondée sur la lexicostatistique effectuée par Mahdi (1988)
28
http://ir.lib.uwo.ca/wpl_clw/vol1/iss1/7, Rakotoalison, 2014, Etude descriptive de l’infixe –in- en betsileo
du sud.
29
Adelaar, A., 2012, Malagasy dialect divisions : genetic versus emblematic criteria, Asia Institute,
University of MelBourne, in Adelaar_MalagDialectClassif_31mai13.pdf, consulté le 12 avril 2015.
30
Selon la classification préliminaire, les dialectes malgaches se sont répartis en cinq groupes, entre autres :
1) Le groupe des dialectes occidentaux constiutés du dialecte de sakalava du sud et les bara de l’ouest, 2)
Le groupe sud-ouest rassemble les vezo, masikoro, mahafaly et tandroy, 3) Les dialectes du nord
constituent les tankarana, tsimihety, sakalava du nord et quelques variétés dialectales du Betsimisaraka, 4)
Le groupe des dialectes du centre est composé du merina, sihanaka, tambahoaka, betsileo, tanala et bara
de l’est jusqu’au centre, et 5) Le groupe qui rassemble le dialecte betsimisaraka et la partie sud de la côte
du Sud Est, entre autres les taimoro, tanosy, taisaka, zafisoro.
33
5) Le travail de recherche de Noel Gueunier (1988) a été axé sur les variétés
dialectales géographiques dans le but de déterminer l’histoire de la filiation
linguistique entre l’Île de Mayottes (Comores) et Madagascar
6) La typologie des dialectes malgaches de Simith (2006), basée sur des données
quantitatives et qualitatives par lesquelles les dialectes malgaches se
répartissent en deux groupes seulement : les dialectes de l’ouest d’une part et
les autres dialectes d’autre part
7) Serva et alii (2011) a adopté une approche mathématique dans le but de
définir l’histoire de la langue malgache, entre autres, son origine, la période
de l’historique sur le peuplement (la période et le lieu), ses groupes
dialectaux.
Après avoir donné une vue d’ensemble sur les critères d’identification des
dialectes de Madagascar dans cet article, Adelaar a affirmé que l’étude basée sur la
génétique serait plus bénéfique et satisfaisante pour classer les dialectes malgaches.
Pour nous, nous pensons que ces différents critères d’identification sont
complémentaires, et par conséquent, les travaux basés sur l’atlas dialectal, sur les
variations morphologique, phonologique ainsi que génétique devraient être considérés
pour la classification des dialectes sont acceptables.
34
Figure 4 : Carte représentant la typologie des dialectes malgaches31
Face à cette diversité dialectale, une variété dite « officielle »32 issue de la variété
merina, est utilisée dans l’administration et l’enseignement à Madagascar, à côté du
français et de l’anglais.
31
C’est une carte de Madagascar de Jacques Dez, er reprise par Adelaar. J. Dez, 1963, Aperçu pour une
dialectologie de la langue malgache. Bulletin de Madagascar 204, 210. In Adelaar, 2012, Malagasy dialect
divisions : genetic versus emblematic criteria, consulté le 17 avril 2015
32
C’est la langue utilisée en Antananarivo qui a été adoptée comme langue officielle alors que les autres
langues restent toujours des langues locales, langues de communication de tous les jours.
35
La formation du lexique malgache
La trace du kiswahili :
33
In Etudes de l’Océan Indien, n°53 -54 sous presse
34
Rabenilaina, R. B. et alii, 2015, Vitasoa, Dictionnaire Français – Malgache, Editions Ambozontany
Analamahitsy –Antananarivo, p.11.
36
d’un mot trisyllabique, alors que la plupart des langues austronésiennes n’en ont pas :
lañit’ / lanitra « ciel », bukut’ / bokotra « bouton ». Sur le plan morphologique,
l’aphérèse de a- dans certains éléments du lexique montre leur ressemblance, entre
autres, akalana « coussinet », akanga « pintade », amboa35 « chien », añomby
« bœuf »36. De même, il avait noté l’existence d’un préfixe ki-37 dans les deux langues :
kitapo « cartable », kilalao « jouet »38. Du point de vue lexical, des noms d’animaux
swahilis comme ngumbi « bœuf », kuku « poule », khanga « pintade », mbua « chien »,
mamba « crocodile » et makamba « crevette » sont integrés dans la langue malgache.
La ressemblance est aussi à noter dans les mots comme taratasy (mlg) ~ karatasi (shl)
« lettre », manasy (mlg, shl) « ananas », mahabibo (mlg, shl) « acajou à pomme »,
finesy (mlg, shl) « jaquier », soma (mlg) « jouer » ~ kusoma « danser » et andika du
verbe mandika (mlg) ~ kuandika « écrire ». Le mot mofo est employé en kiswahili, en
langue comorienne et en malgache. Outre ces exemples, nous avons constaté que
certains toponymes malgaches viennent du swahili, comme Mojanga ~ Mahajanga39,
Belobàka, et Boeny. En effet, Mojanga semble-t-il est un mot composé du mji « ville »
et angaya « fleur apportée par les Arabes », d’où « la ville de l’angaya ». De même,
Belobàka vient de la composition de be « nombreux » et lubak (shl) « tabac », d’où
Belobàka « ville où on trouve beaucoup de tabac ». Le dernier exemple, Boeny
s’explique par la composition de boe (shl) « cailloux » et ni (shl)40, un locatif qui
signifie « là où il y a », d’où Boeny « là où il y a des cailloux ».
35
Selon Blench (2007), la plupart des noms d’animaux domestiques comme les chevaux, les porcs sont
d’origine bantoue.
36
Exemples cités par Solo-Raharinjanahary, 2013, Ny fampiasana ny teny vahiny ao anatin’ny teny malagasy,
Vohitsera.
37
En langue swahili, le préfixe ki- peut indiquer une langue, comme kiswahili « la langue swahili »,
kifaransa « la langue française », kingereza « la langue anglaise ». Cet élément marque également la classe
de noms ki-/vi- comme nous avons dans kitabo « un livre » / vitabo « des livres ».
38
La plupart des sujets parlants ne sont plus conscients que cet élément s’identifie comme préfixe, formatif
de substantif, car dans certains mots du type kitapo, il a presque perdu son identité morphologique,
contrairement à ce que nous avons encore dans kofafa ou kitranotrano où les éléments ki- et ko- jouent le
rôle du préfixe.
39
Il existe aussi une autre version pour l’explication du mot Mahajanga selon laquelle il y avait un roi qui
cherchait un remède pour son fils malade et lorsqu’il arriva à Mahajanga, il déclara « Mahajanga ity tanàna
ity », c’est-à-dire que la ville est guérissant « mahasitrana ».
40
Le locatif –ni en swahili est considéré comme un suffixe et il indique un lieu, une direction, comme dans
dukani « à l’épicerie », shuleni « à l’école », Boeny « à l’endroit où on trouve des cailloux ».
37
Les emprunts à la langue arabe :
Il est indéniable que des mots d’origine arabe figurent dans le lexique malgache.
Les noms des jours et des mois malgaches confirment l’existence des mots arabes dans
le lexique malgache41. La question est de savoir si ces emprunts arabes faisaient déjà
partie du lexique des langues du sud-est asiatique ou non. D’après l’hypothèse d’Otto
Christian Dahl (1991), la langue arabe était déjà intégrée dans les langues asiatiques
par le biais de la religion musulmane avant même leur arrivée à Madagascar. Selon les
recherches de Solo-Raharinjanahary, les missionnaires qui rédigèrent les catéchismes
de 1657 utilisaient la langue arabe pour l’introduction de la religion chrétienne 42(Noël
Gueunier, 1996 : 42)43.
Ainsi, les noms des jours sont d’origine arabe : alahady (mlg) ~ al ahad « le
premier jour », alatsinainy (mlg) ~ al ithnîn « le deuxième jour », talata (mlg) ~ al
talatha « le troisième jour », alarobia (mlg) ~ al arabaa « le quatrième jour »,
alakamisy (mlg) ~ al khamis « le cinquième jour », zoma (mlg) ~ ajamaa « jour de la
rencontre », sabotsy (mlg) ~ assabat « le septième jour ».
L’apport du Sanskrit :
41
Voir aussi Solo-Raharinjanahary, (2013 : 13).
42
La tradition raconte que les patronymes Radama « adama », Rahauva « Eva », ramousaï « Mosesy, Moizy
» sont d’origine arabe.
43
Voir aussi Noël J. Gueunier, (1988 : 42)
44
Solo-Raharinjanahary, (2013 : 16)
45
Il est à noter que « le contact avec le sanskrit s’est amplifié dans toutes les langues de l’archipel, alors que,
dans la langue malgache, il se trouve que le nombre est très limité ».
46
Dama-Ntsoha, 1951, Dictionnaire étymologique de la langue malgache, les mots dérivés des apports
sanskrits, Tananarive Librairie Mixte.
38
civilisation malgache venait du monde malayo-polynésien influencé profondément par
le boudhisme et il chercha alors, à la suite du R.P. Thomas qui avait écrit en 1905 un
livre L’origine indo-aryenne du malgache, à mettre en évidence par le biais de la
linguistique comparative la parenté entre les mots malgaches et le vocabulaire
sanscrit. Même si ses identifications étymologiques ne sont pas toutes attestées, il est
quand même parvenu à organiser les données lexicales malgaches en familles de mots
apparentés formellement et sémantiquement.»47. Selon (Dahl : 1951), « Si le contact
avec le sanskrit s’est amplifié dans toutes les langues de l’archipel, on ne dénombre
qu’une quarantaine de mots d’origine sankrite dans le malgache ». En 2003, Beaujard a
affirmé que les apports de sanskrit sont limités à 75 mots en magache.
De plus, outre ces noms du mois selon les douze signes zodiacales, empruntés de
l’arabe, il y a aussi d’autres séries du mois malgache ou de la saison qui sont
empruntées du sankrit, des noms du mois ou saisons que les jeunes citandins ne les
savent plus. Par contre, les gens les plus âgés et les gens du monde rural les connaissent
encore.
47
L. Kartachova, N. Rajaonarimanana, éds. J. P. Domenichini (Réd), 2015, Dans le pays mystérieux de
Madagascar. Année 2012, Antananarivo, Vohitsera, Mouscou, Edision « Econ – Inform », pp.102 -103.
48
Ces exemples sont tirés dans Gabriel Ferrand, 1909, Essai de phonétique comparée du Malais et des
dialectes malgaches, Paris, P. Geuthner.
49
Il est à noter qu’à propos du mot sankrit mandapa, l’auteur donne comme signification de lapa « résidence
royale » en langue malgache avec une spécialisation de sens ; mais en dialecte betsileo, la signification de
lapa est identique à celle du sankrit.
39
Voici d’autres exemples pour illustration :
asotry (mlg) ~ hasotry (bl.sud) « mois de mars –avril (période de la moisson) » /
caitra (skr)
asara (mlg) « mois de juin –juillet » / asadha (skr)
(vola) sira ou lasira « mois de novembre – décembre » / (marga)cirsa (skr)
(faha) varatra « saison de pluie » / varsa (skr)
Dans le lexique malgache, on trouve aussi des mots anglais et français, qui sont
écrits selon la règle de l’orthographe malgache50. A titre d’exemple, je cite quelques
fournitures scolaires comme penina ~ pen « plume, stylo », tsaoka ~ chalk « craie »,
pensily (hazo) ~ pensil « crayon » et quelques arbres comme voandelaka « lilas »,
ampongabendanitra « grenadier, grenade », des meubles comme seza « chaise »,
latabatra « la table », lafaoro « la four », divay « du vin »….Il est à noter que pour
avoir cette structure orthographique malgache, les mots anglais ou français ont dû subir
certains procédés morphologiques, comme la contamination (ampongabendanitra,
voandelaka, salanitra), la fausse coupe (torosy, bitro) ou la fusion (lafaoro, divay).
L’écriture du malgache
50
Généralités sur l’orthographe du malgache
51
Le mot sorabe est un terme composé venant de soratra « écriture » et be « grand ». Il s’écrit de la droite
vers la gauche et les lettres sont liées, s’écrivent sans espace. Le sorabe est le premier témoignage sur la
linguistique malgache permettant de voir l’évolution de la langue à un moment donné de son histoire.
52
Pour plus de détails, voir la thèse de Rajaonarimanana, 1990, Savoir arabico – malgache. La tradition
manuscrite des antemoro –anakara, Paris INALCO
40
C’était à partir du 19è siècle qu’on a adopté l’alphabet latin pour l’écriture de la
langue malgache53, d’où la latinisation de l’alphabet arabe. C’était le gallois David
Jones qui a adopté cet alphabet latin, avec l’accord du roi Radama I. C’est pour cela
qu’on l’a nommé père de l’orthographe malgache actuel. Il est à noter que bien avant la
LMS, les caractères latins ont été utilisés pour écrire le malgache, mais chaque auteur
avait sa propre règle d’orthographe. En guise d’illustration, citons chronologiquement
cinq textes qui relatent les différents modes d’écriture du malgache :
Mouramang Oct. 13, 1821. Trarantitra hanao asa marouf Leidam manzak… Tonga sik
isiret an Tananarivou an telou andro tamin-i-vadin sik si zaza rei… Akor Mousalahi si
Rasoua Ravouravou zaho ra tsi hadin taratas zeru. Trarantitr hanao tonga sik rehef an
Tananarivou ari zaho miresakakeli tamin zanakou rehet. Velouma ny sakaisa nai
isirehet.
53
L'écriture moderne de la langue malgache en alphabet latin fut fixée par décret le 26 mars 1823, à la suite
d'une concertation entre le roi Radama I et les missionnaires britanniques. Le principe retenu fut alors que
les consonnes devaient s'écrire comme en anglais et les voyelles comme dans les langues latines notamment
le français. Ainsi, par exemple, la voyelle / i / transcrite en – i – ne devrait se prononcer que / i / et non pas
comme dans l’anglais parfois / i / dans if et / ai / dans light. L’utilisation de la graphie y (grec) pour
représenter la voyelle – i finale et de la graphie o pour représenter à la fois les voyelles / u / et / o / a été
remise en question par Raphaël. (Raphaël, F., 1903, « Quelques règles d’orthographe malgache », Bulletin
de l’Académie Malgache, - a. s., t. 2, fasc. 4, pp. 237-239.). Pour plus de détails, voir le livre récent de
Linah Ravonjiarisoa, 2016, Radama 1er, fondateur de l’écriture malgache moderne. L’indigénisation du
« Verbe » en Imerina, Antananarivo, Foi et Justice.
54
Le Catéchisme malgache de 1657, Essai de présentation du premier livre en langue malgache. Approche
théologique, historique, linguistique et conceptuelle, Egede –Instituttet, Oslo, 1987.
41
Extrait de la première traduction de la Bible en 1835 :
Faran fulu-tsiota-zato taun, hulu ziabi nantzare rati fagnahe. I Noe, miaru ava anani,
reo fu nanumpu Zanahar. Zanahar nahita hulu abi tsy nanumpu ai, nanou [ao] zaka
rati be, nankalilu reo [ro] ziabi. Hizi nanghirak Noe natou sambu be, beak mamelu azi,
ava anani, miaru karazan ni bibi ziabi, miaru zaka-fuan ziabi. Hizi nivulan tamin Noe :
zaho huzi, tsiela anghirak male-be holatsak tan Danghitsh antete tane ; humate hulu
ziabi ; anau fua miaru ava nau huvelu.
D’après ces exemples, on peut dire que la langue malgache, à un moment donné
de son histoire, a déjà été écrite selon l’alphabet latin. Seulement, la forme de l’écriture
dépend de l’origine des transcripteurs et de son audition. A notre connaissance,
l’orthographe malgache est basée sur le décret du 26 mars 1823, portant sur l’adoption
de l’alphabet latin, et ce n’était qu’en 1964 qu’un atelier sous l’égide de l’Académie
nationale malgache avait fixé quelques nouvelles normes de l’orthographe malgache.
42
Objet, problématiques et objectifs de l’étude
Une thèse n’est pas le fruit du hasard. Ce n’est pas non plus une simple impulsion
provoquée par le besoin d’avoir un diplôme pour confirmer sa place parmi les
enseignants-chercheurs. C’est le résultat d’une réflexion profonde sur l’état de la
recherche dans un domaine donné, afin de dégager les problèmes relatifs à un thème
précis et de les résoudre d’une manière scientifique. Après la description du cadre de
recherche, nous allons procéder à la détermination des tenants et des aboutissants de
l’étude que nous avons réalisée, à savoir l’objet d’étude, les problématiques et les
objectifs.
Objet d’étude
55
Le processus morphologique concerne à la fois le procédé et le phénomène morphologiques. On parle du
procédé morphologique lorsque ce processus est doué de sens, c’est-à-dire significatif et si dans le cas
contraire, le processus n’est pas doué de sens, il s’agit d’un phenomène morphologique.
56
« There are a number of interesting morphological processes in Malagasy, a Austronesian language of
Madagascar » dans la partie introductive de son article intitulé: « Malagasy infixing reduplication »,
Durham Working Papers in Linguistics, 10, 45-59, 2004.
57
Jakobson, 1982 : 238
43
Problématiques
Comme on dit souvent, la réduplication est l’un des caractères fondamentaux des
langues du groupe malayo-polynésien. Je me demande en quoi elle est si fondamentale
dans cette famille de langues, alors que ce processus morphologique existe dans
plusieurs langues. Par ailleurs, comme chaque langue a sa propre structure et son
propre fonctionnement, il convient de comparer la manifestation de ce procédé dans les
langues de ce groupe, afin de dégager les points communs et les divergences entre
elles.
58
Rajaona, 1985, Le redoublement par suffixation, in Hiratra 4, DLLM.
44
fonctionne actuellement comme une langue lexicologique. L’étude de la morphologie
du malgache a été relativement négligée.
Par exemple, actuellement, on sait qu’on a deux radicaux différents : bado « qui
a l’esprit obtus, un peu bête » et bodo « enfantin ». Mais, il est fort possible qu’à
l’origine ce soit deux dérivés issus d’un même radical dont la voyelle sous l’accent
fonctionne sur la base de l’alternance significative {á :ú} où le degré á du morphonème
marque l’esprit obtus, tandis que le degré ú signifie l’esprit enfantin.
Par ailleurs, des travaux de recherche ont jeté quelque lumière sur ce thème
choisi, mais aucune étude exhaustive, détaillée et explicite n’a encore été faite. Des
chercheurs comme Rajaona (1985), Ramilison (1999)59, Kaboré (1998)60, Keenan et
Razafimamonjy61, Hannhs62 et Ying Lin (2005)63, ont déjà souligné l’une des
caractéristiques de la langue malgache, selon lequel la réduplication est un processus
productif dans la formation de mots malgaches tant au niveau lexical qu’au niveau
grammatical. Mais, on constate que leurs études se sont focalisées seulement sur une
partie de la réduplication. Elles se sont uniquement concentrées sur la langue malgache
dite « standard ou officielle » en tenant compte, en cas de besoin, des différents
dialectes et les langages courants ou oraux.
59
Ramilison, 1999, « Le redoublement par infixation en malgache », in Raki-pandinihana- Etudes offertes au
professeur Siméon Rajaona, Ed. Noël J. Guenier et Solo-Raharinjanahary.
60
Kaboré, Raphael,1998, La réduplication, Faits de langues n°11 -12.
61
Keenan et Razafimamonjy, 1998, Reduplication in Malagasy, in The structure on Malagasy III, Working
papers in Syntax and semantics, UCLA, Linguistics Departement.
62
Hannahs, 2004, Malagasy infixing reduplication, Durham Working Papers in Linguistics 10, 45 – 59, in
www.staff.ncl.ac.uk/...hannahs/MalagasyReduplication
63
Ying Lin, 2005, « Two perspectives on malagasy reduplication : derivationnal and analyses », UCLA
Working Papers in Linguistics.
45
Objectifs
Sur un tout autre plan, cette étude apportera plus de clarté sur la structure
morphologique du malgache. Elle sera notre humble contribution à la compréhension
de la structure morphologique du malgache par le biais de l’étude des mots
rédupliqués. Elle se veut être une étude complémentaire qui aboutit à une nouvelle
optique sur le processus de répétition dont la réduplication fait partie.
46
Enfin, l’étude de la langue fait partie d’une étude culturelle, et comme
Rajaonarimanana a dit dans son ouvrage : « Apprendre les mots n’est qu’un premier
pas vers la découverte des données culturelles qui donnent un sens à la langue »
(Rajaonarimanana et alii : 1991)64. Alors, cette étude est donc ma contribution à la
valorisation ou plutôt revalorisation des cultures malgaches dont la langue fait partie.
Théories et méthodes
Diverses opinions sur l’étude de la réduplication ont été confrontées pour le choix
théorique. Par conséquent, parmi elles, nous considérons deux positions différentes
mais complémentaires pour l’étude de la réduplication malgache, à savoir la
réduplication typologique adoptée pour les études de langue de la famille
austronésienne, par Robert Blust (1998, 2001) et par Elizabeth Zeitoun (1998, 2006) et
la réduplication fonctionnant comme affixes, optée par Marantz (1982) et par
McCarthy et Prince (1999).
C’est une étude basée sur des relations ; de ce fait, nous adoptons comme théories
de base, la théorie structurale et la théorie fonctionnelle. La démarche est structurale
dans la mesure où les éléments à analyser ne seront pas étudiés à l’état isolé, mais ils
seront intégrés dans un système où ils entrent en relation avec d’autres unités. Elle est
fonctionnelle en ce sens que l’analyse vise essentiellement à dégager les fonctions et
les valeurs des éléments étudiés à travers les rapports qu’ils entretiennent65. Ainsi, les
couples de mots qui font partie de notre corpus seront regroupés en microsystèmes à
travers lesquels seront déterminés les rôles de la réduplication dans la langue malgache.
Nous avons associé à ce point de vue de Siméon Rajaona la méthode d’analyse
morphologique constructionnelle de Danielle Corbin (1987, 1991, 2004). Elle sera
adoptée, en tant que modèle de morphologie dérivationnelle associative. Certes, la
réduplication, dans certains cas, est une création lexicale par le processus de répétition
d’une syllabe, peu importe le point d’insertion de cette syllabe répétée. Pour cette
64
Rajanaonarimanana et Fee Sarah, 1996, Dictionnaire malgache dialectal-français, Dialecte tandroy, Paris
l’Asiathèque.
65
Rajaona, 1977, Problème de morphologie malgache, Ambozontany, Fianarantsoa.
47
méthode, la forme sans réduplication, forme de départ, est appelée « composante de
base » ou « item lexical » ; la forme résultant de l’emploi de la réduplication est
appelée « mot construit », et l’élément répété fonctionnant comme affixe, « composant
dérivationnel ». Il est à noter que le fonctionnement de cet élément comme affixe
permet la dénomination « réduplication par affixation ». Ainsi, loha « tête » (item
lexical) / lo-loha « notion de porter sur la tête » (mot construit) et l’élément répété lo-,
fonctionnant comme préfixe est une composante dérivationnelle.
Il s’agit également d’une étude panchronique dans la mesure où elle est à la fois
synchronique et diachronique. En effet, généralement, les formes comportant la
réduplication sont analysées synchroniquement, mais en cas de besoin, on doit recourir
à l’étude diachronique. Cette dernière est nécessaire pour justifier ou confirmer, voire
infirmer certaines hypothèses qu’on a avancées dans cette étude.
Corpus d’études
Pour effectuer ce travail, deux types de données sont pris en considération : des
données écrites et des données orales. Au début, le corpus est constitué par des
éléments tirés principalement de différents dictionnaires et de quelques ouvrages
littéraires, comme les Takelaka notsongaina I et Takelaka notsongaina II de Siméon
Rajaona. Par la suite, nous sommes obligés de compléter ce corpus par des données
orales pour combler les lacunes occasionnées par la lenteur de l’insertion de nouvelles
expressions dans le domaine de l’écrit. En effet, les pratiques langagières fournissent
des éléments qui ne figurent ni dans les dictionnaires ni dans les ouvrages littéraires
alors qu’ils existent dans les pratiques langagières.
48
La méthodologie adoptée pour la collecte et les différentes étapes suivies seront
justifiées et présentées, d’une manière détaillée, dans le chapitre II.
Organisation de la thèse
La thèse comprend sept chapitres, organisés en trois parties.
Première partie
Deuxième partie
49
Troisième partie
50
PREMIERE PARTIE
51
PARTIE I : CONCEPTS, CORPUS ET THEORIES
Ce travail de thèse présenté ici porte sur la réduplication ou « teny verindroa » en
malgache, en tant que processus morphologique. La réduplication est un processus qui
semble être très connu et usité dans divers domaines de la linguistique, et dans la
conversation courante, sans rendre compte de sa formation, de son fonctinnement, de ses
fonctions et de ses valeurs sémantiques. Malgré son importance, force est de constater que
les données fournies dans différents documents écrits, notamment dans des dictionnaires ou
lexiques ne semblent pas satisfaisants. En effet, certains mots rédupliqués ne figurent pas
dans les dictionnaires alors qu’ils sont bien vivants. D’autres y figurent, mais les
lexicographes ne donnent pas leurs significations ; ils ont mis seulement des abréviations du
type (dupl) pour indiquer qu’il s’agit bien des mots rédupliqués. Parmi les dictionnaires et
lexiques malgaches dans lesquels j’ai relevé ces mots rédupliqués, seuls les dictionnaires de
Rajaonarimanana (1995), de Beaujard (1998) et de Gueunier (2016) fournissent des
informations sur les mots rédupliqués. Par ailleurs, sur le plan formel, la réduplication ne
fonctionne pas toujours d’une manière autonome. Elle peut fonctionner avec d’autres
processus morpohologiques. C’est pourquoi, nous allons développer dans cette première
partie quelques notions de base relatives aux systèmes morphologiques du malgache. Elle
se subdivise en deux chapitres. Le premier chapitre expose l’état de lieux sur l’étude de la
réduplication, et différents processus de répétition dans la langue. Ce premier chapitre sera
terminé par la présentation de certaines notions fondamentales relatives aux systèmes
morphologiques du malgache sans oublier de présenter les caractéristiques communes des
langues malayo-polynésiennes dont la langue malgache fait partie66. Dans le deuxième
chapitre, nous devons relever des mots rédupliqués dans plusieurs sources. Les différentes
étapes de collectes feront l’objet du deuxième chapitre. De ce fait, la nature du corpus et les
méthodologies adoptées pour collecter leurs éléments constitutifs seront exposées d’une
manière plus détaillée. Pour clore la première partie, nous allons aborder les questions
théoriques et méthodologiques adoptées.
66
Nous avons déjà évoqué, dans l’introduction, un bref historique da la langue malgache, une langue de la
famille linguistique austronésienne. Alors, on sait que les langues qui ont la même famille ou le même
groupe présentent des traits communs. C’est pour cela que nous voulons en présenter quelques uns.
52
CHAPITRE PREMIER : CONCEPTS DE BASE RELATIFS A
L’ETUDE DE LA REDUPLICATION
Des travaux de recherches67 sur la réduplication et/ou redoublement ont été déjà
effectués mais dans la majorité des cas, ils n’ont pas fait la différence terminologique
67
Moravcsik, 1978 ; Kabore 1998 (sur les langues d’Afrique) ; Haas, 1946 (sur les langues d’Asie) ;
Bender1971 (sur la micronésie), Blake, 1917 (sur les langues des Philippines) ; Ozanne-Rivière, 1986 (sur
les langues d’Océanie), Gonda, 1949 ; Sperlich, 2001, etc.
53
entre ces deux termes. En effet, certains linguistes utilisent le mot « redoublement »
pour indiquer ce même concept, c’est-à-dire que la réduplication est ici synonyme de
redoublement.
Toutefois, pour certains linguistes, une différence existe entre réduplication et
redoublement dans la mesure où la réduplication, selon eux, est un processus de
répétition d’un mot entier, ou du moins d’un radical. Par contre le redoublement se
définit comme une répétion d’une partie de mot, plus précisément la répétition d’une
syllabe d’un mot.
En outre, ce processus de réduplication fait partie du redoublement pour certains
linguistes dans la mesure où le redoublement, selon eux, se répartit en deux catégories :
le redoublement par affixation et le redoublement par réduplication68. Quelques
définitions de la réduplication seront présentées en note infrapaginale69.
Par rapport à ces deux terminologies, j’ai adopté la terminologie
« réduplication », que ce soit pour la réduplication totale que pour la réduplication
partielle tout au long de ce travail. Le choix est simple : dans les travaux de recherches
sur les langues austronésiennes dont la langue malgache fait partie, la plupart des
linguistes utilisent le mot « réduplication » et non pas « redoublement ». Donc, pour
faciliter la comparaison entre les langues de la famille austronésienne, j’ai décidé
d’adopter le terme de « réduplication ».
68
Rajaona : 1972
69
Quand on se réfère à la définition donnée par Jean Dubois, la réduplication est « le redoublement d’un
mot entier ; ainsi, les mots latins jamjam et quisquiq sont de réduplication ». En revanche, le redoublement
est « la répétition d’un mot ou de plusieurs éléments (syllabes) d’un mot ou du mot entier ». Selon
Alexandre François, le redoublement fait partie de la réduplication, parce que, pour lui, la réduplication est
un procédé consistant soit « à redoubler la racine complète » comme on voit dans l’indonésien standard
anjing « chien » / anjing-anjing « chiens », soit à des redoublements partiels, comme dans le cas du
mwoltap, langue océanienne parlée dans le nord du Vanuatu. (Pour plus de détails, voir, La réduplication
en Mwoltap : Le paradoxe du fractionnement d’Alexandre François.)
54
1.1.2.1. Quelques travaux de recherche effectués sur la réduplication dans
quelques langues de famille linguistique austronésienne
70
Robert Blust, 2009, The Austronesian languages, Canberra, Pacific linguistics, Research school of Pacific
and Asian Studies, The Australian National University.
55
syllabe reduplication », CV-réduplication, la réduplication par infixation
« réduplication infixal », « suffixal foot reduplication », la réduplication par suffixation
« suffixal syllabe reduplication », et « fixed segmentation »…
Quant à Elizabeth Z. et Wu (2006), en adoptant également la théorie typologique,
ils ont fait des travaux de recherche sur la réduplication des langues formosanes de
Taïwan. Ils ont essayé de synthétiser tous les travaux disponibles sur la réduplication
en langes formosanes, en essayant de dégager les différents types de réduplication, de
les récapituler dans le but de les comparer. Ainsi, ils ont évoqué au moins dix types de
réduplication, à savoir :
1) La réduplication lexicalisée, c’est-à-dire la réduplication dont la base ou la
racine des mots n’est plus identifiable morphologiquement
2) Ca-Réduplication, qui se définit par la répétition de la première syllabe de
base avec ouverture de la voyelle de cette syllabe. Ce type a été déjà expliqué
par Robert Blust dans ses ouvrages (1998 et 2003 : 193)
3) C-réduplication, en ce que la réduplication consite en la répétition de la
première consonne de la première syllabe de base
4) CV-réduplication qui consiste en la répétition de la première syllabe
(Zéitoun : 2006)
5) CVC-réduplication, un type ou modèle consistant en la répétition de la
première syllabe et la consonne d’après la base (Zéitoun : 2005)
6) CVV-réduplication : Il s’agit de la répétition de la première syllabe également
avec chute de la consonne de la syllabe d’après la base.
7) La réduplication totale ou complete, un modèle de réduplication consistant en
la répétition de la base entière avec ou sans changement d’ordre phonique.
8) CVCV-réduplication : c’est un type de réduplication qui consiste en la
répétition des deux syllabes en position 1 et 2
9) Réduplication du dernier ou des deux dernières syllabes des di-, tri- ou
quadri-syllabiques de base. Le travail de Chang : 1998 a parlé beaucoup de ce
type de réduplication (2003 : 195)
10) La triplication, un type de réduplication que Robert Blust a exposé dans son
ouvrage (2003 : 196) qui consiste en la répétition à trois reprises.
56
Bref, outre les travaux de recherhce qu’elle a effectués sur la réduplication
(Zéitoun : 2002, 2005) dans les langues formosanes en se basant sur l’aspect
typologique et historique des langues, elle a présenté également une description
générale, une vue d’ensemble de ce fait de langues sans adopter d’approche théorique
particulière (Zéitoun : 2006).
Pour sa part, Alexander François a fait des études linguistiques sur les langues
océaniennes. Sans vouloir détailler les aspects morphologiques de la réduplication,
l’auteur a effectué des recherches sur la réduplication en essayant de déterminer les
différentes « fonctions » de la réduplication en langue Mwoltap. (Alexandre, F., 2004).
Ainsi, l’étude de la réduplication dans cette langue a permis de dégager les
« fonctions » suivantes : marquage de pluralité, fragmentation, disjonction. L’aspect
verbal est aussi présenté de manière très explicite en expliquant la notion de valence
(nombre des actants, nombre des procès). Il a expliqué également la détransivité et la
multiplicité, marquées par la réduplication en langue Mwoltap.
De ce fait, pour la réduplication en langue Mwoltap, l’auteur a étudié la
réduplication non seulement dans le domaine de la morphologie, mais aussi dans le
domaine syntaxique.
Si nous citons ces trois auteurs, ce n’est qu’à titre d’exemple ; plusieurs autres
chercheurs ont travaillé sur la réduplication dans des langues de la famille linguistique
austronésienne.
57
la répétition totale de mot, considéré comme base, tandis que le redoublement, une
répétition d’une partie de mot, pris comme unité de base.
Dans ces deux ouvrages, l’auteur a essayé de mettre à jour le processus de
répétition en malgache sans donner de détails sur son fonctionnement et sur les types
de réduplication. Le premier ouvrage a exposé quelques différents problèmes de
morphologie du malgache en essayant de faire une étude des cas. Treize ans plus tard,
l’auteur a décrit dans son article quelques mots comportant le redoublement par
suffixation en malgache, en restant toujours sur sa terminologie, pour montrer
l’existence de ce procédé morphologique. Ces deux ouvrages m’ont poussé à effectuer
ce travail de recherche en essayant d’analyser tous les types de formes rédupliquées en
malgache.
Ramilison Hery-Zo (1999) a travaillé sur la réduplication par infixation en
malgache, en se basant sur l’analyse morpho-sémantique dans le but de définir
les différents types de la réduplication en malgache, et d’en dégager par la suite,
les valeurs sémantiques dénotées par ce processus morphologique. Ainsi, cette étude se
distingue principalement par la nature du corpus. En effet, les éléments constitutifs
du corpus soumis à l’étude sont tirés des documents écrits. De plus, la segmentation
de certains mots rédupliqués demande une autre explication. En effet, par rapport à
korosy « glissement d’une chose », l’analyse des mots du type kororosy « glissade » en
ko-ro-ro-sy ne suit pas la règle fondamentale de l’infixe malgache, en ce sens que selon
son statut, l’infixe est généralement une voyelle suivie d’une consonne dans cet ordre,
alors que dans cet exemple, ce n’est pas le cas. Et pour que l’étude des mots de ce type
soit acceptable, la segmentation doit respecter le statut de l’infixe malgache, d’où
k-or-or-osy.
Par ailleurs, une autre vision de la réduplication par infixation existe. Hanahs,
dans son article de 2004, a fait une étude sur la réduplication infixale malgache
« Malagasy Infixing reduplication ». Son travail de recherche présente une nouvelle
vision, une nouvelle analyse des mots rédupliqués. Cette étude a été réalisée suite au
travail de Keenan et Polinsky. En effet, Keenan et alii71, dans le Manuel de
morphologie ont décrit la réduplication malgache à valeur atténuative. D’une manière
71
Keenan et Alii ont décrit la réduplication malgache à valeut atténuative.
58
générale, Hannahs a proposé, dans son article une autre segmentation basée sur le
modèle de structure prosodique. Ainsi, si Keenan s’analyse le mot rédupliqué
hafatrafatra en hafa-trafatra dans lequel on identifie la répétition du mot hafatra avec
chute de la terminale, Hannahs a analysé hafatrafatra en ha-fatra-fatra où il a identifié
ce processus comme réduplication par infixation.
Bref, dans ces trois travaux de recherche, les études sur la réduplication malgache
ne sont pas encore complètes ni exhaustives. Je constate également que les études
antérieures se sont focalisées généralement sur l’identification des structures internes
des mots malgaches rédupliqués, faisant abstraction de leur typologie, de leur fonction
et de leur valeur sémantique.
Pour que l’objet d’étude soit bien délimité, je redéfinis ce qu’on entend par
réduplication (RR) morphologique en malgache. C’est une répétition immédiate de mot
que ce soit en totalité, appelée réduplication totale (RT) ou en partie, réduplication
partielle (RP). La réduplication totale est une répétition d’une base en entier. La
réduplication partielle est une répétition d’une partie de la base ou plus précisément,
répétition d’une syllabe de la base. Prenons comme exemple, en partant de hodina
« notion de tourner ; tournoiement » et de kely, j’ai respectivement hodin-kodina
« tourner et retourner souvent » et keli-kely « approximativement petit » d’une part,
formes obtenues par l’emploi du procédé de réduplication ; et d’autre part, j’ai
respectivement hodi-di-na « tour, contour » et ke-kely « nom d’une jeune fille », formes
résultant de l’emploi d’une réduplication partielle.
Pour la présentation, la réduplication totale (RT) du type tsaratsara transcrit en
tsara² « approximativement beau » ou fotsifotsy, en fotsy² « approximativement
blanc » ; tandis que la réduplication partielle (RP) du type lo-loha « notion de porter
sur la tête ; charges » ou du type adi-dy « responsabilité ». Pour que la présente étude
soit aussi exhaustive que possible, je vais prendre en considération non seulement les
radicaux comme base mais aussi les éléments construits comme les mots rédupliqués
lexicalisés, les formes nominales, les formes verbales, les formes adjectivales et les
autres formes réduplicables en malgache.
Mais avant de continuer dans cette direction, je vais situer la réduplication dans le
cadre général de la répétition en malgache.
59
1.2. Quelques processus de répétition en malgache
60
fonction. En effet, il convient de signaler que, formellement, le processus de répétition
peut être différent dans la mesure où d’une part il peut se faire directement sans blanc
du type moramora, metimety, tsaratsara ou avec blanc des adverbes du type foana
foana, hatrany hatrany, hatraiza hatraiza, ombieny ombieny, et d’autre part, il peut se
réaliser avec un intercalaire énonciatif, comme dia, ka, fe. C’est ce dernier type de
répétition avec intercalaire qui fait l’objet de cette présentation, et même si ce type de
répétition ne fait pas l’objet de cette étude, je vais présenter, d’une manière globale, son
fonctionnement et le sens véhiculé par cette forme dans un énoncé ou plutôt dans un
discours. Donc, ce processus de répétition avec intercalaire relève du domaine de
l’énonciation à visée communicationnelle et non pas de la morphologie dans la mesure
où un locuteur répète un ou des mots qu’il vient tout juste d’employer pour marquer
une fonction déterminative par rapport à la forme simple correspondante. On peut
résumer ce type de répétition comme suit :
Plusieurs spécialistes ont déjà décrit la nature et la fonction de dia72 dans leurs
travaux de recherche, et je ne cite ici que quelques-uns pour illustration. Selon
Rajaona, 1972 :60)73, dia est une copule qui « souligne dans l’énoncé, l’antéposition
du sujet grammatical ou de la proposition subordonnée. Cet ordre des mots est marqué,
la postposition correspondant à la position non-marquée ».
D’après Rajaonarimanana (2001 :77), dia « est une « particule de mise en relief »
permettant la thématisation d’un élément en tête d’énoncé, élément qui est alors
« valorisé » dans une perspective communicationnelle »74. Certes, en parlant de
72
Pour la synthèse de ces descriptions, voir Louise Ouvrard, 2011 : 22-23 et pour plus de détails, voir
Rajaona, 1972, Domenichini-Ramiaramanana, 1976, Rajaonarimanana, 2001, Fugier, 1999.
73
Je puise cette citation chez Louise Ouvrard, 2011 : 22-23.
74
Ibid
61
répétition, Rajaonarimanana a déjà expliqué que dia peut dénoter le « degré absolu » du
superlatif, lorsqu’il s’intercale entre deux adjectifs. (Rajaonarimanana, 2001 : 65). Et
s’il s’agit de deux syntagmes pronominaux ou de deux noms, l’insertion de dia assure
une fonction emphatisante. (Fugier, 1999 :101). De plus, en tant que connecteur, dia
relie deux phrases et il « présente la seconde phrase comme la suite narrative et
argumentative de la première phrase »75.
Dans son travail de recherche sur les particularités énonciatives dans le betsileo
du sud, Louise Ouvrard présente dia en tant que particule jouant le rôle interactionnel
et assumant une fonction atténuative, comme dans l’énoncé Tsa dia misakafo soa reo
« Ils ne mangent même pas bien ». Elle définit également le rôle de dia76 comme
particule textuelle introductive dans l’énoncé comme Dia adiny firy roa ? « Et combien
d’heures de marche, s’il vous plaît ? » (Louise Ouvrard, 2011 : 139).
A cet effet, il y a des cas où la répétition des adjectifs, des verbes ou des noms77
requiert l’emploi de dia qui s’intercale entre eux. Ainsi, si on répète les formes lava
« long », tsara « beau ou bon », akaiky « près » et marina « vrai, juste », be « beaucoup
»78 d’une part et d’autre part matory « dormir », mandeha « passer, en parlant de
temps », et mianatra « étudier, apprendre », on peut respectivement obtenir lava dia
lava « très long », tsara dia tsara « trop beau, très bon », akaiky dia akaiky « tout
près », marina dia marina « tout à fait vrai, très juste », be dia be « très nombreux »
d’une part et d’autre part matory dia matory « dormir profondément », mandeha dia
mandeha (ny fotoana) « (Le temps) passe très vite » , et mianatra dia mianatra (izy)
« (Il) étudie avec persévérance »79. L’examen de ces exemples permet de dégager les
valeurs sémantiques suivantes : lorsque les mots répétés sont des adjectifs, la répétition
avec dia exprime une valeur intensive, superlative, conformément à ce que
Rajaonarimanana a dit dans son ouvrage. Lorsque les mots répétés sont des verbes, elle
dénote une intensité dans une action.
75
Ibid
76
Le même auteur a évoqué d’autres fonctions énonciatives de dia dans son ouvrage. Alors, pour avoir plus
d’information sur cette particule, voir Louise Ouvrard, 2011 : 138-141).
77
Les pronoms peuvent se relier aussi avec dia, comme on a dans ao dia ao, ity dia ity, izao dia izao, etc.
Pour plus de détails, voir (Fugier, 1999 :101).
78
Normalement, be signifie plutôt la quantité, c’est-à-dire, l’innombrable, non comptable tandis que betsaka
signifie beaucoup, c’est-à-dire nombrable, comptable. Mais dans le langage courant, ces deux termes sont
égaux, synonymes pour les locuteurs.
79
Beaujard (1998) l’appelle juxtaposition d’énoncés.
62
Cette analyse permet de déduire que l’insertion du segment intercalaire dia a pour
but d’éviter la neutralisation entre la répétition à caractère pragmatique comme lava dia
lava, tsara dia tsara, akaiky dia akaiky, marina dia marina et la répétition à caractère
morphologique comme lavalava, tsaratsara, akaikikaiky, marimarina. Si la répétition
du type tsaratsara (répétition à caractère morphologique) marque, en principe,
l’approximation de sens, la valeur atténuative ; celle du type tsara dia tsara dénote la
valeur intensive, d’où tsara dia tsara = tena tsara, lava dia lava = tena lava.
En revanche, ka peut apparaître dans une suite de mots ou énoncé, au milieu des
deux termes similaires, comme dans les exemples du type miteny ka miteny, mianatra
ka mianatra, ou bien dans teny ka teny. Dans ce cas, son fonctionnement montre
également un processus de répétition discontinue et il exprime la continuité,
l’emphatique, ou encore l’insistance dans une action.
63
1.2.1.3. La répétition avec l’intercalaire fe
64
« personne »/ Litt. Personne ne…pas personne « une foule »
entana / entana tsy entana,
« bagage » / Litt. bagage ne…pas bagage
« trop de bagages »
boky / boky tsy boky
« livre » / Litt. Livre ne…pas livre
« beaucoup de livres »
vovoka / vovoka tsy vovoka.
« poussière » / Litt. poussière ne…pas poussière
« couvert de poussière»
80
En malgache, il y a aussi des expressions qui présentent ce type de repetition comme la répétition de fa ho
any fa ho any « sans réfléchir »
65
types de réduplication pragmatique sont définis comme produits de l’acte
d’énonciation. Rappelons que la répétition de ce type est à écarter de cette étude, mais
en tant que « mise en fonctionnement de la langue », la réduplication pragmatique
mérite d’être analysée davantage.
66
- La première figure consiste en l’utilisation de deux mots basés sur la même
racine, et elle traite la notion du champ lexical81. C’est ainsi qu’on a en français : « Ton
bras est invaincu, mais non pas invincible » (in Le Cid, Pierre Corneille) et en
malgache : « Mianara fa ny fianarana no lova tsara indrindra » (in Ny fianarana,
Rabetafika). En tant que figure de style, elle exprime l’insistance.
- L’isocolie est une autre forme de répétition graphique. C’est une figure qui
consiste en la répétition graphique et phonique basée sur la mesure harmonique de la
période, et que cette période comprend deux éléments : la protase et l’apodose.
Autrement dit, l’isocolie est « une égalité métrique parfaite (…). Il détermine donc la
cadence lorsqu'elle n'est pas respectée : majeure (apodose plus volumineuse que la
protase) ou mineure (cas inverse)82. C’est cette figure que j’ai dans « Rien ne sert de
courir (protase), il faut partir à point (apodose) » (Jean de la Fontaine) et
dans l’expression malgache « Andrianiko ny teniko, ny an’ny hafa koa feheziko » (Di).
D’après les spécialistes, cette figure exprime également l’insistance, une accumulation
ou emphase sur le propos évoqué.
81
https://fr.wikipedia.org/wiki/Figure
82
https://fr.wikipedia.org/wiki/Isocolie
83
Daniel Bergez, 1989, L’explication des textes littéraires, Dunod Bordas
84
Bacry P., 2000, Les figures de style, Collection Sujets Belin.
67
l’onomatopée ici, c’est qu’on la considère comme une figure mais dans la partie II,
chapitre 1.2 de cette thèse, je vais traiter de l’onomatopée à caractère morphologique.
- L’allitération et l’assonance sont également des figures de style dans lesquelles la
répétition se fait au niveau de son, ici le son f dans ondry fotsifotsy fito fotsifotsy foto-
tsofina.
- Paronomase : « Procédé qui consiste à rapprocher, dans une même phrase, des
paronymes ou des mots aux sonorités proches »85.
- Harmonie imitative : « Les sons linguistiques (…) imitent les sons non linguistiques,
puisque la poésie est un art, et que l’art imite la nature. Il faut que les mots de la poésie
imitent les bruits de son objet, c’est la théorie de l’harmonie imitative »86 (Todorov
1972 : 447).
- Homéoteleute : C’est un procédé qui consiste à répéter un son à la fin de mots ou de
la phrase. A titre d’exemple, je cite : « Un jour de canicule sur un véhicule où je
circule, gesticule un funambule au bulbe ridicule. » (Raymond Queneau) ou encore en
malgache, du type « tomobilina eny Antaninarenina, mankarenina,
mampipenimpenina ».
Pour la répétition de mots, sans vouloir entrer dans les détails, on peut citer
l’anaphore, l’épiphore, l’épizeuxe, l’anadiplose, l’épanode, l’antanaclase, l’épanalepse,
l’épanadiplose et la polyptote.
- Anaphore : C’est une figure qui consiste dans la répétition d’un même mot en
début de vers ou de la phrase. Pour illustration, je cite une partie du poème de Louis
Aragon :
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant
85
http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/des figures
86
Todorov, 1972, Le sens des sons, Collection Poétique, Seuil
68
Et celui de Rabearivelo :
Vovoka sisa tavela aminao
Vovoka mandry na vovoka miely
Vovo-manerana ity fiainako vao
Vovoka aingain’ny rivotra kely
Ou encore celui de Dox: Nankaiza indrisy, nankaiza Ny Avana ? in Dox, Miana-
fingadona.
- Epizeuxe : C’est une figure fondée sur une répétition du même mot sans
conjonction de coordination. Cette figure a pour fonction l’insistance ou l’emphase.
Les spécialistes parlent souvent de la « duplication immédiate ». Comme exemples
d’épizeuxe, je cite une chanson de Claude François : « Belles, belles, belles comme le
jour » et en malgache la chanson de Lôlo sy ny tariny « Hihira hihira hihira hihira,
hihira hihira mafy ho anareo manatrika eto aho ».
- L'anadiplose : C’est une figure de style qui consiste en la reprise du dernier mot
d'une proposition à l'initiale de la proposition qui suit, dans le but de marquer la liaison
entre les deux. Selon les spécialistes, cette figure de style basée sur le procédé de
répétition a pour objectifs de « fixer l'attention sur les mots importants, de mieux
mémoriser certains termes et enfin de relier logiquement deux propositions pour
développer un argument ». C’est ce qu’on voit dans la phrase : « L'absence, c'est Dieu.
Dieu, c'est la solitude des hommes. » (Jean-Paul Sartre dans Le Diable et le Bon Dieu,
acte 2). En malgache, on peut citer « Nihamaivana ny entany, nandroso izy, nandroso
nankeny amin’ny lalina » in Diavolan’ny maron-dranomasina (Lysber)
- Epanode : C’est une figure de style qui « consiste à répéter des mots ou des groupes
de mots qui semblent fonctionner de manière autonome syntaxiquement alors que la
suite du texte montre que ceux-ci annonçaient en réalité un développement ». Comme
fonction, l’épanode « vise une relance du discours argumentatif, l'accumulation avec
explication des arguments, finalement elle cherche à convaincre l'interlocuteur ».
- Epanalepse : Figure « qui consiste à répéter, après un intervalle, un ou plusieurs
mots, ou même un membre de phrase » (Morier 1975 et Mounin 1974). Je l'ai vu, de
mes yeux vu, vu comme je vous vois (Mar.Lex.1951, p. 76). Il s’agit d’une reprise d'un
nom ou d'un pronom par un terme de même fonction syntaxique, à l'intérieur d'une
même proposition (cf. Ling. 1972 et Mounin 1974). Comme exemple, on a « Les
69
autres, ils sont arrivés hier » (Mar. Lex.1951, p.76). En malgache, Rajaona cite « Ny
koranam-pianakavy tsy feno intsony ho korana », Dox, Voninavoko.
- Polyptote : Elle est une figure qui consiste dans l’utilisation de plusieurs mots issus
de la même racine mais de natures différentes, ou un même verbe sous plusieurs formes
différentes. C’est la polyptote que l’on identifie dans le vers de Victor Hugo « Je suis
tombé, je puis tomber encore » dans lequel tomber est répéter deux fois dans le but
d’insister sur sa chute. En malgache, on peut citer : « Hitako no tsy hita, hay
mahitahita » où on a trois hita de natures différentes.
- Homéoptote : C’est une figure qui consiste dans la répétition de structure syntaxique
sur une même phrase ou sur plusieurs phrases successives en gardant le genre, la
personne et la conjugaison des verbes87 dans le but de garder la terminaison. Je
reprends le poème de Guillaume Apollinaire pour illustration :
Les servants se hâtèrent
Les pointeurs pointèrent
Les tireurs tirèrent
Et les astres sublimes se rallumèrent l'un après l'autre
Il est à noter que la majorité des exemples en malgache cités ci-dessus sont
extraits de Ny zava-kanto vita amin’ny teny (Rajaona, 2006). Signalons que cette
répétition à caractère stylistique ne fait pas partie de mon étude, mais si je cite
quelques-uns de ces phénomènes, c’est seulement pour voir leur comportement formel
par rapport à la répétition à caractère morphologique, l’objet de cette étude.
87
Dans ce poème, l’auteur répète article, le verbe à la troisième personne du pluriel en gardant toujours leur
structure.
70
1.2.3.1. Répétition dans la conjonction de coordination
- Et pour les éléments en énumération, c’est-à-dire pour citer plus de deux éléments :
Akohovavy sy gana, ary gisa « des poules, des canards et des oies »
Penina, kahie ary boky « des stylos, des cahiers et des livres ».
Mais dans certains cas, je constate que les locuteurs peuvent utiliser la double
négation tsy88 pour indiquer l’addition. A cet effet, les deux éléments mis en relation
sont respectivement précédés d’un morphème de négation tsy, d’où l’équation :
88
Normalement, le morphème tsy marque la négation dans une phrase, comme on a dans la phrase
Matory izy « il dort » vs tsy matory izy « il ne dort pas », manga ny lanitra « le ciel est bleu » vs tsy manga ny
lanitra « le ciel n’est pas bleu ». Mais quand les sujets veulent exprimer leur refus, ils disent tsia « non »,
comme on voit dans la réponse à la question : Mangetaheta ianao ? « Avez-vous soif ? » et quand une
personne n’accepte pas à cette invitation, il dit Tsia, Tompoko, misaotra « Non merci ».
71
Alina sy antoandro = tsy alina tsy antoandro
Antitra sy tanora = tsy antitra tsy tanora
Lahy sy vavy = tsy lahy tsy vavy
Adala sy hendry = tsy adala tsy hendry
Gasy sy vazaha = tsy gasy tsy vazaha
Le type de répétition que je vais aborder consistera dans les phrases du type tsy
lany laniana. En effet, cette structure syntaxique peut s’expliquer par l’effacement de
la conjonction de subordination na dia … aza « même si » qui devaient être placée
entre lany « verbe passif, aspect accompli » et laniana « verbe passif, aspect non
accompli »90. Ainsi:
(P1a) Tsy lany na dia laniana aza ny sakafo rehefa fety.
= (P1b) Tsy lany laniana ny sakafo rehefa fety.
« On n’arrive pas à terminer le repas lors des fêtes. »
(P2a) Tsy voky na dia vokisana aza ny olona nasaina
= (P2b) Tsy voky vokisana ny olo-nasaina.
89
Dans une interrogation, on emploie sa « ou », comme dans izaho sa izy ? « Moi ou elle ? », fiara sa trano ?
« Voiture ou maison ? »
90
Rappelons que l’aspect accompli « envisage le procès dans la perpective de son résultat, tandis que l’aspect
inaccompli « envisage le procès en lui-même et ne prends pas en considération son résultat »
(Rajaonarimanana, (1995 :58 – 58). La question d’aspects sera traité d’une manière plus ou moins détaillée,
dans le chapitre 7 de cette thèse.
72
« Les invités ne sont jamais rassasiés »
Suite à l’éffacement de la conjonction de subordination na…aza, les deux verbes
passifs, mais des aspects différents (aspect accompli et aspect non accompli) se
juxtaposent, ce qui explique l’existence de ce type de répétition. Voici quelques
exemples qui montrent le fonctionnement de ces deux types d’aspects dans le système
verbal du malgache :
Par ailleurs, ces deux formes verbales, c’est-à-dire les verbes passifs à valeur
aspectuelle « inaccomplie » d’une part et celui à valeur aspectuelle « accomplie »
d’autre part peuvent fonctionner dans une seule et même phrase complexe pour
exprimer une concession, une phrase complexe dans laquelle une conjonction de
subordination na dia …aza présente pour assumer cette fonction.
73
D’où : Nég [act. accomplie] [conj de sub] [act. n. accomplie]
(P1) Tsy zaka [na dia] zakaina [aza] ity fahoriana ity
*(ne pas) enduré [en dépit de] ce qu’on endure ce malheur (litt).
Ce malheur n’est pas supportable.
74
lexicales, d’où respectivement les formes maty et lafo pour le passif accompli. C’est
pour cette raison que les expressions tsy maty vonoina ou tsy lafo amidy existent. Ce
sont des formes syntaxiquement obtenues par l’effacement de la conjonction de
subordination na dia … aza. Les structures de départ semblent, sans aucun doute *tsy
maty na dia vonoina aza et *tsy lafo na dia amidy aza. Notons que la répétition de ce
type ne fait pas partie de mon champ d’étude.
75
1.2.4.1. Réduplication totale
76
Tout au long de cette présentation, comme la réduplication à caractère
morphologique est l’objet de l’étude, on parlera de ces types de réduplication.
77
formes indépendantes dans un discours, mais, ils ne sont identifiés qu’à l’intérieur de la
structure des mots.
Selon le même auteur, « les radicaux réels peuvent apparaître sous leur forme
nue, sans affixe », alors que l’autre type doit recours aux procédés dérivatifs pour
devenir fonctionnel dans un discours. Pour les radicaux réels, on peut citer à titre
d’exemple les radicaux du type kely « petit » ou trano « maison », et pour les radicaux
virtuels, je cite, à titre d’exemple kisaka « notion de ramper, de se traîner, de changer
de place en glissant, de mettre ou de se mettre par côté » ou encore le radical ongana
« notion de renverser, d’abattre ». En effet, ces deux radicaux virtuels ne peuvent
fonctionner ou apparaître dans un énoncé qu’avant de procéder à une affixation ou à
une composition, d’où akisaka « à faire glisser, à faire pousser par côté », manakisaka
« pousser d’un côté, faire glisser par côté », fikisahana « l’action de faire glisser, de
pousser par côté » pour kisaka et miongana « notion de renverser, d’abattre ; de
dégrader », totongana « état de ce qui est incliné, renversé » pour ongana.
91
Rajaona (2004).
78
b) Les radicaux paroxytoniques
Pour les radicaux paroxytoniques, l’accent est placé sur la pénultième, c’est-à-
dire sur l’avant-dernière syllabe. C’est ce qu’on voit dans les exemples du type teny
« mot, parole », tsara « notion d’être beau ou bon ».
Selon Rajaona, les radicaux paroxytoniques, selon le caractère faible ou fort de
leur syllabe finale, se répartissent en deux : les radicaux paroxytoniques à syllabes
finales faibles, comme lena, ritra, foka et les radicaux paroxytoniques à syllabes finales
fortes, comme daka, foka, fafy.
79
organisation ou présentation dans un dictionnaire, les radicaux lexicalement simples
figurent en entrée alors que les radicaux lexicalement rédupliqués, en sous entrée.
Les radicaux lexicalement simples acceptent une répétition complète, c’est-à-dire
une réduplication appelée une réduplication morphologique. En d’autres termes, les
radicaux simples peuvent se mettre aux formes rédupliquées, et dans ce cas, la
réduplication assure une valeur déterminative de sens, c’est-à-dire que la réduplication
ajoute un sème complémentaire au sème fondamental dénoté par la base simple.
Autrement dit, les radicaux sont dits simples lorsqu’ils ne se présentent pas
formellement une répétition au niveau de leur constitution morphématique et ils
admettent le fonctionnement de la réduplication à fonction déterminative de sens dans
un même champ conceptuel. Selon la terminologie de Rajaona, la réduplication de ce
type est appelée « réduplication morphologique » par oppositon à la « réduplication
lexicale ».
Ainsi :
tsara « notion de bonté ou de beauté » → tsara-tsara « approximativement
bon ou beau »
kely « notion de petitesse » → keli-kely « approximativement petit »
vazaha « étranger » → vazaha-zaha « qui ressemble à un étranger »
loaka « trou » → loa-doaka « couvert de trous »
soratra « écriture, dessins, lignes, traits, figures » → sora-tsoratra
« couvert de dessins, de traits ou de marques »
Ces radicaux lexicalement simples peuvent former des mots dérivés par l’emploi
des processus morphologiques. C’est ainsi que le lexème lela-ka « notion de lécher »
est formé par l’emploi du suffixe dérivationnel -ka à valeur translative de sens par
transfert métonymique au radical simple lela « langue, l’organe utilisé pour lécher »,
d’où le rapport d’une action et son organe. Ce type de rapport est identifié aussi dans
les couples vava « la bouche, c’est-à-dire l’organe » / vava-ka « prière, l’action qu’on
peut faire avec la bouche », oro ou orona « le nez, l’organe de l’odorat » / oroka
80
« sentir » ou bien dans le couple maso « les yeux » / maso-ky92 « notion de regarder
attentivement » (skl).
De même, le lexème s-idina « notion de monter en volant » est un mot dérivé
obtenu par l’emploi du préfixe s- à valeur antonymique au radical idina « notion de
descendre », comme dans le rapport entre les éléments mis en opposition s-araka
« notion de séparer » et araka « notion d’être ensemble ».
Contrairement aux radicaux simples, les radicaux rédupliqués sont des mots dans
lesquels il y a une répétition totale de la base. Les radicaux de ce type se répartissent en
deux, selon l’existence ou non de cette base. Si la base d’un radical rédupliqué est
vivante, le mot rédupliqué obtenu est appelé radical rédupliqué non lexicalisé. Les mots
rédupliqués du type tsaratsara, velombelona, misimisy en font partie. Et si dans le cas
contraire, la base d’un radical rédupliqué n’est plus vivante, le mot rédupliqué est
appelé radical rédupliqué lexicalisé.
Les radicaux rédupliqués lexicalisés sont caractérisés par l’absence de leur base
dans leur processus morphologique. Dans ce cas, les radicaux rédupliqués de ce type se
comportent comme des formes qui sont formellement à première vue comme des mots
résultant de l’emploi de procédé de répétition morphologique mais si ces formes
simples existent dans le lexique malgache, elles n’ont aucun lien sémantique avec les
formes rédupliquées postulées.
Par rapport aux mots simples existants, la réduplication de ce type assure une
fonction distinctive de sens.
C’est ainsi qu’on a :
farafara « lit, la boiserie des lits », un radical qui ne présente aucun lien
sémantique avec le mot simple fara « descendants, postérité, héritier,
enfant »
92
Le suffixe –ky est la variante dialectale du suffuxe –ka en m.o utilisée dans les parlers du sud de
Madagascar.
81
sasasasa « bruit de la pluie qui tombe, de l’eau qui court rapidement » qui
n’a aucune similarité de sens avec sasa « notion de laver »
dodododo « diligence, empressement, célérité », mot qui semble être la
réduplication de *dodo, un radical simple qui n’existe pas dans la langue
malgache.
sorisory « vexation, ennui, chagrin » n’a aucun rapport sémantique avec
*sory, forme qui n’existe pas dans la langue malgache
93
L’intégrateur paradigmatique est une terminologie utilisée par Rajaonarimanana (1995) pour indiquer la
fonction simplificatrice de Rajaona (1977 ; 2004).
82
En d’autres termes, outre les procédés morphologiques fonctionnant comme
intégrateur paradigmatique, l’emploi de procédé de suffixation permet d’identifer la
nature des radicaux rédupliqués, en ce sens que si, en cas de simplification, les radicaux
rédupliqués acceptent l’adjonction d’un suffixe faible, ils appartiennent aux radicaux
rédupliqués primaires, et si, dans le cas contraire, les radicaux rédupliqués admettent
l’ajout d’un suffixe fort, ils font partie des radicaux rédupliqués secondaires.
83
est à caractère innovant. C’est le cas des mots rédupliqués du type lanilany « le palais
de la bouche, le voûte palatal ». En effet, le lexème rédupliqué lanilany est
formellement et sémantiquement à rapprocher de lanitra « le ciel, c’est-à-dire le voûte
céleste », mot rédupliqué obtenu par l’emploi du procédé de réduplication combiné
avec une dessufixation. Il en est de même pour le couple tapitapy « interruption » /
tapitra « fini, terminé, achevé » dans lequel le mot rédupliqué résulte d’une
réduplication suivie d’une dessufixation du lexème tapitra. Il convient de signaler que,
contrairement aux mots rédupliqués du type farafara, ce sont les formes simples,
considérées comme formes premières sont d’origine austronésienne, d’où laŋit’ >
lanitra et tapit’ > tapitra.
Les radicaux rédupliqués non lexicalisés sont caractérisés par la présence de leur
base simple dans le lexique malagche. Puisque les bases ne sont plus vivantes dans les
mots rédupliqués lexicalisés, leurs processus morphologiques ne sont plus déterminés.
Contrairement aux radicaux rédupliqués non lexicalisés, leurs bases sont
morphologiquement définissables, et par conséquent, ils sont segmentables. Autrement
dit, les mots rédupliqués du type farafara ou fofofofo ont leur caractère figé, mais ceux
du type tsaratsara ne le sont pas, car la base tsara est vivante dans le lexique
malgache. Nous allons présenter ce type de mots rédupliqués lexicalisés dans le
paragraphe 3.2.
84
relatives à la base et au parcours vont nous aider à la détermination de la structure
formelle des mots rédupliqués, objet de cette étude.
La base est définie comme un élément plus petit susceptible de répéter lors d’une
réduplication d’un mot simple. Ainsi, dans le mot rédupliqué tsaratsara, nous
identifions tsara comme base. Par contre, dans le mot rédupliqué farafara, sa base
n’est pas identifiable, et c’est pour cela qu’on le nomme radical rédupliqué lexicalisé.
Une base n’est pas forcément un radical simple. La forme dite « base » s’oppose, en
principe, à la forme appelée « forme construite » dans la mesure où cette dernière
résulte toujours de l’emploi d’un processus morphologique à une base. Ainsi, ava
« sarclage » est identifié comme la base de la forme construite avaka par l’emploi d’un
suffixe dérivatif -ka. La détermination d’une base dépend uniquement des formes à
étudier. De plus, il est à noter qu’une base peut être un mot construit. C’est ce que nous
retrouvons dans les mots rédupliqués des formes verbales : dans manoratsoratra, nous
identifions la base manoratra « écrire », qui se définit comme une forme construite
obtenue par l’emploi du préfixe flexif man- au radical soratra. L’analyse
morphologique du mot totongana « état de ce qui est incliné » permet d’identifier le
radical ongana « reversé » qui ne se définit pas comme sa base. En effet, pour créer le
mot totongana, le radical ongana doit être préfixé de t- d’abord avant de se soumettre à
la réduplication par préfixation CV-Base, d’où son parcours morphologique ongana /
*t-ongana / totongana.
Le répérage de la base est indispensable pour la description de la structure interne
des mots, et cette base ne doit être identifiée que dans son parcours morphologique.
C’est dans ce sens que la présentation de ce parcours morphologique est importante
dans la description des mots rédupliqués, notre objet d’étude.
85
1.3.2.2. Notions sur le parcours morphologique
Par ailleurs, l’examen du lexique malgache permet de constater que, par rapport à
la forme à étudier, la base peut être aussi une autre forme rédupliquée. En effet,
certains mots partiellement rédupliqués sont obtenus à partir d’une forme rédupliquée,
et non à partir d’un mot simple. Ainsi, hatsotso « mensonge pour rire » est une forme
rédupliquée construite obtenue par l’emploi d’un procédé de réduplication par
suffixation au radical hatsohatso « mensonge bien déguisé » dans lequel le mot
rédupliqué lexicalisé hatsohatso est identifié comme base.
94
Garde, 1965, Accentuation et morphologie
86
paragraphe, pour éviter la répétition dans ma présentation, je vais présenter des autres
notions relatives à l’accentologie dans la langue malgache.
Ainsi, l’accentologie du malgache permet de montrer que :
un mot peut avoir un ou deux ou même plus d’accent (le nombre d’accents dans
un mot dépend de la structure et du nombre de syllabes)
seuls les radicaux sont accentophores et les affixes ne portent jamais d’accent
seule la suffixation est apte à déclencher une alternance prosodique.
Diverses opinions ont été présentées concernant le nombre d’accents dans les
mots malgaches. Malgré l’affirmation de Dyen (1971), Mahdi (1988), Van der Tuuk
(1865), et Verguin (1955)95 selon laquelle les mots malgaches ont un accent par mot,
Domenichini–Ramiaramanana (1976 : 55) a affirmé, à son tour, que les mots
malgaches comportant plus de trois syllabes ont deux accents.
L’étude du lexique malgache permet d’affirmer ce que Domenichini a dit. En
effet, d’une part, les mots simples et les mots partiellement rédupliqués ont un seul
accent, et d’autre part, les mots ayant plus de trois syllabes, les mots totalement
rédupliqués et les mots composés ont deux accents (au moins), l’un, un accent principal
et l’autre un accent secondaire.
Ainsi, les mots simples du type fé « cuisse », kély « petit », ou sóratra « écriture,
notion d’écrire » ont chacun un accent. De même, les mots partiellement rédupliqués
du type lolóha ou hodídina ont aussi un seul accent dans la mesure où l’élément copié
fonctionne comme un affixe, donc il ne porte jamais d’accent en malgache, et si, dans
le cas contraire, il est accentué, à ce moment là, il perd son identité morphologique.
Dans le contraire, les mots du type kelikely ou ranomasina ont chacun deux
accents. En effet, dans le mot totalement rédupliqué kélikély, l’accent principal se
trouve sur le deuxième syllabe ke et l’accent secondaire, sur la première syllabe ke.
Autrement dit, dans la forme construite kelikely, l’accent principal se situe sur la
réduplicande (la deuxième kely), alors que l’accent secondaire, au niveau de la base,
c’est-à-dire sur la première kely.
95
Je repris ce que Hannahs (2004) a cité dans son article.
87
Il en est de même pour les mots composés (la composition), chaque mot garde
son accent, mais par rapport au deuxième élément d’un mot composé, l’accent
principal du premier élément devient accent secondaire, d’où l’exemple ráno « eau » +
másina « salé, sacré > ránomásina « mer ».
On sait que l’accent en malgache est mobile96, et « cette mobilité est due soit à un
contexte combinatoire soit à un contexte morphologique ». Si elle résulte d’un contexte
combinatoire, Je l’appelle déplacement de l’accent, comme on l’a vu dans le
paragraphe précédent. Si elle est d’origine morphologie, on l’appelle alternance
prosodique sous la dominance d’une suffixation.
96
Rajaona, 2004
88
L’étude morphologique des mots malgaches nous amène à constater que seul le
procédé de suffixation est apte à déclencher une alternance prosodique. Ainsi, en cas de
suffixation, un radical comme lóto subit une alternance prosodique, d’où lotó-ina. Il est
à noter que l’alternance prosodique n’est pas forcément apparue à la suite d’une
suffixation, mais il y a des cas où la suffixation ne déclenche pas d’alternance
prosodique, comme dans léna / lém-ana « qu’on mouille » » ou ritra / rit-ina « qu’on
sèche ».
Pour conclure ce bref aperçu sur l’accent, la position de l’accent joue un rôle
majeur dans la morphologie du malgache. Dans cette partie, j’ai parlé de la propriété
accentuelle dans la langue malgache. En partant de ce caractère non accentuel des
affixes, on peut déduire que la réduplication par affixation ne porte jamais d’accent.
Ainsi, lo-lóha, forme à réduplication par préfixation : dans cette forme, c’est la syllabe
répétée ló qui est accentuée, mais le résultat de cette répétition, c’est-à-dire la syllabe
rédupliquée n’est jamais accentuée, conformément à la règle régissant l’accent
morphématique en malgache, d’où lo-lóha et non pas *ló-lóha. Autrement dit, l’affixe
ou l’élément morphématique, ici la syllabe répétée, si on peut dire, ne porte jamais
d’accent, mais seulement l’élément radical est porteur d’accent.
Le niveau flexionnel est celui des signifiés grammaticaux formant des catégories
qui sont variables selon les langues quant à leur nombre et à leur organisation
89
systématique. Pour mieux comprendre ce niveau, j’essayerai de définir ses principales
caractéristiques par rapport au niveau dérivationnel.
Le niveau flexionnel se caractérise par les quelques points suivants :
97
Les processus morphologiques englobent les procédés et les phénomènes (Rajaona : 2004). On définit le
procédé morphologique, comme étant un processus à vocation de créer de nouveaux mots, et le phénomène
morphologique, comme processus apparaîssant lors de fonctionnement d’un procédé morphologique. Le
procédé est donc doué de sens alors que le phénomène morphologique ne l’est pas.
90
mais l’examen des faits linguistiques montre l’existence de procédés morphologiques
universels98.
Comme dans toutes langues, plusieurs manières, processus morphologiques pour
former de nouvelles unités lexicales existent en malgache. A ce titre, on peut dire, entre
autres, les procédés d’affixation, les procédés d’alternances consonantiques ou
vocaliques, les procédés de réduplication, le procédé de conversion, les procédés
d’emprunts, les procédés de troncation, le procédé de composition et le procédé de
conversion et tous les procédés nouveaux, tels que les mots valises, le procédé
d’acronyme, les siglaisons.
Etant donné que la réduplication fait partie de ce processus morphologique, il
semble judicieux de présenter les différents processus morphologiques dans la langue
malgache. Les recherches effectuées sur la structure interne des langues nous
permettent de constater que les unités lexicales se créent, soit par l’emploi d’unités
grammaticales (affixation), soit par l’emploi d’éléments radicaux (ex : la composition,
les procédés idéophoniques, la conversion, la réduplication et les autres procédés
nouveaux).
98
A titre d’exemples, les procédés d’affixation, les procédés d’alternance et les procédés de réduplication
sont des procédés universels.
99
Selon Rajaona, « l’affixation est un procédé morphologique qui consiste à adjoindre un morphème
autonome à un radical pour en donner le sens ».
91
a2) Le procédé de suffixation
Les créations lexicales par l’emploi d’éléments radicaux contiennent des procédés
tels que la composition, les procédés idéophoniques, la conversion, la réduplication et
les autres procédés comme la siglaison, les accronymes, etc. Certes, la réduplication
fait partie de ces procédés, mais puisqu’elle constitue l’objet de cette étude 102, la
100
Les syllabes finales –ka, -tra, -na peuvent être identifiées aussi comme terminales, et par conséquent
elles ne sont pas douées de sens.
101
Des linguistes comme Kabore (1993) a montré dans son travail de recherche que l’infixe –om- est
d’origine austronésienne. Pour plus de détails, voir Kabore, 1993, Evolution des morphonèmes
austronésiens um et in malgache, Paris, Inalco.
102
Une généralité a été déjà présentée dans le paragraphe 1.2.4, mais tout a long de ce travail, nous parlons
toujours de cette réduplication.
92
présentation ne concerne en conséquence que les trois autres procédés : la composition,
les procédés idéophoniques, et la conversion.
b1) La composition
A titre d’exemples :
- tsara « bon, beau » + maso « yeux » > tsaramaso « haricots »
- rano « eau » + mainty « noir » > ranomainty « encre »
- loko « couleur » + mena « rouge » lokomena > rouge à lèvre
Les procédés idéophoniques sont des procédés par lesquels se créent de nouvelles
unités de la langue, fonctionnant soit par motivation naturelle (les onomatopées), soit
par convention (les symbolismes phoniques et les variations morphonologiques).
b2.1.) Les procédés idéophoniques fonctionnant par motivation naturelle
D’une part, ce procédé fonctionne par motivation naturelle dans la mesure où le
rapport entre le sens et la forme se fait naturellement et non pas par convention.
D’ailleurs, selon sa définition, l’onomatopée est « une unité lexicale créée par imitation
d’un bruit naturel ».
C’est ainsi qu’on a en français103, cocorico « imitant le chant du coq », tic-tac
« visant à reproduire le son du réveil », et vo² « aboiement » ou sasa² « bruit de la pluie
qui tombe » en malgache.
b2.2) Les procédés idéophoniques fonctionnant par motivation conventionnelle
On dit que les procédés idéophoniques fonctionnent par motivation
conventionnelle si la relation entre les deux signes linguistiques provient d’une
103
Dubois, 1973
93
convention établie par les sujets parlants. Ils se répartissent, à leur tour, en deux types :
le symbolisme phonique et les variations morphonologiques à valeur dérivationnelle.
Le symbolisme phonique consiste dans le fonctionnement des sons qui
correspondent à une certaine signification, une valeur sémantique dénotée au préalable
par convention. Par exemple, dans toute langue, le phonème i dénote, dans la majorité
des cas, la petitesse : ang. little, en mal kechil et en malgache kely, kitika, pitika….
En revanche, la variation morphonologique est fondée sur le rapport de
morphonèmes fonctionnant dans un champ notionnel. Autrement dit, « un morphonème
est un phonème constitutif d’un morphème ou d’un lexème, susceptible de variation,
dans un contexte morphologique, et cette variation soit douée ou non douée de
sens »104. Ainsi, lena et lona appartiennent à un radical à morphonème {é : ú}, lé/óna
« contact avec un liquide », mais le degré é dénote le contact extérieur tandis que le
degré ú, le contact intérieur. De même, bina² et bona² appartiennent à un radical à
morphonème {í : ú}, bí/óna² « tension, gonflement », mais ce qui leur différencie c’est
l’intensité du gonflement, dans la mesure où le degré í dénote la valeur non intensive et
le degré ú, la valeur intensive.
104
Rajaona, 2004.
105
Mel’cuk, 1997, a souligé les trois types de conversions, selon « le type des traits syntactiques affectés par
le changement », à savoir les conversions paradigmatiques, les conversions catégorielles et les conversions
sectorielles. En se basant sur cette typologie, la conversion que j’ai évoquée concerne le deuxième type.
94
dans la phrase du type Afindrafindrao no fanokafan’ny Malagasy fety « Le malgache
ouvre la fête par la danse afindrafindrao ».
95
CHAPITRE 2 : CORPUS ET THEORIES
Dans le chapitre 2, je vais parler en premier lieu du corpus suivi des théories
linguistiques relatives à la réduplication. Par conséquent, ce chapitre se subdivise en
deux. Le premier sous chapitre sera consacré à la présentation du corpus, aux
différentes méthodologies adoptées pour la constitution de corpus et à la typologie de
corpus considérée dans cette étude. Dans le deuxième chapitre, les questions théoriques
et méthodologiques seront abordées. Ce deuxième chapitre commencera par la
présentation de quelques théories déjà appliquées pour l’étude de la réduplication dans
le but de préciser, par la suite, les théories et les méthodes choisies pour la réalisation
de ce travail.
2.1. Corpus
Avant de parler des différentes étapes pour la constitution du corpus ainsi que le
traitement des données recueillies pour avoir ce corpus, je vais citer quelques
définitions de corpus selon certains chercheurs et présenter la typologie du corpus à
considérer pour l’étude.
Le sous chapitre expose les documents utilisés, les méthodologies adoptées pour
les collectes de données et les différentes étapes que j’ai suivies pour constituer le
corpus. D’abord, j’essaierai de définir le corpus, et par la suite, je vais entrer dans la
présentation de la technique et des méthodologies adoptées pour que ce corpus soit
riche et commode pour l’étude.
Dans le domaine de la linguistique formelle, « Un corpus106 est une collection de
données langagières qui sont sélectionnées et organisées selon les critères linguistiques
et extralinguistiques explicites pour servir d’échantillon d’emplois déterminés d’une
langue » (Habert : 1997). C’est un « ensemble fini d’énoncés pris pour objet d’analyse.
106
Ducrot et Schaeffer (1995 : 50) définit le corpus comme « Ensemble, aussi varié que possible, d’énoncés
effectivement émis par des utilisateurs d’une langue à une époque donnée ». Dubois définit, à son tour, un
corpus comme un « ensemble d’énoncés qu’on soumet à l’analyse » (2001 : 123).
96
Plus particulièrement, ensemble fini d’énoncés considérés comme caractéristiques du
type de langue à étudier » Galisson et Coste (1976 : 131).
La constitution de corpus dépend d’un ou des objectifs visés et pour que l’étude
soit bénéfique. Elle requiert un corpus comportant un nombre d’éléments suffisamment
élevé et de la qualité. Effectivement, je parle d’une part, des données quantitatives car
on ne peut pas dégager des hypothèses, des règles à partir de données insuffisantes et
restreintes. D’autre part, il faut également que les données soient qualitatives, c’est-à-
dire des données sélectionnées selon les buts de l’étude. Autrement dit, le corpus
devrait être ample et riche dans le but d’affirmer ou de confirmer, voire d’infirmer des
hypothèses avancées. Alors, comme je l’ai mentionné auparavant, pour atteindre mes
objectifs, la présente étude utilise deux types de corpus : le corpus écrit et le corpus
oral.
Généralement, les études linguistiques descriptives de la langue malgache se sont
principalement basées sur un corpus écrit. C’est peut-être pour cette raison qu’au début
je ne considérais que le corpus écrit. Mais, en restant sur le corpus écrit, force est de
constater que des lacunes au niveau des éléments à étudier se présentent. En effet, j’ai
rencontré quelques problèmes lors de la phase de collectes. Je peux en citer
quelques-uns :
Le premier problème concerne particulièrement les formes morphologiquement
rédupliquées. En effet, l’ordre des mots dans certains dictionnaires malgaches ne met
pas en évidence les formes rédupliquées correspondantes aux formes simples. Pour ce
cas là, on essaie toujours de penser et de donner aux formes simples leur forme
correspondante. Notons que parmi les dictionnaires consultés, seuls le dictionnaire
d’Abinal et celui de Rajaonarimanana nous donnent des informations sur la
réduplication morphologique des mots simples. La plupart des dictionnaires présentent
tout simplement les mots rédupliqués dans les sous entrées sans entrer dans les détails.
C’est un problème lexicographique malgache qu’on devra peut-être considérer et
remédier pour que les données présentées dans les dictionnaires de langue malgache
soient exhaustives. Ensuite, dans la majorité des cas, il n’y a pas de signification de
mots totalement rédupliqués, notamment de signification des mots totalement
97
rédupliqués non lexicalisés107. Alors, afin d’éviter une certaine subjectivité de ma part,
il fallait faire une enquête auprès de quelques locuteurs dans le but d’obtenir leur avis
sur la ou les significations possibles, ou au moins de savoir l’utilisation de ces mots
rédupliqués.
En plus, dans la plupart des dictionnaires ou lexiques, la place de l’accent n’est
pas marquée. Pourtant, quand on fait une étude morphologique, l’étude concerne à la
fois la constitution phonématique et la structure prosodique du mot. Alors, la position
de l’accent joue un rôle très important dans l’étude de la réduplication, essentiellement
dans l’étude des mots partiellement rédupliqués. C’est pour cette raison qu’il fallait
recourir au corpus oral, aux native speakers pour une certaine vérification. Je vais
parler de cette méthode ultérieurement, mais je veux juste citer dans ce paragraphe les
quelques problèmes rencontrés lors de la collecte des données sur les documents écrits,
notamment sur les dictionnaires.
En résumé, la présentation des mots rédupliqués dans des documents écrits
disponibles ne semble pas suffisante, satisfaisante pour une étude morphologique et
sémantique. Je constate que certaines formes rédupliquées ne figurent pas dans les
dictionnaires, elles restent encore dans les pratiques langagières. Cette situation n’est
pas surprenante parce que jusqu’à maintenant la langue malgache fait partie des
langues à tradition orale. L’adoption de l’écriture de la langue malgache qui date de
1823 semble récente par rapport aux pays développés ayant une tradition à l’écrit. Le
taux de l’alphabétisation à Madagascar est très faible108 pour faire face à cette situation.
Il est vrai que tout écrit commence toujours par l’oral ; le malgache est actuellement à
la phase de la constitution de banque de données109 dans le but de conserver et de
capitaliser tous les mots employés en malgache. C’est à partir de cette constatation que
j’ai décidé de recourir au corpus oral.
107
Pour la réduplication non lexicalisée, Rajaona Siméon la nomme réduplication morphologique, la forme
rédupliquée résultant d’une réduplication de sa forme simple à l’encontre de la réduplication lexicale, la
forme rédupliquée supposée, de nature, d’origine rédupliquée ou du moins à un moment donné, la forme
rédupliquée dont sa forme simple correspondante était perdue de vue n’existait plus dans la langue vivante.
108
Source (taux d’alphabétisation)
109
En 2004, le CIRAM (Centre Interdisciplinaire de Recherche appliquée au malgache) de l’Université
d’Antananarivo a essayé de réaliser le travail de constitution d’une banque de données « CBDL »
(Constitution de Banque de Données Linguistiques) pour le traitement automatique du malgache. De
même, le Laboratoire LLOM (Laboratoire de la Littérature et Oralité malgache) au sein de l’université
même est en train de mettre en place une banque de données de la littérature malgache, que ce soit
littérature écrite ou littérature orale.
98
Les méthodologies de collectes adoptées, pour les deux corpus, sont différentes
mais complémentaires. A cet effet, je vais présenter successivement les méthodologies
pour constituer ces deux types de corpus.
110
Bare-Thomas ou Fattier-Thomas renvoient à une personne.
99
- Jully, A., 1901, Manuel des dialectes malgaches : hova, betsileo, tankarana,
betsimisaraka, taimoro, tanosy, sakalava mahafaly et du soahely, Paris.
- Rajaonah, Randzavola, Ravelojaona, 1937-1970, Boky sy firaketana ny fiteny sy ny
zavatra malagasy, Antananarivo.
- Rajaonarimanana, N., 1995, Dictionnaire du malgache contemporain, Paris,
Karthala.
- Rajaonarimanana, N., et alii, 1996, Dictionnaire malgache dialectal-français,
Dialecte tandroy, Paris, L’Asiatique.
- Rajemisa -Raolison, 1985, Rakibolana malagasy, Fianarantsoa Ambozontany.
- Richardson, 1885, A new Malagasy- English dictionnary, Antananarivo, L.M.S.
- Webber, 1853, Dictionnaire Malgache-Français, Ile Bourbon, Etablissement
malgache de Notre Dame de la Ressource.
Parmi ces dictionnaires et lexiques sus-cités, des dictionnaires dialectaux y font
partie. Au début, c’étaient seulement les données en malgache officiel qui étaient prises
en compte mais, vu le nombre du lexique dialectal existant et compte tenu de la
complémentarité de ces données, le recours à ces données dialectales est judicieux,
fructueux pour l’étude. Autrement dit, le recueil des données dialectales est essentiel
pour une étude lexicale du malgache vu son nombre de lexique non négligeable. La
complémentarité des ces données va permettre de confirmer l’unicité de la langue
malgache et de garantir la scientificité de ce travail de recherche.
J’ai relevé également des éléments du corpus dans des ouvrages littéraires,
comme les Takelaka notsongaina, tome I et tome II de Rajaona Siméon. Le premier
ouvrage, c’est-à-dire le Takelaka notsongaina I constitue des poèmes malgaches
sélectionnés par l’auteur en tant que manuel pour les élèves et les étudiants malgaches.
Le deuxième ouvrage rassemble les différentes nouvelles, les essais et les discours des
rois malgaches. En effet, après l’indépendance de Madagascar, le malgache ne
disposait d’aucun ouvrage littéraire pour l’enseignement. Alors, Siméon Rajaona a
accepté volontairement de confectionner avec ses collaborateurs ces deux manuels pour
l’enseignement du malgache, sur proposition du Ministre de l’enseignement de
l’époque. Même actuellement, ces deux livres restent toujours des ouvrages de
référence pour la littérature du malgache. C’est dans cette optique que j’ai considéré les
deux ouvrages pour les collectes des données pour la constitution du corpus.
100
Pour le corpus écrit, dès la collecte jusqu’à la constitution du corpus, trois étapes
de travail ont été suivies. La suite de présentation fait l’objet de ces trois étapes.
Etape I :
D’une part, j’ai relevé les mots rédupliqués dans ces dictionnaires suivant l’ordre
alphabétique. Signalons que ces mots sont tous des formes radicales primaires et
secondaires et les mots non radicaux. Après, j’ai fusionné les données recueillies afin
d’éviter le doublon, la répétition. Puis, j’ai essayé de trouver leurs mots simples
correspondants pour en former des couples mis en opposition.
D’autre part, j’ai dressé des listes dans lesquelles j’ai regroupé les mots simples
par catégorie, c’est-à-dire par partie du discours. Ensuite, j’ai essayé de trouver leurs
formes rédupliquées correspondantes dans les dictionnaires s’il y en a. C’était au cours
de cette phase même que j’ai remarqué, à première vue, qu’il y a des formes, plus
précisément, des classes grammaticales qui ne peuvent pas être redupliqués, c’est-à-
dire non réduplicables. Cette phase permet de constituer le corpus que j’appelle corpus
brut. C’est à ce moment là que j’ai constaté que ces données ne sont pas complètes. En
effet, plusieurs formes rédupliquées ne figurent pas dans des dictionnaires. Pourtant,
elles sont des mots vivants utilisés par les locuteurs. J’ai décidé alors de prendre en
considération les données orales. Autrement dit, pour compléter les données à étudier,
j’ai fait appel à la pratique langagière, c’est-à-dire dans les conversations courantes
vernaculaires qui sont jusqu’ici des données non écrites.
Les sources d’extraction les données sont différentes. Alors, il fallait utiliser
des indices, des étiquettes pour les différencier. Ce relevé m’a amené à la deuxième
étape de travail qui est le travail d’étiquetage.
Etape II :
La deuxième étape permet d’entamer le travail d’étiquetage pour mieux identifier
la source des données. Ainsi, pour les données tirées du dictionnaire malgache-français
d’Abinal et Malzac, j’ai utilisé l’abréviation « mlz », comme afokafoka (mlz) ou le mot
mimizy (td) pour indiquer que cet élément du corpus est tiré du dictionnaire de
Rajaonarimanana et alii. Je cite ces quelques exemples, comme illustration, mais une
liste des abréviations utilisées tout au long de ce travail figure déjà avant l’introduction.
101
Etape III :
La troisième étape consiste dans le travail de classification. Cette classification
présente une première ébauche d’études. Sans entrer dans les détails, j’ai essayé
d’effectuer une classification de ces données. Premièrement, j’ai rassemblé les mots
totalement rédupliqués (RT) d’une part et les mots partiellement rédupliqués (RP)
d’autre part. Pour les mots totalement rédupliqués, j’ai regroupé les mots rédupliqués
sans partenaires d’un côté et les mots radicaux ayant chacun une forme simple ou une
correspondante de l’autre. Ces mots rédupliqués sans partenaire sont identifiés comme
des réduplications lexicalisées (RL) tandis que les mots rédupliqués pouvant créer des
couples sont appelés réduplication non lexicalisée (RNL). Ensuite, pour les mots
rédupliqués non lexicalisés, j’ai essayé de définir les classes grammaticales de ces mots
réduplicables en malgache. C’était par cette méthode que nous pouvons dégager les
mots qui sont réduplicables. Ainsi les verbes, les noms, les adjectifs, les adverbes et
quelques pronoms personnels sujets (surtout les vocatifs) et quelques particules sont
difinies comme classes grammaticales réduplicables. Cependant, les déterminants, les
conjonctions, les auxiliaires, la plupart des particules et des pronoms ne sont pas
réduplicables en malgache. La réduplication des pronoms est morphologiquement
limitée, dans la mesure où certains pronoms personnels n’acceptent pas ce processus.
Ce tableau récapitulatif montre le fonctionnement de la réduplication des
pronoms personnels sujets.
1ère pers du sing izaho *m-izaho mizahozaho
2èpars du sing ianao *m-ianao *mianaonao
3è pers du sing Izy *m-izy *miziizy ~ mimizy (td)
Itena *m-itena Mitenatena
Rika *mi-rika Mirikarika et
mifandrikarika
1è pers du pluriel isika, izahay *m-isika ou m-izahay *misikasika
2è pers du pluriel ianareo *m-ianareo *mianarereo
3è pers du pluriel izy ireo *m-izy ireo *mizimizy ireo
102
des groupes et de sous groupes des mots, mais non pas d’une analyse explicite des
données. C’est loin d’être le cas. C’est pour cela que j’ai les appelées liste des corpus
classifiées. C’est à partir de ces corpus classifiés que j’ai commencé à faire l’analyse
morphologique et sémantique des mots rédupliqués de tous types.
Pour que ma présentation soit claire, je vais synthétiser le travail de classement
que j’ai effectué dans cette troisième étape :
R
RT RP
111
Louise Ouvrard, 2011, Les particules énonciatives en betsileo du sud, dialecte parlé dans la région de
Fianarantsoa (Madagascar), Tezaboky, CROIMA
103
En parlant d’une étude linguistique du malgache, ces remarques sont prouvées.
Seulement, les travaux de recherches en dialectologie et en sociolinguistique utilisaient
des données orales. Pour illustration, je peux citer quelques travaux de recherche basés
sur des corpus oraux : ceux de (Rabenilaina : 1983)112, (Louise Ouvrard : 2011),
(Ranaivoson : 2011)113, (Heriarizo Tahadray et Lalarifidy Rakotondrabako : 2005)114,
(Rakotoandrabako : 2005)115.
En fait, plusieurs raisons principales (les intérêts) m’ont poussée à travailler sur le
corpus oral, entre autres :
1) Le corpus oral, complément du corpus écrit : en s’appuyant sur des travaux
antérieurs, la langue malgache est toujours considérée comme langue à tradition orale
et non pas écrite. Dans ce cas, il y a des mots malgaches qui ne sont pas encore
enregistrés dans des ouvrages ou dictionnaires mais ils sont utilisés par les locuteurs
malgaches. Les lacunes constatées dans la constitution du corpus écrit m’ont amené à
considérer les données orales, d’où le corpus oral.
2) La langue évolue dans le temps et dans l’espace. Il y a des formes qui naissent et
qui vont naître sûrement ; et dans le contraire, il y a des formes qui sont perdues de
vue, qui sont sorties de l’usage. Ce sont des phénomènes naturels qu’on observe
partout. J’ai constaté qu’il y a des formes rédupliquées jugées comme agrammaticales,
et qui ne sont pas attestées dans aucun dictionnaire ni ouvrage, mais ce sont des formes
rédupliquées vivantes, utilisées par les locuteurs malgaches. Face à cette situation,
quelle mesure devra-t-on prendre ? Est-ce qu’on a le droit de les éliminer, c’est-à-dire
de les exclure du lexique malgache ? Est-ce que les mots de ce type n’assument pas la
fonction communicative ? Au contraire, la plupart des sujets parlants les utilisent dans
leur conversation. Peut-être qu’on devra connaître et définir les règles régissant cette
formation. Par exemple, si on va faire la réduplication de miolana et miolaka, les
112
Rabenilaina Roger Bruno, 1974, Description morpho-syntaxe du bara, Thèse de doctorat du 3è cycle,
Université Bordeaux III.
113
Ranaivoson Raymond Elia, 2011, « Langage des jeunes de la décharge d’ordures municipales
d’Andralanitra, Antananarivo : Etude du lexique et de ses valeurs socio-culturelles », Université de
Franche, Comté.
114
Heriarizao Tahadray et Aina Lalarifidy Rakotonadrabako, 2005, Aspects interculturels du langage des
rappeurs malgaches, Actes de la rencontre régionale des chercheurs en sociolinguistique de l’Océan Indien,
Antananarivo, Madagascar.
115
Rakotondrabako, 2005, Création lexicale argotique du rap de la capitale, Mémoire de maîtrise, FLSH,
Université d’Antananarivo.
104
formes attendues respectives sont miolanolana et miolakolaka. Toutefois, les locuteurs
utilisent les formes miolankolana et miolangolana, formes inattendues et également
agrammaticales. Je cite seulement ces mots à titre d’exemple mais une présentation
ultérieure sous forme de tableau va nous permettre de le comprendre.
3) Le laboratoire DELM (Description et Équipement de la Langue Malgache), dont
je suis membre, travaille sur des corpus écrits et oraux sans distinction de type, que ce
soit langue générale ou langue de spécialité. Le laboratoire traite également toutes les
variétés de malgache (malgache officiel ou malgache dialectal). Il prend en
considération aussi le registre, que ce soit soutenu, standard, familier, ou argotique.
4) L’étude des langages non conventionnels attire mon intention, plus précisément,
l’étude des langages argotiques et les langages enfantins. Et on sait que ces deux
types de langages restent largement utilisés à l’oral.
(Ranaivoson : 2011) a déjà travaillé sur les langages des jeunes
d’Andralanitra. Lui aussi, il utilise des corpus oraux pour une étude lexicale et socio-
culturelle. Dans la partie introductive de sa thèse, il explique l’importance des données
non encore standardisées en évoquant que « si la forme standard d’une langue est
perçue comme le référentiel à une communauté linguistique, les pratiques populaires
quant à elles sont considérées comme des particularismes non seulement sur le plan du
langage lui-même, mais surtout dans la détermination de l’identité du locuteur »116. Le
langage est avant tout oral, et l’oral précède l’écrit (Grevisse 1993 : 3)
Trois méthodes sont adoptées pour obtenir ces données :
- L’enregistrement
- La distribution des questionnaires
- L’adoption de la méthode Vive Voix
Enregistrement
116
Pour plus de détails, voir Ranaivoson Raymond Elia, 2011, « Langage des jeunes de la décharge
d’ordures municipales d’Andralanitra, Antananarivo : Etude du lexique et de ses valeurs socio-
culturelles », Université de Franche, Comté.
105
trois enregistrements ont été effectués à Fianarantsoa, deux enregistrements à
Morondava, province de Tuléar et un enregistrement à Tamatave. Pourquoi ce choix ?
Il faut remarquer qu’il n’y avait pas de critère spécifique pour le choix de ces quatre
lieux d’enregistrement. J’aimerais obtenir des données sur les six provinces de
Madagascar, mais faute de temps, il était impossible de réaliser d’autres
enregistrements. A l’occasion des voyages d’études organisés par mon département,
j’avais eu l’opportunité de faire des enregistrements.
106
conversation, j’ai toute de suite entamé l’enregistrement. C’était un enregistrement
spontané, naturel, qui dure 22 minutes. Ces trois agents de l’Université ont parlé de
l’insécurité dans tout Madagascar et du rôle des gendarmes face à cette situation
délicate.
Cet enregistrement comporte trois codes, c’est-à-dire les trois adultes ayant
participé à la conversation :
Code 1 : 101ANKF56D
Code 2 : 101ANKF53C
Code 3 : 101ANKM50D
J’ai pensé que cet enregistrement représente la classe d’âge « adulte » et les
mots rédupliqués utilisés dans leur conversation sont des formes rédupliquées des
adultes.
107
De ce fait, le deuxième enregistrement comprend trois codes :
Code 1 : 101ANKM17D
Code 2 : 101ANKM21D
Code 3 : 101ANKM23D
Code 1 : 101TSDM02A
Code 2 : 101TSDM02A
Code 3 : 101TSDF03A
Code 4 : 101TSDF41C
Les trois premiers codes indiquent les trois enfants en question et le quatrième
code représente la mère d’un enfant qui participe à la conversation. J’ai pensé que ces
trois types d’enregistrement présentent les trois générations (adultes, jeunes et enfants),
et cela va aider à obtenir des données variées pour aboutir à des résultats bénéfiques
pour l’étude morpho-sémantique des mots rédupliqués malgaches.
Bien entendu, des enregistrements ont été réalisés en provinces pour obtenir des
données dialectales. Effectivement, j’ai déjà consulté quelques dictionnaires et lexiques
dialectaux, mais il semble à la fois juste et incontournable de faire encore des
enregistrements dans le but de compléter, de vérifier et de réactualiser mes données. Ce
sera judicieux également de collecter dans toutes les provinces, mais faute de moyen,
surtout de temps, ceci n’était pas réalisable. Néanmoins, j’ai pu réaliser dans trois
108
autres provinces, des enregistrements, à savoir, à Fianarantsoa, à Tuléar, plus
précisément à Morondava et à Toamasina. Concernant ces enregistrements, je vais
présenter d’abord ceux que j’ai effectués à Fianarantsoa et par la suite, ceux que j’ai
réalisés à Morondava et à Toamasina.
Les enregistrements que j’ai réalisés à Fianarantsoa ont duré 45mn. Ils ont été
effectués au mois de juillet 2015 dans les villes de Tsaramandroso, Fianarantsoa I,
ensuite à Talata Ampano, Fianarantsoa II et enfin à Ambalavao. Je pense que même si
le choix de la ville ou du quartier n’est pas prémédité, les trois quartiers présentent une
diversité de parlers dialectaux betsileo du sud. En effet, premièrement, l’enregistrement
réalisé à Tsaramandroso, quartier où j’ai habité très longtemps durant mon enfance et
ma jeunesse, j’ai choisi quatre personnes pour faire l’enregistrement. Cette
conversation tourne autour des modes de vie des jeunes d’aujourd’hui en comparant
avec ce que j’ai vécu en ville, la vie de tous les jours des gens de notre génération. Ces
enregistrements ont été effectués après leur accord, dont voici leurs codes respectifs :
Code 1 : 301TSDM45A
Code 2 : 301TSDF47B
Code 3 : 301TSDF49D
Code 4 : 301TSDF42B
Ensuite, un autre enregistrement a été conçu à Talata Ampano, Fianarantsoa II, un
quartier où j’ai passé pour rendre visite à une famille. Notons que Tsaramandroso fait
partie de la capitale betsileo, alors que Talata Ampano ne l’est pas. C’est une commune
rurale de Fianarantsoa II. Il s’agit d’un enregistrement d’une conversation de 9 minutes
entre deux personnes dont l’une est un commerçant de provendes et d’engrais et des
produits relatifs à la culture et l’élevage et l’autre, la cliente (ma cousine), une
acheteuse d’engrais pour sa culture de pomme de terre. Cette conversation contient,
après son accord l’explication du M. X commerçant concernant le mode d’utilisation de
ce produit qu’elle voulait acheter et également l’art de marchandage pour diminuer le
prix de ce produit.
109
Voici les deux codes pour cet enregistrement :
J’ai pu obtenir une donnée enregistrée pour une durée de 27 minutes. Cet
enregistrement était réalisé à Nataombahoaka (TBH), Ambalavao, un District à 56
kilomètres de Fianarantsoa I. Pour le contenu, il s’agit d’une simulation de Sokela
betsileo (joute poétique) lors de kiridy (une festivité locale durant laquelle on invite
toute la famille, tous les voisins et toute la communauté proche. Le mpisokela est codé
de 305TBHM62A.
Lors d’un voyage d’études organisé pour les étudiants en « études malgaches »,
j’ai eu l’occasion d’y participer en tant que tutrice ; et c’était une occasion de faire de
nouvelles collectes de données. En fait, j’ai pu réaliser deux enregistrements dans deux
quartiers différents. Le premier enregistrement est constitué d’un tapasiry (conte,
légende), un genre littéraire traditionnel, comme l’angano du centre de Madagascar. Le
deuxième enregistrement porte sur un constat, une discussion sur le droit de la femme
chez le sakalava de Menabe à Morondava.
110
toutes les membres de famille rentrent chez eux. Il s’agit d’une présentation du bilan de
la festivité, un rapport d’activités réalisées contenant, entre autre, le rapport des
dépenses, le remerciement, les programmes de la famille à venir et enfin la bénédiction
par chaque membre de la famille. Cet enregistrement qui a duré de 35 mn a permis
d’obtenir plus de 60 mots rédupliqués (réduplication totale ou partielle) ; et ce dernier
est codé de 201AKHH50B.
Traitement de données
Notons que ces enregistrements ne font pas l’objet d’une transcription phonétique
ni orthographique vu le temps qui me reste pour l’étude de ces données. Après écoute
de ces données enregistrées, j’ai relevé les mots rédupliqués dans chaque
enregistrement, et pour chaque forme identifiée, j’ai mis le code en indice. Outre ces
données collectées, j’ai réécouté les enregistrements à quelques reprises pour savoir le
contexte / co-texte de leur apparition dans le but d’identifier leur fonction ou valeurs
spécifiques par rapport aux formes correspondantes, s’il y en a. Ces données collectées
complètent les éléments du corpus de l’étude.
J’ai distribué des questionnaires présentés sous formes de tableau non seulement
pour compléter le corpus mais aussi pour servir de test de vérification. Les résultats
obtenus vont aider à confirmer ou infirmer les hypothèses ou les résultats avancés.
Dans ce tableau de 15 pages, je l’ai distribué auprès des étudiants venant de différentes
régions en leur demandant les formes rédupliqués attendues pour chaque forme simple,
c’est-à-dire forme supposée grammaticalement correcte en malgache officielle ; en leur
demandant de donner les autres formes rédupliquées existantes en malgache officielle
et également les formes rédupliquées (en dialecte) variétés de malgache utilisées dans
leurs provinces ou régions d’origine. Je leur ai demandé aussi des phrases ou des
syntagmes dans lesquels ces formes simples et rédupliquées sont utilisées pour
comprendre leur mode d’utilisation et pour déduire leurs valeurs et leurs fonctions de
cette réduplication par rapport à aux formes simples correspondantes.
111
Adoption de la méthode VV « Vive voix »117
Dans le but de vérifier et contrôler les données dans mon corpus, je suis en train
d’adopter la méthode VV « vive voix » (Vaky vôlaŋa). C’est une méthode qui
considère principalement les locuteurs natifs en supposant qu’ils ont naturellement une
intuition linguistique. Avec cette méthode, j’espère résoudre certains problèmes
lexicographiques ci-dessus, mais, il se trouve que l’usage des formes rédupliquées peut
changer de génération en génération. Par conséquent, la valeur d’une forme
rédupliquée peut varier selon les classes d’âge des locuteurs.
La méthode Vive Voix (VV) facilite la collecte d’informations. A cet effet, j’ai
saisi des occasions pour noter les énoncés dans lesquels les mots rédupliqués existent
pour confirmer ou infirmer les hypothèses avancées. Les mots rédupliqués dans le
langage enfantin sont généralement obtenus par cette méthode. J’ai noté tous les mots
utilisés par mon enfant depuis son apprentissage du langage et les mots utilisés par son
entourage (les adultes) pour parler avec lui. Pour compléter ces données, j’ai essayé de
voir de tout près d’autres enfants pour les faire parler, j’ai noté tous les mots qu’ils
utilisent, et c’est à partir de cette méthode que j’ai pu obtenir des éléments sur la
réduplication dans le langage enfantin.
Après ces différentes étapes, j’ai constitué des corpus bruts (corpus n°1), et par la
suite, j’ai essayé de former des couples de lexèmes, dont les éléments mis en oppositon
se distinguent par la présence ou non du processus de réduplication. Puis, j’ai entamé la
classification des éléments du corpus, selon leurs structures formelles, les fonctions et
les valeurs sémantiques attribuées dans le but d’établir des systèmes et des
microsystèmes aussi bien morphologiques que sémantiques des mots rédupliqués en
malgaches.
En résumé, Les éléments constitutifs du corpus reflètent les différents aspects de
la langue malgache, à savoir le malgache officiel et les variantes dialectales. Au total,
ce corpus renferme plus de 4000 mots dont 2800 environs de mots rédupliqués
lexicalisés, 270 dérivés d’une réduplication par préfixation, 380 obtenus à la suite
d’une réduplication par suffixation et 148 issus d’une réduplication par infixation. Il
117
VV est la traduction par accronyme de Vive Voix proposée par le Professeur Ralalaoherivony lors d’un
séminaire organisé pour les doctorants à Antananarivo, en 2014.
112
convient de signaler que la liste des mots partiellement rédupliqués est plus exhaustive
que celle des mots totalement rédupliqués. C’est pourquoi, la liste des mots totalement
rédupliqués non lexicalisés reste ouverte parce que ce type de réduplication dépendent
de la classification des mots réduplicables, et si la liste des mots rédupliqués de ce type
figurent dans le corpus en annexes, ce n’est qu’à titre d’illustration.
Pour atteindre aux objectifs de cette recherche, il faut qu’il y ait une ou des
théories à adopter. L’adoption des théories et méthodes prouve la scientificité ou non
d’une étude donnée. Je vais présenter, dans ce chapitre, les théories et méthodes
retenues pour la réalisation de ce travail de recherche. Il sera divisé en deux sous
chapitres : dans un premier temps, je vais commencer par donner un aperçu des
quelques théories et méthodes déjà adoptées par différents linguistes pour l’étude de la
réduplication. Ensuite, il sera suivi de la présentation des approches que j’ai finalement
choisies pour cette recherche.
Pour mieux comprendre ma présentation, il est à noter que le paragrapge porte
seulement sur quelques travaux déjà effectués sur la réduplication, et pas les théories
adoptées. Mais, la question théorique et méthodologique appliquée pour l’étude la
réduplication sera abordée dans la partie suivante.
Au début, je n’ai pas encore fixé la théorie adoptée, mais je me suis intéressée sur
le fait de langue appelé « réduplication ». La première chose que j’ai fait c’était de
chercher ce qu’on entend par réduplication. C’était à ce moment que j’ai constaté
plusieurs définitions de ce fait de langue, selon le point de vue auquel il se situe.
Illustrons notre propos à l’aide de la définition suivante : du point de vue phonologique,
l’étude de la réduplication se situe dans la répétition ou reprise d’une structure CV
(consonne – voyelle) ou d’une syllabe ou bien d’un mot entier. Du point de vue
morphologique, « la réduplication est un procédé morphologique très souvent
113
considérée comme une sorte de répétition ou même confondue avec cette dernière »118.
Rappelons que dans la partie introductive, j’ai essayé de présenter les différents points
de vue sur l’étude de la réduplication.
Parmi ces quelques points de vue, j’aimerais soulever trois théories déjà adoptées
par des linguistes, à savoir : la théorie de l’optimalité, la théorie double de
réduplication, la théorie typologique.
La synthèse de cette théorie est inspirée des travaux de Bernard Tranel 119. La
théorie de l’optimalité (OT)120 est une théorie générative qui analyse principalement les
phénomènes phonologiques apparaissant dans une langue donnée. Si la théorie
générative traditionnelle considère la composante phonologique comme étant un
ensemble de « règles ordonnées qui varient de façon idiosyncrasique d’une langue à
l’autre », dans la théorie de l’optimalité, ce n’est pas le cas, pas de règles
phonologiques. Selon cette théorie, « les langues ont une phonologie parce que la
substance sonore est régie par un ensemble de contraintes universelles ».
Cette théorie « cherche à établir une Grammaire Universelle, valable pour toutes
les langues humaines »121, et la Grammaire Universelle est définie comme l’ensemble
des contraintes universelles et l’alphabet de base des catégories linguistiques
représentationnelles. De plus, d’une part, elle « permet également une explication
immédiate du fait banal, mais fondamental, que toutes les langues ont une
phonologie »122, et d’autre part, elle vise également à « démontrer que chaque langue
reflète de sa façon spécifique la structure de langage universel »123.
Comme en phonologie structurale de Troubetzkoy et de Jakobson (1963), cette
théorie de l’optimalité soulève également le conflit entre force de marquage
« markedness » que le langage peut avoir la structure non marquée, et la force de
Fidélité « faithfulness » que le langage peut avoir la structure marquée. Rappelons que
118
Pour plus de détails, voir Augustin Ndioni, La réduplication en français : aspects et rapport avec la
construction d’identité
119
Bernard, Tranel, 2000, Aspects de la phonologie du français et la théorie de l’optimalité, Langue
française vol.126, pp 39 - 72
120
Smolensky et Prince, 1993.
121
Ibid
122
Ibid
123
Kager, 1999, Optimality theory, Cambrigde University Press.
114
la structure non marquée est la forme de base, tandis que la structure marquée est la
forme qui « sert à créer les contrastes ». Pour résoudre ce conflit, une langue joue au
« principe de la domination », et cette domination dépend de la langue et surtout du fait
de langue à analyser : il y a des cas où le « markedness » l’emporte mais des fois c’est
le « faithfulness ». La tâche des phonologues est de « régler les conflits entre les
contraintes, afin de sélectionner l’output le plus optimal et harmonieux ».
Ainsi, en reprenant les exemples de Bernard Tranel, il donne des exemples des
voyelles non-marquées vs marquées du français : en effet, « les voyelles frontales non-
arrondies, comme /i/ et /e/, et un exemple de formes marquées seraient les voyelles
frontales arrondies, comme /y/ en français ». Selon l’auteur, dans le système
phonologique du français, notamment concernant les voyelles, c’est la force F qui
domine par rapport à la force M, « grâce aux contrastes phonétiques (nasal/ non-nasal,
arrondi / non arrondi), le français a 16 voyelles, contrairement à ce que l’on voit dans le
système phonologique du serbe qui n’a que 5 voyelles de base, forme non marquées,
c’est la force de marquage qui l’emporte. Il faut dire que cette théorie de l’optimalité
étudie simultanément les ressemblances et les différences entre les langues.
Selon Moeschler (1999)124 et Asic (2003), la théorie de l’optimalité est devenue
de plus en plus remarquable dans les études phonologiques, et puis, elle s’est étendue
dans d’autres niveaux d’analyse linguistique comme celui de la morphologie, de la
syntaxe, ou encore dans le domaine de la sémantique.
Dans son article, Kim, J. H a adopté l’approche théorique de l’optimalité pour
étudier les idéophones dans la langue coréenne. Il vise à analyser le comportement des
idéophones dans ce cadre-là. Cet article a démontré que seule, la théorie d’optimalité
peut résoudre le problème des idéophonés en proposant la contrainte entre la base et le
réduplicant.
Nous nous sommes inspiré de ces quelques travaux à titre d’illustration, mais
d’autres travaux de recherche se sont basés sur cette théorie, ou du moins ont été faits
dans cette perspective.
124
Moescher, 1999, Linguistique et pragmatique cognitive, l’exemple de la référence temporelle, Le Gré
des langues 15
115
2.2.1.2. La théorie double de la réduplication
125
Kerleroux Françoise, 1999, Identification d’un procédé morphologique : la conversion, Faits de Langues,
Vol 7
116
sémantique à une relation morphologique entre deux unités lexicales, individualisées
chacune par leur sens, leur appartenance catégorielle et leur forme phonologique ».
Ces formes construites peuvent être obtenues par plusieurs processus
morphologiques :
- Elles peuvent être le résultat de l’emploi d’un préfixe ou d’un suffixe
(Procédé d’affixation).
- Elles peuvent être composées de deux unités lexicales (Procédé de
composition).
- Elles peuvent aussi comporter une alternance vocalique ou consonantique
par rapport à la base (Procédé d’alternance).
- Elles peuvent aussi présenter une reprise totale de la base ou bien une
reprise partielle de la base. (Procédé de réduplication)
Bref, l’objectif en morphologie constructionnelle est donc de « rendre compte des
rapports formel et sémantique présentant un certain type de régularité entre deux unités
lexicales ». Effectivement, cet objectif rappelle celui de la méthode d’analyse
structurale fonctionnelle, selon laquelle il y a toujours un rapport, et « chaque élément
dépend de celle des autres au point où il n’est ce qu’il est que dans et par sa relation
entre eux » Martinet (1969 : 15).
Telles sont les quelques méthodes et théories appliquées dans diverses études de
réduplication. De ce fait, il existe différentes approches théoriques et méthodologiques
adoptées par des linguistes pour l’étude de la réduplication. Les chercheurs choisissent
l’une d’entre elles selon leur objectif. Il est évident que le courant linguistique évolue et
tend vers la clarté dans le but d’obtenir des résultats les plus satisfaisants ou du moins
de pouvoir avancer les hypothèses.
Dans la section suivante, je vais présenter les théories et méthodes que j’ai
finalement choisies pour la réalisation de ce travail.
117
qu’on a appelé plus haut réduplication phonologique. Or, dans ma pensée, c’est plutôt
la partie morphologique de la réduplication que j’ai envisagée de traiter. Ensuite, la
morphologie dérivationnelle associative de Danielle Corbin m’a incité à adopter pour
ce travail ; et certes, j’ai déjà étudié la réduplication partielle du malgache dans cette
perspective. Pourtant, lorsque j’ai entamé une analyse formelle et sémantique des mots
totalement rédupliqués, j’ai rencontré des difficultés à cause de la structure complexe
de certains mots rédupliqués. En plus, la catégorie des mots en malgache dépend de
leur distribution dans une phrase, alors que je m’étais seulement focalisée sur les
formes de base et sur leurs formes construites, en essayant de définir le rapport entre
ces unités lexicales sans considérer leur catégorie, le troisième point qu’on devait
mettre en valeur dans cette approche.
Même si les structures des mots rédupliqués sont complexes, on arrive à définir le
rapport formel et sémantique. C’est pourquoi, j’ai décidé d’adopter des théories
différentes en me basant principalement sur une démarche structurale et fonctionnelle
appliquée par Rajaona126. Dans son travail, Rajaona (2004) a adopté cette démarche
structurale et fonctionnelle, une démarche inspirée par son maître André Martinet.
Mais, Rajaona apporte un éclaircissement sur cette démarche pour qu’elle devienne une
démarche structurale et fonctionnelle adéquate à la morphologie du malgache.
Effectivement, le principe général dans la théorie structuraliste stipule que « Dans
une langue, un signe ne se définit comme tel qu’au sein d’autres signes. » (Ferdinand
de Saussure : 1971). Il tire sa valeur, son rendement des oppositions qu’il contracte
avec ceux qui l’entourent ». Dans cette étude, les fonctionnements, les valeurs et les
fonctions de la réduplication ne se définissent que par rapport aux éléments non
rédupliqués. Dans cette perspective, on va décrire la structure interne de tous les
éléments constitutifs du corpus en analysant morphologiquement chaque lexème, et par
la suite, on va établir les systèmes morphologiques auxquels s’intègrent les éléments du
corpus.
En d’autres termes, cette conception structurale a été choisie dans ce travail, dans
la mesure où la langue est considérée comme une structure, « un système »127. La
126
Pour plus de détails, voir Rajaona, 2004, Eléments de morphologie flexionnelle du malgache – les
phénomènes morphologiques, Editions Ambozontany Antananarivo, Madagascar.
127
Cf Saussure 1993, p 92 ; 2002, p 54.
118
langue connaît une certaine organisation dans laquelle se trouvent des éléments ayant
entre eux des relations. En revanche, à propos de cette notion de système, Paveau et
Sarfati128 (2003, 73 -74) apportent une explication selon laquelle « la notion de système
n’est pas nouvelle au moment où Saussure fait ses cours, mais ce qu’il inaugure, c’est
l’idée que les unités de la langue sont définissables, non par leur description isolée et
diachronique (conformément aux méthodes de ses prédécesseurs), mais par leur place
et leurs relations à l’intérieur du système. Les unités de la langue n’ont aucune
caractéristique propre, en dehors des relations qu’elles entretiennent avec les autres,
relations définies par Saussure comme des oppositions négatives ».
Bref, l’étude consistera à identifier les systèmes et les microsystèmes entre
lesquels se répartissent les mots rédupliqués de ce type en essayant d’expliquer le
fonctionnement de la réduplication dans la langue malgache pour en tirer la typologie
de la réduplication, les fonctions et les valeurs dénotées par ce fait de langues en
question. Dans cette perspective, il sera indispensable que les mots à identifier forment
des couples dont l’un des éléments constitutifs présente au moins une réduplication
totale ou partielle selon le cas. De plus, ces éléments formant couple appartiennent à un
même champ conceptuel, et ils ne se différencient formellement que par le
fonctionnement de ce fait de langues appelé « réduplication ».
De plus, la fonction est aussi un principe de base de la démarche structurale pour
définir les éléments linguistiques par leurs rapports et leurs caractéristiques. C’est, en
fait, le rôle que les unités de la langue peuvent jouer aussi bien sur le plan
syntagmatique que sur le plan paradigmatique. « Le vocabulaire de toute langue
comporte un certain nombre de systèmes lexicaux, dont la structure sémantique est
susceptible d’être décrite en fonction de rapports de sens paradigmatiques et
syntagmatiques » (Lyons, 1970 : 339). Dans cette optique, elle confirme la notion de
relation dans le principe structural dans la mesure où « ce qui donne à la forme le
caractère d’une structure, est que les parties constituantes remplissent une fonction »
Benveniste (1981 : 22).
128
Paveau M. A et Sarfati. 2003. Les grandes théories linguistiques, De la grammaire comparée à la
pragmatique, Paris, Armand Colin.
119
Par ailleurs, en tant que méthode structurale et fonctionnelle, l’objectif est de
dégager les rapports formels et sémantiques existant entre les éléments formant couple,
dénotés par l’opposition mots rédupliqués et non rédupliqués. Pour ce faire, la méthode
d’analyse de Troubetzkoy (1976) est adoptée aussi pour l’étude sémantique des mots
rédupliqués, puisqu’elle peut classifier les types d’oppositions selon les rapports
existant. Autrement dit, le système d’oppositions de Troubetzkoy peut analyser les
relations entretenant les unités lexicales avec les trois types oppositions : l’opposition
privative, l’opposition graduelle et l’opposition équipollente.
Cette démarche n’empêche pas le recours à l’intuition linguistique, car il y a des
cas où l’étude sémantique de certains mots rédupliqués exige l’intuition des locuteurs.
Autrement dit, les valeurs sémantiques de la réduplication sont senties intuitivement
par les native speakers. Alors, pour dégager ces valeurs de la réduplication, le critère
d’identification en co-texte, venant des locuteurs devrait être indispensable. On
constate que les valeurs ou fonctions exprimées par la réduplication sont bien
confirmées dans un énoncé ou dans une expression dans lesquels les mots rédupliqués
fonctionnent. Des fois, on doit recourir aux concepts extralinguistiques pour définir les
valeurs dénotées par la réduplication. En fait, dans certains cas, d’autres critères ou
méthodologies seront adoptées dans cette étude pour résoudre certains problèmes ou
pour justifier ou confirmer les hypothèses avancées dans cette thèse.
Enfin, il convient d’apporter quelques précisions sur certaines terminologies les
plus utilisées dans la présentation. Des fois, je parle de la réduplication, comme procédé
morphologique, et d’ailleurs, plusieurs recherches traitent également la réduplication
comme tel, un type d’affixation. Certes, en tant que procédé, la réduplication est
significative (porteuse de sens). Cette hypothèse convient parfaitement à la description
de certains mots rédupliqués du malgache. Certes, par définition, un procédé
morphologique consiste en l’emploi d’éléments grammaticaux ou lexicaux significatifs,
porteurs de sens, tandis que le phénomène morphologique rassemble tout fait de
langues apparaissant suite à l’utilisation d’un procédé morphologique (Rajaona : 2004).
Plus précisément, le phénomène morphologique n’apparaît que sous la dominance du
fonctionnement d’un procédé morphologique. En revanche, dans d’autres cas, j’utilise
tout simplement de faits de langues pour une vision générale du terme, que ce soit
procédé ou phénomène linguistique. En effet, dans certains mots rédupliqués, on en
120
déduit que la réduplication peut être définie comme un fait de langue lié au
fonctionnement d’un procédé morphologique. Et enfin, le terme processus
morphologique englobe aussi les procédés et phénomènes morphologiques.
En conclusion, dans ce sous chapitre, deux points essentiels ont été soulevés : le
corpus de travail et les théories et méthodes adoptées pour la réalisation de cette thèse.
Dans un premier temps, on a développé ce qu’on entend par corpus. Les différentes
méthodologies de collectes ont été présentées d’une manière détaillée, entre autres, les
collectes des données dans plusieurs dictionnaires et lexiques disponibles, des éléments
formant le corpus écrit, l’enregistrement de quelques données orales, constituant le
corpus oral ; la distribution de fiches et de listes contenant des mots simples (surtout
des verbes, et des mots simples à affixes) pour que les locuteurs donnent les mots
rédupliqués correspondant à ces mots simples de base ; la méthode dite VV « vive
voix ». Les méthodes d’organisation de ces données fournies ont été détaillées dans ce
sous chapitre. Par la suite, dans le sous chapitre suivant, j’ai essayé d’exposer quelques
théories et méthodes adoptées par des linguistes pouvant être appliquées pour l’étude
de la réduplication. Et pour terminer ce chapitre, j’ai présenté les théories et méthodes
que j’ai choisies pour la réalisation de ce travail. Conformément à ce que Jean
Gagnepain a dit « Il n’y a jamais un principe unique d’explication », de multiples
approches basées sur la théorie structurale et fonctionnelle sont mises en œuvre tout au
long de ce travail.
Dans la partie suivante, je vais déterminer les fonctionnements de la réduplication
afin de définir les différentes structures des mots comportant la réduplication et de
dégager par la suite les différents types de la réduplication dans la langue malgache.
121
DEUXIEME PARTIE
DESCRIPTION FORMELLE DES MOTS REDUPLIQUES EN
MALGACHE - TYPOLOGIE
122
DEUXIEME PARTIE : DESCRIPTION FORMELLE DES MOTS
REDUPLIQUES EN MALGACHE – TYPOLOGIE
La deuxième partie de la thèse porte sur la description formelle des mots
rédupliqués en malgache. Cette partie permet d’identifier la typologie de la
réduplication en malgache, c’est-à-dire les différents types de réduplication selon leur
structure formelle. Dans cette partie, je vais traiter les différents processus de formation
de mots rédupliqués en adoptant les démarches que j’ai évoquées dans la première
partie. Pour ce faire, j’essaierai de réécrire les parcours morphologiques de chaque mot
rédupliqué. Pour déterminer la structure formelle des mots rédupliqués, nous avons
cherché toujours les bases afin de décrire leurs formations, leurs structures internes. Par
conséquent, leur parcours morphologique seront réécrits au début ou à la fin des mots
rédupliqués à étudier.
Toutefois, il faut noter que nous avons rencontré quelques problèmes dans
l’identification formelle de certains radicaux rédupliqués. En effet, il est difficile
d’identifier les bases de certains mots rédupliqués puisque nous ne savons pas la forme
première entre les éléments constitutifs d’un couple. Or, l’identification de base est
primordiale dans la présentation du parcours morphologique. Les langues à tradition
orale comme le malgache rencontrent ce genre de problème du fait de l’absence de
documents écrits sur l’histoire de l’orthographe des mots en malgache. A titre
d’exemples, nous ne savons pas la période où la consonne h à l’initiale a été perdue de
vue dans hianao / ianao. Faute d’informations sur la chronologie de certains mots, nous
ne savons pas la forme première entre le mot rédupliqué ranirany « état de ce qui est
long et point » et le mot simple ranitra « état de ce qui est aiguisé, effilé comme un
tranchant », par exemple. Quoi qu’il en soit, nous essayons d’avancer des hypothèses
pour les radicaux rédupliqués de ce type.
Selon cette démarche, deux types de réduplication peuvent être définis. Il y a
d’abord la réduplication totale où c’est le mot entier qui subit une répétition ; elle se
rencontre dans les mots du type farafara « lit » ou kelikely « approximativement petit »
ou verimberina « idée de revenir fréquemment » obtenus respectivement par la
répétition des radicaux kely « petit », ou verina « idée de revenir ». On a aussi la
réduplication partielle où la répétition ne concerne qu’une partie du mot, plus
123
précisément une syllabe de base que l’on retrouve dans les lexèmes du type loloha
« action de porter sur la tête » ou kibo-bo « caille » vs kibo « ventre ». Ces types de
réduplication feront respectivement l’objet des chapitres 3 et 4 de la deuxième partie.
124
CHAPITRE 3 : LA REDUPLICATION TOTALE (RT)
Les mots qui comportent une réduplication totale se répartissent en deux
groupes : le premier groupe renferme les mots rédupliqués lexicalisés dont la forme
simple correspondante n’est pas attestée dans la langue ou bien sortie de l’usage. C’est
le cas de tabataba « bruit, tumulte », hanihany « moquerie, plaisanterie », aviavy
« arbre ficus trichopoda ; nom générique des figuiers et de leurs fruits », farafara « lit »
où les formes *taba, *hany, *vazy ou *fara n’existent pas dans la langue. Et si dans le
cas contraire, les mots du type avy « venu » ou fara « descendant, enfant », ils n’ont
aucune relation morpho-sémantique avec les formes rédupliquées en question, car il
s’agit tout simplement d’une coïncidence formelle d’homonymie. Le deuxième type de
réduplication totale rassemble les mots rédupliqués dont la forme simple
correspondante est bien vivante et attestée dans les dictionnaires existants. C’est ainsi
que nous avons les couples de mot simple vs mot rédupliqué tels que kely « petit » vs
kelikely « approximativement petit », amboa « chien » vs amboamboa « dodus »
(comme un chien), ou encore tsangana « état de ce qui est debout » vs
tsangantsangana « idée de se promener ».
Rappelons que RT consiste en la répétition du mot entier ou du radical. Selon les
structures morphologiques des éléments constitutifs du corpus, ces radicaux totalement
rédupliqués se divisent en deux catégories : la première catégorie regroupe les radicaux
rédupliqués lexicalisés, du type farafara « lit » ou gogogogo « pleurs, lamentations » et
la deuxième catégorie constitue les radicaux rédupliqués non lexicalisés, du type
kelikely « approximativement petit » ou du type manoratsoratra « notion d’écrire de
façon négligeante ».
Ce chapitre se subdivise en deux : dans un premier temps, je vais parler des mots
rédupliqués lexicalisés, c’est-à-dire la réduplication des éléments lexicaux qui se
définissent par l’absence de mots simples de base. Par la suite, je vais traiter les mots
rédupliqués non lexicalisés qui se déterminent par la présence de mots simples,
considérés comme mots de base. Autrement dit, l’examen du corpus permet d’identifier
les mots totalement rédupliqués en deux sous classes : d’une part, la première sous
classe regroupe les mots rédupliqués lexicalisés et la deuxième sous classe rassemble
les mots rédupliqués non lexicalisés.
125
3.1. Les mots rédupliqués lexicalisés (RL)
Par définition, les mots totalement rédupliqués sont dits lexicalisés s’il n’existe
pas ou plus précisément s’il n’existe aucune trace de leurs formes simples
correspondantes. C’est le cas de afokafoka « furie, transport de colère » car la forme
simple correspondante *afoka n’est pas attestée dans la langue malgache. Il en est de
même pour farafara « lit » car la forme simple existante fara129 « descendant »
n’entretient aucune relation sémantique avec la forme rédupliquée. La disparition de
ces formes simples peut être soit héritée des langues austronésiennes soit un
phénomène qui s’est produit à Madagascar. Ainsi, les mots du type farafara, kakakaka
et vovonana sont des formes rédupliquées héritées des langues austronésiennes puisque
leur comportement morphologique rédupliqué est d’origine austronésienne, d’où
respectivement *parapara, kakah-kakah et *bubuŋ (AN). Par contre, les mots du type
lanilany « voûte céleste » ou ririnina « hiver » sont des mots rédupliqués typiquement
malgaches car ils ne sont pas attestés dans les langues austronésiennes. Pour
illustration, je peux citer aussi des mots rédupliqués dans quelques langues de la
famille austronésienne : (Mantauran Rukai) weng-weng in (Zeitoun : 1998) « rouleau »,
(Bunun) bunbun in (Yeh : 2000b) « banane », et (Paiwan) bel<e>bel (Lu : 2003)
« banane »130. En effet, pour lanilany, l’analyse morphosémantique nous amène à
constater que ce mot est à rapprocher de lanitra ~ *lanit’(AN) « ciel, c’est-à-dire une
voûte palatale » où la réduplication est le marquage d’une petitesse par transfert
métaphorique. Donc, lanilany signifie la voûte palatale qui ressemble à la forme du
lanitra « la voûte céleste ou le ciel ». Il en est de même pour le mot ririnina dans lequel
nous identifions une réduplication de la première syllabe que nous appelons
réduplication par préfixation, par rapport à la forme simple *diniŋ (AN).
Dans ce système, on peut dire que les éléments mis en opposition ont la même
structure organique dans la mesure où les deux mots formant couple sont tous des mots
rédupliqués lexicalisés (RL). La question que l’on doit se poser dans ce sous chapitre
est donc comment fonctionne, sur le plan formel, les radicaux lexicalisés de ce type ?
L’étude concernera à dégager les microsystèmes dans lesquels se répartissent les
129
Le mot fara est un mot d’origine sanskrite (Ferrand : 1909), alors que farafara est d’origine
austronésienne.
130
Ces exemples sont tirés de Zeitoun : 2006
126
différents paradigmes identifiés par le fonctionnement de la réduplication dans le
lexique malgache.
De ce fait, la réduplication, considérée comme processus de base, peut être
combinée à d’autres faits de langue comme l’affixation, la variation vocalique et/ou
consonantique. Par conséquent, je vais diviser ce sous chapitre en deux sous-systèmes :
le premier sous-système présente les couples dont les éléments mis en opposition se
diffèrent de la présence des variations morphologiques (phonématique que ce soit
vocalique ou consonantique ou encore prosodique).
Même si les mots rédupliquées de ce type ne peuvent être présentés sous forme
simple que par l’emploi des procédés morphologiques à pouvoir simplificateur, ils
peuvent former des couples. Autrement dit, les mots rédupliiqués lexicalisés ne sont
pas des mots isolés dans la mesure où ils ne peuvent pas avoir une relation
morphologique et sémantique avec d’autres mots, conformément au caractère
grammatical de la langue malgache. L’examen des mots rédupliqués lexicalisés de ce
type montre qu’ils peuvent former des couples avec ou sans variations morphologiques.
Revenons à nos exemples, malgré leur ressemblance, ces deux exemples
présentent une certaine divergence. En effet, le terme afokafoka « furie, transport de
colère » est à rapprocher du mot efokefoka² « emportement, colère, fierté » où l’on
identifie une variation /a/ vs /e/ de la voyelle sous l’accent, en plus de la relation
sémantique évidente. En revanche, le mot lanilany « voûte palatale » n’a aucun autre
lien morpho-sémantique avec un autre lexème. Cela prouve que la réduplication totale
lexicalisée peut être indépendante de tout autre fait de langue ou en relation avec
d’autres procédés morphologiques qu’il faut identifier. L’examen du corpus permet de
déterminer trois processus liés à la réduplication totale lexicalisée : les procédés
idéophoniques tels que la création des onomatopées ou le symbolisme phonique et
l’affixation. En d’autres termes, il existe quatre types de mots rédupliqués lexicalisés :
les mots du type farafara « lit », les mots rédupliqués onomatopéiques, les mots
rédupliqués à symbolisme phonique et les mots liés à d’autres processus
morphologiques. Je vais les examiner un à un.
Malgré leur ressemblance, ces deux exemples présentent une certaine divergence.
En effet, le terme afokafoka « furie, transport de colère » est à rapprocher du mot
efokefoka² « emportement, colère, fierté » où l’on identifie une variation /a/ vs /e/ de la
127
voyelle sous l’accent, en plus de la relation sémantique évidente. En revanche, le mot
lanilany « voûte palatale » n’a aucun autre lien morpho-sémantique avec un autre
lexème. Cela prouve que la réduplication totale lexicalisée peut être indépendante de
tout autre fait de langue ou en relation avec d’autres procédés morphologiques qu’il
faut identifier. L’examen du corpus permet de déterminer trois processus liés à la
réduplication totale lexicalisée : les procédés idéophoniques tels que la création des
onomatopées ou le symbolisme phonique et l’affixation. En d’autres termes, il existe
quatre types de mots rédupliqués lexicalisés : les mots du type farafara « lit », les mots
rédupliqués onomatopéiques, les mots rédupliqués à symbolisme phonique et les mots
liés à d’autres processus morphologiques. Je vais les examiner un à un.
L’étude morpho-sémantique des mots totalement rédupliqués lexicalisés permet
de distinguer d’une part l’absence des formes simples correspondantes, et si dans le cas
contraire, il y a des mots simples formellement correspondants, ils n’ont
sémantiquement rien à voir avec ces mots rédupliqués. Il s’agit tout simplement d’une
coïncidence morphologique, d’une homonymie.
De ce fait, les mots rédupliqués appartenant à cette sous classe sont les mots
proprement lexicalisés du type farafara, les mots comportant les procédés
idéophoniques, comme les mots onomatopéiques, les mots avec les phénomènes de
symbolisme phonique et les mots rédupliqués à morphonème.
128
Les exemples suivants illustrent les mots rédupliqués lexicalisés du type
farafara (Voir corpus n° 02) :
Farafara « lits, la boiserie des lits » ≠ fara « descendant, nom d’une
jeune fille »
Hanihany « « ricanerie ricanement, moquerie, le luisant » ≠ hany « seul,
unique »
Lanilany « voûte palatale » ≠ lany « épuisé, dont il ne reste rien »
Vazivazy « plaisanterie » ≠ vazy « mot emprunté du français vase »
Vatravatra « mouvement trémoussement » ≠ vatra « à quoi on
s’habitue »
Vanivany « rire sans motif » ≠ vany « la partie placée entre deux nœuds,
comme dans la canne à sucre ».
Hoňahoňa (bl) « désordre, en parlant des cheveux
Mitotototo (bl) « se donner de la peine, avoir de préoccupations »
Kodokoko (Gn) « noir du coco vive »
Robaroba (Gn) « plat de citronnelle, cuite avec du riz et du lait de coco »
Par ailleurs, l’examen du lexique malgache permet d’identifier une autre structure
morphologique du radical rédupliqué lexicalisé, du type tsinontsinona « néant, rien du
tout », dans lequel nous avons identifié un syntagme tsy + inona + tsy + inona qui est
devenu lexicalisé par figement.
Les mots onomatopéiques (Corpus n°03) font parties des unités lexicales formées
à partir des éléments du signifiant qui sont déjà significatifs par motivation naturelle,
contrairement au symbolisme phonique, qui sont des unités lexicales créées par
motivation conventionnelle. Selon Dubois, l’onomatopée est « une unité lexicale créée
par imitation d’un bruit naturel »131. A titre d’exemples, gagà « corbeau » ou ganagana
« canard » sont des noms d’oiseaux formés par les cris de ces oiseaux eux-mêmes. Les
onomatopées se caractérisent par la motivation de lien entre signifiant et signifié,
contrairement à la majorité des lexèmes, le rapport entre le signe linguistique est
131
Dubois, 1973, p.346
129
arbitraire. Ainsi, les mots vovo et dodododo traduisent respectivement « l’aboiement »
et « le bruit de pas que l’on fait quand on est pressé ». Dans ce cas, on peut dire que les
onomatopées sont des signes linguistiques qui relient un bruit naturel à son image
acoustique. En somme, un procédé idéophonique fonctionne par motivation naturelle
lorsque « la signification autonome immédiate, des constituants de la forme phonétique
du langage (…) est issue directement de la nature et non de la convention »132.
Lyons (1970) définit ce procédé comme la présence d’un lien naturel entre un
signifiant et son signifié. Autrement dit, les mots onomatopéiques sont toujours
motivés, c’est-à-dire non arbitraire puisqu’ils sont imitatifs « il existe un lien
analogique entre la forme phonique et le sens qu’elle véhicule ».
132
Jakobson, 1980, pp.217-218
130
a) Selon leur structure organique
131
kolokolo (kolo²) kolokoloka gologolo « cris des dindons »
tatatata (tata²) « bruit produit pas des coups réitérés comme celui du
tambour, d’une fusillade, des pas d’un cheval qui galope, des bambous qui
éclatent sous l’action du feu »
tepotepo (tepo²) « bruit du battement du cœur, du pouls, pulsations »
Le troisième type des onomatopées sont les proparoxytons que ce soient sous
forme simple ou sous forme rédupliquée. Ce type d’onomatopées se définit par la place
de l’accent sur « la syllabe antépénultième », et en malgache, ces mots se terminent
toujours par les terminales -ka, -tra, -na.
C’est ainsi qu’on a pour les formes simples :
giaka133 « cri de l’oie »
kaona « bruit du choc de deux objets durs que l’on joint ensemble »
katraka « bruit d’un corps dur tombant ou frappant sur un autre ou bruit
d’une respiration gênée, comme celle d’un poitrinaire d’un mourant »
kepoka « bruit de ce qui est écrasé sous la dent ou de ce qui retentit sous un
coup »
Et pour les formes lexicalement rédupliquées :
nantsanantsana (nantsana²) « le son d’un corps sonore, d’un instrument de
musique, des cymbales, des cloches »
patrapatraka (patraka²) « bruit que font des grosses gouttes d’eau en
tombant ».
133
Giaka est un proparoxyton en ce que, selon la règle morphologique de la suffixation, les radicaux de ce
type, en cas de suffixation subissent à la fois une alternance prosodique et une variation phonématique,
d’où gíaka / giáh-ina
134
Selon Rajaona, 2004 : 84, « Un morphonème est un phonème constitutif d’un lexème, susceptible de
variation dans un contexte morphologique, que cette variation soit douée ou non douée de sens »
132
morphonèmes »135. Les onomatopées à morphonème sont « des unités lexicales créées
par imitation d’un bruit naturel dont les phonèmes constitutifs sont susceptibles de
variation doué de sens »136, alors que les onomatopées sans morphonème sont « des
unités lexicales créées par imitation d’un bruit naturel dont les phonèmes constitutifs ne
sont pas susceptibles de variation »137. Pour le premier type d’onomatopées, je peux
citer quelques lexèmes comme vovo « aboiement », ma « beuglement des bœufs » des
onomatopées sans morphonème. En revanche, les éléments du type tabataba « bruit »
vs tebiteby « agitation » représente les onomatopées à morphonème dans la mesure où
ce couple fonctionne avec le morphonème {á : é} indiquant la modalité de bruit.
Tabataba, le mot comportant le degré á exprime le bruit à l’extérieur, tandis que
tebiteby, le mot comportant le degré é, le bruit à l’intérieur.
Il en est de même pour les couples dradradradra (dradra²), dridridridry (dridry²)
ou dridrodridro (dridro²), drodrodrodro (drodro²) et dredrodredro (dredro²). C’est
ainsi que le mot au degré a dénote les cris perçants, cris mêlés de pleurs », d’où
dradradradra ; le mot au degré i exprime le bruit du flottement ; le mot au degré u
dénote le bruit, d’où drodrodrodro et le mot au degré e dénote le bruit produit par un
radio ou un appareil mal fonctionnant, d’où dredrodredro.
135
Ranaivoarison (2008) a effectué une étude sur les onomatopées sans morphonème en décrivant les
structures morphologiques de ces mots et également les fonctions et valeurs dénotées par chaque type des
onomatopées en malgache.
136
Ibid
137
Ibid
133
productives lorsque, en termes de dérivation, ces mots peuvent produire de nouvelles
unités lexicales par l’emploi des procédés morphologiques dérivationnels.
Les exemples suivants illustrent ce processus :
babababa (baba²) « cris, clameurs de regret, lamentations » : par l’emploi de
quelques procédés morphologiques, on obtient les formes ko-baba > kobaba
« notion de crier, d’agir avec tumulte, avec précipitation, avec émotion », ko-
baba-ka > kobabaka « notion d’agir avec empressement, par affection ou par
respect », k-or-a-baba > korababa « comme kobaba ».
bobobobo (bobo²) « glouglou » : en partant de ce mot, on obtient les mots
bobo-ka > boboka « imbibé d’eau, rassasié jusqu’au dégoût, dégouté » et sa-
bobo-ka > saboboka « gonflé, ballonné comme ce que l’on imbibe d’eau,
comme ce qui est très volumineux ».
tabataba (taba²) « bruit, tumulte » / ko-taba,
dodododo (dodo²) « bruit des pas que l’on fait quand on est pressé » : à partir du
dododoo, on a dodo-ka > dodoka « pressé, qui a hâte de », dodo-na > dodona
« pressé, empressé, ardent, précipité, impétueux », ko-dodo-ka > kododoka «
empressement, hâte, galop » , so-dodo-ka > sododoka « pressé, qui a hâte de »,
s-om-a-dodo-ka > somadodoka « être joyeusement empressé, pressé », k-or-o-
dodo > korododo « le bruit des pas précipités d’une foule ; empressement de
quelqu’un qui court ».
134
étude. Certes, l’hypothèse que j’avance tout au long de ce sous chapitre c’est que à un
moment donné il y avait patraka « Grosses gouttes d’eau », une forme simple, et après
l’emploi d’une réduplication, on avait obtenu patrapatraka, comme on avait, par
exemple, potraka « tombé » et potrapotraka. Mais la langue évolue, des mots meurent,
d’autres formes restent vivantes, et c’est le cas des mots onomatopées du type patraka
qui n’est plus attesté, et seul le mot patrapatraka, sa forme rédupliquée qui est en vie,
et elle est devenue lexicalisée. C’est pourquoi, les onomatopées rédupliquées font
partie de ce sous chapitre.
138
Il est à noter qu’il n’y a que tete en malgache officiel, mais la forme simple te n’est pas attestée.
Cependant, si nous avons recours aux données dialectales, la forme simple te est encore vivante. En
betsileo, par exemple, on dit mite ny masony pour indiquer une maladie des yeux.
135
3.1.2.2. Fonctionnement des onomatopées rédupliquées lexicalisées
139
Certes, dans son Mémoire de Maîtrise, Ranaivoarison (2008) a déjà travaillé sur les onomatopées en
malgache, et il a souligné cette importance en nombre des onomatopées rédupliquées.
140
Raphaël Kaboré, 1998, La réduplication, in Faits de langues, n°11- 12
136
gogogogo « pleurs, lamentations »
babababa « cris, clameurs de regret, lamentations »
bobobobo « glouglou, c’est-à-dire le bruit que fait l’eau entrant en abondance
dans une bouteille »
dodododo « bruit des pas que l’on fait quand on est pressé »
fofofofo « souffle violent, c’est-à-dire le bruit que fait le vent qui souffle
violemment »
kakakaka « cris du coq et des poules épouvantés »
nananana « cris perçants »
nantsanantsana « le son d’un corps sonore, d’un instrument de musique, des
cymbales, des cloches »
patrapatraka « bruit que font les grosses gouttes d’eau en tombant »
tatatata « bruit produit par des coups réitérés comme celui du tambour, d’une
fusillade, des pas d’un cheval qui galope, des bambous qui éclatent sous
l’action du feu »
gologolo ~ kolokolo ~holokoloka « dindon »
rodorodo « bruit d’une marche rapide, d’une course comme celle d’une foule,
d’un troupeau »
triotrio (Gn) « espèce de petit oiseau »
137
véhiculées dans les mots onomatopéiques en malgache ; pour ma part, je m’arrête sur
l’aspect morphologique.
En résumé, le deuxième système présenté dans le sous chapitre 1 de la première
partie a été consacré à la présentation du système des mots rédupliqués lexicalisés
onomatopéiques. Dans cette présentation, après les quelques paramètres définissant les
onomatopées en malgache, on a pu déterminer les différents types d’onomatopées
lexicalisées. Dans un premier temps, on a mis en exergue la possibilité des radicaux
rédupliqués onomatopéiques lexicalisés de fonctionner dans la langue sans aucune
variation phonématique. Par la suite, on a vu que les radicaux rédupliqués
onomatopéiques lexicalisés peuvent être accompagnés d’autres variations
phonématiques. Dans le système suivant, je vais parler des mots rédupliqués lexicalisés
dans le système du symbolisme phonique.
141
Peterfalvi (J.M), 1978, Recherches expérimentales sur le symbolisme phonique, Paris, Centre National de
la Recherche Scientifique.
138
consonnes l et/ou r dénotent l’idée de liquide, comme en français liquide, couler et en
malgache rano, mikoriana.
L’étude de la réduplication en langue malgache permet de constater qu’il existe
des mots rédupliqués lexicalisés et qui présentent ce phénomène de symbolisme
phonique.
Dans cette étude, je vais parler de la réduplication à symbolisme phonique, un
autre type de la réduplication lexicalisée. D’emblée, il faut remarquer que la distinction
entre les mots onomatopéiques et mots à symbolisme phonique n’est pas facile. Il est
vrai que, théoriquement, ces deux types de mots pourraient se différencier par leur
formation mais pratiquement, ce n’est pas du tout le cas. Effectivement, le symbolisme
phonique est un procédé fonctionnant par motivation conventionnelle, et non par
motivation naturelle, comme les onomatopées. En d’autre termes, le procédé
idéophonique fonctionne par motivation conventionnelle lorsque le rapport entre
signifiant et signifié provient d’un accord ou convention bien établie par une
communauté linguistique donnée. Pourtant, il arrive parfois que des mots se définissant
comme onomatopées peuvent figurer dans les mots à symbolisme phonique. Ainsi, les
mots du type dridridridry « gémissement, plaintes, grincement » ou du type jijijijy « cri
perçant de couleur, son aigu des instruments de musique » sont des mots
onomatopéiques parce qu’ils dénotent un bruit, un cri naturel mais à l’intérieur de ce
bruit ou cri, certains sons ont une signification intrinsèque perçue lors de leur
prononciation. Par conséquent, il arrive parfois que les mots onomatopéiques
s’inscrivent dans ce système, étant donné que leur son (la partie signifiante) et leur sens
(la partie signifiée) présentent une relation inhérente.
« Effectivement, depuis longtemps, les linguistes, notamment les phonéticiens ont
évoqué les notions du symbolisme phonique. Certes, Georg Von Der a découvert les
valeurs expressives marquées par les sons du langage et affirmant que le son et le sens
sont indissolublement liés. Dans leur ouvrage intitulé « La charpente phonique du
langage142, Jakobson et Waugh ont présenté un bref historique des linguistes ayant
expliqué le symbolisme phonique ».
142
Jakobson (R) et Waugh (L), 1979, La charpente phonique du langage, Paris, Minuit.
139
A titre d’illustration, « Grammont, lui aussi, a affirmé sur le fait que le rapport
entre son et sens existe, notamment dans les onomatopées et les mots expressifs ». Son
étude a été focalisée surtout sur le vocalisme en opposant les voyelles d’avant « voyelle
claire » dénotant la beauté, l’éclat aux voyelles d’arrière « voyelles graves » qui
dénotent la lourdeur ».
Bloomfield (1933) a considéré également le rapport entre le son et le sens en
montrant les valeurs des voyelles, des consonnes et de leur combinaison. C’est ainsi
qu’on a « La séquence [fl-] dénote une lumière mouvante « moving light », comme
dans : flash, flame, flick-er et flimm-er143.
Selon elle, une langue à symbolisme phonique est « celle où des ensembles de
mots sont régis par une motivation au niveau des phonèmes, et ceci dans un système de
relation et / ou d’opposition dénotant, pour chaque combinaison phonique, une nuance
de sens dans un champ sémantique donné »144.
Autrement dit, le symbolisme phonique145 est basé sur le principe sur lequel
certains sons ont une signification intrinsèque constatée ou perçue lors de leur
prononciation. Ainsi, dans la plupart des langues, on dirait que ce sont les voyelles
fermées qui marquent la petitesse, comme en français petit, en anglais little, en
malgache kely, et les consonnes l et/ou r dénotent l’idée de liquide, comme en français
liquide, couler et en malgache rano, mikoriana.
L’étude de la réduplication en langue malgache permet de constater qu’il existe
des mots rédupliqués lexicalisés et qui présentent ce phénomène de symbolisme
phonique.
On sait qu’en malgache, les mots expressifs sont généralement rédupliqués. C’est
ainsi que la plupart des onomatopées reproduisant les cris d’animaux sont des formes
rédupliquées, comme kolokolo ~ gologolo « cris des dindons ou dindons eux-mêmes,
vovo « aboiement ».
La réduplication est fréquente dans le domaine du symbolisme phonique, et
même si le symbolisme phonique n’est pas l’objet de cette étude, je procède quand
143
Bloomfield, 1933, Language, Great Britain, UUB
144
Ibid
145
Peterfalvi (J.M), 1978, Recherches expérimentales sur le symbolisme phonique, Paris, Centre National de
la Recherche Scientifique.
140
même à la présentation du fonctionnement de quelques séquences aussi bien au niveau
du vocalisme qu’au niveau des consonnes.
141
Ces quelques exemples permettent de voir la valeur de la séquence a-a-á-a, mais
ce sont les consonnes qui les différencient. En effet, les consonnes b de badabada et d
de dadadada expriment l’origine des cris, en ce sens que les cris sont dus à une
émotion. De même, pour k de kakakaka signifie le cri de joie.
De plus, certains mots rédupliqués comportant la séquence a-a-á-a peuvent
dénoter « le cri perçant » émis par des objets ou par la nature. Les exemples suivants
illustrent ce phénomène :
mamamama « Bruit, couleur celui de vent dans les forêts, comme celui des
cascades »
sasasasa « « Bruit de la pluie qui tombe, de l’eau qui court rapidement des
feuilles agitées par le vent d’une barque qui fend l’eau »
tatatata « bruit produit par des coups réitérés comme celui du tambour,
d’une fusillade, des pas d’un cheval qui galope, des bambous qui éclatent
sous l’action du feu »
Par ailleurs, la plupart des mots rédupliqués comportant la séquence u-u-ú-u dans
le lexique malgache dénote le murmure ou aussi l’émotion, un sentiment non exprimé.
C’est ainsi qu’on a :
ja-ñonoñonõ « paroles incompréhensibles »
monjomonjo « murmure, déplaisir »
monomonona « paroles inarticulées de murmures, paroles sourdes »
ngonongonona « murmure sourd, paroles dites entre les dents, action de
marmotter »
noñonoñona (bl) « murmure, bourdonnement de muets »
romoromo « murmure, bouderie »
Néanmoins, il y a des cas où les mots rédupliqués comportant cette même
séquence expriment des bruits produits par des objets ou par la nature.
Les exemples suivant illustrent ce processus :
bobobobo « Glouglou, son imitatif du bruit de l’eau en entrant en abondance
dans une bouteille »
142
fofofofo « Souffle violent du vent »
rodorodo « bruit d’une marche rapide, d’une course comme celle d’une
foule, d’un troupeau »
tsotsotsotso « Le pétillement du fer chaud plongé dans l’eau, de la graisse
dans la poêle, de l’eau dans le feu »
146
Razakamantsoa (1985) a déjà évoqué, dans son travail de recherche, la valeur de cette séquence e-i-é-i
dans le fonctionnement du symbolisme phonique
143
tefintefina « loquacité, babil, empressement pour parler, pour se mêler des
affaires d’autrui ».
vetsivetsy « loquacité, abondance de paroles, facilité d’élocution »
144
danadana, hanahana, sanasana, tanatana, vanavana / ont déjà été effectués
récemment par Razanamalala147, dans lesquels l’auteur essaie d’identifier la
ressemblance à la fois sur le plan du signifiant et sur le plan du signifié. Rajaona et ses
disciples ont traité les lexèmes apparentés qui se distinguent par une voyelle dans le
domaine de la morphologie dérivationnelle malgache. Selon Razanamalala, « le
Professeur Andrianasolo a également évoqué ce phénomène de parenté sous le titre de
« phonétisme lexical » dans sa thèse sur les interprétations fonctionnelles et
combinatoires des problèmes de phonologie malgache et dans les relations
remarquables entre classes phonétiques et champs sémantiques dans le lexique
malgache»148.
De plus, Razakamanantsoa (1985) a présenté une esquisse de symbolisme
phonique au niveau de la consonne dans le cadre de la morphologie dérivationnelle du
malgache. Dans son travail de recherche, elle a souligné que la combinaison de k-s-k
dénote le sens du frottement. Pour illustration, je cite quelques exemples149 de mots
simples :
kasoka « action de frotter comme en cirant un paquet, en faisant partir des
allumettes »
kosoka « frottement, action de broyer en frottant »
kasaoka « bruit du frottement, du frôlement, du froissement »
En ce qui concerne les mots rédupliqués, l’examen des données fournies permet
de constater la présence de relation inhérente entre certaines consonnes et leur
signification perçue lors de leur prononciation. Certes, l’étude permet de définir
plusieurs modèles de séquences qui peuvent fonctionner à l’intérieur des mots
lexicalement rédupliqués et comme dans le cadre du vocalisme, ces modèles peuvent se
regrouper en deux :
147
Pour plus de détails, voir Razanamalala, 2013, Aspects phonologique et sémantique des lexèmes
apparentés dans le système lexical malgache, Thèse de Doctorat, Université d’Antananarivo, madagascar.
148
Ibid, p. 18
149
Je puise ces exemples dans son travail (c’est-à-dire dans le travail de Razakamanantsoa)
145
a) Les séquences de mêmes consonnes
Notons que pour chaque séquence, il est difficile de former un microsystème des
mots rédupliqués, pour le symbolisme au niveau des consonnes. Alors, pour que le
fonctionnement du symbolisme consonantique soit identifié, il faudrait que les formes
simples soient aussi prises en considération. Nous pensons qu’on peut arriver à
identifier ces symbolismes consonantiques si on considère les formes simples. Pour
illustration, la consonne g exprime « le son grave, le coup » dans l’ensemble {gona
« coup », gadona « le son (grave) produit par le pilon, par les pieds », godoña (bl)
« tonnerre », gogogogo « lamentations », gidrogidro « grincement, craquement, le bruit
de frottement »}.
146
3.1.4. Les mots rédupliqués lexicalisés combinés avec d’autres processus
morphologiques
L’étude des mots rédupliqués permet de définir les mots rédupliqués lexicalisés
associés avec des affixes. Ils s’ajoutent aux radicaux sans variation morphologique.
L’étude morphologique des lexèmes constitutifs du corpus permet de constater que les
mots rédupliqués lexicalisés peuvent être combinés soit avec un préfixe, soit avec un
suffixe / terminal, soit avec un infixe. En d’autres termes, certains mots rédupliqués
lexicalisés peuvent être combinés avec des affixes.
147
« nom d’une jeune fille remarquable par ses cheveux longs » montre ce processus
morphologique. Contrairement à ce que nous avons vu précédemment, certains mots
rédupliqués lexicalisés peuvent être combinés avec des préfixes, ne fonctionnant pas,
comme ceux du précédent. Ce sont :
- le préfixe tsi-,
- le préfixe sa-,
- le préfixe ta- et
- le préfixe ki- ~ ko-
L’étude du lexique permet de constater que des mots rédupliqués peuvent être
combinés avec le préfixe tsi- sans déterminer sa valeur. A titre d’exemples, je peux
citer quelques mots rédupliqués (Corpus n°5a1)
tsi-pozipozy « pauvre, indigent » du mot pozipozy
tsi-lopilopy « clignotement des yeux, vacillation de la lumière » du lopilopy
« clignotement des yeux, vue trouble, vacillation de la lumière »
tsi-tapitapy « notion d’arriver par intervalles » de tapitapy « interruption,
intermittence »
tsi-paipaika « cotisation »
tsi-pokopoko « génou »
Tsipinopino (Gn) « nom de plante utilisée comme remède »
tsi-polopolo « ressentir des tiraillement d’entrailles »
Il en est de même pour certains noms d’animaux et de végétaux qui se forment
avec un préfixe et un radical lexicalisé. Ainsi :
tsi-perifery ou tsiferifery « nom d’un arbuste »
tsi-palapala ~ tsipalapalaka du palapala « nom d’une plante remarquable par sa
taille longue »
tsi-pandrimpandry ~ tsipandrifandry « nom d’une plante remarquable par sa
position basse »
tsi-pangapanga « nom d’une plante, phymatodes scolpendria, fougère dont les
feuilles sont utilisées dans une infusion »
148
a2) Les mots rédupliqués lexicalisés et le préfixe sa- (Corpus n°05a2)
Outre les mots rédupliqués en tsi-, les données fournies présentent également le
fonctionnement du préfixe sa- combiné avec des mots rédupliqués. Normalement, le
préfixe sa- peut fonctionner sans demander une réduplication de base, comme on a
dans le couple helika « aisselle » / sa-kelika « notion de porter sous l’aisselle », fontina
« notion de revenir à sa première place, de prendre une revanche » / sa-fontina « notion
de tourbillonner, comme le vent » ou dans felika / sa-felika « tours, détours ».
Toutefois, selon les éléments constitutifs du corpus, dans certains lexèmes,
l’emploi du préfixe sa- est combiné avec des mots rédupliqués lexicalisés. C’est ainsi
qu’on a, par exemple :
sa-diadiaka « gros tissu fabriqué avec le rofia par les Betsimisaraka »
sa-fotofoto « désordre, confusion, embrouillement »
sa-hindrahindra « notion de folâtrer, de remuer, de balancer »
sa-lebolebo « nausées, envies de vomir »
sa-rangaranga « douleurs d’entrailles qui agitent les femmes sur le point
d’accoucher »
sa- venavena « état de ce qui est ouvert, large, béant, comme la gueule des
caïmans immobiles sur le sable, comme une plaie, une blessure, une crevasse »
sa-veravera « débraillement des habits »
sa-vorovoro « embrouillement, confusion, embarras »
D’après les exemples fournis, les mots rédupliqués avec sa- sont des radicaux
lexicalisés, en ce sens que les formes simples de base n’existent pas ou du moins elles
ne sont plus vivantes et, par conséquent, les éléments mis en opposition sont des mots
rédupliquées.
a3) Les mots rédupliqués lexicalisés et les préfixes ko- et ki- (Corpus n°05a3)
L’examen lexical permet aussi de relever des mots rédupliqués lexicalisés avec
les préfixes, formatifs d’adjectifs ko- et ki-. Il faut noter d’abord que, d’après le travail
149
de recherche effectué par Rahantamalala : 2007150, les préfixes formatifs d’adjectifs
ko- et ki- sont « à cheval sur le domaine de la morphologie flexionnelle et celui de la
morphologie dérivationnelle ». En tant que morphèmes grammaticaux, ces préfixes
dénotent les valeurs grammaticales « formatif d’adjectifs, duratif, résultatif », mais en
tant que morphèmes, ils dénotent soit la valeur intensive, soit la valeur dépréciative ou
péjorative.
De plus, il faut remarquer que le préfixe ko- peut se combiner avec des radicaux
simples, soit avec des radicaux primaires, comme dans lepaka / ko-lepaka « qui traîne
la jambe en marchant, qui marche comme un bancal », sesy / ko-sesy « fait, dit avec
précipitation, sans interruption, coup sur coup fréquemment », soit avec des radicaux
secondaires, comme tringa « notion de clocher, de boiter » / ko-tringa « boiteux, qui
cloche »
Quant au préfixe ki-, je n’ai pu trouver qu’un seul exemple de mot simple
combiné avec le préfixe ki-, formatif d’adjectif, et apparemment, ce préfixe ki- n’est
qu’une variante de ko-. C’est le cas de ko-mama = ki-mama « farouche, énergétique,
fort ».
Pourtant, l’analyse des données recueillies montrent que les préfixes ki- ou ko-
« formatifs d’adjectif » peuvent se combiner avec des mots rédupliqués lexicalisés.
Deux cas différents sont constatés : d’une part, les mots rédupliqués se combinant avec
le préfixe ko- ~ ki-, et d’autre part, les mots rédupliqués lexicalisés se combinant avec
le préfixe ko-
Effectivement, on peut obtenir des formes adjectivales par l’emploi du préfixe ko-
~ ki- aux radicaux rédupliqués lexicalisés. Ce sont :
ki-botabota ~ ko-botabota « dodu, potelé, se dit des enfants » / botabota « état
de ce qui est court et gros, dodu »
ki- boribory ~ ko-boribory « rond, sphérique » / boribory « état de ce qui est
rond et sphérique »
ki-dranadrana (Gn) « être assise de manière indécente »
150
Rahantamalala, 2007, Les préfixes formatifs d’adjectifs à sème additif ka-, ko-, k- et processus connexes,
Mémoire de DEA, FLSH, Université d’Antananarivo, Madagascar.
150
ki-tsangitsangy (Gn) « une petite herbe »
Le changement de ki- en ko- dans ces deux formes peut s’expliquer par le fait que
la voyelle i se labialise en u sous l’influence de la consonne initiale labiale, d’où
kibotabota devient kobotabota, kiboribory devient koboribory.
b) Les mots rédupliqués lexicalisés combinés avec des terminales ou des suffixes
Avant d’entrer dans les détails, il faut signaler que la notion des terminales et des
suffixes intéresse plusieurs chercheurs152, mais jusqu’ici, la discussion sur leur identité
continue encore, car chaque linguiste a sa propre définition, son propre point de vue.
Quoi qu’il en soit, il me faut adopter des terminologies pour avancer.
En effet, les terminales et les suffixes revoient aux mêmes formes : -ka, -tra,
-na, mais pour moi, ils se diffèrent par leur fonction respective. Alors, dans ce travail,
151
Cette forme construite est accompagnée d’un changement d’ordre phonique dans la mesure où la
séquence /a –a/ devient /e –i/.
152
Pour plus de détails, voir Andrianasolo : 1974 ; Rajaona (1997 ; 2004) ; et Andriamahazo (1988).
151
je parle de terminales lorsque ces éléments permettent de changer le statut des mots ou
des radicaux. Dans ce cas, un oxyton devient paroxyton, et un paroxyton devient
proparoxytion grâce à cette structure. En revanche, lorsque l’adjonction de ces
éléments apporte une variation de sens, dans ce cas, ils se définissent comme de
suffixes, éléments doués de sens.
Dans certains cas, on constate que les mots rédupliqués lexicalisés peuvent être
combinés avec des terminales ou des suffixes. L’examen du corpus permet de
regrouper les couples appartenant à ce microsystème en deux sous microsystèmes, à
savoir :
- Les mots rédupliqués combinés avec des éléments -ka, -tra, -na (Corpus n°5b1)
- Les mots rédupliqués combinés avec le suffixe grammatical -ina (5b2)
b1) Les mots rédupliqués combinés avec des suffixes lexicaux -ka, -tra,-na
Les éléments -ka, -tra, -na peuvent être définis comme suffixes. Dans ce cas, ils
sont significatifs. Ainsi, par l’emploi du suffixe -tra au radical teny « mot », nous
obtenons tenitra « des mots venant d’une personne méprisable ». Ce type de processus
est identifié aussi dans les couples du type fahi-tra « parc, trou où l’on engraisse les
bœufs, où l’on les enferme » / fahy « notion d’engraisser, d’enfermer, de confiner sans
la faculté de sortir ». Il en est de même pour le suffixe -ka, son adjonction au radical
ava « sarclage » donne naissance à la forme construite avaka « distinction », comme
dans fantsy « ergot » / fantsi-ka « clou » et dans rona « inclinaison, action de fléchir » /
rona-ka « épris d’amour ». Pour le suffixe -na, la formation avona permet d’identifer le
fonctionnement du suffixe -na à la base avo « haut, élevé ».
Par ailleurs, dans le rapprochement des couples du type serasera « action d’aller
et de venir en passant devant quelqu’un » / serana « passer rapidement devant » ou du
type romoromo « mécontentement » / romotra « enragé », nous pouvons identifier les
suffixes -na et -tra comme un intégrateur paradigmatique.
Dans le cas contraire, il arrive que les mêmes segments ne soient pas significatifs,
mais ils servent à changer la structure syllabique des mots paroxytoniques. Par
conséquent, ces éléments -ka, -tra -na sont des terminales. C’est ce que nous avons
dans les exemples suivants : lasa = lasana « qui part, qui est parti, qui s’en va », lady =
ladina « tiges des plantes rampantes et grimpantes », ala = alaka « enlevement ». Les
152
mots rédupliqués lexicalisés peuvent recevoir aussi ces éléments -ka, -tra, -na sans
changement de sens. C’est ainsi qu’on a dans :
vetivety = vetiveti-ka « à l’instant, dans un instant, tout à l’heure »,
vetsovetso = vetsovetso-ka « loquacité, abondance de paroles ».
Kifakifa= kifakifa-ka « action de jeter, de repousser par coté »
Kitakita= kitakita-ka « action de chiffonner, de mettre sans dessus
dessous, de maltraiter »
Sitisity = sitisiti-ka « démarche raide et leste, prestation »
Triby² = tribitribi-ka « multitude qui fourmille
153
In Malzac, 1993.
153
b3) Les mots rédupliqués lexicalisés combinés avec l’infixation
154
Dubois (1973)
154
tapage » / kotaba « tumulte, confusion », k-or-ataba « tumulte » ou kakakaka
« gloussement de poule épouvantées / k-or-aka « cri de la poule ».
L’infixation se définit comme contrainte dans l’emploi d’un suffixe fonctionnant
comme intégrateur paradigmatique. C’est ainsi qu’on a :
En ce qui concerne notre étude, l’infixation nasale peut intervenir dans des mots
rédupliqués lexicalisés155. L’examen de corpus montre que les mots rédupliqués
lexicalisés peuvent être combinés avec l’infixe nasal. A titre d’exemple :
raikiraiky « tâtonnement, hésitation, lourdeur d’esprit » / raingiraingy
« titubation, étourdissement ».
hevaheva « état de ce qui est suspendu en l’air » / hembahemba « agitation d’un
drapeau »
haihay « confusion » / hangihangy « confusion, timidité, confus »
rikiriky «élévation » / ringiringy « les grandes élévations, les hauteurs, les
éminences »
L’examen des données fournies nous montre que certains mots rédupliqués
lexicalisés sont associés à une variation vocalique. Les quelques exemples que nous
155
La plupart des exemples sont tirés de Ramilison : 1988.
155
allons citer montrent la combinaison des mots rédupliqués lexicalisés avec cette
variation vocalique156.
Alternance binaire /a : e/
bana² « se dit des portes et des fenêtres ouvertes en grand » / bena² « état de ce
qui est béant, entaillé, fendu, déchiré, se dit surtout des plaies ou des crevasses »
havy² « suspension comme les nuages dans l’air, hésitation dans les paroles,
dans le maintien » / hevy² « oscillation d’objets suspendus »
Gedra² « lâche, mal lié » / godra² « faible dans les articulations, dans les
jonctures »
Hefaka² « ce qui se détache d’un côté et tient par un bout » / hofaka² « ce qui se
détache par écailles, par pellicules »
156
Pour les détails, voir Rabeliarisoa : 2001.
156
Alternance ternaire simple
Variation h/d
157
l’essoufflement » : dana² « état de ce qui ouvert en grand, comme les portes, les
croisées », deux autres exemples à compléter
Variation h/r
Variation r/d
Variation v/f
Ce cas est hapax jusqu’ici, car il faut faire remarquer ici qu’il n’y a que le seul
couple ci-dessous qui présente ce phénomène. Ainsi :
Vetso² « loquacité, abondance de paroles, facilité d’élocution » / fatsa²
« babillard, qui parle à tort et à travers ».
158
Ce couple comporte une alternance double /é-u : á-a/ et une variation v/f comme
dans vadiditra = fadiditra « entortillement, entrelacement » ou dans vihy² frissons,
tremblement » / fohy² « notion de frissonner de peur ou de froid, confusion ». Cette
variation v/f rappelle le phénomène de lénition que Dubois le définit comme « une
mutation consonantique consistant en un ensemble de phénomène d’affaiblissement des
consonnes »157.
En restant toujours sur le système dans lequel les éléments mis en opposition sont
tous des mots rédupliqués lexicalisés, je vais aborder le fonctionnement des autres
types de radicaux lexicalisés. En effet, rappelons que les radicaux rédupliqués
lexicalisés (ex : tete, dodododo, farafara) n’ont pas de base simple, sans intervention
d’un procédé fonctionnant comme un intégrateur paradigmatique (*te-ka> tai-ka,
dodo-na, *fara). En plus, les radicaux lexicalisés déjà abordés jusqu’ici ne peuvent pas
être analysés en unités minimales, c’est-à-dire, on ne peut plus segmenter les radicaux
du type tete en (t-e)² ou dodododo en *(d-odo)² ou encore farafara en (f-ara)². On en
déduit que les radicaux rédupliqués de ce type sont des radicaux rédupliqués lexicalisés
primaires, contrairement à ce que je vais déterminer dès maintenant.
Certes, les radicaux rédupliqués appartenant à ce nouveau microsystème sont des
mots qui peuvent être segmentés en unités plus petites, même s’ils ne possèdent pas de
base simple correspondante. Au début, je me demande si les mots radicaux de ce type
font partie du système des mots rédupliqués lexicalisés ou non, car leur comportement
morphologique pose problème. Ainsi, prenons le cas du couple (d-anga)² / (anga-na)²
« fierté, arrogance » : d’abord, morphologiquement et sémantiquement, les deux mots
ont un lien évident, mais la question ici c’est de savoir si dangadanga est un mot
rédupliqué lexicalisé ou non. D’une part, on admet que dangadanga est mot rédupliqué
lexicalisé dans la mesure où le mot danga n’existe pas dans le lexique malgache158,
c’est toujours la forme rédupliquée dangadanga qui est employé. De même, pour
anganangana < (anga-na)², le mot simple anga existe dans le lexique malgache, mais
il n’a aucun lien sémantique avec le mot rédupliqué. D’autre part, le mot dangadanga
est, morphologiquement et sémantiquement, à rapprocher de anganangana. Et ce
157
Dubois, Jean, 1973, p. 284.
158
Le mot danga est attesté dans le dictionnaire de Malzac, mais ce mot n’est jamais employé. De ce fait,
Malzac a fait, peut-être une erreur.
159
rapprochement permet de déduire que ces deux mots rédupliqués formant couple se
comportent différemment, en ce que chaque élément constitutif du couple a son propre
comportement morphologique. En plus, malgré le fait qu’aucun des deux mots n’a de
base simple, la possibilité d’avoir des segments flexibles à l’intérieur d’un mot
rédupliqué permet d’avancer que les mots rédupliqués de ce type sont des radicaux
lexicalisés secondaires.
Par ailleurs, les éléments mis en opposition sont aussi des mots rédupliqués dont
chacun a son propre affixe, dans le cas qui nous occupe, l’un avec un suffixe et l’autre
avec un préfixe.
(anga-na)² = danga² « fierté, arrogance »
(anja-na)² « belle taille, beau port » / ( r-ija)² « taille élégante »
(efo-na)² « essoufflement, respiration fréquente » / (s-efo)² « respiration
difficile, gênée, haletante »
Les deux mots rédupliqués mis en opposition comportent leur propre affixe et leur
propre degré d’alternance
(esi-ka)² « démarche lente et difficile, comme celle des personnes obèses » / (d-
asy)² « démarche grave, majestueuse »
(eri-na)² « visibilité, évidence » / (h-ary)² « exposition à la vue »
(eta-ka)² « ostentation vaniteuse, gloriole » / (s-ota)² « querelle, dispute »
(ezi-na)² « tout ce qui est grand et colossal » / (b-ozy)² « nain, nabot »
160
d’origine austronésienne, d’où un caractère rétentif ; mais pour les autres formes, elle
est typiquement malgache, c’est un caractère innovant. Les mots rédupliqués
lexicalisés peuvent servir de base pour les mots rédupliqués pouvant former couples.
Dans le sous chapitre suivant, je vais présenter le type 2 de la réduplication
lexicale qui constitue les mots rédupliqués non lexicalisés.
Dans ce sous chapitre, les mots rédupliqués ne sont pas lexicalisés car leurs
formes de base sont toujours vivantes dans la langue. Même si des fois des locuteurs ne
sont plus conscients de la structure interne de certains mots rédupliqués, force est de
constater que la structure morphologique des mots rédupliqués est encore transparente.
En d’autres termes, on dit que les mots rédupliqués sont non lexicalisés lorsqu’ils
forment des couples. Il est donc important de définir la base de la forme rédupliquée
pour pouvoir présenter le parcours morphologique des mots rédupliqués.
En nous fondant sur la nature de base, les mots rédupliqués dans ce sous-système
se subdivisent en deux catégories : la première catégorie constitue les mots rédupliqués
non lexicalisés dont les bases sont de nature simple et la deuxième catégorie dont les
bases sont des mots construits.
161
définissent les types de radicaux. En d’autres termes, en cas de réduplication, chaque
type de radicaux a son propre fonctionnement. Alors, la présentation va se diviser en
trois selon les types de radicaux en question. Notons que les mots rédupliqués figurant
dans ce sous système sont des mots dont les bases sont simples.
Rappelons que les radicaux oxytoniques sont des radicaux dans lesquels l’accent
tonique se place sur l’ultième, c’est-à-dire sur la dernière syllabe, comme lo « pourri »,
be « nombreux » ou tia « notion d’aimer », fy « aimer ». Dans la majorité des cas, les
radicaux oxytoniques sont monosyllabiques, mais il y a des cas où ils ne sont pas
monosyllabiques, comme le radical étendu lehibé « grand, spacieux ».
Pour un radical oxytonique, sa réduplication totale se fait sans accident
phonétique ni morphologique. Le fonctionnement de la réduplication des radicaux
oxytoniques n’entraîne aucun changement phonétique, d’où be « beaucoup » /
bebe « assez considérable », lo « pourri » / lolo « presque pourri ». Et si les radicaux
oxytoniques ne sont monosyllabiques, seule la syllabe accentuée est répétée deux fois,
d’où lehibé « grand » / lehibébé « approximativement grand ».
Rappelons que l’accent, pour les radicaux paroxytoniques, est placé sur la
pénultième, c’est-à-dire sur l’avant-dernière syllabe et que ces radicaux se répartissent,
à leur tour, en radicaux paroxytoniques sans syllabe finale et en radicaux
paroxytoniques à syllabe finale. De plus, la deuxième catégorie des paroxytons à
terminale se subdivise, à son tour en deux, à savoir, les paroxytons à syllabe finale
faible et les paroxytons à syllabe finale forte, selon le phénomène qui frappe cette
syllabe finale en cas de réduplication.
b.1) La réduplication des paroxytons sans syllabe finale -ka, -tra, -na
(Corpus n°08.1)
La réduplication des paroxytons sans terminales -ka, -tra, -na n’entraîne aucun
changement ni au niveau de la constitution phonématique ni au niveau de la structure
prosodique. Ainsi, la réduplication des adjectifs (Corpus n° 08.a.1) du type kely /
kelikely, tsara /tsaratsara, mafy / mafimafy, ratsy / ratsiratsy permet de montrer que la
162
reprise de la base se fait en juxtaposition linéaire, c’est-à-dire que la base se répète sans
aucune modification. Il en est de même pour la réduplication des noms du type boky /
boky, hira / hirahira, laza / lazalaza, ady / adiady.
159
En règle générale, les changements phonétiques peuvent apparaître lorsque deux éléments entrent en
contact. Selon la règle morphologique du malgache, la réduplication, la préfixation de man-, l’emploi des
certaines prépositions, et la composition peuvent entraîner des alternances des consonnes ; mais ces
alternances ne sont pas toujours les mêmes dans ces quatre processus morphologiques.
160
La réduplication de certains radicaux n’entraîne pas une alternance consonantique. En effet, la consonne
initiale est maintenue dans la réduplication du radical vika « fou, folle », d’où vivika « fofolle ». La
question est donc de savoir s’il s’agit vraiment de la réduplication totale du radical vika ou bien un résultant
d’un autre processus morphologique, car, d’après les règles régissant les alternances de consonnes relatives
à la réduplication, la réduplication totale des proparoxytons à syllabe finale faible et celle des
propoaroxytons entraînent l’alternance v/b, contrairement à ce qui est dit dans le processus de la
réduplication partielle. Ce type de réduplication ne provoque pas des changements phonétiques.
161
La réduplication de fana correspond à deux formes différentes : fampana et fanafana. Selon la structure
morphologique de ces deux mots rédupliqués, la première forme est le résultat de la réduplication du
radical comme étant un paroxyton à syllabe finale faible, et la deuxième forme est le fruit de la
rédupliaction de ce même radical mais il se comporte comme un radical paroxytonique à syllabe finale
forte. Certes, même si ces formes appartiennent à un même champ sémantique, à un moment donné, elles
n’ont pas le même signifié : fampana « tiède, en parlant de liquide » et fanafana « état d’un bébé malade ».
Dans ce cas, on peut dire que fana, un radical paroxytonique à syllabe finale faible refait en paroxyton à
syllabe finale forte pour que le principe de la stabilité de l’identité phonologique puisse être respecté, selon
lequel un signifiant correspond à un signifié est réciproquement. Toutefois, à l’état actuel de la langue, cette
différenciation de sens est presque neutralisée.
163
L’apocope est totale lorsque la terminale du radical est -ka ou -tra, comme dans
la réduplication des radicaux du type ritra/ ridritra, foka / fopoka ; et elle est partielle
lorsque la terminale du radical est -na, comme dans la réduplication fana / fampana ou
hena / henkena.
Pour les radicaux paroxytoniques à syllabe finale forte (Corpus n°08.2.1), leur
réduplication, comme celle des radicaux oxytoniques, ne provoque aucun changement
d’ordre phonique, mais tous les éléments constitutifs se présentent en juxtaposition
linéaire. C’est ainsi qu’on a : daka « coup de pied » / dakadaka ou dans foka « fou » /
fokafoka. De plus, on peut dire également que la réduplication permet de différencier
deux radicaux homonymes. En effet, le signifiant foka correspond à deux signifiés
différents : 1-notion de fumer et 2- état de ce qui est fou ; mais on voit bien que sa
réduplication permet de les distinguer, d’où fopoka « dim. fumer » pour foka1 et
fokafoka « quelqu’un d’insignifiant, qui n’a pas de considération » pour foka2.
162
Selon Rajaona, la répartition des paroxytons en deux catégories est basée sur son caractère faible ou forte
de la syllabe finale. Pourtant, on peut avancer que la syllabe finale des mots du type daka ne peut pas être
une terminale. En effet, la typologie de la terminale se définit par sa suseptibilité d’une variation en cas de
suffixation. Ainsi, la syllabe –ka dans foka est une terminale parce que, en cas de suffixation, -ka subit une
variation phonématique, d’où foka / foh-ina, tandis que la syllabe finale dans daka ne l’est pas parce que
cette syllabe n’accepte pas cette variation, d’où daka / daka-ana. On en déduit que –ka dans foka est une
terminale alors que –ka dans daka fait partie du radical, c’est une syllabe oraganique de ce radical.
163
Le mot salama vient de l’arabe et en d’ailleurs il est employé également en kiswahili pour dire bonjour
ou bien pour répondre à cette question. De même, on dirait que les mots vazaha et amboa viennent
également de kiswahili. En effet, vazaha ~ vozongo signifient les étrangers blancs » et mbwa « chien ».
164
radicaux secondaires, obtenus par une fausse-coupe164.
Rappelons que les radicaux proparoxytoniques sont des radicaux dans lesquels
l’accent est placé sur la syllabe antépénultième. Ces radicaux se terminent toujours par
les terminales -ka, -tra ou -na. Ainsi, les mots du type rapaka « notion de manger »,
soratra « notion d’écrire », hafatra « message », forona « notion de créer » sont des
proparoxytons.
164
Selon l’explication de Rajaona, à propos du comportement des radicaux malgaches, le mot tomany est un
radical secondaire dû à une fausse coupe. En effet, il se trouve que son radical primaire était tany, d’où les
formes verbales statives mi-tany dans lequel le préfixe mi- marque « l’action volontaire » s’opposant à t-
om-any où l’infixe –om- dénote « l’action involontaire ». Mais, les locuteurs d’aujourd’hui ne sont plus
conscients de cette différence et ils ne savent plus que tomany est un verbe, alors ils rajoutent un autre
préfixe formatif de verbe mi- à la forme tomany, d’où mitomany. De plus, selon la règle régissant l’affixe
malgache, un mot ne doit pas comporter deux suffixes flexionnels de même nature, et s’il arrive qu’un mot
doit comporter deux suffixes flexionnels, l’un de deux, le premier arrivant, ici l’infixe –om- perd son
identité morphologique et forme avec tany un radical secondaire, ici tomany, d’où la forme verbale
mitomany. Il est à noter que, dans certains variétés dialectales, l’infixe –om- joue toujours son rôle en tant
morphème verbal par opposition à mi-, comme dans l’opposition lomaño « nager, se dit des poissons vs
milaño « nager en parlant des hommes », lomay « se précipiter et courir dans réfléchir par crainte » vs
milay « courir », d’où tomany « pleurer à cause d’une vs mitany « pleurer pour avoir quelque chose ». Cette
distinction est encore vivante dans l’opposition somary / misary. C’est ainsi qu’on a le syntagme somary
adala « un peu fou, état non volontaire » s’opposant à misary adala « faire semblant d’être fou, état
volontaire ».
165
Pour tomany, la forme rédupliquée attendue est tomanimany car la répétition doit se faire à partir la
syllabe accentuée, ici many, d’où tomani-many. Mais, on peut avoir aussi la forme rédupliquée tomanitany
dans lequel on identifie la répétition du radical primaire tany. Mais quoi qu’il en soit, ces deux formes
rédupliqués montrent que, seuls les radicaux qui sont rédupliqués, et non pas l’affixe.
165
générale, la chute totale de la terminale a lieu lorsqu’il s’agit de la terminale -ka ou
-tra ; et cette chute est partielle quand il s’agit de la terminale -na, ces deux apocopes
sont suivies d’alternances. Notons également que les alternances consonantiques sont
presque identiques aux alternances consonantiques apparaissant dans les radicaux
paroxytoniques à syllabe finale faible en cas de réduplication.
C’est ainsi qu’on a :
Pour les radicaux proparoxytoniques à terminale -ka ou -tra, à initiale
consonantique, on trouve l'apocope totale au niveau de la terminale suivie d’une
alternance au niveau de cette consonne initiale :
valaka / vala(ka)-balaka où il y a alternance de la consonne initiale v / b avec
chute totale de la terminale, comme dans vizaka « fatigué / viza(ka)-bizaka
« relativement fatigué »
soratra « écriture, dessins, trait, figure » / sora(tra)-tsoratra « rempli
d’écritures, couverts de traits » où on a l’alternance s/ts avec une apocope totale
de la terminale -tra, comme dans sambatra « heureux » / samba(tra)-tsambatra
« approximativement heureux »
reraka « fatigué » / rera(ka)-dreraka « approximativement fatigué » dans lequel
r s’alterne avec dr, comme dans ravaka « ornement » / rava(ka)-dravaka « toute
sorte d’ornements »
fantatra « connu » / fanta(tra)-pantatra « pas vraiment connu » dans lequel il y
a l’alternance f/p, comme dans foritra « pli, repli » / fori(tra)-poritra « repli à
plusieurs reprises »
Pour les radicaux qui se terminent par -na, il n’a pas de chute totale de la
terminale en cas de réduplication ; c’est seulement la voyelle a de la terminale qui
tombe, et cette chute est accompagnée toujours d’une variation consonantique à
l’initiale.
Ainsi :
levona « réduit à rien, anéanti, dissous » / levondevona « dupl. de levona » où
il y a une chute de la voyelle a de -na et une alternance de l en d, d’où
levon(a)-devona, comme dans liana « avide, qui est dans l’impatience » /
lian(a)-diana « dupl. de liana ».
166
sakana « tout ce qui est mis en travers, qui fait obstacle » / sakan(a)-tsakana
dans lequel on identifie la chute de la voyelle a avec une alternance s/ts,
comme on a dans serana « notion de passer rapidement, de passer devant » /
seran(a)-tserana « dupl. de serana »
hodina « notion de tourner » / hodin(a)-kodina ~ hodin(a)-godina « notion de
tourner et de retourner à plusieurs fois » où il y a variation de h en ŋk ~ ŋg,
comme dans la réduplication de havana « parent, allié » / havan(a)-kavana
« les parents éloignés, relations qui sont bonnes sans être intimes » et
havangavana « idée de délaisser des parents malheureux ».
halana « coussinet de séparation » / halan(a)-kalana de mahalankalana « de
temps en temps » et hala(a)-ngalana « état de ce qui est séparé ou une action
de se séparer extérieurement ». Certainement, les mots halankalana et
halangalana résultent de la réduplication du mot halana ; ces deux mots
rédupliqués se distinguent par le degré d’alternance, à savoir le h s’alterne avec
k dans halan(a)-kalana et cette consonne h s’alterne avec g dans halan(a)-
galana.
Certes, l’apparition du phénomène d’apocope et la présence d’une variation à
l’initiale sont des faits linguistiques communs pour les proparoxytons en cas de
réduplication. Toutefois, l’analyse de la structure interne de ces radicaux permet de
constater également que d’autres phénomènes phonologiques / morphologiques
peuvent apparaître lors de ce processus de réduplication, à savoir : une variation à
l’initiale h/tr, une apparition de la consonne h ou l’inverse, c’est-à-dire un effacement
de la consonne h.
L’analyse des données montre que, dans la plupart des cas, la consonne h à
l’initiale, en cas de réduplication ou en cas de composition, s’alterne généralement avec
k ou g. Les exemples suivants montrent ce que je viens d’avancer : ainsi, la
réduplication de habaka « espace » / haba(ka)-kabaka « firmament » où on identifie
l’alternance h/k, comme dans herika « notion de détourner la tête, de regarder en
arrière » / heri(ka)-kerika « notion de regarder çà et là, de tourner la tête
continuellement ». De plus, la combinaison de mihinana avec hanina donne mihinan-
167
kanina dans laquelle on voit bien l’alternance de la consonne initiale h /k du deuxième
mot hanina « nourriture » après chute de la voyelle a du premier mot.
Toutefois, comme dans la combinaison de deux mots, la réduplication de certains
radicaux à l’initiale h ne s’alterne pas avec k ou g, mais avec tr. A première vue, on
suppose que la réduplication des certains radicaux peut déclencher une chute de la
consonne initiale h, puisqu’elle est perdue de vue. C’est ce qu’on a constaté dans les
radicaux du type hafatra « message » / hafatrafatra, hevitra « idée, opinion » /
hevitrevitra. Mais, formellement, l’analyse des mots rédupliqués de ce type, cette
dernière ne confirme pas cette hypothèse, car l’analyse de hafatrafatra en hafatra-fatra
est inacceptable. En outre, on peut penser aussi que la consonne tr dans hiratriratra ou
hevitrevitra vient de la terminale -tra, mais ce n’est pas le cas, parce que cette syllabe
finale est déjà tombée par apocope.
Face à cette situation, on devra recourir à d’autres processus pour pouvoir
expliquer ce phénomène apparaissant dans la réduplication. En fait, on sait que
l’alternance h / tr existe dans le processus de composition de certains mots. En effet,
d’une manière générale, la combinaison du mot mihinana « manger » + hanina « repas,
nourriture » donne mihinan-kanina « prendre le repas » où la voyelle a du premier mot
tombe, et est remplacée par un trait d’union ; ensuite la consonne initiale h s’alterne
avec k. Mais, dans certaines variétés du malgache, comme en Btsm, la combinaison de
homana « manger, ranger » + hanina « nourriture » donne le mot composé homan-
tranina dans lequel on retrouve l’alternance consonantique h/tr. C’est le même
phénomène qu’on voit dans la combinaison de olona « personne » + hafa « autre » >
olon-trafa « une autre personne », nofona « chair » + hena « viande » > nofon-trena «
filet », manaña « avoir » + havana « allié » > manan-travana « avoir des alliées »,
amina « avec, par » + hevitra « idée, opinion » > amin-trevitra « consciemment ».
De ce fait, les structures des mots rédupliqués du type hiratriratra ou hafatrafatra
pourraient s’expliquer de la même manière que celle de la composition en ce sens que
l’alternance h/ tr dans le processus de composition peut apparaître de la sorte dans la
réduplication.
Les exemples suivants illustrent ce cas :
168
hiratra « notion d’ouvrir les yeux » / hira-tra)-triratra « dupl. de hiratra » où
on voit l’alternance h / tr, comme dans la réduplication de halatra / hala(tra)-
tralatra ou dans celle de hevitra / hevi(tra)-trevitra.
Hevitra « idée » / hevi-trevitra « dupl. de hevitra » dans lequel nous avons
identifié h/tr.
Par ailleurs, comme dans les exemples cités dans la réduplication des mots à
terminale -ka et -tra, la réduplication de certaines formes à terminale -na peut découler
d’une alternance h/tr. Ainsi, ce phénomène peut se retrouver dans la réduplication des
mots suivants :
*helona « passage » / helon(a)-trelona > helontrelona ou helo(na)-trelona >
helotrelona166 « allées et venues fréquentes » pour la réduplication du *helona ~
helina « passage, apparition rapide, courte visite ».
hilona > hilon(a)-trilona > hilontrilona « oscillation des reflets » et
hebina > hebin(a)-trebina > hebintrebina « trémoussement ».
En revanche, en l’encontre de cette hypothèse, on pourrait penser à l’apparition
de la consonne épenthétique -tr- après effacement de la consonne initiale h sous la
dominance de la réduplication. Autrement dit, il me semble que les mots du type
hiratra, pour avoir leurs formes rédupliqués devraient subir une chute de la consonne
initiale h, avant l’apparition de cette consonne épenthétique (une réduplication
décalée167, selon Rajaonarimanana).
Il faut remarquer que les exemples cités plus haut sont des radicaux à l’initiale
consonantique, mais, en principe, la réduplication des radicaux à l’initiale vocalique
découle de ce même phénomène. C’est ce que les exemples suivants montrent : alina
« nuit » / alin(a)alina > alinalina « dupl. alina ou innombrable », embona « nostalgie »
/ embonembona « dupli. de embona ». Pourtant, certains radicaux à l’initiale vocalique
166
Pour ce radical helona, les formes avec variante k et en g sont aussi vivantes au même titre que la forme
avec variante tr, d’où helon(a) kelona > helonkelona et helon(a)-gelona > helongelona
167
Comme il existe une suffixation décalée (par élargissement –s- ou –v- par exemple), et en tant que
procédé morphologique au même titre que la suffixation, la réduplication peut être décalée par la consonne
épenthétique.
169
entraînent une apparition d’un autre phénomène lors de leur réduplication. C’est le cas
des radicaux du type adana « lenteur », iditra « notion d’entrer ». En effet, d’après ce
qu’on a avancé, les formes attendues pour ces deux radicaux sont respectivement
adanadana, forme encore vivante et *idiiditra. Mais, l’examen du corpus montre que
les formes rédupliquées correspondantes respectives pour ces deux radicaux sont
adankadana et idikiditra. Ce qui permet d’avancer deux hypothèses :
Diachroniquement, on peut penser qu’à un moment donné de leur histoire, ces
deux radicaux comportaient une consonne initiale h, d’où *hadana, *hiditra ; mais
avec le temps, la consonne aspirée disparaît, comme hianao > ianao « toi », d’où
actuellement, on a les radicaux adana et iditra. Certes, cette consonne aspirée h n’a de
trace que dans leurs formes rédupliquées par le fait que la présence de l’élément k dans
ces deux mots rédupliqués présume l’existence d’une consonne h dans ces radicaux.
Ainsi, adana « lenteur » / *hadana/ *hadan(a)-kadana/ adankadana et iditra / *hiditra
/ *hidi(tra)-kiditra / idikiditra. Ce phénomène apparaît également dans les radicaux du
type ondana « oreiller » / *hondana / *hondan(a)-kondana / ondankondana « dupli.
ondana », indrana « notion d’emprunter » / *hindrana/ hindran(a)-kindrana /
indrankindrana « dupli. indrana ».
Synchroniquement, l’existence des mots rédupliqués du type adankadana ou
idikiditra ou bien ondankodana amène à avancer que la réduplication de certains
radicaux à l’initiale vocalique déclenche une apparition de la consonne h avant de
procéder à la réduplication de ces derniers. Il convient de signaler que, pour certains
radicaux, du type odana par exemple, les deux formes rédupliquées, c’est-à-dire la
forme rédupliquée considérée comme forme régulière (forme attendue) et la forme
rédupliquée considérée comme forme irrégulière (forme inattendue) sont toutes
vivantes, d’où ondan(a)-ondana > ondanondana et ondan(a)-kodana > ondankondana.
Dans ce cas, on se demande si les deux formes rédupliquées sont effectivement en
distribution complémentaire ou si chacune des formes exprime une autre signification
dans un même champ notionnel. S’il y en a, la nuance de sens reste à déterminer, et
d’ailleurs, les différentes valeurs de réduplication seront dégagées dans la partie III de
ce travail de recherche.
170
d) Cas particulier
168
Solo-Raharinjanahary, 2013, Ny fampiasana ny teny vahiny ao anatin’ny teny malagasy, Vohitsera.
171
sa forme rédupliquée. La première sous classe, c’est-à-dire, la sous classe concernant
les mots rédupliqués formés sans aucun procédé morphologique, a été l’objet de cette
présentation durant laquelle j’ai essayé de décrire la structure et le fonctionnement de
certains lexèmes appartenant à ce microsystème. Pour que l’exposé soit clair, je les ai
analysés selon les types des radicaux. Bref, l’étude de la réduplication des radicaux a
permis de constater que la réduplication peut fonctionner d’une manière autonome
dans la réduplication des oxytons du type be / bebe ou lo / lolo et des paroxytons à
syllabe finale forte, comme daka / dakadaka, teny / teniteny. Par contre, dans la
réduplication des paroxytons à syllabe finale faible et celle des proparoxytons, la
réduplication déclenche une variation d’ordre phonétique / phonologique, (l’apocope
suivie de la variation d’ordre consonantique). De plus, la réduplication des radicaux
de ce type suit principalement la règle de l’alternance consonantique courante ; mais
seulement, la réduplication de certains radicaux à consonne initiale h et de quelques
radicaux à l’initiale vocalique présente des irrégularités. On a évoqué aussi un cas
particulier, qui permet de dire que même dans les structures nouvelles, la
réduplication peut fonctionner. Dans la présentation suivante, c’est-à-dire la
deuxième sous classe, je vais entamer la description des mots rédupliqués associés
avec des procédés morphologiques.
172
1998, les radicaux de ce type sont des radicaux rédupliqués lexicalisés « strictes ».
Mais, il convient de signaler que ce type de radicaux même peut recevoir d’autres
processus morphologiques. Certes, le corpus d’étude montre ce phénomène, du fait de
l’existence de mots rédupliqués lexicalisés pouvant être combinés soit avec un procédé
d’affixation, soit avec un procédé idéophonique comme l’alternance, soit avec le cumul
de ces deux processus. Contrairement au premier type de réduplication, pour les
radicaux rédupliqués de ce type, il s’agit d’« une quasi-réduplication » dans la mesure
où « la réduplication peut se manifester par des rajouts ou des suppressions
d’éléments, des substitutions de syllabes, des simulations consonantiques ou vocaliques
… » (Kaboré : 1998).
Ainsi, la réduplication de roa, pour avoir un adverbe exprimant une progression
dans une action ou dans un état, la langue a recours à la réduplication combinée
toujours avec le préfixe tsi- (Corpus n°11). En plus, si la langue n’utilise pas de mots
rédupliqués avec tsi-, elle peut recourir à l’emploi de avy « chacun » pour exprimer
cette distribution. Ainsi, les phrases suivantes renvoient au même sens, et du point de
vue syntaxique, elles sont toutes acceptables. Ainsi :
(P1) Nahazo vatomamy roaroa avy ny mpianatra.
= (P2) Nahazo vatomamy tsiroaroa ny mpianatra
= (P3) Nahazo vatomamy tsiroaroa avy ny mpianatra
« Les élèves ont chacun deux bonbons »
Cependant, une autre hypothèse qu’on devrait avancer face à cette structure
présume que tsi- est un préfixe fondamental et que son fonctionnement exige la
réduplication de la base, et dans ce cas, la réduplication est un processus secondaire par
rapport à la préfixation de tsi-. Dans la première hypothèse, la réduplication est un
procédé morphologique fondamental qui peut fonctionner avec d’autres procédés
comme le préfixe tsi- ici, d’où le parcours morphologique : roa / roaroa / tsi-roa-roa,
tandis que dans la deuxième hypothèse, on suppose que le fonctionnement du préfixe
tsi- est fondamental, mais son fonctionnement demande la réduplication
morphologique, d’où le parcours morphologique suivant : roa / *tsi-roa / tsi-roa-roa.
Entre ces deux hypothèses, nous devons pencher plutôt à l’idée selon laquelle la
réduplication est un processus secondaire mais significatif fonctionnant après
préfixation de tsi- ou de ki-, selon les données dialectales. A cet effet, l’analyse
173
morphologique des lexèmes constitutifs du corpus permet de constater que les mots
rédupliqués lexicalisés peuvent être combinés avec un affixe, notamment avec le
préfixe ki- ~ tsi-. Selon la structure morphologique des mots rédupliqués figurant dans
ce système, on peut dire qu’ici, nous avons le type de réduplication VC-Base.
Jusqu’ici, le type de réduplication étudié concerne les mots rédupliqués non
lexicalisés comportant un préfixe lexical. L’examen du corpus a permis d’avancer que
le fonctionnement du préfixe tsi- ~ ki- dans certains lexèmes exige la réduplication de
bases simples. Cette étude permet de faire appréhender que :
- Le préfixe tsi- ~ ki- dans le système nominal du malgache peut demander la
réduplication de base, comme dans les mots ki-trano-trano, ki-vadi-vady
- Le préfixe tsi- ~ ki- dans le système du nombre exige la réduplication des
adjectifs numéraux cardinaux pour former des adverbes distributifs, comme
dans les mots tsi-roa-roa, tsi-zato-zato
- Le préfixe tsi- ~ ki- dans le système adverbial du malgache requiert la
réduplication des mots pour former des adverbes, comme dans les mots tsi-keli-
kely, tsi-indrai-indray.
Les mots rédupliqués intégrés dans ce système forment des couples dont l’un des
composants, le mot rédupliqué comporte un préfixe lexical. Plus précisément, les mots
rédupliqués, identifiés comme formes construites admettent un procédé de préfixation,
à savoir la préfixation de ki- ~ tsi-. Effectivement, le préfixe ki- peut fonctionner sans
demander une réduplication d’une base lorsqu’il se comporte comme un formatif de
certains noms, comme dans ki-fafa « balai » / fafa « notion de balayer », ki-bory « nom
générique de tout ce qui est de forme ronde ou sphérique ; tombeau du mahafaly » /
vory « rond », ki-reñina « jouets » / reñina « notion de jouer » (Bl) ou ki-mavo « espèce
de lèpre farineuse ou éruption cutanée furfuracée ; maladie des brèdes, remarquable par
sa couleur jaune » / mavo « jaune ».
Pour nous, le préfixe tsi- ~ ki- dans le système nominal du malgache peut
demander la réduplication de base, comme dans les mots ki-trano-trano, ki-vadi-vady.
Etant donné qu’un affixe sert à former un lexème construit à partir d’une base, comme
par exemple, formatif de substantif, il est fort probable qu’ici, c’est la préfixation qui
174
est un procédé majeur pour la formation de nouvelles unités lexicales. Ce qui implique
que dans ce microsystème, la réduplication est un processus résultant de l’emploi du
préfixe ki- ~ tsi-, un phénomène apparaissant après la préfixation de ki- ~tsi- « formatif
de substantif ». Il convient de signaler que, pour le moment, l’explication reste sur la
structure formelle car l’étude sémantique fera l’objet de la troisième partie de ce
travail.
Même si les affixes utilisés ne sont pas tout à fait identiques, ce qui est évident
c’est que l’emploi de la réduplication semble être des points communs. Toutefois, dans
certains dialectes malgaches, comme le dialecte betsileo, la réduplication de ce type ne
se voit plus dans la mesure où le préfixe ki- ne requiert pas forcément la réduplication
du radical. Ainsi, à la place de kiombiomby, le dialecte betsileo peut utiliser le mot
simple kiomby ; au lieu de ki-fati-faty, les locuteurs d’aujourd’hui disent ki-faty. Ce cas
m’amène à poser une hypothèse selon laquelle dans certains cas, la réduplication
175
apparaissant sous la préfixation de ki- n’est plus obligatoire. A mon avis, à un moment
donné de son histoire, le procédé de réduplication pour la marque de la valeur
diminutive d’un nom était toujours panmalgache, mais au cours du temps, pour certains
mots du type omby ou vory, ce procédé n’a pas fonctionné à cause de la présence
massive des noms à préfixe ki-, comme ki-reŋina « jouets », ki-boa (manga) « les
mangues de petites tailles », ki-tandrimo « toupie », etc.
169
Rajaonarimanana, (1995 : 66-68)
170
Ibid
171
Au niveau de la structure morphologique de tsi-irai-iray, on trouve le chevauchement de deux voyelles i
en juxtaposition linéaire, *tsiiraiiray > tsirairay. En betsileo, à la place de tsirairay, on dit kiraidraika, une
forme qui s’analyse en ki-raika-raika dans laquelle on identifie le radical à terminale –ka raika avec une
variation d’ordre phonique r/dr
176
telo « trois » / *tsi-telo172 / tsi-telo-telo > tsitelotelo ~ kitelotelo « trois par
trois »
folo « dix »/ *tsi-folo / tsi-folo-folo > tsifolofolo ~ kifolofolo « dix par dix » /
zato « cent » / *tsi-zato / Tsizatozato < tsi-zato-zato ~ kizatozato < ki-zato-zato
« cent par cent »
a4) La réduplication avec ki- ~tsi- dans le système adjectival (Corpus 11.2)
172
Il faut noter qu’en Betsileo, on peut dire kitelo à la place de kitelotelo, comme dans le système nominal
(omby / ki-omby et kiombiomby)
177
Rappelons que le fonctionnement du préfixe ki- ~tsi- n’est pas obligatoire dans la
formation des adjectifs, mais son fonctionnement relève de la sémantique dont nous
allons traiter au chapitre 7 de cette thèse.
Comme dans la formation des adjectifs en tsi- ~ki-, les verbes avec ce préfixe
demandent la réduplication de base. C’est ce que nous avons dans les exemples
suivants :
vita / vitavita ≠ vita / *ki-vita ~ tsi-vita > kivitavita ou tsivitavita
lasa / lasalasa ≠ lasa / *ki-lasa ~ tsi-lasa > kilasalasa
avy / aviavy ≠ avy / *ki-avy ~ tsi-avy > kiaviavy
173
Dans le langage courant, on dit kilavaka < ki-lava-ka « se dit d’une personne qui n’est pas sérieux dans
son travail », et je me demande s’il existe un lien sémantique entre lava et kilavaka.
178
on peut dire kiomby, ki-telo, ki-mamo, ki-avy au même titre que kiombiomby, kitelotelo,
kimomamo, kiaviavy. Ce qui nous a permis d’avancer qu’à un moment donné, le
préfixe ki- ~ tsi- fonctionne avec une base simple, d’où trano / ki-trano. Mais plus tard,
la base doit être sous forme rédupliquée pour certains dialectes comme le merina,
tandis que dans d’autres dialectes comme le betsileo, ce processus est encore maintenu,
la préfixation de ki174- ~ tsi-. Dans le sous-système suivant, nous allons aborder
d’autres types de la réduplication du radical « base », pas dans les systèmes de
catégories grammaticales mais la réduplication concerne les lexèmes en question.
174
Le fonctionnement du préfixe ki- rappelle le préfixe ki- de la classe nominale en kiswahili. On se
demande s’il existe un rapport entre le préfixe ki- « formatif de substantif » en malgache et celui de la
langue kiswahili. Peut-être que non seulement le caractère complèt des terminales est du swahili, mais
aussi le préfixe ki-, un préfixe qui n’est pas, sans aucun doute, de l’austronésien.
179
secours ». Toutefois, dans certains mots, la préfixation demande la réduplication du
radical. Autrement dit, les formes avec préfixes, ici, des préfixes consonantiques,
doivent être sous forme rédupliquée.
Les exemples suivants illustrent ce qu’on vient de mentionner :
ana « essoufflé, hors d’haleine, épuisé, fatigué » / *b-ana / (b-ana)² « se dit des
portes et des fenêtres ouvertes en grand »
ana « essoufflé, hors d’haleine, épuisé, fatigué » / *d-ana / (d-ana)² « état de ce
qui ouvert en grand »
ana « essoufflé, hors d’haleine, épuisé, fatigué » / *h-ana / (h-ana)²
« embarrassé, regarder avec la bouche grandement ouverte »
ana « essoufflé, hors d’haleine, épuisé, fatigué » / *s-ana / (s-ana)² « état de la
bouche grandement ouverte »
ana « essoufflé, hors d’haleine, épuisé, fatigué » / *s-ona / (s-ona)² « état des
narines grandement ouvertes »
ana « essoufflé, hors d’haleine, épuisé, fatigué » / *t-ana / (t-ana)² « état de ce
qui grandement ouverte, béant »
ana « essoufflé, hors d’haleine, épuisé, fatigué » / *v-ana / (v-ana)² « état de ce
qui est ouvert, béant comme une crevasse, une plaie, une porte »
ory «affligé, malheureux, pauvre » / *p-ory /(p-ory)² «pauvreté, indigence »
ory « malheureux » / *s-ory/ (s-ory)² « vexation, ennui, chagrin »
osa « faible, sans courage, lâche » / *r-isa / risarisa « faiblesse »
Les suffixes -ka, -tra, -na peuvent fonctionner dans les mots simples pour créer
de nouvelles unités lexicales. C’est ainsi qu’on a : fantsy « ergot » / fantsi-ka « clou,
état de ce qui est cloué, c’est-à-dire que fantsika est pointu comme l’ergot », fahy
« notion d’engraisser, d’enfermer, de confiner sans la faculté de sortir » / fahi-tra
« parc, trou où l’on engraisse les bœufs, où l’on les enferme » et du type ra « sang » /
ra-tra « blessure », avo « haut, élevé » / avo-na « orgueil, fierté, hauteur, c’est-à-dire
comportement de quelqu’un qui pense vraiment qu’il est au-dessus des autres ».
Dans d’autres cas, -ka, -tra, -na peuvent jouer le rôle d’intégrateur
paradigmatique, avec ou sans ajout d’un sème supplémentaire au radical auquel il
180
affecte. Les exemples de couples ci-après montrent ce processus : borabora = boraka
« mal lié », sambasamba « souhait, bénédiction, remerciement que l’on prononce en
s’adressant à Dieu » / samba-tra « heureux, fortuné, bienheureux / sambatra et
ramarama « notion de se parer à l’excès » / rama-tra « notion de se parer, de s’orner »,
riaria « notion d’aller çà et là comme les oiseaux, les enfants » / ria-tra « qui est parti,
qui s’est enfui, qui est en déroute » ou ranirany « état de ce qui est long et pointu » /
rani-tra « état de ce qui est aiguisé, effilé comme un tranchant, état de ce qui est pointu
comme une lance » ; serasera « notion d’aller et de venir en passant devant
quelqu’un » / sera-na « notion de passer rapidement, de passer devant », vilavila
« zigzag, plis, replis » / vila-na « qui est de travers, tortu, qui dévie ».
Dans le cas contraire, l’étude des éléments constitutifs des couples nous permet
de constater que l’emploi de -ka, -tra ou -na requiert la réduplication de radical. Ce cas
rare montre ce type de fonctionnement. Ainsi, les couples ainga « notion de soulever,
de lever » / aingina² comme ingina² « situation élevée » et ala « enlèvement » / (ala-
na)² « neutralité, isolement » montre que l’emploi de –na nécessite la réduplication.
181
L’acceptation d’un tel rapprochement permet de dégager aussi les parcours
morphologiques de couples suivants :
lanitra « le ciel, le firment » < AN laŋit / *lany / lanilany « palais, vôute
palatale »
bokotra « bouton » < AN bukit’ / *boko/ bokoboko « bourgeons »
tapitra « fini, achevé <AN tapit’ / *tapy / tapitapy « interruption »
ranitra « état de ce qui est aiguisé » < AN dǝnit’ / *rany / ranirany « état de ce
qui est long et pointu »
sambatra « heureux, fortuné » < AN sambat’ / *samba / sambasamba
« bénédiction, souhait »
182
Ainsi :
ako « l’écho » - manako manakoako
ehoeho « retentissement » *mieho miehoeho
*eho
baka« divergent en forme de - mi-sa-baka mibakabaka
V» baikabaika « « écartement de *mibaika mibaikabaika
jambes »
*beka > baika175
bahana « position des - mibahana mibahambahana
membres écartés surtout des behambehana « notion de se *mibehana mibehambehana
jambes » donner un air d’importance en
écartant les bras et les jambes »
*behana
daka « coup de pied » 176 - mandaka
dehadeha « démarche traînante, *mideha midehadeha
*deka en écartant les jambes, en
oscillant comme les oies »
hafy « dur, fort » - mihafy mihafihafy
hefohefo « opulence » 177 *mihefo mihefohefo/
*hefo mitsikefokefo
175
On sait que, selon la règle phonétique, la séquence ai devient e devant une consonne vélaire (ai > e).
176
La forme dakadaka est attesté dans Webber et il signifie « mi-écarter, ouvrir les jambes ».
177
Le degré é de l’alternance fonctionne avec une variation postaccentuelle [┴i~ ┴u] comme dans loto «
saleté » / lotika « sale », trosona = trosina « chute, dégringolade », mokotra = mokitra « tenacité » et dans
des forms rédupliquées comme dans esona « respiration bruyante durant le sommeil » / esina² « respiration
obstrue, génée », anina « arrêt, halte, cessation » / anona² « action de se reposer tranquillement tandis que
d’autres travaillent »
183
Donc, on peut dire que le degré á de l’alternance assume la fonction réduplicatrice par
rapport au degré é.
Le fonctionnement de l’alternance /á : é / n’est qu’un exemple pour montrer que
le fonctionnement de certaines alternances dans le lexique malgache nécessite la
réduplication. Le fonctionnement de l’alternance /ú : é / dans les couples du type osa
« faible » / esanesana « démarche lente comme celle des canards » montre que le degré
é de l’alternance demande la réduplication du radical osa. L’étude approfondie des
alternances vocaliques en malgache va apporter plus de détails sur ce fait de langue.
Les mots rédupliqués non lexicalisés que nous avons traités jusqu’ici concernent
les radicaux seulement. En effet, dans le paragraphe, nous avons essayé de décrire le
fonctionnement de la réduplication des formes radicales dans la mesure où les éléments
(bases) soumis à la réduplication sont des radicaux. Dans le sous-système suivant, nous
allons aborder la réduplication non lexicalisée des mots construits. Par conséquent,
dans le paragraphe 3.2.2. suivant, les bases de la réduplication sont des mots résultant
d’un autre processus morphologique
Dans ce paragraphe, nous allons étudier la réduplication des mots construits dans
le niveau grammatical, c’est-à-dire que notre étude porte seulement sur les mots
construits obtenus par les processus grammaticaux. Parmi les processus grammaticaux
existants dans la morphologie du malgache, nous allons traiter les deux cas suivants :
- La réduplication des formes verbales à affixes
-La réduplication des formes à substitut conjoint
D’après ce que nous avons avancé précédemment, seuls les noms, les verbes, les
adjectifs et les adverbes sont des classes grammaticales morphologiquement
réduplicables en malgache. Cependant, certains pronoms sont aussi réduplicables, mais
pas morphologiquement. A cet effet, la réduplication de certains mots outils ne relève
pas de la morphologie, car leur réduplication ne forme pas un nouveau mot, mais un
184
nouveau syntagme. Ainsi, la réduplication des locatifs178 demande l’emploi de la
particule179 ho s’insérant entre le réduplicant et la réduplicande, d’où any / any ho any,
eto / eto ho eto. Parmi les différentes formes construites au niveau grammatical, notre
étude va se limiter à la réduplication des formes verbales, étant donné que cette classe
grammaticale présente une particularité tant au niveau de la structure morphologique
qu’au niveau de sémantisme.
178
Les pronoms démonstratifs ne sont pas réduplicables, mais en betsileo, il se trouve que io « celui-ci »
peut être rédupliqué, d’où io / ioio [iwiu]. Jusqu’ici, il s’agit d’un hapax, hypothèse qui demande une
verification dans une étude plus détaillée.
179
Tous les mots qui n’entrent pas dans une classe grammaticale bien définie fait partie de laclasse des
partitules
180
Rasolofoson (2014), Ny olan’ny matoanteny verindroa ( trad. Problèmes de la réduplication verbale ),
Mémoire de maîtrise, DLLM, FLSH, Antananarivo.
185
Pour que notre présentation soit claire, il sera judicieux de rappeler, dans chaque
microsystème étudié, les affixes verbaux utilisés dans le système verbal du malgache.
181
Pour plus de détails, voir Rajaona (1972), Rabenilaina (1974), Rajaonarimanana (1995)
182
Cf. Rajaona (1972) et Rabenilaina (1983).
186
« être servi », tafiditra « qui est entré, qui est pénétré » et tafandry « qui est endormi ».
Si tels sont les préfixes verbaux du malgache, nous allons présenter, dans le paragraphe
suivant, le comportement des ces formes verbales en cas de réduplcation.
Ainsi, la réduplication des mots à préfixes mi-, ma-, voa- et tafa- n’entraîne pas de
modification d’ordre phonétique ou morphologique lorsque les radicaux auxquels ils
affectent sont oxytons ou des paroxytons
A titre d’exemples, citons :
Mitia / mitiatia < mi-tia-tia ; mibe / mibebe <mi-be-be
Mahita / mahitahita < ma-hita-hita
Miteny / miteniteny < mi-teni-teny ; milaza / milazalaza< mi-laza-laza
Voadaka / voadakadaka <voa-daka-daka ; voateny / voateniteny <voa-teni-teny
Tafatory / tafatoritory < tafa-tori-tory ; tafateny / tafateniteny < tafa-teni-teny
On peut dire que la réduplication des formes de ce type se fait sans accident de
frontière, c’est-à-dire les éléments constitutifs des mots sont en juxtaposition linéaire.
187
proparoxytoniques, le même phénomène apparaissant dans la réduplication de ces
radicaux en question. Face à cette situation, on se demande si les formes rédupliquées
sont préfixées par ces morphèmes ou s’il s’agit vraiment de la réduplication des formes
à affixes grammaticaux. Ainsi, les formes suivantes montrent ces phénomènes :
Mirotsaka / mirotsadrotsaka <mi-rotsa(ka)-drotsaka, où on a r/dr
Voasoratra / voasoratsoratra <voa-sora(tra)-tsoratra, où on a s/ts
Tafarotsaka / tafarotsadrotsaka < tafa-rotsa(ka)-drotsaka, où on a r/dr
183
Il y a des cas où v > b dans les radicaux du type voly dans man+ bory > mambory « couper » et man-
banga > mambanga « édenter, ébrécher », d’où une variation combinatoire [n+ v > mb].
184
A ce propos, certains linguistes parlent de la chute de la consonne f en cas de préfixation de man-. Donc,
il s’agit d’un phénomène d’ordre phonétique.
185
Dans la morphologie malgache, l’alternance de la consonne initiale apparaît après fonctionnement de
l’un de ces quatre processus morphologiques : 1) Emploi de la préfixation de man- (ex : man-leha >
mandeha), 2) sous la dominance d’une réduplication (vizana –vizana > vizambizana), et 3) en cas de
composition de deux lexèmes (lalana–lava > lalandava), ou 4) au moment où un lexème précédé d’une
préposition (ana-lalana > an-dalana ou amana-lalàna > aman-dalàna).
188
h > ŋg ou n comme dans les verbes man-halatra > mangalatra « voler », man-
haika > mangaika « appeler » et man-hetsika > manetsika « agiter, remuer,
remettre sur le tapis »
r > dr, comme dans les verbes man-rary > mandrary « tresser » et man-rava >
mandrava « détruire, démolir »
z > ndz (nj) comme dans man-zaitra > manjaitra « coudre » et man-johy >
manjohy « suivre, accompagner pas à pas »
Par contre, pour les radicaux commençant par s, t, ts, k, v, f, leurs consonnes
initiales tombent en cas de préfixation de man-. En parlant de la chute de consonnes
initiales, Rajaona parle de l’alternance de la consonne initiale avec ϕ. Ainsi :
man-soratra > manoratra « écrire » et man-simba > manimba « détruire »
man-ketsa > manetsa « transplanter le riz » et man-kaikitra > manaikitra
« mordre, piquer »
man-tataka > manataka « découdre, faire une brèche » et man-tolotra >
manolotra « offrir, donner, présenter »
man-tsiny > maniny et man-tsetsetra > manetsetra « éprouver du malaise »
man-valy > mamaly « répondre » et man-vangy > mamangy « rendre visite »
189
d’où taotao suivie d’une préfixation de man-, d’où man-taotao > manaotao. De même,
on peut dire que manoratsoratra est le résultat d’une préfixation de man- au radical
rédupliqué soratsoratra tandis que manoranoratra est une forme obtenue par la
réduplication de la forme verbale manoratra.
Supposons que cette première hypothèse est acceptable, à chaque radical, on
pourrait avoir deux formes rédupliquées dont l’une résulterait de la réduplication du
radical à laquelle le préfixe man- affecte et l’autre serait le résultat de la réduplication
d’une forme verbale. Pourtant, le fonctionnement de la langue ne confirme pas cette
hypothèse. En effet, il n’y a que la forme rédupliquée mandehandeha, mot considéré
comme la réduplication de forme verbale mandeha « marche, mouvement », et pas de
*mandehaleha, un mot qui serait sensé comme réduplication du radical leha / lehaleha,
auquel le préfixe man- affecte. Il en est de même pour mangalangalatra, forme
rédupliqué de mangalatra, mais le mot rédupliqué mangalatralatra n’existe pas dans la
langue.
Ce qui nous permet d’avancer que les mots rédupliqués manaonao et manaotao
sont des formes construites résultant de la réduplication de manao, mais le choix entre
ces deux formes vient des locuteurs. En d’autres termes, dans certains cas, la
réduplication des formes à préfixe man- peut correspondre à une seule forme, comme
celle du mandeha / mandehandeha ; mais dans d’autres cas, elle peut correspondre à
deux formes rédupliquées différentes, qui sont toutes acceptables.
C’est ainsi qu’on a :
Manao < *man-tao / manaonao / manaotao où on a les radicaux tao et *nao (un
radical virtuel)
Manoratra < *man-soratra / manoratsoratra / manoranoratra dans lequel on a
les radicaux soratra et *noratra
Mamaly < *man-valy / mamalivaly / mamamimaly
mandeha < *man-deha / mandehandeha < mandeha-ndeha où on a le nouveau
radical obtenu par fausse-coupe ndeha.
En partant de ces exemples, on en déduit que la réduplication des formes à
préfixes permet à un radical de pouvoir se comporter sous deux formes différentes en
cas de réduplication, comme en cas de préfixation. Certes, Selon Rajaona, un radical
peut avoir au moins deux degrés : son degré fléchi et son degré non fléchi. On entend
190
par degré non fléchi, la forme d’un radical sans modification d’ordre phonématique ni
d’ordre prosodique ; par contre, le degré fléchi est la forme d’un radical soumis à
variation sous la dominance d’un affixe. Par exemple, le thème II, un degré fléchi,
selon la terminologie de Rajaona, est la forme d’un radical en cas de suffixation. Pour
illustrer ce que je viens de dire, je cite le radical pótika « notion de mettre en morceau,
de déchirer » : pótika est le degré non fléchi de ce radical car il ne subit aucune
variation d’ordre phonématique ni prosodique ; tandis que potéh- se définit comme un
degré fléchi de potika lors qu’un suffixe s’y adjoint (potéh-ina) ; -otika, un degré fléchi
sous l’ajout du préfixe man- au radical potika, d’où mam-otika, -otéh-, un degré fléchi
obtenu par l’emploi d’un circumfixe, d’où am-otéh-ana.
Par rapport à ce que je viens de rappeler, la réduplication des formes à préfixe
permet à un radical d’avoir un ou des degrés fléchis, par fausse-coupe186. Ainsi, on peut
dire que, pour le radical tao, en cas de réduplication, comme en cas de préfixation, il
devient nao par fausse coupe, d’où *ma-nao-nao > manaonao dans lequel nao est
défini comme degré fléchi, il est répété en cas de sa réduplication. De même, pour
manoratra / manoratsoratra et manoranoratra, on peut y définir un radical non fléchi
soratra, un degré fléchi noratra, forme obtenue par fausse-coupe, du fait que le n dans
noratra n’est que le n dans le préfixe man-. Donc, le mot manoratra qui s’analyse
régulièrement en man-oratra devrait s’analyser en ma-noratra, d’où manoranoratra <
ma-nora(tsa)-noratra. Notons que leur réduplication respecte la règle morphologique
selon laquelle, en cas de réduplication, la reprise de formes se fait à partir de la syllabe
accentuée. Ce qui nous reste à savoir, c’est qu’il est possible qu’à l’origine, ces deux
formes avaient chacune sa signification et actuellement que les gens ne savent pas leur
différence ces deux mots sont devenus synonymes.
186
Le fausse-coupe est un phénomène morphologique qui consiste dans la formation de mot ou d’un
élément nouvel par un changement ou modification interne d’un mot. Le fausse coupe se manifeste sous
plusieurs formes : il y a, par exemple, dans la langue malgache une sorte de fausse coupe dû à au
déplacement régressif de l’accent. Ainsi, à l’origine, ma- dans mainty est un préfixe, formatif d’adjectif,
ajouté au radical inty, d’où ma-inty. Mais suite au déplacement de l’accent, c’est-à-dire au déplacement de
l’accent vers le préfixe, (alors qu’un morphème malgache ne porte jamais d’accent). Par conséquent, ce
dernier a perdu son identité morphologique, et forme un nouveau radical, appelé radical secondaire.
191
Les formes comportant un préfixe mϕ- peuvent être aussi rédupliqués, mais le
fonctionnement de la réduplication provoque aussi l’apparition du phénomène dans la
mesure où l’élément préfixal est répété avec le radical. Notons que la réduplication ne
frappe jamais l’affixe, mais accidentellement, ce préfixe ou l’élément préfixal est
touché par ce processus, cette dernière forme avec le radical un nouveau radical, appelé
« radical secondaire », un degré fléchi. Prenons le mot mody < mϕ-ody et maka < mϕ-
aka : les mots de ce type en cas réduplication répètent tous leurs éléments constitutifs,
y compris le préfixe, d’où mody / mϕ-odi-mody, maka / mϕ-aka-maka.
187
Dans la forme verbale vidina, il y a un chevauchement, car la deuxième i appartient à la fois au radical au
thème II vidí- et au suffixe –ina.
188
Le suffixe –ana peut être aussi un formatif d’adjectif comme dans nofosana < nofos-ana « qui a de
l’embonpoint » du radical nofo « chair », et vatoana < vato-ana « pierreux » du radical vato « pierre ». Ce
suffixe peut être aussi formatif d’un substantif, comme dans sampanana < sampan-ana « carrefour, c’est-à-
dire l’ensemble de ce croisement » du radical sampana « branche » et tetezana < tetez-ana « pont » du
radical tety « notion de passer sur ».
192
D’après les quelques exemples répertoriés, ce sont les radicaux qui se sont
répétés, mais les suffixes ne se répètent pas en cas de réduplication. Pourtant, l’examen
de faits montre que la réduplication des formes à suffixes peut entraîner une
modification d’ordre phonétique et/ ou d’ordre morphologique au niveau des radicaux.
193
dormir ». Selon la règle morphologique189 régissant l’emploi de l’infixe –if-, l’insertion
de cet infixe se fait sans apparition d’épenthèse si l’élément préfixal x= an, c’est-à-dire
le préfixe man-, comme on a dans mamaly « répondre » / mifamaly « se disputer »,
manao « faire » / mifanao « se faire », manoroka « donner un baiser » / mifanoroka
« se donner des baisers »). Toutefois, l’insertion de l’infixe –if- se fait avec apparition
d’une épenthèse lorsque l’élément préfixal x = i, a, ϕ (ie. les préfixes mi- ou ma- ou
mϕ-), comme on a dans milaza « dire, annoncer » / mifampilaza < m-if-amp-i-laza « se
dire, s’annoncer », mahita / mifankahita < m-if-ank-a-hita « se voir » ou dans mody
« rentrer » / mifampody < m-if-amp-ϕ-ody « se réconcilier ».
Quant à la réduplication des formes verbales à infixe, les exemples fournis dans le
corpus montrent que seuls, les radicaux se sont répétés. Ces radicaux peuvent se
réaliser sous d’autres formes.
189
Rajaona (2004).
194
Ces exemples montrent, effectivement que dans la réduplication des formes à
infixes, ce sont toujours les radicaux qui se sont répétés, avec ou sans modification au
niveau des formes par le phénomène de fausse-coupe. D’après ces exemples, dans
certains cas, les formes à infixe ne correspondent qu’à une seule forme rédupliquée,
comme vinaky / vinakivaky. Mais, dès fois, il se trouve que certaines formes à infixes
correspondent à deux formes rédupliquées dont l’une se réalise sans phénomène
morphologique et l’autre, avec fausse-coupe, comme dans la réduplication de mifamaly
/ mifamali-valy et mifamali-maly ou de mifanoroka / mifanorokoroka /
mifanoronoroka.
En résumé, la réduplication des formes à affixes confirme que seuls, les radicaux
se sont répétés et non pas les formes verbales toutes entières. Notons que ces radicaux
peuvent changer de formes par phénomène d’alternance, avec ou sans fausse-coupe. En
d’autres termes, la réduplication des formes à affixes du type manao / manaotao /
manaonao permet d’avancer une hypothèse selon laquelle le radical tao peut se réaliser
en *nao (un radical virtuel, un degré fléchi de tao, par fausse-coupe, d’où manao-nao.
Ainsi, *ndeha est identifié comme un radical virtuel, un degré fléchi du radical leha, en
cas de réduplication, d’où mandeha / mandeha-ndeha. Il en est de même pour
mifamalivaly et mifamalimaly, formes rédupliquées du mifamaly dans lesquelles on
peut identifier le radical valy (degré non fléchi) et le radical virtuel *maly (degré
fléchi), d’où mifamali-valy et mifamali-maly. Ces deux formes rédupliquées sont
acceptables. Il nous reste à déterminer l’existence ou non d’une nuance de sens entre
ces deux formes rédupliquées.
195
Effectivement, ce cas mérite une attention particulière car il ne respecte pas la
règle générale de la réduplication que nous avons présentée jusqu’ici. En effet,
conformément à l’hypothèse avancée au paragraphe 3.2.2.2, portant sur la réduplication
des formes à affixes grammaticaux, seuls les radicaux qui sont soumis à la
réduplication et le fonctionnement de ces affixes grammaticaux peuvent entraîner une
fausse-coupe au niveau de ces radicaux. Par conséquent, suite au fonctionnement de
réduplication, un radical peut être présenté sous une autre forme, qui entre dans un
même paradigme. Ainsi, la réduplication des verbes actifs manao du radical tao ou
manoratra du radical soratra déclenchent chacun un degré fléchi du radical par fausse-
coupe. De ce fait, si on a affaire à la réduplication du mot manao, nous avons
manaotao et manaonao, d’où les radicaux tao (radical d’origine, degré non fléchi) et
nao (radical dû à une fausse-coupe, degré fléchi).
196
Mais si, dans le cas contraire, l’élément –ny de la base dans le mot du type
rambo-ny subit, en cas de réduplication, une apocope, comme celle de la terminale –na,
on peut dire que l’élément –ny, identifié comme substitut personnel conjoint
auparavant perd son identité et il devrait fonctionner comme une terminale. Dans ce
cas, la réduplication des mots de ce type provoque une chute de la voyelle –y de
l’élément –ny, suivie d’une alternance consonantique, phénomène similaire
apparaissant lorsqu’il s’agit d’une réduplication des mots à terminale –na. L’examen
du lexique montre que la plupart des mots de ce type fonctionnent ainsi. Aussi, avons-
nous :
rambo-ny / rambon-drambony
lazo-ny / lazon-dazony,
vanto(tra)-ny / vantom-batony
D’après la description morphologique que nous avons faite, deux sous-systèmes
ont été traités : le premier sous-système dans lequel les mots rédupliqués non
lexicalisés résultent d’une forme radicale, contrairement à celui du second sous-
système où les mots rédupliqués non lexicalisés sont des formes construites, résultant
de l’emploi d’un processus morphologique. Concernant le second sous-système, nous
avons choisi d’étudier deux cas distincts : la réduplication des formes à affixes verbales
et la réduplication des mots à substituts conjoints, étant donné que ces deux cas
présentent une particularité qui mérite une attention particulière.
197
Cependant, les radicaux rédupliqués non lexicalisés se caractérisent par
l’existence de la base dans leur parcours morphologique. Les radicaux de ce type
forment des oppositions dont les éléments constitutifs se différencient par le processus
de réduplication. Le sous chapitre 3.2. a fait l’objet de la description des radicaux
rédupliqués non lexicalisés. Comme résultat, nous avons pu décrire les différents types
des mots rédupliqués non lexicalisés. Et cette description nous a amenée à constater
que la réduplication n’est pas forcément définie comme procédé morphologique. Dans
le microsystème des mots du type kelikely ou du type manaonao, la réduplication est un
procédé morphologique, étant donné qu’elle est douée de sens, significative, alors que
dans celui du type kivarivary ou du type tsiroaroa ou du type tsimoramora, la
réduplication est un phénomène morphologique, conformément à la définition du
phénomène morphologique selon laquelle le phénomène morphologique est un
processus apparaissant après l’emploi d’un procédé morphologique. Dans ce sens, la
réduplication n’est pas significative. C’est un phénomène requérant le fonctionnement
d’un procédé morphologique, d’où mora / *tsi-mora / tsi-mora-mora.
Par ailleurs, l’analyse morphologique des mots totalement rédupliqués nous a
permis de confirmer le caractère productif de ce processus morphologique. En effet, on
peut dire que la plupart des classes grammaticales sont réduplicables, entre autres les
noms, les verbes, les adjectifs, les adverbes, voire certains mots outils comme les
particules du type (hono « dit-on » / honohono / kihonohono, ou bien toa « comme » /
kitoatoa).
Cette étude formelle des mots totalement rédupliqués nous a montré que la
réduplication touche les deux niveaux d’analyse morphologique. Ainsi, la réduplication
des mots du type ehoeho / ako relève de la morphologie dérivationnelle, alors que la
réduplication des formes verbales, par exemple, fait partie de la morphologie
flexionnelle.
En adoptant notre démarche structurale et fonctionnelle, démarche appuyée par la
morphologie constructionnelle, nous avons pu décrire la structure interne des mots
totalement rédupliqués afin d’en déduire leur typologie. Toutefois, des problèmes
étymologiques restent à résoudre. En fait, pour certains mots rédupliqués du type
lanilany s’opposant à lanitra, nous n’arrivons pas à établir leur parcours
morphologique faute de sources sur l’histoire de la formation des mots. Nous ne savons
198
pas lequel d’entre ces deux mots est la forme première ou primaire. Dans cette
démarche, la réécriture du parcours morphologique de chaque mot rédupliqué nous a
aidé à déterminer les différents types des mots rédupliqués en malgache, et d’en
dégager par la suite les systèmes, les sous-systèmes, et les microsystèmes dans lesquels
la réduplication a pu fonctionner. De ce fait, des hypothèses ont été avancées pour les
mots totalement rédupliqués qui posent problèmes.
Dans le chapitre suivant, le chapitre IV, nous allons étudier les mots partiellement
rédupliqués. Comme dans la description des mots totalement rédupliqués, nous allons
présenter les différentes structures possibles des mots partiellement rédupliqués afin de
pouvoir, par la suite, dégager leur typologie. Par ailleurs, notons que notre étude
s’inscrit dans la perspective d’une morphologie comparative, nous essayons toujours de
citer quelques exemples des mots rédupliqués dans les langues de la famille
austronésienne. Nous pensons, en effet, que cette démarche va nous aider à atteindre
notre objectif, une étude descriptive pour dégager les différents types des mots
partiellement rédupliqués.
199
CHAPITRE 4 : LA REDUPLICATION PARTIELLE
Rappelons que la deuxième partie de la thèse porte sur la description formelle des
mots rédupliqués en malgache. Cette partie permet d’identifier la typologie de la
réduplication en malgache, c’est-à-dire les différents types de réduplication selon la
structure formelle. Dans cette partie, je vais traiter les différents processus de formation
de mots rédupliqués en adoptant la démarche structurale constructionnelle que j’ai
évoquée dans l’introduction. La description de mots totalement rédupliqués fait l’objet
du chapitre 3, et celle des mots partiellement rédupliqués fait l’objet du chapitre 4.
Par conséquent, l’analyse formelle des mots partiellement rédupliqués permet de
dégager trois types de mots partiellement rédupliqués :
- La réduplication par préfixation
- La réduplication par suffixation, et
- La réduplication par infixation.
4.1.1. Définition
190
Pour ce type de réduplication, Rajaona (1985) emploie le terme « redoublement » et il précise que ce
procédé est relativement courant dans toutes les langues malayo-polynésiennes.
200
doué de sens. Dans la troisième partie de la thèse, je vais étudier les différentes valeurs
sémantiques dénotées par ce procédé de réduplication.
D’une manière générale, le fonctionnement de la réduplication par préfixation
peut se résumer comme ceci :
CV0 CV1 (CV2) / CV0 base Redpref - CV0 CV1 (CV2)
En tant que procédé relativement vivant et courant dans plusieurs langues,
plusieurs études ont déjà été entreprises sur ce type de réduplication morphologique191.
Voici quelques exemples de la réduplication par préfixation dans d’autres langues et
aussi dans la langue malgache :
- Malais192 : sendi « articulation » / se-sendi « rhumatisme »
rambut « cheveu » / re-rambut « capillaire »
- Papago : bana « coyote » / ba-bana « coyotes »
- Sundanese: gujon « plaisanter » / gu-gujon « plaisanter d’une manière
répétitive »
- Maori : kimo « clin d’œil » / ki-kimo « garder les yeux fermés »
: paŋgo « noir » / pa-pango « obscurité, un peu noir »
- Tagalog193 : kandila « bougie » / mag-ka-kandila « vendeur de bougie »
- Mwotlap194 : vitwag « un » / vi-vitwag « un par un, un par personne »
voyo « deux » / vo-voyo « deux par deux, deux par personne »
- Saisiyat : raromæh « bambou » / ra- raromæh-an « forêt de bambous »195
tawmo? « banane » / ta-tawmo ?-an « champs de bananiers »
191
A titre d’exemples : Rajaona (1985), Ramilison (1998), Hannahs (2004), Keenan et Jean Paulin
Razafimamonjy (1998) et autres chercheurs, comme Carrier-Duncan (1984), Alexander François (2004) et
Elisabeth Z.et Wu (2005)
192
Je récite les exemples cités par Ranamalala (2013)
193
Carrier-Duncan, 1984.
194
Alex François, 2004.
195
Elisabeth Z.et Wu, 2005.
196
Le mot tatao signifie en betsileo tas de prierres ». De plus, dans le domaine de finance publique, on
adopte le terme tataon-ketra « valeur ajoutée ».
201
tsorika « notion de couler le long d’un mur » / tso-tsorika « état de ce qui
est en pente »
aro « protection » / *t-aro197 / ta-taro « toit plat et provisoire, c’est-à-dire
toit fait pour protéger »
ongana « notion de renverser » / *t-ongana / to-tongana « état de ce qui est
incliné, renversé »
197
Le préfixe t- ~ ta- intervenu dans le fonctionnement de réduplication par préfixation ici est considéré
actuellement comme un préfixe fossilisé, dans la mesure où son caractère d’affixe n’est plus évident. Mais,
si on fait une réanalyse des mots des types tatitra « rapport, compte rendu » vs atitra « action de
présenter », tahy « aide, protection » vs ahy « soin », tanondrika « action de courber la tête, de se pencher
strictement » vs ondrika « inclinaison », ou tavoahangy « bouteille » vs voahangy « corail », ce préfixe t- ~
ta- exprime un état ou action en permanence. Rajaonarimanana (2001) précise que la valeur sémantique
indiqué par ce préfixe est héritée de l’austronésien.
202
4.1.2. Les faits linguistiques pouvant présenter une ambiguïté
morphologique avec la réduplication par préfixation
198
Cette variation est conforme à la règle de l’alternance consonantique en malgache.
203
fokafoka199. De même, pour les radicaux proparoxytoniques, le processus de
réduplication totale a toujours déclenché un accident d’ordre phonétique, comme dans
les exemples du type valaka « fatigué, épuisé » / valabalaka « dupl .de valaka » où il y
a changement du v en b ou type hodina « action de tourner comme la roue du moulin »
/ hodingodina ~ hodingodina où il y a variation de h en ŋg.
Prenons le cas de fepetra « recommandation qui doit faire loi » :
morphologiquement et sémantiquement, fepetra est à rapprocher de fetra
« démarcation, limite » par l’emploi du procédé de réduplication, mais le problème se
pose sur l’identification de procédé employé pour la formation de ce mot fepetra. A
première vue, ce mot est dû, soit à la réduplication totale, soit à la réduplication par
affixation. Mais, d’après l’étude des éléments constitutifs du corpus, aucune forme
comportant la réduplication par préfixation n’est soumise à un accident phonétique
comme on voit dans les mots du type fepetra (f → p). Dans ce cas là, on peut dire que,
pour moi, fepetra est une forme résultant d’une réduplication totale et non pas par une
réduplication par préfixation.
En revanche, le problème posé par certains mots du type popóka n’est pas résolu
facilement : En effet, popóka correspond à deux signifiants : popoka1 « coup fait à
plusieurs reprises » et popoka2 « nom donné aux pistaches, c’est-à-dire les pistaches
cuites dont le mode de cuisson entraîne de petits bruits ». Du point de vue sémantique,
les deux sont à rapprocher respectivement du poka « coup, choc », mais sur le plan
morphologique, est-ce que popoka 1 et 2 sont des formes résultant d’une réduplication
totale ou d’une réduplication partielle par préfixation ?
Autrement dit, le lien sémantique entre popóka (mot construit) et poka (base) est
évident. Cela signifie que le procédé de réduplication permet à ce mot poka, de créer
deux unités lexicales différentes : popoka1 « coup fait à plusieurs reprises » et popoka2
« nom donné aux pistaches, c’est-à-dire pistaches cuits dont le mode de cuisson
entraîne des petits bruits ». Mais formellement, on ne sait pas vraiment si ces deux
mots construits sont obtenus par le procédé de réduplication totale ou par la
réduplication par préfixation. En fait, selon les règles de combinaison de phonèmes, les
199
Lorsqu’il s’agit un radical paroxytonique trysyllabique, on constate que seuls, les segments à partir de la
syllabe accentuée sont répétés. C’est le cas que nous avons dans saláma / salama-láma, vazáha / vazaha-
záha
204
terminales -ka, -tra tombent après l’emploi de procédé de réduplication totale avec ou
non changement de la consonne initiale selon le cas. Certes, les consonnes comme p ou
g en position initiale ne changent pas sous la dominance de ce procédé, comme dans la
réduplication totale de petraka « position, action de placer, de séjourner » /
petrapetraka « notion de se reposer, de faire attendre ou ne pas venir à un rendez-
vous » (Raj) et dans gaka « cri de cane » / gagaka « notion de crier » (Wb). De ce fait,
l’emploi du procédé de réduplication totale et de réduplication par préfixation ramène,
quelquefois, à un seul et même résultat.
Alors, face à ce problème, on peut avancer une hypothèse : dans une langue, il
existe plusieurs procédés utilisés pour créer de nouvelles unités lexicales, entre autres,
procédé d’affixation, procédé d’alternance, procédé de composition et / %/%µprocédé
de réduplication. Alors, pour les deux formes popoka, je suppose que la première
forme, c’est-à-dire popoka1 « coup fait à plusieurs reprises » pourrait être due à
l’emploi du procédé de réduplication quand on se réfère au sens indiqué car la plupart
des formes rédupliquées à valeur itérative font partie des mots à réduplication totale.
Mais l’autre forme popoka2 « nom donné aux pistaches, c’est-à-dire pistaches cuites
dont le mode de cuisson entraîne des petits bruits » pourrait être due à l’emploi du
procédé de réduplication par préfixation conformément à la valeur fondamentale de la
réduplication partielle. Il est à noter que l’étude des fonctions et valeurs sémantiques de
la réduplication font l’objet de la troisième partie de cette thèse. Une deuxième
hypothèse aussi pourrait être concevable : ces deux formes sont formellement
identifiées comme formes obtenues par l’emploi du procédé de réduplication totale
mais la première n’est pas du tout lexicalisée tandis que la seconde devient lexicalisée
pour les différencier. Les formes rédupliquées des types popoka ou gagaka sont donc
déjà traitées dans le chapitre précédent, et sont à exclus de ce sous-chapitre.
Par définition, les mots composés sont « des mots nouveaux construits à partir
d’au moins deux mots de base juxtaposés » (Rajaonarimanana, 2001 : 32 – 35). Dans
son ouvrage, il explique que ces éléments soumis à la composition sont soit « accolés »,
soit « séparés par un trait d’union, une apostrophe ou un blanc ».
205
Pour illustration, je reprends ici quelques exemples cités par (Rajaonarimanana,
2001).
Dans le lexique malgache, les mots composés peuvent être accolés, en ce sens
qu’ils s’écrivent en juxtaposition linaire sans blanc ni trait d’union. C’est ainsi qu’on a :
loharano « source » < loha « tête » + rano « eau »
kilasimandry « interne » < kilasy « classe » + mandry « dormir »
ranomaso « larmes » < rano « eau » + maso « œil »
bibilava « serpent » < biby « animal » + lava « long »
206
morphologique, ces deux formes pourraient être considérées comme des mots
construites par l’emploi du procédé par préfixation, mais puisque ces deux formes
n’ont pas de base correspondante, telle que *ravina pour kararavina et *tokala pour
tsitotokala, et respectivement avec préfixes ka- et tsi-. Mais, quand on recourt aux
significations de ces deux mots, on en déduit que ces deux formes sont des résultats de
l’emploi du procédé de composition. De ce fait, kararavina « très mince, c’est-à-dire
mince comme des feuilles » est un mot construit à partir de kara du mot makarakara
« étoffes transparentes, c’est-à-dire très fines » et de ravina « feuilles » et tsitotokala
est un mot construit à partir de la composition de tsy « négation » + tototra
« entièrement recouvert » + ala « forêt ». Les formes de ce type sont donc à écarter de
mon étude.
Il en est de même pour les mots du type bobongolo et babangala : A première
vue, bobongolo et babangala peuvent être définis comme étant des mots résultant de
l’emploi du procédé de réduplication par préfixation, d’où *bo-bongolo et *ba-
bangala. Or, le lexique malgache ne nous permet pas d’accepter cette analyse, car ces
formes *bongolo et *bangala n’existent pas dans le lexique malgache. Pourtant, si on
se réfère à la composition, nous pouvons identifier deux bases différentes pour chaque
mot : Bobongolo < boboka ~ bobona + volo et babangala < babana + vala, des
analyses similaires à celle de voangory et fasangato. Par conséquent, ces deux mots
peuvent s’expliquer comme ceci :
1) Du point de vue synchronique, on pourrait avancer que la composition de
deux mots entraîne une variation non attendue v/g comme celle de la variation
h/tr (helontrelona), ce qui est difficile à accepter vu leurs traits phonétiques
très différents.
2) Pour cette deuxième explication, nous avons essayé de monter à l’analyse
diachronique. En effet, pour pouvoir les expliquer, nous devons recourir à
l’évolution phonématique de la langue malgache : vato (en malg) < *batu <
*hatu, et c’est, sans doute, cette consonne très ancienne *h qui est apparue
dans les mots composés, apparition constatée par la présence de la consonne
g, comme variante de la consonne h. Certes, certaines consonnes très
anciennes sont actuellement perdues de vue, mais elles peuvent être
réapparues dans la formation des mots composés ou dans la formation des
207
mots après suffixation. Ainsi, prenons le mot totofana, une forme verbale au
passif du radical tototra. Dans la formation de cette forme verbale, on
pourrait penser que sous la dominance du suffixe -ana, il y a une variation de
la terminale tr/f, une alternance qui a difficile à accepter. Mais si on a recours
à la diachronie, nous savons que tototra vient du *tutup, c’est sans aucun
doute la terminale p > f200 qui a réapparue en cas de suffixation, d’où totof-
ana.
La formation des mots babangoana, babangoaka peuvent s’expliquer comme
celle du bobongolo. Les éléments de ce type sont exclus aussi de notre travail.
200
Dans sa communication verbale, le Professeur Rajaonarimanana explique la l’évolution phonétique l > r
qui peut être identifié dans la formation de mots du type lalana < djalam <* ralan.
201
On peut supposer également que les mots rorona, roroka et rorotra viennent du mot roro « dormir, en
position statique », et la différence de sens est marqué par l’emploi du suffixe –na pour rorona « notion de
descendre, c’est-à-dire vers le bas », du suffixe –ka, pour roro-ka « belle croissance, c’est-à-dire diection le
haut » et du suffixe –tra, roro-tra « notion de tirer, c’est-à-dire, direction horizontale »
208
mot et que la composante dérivationnelle, c’est-à-dire l’élément répété prend sa place
avant cette syllabe à répéter.
209
Certes, l’analyse morphologique du corpus permet de regrouper les mots
rédupliqués par préfixation en deux grands volets selon la structure organique des
éléments mis en opposition. Le premier volet sera consacré à la description formelle
des mots rédupliqués par préfixation dont les bases sont des formes simples (formes
radicales ou formes construites). Le deuxième volet consistera à la description des mots
rédupliqués par préfixation dont les bases sont les formes rédupliqués.
4.1.3.1. Les mots rédupliqués par préfixation dont la base est une forme
simple (CV-base)
210
Pour la plupart des linguistes travaillant sur la réduplication dans des langues
austronésiennes, comme Carl Rubino (2005)202 et Zeitoun (2005), ce type de
réduplication est identifié comme VC-.
Ainsi
En Ilokano : ka-ili-an « chèvre » / ka-ka-ili-an « chevrès »
En Tsou : zomu « oiseau » / zozomu « oiseaux »
En Phan rang cham203 : cih « propre » / ci-cih « sois propre »
Il faut signaler aussi que les éléments mis en opposition, traités dans cette sous
partie ont la même constitution phonématique et la même structure prosodique,
conformément au principe de la stabilité de l’identité phonologique des unités
significatives, dans la mesure où « les monèmes constitutifs des éléments mis en
opposition apparaissent sous une seule et même identité phonologique »204. Les
éléments appartenant à ce microsystème seront présentés en fonction de la typologie
des radicaux soumise à une réduplication par préfixation.
Dans les radicaux oxytoniques
Pour les radicaux oxytoniques, on constate que, seuls, les radicaux à
diphtongue sont aptes à accepter le fonctionnement de la réduplication par préfixation.
Cela peut être dû à la fausse ressemblance de la réduplication totale et la réduplication
par préfixation. On peut dire que ce procédé de réduplication fonctionnant dans les
radicaux oxytoniques permet de différencier la réduplication morphologique du type be
/ bebe ou du type lo / lolo de la réduplication par préfixation des types roa / ro-roa, soa
/ so-soa tao / ta-tao.
L’examen de ces formes nous amène à constater que seul, le premier élément
de la diphtongue est répété au début du mot et non pas la syllabe entière. Autrement dit,
pour les radicaux à diphtongue, c’est seulement l’élément appelé « more »205 qui est
répété, l’élément le plus accentué dans une diphtongue. Ce fait de langue confirme
202
Il s’agit d’un article qui porte sur l’étude de la langue Ilokano, une langue de la famille austronésienne, in
The austronesian languages of Azia and Madagascar, edited by Alexander Adelaar and Nikolaus P.
Himmelmann, Routledge, pp. 326-349.
203
Graham Turgood a travaillé sur la langue utilisée dans la région vietnamienne ; et pour la réduplication
par préfixation de ce type, l’auteur utilise « réduplication réduite » (en angl. « reduced reduplication »), voir
(Adelaar, 2005).
204
Rajaona, 1988
205
Garde, 1965.
211
également la fonction démarcative de la réduplication par préfixation dans le sens que
la réduplication est effectivement différente.
Dans ce système, la structure formelle des éléments formant couple peut se
présenter comme ceci : C0V0dipht → C0V0élt prim C0V0dipht
C’est ainsi qu’on a :
soa «bien, beau» / *soasoa «approximativement bien ou beau » → so-soa
>sosoa « riz cuit avec beaucoup d’eau »
roa « deux » / *roaroa206 → ro-roa > roroa « groupe de deux, deux par
deux »
tao « notion de faire quelque chose» / *taotao → ta-tao > tatao « notion de
placer sur la tête, repas cérémoniel du Fandroana »
Par ailleurs, l’analyse de ces formes nous pousse à réfléchir sur la
détermination d’un oxyton, voire la reclassification des radicaux en malgache. En effet,
on se demande vraiment si ces formes sont des oxytons ou des paroxytons. Mais que ce
soit des oxytons ou des paroxytons, il est évident que la voyelle de la syllabe répétée
identifiée comme réduplication par préfixation n’est jamais une diphtongue. La
deuxième réflexion relève de l’emploi de ce procédé de réduplication totale. D’après
cette étude, on pourrait dire que la réduplication par préfixation est apparue après
l’emploi de la réduplication totale par le fait que la réduplication des formes des types
soasoa ou roaroa exprime une autre valeur sémantique que la réduplication par
préfixation. Dans ce cas, s’il y a une autre signification qu’on devait indiquer à partir
de cette base même, la langue devrait recourir à un autre procédé morphologique,
comme la réduplication par préfixation. Alors, à partir des bases soa et roa, la langue a
recouru à la réduplication par préfixation, d’où sosoa et roroa.
Dans les radicaux paroxytoniques
La réduplication par préfixation peut fonctionner d’une manière autonome,
dans les radicaux paroxytoniques. C’est le système le plus étendu dans cette étude,
mais je ne cite que quelques couples à titre d’exemple :
206
La présence d’un astérisque ne veut pas dire que ce mot n’existe pas, au contraire il existe mais pas dans
ce sens. En effet, roa-roa est une forme construie par la réduplication totale de la base roa, d’où le mot
miroaroa dans miroaroa saina « embarrasser, hésiter », et tsi-roa-roa « deux par deux », tandis que le mot
construit ro-roa, une forme partielleme rédupliquée à base de roa même, se retrouve dans le mot
mandroroa de mandroroa ny masony « il voit double ».
212
loha « la tête» / lo-loha « notion de porter sur la tête »
traingo « idée de couper les animaux du jarret vers le bas avec le couteau » /
tra-traingo « tortuosité, courbure »
trongy « totion de fouiller la terre avec les cornes » / tro-trongy « notion de
tomber sur la figure »
zoro « angle, coin » / zo-zoro « espèce de souchet »
207
A partir de base tsaingoka, le lexique malgache possède à la fois le mot tsaingotsaingoka, forme
comportant la réduplication totale non lexicalisée et le mot tsatsaingoka, forme résultant de l’emploi du
procédé de la réduplication par préfixation. L’analyse de ce couple confirme l’hypothèse avancée dans
cette étude, hypothèse selon laquelle la langue a fait le recours au procédé de réduplication partielle pour
la création d’une autre nouvelle unité lexicale.
213
b) La réduplication par préfixation fonctionnant avec d’autres processus
morphologiques
208
Pour plus de détails, voir Rajaona, (2004 : 82-84)
209
Ibid
214
- La RPP avec variation consonantique à l’initiale
210
Rajaonarimanana : 2001
211
Zéitoun : 2005.
212
La forme veventy n’existe pas en malgache officiel, mais par contre, en betsileo, le degré e de n maintient
toujours dans la forme bevety avec une variation consonantique à l’initiale v/b.
215
b1-2) La RPP avec variation vocalique suivie d’une nasalisation (CaC-base)
(Corpus n°18)
Il y a des cas où la réduplication par préfixation sous forme Ca-Base est associé
avec d’autres faits de langues, et ici, la nasalisation. Les austronésiennistes parlent de
CVC-base, mais vu la structure interne des mots comportant ce type de réduplication,
et conformément à ce qui précède, on peut déduire une formulation : CaC-Base. En
parlant de nasalisation en malgache, un fait de langues très courant aussi dans le
lexique malgache, le travail de recherche de Ramilison (1988)213 est remarquable à ce
sujet.
Ainsi, nous avons comme exemples :
teraka « né, mis au monde » / *te-n-teraka / ta-n-teraka « accompli,
exécuté »
tselatra « Jaillissement subit du feu de la lumière, des éclairs » / *tse-n-
tselatra / tsa-n-tselatra « lumière étincelante et rapide »
tselika « leste prompt, agile » / *tse-n-tselika / tsa-n-tselika
toraka « semblable » / *to-n-toraka / ta-n-toraka « d’une égale portée »
D’après ce système étudié, dans la majorité des cas, on peut dire que la
réduplication par préfixation peut déclencher l’ouverture d’une voyelle semi-fermée /e/
dans la mesure où cette voyelle accentuée é du radical s’ouvre en /a/ au moment où la
syllabe répétée fonctionne désormais comme affixe, et à ce titre non accentué.
Dans les mots du type tantely « miel », l’ouverture de la voyelle e en a est
accompagnée aussi d’une chute de la terminale –na, d’où la réécriture de son parcours
morphologique :
telina « agrée, approuvé » / te-n-telina / ta –n-telina / ta-n-tely « miel »
En effet, le rapprochement des éléments constitutifs de ce couple est déjà évident.
Siméon Rajaona214a déjà essayé de donner une explication claire sur la formation de
cette forme rédupliquée. En effet, sous la dominance du fonctionnement de la
réduplication par préfixation, une ouverture de la voyelle /e/ en /a/ et une
213
Ramilison, Hery-Zo, 1988, L’infixation nasale en malgache, Mémoire de Maîtrise-Es Lettrres,
Université d’Antananarivo.
214
Rajaona : 1977
216
prénasalisation apparaissent dans la nouvelle forme suivie d’une chute de la terminale -
na, d’où telina /*tetelina /*tantelina / tantely.
Par contre, dans d’autres dialectes, comme le tandroy et le betsileo, il n’y a pas
d’ouverture de la voyelle sous l’accent. La voyelle sous l’accent e est maintenue en
dialecte tandroy, d’où te-tely (td), et en betsileo, elle se ferme en i, d’où ti-tely (bl),
comme teraka / *te-teraka / ti-teraka. Le cas de la fermeture de e en i en betsileo peut
s’expliquer comme la ferméture de la voyelle e lors d’une alternance prosodique en cas
de suffixation. Par exemple, sous la dominance d’un suffixe –ana, au radical téty
« action de parcourir » ou féhy « action de lier, d’attacher », nous avons respectivement
les formes teté-z-ana et fehé –z-ana (en mlg. Off. Et en Mr) dans lesquelles il y a un
déplacement de l’accent vers la droite. Par contre, dans d’autres dialectes malgaches
comme le betsileo, lorsque la voyelle sous l’accent est devenue inaccentuée, cette
voyelle se ferme en i.
Dans le paragraphe suivant, je vais présenter les radicaux rédupliqués par
préfixation associée avec une variation consonantique à l’initiale.
L’étude des faits montre que l’existence des mots rédupliqués comportant une
variation au niveau de la consonne initiale. Pour cette variation, je veux parler plutôt de
l’évolution phonétique, une rétention de la consonne initiale. Effectivement,
étymologiquement, les consonnes en question sont toutes des consonnes dues à
l’évolution consonantique, caractère hérité de l’austronésien, à savoir AN *l > d, *h >
k, *f > p.
A titre d’exemples, on peut citer :
fango « Gourmandise, voracité, gloutonnerie » / pa-pango215 « nom d’un
gros oiseau de proie, Milvus segyptus »
hazo 216/ ka-kazo « nom générique des arbres »
215
On peut avancer une autre hypothèse selon laquelle papango est un mot empruné du fraçais papangue.
216
Selon Dahl, dans son ouvrage « Malgache et maanjan », la forme *kayu est l’origine de hazo. La
présence du mot kakazo dans le lexique malgache montre que ce dialecte garde le caractère phonétique à
l’origine. La consonne initiale k est maintenue dans certains mots et elle évolue dans d’autres mots. Pour
plus de détails sur l’évolution phonétiques dans les langues austronésiennes, voir Blust (1986, 1988,
2003) et Dahl (1951).
217
lemy « état de ce qui est mou, souple, tendre, doux, faible »./ de-n-demy
« nom d’une plante »
Bref, dans le premier sous-système que je viens de présenter concerne les mots
rédupliqués par préfixation qui sont associés avec des variations morphologiques ou
phonétiques. Trois points ont été abordés, entre autres la variation vocalique sous
l’accent (Ca-Base), la variarion vocalique sous l’accent suivie d’une prénasalisation
(CaC-Base) et la variation consonantique à l’initiale.
Dans le sous-système suivant, les mots rédupliqués par préfixation sont associés
avec le procédé d’affixation. L’examen du corpus montre que des mots rédupliqués par
préfixation sont associés avec l’affixation.
217
Voir note 196.
219
c) Cas particulier : La réduplication du type mimizy
220
tsorika / tso-n-tsorika. De plus, les mots du type totongana nous a permis de constater
que la réduplication par préfixation fonctionne après l’emploi du préfixe t- pour les
radicaux à voyelle initiale, d’où le parcours morphologique ongana / *t-ongana/ to-
tongana ou bien aro / *t-aro/ ta-taro.
Toutefois, dans mon corpus, figurent des formes comme ririnina « hiver » et
tontolo « tout, tout entier, tous » qui ne correspondent à aucune base malgache. En
effet, pour les mots rédupliqués de ces types, leur base correspondante en malgache
n’existe plus actuellement voire n’a jamais existé ; mais par contre ces bases relèvent
de l’austronésien commun. Ainsi, le mot ri-rinina « hiver, c’est-à-dire, la saison la plus
froide » est à rapprocher de *diŋiN « froid » dans lequel le mot construit ririnina est
obtenu par l’emploi du procédé de préfixation à la base avec changement phonétique de
d en r. De même pour tontolo, il est à rapprocher de *tulut / « entier, sans division »
avec suppression de la terminale *-t qui pourrait être -tra en malgache (Dahl : 1986,
1988, 2003).
Il existe aussi des formes synchroniquement vivantes dans la langue malgache,
mais dans l’état actuel de ma connaissance, je n’arrive pas encore à trouver leur
partenaire respectif. En d’autres termes, il existe dans le corpus des mots rédupliqués
par préfixation mais, jusqu’ici, ces formes n’ont pas de base évidente mais en tout cas,
du point de vue morphologique, on observe bien qu’il s’agit ici des formes à
réduplication par préfixation.
Par ailleurs, il y a des couples de lexèmes dont les deux éléments constitutifs sont
des formes rédupliquées, mais le processus de réduplication mis en jeu dans chaque
mot le différencie. Nous allons présenter ce processus dans la section suivante.
4.1.3.2. Les mots rédupliqués par préfixation dont la base est un mot
rédupliqué lexicalisé
Dans le sous chapitre suivant, je vais présenter les types de réduplication par
préfixation dans les couples où les éléments mis en opposition sont tous des mots
rédupliqués, mais le mot rédupliqué lexicalisé fonctionne et le mot partiellement
rédupliqué est défini comme une forme construite. L’examen du lexique montre que les
mots rédupliqués lexicalisés, puisqu’ils sont devenus lexicalisés, peuvent fonctionner
comme base. Les couples du types tatamo « nénuphar, une plante aquatique dont la
221
fleur est de couleur jaune comme celle de tamotamo » / tamotamo « safran » et lalao =
laolao « jeu » en fait partie (corpus n° 18). Cette section va diviser en deux classes
selon la structure interne des mots rédupliqués par préfixation :
- La réduplication par préfixation fonctionnant sans aucun procédé ni phénomène
morphologique
- La réduplication par préfixation fonctionnant avec procédés et/ ou phénomènes
morphologiques
a) La réduplication par préfixation fonctionnant sans aucun procédé ni phénomène
morphologique
222
-La réduplication par préfixation du type Ca-Base
- La réduplication par préfixation du type CVC-Base
Comme dans le paragraphe 4.13.1, les mots rédupliqués obtenus par l’emploi du
procédé de réduplication par préfixation permet d’avoir le type de réduplication Ca-
Base, dans la mesure où la réduplication est associée avec l’ouverture de la voyelle de
la première syllabe en a. C’est ainsi qu’on a :
ziriziry « positon droite, attente » / jajirika « position droite, attente » où nous
avons une ouverture de la voyelle sous l’accent avec variation de la consonne
initiale z en dz, suivi d’une terminale -ka, d’où le parcours morphologique
ziriziry / *zi-ziri-ka/ *ji-jiri-ka / ja-jiri-ka.
rongorongo (ts, bl) « action de porter des personnes ou quelque chose par
plusieurs personnes » / rarangy « chaise à porteur, c’est-à-dire le pas de
course des porteurs de filanjana exprime aussi l’objet » dans lequel nous
identifions l’ouverture de la voyelle u en a avec une variation postaccentuelle
[┴ú : ┴i], d’où le parcours morphologique rongorongo / *ro-rongo ~*ro-
rongy / ra-rangy.
trevatreva « notion de fouiller la terre avec le groin, les cornes » / tratreva
« action de marcher sans regarder où l’on met le pied, de fouler aux pieds »
Par contre, dans certaines formes rédupliquées, la réduplication par préfixation
est associée avec nasalisation, d’où le type CVC-Base.
223
torotoroka chevêché malgache, minox superciliaris / *to-toroka / to-n-
toroka
224
présence du phénomène de dissimilation218 [a -í] devient [e -í], phénomène
courant dans le lexique malgache, comme dans adokadoka / edikedika avec
[ a -u] devient [e -i] ou bien dans adonadona / edinedina avec [a-u] devient
[e -i].
2) Pour avoir lalahy, on peut partir de la base simple lahy, d’où la-lahy, un mot
rédupliqué du type CV-Base.
3) Cependant, pour viavy et vaiavy : ces deux formes résultent de l’emploi de
procédé de réduplication, mais viavy est un mot comportant une réduplication
partielle et vaiavy, une réduplication totale. C’est qui les unissent, c’est la
chute de la consonne -v-.
Jusqu’ici, ce ne sont que des constats, mais nous pensons que le recours à la
diachronie peut résoudre ce problème morphologique, mais la suite de cette
étude va nous donner des réponses satisfaisantes.
218
La dissimilation est un phénomène de « changement phonique qui apour but d’accentuer ou de créer la
différence entre deux phonèmes voisins » (Dubois, 1973)
225
4.2. La réduplication par suffixation (RPS)
4.2.1. Définition
Sans encore entrer dans les détails, on entend par réduplication par suffixation,
« la répétition d’une partie après l’accent d’une base », plus précisément une syllabe
immédiatement postaccentuelle, qu’on peut présenter comme suit :
CV0 CV1 (CV2) / CV1 base CV0 CV1 - Redsuff (CV2)
Autrement dit, on dit qu’un mot comporte une réduplication par suffixation quand
il y a répétition de la syllabe immédiatement postaccentuelle, comme dans les exemples
suivants :
En malgache :
avo « élevé, haut, éminent » / avo-vo-na « pile, tas »
kibo « ventre » / kibo-bo « nom d’un petit oiseau »
hódina « tournoiement » / hodí-di-na « tour, contour »
En langues autronésiennes :
- Amis (Lu : 2003) :
fuhtsal « blanc » / fuhtsa-htsa-l « très blanc »
kulavaw « souris » / kulava-va-w « petite souris »
kamuraw « arbre du groupe des agrumes » / kamur-mur-a-w « très petit
pomelo »
- Siraya (Adelaar : 2000)
vato « pierre » / vato-to-an « pierreux »
226
- Thao (L. Chang : 1998)
rambak « ouverture de la bouche » / mia-rambambak « complétement
ouverte, comme la bouche quand on est bloqué »
4.2.2.1. La classe où l’un des mots mis en opposition est une base simple
Cette classe regroupe les couples de mots dont l’un des éléments mis en
opposition est une base simple (Corpus n°20). Rappelons qu’on entend par base simple,
un mot qui n’a pas encore subi de processus de répétition morphologique, une base non
marquée par la réduplication. A titre d’exemple, on peut citer les couples suivants : avo
« haut, élevé » / avo-vo-na « pile, tas », kibo « ventre » / kibo-bo « caille, oiseau
remarquable par le volume de son ventre », hodina « tournoiement » / hodi-di-na
« tour, contour ».
4.2.2.2. La classe où l’un des mots mis en opposition est une base complexe
Contrairement à ce que j’ai dit auparavant, une base complexe est un mot qui est
déjà une forme rédupliquée, et que sa réduplication semble être, à l’état actuel de ma
connaissance, difficile à identifier. Autrement dit, les éléments formant couples, étudiés
dans cette classe sont des mots rédupliqués (corpus n°23) dont l’un considéré comme
base est une forme rédupliquée, morphologiquement et sémantiquement lexicalisée et
qu’aucune trace de sa forme simple n’existe plus dans la langue malgache et l’autre une
forme comportant une réduplication par suffixation. On peut citer quelques couples qui
227
justifient ce que je viens de mentionner : bora² « gros, et flasque, mou » / borera
« faible, flasque, mou », bota² « bas, affaissé » / boteta « nain, nabot », botrabotra
« rabougri, chétif » / botretra « puéril »219.
Avant de décrire les mots rédupliqués par préfixation, nous allons présenter quelques
cas qui peuvent être ambigus avec la réduplication par suffixation.
219
La forme simple de botrabotra est attestée à un nom de végétaux : kalabotretraka.
228
*ts-iri-ri > tsiriry. Pourtant, la langue possède déjà ce mot polysémique tsiriry pour
indiquer d’une part un oiseau et d’autre part une plante. Alors face à cette situation déjà
compliquée, la langue a dû recourir à la suffixation de -tra pour les différencier, et cette
suffixation de -tra qui déclenche l’alternance prosodique, d’où ts-ir-ir-itra. Le suffixe
-tra employé au mot tsiriry assume donc une fonction différenciative.
Autrement dit, dans beaucoup de cas, la réduplication par suffixation ne
fonctionne pas seul, mais en combinaison avec d’autres procédés morphologiques, par
exemple la préfixation, la suffixation. A ce radical iry « notion de désirer », il y a
l’emploi du préfixe ts- ~t-, d’où tsiry, car on sait qu’en parler tsi-220 se palatalise en t-
devant la voyelle i, et par la suite, cette forme a pris le suffixée -tra, à valeur péjorative
ou dépréciative, comme dans teny « mot, parole » / teni-tra « mépris, raillerie, c’est-à-
dire, parle ou dit avec mépris », d’où manenitra « mépriser, traiter avec mépris », et
tsiriritra « convoîtise ».
L’examen du lexique malgache montre que ces deux procédés peuvent être
ambigus. Si on prend le mot valalanina : Effectivement, si on regarde formellement ce
mot, on y trouve de répétition de la syllabe finale après l’accent. S’il en est ainsi, il peut
s’analyser en *vala-la-n-ina, une segamentation inacceptable. La base n’est pas
identifiée car en malgache, il n’y a pas de valalana ou bien de valalaka. Cependant,
selon Rajaonarimanana, ce mot peut être expliqué par le procédé de composition. En
effet, valalanina est un mot résultant de la composition de valaka +lany, avec une
chute de la terminale -ka, on obtient *valalany, forme qui n’est plus attestée qu’avec le
suffixe -ina « formatif d’adjectif », et par la suite il devient lexicalisé, comme le mot
harafesina221, d’où valalanina. Bref, la structure de certains mots peut être trompeuse si
on la regarde d’une manière hâtive, mais si on adopte la démarche constructionnelle,
relationnelle basée sur la définition de parcours morphologiques, les problèmes
pourront être résolus. Pour ce faire, nous avons essayé de repérer la base pour que la
description des mots rédupliqués soit complète et acceptable.
220
Pour plus de détails sur l’opposition ti/tsi, voir Dez (1963) et Adelaar (2012).
221
Rajaonarimanana (1995) a expliqué les différents processus de formation des mots en malgache.
229
Dans le paragraphe suivant, nous allons décrire le fonctionnement de la
réduplication dans les éléments constitutifs du corpus, et par la suite nous allons
dégager les différents types de réduplication par infixation dans la langue malgache.
230
a2) Dans les bases radicales proparoxytoniques
Les exemples que nous venons de citer sont des paroxytons mais ce procédé de la
réduplication par suffixation frappe également les radicaux proparoxtytoniques, comme
dans les exemples suivants :
On peut les représenter comme ceci : CVCVbaseCV → CVCVbaseCVredCV
bitika « petit » / bitititka « très petit »
bonaika « calme, doux » / bonenika « paisible, calme, tranquille, doux »
bosaka « notion de verser de l’eau ou des objets » / bosasaka « chute
d’un liquide avec abondance »
bosika « notion de manger beaucoup et à la hâte, notion de dévorer » /
bosesika « notion de fourrer, de pousser en dedans ou en dehors »
dabaka « qui a trop d’eau ou de liquide » / dababaka « plein, débordant »
daboka « chute » / daboboka « chute lourde »
b) La réduplication par suffixation dont la base est une forme simple construite
231
/e : u/ : velona « Vivant, vif, en vie » / vololona « Jeunes feuilles des bananes, des
palmiers, de la canne à sucre, lorsqu’elles sont roulées en spirale au sommet de
la tige »
/e : i/ : préfixation : ainga « Action de soulever » / ts-inganga « état de ce qui est
soulevé d’un côté »
akaiky ~ akeky = akikitra « Proche, voisin, près, auprès »
/i : u/ : tsiky « Action de rire en montrant les dents, sourire » / tokiky et tokaka « Qui
rit aux éclats »
Des fois, ce type de réduplication partielle peut être masqué par d’autres
phénomènes de phonétique combinatoire ou bien dans la mesure où des phénomènes de
phonétique combinatoire peuvent prêter à confusion par des faits de langue susceptibles
d’être identifiés comme réduplication par suffixation. Ainsi, d’après l’étude du corpus,
nous rencontrons le fonctionnement de la réduplication par suffixation avec d’autres
processus morphologiques. De ce fait, nous diviserons cette sous partie en deux : d’une
part, nous allons voir le fonctionnement de ce procédé avec d’autres procédés
morphologiques et d’autres part avec des phénomènes morphologiques.
- La réduplication par suffixation avec une variation consonantique à l’initiale
goma « grand » / koma-ma « fort »
holoka « creux, cave à l’intérieur » / kolo-lo-ka « adroit, rusé »
- La réduplication par suffixation avec alternance au niveau de la terminale
L’alternance des terminales dans la langue malgache est un phénomène courant.
Elle peut être significative, comme dans le couple avo-na « dédain » / avo-tra
« arrachement, extirpation » dans lequel nous avons le sème commun « élévé,
hauteur », mais -na dénote la valeur péjorative, en parlant de caractère, et le degré -tra
exprime l’extirpation. Cependant, dans certains cas, l’alternance des terminales peut
être libre, c’est-à-dire non significative, comme dans le couple vizana = vizaka
« fatigué ». Le couple safotra / safo-fo-ka présente la présence la variation des
terminales non significative.
232
b2) La réduplication par suffixation fonctionnant avec un procédé
d’affixation
L’examen des faits nous permet de constater que les éléments constitutifs d’un
couple ne peuvent pas forcément avoir la même structure organique. En effet, ils n’ont
pas la même structure organique dans la mesure où l’un des éléments est un radical
233
rédupliqué alors que l’autre est une forme simple. De ce fait, on peut déduire que la
réduplication par suffixation peut fonctionner comme intégrateur paradigmatique, en ce
que par le biais de l’emploi de ce procédé de réduplication, la forme rédupliquée peut
se présenter sous forme simple. Ce procédé dénote une valeur sémantique différente
que celle qu’il a dans un radical rédupliqué, conformément au rôle de la morphologie
dérivationnelle. Dans notre corpus, ce procédé peut fonctionner sans aucun procédé ou
phénomène complémentaire d’une part et d’autre part, il peut se combiner avec
d’autres procédés et/ou phénomènes.
234
signification différente de celle de barera, la langue malgache doit recourir à
un phénomène de différenciation pour éviter cette collision homonymique,
d’où barera par l’apparition d’une variation vocalique /u : a/.
horo²/ hararetra
Nous voyons un autre type de variation vocalique un peu complexe que nous
appelons variation vocalique double / binaire u – u > a – a, comme nous
avons dans le mot paratetra.
235
règles grammaticales régissant la suffixation que j’ai déjà exposées auparavant, les
paroxytons à syllabe finale faible, en cas de suffixation subissent une alternance au
niveau de la terminale après chute de la voyelle finale a de cette terminale. Ainsi, le
radical ritra sous la dominance du suffixe –ina déclenche une alternance tr/ t au niveau
la terminale après chute de la voyelle a de suffixation de –ina, d’où ritra + -ina > rit-
ina. Rappelons également que, pour les radicaux paroxytoniques à syllabe finale forte,
l’emploi d’une suffixation ne déclenche aucun changement au niveau de la terminale,
mais il provoque généralement une alternance prosodique, accompagnée ou non d’une
apparition d’un élargissement. Certes, la combinaison de deux unités provoque soit un
phénomène de chevauchement soit l’apparition d’un élargissement. C’est ce qu’on a
dans daka « notion de donner un coup de pied » / daka + ana > dakana où on identifie
le phénomène de chevauchement, contrairement à ce qu’on a dans la combinaison du
radical lafo « notion de vendre » / maha-lafo-s-a « vendre à bon prix, débiter une
marchandise (l’impératif de mahalafo) ». En d’autres termes, l’ajout d’un suffixe ou
élément suffixal au radical paroxytonique à syllabe finale forte entraîne une exclusion
mutuelle de deux phénomènes morphologiques, à savoir : le chevauchement et
l’élargissement.
Toutefois, le comportement morphologique de certains radicaux du type tratra ou
doka, en cas de suffixation présente les contraires de ce que je viens de rappeler. En
effet, tratra « notion de suivre, de poursuivre, notion d’atteindre » est un radical
paroxytonique à syllabe finale faible, car, en cas de suffixation, il y a une variation
phonématique tr/ r, d’où tratra + a « suffixe d’impératif » > trar-a « arrivez », un mot
utilisé dans l’expression du type trara antitra « vivez longtemps, ayez de longs jours,
ou bien un terme respectueux qu’on a employé surtout à l’égard d’une personne
honorable, comme les nobles ». Effectivement, c’est un paroxyton à syllabe finale
faible, car en cas de composition, il y a une chute de la terminale –tra, d’où tratra
« arrivé, atteint, attrapé » + voina « malheur, peine » > tra-boina « sinistrés (litt. arrivé
ou atteint de malheur) » et tratra « arrêté, pris » + tehaka « claquement,
applaudissements » > tra-tehaka « pris en flagrant délit (litt. arrêté + claquement) ».
Toutefois, ce radical tratra, en cas de suffixation de –ina « morphème du passif »,
donne l’impression que tratra est un paroxytons à syllabe finale forte, d’où la forme
verbale inattendue tratrar-ina, au lieu de *trarina, la forme morphologiquement
236
attendue. Pour moi, cette forme inattendue s’explique par la présence d’une
réduplication avant de procéder à la suffixation de –ina, d’où tratra +-ina > *trar-ina >
tratrar-ina. Autrement dit, sous la dominance de la suffixation de –ina, le radical tratra
refait d’abord en *tratratra, forme rédupliquée, d’où tratrar-ina > tratrarina « qu’on
suit, qu’on poursuivit ». Il faut faire remarquer que la raison pour laquelle le radical
tratra devrait recourir à la réduplication n’est pas justifiée jusqu’ici, mais
l’approfondissement de la recherche va donner un éclaircissement sur ce phénomène
linguistique.
Il en est de même pour le radical doka « vanterie, flatterie ». En fait, doka est un
radical paroxytonique à syllabe finale forte, car en cas de réduplication, aucun
changement n’est apparu, et tous les éléments constitutifs de ce mot sont répétés sans
modification d’ordre phonique, comme dans daka / dakadaka, d’où doka / dokadoka.
De plus, en cas de composition, la terminale d’un radical paroxytonique à syllabe finale
forte résiste ; elle ne tombe pas comme dans la composition de doka + varotra >
doka+na+varotra > dokam-barotra « publicité ». Et, en cas de suffixation, selon la
règle morphologique régissant la suffixation, les radicaux de ce type subissent soit une
alternance prosodique sans variation d’ordre phonique, soit une apparition d’un
élargissement. C’est ainsi qu’on a d’une part une alternance prosodique dans la
suffixation de –ana aux radicaux sasa et daka, d’où sasa + -ana > sasana et daka +
-ana > dakana222, et d’autre part, une apparition d’un élargissement comme dans la
suffixation de –ana au radical dimby « successeur », dimba-s-ana > dimbasana « à qui
on succède » ou dans la suffixation de –ina au radical fehy « notion de lier », fehe-z-ina
> fehezina « qu’on lie ». Certes, les élargissements peuvent être consonantiques,
comme –s- dans ray / rai-s-ina, -v- comme tia / tia-v-ina mais ils peuvent être
également syllabiques, comme on a be « notion d’agrandir » / be-áz-ina, vidy « notion
d’acheter » / vidi-án dans la forme relative i-vidi-án-ana ou fidy « notion de choisir » /
fidi-án dans le nom déberbatif fifidianana < *f-i-fidi-an-ana « éléction », mais jamais,
un élargissement *–f-.
222
Dans le verbe dakana, un phénomène de chevauchement apparaît du fait que la voyelle a du radical daka
et celle du suffixe –ana se chevauche, comme dans sasa +-ana > *sasaana > sasana, d’où daka+-ana >
*dakaana > dakana.
237
Or, la suffixation de –ana au radical doka ne suit pas cette règle. En effet, la
forme morphologiquement attendue serait *dokana, mais au lieu de *dokana, la langue
dispose la forme verbale dokafana « qu’on flatte, qu’on vante ». Cette forme peut
s’analyser en doka-f-ana où on identifie le radical doka, le segment –f- et le suffixe
–ana. Le problème dans cette forme est donc la présence du segment –f-. A première
vue, on peut dire qu’il s’agit d’un élargissement consonantique –f-, mais le problème
c’est que, cet élargissement223 n’existe pas dans la langue malgache. Pourtant,
l’élément –f- peut être la variante des terminales –ka ou de –tra des radicaux en cas de
suffixation ou de circumfixation. C’est ainsi qu’on a laoka « nom générique des mets »
/ f-ilao-f-ana « l’action de manger le riz avec accompagnement de mets » où la
terminale –ka du radical s’alterne avec f, et tototra « comblé, recouvert, plongé dans » /
totof-ana « qu’on couvre, qu’on comble » dans lequel la terminale –tra du radical
s’alterne avec f. Par conséquent, pour expliquer la structure morphologique de doka en
cas de suffixation, on peut avancer l’hypothèse selon laquelle doka doit subir une
réduplication de la terminale avant de procéder à une suffixation, d’où doka > *dokaka
/ dokaka-ana > dokaf-ana. Effectivement, la raison pour laquelle doka devrait recourir
à la réduplication avant l’affectation d’un affixe postposé c’est d’éviter l’homonymie
de deux formes verbales : dokana1 « qu’on commence à percer pour la mine » du
radical doka1 « notion de commencer au marteau un trou pour la mine » et *dokana2
« qu’on flatte, qu’on vante » du radical doka2 « vanterie, flatterie ». Bref, doka2 refait
en *dokaka, forme avec réduplication, suite à l’emploi d’un suffixe ou d’un élément
suffixal, d’où dokafana « qu’on flatte, qu’on vante », andokafana « forme relative de
mandoka », fandokafana « flatterie, vanterie », etc. Ainsi, un exemple analogue à celui
de doka est constaté : le cas du radical *tseka > tsaika « notion de trier le riz, les
grains ». En effet, tsaika est un radical paroxytonique à syllabe finale faible, d’où la
réduplication tsaitsaika dans laquelle on identifie la chute de la terminale –ka. Par
conséquent, le comportement de ce radical en cas de réduplication permet d’avoir une
supposition, une conclusion selon laquelle la forme attendue pour ce radical en cas de
suffixation serait *tseh-, d’où *tseh-ina. Or, ce n’est pas le cas, car la forme résultant
d’une suffixation de –ina au radical *tseka > tsaika est tsaika-f-ina « qu’on trie, qu’on
223
Certes, le travail de recherche de Rakotoarimanana : 2006 sur l’élargissement inflexionnel du malgache a
montré qu’il n’y a pas d’élargissement –f-.
238
choisit », dans laquelle on a déduit que la suffixation de –ina demande une
réduplication de la syllabe –ka, comme baka / baka-ka, d’où *tseka > tsaika /
*tsaikaka/ tsaika-f-, et que –ka s’alterne avec f, comme dans doka/ *dokaka/ doka-f-.
Le segment –f- ne se définit pas comme un élargissement, mais il est une variante de
–ka en cas de suffixation.
En résumé, dans ce sous chapitre, j’ai essayé de décrire le fonctionnement de la
réduplication par suffixation dans le lexique malgache, un type de la réduplication
existant en malgache. On a pu dégager que la réduplication par suffixation peut
fonctionner d’une part de façon autonome, et d’autre part, elle fonctionne avec d’autres
procédés et phénomènes morphologiques. D’après les données fournies, les éléments
mis en opposition ne sont pas forcément la même structure organique, dans la mesure
où les mots rédupliqués obtenus par l’emploi de ce processus morphologique à des
mots de la même structure. Dans ce cas, certains mots rédupliqués résultent de l’emploi
de la réduplication par suffixation aux radicaux simples et dans d’autres cas, les mots
rédupliqués sont les résultats de l’emploi de la réduplication par suffixation aux
radicaux déjà rédupliqués. Seulement, la typologie de ces deux mots rédupliqués mais
en opposition n’est pas la même. En outre, dans la majorité des cas, le procédé de
réduplication s’inscrit dans le niveau dérivationnel de la morphologie dont les valeurs
sémantiques restent à déterminer. Pourtant, d’après ce que j’ai évoqué, la réduplication
par affixation peut intervenir également dans le fonctionnement de l’affixe flexionnel,
mais sa présence est masquée par l’apparition d’une alternance consonantique.
Dans le troisième sous chapitre, je vais aborder le fonctionnement de
réduplication par infixation dans le lexique malgache, un autre type de la réduplication
qui fait partie de la réduplication partielle.
224
Broselow et McCarthy, 1983, A theory of internal reduplication, The Linguistic Review (25 -88)
239
réduplication, par la suite, l’identification des éléments comportant la réduplication par
infixation, et elle va se terminer par la description du fonctionnement de ce procédé
dans le but de dégager les différents types dudit procédé.
4.3.1. Définition
Voici quelques exemples des mots rédupliqués par infixation dans d’autres
langues et aussi dans la langue malgache :
Les exemples dans d’autres langues sont tirés du Broselaw et McCarthy : 1973, et
d’après eux, la réduplication des ces mots assure une valeur grammaticale « la
pluralité ». Ainsi :
En Arabe levantine225 :
bah-b-as « des personnes recherchés » / bahas « une personne
recherchée » où il y a une réduplication consonantique
laf-l-af « envellopés » / laff « envellopé »
En Washo226
d-am-am-al « ententes » / damal « entente»
b-in-in-il « essais » / binil « essai »
t-an-on « peuple »/ t’anu « une personne »
En Samoan227
225
C’est un dialecte arabe parlé sur la côte méditérannéenne orientale de la Syrie, du Liban et de la Jordanie.
226
Washo est une langue hokane, parlée aux Etats-Unis, en Californie et au Nevada dans la région de la
Tohoe
227
Samoan est une langue de la famille austronésienne, notamment une langue polynésienne, parlée dans les
Îles de Samoa
240
h-ar-ar-o « jours » / haro « un jour »
h-ar-ar-i « fonctionnements » / hari « fonctionnement »
h-il-il-o « voyants » / hiro « voyant »
En malgache :
r-ór-ona « notion de déroger, de s’abaisser, notion de descendre » / rona
(Mlz) « notion de fléchir ».
b-an-an-áka « état de ce qui est grandement ouvert » / banáka « état de la
porte qui est grandement ouverte »
b-on-on-óka « paisible, calme » / bonóka « notion de se tapir »
p-ar-ar-áika = Paráika « éparpillement du haut en bas »
228
Ramilison, 1998, La réduplication par infixation, in Raki-pandinihana, FLSH, Antananarivo
241
hafatrafatra relève de la réduplication par infixation, car, selon lui, ce mot s’analyse en
ha-fatra-fatra dans lequel le segment –fatra- s’insère entre la base hafatra. Pourtant, du
point de vue phonématique, l’infixe malgache, comme dans la plupart des langues
austronésiennes, est constitué d’une voyelle suivie d’une consonne dans cet ordre,
comme –om- (mlg) ~ -um- (ind), et pas l’inverse, d’où les formes infixées en malgache
s-om-ary229 (adala) « un peu (fou) » / sary « image » ou t-om-any « qui pleure (v.st) » /
tany « pleurer » d’une part et d’autre part les formes sulat « écriture » / s-um-ulat
« écrire ». Donc, conformément au statut phonématique des infixes, nous essaierons de
respecter cette structure à moins qu’il y ait des exceptions, des entorses à ce principe.
Mais, avant de déterminer les différents types de mots rédupliqués en malgache,
nous évoquerons quelques problèmes d’identification pour éviter des ambiguïtés.
229
Selon Rajaona (1977, 2004), somary et misary viennent du même radical sary, mais somary s’oppose à
mi-sary par la présence respective du l’infixe –om- « action ou état non volontaire » et du préfixe mi-
« action ou état volontaire ». C’est ainsi que somary adala izy « il est un peu fou » est différent de l’énoncé
misary adala izy « il fait semblant d’être fou ».
242
consonne initiale de la base, comme nous avons dans l’infixation de –om- ou de –in-
dans un radical. Dans la majorité des cas, l’accent, dans une forme rédupliquée par
infixation, se trouve sur l’avant la dernière syllabe, comme nous avons dans k-or-or-
ósy, b-an-an-áka ou bien j-in-in-ika. Mais dans d’autres cas, nous avons constaté que
l’emploi de la réduplication par infixation entraîne un déplacement de l’accent vers la
gauche, comme dans les mots rédupliqués du type r-or-ona, t-at-aka, r-or-oka. En fait,
cette position accentuelle rend la description morphologique plus difficile. En effet, si
nous regardons la structure r-ór-ona, nous ne pensons jamais que ce mot est une forme
construite résultant de l’emploi du procédé de réduplication par infixation. On peut dire
qu’à première vue, ce mot comporte un infixe –or-, mais si nous regardons de près,
l’élément –ór- ici est accentué, donc l’infixation de –or- n’est pas acceptable. Face à
cette situation, la seule explication qu’on pourrait donner pour la structure
morphologique des mots du type rórona est la suivante : rórona est un mot rédupliqué
par infixation, et que cette réduplication déclenche un déplacement de l’accent vers la
gauche, d’où rona / *r-or-óna / r-ór-ona. Ce déplacement de l’accent vers la gauche
permet aussi d’intégrer l’affixe dans la structure organique du mot qui devient un mot
indécomposable comme on peut le voir aussi dans les adjectifs de couleur préfixés de
ma- en malgache officiel : mainty « noir » < ma-ínty, maitso « vert » < ma-ítso.
(Rajaona : 1977 et 2004)
De plus, notons que le problème de la prosodie au niveau de la réduplication n’est
pas traité d’une manière détaillée dans cette étude, car cela peut constituer un autre
sujet ; mais en cas de besoin, on doit l’expliquer d’une manière générale. La position
des problèmes morphologique de la sorte requiert la présentation d’un parcours
morphologique des mots à analyser.
230
Dubois, 1973 : 138.
231
Grammont, 1956 :336.
243
- rovitra « usé, déchiré » / voritra « lambeau, chiffons » et roporopy = poripory «
pauvreté » dans lesquels on identifie respectivement la métathèse consonantique
[r-v > [v-r] et [r-p] > [p-r] et dans
- fakofako =fokafoka « ordure » et fatrofatro = fotrafotra « dodu, gros et gras » où
nous avons la métathèse vocalique [a-u] > [u-a].
Certes, l’analyse formelle des mots du type bolaly pose un problème d’ordre
morphologique car ce phénomène de métathèse pourrait cacher la structure de la
réduplication par infixation. En effet, à première vue, on pourrait penser, d’une part,
que bolaly s’analyse en b-ol-aly ou en bola-ly, dans lesquels on peut identifier
respectivement le radical *baly et le radical *bola. Malheureusement, le radical baly
n’existe pas en malgache, tandis que bola est attesté dans les mots composés du type
ilabolantany « hémisphère », mais du point de vue sémantique, le rapprochement est
impossible. D’autre part, on peut faire le rapprochement de bolaly « glissade, écart » et
du radical bila « éccart ». En effet, bolaly peut s’analyser en b-ol-aly dans lequel on a
une réduplication par infixation. Du point vue sémantique, ce rapprochement est
acceptable, mais de point de vue morphologique, cette segmentation peut être difficile
à accepter sans identification du phénomène de métathèse [i –a] > [a-i], et de la
dissimilation232, d’où bila / b-il-ila > b-ol-ila / bolaly « écart, glissade ». En d’autres
termes, certains mots rédupliqués par infixation possèdent des parcours
morphologiques un peu complexes, et cette complexité rend la détermination de ce type
de réduplication plus difficile.
232
La dissimilation est un phénomène de « changement phonique qui a pour but d’accentuer ou de créer la
différence entre deux phonèmes voisins » Dubois (1973 : 160). Généralement, ce phénomène de
différenciation apparaît après l’emploi d’un infixe, comme dans bitika / b-il-itika ~b-ol-it-ika « petit,
miniscule ».
233
Dans cette étude, j’ai utilisé le terme « suffixe interne » au lieu de « interfixe ». Mais je vois bien que le
terme interfixe est une terminologie adéquate pour exprimer ce procédé.
244
on peut identifier respectivement les éléments –ngo- et –no-, s’insérant après l’accent et
avant la dernière syllabe des radicaux ratra « blessure » et raika « inclinaison ».
En effet, cet élément nouveau a été baptisé « interfixe » par le fait qu’il se
comporte comme un suffixe, malgré son point d’insertion dans les lexèmes. En
principe, « si le radical se termine par –ka, -tra, -na, la langue ne peut plus employer
les suffixes habituels, elle a alors recours à un procédé, consistant en l’emploi d’un
segment doué de sens, s’insérant après l’accent et avant la syllabe finale ».
L’examen du lexique montre que l’identification de la réduplication par
infixation, dans certains lexèmes peut être confondue à ce processus particulier.
Prenons l’exemple de piriritra « jaillissement d’un liquide comme par le tuyau » : la
question est donc de savoir si piriritra est une forme obtenue par l’emploi d’un
interfixe ou d’une réduplication par infixation au radical pika « notion de jaillir ». En
effet, la structure de piriritra est complexe, et que ces deux hypothèses sont possibles,
mais puisque la réduplication est plus productive, plus connu dans le lexique, c’est
plutôt acceptable de considérer que ce mot comporte une réduplication par infixation,
comme dans jininika, patsitsitra. D’ailleurs, la réduplication par infixation se distingue
du procédé d’interfixe par l’ordre des phonèmes constitutifs. En effet, l’interfixe en
malgache, s’il s’agit d’un morphème syllabique, est constitué d’une consonne suivie
d’une voyelle dans cet ordre (ra-ngo-tra / ratra, re-no-ka / raika), tandis que dans la
réduplication par infixation, contrairement à l’interfixe, l’élément répété est composé
d’une voyelle suivie d’une consonne dans cet ordre (j-in-in-ika, k-or-or-osy.).
245
dans la plupart des dictionnaires, la place de l’accent n’est pas généralement marquée,
or pour les deux mots qui ont la même constitution phonématique mais qui n’ont pas la
même structure prosodique, c’est plutôt l’accent qui assume cette fonction distinctive.
De ce fait, on ne connaît pas, par exemple, s’il s’agit de tsóntsona ou de tsontsóna ou
bien est-ce que ces deux mots peuvent exister dans le lexique malgache. Ainsi, pour
faire face à ce problème, on devrait recourir aux locuteurs pour leur demander si ces
mots existent ou non.
D’après l’analyse des éléments du corpus (Corpus n°26), comme les autres types
de réduplication par affixation, le fonctionnement de la réduplication par infixation se
répartit en deux, à savoir :
- la réduplication par infixation fonctionnant avec un déplacement régressif
de l’accent
- la réduplication par infixation fonctionnant en combinaison avec d’autres
procédés et / ou phénomènes morphologiques connexes
246
que par la présence de la réduplication par infixation avec déplacement de l’accent
vers la gauche et le deuxième sous-système contiendra les couples dans lesquels le
fonctionnement de la réduplication par infixation est en combinaison avec d’autres
procédés et/ou phénomènes morphologiques, sans oublier que le procédé de base est
toujours ce type de réduplication. Par la suite, chaque sous-système se repartira à son
tour en microsystèmes selon la structure morphologique des éléments constitutifs de
chaque couple.
247
la langue dispose au moins de trois processus, à savoir, l’emploi des terminales –ka, -
tra, -na (lasa = lasana « parti », l’emploi d’un interfixe dérivationnel (ditra = di-la-tra
« limon, terre humide ») et l’emploi de la réduplication par infixation (jona « solitaire,
unique, seul » / jonjona « arrogance, fierté »). Par ailleurs, on sait que le principe de la
stabilité n’est pas toujours respecté, car il y a toujours des entorses dans les faits de
langue. Concernant le fonctionnement de la réduplication par infixation, les formes
comportant ce procédé morphologique peuvent subir des variations morphématiques ou
morphologiques. Ce processus sera l’objet du paragraphe suivant.
Cette deuxième classe rassemble les mots comportant une réduplication par
infixation combinée avec d’autres procédés et/ ou variations morphologiques, sans
oublier le déplacement de l’accent vers la gauche. Sans vouloir distinguer les procédés
des phénomènes, les mots rédupliqués intégrés dans ce système peuvent se diviser à
leur tour en trois catégories, à savoir :
- La réduplication par infixation avec suffixe nasal
- La réduplication par infixation avec variation au niveau de la terminale
- La réduplication par infixation avec apocope (chute de la terminale)
248
J-á(n)-j-ana « ébranler, tailler, abattre à coup de sabre » / jána (Wb) « notion de
couper la tête d’u bœuf »
K-á(n)-k-ana = kána (Wb) « nom d’une espèce de ver »
T-á(n)-t-ana « notion de prendre en main, fig. Administrer » / tána (Wb)
« notion de tenir »
234
Rajaona, 1977, 2004, Andrianasolo (1974) et Randriamahazo (1988)
249
formes simples par l’emploi de –na et de –ka, d’où dodo-na « pressé, empressé, ardent
» et dodo-ka « pressé, qui a hâte de ».
Il en est de même pour soso2 « empressement, hardiesse, notion de se faufiler,
d’entrer, de se glisser avec effronterie, avec audace », mot rédupliqué lexicalisé, par
l’emploi de –na ou de –ka, intégrateurs paradigmatiques, on obtient les formes simples
soso-na et soso-ka. Un dernier exemple pour illustration, ria-tra « qui est parti, qui
s’est enfui » et ria-na « cascade, eau des cascades rapides » peuvent être rapprochés du
mot rédupliqué lexicalisé riaria « rôder, marcher de côté et de l’autre ».
235
Le radical taka peut former deux mots par réduplication par infixation, ce doublet se distingue par une
variation significative au niveau de la terminale, d’où taka / tataka « fendu » et tatatra « rigole, canal des
rizières ».
250
sósona236 « mettre en second rempart » (Wb), mais « doublure, le double »
(Mlz) / sóka « notion de s’approcher, de plonger » (Mlz).
Jusqu’ici, les exemples cités confirment que les infixes malgaches tant au niveau
flexionnel qu’au niveau dérivationnel sont formés d’une voyelle suivie d’une consonne
dans cet ordre. Ainsi, en morphologie flexionnelle, le malgache possède les infixes –
om- « statif » comme dans tany « action de pleurer » / t-om-any « pleurer », -in-
« passif accompli » comme dans vaky « action de casser, de fendre, d’entailler » / v-in-
aky « cassé, fendu, entaillé », -if- « réciproque » comme dans mamaly « répondre » / m-
if-am-(v)aly « répondre l’un à l’autre », -amp- « causatif » comme dans mianatra
« étudier, apprendre » / m-amp-i-anatra « enseigner ».
236
L’existence de sosona et sosoka dans le lexique malgache montre que la variation de la terminale peut
être significative, comme celle dans tataka et tatatra.
237
On peut aussi penser le processus inverse. Dans ce cas, on part de la base rédupliqué fefy, par exemple,
pour arriver à fetra, d’où le parcours morphologique fefy / *fe/ fetra.
251
Au niveau dérivationnel, nous pouvons citer les infixes –ar-, -ol-, -on- comme
dans les exemples respectifs kepoka « bruit de ce qui est écrasé sous la dent » / k-ar-
epoka « bruit sonore de ce qui craque sous la dent », bitika « petit » / b-ol-itika « très
petit », ketaketa « pleurs des enfants » / k-on-etaka « plaintes ».
4.3.3.2. La classe où les mots rédupliqués par infixation fonctionnent dans une
base construite
L’étude de notre corpus montre que la structure de certains mots construits par la
réduplication par infixation doit préserver le caractère normal des infixes dans la
langue malgache, comme dans plusieurs langues de la famille austronésienne. Dans le
paragraphe précédent, la réduplication par infixation fonctionne dans des bases
radicales, mais dans le présent paragraphe, elle fonctionne dans des bases construites.
D’après l’analyse morphologique du corpus, ces mots construits se distinguent par
leurs parcours morphologiques.
Selon leurs structures internes, on peut regrouper les mots rédupliqués dans cette
classe en quatre catégories :
- La réduplication par infixation dans des formes résultant de l’emploi d’un
suffixe fort comme intégrateur paradigmatique
- La réduplication par infixation fonctionnant dans les formes trissyllabiques
- La réduplication par infixation du type kararáoka
- La réduplication par infixation fonctionnant avec harmonie vocalique
Il convient de rappeler que les radicaux rédupliqués sont dits radicaux secondaires
lorsqu’ils résultent de l’application de procédé morphologique exigeant une forme
rédupliquée, contrairement aux radicaux rédupliqués primaires. Grâce à un processus
morphologique, une forme simple devient une forme rédupliquée, appelée radical
rédupliqué secondaire.
252
A titre d’exemples, les radicaux suivant font partie de ce type des radicaux : (s-
ana)² « état de la bouche grandement ouverte » / « essoufflé », (p-ory)² « pauvreté » /
ory « affligé, pauvre, malheureux ».
Ces exemples sont tous des radicaux rédupliqués secondaires obtenus par l’emploi
d’un préfixe qui exige une forme rédupliquée. Ainsi, si on prend le cas de (s-ana)², on
y identifie le préfixe s- qui nécessite l’emploi d’une forme rédupliquée, contrairement
au préfixe s- dans le mot construit s-ava. Ce fonctionnement de certains affixes donne
naissance à des radicaux rédupliqués secondaires. De plus, l’étude morphologique du
lexique permet de constater que les radicaux rédupliquées secondaires peuvent être
réduits par l’emploi d’un suffixe, appelé suffixe fort, un suffixe qui déclenche une
alternance prosodique. Ainsi, par emploi du suffixe fort –ka, le radical rédupliqué
secondire (s-ana)², on obtient la forme simple saná-ka « état de la bouche ouverte,
comme celle qui est ébahi, qui regarde bêtement ». C’est ce qu’on a dans le
rapprochement du radical rédupliqué secondaire (d-ana)² et sa forme simple daná-ka.
Autrement dit, les mots construits par réduplication par infixation sur la base d’un
radical rédupliqué secondaire doivent admettre le fonctionnement d’un suffixe fort en
tant que « intégrateur paradigmatique » avant de procéder à la réduplication par
infixation.
A titre d’exemples, on peut citer :
bananáka « état de ce qui est grandement ouvert » / banáka « état de la porte
qui est grandement ouverte »
tananáka comme dananáka « sans souci, imbécile » / tanáka « qui reste la
bouche béante de surprise, d’étonnement ou de bêtise » / (t-ana)² / ana
dananáka « Sans souci, imbécile » / danáka « état de tout ce qui ouvert en
grand, comme les portes et les croisées » / (d-ana)² / ana
vaniníka « notion de montrer les dents, soit en riant, soit de colère » / vaníka
« action de montrer les dents, soit en riant soit en colère » / (v-any)² / *any.
253
Les parcours morphologiqes de ces couples peuvent se présenter comme suit :
Radical base1 Forme rédupliquée Forme avec suffixe fort Forme rédupliquée
avec préfixation –ka « intégrateur par infixation
paradigmatique »
ana (b-ana)² banáka b-an-an-áka
ana (t-ana)² tanáka t-an-an-áka
ana (d-ana)² danáka d-an-an-áka
*any (v-any)² vaníka v-an-in-íka
Pour revenir à notre sujet, la réduplication par infixation peut intervenir dans ces
formes simples obtenues par l’emploi d’un suffixe fort qui joue le rôle d’un intégrateur
paradigmatique.
Ainsi, le mot sananáka « Etat de la bouche grandement ouverte » se définit
comme une forme résultant de l’emploi de la réduplication par infixation à la forme
sanáka « état de la bouche ouverte, comme celle qui est ébahi, qui regarde bêtement ».
254
C’est ce que nous avons dans les couples :
bononóka238 « paisible, calme » / bonóka « notion de se tapir » : Dans ce couple,
nous y identifions la reprise de la syllabe -on-, et formellement, son
fonctionnement donne une nouvelle forme paroxytonique quadrisyllabique
bononóka.
kororósy « glissoire, dégringolade » / korosy « glissement d'une chose poussée »
dans lequel on y identifie la répétition de la syllabe -or- s’insérant après la
consonne initiale.
pasasáka « notion de couler en répandant en nappe » / pasáka (Wb)
Dans ce couple, la réduplication par infixation se réalise au niveau de la syllabe
-as- pour former un nouveau mot dans un même champ notionnel.
238
En malgache, il existe bononóka (mangahazo bononóka « mode de cuisson du manioc, trempé dans l’eau
de rivière 3 ou 4 jours avant de le faire bouillir à l’eau, entier ou en gros morceau »
255
c) a réduplication par infixation d’un mot déjà infixé du type karáoka
Les mots rédupliqués du type kararáoka figure aussi dans cette classe car sa
structure morphologique semble complexe. Dans le microsystème précédent, les
formes de base sont trissyllabiques ayant une structure paroxytonique. Mais le présent
microsystème, les formes de base sont déjà quadrisyllabiques, mais elles seront
composées de cinq syllabes dans leurs formes construites.
Les exemples suivants illustrent le fonctionnement de la réduplication par
infixation :
kararaoka « bruits des fruits qu’on froisse » / karaoka « bruits des pierres, des
feuilles qu’on froisse »
konanáika « gémissements ; pleurnicheries des enfants » / konaina ou konaika
« cris, gémissement ; pleurs des enfants »
pararáika = Paráika « éparpillement du haut en bas »
tsololóaka « hardiesse, imprudence » / tsolóaka « entrer brusquement sans
permission »,
d’où la présentation de parcours morphologiques suivante :
256
Les exemples suivants illustrent ce processus complexe :
fantsitsitra = patsitsitra « jaillissement d’un liquide »
fololótra « continuité d’une action, comme la marche ; la direction du vent »
/ pololótra = pororótra « continuité d’une action, comme la direction du
vent »
gararána « écoulement de l’eau » /gororóana « bruit de l’eau qui coule »
jananaika = jininíka =jononóka « chute continue, régulière et abondante »
pararátra et pararáka /parirítra /pirirítra « chute, jaillissement de l’eau qui
sort d’un tuyau, du sang qui sort d’une veine »
pororoatra « débordement, notion de partir ensemble »
sononóka « mouvement de la barque qui glisse doucement »
tsananáka /tsininíka /tsononóka « écoulement, ruissellement, comme de
l’huile, de la graisse » / tsonika
tsororóka et tsororóaka « couler abondamment »
239
Rabeliarison, 2001, Les radicaux lexicalement rédupliqués structurés par le procédé d’alternance
vocalique dérivationnelle, Mémoire de Maîtrise, FLSH, Université d’Antananarivo.
240
Le radical sonika n’existe pas dans le lexique malgache, mais par contre, il apparait sous la forme
construite par l’emploi de la réduplication par suffixation, d’où sonika / sonénika « mouvement régulier »
241
Même si le radical reste hypothétique pour tsotsoroka, la forme tsotsorika, mot construit par
réduplication par préfixation existe dans le lexique malgache.
258
formes construites issues de formes de base rédupliquées. Par conséquent, on peut dire
que, dans ce microsystème, la réduplication par infixation exige la présence d’un
intégrateur paradigmatique, d’où galagala/ *gala> galá-ka / g-al-al-aika.
C’est ainsi qu’on a :
galagala « état de ce qui est long » / *gala/ g-al-al-aika > galalaika
« long et mince » / »
horokoroka « notion de vanner le riz » / *horoka / k-or-or-oka « bruit
d’une chute d’eau ou du riz qu’on vanne »
Bref, ce sous chapitre 4.3 nous a permis de présenter ce qu’est une réduplication
par infixation dans la langue malgache. Les mots rédupliqués figurant dans ce système
sont des mots dans lesquels il y a une reprise de la syllabe composée d’une voyelle
suivie d’une consonne dans cet ordre s’insérant à l’intérieur d’un mot. Pour la
présentation, les mots rédupliqués sont divisés en trois classes, à savoir : Classe 1 : La
réduplication fonctionne dans une base radicale. Dans cette première classe, nous avons
traité la réduplication par infixation fonctionnent sans aucun autre procédé
supplémentaire, suivi d’une étude de la réduplication par infixation avec procédé et / ou
phénomène morphologique, comme l’infixe nasal, la variation au niveau de la
terminale, l’apocope. Dans la classe 2, La réduplication fonctionne dans une base
construite. Dans ce microsystème, certains mots rédupliqués admettent quelques
interventions ou opérations linguistiques avant de procéder à la réduplication par
infixation. De ce fait, nous avons déterminé, successivement les mots rédupliqués
résultant des formes obtenues par l’emploi d’un suffixe fort jouant le rôle d’un
intégrateur paradigmatique, ensuite la réduplication des mots trissyllabiques, la
réduplication d’un mot déjà infixé du type kararaoka et enfin la réduplication
comportant une harmonie vocalique. La troisième et dernière classe de la réduplication
par infixation fonctionne dans une base lexicalisée.
259
En conclusion dans ce chapitre 4, les mots partiellement rédupliqués ont été
étudiés. Sur le plan formel, la réduplication partielle consiste dans la répétition d’une
partie de la base, mais les points d’insertion et la nature de l’élément à insérer
permettent de déterminer les trois types de réduplication partielle, à savoir, la
réduplication par préfixation, la réduplication par suffixation et la réduplication par
infixation. En effet, sur le plan formel, l’élément répété dans la réduplication par
préfixation est formé d’une consonne suivie d’une voyelle dans cet ordre comme dans
lo-loha/loha. Il est placé toujours avant la base. La réduplication par préfixation
fonctionne avec ou sans procédés et/ou phénomènes morphologiques.
Quant à la réduplication par suffixation, elle consiste en la répétition de la syllabe
postaccentuelle d’une base. Conformément au statut morphématique d’un suffixe,
l’élément répété est constitué d’une consonne suivie d’une voyelle dans cet ordre
comme dans hodi-di-na/ hodina. L’examen des comportements morphologiques, des
mots rédupliqués par suffixation a permis d’avancer que ce type de réduplication
fonctionne aussi avec ou sans variations d’ordre morphologique.
Enfin, la réduplication par infixation consiste en la répétition d’un segment,
morphématiquement syllabique, qui s’insère à l’intérieur d’une base radicale ou
construite. Suivant le statut formel d’un infixe, l’élément redoublé doit être constitué
d’une voyelle suivie d’une consonne dans cet ordre, comme dans k- or-or-os/ korosy.
Par ailleurs, dans la présentation des éléments constitutifs du corpus pour cette
étude, nous avons souligné que nous allons aussi relever des mots rédupliqués dans les
langages non conventionnels. La structure morphologique des mots rédupliqués dans
les langages non conventionnels est intéressante à étudier. En effet, selon son statut, le
lexique des langages non conventionnels reste toujours à l’oral, mais il contribue à
l’enrichissement des vocabulaires utilisés dans la vie quotidienne. De plus, les mots
dans les langages conventionnels sont des créations faites par les locuteurs, suivant
intentionnellement les procédés morphologiques existants. De ce fait, l’objet du
chapitre suivant, c’est-à-dire le chapitre 5 sera la description formelle des mots
rédupliqués dans ces langages non conventionnels.
260
CHAPITRE 5 : LA REDUPLICATION DANS LES LANGAGES
NON CONVENTIONNELS
Dans ce chapitre, l’étude se concentre plus spécifiquement sur la réduplication
dans les langages non conventionnels. Mais avant d’aborder ce sujet, il sera préférable
de définir d’abord le concept de base : « langages non conventionnels ». En effet, le
mot « convention ou conventionnel » présente une certaine ambiguïté terminologique
car il peut correspondre à des concepts différents, et c’est pourquoi, la définition
conceptuelle est indispensable. Il faut rappeler aussi que, pour ce sous chapitre, le
corpus à étudier constitue des données orales. Par conséquent, je vais présenter les
différentes méthodes adoptées pour la constitution de ce corpus.
242
Lyons, 1970, Linguistique générale : Introduction à la linguistique théorique, Paris, Larousse.
243
Dubois et alii, 1973, Dictionnaire de linguistique, Paris, Larousse.
244
Saussure, Ferdinand, 1976, Cours de linguistique générale, Paris, Payot.
261
D’après Ferdinand de Saussure lui-même, la langue fonctionne selon le principe
de l’arbitraire, et la classification des langues245 du monde dépend de la limitation de
cet arbitraire. Mais, ce concept saussurien de « convention » ne fait pas vraiment
l’objet de cette étude.
En revanche, les langues, depuis l’invention de l’écriture, se répartissent en deux
catégories, selon son mode d’utilisation : la langue orale et la langue écrite. La langue
orale est une langue qui n’est pas encore écrite, mais qui est seulement parlée tandis
que la langue écrite est une langue qui est déjà écrite et aussi parlée. En parlant de
statut juridique, les langues se répartissent en langue standard ou officielle et en langue
nationale. On entend par langue officielle ou standard, la langue utilisée dans tout acte
dit « officiel », entre autres, textes juridiques, journal officiel et aussi langue utilisée
dans l’enseignement. Toutefois, une langue nationale est une langue maternelle des
locuteurs et elle n’est pas forcément une langue officielle d’un pays.
En se basant sur cette définition, on entend par langages non conventionnels246,
langages d’un usage courant mais n’ayant pas encore le statut de la langue standard ou
officielle. Autrement dit, les langages non conventionnels désignent tous types de
langage dont le fonctionnement ne suit pas jusqu’ici les règles grammaticales établies
par convention. En d’autres termes, les langages non conventionnels regroupent les
formes verbales recueillies qui ne font pas partie des langages normés et qui ne sont pas
des langues dites « officielles ». Ainsi, le mot midororororo « sot, nigaud, état de
quelqu’un qui est déconcentré » n'est pas attesté dans les dictionnaires référencés, mais
pourtant c’est un terme vivant, employé depuis l’année 2009 par la plupart des
malgaches. Je considère ce type de mot rédupliqué comme faisant partie des langages
non conventionnels.
245
Saussure parle de la bifacialité du signe linguistique, en ce que le signe linguistique a deux faces :
signifiant et signifié. D’après la répartition des langues basée sur le principe de l’arbitraire du signe, elles se
répartissent en deux types : les langues lexicologiques et les langues grammaticales. Une langue est dite
lexicologique si les unités lexicales se créent et fonctionnent d’une façon autonome et pourtant, elle est dite
grammaticale si les unités lexicales se créent et fonctionnent microsystèmes régis par des règles de
dérivations.
246
Sambo, Clément, 2001, Langages non conventionnels à Madagascar, Argot des jeunes et proverbes
gaillards, Inalco- Karthala
262
5.1.2. Constitution de corpus
Des recherches247 sont déjà entreprises sur les noms de personne en malgache,
mais elles sont accentuées plutôt sur le plan du signifié, c’est-à-dire la signification des
noms de personnes en malgache que sur l’emploi du signifiant, leur structure.
Randriambololona (2014) a expliqué que les noms de personne, en malgache, sont
donnés suivant « les caractéristiques physiques de la personne à nommer, de la position
des astres le jour de sa naissance, des projets humains de ses parents »248. Mais, cette
présente étude va traiter les noms de personnes rédupliqués en se focalisant
spécialement sur l’étude au niveau du signifiant, c’est-à-dire la structure
morphologique des mots, sans oublier de dégager, par la suite, la valeur apportée par
cette réduplication.
247
A titre d’exemples, je cite les travaux de Jacques Dez intitulé Le nom de personne dans la tradition
malgache et celui d’Andriamanana, Fomban’anarana malagasy.
248
http://ir.lib.uwo.ca/clw/vol1/issl/14
264
Les noms propres de personne peuvent se subdiviser en deux types, selon son
statut : le nom dit « officiel » et le nom « hypocoristique ». On entend par nom officiel,
le nom qui a été écrit à l’Etat civil d’un individu et le nom hypocoristique, le nom
habituellement utilisé dans le langage de tous les jours. Il convient de signaler que ce
dernier peut se former à partir de nom dit « officiel » même, mais il subit une certaine
modification morphologique, selon les noms des personnes donnés, et le résultat de
cette opération est appelé « surnom ». Il est à remarquer qu’on peut rencontrer ce genre
de procédé dans plusieurs langues, c’est-à-dire qu’il n’est pas typiquement malgache. A
titre d’exemples, on peut avancer les prénoms français Angelo et Edouard qui
correspondent respectivement aux surnoms Lolo et Doudou.
Comme dans d’autres langues, plusieurs processus peuvent y fonctionner pour
avoir les surnoms en malgache comme dans d’autres langues existantes et le procédé de
réduplication en fait partie. Pour procéder à la description de ce type de noms, une
soixantaine de surnoms est collectée. Pour chaque élément, j’ai essayé de trouver sa
forme simple, c’est-à-dire sa base pour constituer un couple. Lorsque les données sont
bien constituées, j’ai fait le travail de description.
Sur le plan formel, l’examen des données disponibles permet de constater que,
parmi les types de réduplication existants, seule la réduplication par préfixation
fonctionne dans les surnoms, à l’exclusion des autres types de réduplication. L’examen
des faits montre que ce procédé peut fonctionner soit d’une manière autonome soit avec
d’autres phénomènes morphologiques. Voici quelques exemples montrant le
fonctionnement de la réduplication sans autres phénomènes connexes : Fafara pour
Fara, Memena pour Mena et Lalanto pour Lanto. D’après l’examen des éléments de
corpus, les surnoms se répartissent à leur tour en deux : les surnoms anthroponymiques
et les surnoms prénominaux. Le premier sous type regroupe les noms du type Rarahoa,
Razafindraravola249 et le second concerne les noms du type Memena, Lalanto.
249
Les noms du type Rarahoa ont été déjà traités par RandriambololonaTsiorimalala, mais elle les a traités
en tant que variété de malgache. Dans son article, elle a essayé de présenter trois hypothèses possibles pour
l’analyse morphologique des noms de personnes de ce type. Pour plus de détails, voir Acte de Colloque sur
les variétés de malgache, 2014
265
5.2.1.1. La réduplication dans les surnoms anthroponymiques
Les noms patronymiques sont des surnoms donnés aux adultes pour indiquer leur
titre social dans une communauté paysanne de Madagascar, surtout dans la région
rurale du Betsileo. Ils sont offerts devant le public lors d’une cérémonie traditionnelle
au moment où la prière commence avant d’immoler le bœuf en guise de l’« offrande ».
La reconnaissance de ce type de noms de personnes n’est pas une tâche facile car,
premièrement, ils ne sont plus nombreux actuellement et, deuxièmement, le procédé de
réduplication qui y fonctionne n’est pas vraiment productif parce que ces noms sont
donnés en termes de succession dans un lien de parenté.
En effet, en malgache, Ra- 250est un préfixe honorifique d’une personne qui sert :
- soit à former des noms propres de personnes, Rakoto, Randria, Rabe, Rabia,
- soit à former les titres obtenus par la troncation des emprunts : Radoko pour Dokotera
« docteur », Rapasy pour Pasitera « Pasteur », Raprezy pour Presidà « Président »,
Rasazy pour « sage-femme », et Ragôva « gouverneur ».
- soit à former les noms obtenus par l’emploi de la nature de lien de parenté : Ranaivo
« garçon ou homme qui est au milieu, c’est-à-dire entre son ainé et son cadet » et pour
la fille ou la femme, on a Raivo. De même pour ces exemples analogues : Ranadahy
« le frère », Ranabavy « la sœur », Ranaotra « beaux-frères ou belles sœurs »,
Rafozana « le(s) beau(x)-parent(s) ».
Ce préfixe Ra-sert également à former les noms d’appellation et de respect, placé
souvent avant les noms propres de personne, d’où*Ra-matoa>Ramatoa, Ra-
matoakely>Ramatoakely, et Ra-mose>Ramose. Ainsi, les exemples suivants montrent
leur utilisation, comme dans Ramatoa Rasoa, Ramatoakely Voahangy. Par contre, on
constate que l’appellation de respect pour les hommes ne requiert pas ce préfixe car on
dit toujours Andriamatoa Rajao, Andriamatoa Rakoto, par exemples, et non pas
Randriamatoa Rajao ni Randriamatoa Rakoto.
Par ailleurs, pour les hommes ou femmes qui sont décédés, le malgache
emploie les appellations Ratompokolahy (feu) + Nom pour les hommes et
Ratompokovavy (feue) + Nom pour les femmes.
250
Selon Adelaar (1994), le préfixe Ra- qui précéde les noms propres vient du Javanais.
266
Actuellement, les jeunes emploient souvent ce préfixe personnel de respect dans
leur langage argotique. Je cite quelques exemples pour illustration : Razaoba (forme
abrégée de zaobavy « la belle-sœur », Ravaly pour valilahy, Razoky « frère », Razandry
« frère ou sœur cadet(te) », et pour en terminer, nous donnons la forme ratrà « les
anciens », qui vient sans doute de tranainy « ancien » par troncation, tra mais pour
avoir une structure bien malgache, on procède à une préfixation de Ra-, d’où Ratrà.
Jusqu’ici, je ne parle que de ce préfixe personnel à la forme simple, mais
l’examen des éléments du corpus montre la possibilité de procéder à la réduplication
pour certains noms de classe sociale251. Comme exemples, je cite Rarahoa, Raramonja,
Raratsara, Rarahova, Rarahasy, Razafindraravola252. C’était dans sa première
hypothèse que Randriambololona a décrit les formes du type Raravola ou Rarahova,
comme des formes résultant de ce procédé de réduplication. A cet effet, sur le plan
formel, Raravola et Rarahova peuvent s’analyser respectivement en Ra-Ra-vola et Ra-
Ra-hova dans lesquels vola et hova sont les bases simples préfixés par Ra- « préfixe
honorifique », d’où Ravola et Rahova. Ensuite, ces dernières subissent une
réduplication de la première syllabe Ra-, d’où Raravola et Rarahova. Sur le plan
sémantique, la valeur intensive est dénotée par ce procédé de réduplication. De ce fait,
le premier arrivant Ra- est identifié comme un morphème formatif de nom à valeur
honorifique, tandis que le second Ra- marque une intensification de ce respect, d’où la
classe consécutive au statut socila de l’intéressé.
251
Ces exemples de patronymes son tirés de l’article de Randriambololona sur « La structure des
patronymes du BlN : Analyse des formes du type Raramonja. ».
252
Ibid.
267
être d’origine étrangère, principalement, d’origine française, comme Sisi de Sylvie ou
Lôlô ou Rôrô de Rolland ou encore comme Nenety pour le prénom français Jeannette.
Effectivement, comme dans le paragraphe précédent, la réduplication dans les
surnoms prénominaux peut fonctionner d’une manière autonome, comme dans
Memena (me-mena) de Mena et de Fafara (Fa-fara) de Fara, Dadavy (Da-davy) de
Davy. Dans certains cas, le fonctionnement de la réduplication peut être combiné avec
d’autres processus morphologiques, comme la troncation, l’aphérèse. D’une part, la
réduplication est liée à une troncation, dans les surnoms du type Fafa de Fara, Fifi de
Fitia ou de Finoana, et d’autre part, elle fonctionne avec aphérèse dans les surnoms du
type Nonosy pour le prénom Harinosy et du type Nenety pour le prénom français
Jeannette.
D’une manière générale, les surnoms sont traités indépendamment des autres
types de langages non conventionnels, mais l’étude du deuxième type de surnoms
amène à penser à la réduplication dans les langages enfantins. En effet, historiquement,
ces surnoms prénominaux se sont créés lors de l’enfance de cette personne, et même
s’ils sont devenus adultes, leurs noms enfantins sont encore conservés et utilisés par
leurs proches. Ce constat conduit à entamer toute de suite l’étude de la réduplication
dans le langage enfantin.
268
cette lallation sera suivie par la suite de ce qu’on appelle mots phrase. Pendant ce stade
là, les petits font des raccourcis, et pour n'en citer que quelques-uns en malgache.
Voici deux exemples :
- baba au lieu de faire la phrase complète Te hihinanam-bary aho ou mba
omeo vary aho.
[Vouloir manger-futur riz je] « je veux du riz ».
- dôdô au lieu de la phrase Te hatory aho
[Vouloir dormir futur je] « J’ai sommeil »
On peut dire que l’existence de la réduplication dans le langage enfantin
correspond à un niveau de l’acquisition du langage chez les enfants. C’est pour cette
raison que la plupart des mots relevant du langage enfantin est généralement
caractérisée par la réduplication. Et c’est au cours de ce stade même que les enfants
utilisent le procédé de réduplication, et dans la majorité des cas, il s’agit de la
réduplication partielle consistant dans la répétition de la première syllabe, d’où la
réduplication par préfixation.
Ce parcours d’apprentissage commence par la désignation de leur entourage ou
proche, et c’est ainsi qu’on a : Mama « maman », Dada ou baba « papa », Totoa
« tante », etc. Par la suite, ils apprennent à parler de leurs besoins physiologiques,
comme dôdô, pipì, babà et aussi à parler des noms des animaux domestiques, comme
tôtô pour alika ~ amboa ~ kivà « chien », mimi pour saka, piso « chat », gagà pour
gana~ganagana « canard ». Pour les noms d’animaux domestiques, les enfants utilisent
généralement leurs cris pour les indiquer.
En résumé, le langage enfantin se définit non seulement comme langage des
enfants mais aussi comme langage des adultes pour parler avec des enfants.
L’étude du langage enfantin, du point de vue linguistique, n’attire pas les
linguistes car, selon certains linguistes comme Maurice Coyaud, « on n’apprend pas le
langage enfantin et c’est gageure pour un linguiste de vouloir décrire un langage qu’il
n’a pas appris ».
269
Toutefois, même s’il ne s’agit pas d’une étude descriptive, des chercheurs comme
Jespersen253 ou Marc Delahaie254 traitent du langage enfantin du point de vue
communicationnelle, psychologique, éducative voire aphasique. Roman Jakobson255
(1969) étudie dans son livre « Le langage enfantin », en traitant en même temps
l’apprentissage et le trouble du langage pour en dégager des systèmes phonologiques
spécifiques.
Dans le lexique malgache, comme dans la majorité des langues du monde, la
réduplication joue un rôle très important dans le langage des enfants. Le Français a déjà
recensé les mots utilisés dans le langage enfantin256 ; mais pour le malgache, à ma
connaissance, il n’existe pas jusqu’ici, de recueil des données sur ce sujet.
L’inexistence de normes pour l’orthographe des mots dans le langage enfantin du
malgache justifie qu’il fait partie vraiment des « langages non conventionnels ».
Pour constituer les données, j’ai recueilli les mots rédupliqués utilisés par des
enfants et leurs proches dans leur conversation usuelle, et puis, je les ai classés selon
leur structure interne pour déterminer leur formation. Pour la structure morphologique,
l’étude du corpus m’a amené à évoquer plusieurs types de mots rédupliqués dans le
langage des enfants que je vais présenter ultérieurement. Toutefois, sur l’aspect
sémantique, la réduplication chez les enfants n’est pas un procédé morphologique dans
la mesure où elle n’apporte aucune valeur sémantique supplémentaire. C’est plutôt un
phénomène linguistique naturel chez les enfants au cours de leur éveil ou apprentissage
de la langue. Autrement dit, les mots rédupliqués employés par des enfants ne se
différencient pas sémantiquement des formes simples correspondantes, et dans ce cas
là, je peux dire qu’il s’agit d’une valeur sémantique nulle, ou du moins la réduplication
assure la valeur affective.
Il est à noter, d’après la liste que j’ai établie, que c’est le fonctionnement de la
réduplication partielle qui l’emporte en nombre par rapport au fonctionnement de la
réduplication totale, ou plus précisément, le fonctionnement de la réduplication par
préfixation. Ce constat ne veut pas dire que les enfants n’utilisent pas les autres types
253
Maurice Coyaud cite que « Jespersen consacre une partie importante de son livre Language, its nature,
development and origin à l’étude du langage enfantin. »
254
Delahaie M., 2009, L’évolution du langage de l’enfant. De la difficulté au trouble. Guide ressources pour
les professionnels. Saint-Denis : Inpes
255
Jakobson (1969) Langage enfantin et aphasie
256
Certes, un site dans lequel une liste des mots employés dans le langage enfantin du français existe.
270
de réduplication, mais c’est l’emploi de ce type de réduplication qui marque la
spécificité du langage enfantin. De ce fait, l’examen de ces mots a permis d’identifier
quatre types de réduplication par préfixation dans les langages enfantins basés sur leur
structure morphologique ; et pour plus de commodité et pour éviter la répétition dans
cette présentation, je vais utiliser tout simplement la réduplication au lieu de la
réduplication par préfixation :
- la réduplication sans autres phénomènes morphologiques
- la réduplication avec d’autres phénomènes linguistiques
257
Le mot mamay correspond à deux significations : la première signification est « chaude, en parlant d’eau
ou du thé ou de repas » et la deuxième signification de mamay c’est « état de ce qui est malade, en parlant
des enfants ou bébé ». Pour cette deuxième signification, la langue emploie le procédé de métaphore en ce
sens que le mot mamay qui exprime la température d’un enfant malade est utilisé pour exprimer l’état lui-
même.
258
Je pense que l’emploi de certains mots du type tatay a pour fonction d’euphémisme, dans la mesure où
on l’attenue le langage ou on change le mot pour ne pas blesser les gens. Pour certains, ils utilisent le mot
rédupliqué gesogeso au lieu de mangery « aller à la selle » pour éviter une frustration lors d’une
conversation.
271
5.2.1.5. La réduplication liée à d’autres phénomènes
272
De même pour la forme bobody et bobò « la fesse (des enfants) ». En effet, cette
forme vient du mot vody par l’emploi du procédé de réduplication avec une variation
consonantique v/b, d’où bobody. Par la suite, ce mot subit une troncation, dans la
mesure où il y a une chute de la syllabe finale dy, d’où bobo. Parfois, on pense que la
réduplication des mots de ce type est due à une certaine habitude, une volonté de la part
des parents ou les proches des enfants pour qu’on ne doit pas prononcer le mot vody
devant un enfant et pour que l’enfant ne le répète pas, ils utilisent les mots rédupliqués,
d’où vody / *bobody / bobo « fesse ». On peut dire qu’il s’agit d’un certain
euphémisme de la part des parents, conformément à la culture langagière selon laquelle
les mots indiquant une partie du corps humain, comme vody ne se disent pas, et si on
doit les dire, les locuteurs doivent recourir à d’autres formes moins blessantes telles
que bobody ou bobò, comme on a dans le langage enfantin.
De plus, on constate qu’outre cette réduplication, la langue ajoute un nouvel
élément soit pour avoir un style quelconque soit pour cacher ce tabou langagier. Ce
nouvel élément, utilisé principalement dans le langage argotique, est appelé suffixe
parasite. Ainsi, pour le même mot vody, dans le langage enfantin, on entend bobo ou
bobosa ou encore babosa, forme avec ouverture de la voyelle [u] graphie o en a, d’où
une alternance vocalique a/u.
Outre les noms vocatifs déjà mentionnés auparavant, voici quelques exemples de
noms rédupliqués utilisés dans le langage enfantin : kokoho, fofody, sosopy, etc.
273
Premièrement, pour indiquer les poules ou les coqs, les enfants ou les adultes qui
utilisent le langage enfantin disent généralement kokoho. En effet, en partant de la
forme akoho, il y a d’abord une chute de la voyelle initiale a avant de procéder à la
réduplication partielle, d’où kokoho. Il y a des enfants qui disent koko au lieu d’akoho,
et cela s’explique par l’emploi du cri des poules ou des coqs pour désigner ces animaux
domestiques. En d’autres termes, pour désigner certains animaux, les enfants peuvent
employer soit la réduplication des noms usuels de ces animaux soit leurs cris respectifs,
d’où, pour akoho, les enfants disent ou bien kokoho ou bien koko.
De plus, fofody est le mot utilisé dans le langage enfantin pour dire fanafody
« médicaments ». La forme fofody peut s’expliquer par la présence d’une réduplication
après l’apparition d’un phénomène de l’aphérèse, d’où fanafody / *fody / fo-
fody>fofody.
J’ai remarqué que les enfants utilisent également des onomatopées ou, plus
précisément, les cris des animaux pour désigner les animaux eux-mêmes. Ils ne savent
pas encore les noms des animaux ou du moins ils n’arrivent pas encore à les mémoriser
alors ils prêtent leurs cris pour les appeler. C’est ainsi qu’on a :
Gagaka = ganagana « canard »
Mimi = saka « chat »
Tôtô = alika « chien »
Gogosy « cochon »
Par ailleurs, le cas du nom sosopy « soupe » montre le fonctionnement de la
réduplication liée à une aphérèse. Cette forme rédupliquée peut s’expliquer comme
suit : d’abord lasopy est un mot emprunté du français par la fusion de l’article la au mot
déterminé soupe pour former le mot malgache lasopy, comme ceux de lafarinina « la
farine », lafaoro « le four », lalivay « lévure ». Mais dans le langage des enfants, ce
mot lasopy subit une chute de la syllabe initiale, d’où sopy et puis la réduplication par
préfixation intervient, d’où sosopy. Notons qu’il y a certainement des noms enfantins
malgaches qui viennent du français, mais qui suivent la structure de la réduplication
dans le langage enfantin. Ainsi : Bibila ou drinindrinina [drindrin] « automobile »
dans lequel on a comme forme base bile de l’automobile, bikiký « biscuit », lolota
« yaourt », fôfônina [fôfôn] « téléphone ».
274
Enfin, j’aimerais souligner la présence de la forme du type babaty dans le corpus.
C’est une forme que je n’ai entendue qu’une fois, mais que j’ai noté quand même.
L’analyse de cette forme ne ressemble pas à celle des autres formes rédupliqués. Je
trouve que la forme simple, considérée comme base, n’est pas facile à identifier au
niveau de sa structure morphologique. C’est à partir de sa signification que j’ai pu
décrire sa structure morphologique. De ce fait, babaty est un mot composé, ou plus
précisément un mot valise, obtenu par la combinaison de omby « bœuf » et de maty
« mort », d’où *baty, et par la suite, la réduplication par préfixation intervient, d’où *
ba-baty>babaty. Il me semble que ce mot est hapax, car dans le corpus, il n’y a aucune
structure similaire. Donc, jusqu’ici, l’explication que je viens de présenter reste comme
une hypothèse.
Pour les formes verbales, d’après l’étude morphologique des éléments du corpus,
les enfants n’utilisent presque pas de préfixes verbaux. Plus précisément, au lieu de
l’emploi du préfixe formatif des verbes, les enfants utilisent toujours le procédé de la
réduplication par préfixation, c’est-à-dire, une répétition de la première syllabe du mot.
Voici quelques exemples pour illustration :
Dadaka = mandaka « donner de coup de pied » du radical daka
« notion de donner un coup de pied
Didihy = mandihy « danser » du radical dihy « notion de danser »
Jejery = mijery « regarder » du radical jery « notion de regarder »
Pour certaines formes, cette exclusion mutuelle de la préfixation et de la
réduplication se combine avec le phénomène de troncation, comme on voit dans pepe
qui correspond à mipetraka « s’asseoir (mode indicatif) » et à mipetraha « assieds-toi
(mode impératif) » ou dans la forme verbale popofo, forme correspondant à *pofoana
de am-pofoana en langue standard.
De même, pour omeo, une forme verbale du radical ome au passif impératif, les
enfants utilisent souvent memeo ~ meme « donne, donnez », où on a la chute de la
voyelle initiale o et puis la réduplication de la première syllabe me, d’où memeo et pour
certains enfants, ils disent meme, c’est-à-dire une chute de la voyelle finale impératif
–o.
275
b3) Réduplication des formes adjectivales
Comme Sambo Clément a expliqué dans son ouvrage, les termes argotiques font
partie des langages non conventionnels. Les questions principales sont donc de savoir
comment la réduplication fonctionne dans ce type de langage non conventionnel et
quels types de réduplication peuvent y intervenir. Avant d’entrer dans la présentation
des analyses et des résultats, je vais définir ce qu’on entend par argot.
5.2.2.1. Définition
276
expriment généralement, de façon indirecte, « des réalités d’un autre ordre »259. Selon
Dubois, « l’argot est un dialecte social réduit au lexique, de caractère parasite (…)
employé dans une couche déterminée dans la société qui se veut en opposition avec les
autres ; il a pour but de n’être compris que des initiés ou de marquer l’appartenance à
un certain groupe »260. En d’autres termes, « L’argot des jeunes joues probablement un
rôle unificateur dans l’évolution actuelle de la langue », et il fait partie alors du langage
nouveau. D’une manière générale, selon l’explication de Pierre Vérin dans son
introduction, l’argot assume une fonction ludique et une fonction cryptique.
On a constaté que plusieurs procédés sont mis en œuvre dans la formation des
termes argotiques. A titre d’exemples, je cite : l’emploi des mots emprunts, verlan,
troncation, affixation.
L’emploi des mots d’origine étrangère est un procédé très courant dans la
formation des termes argotiques malgaches. Je cite quelques exemples pour
illustration : giravy de grave (frs), mirevy (rêve), kofiboay de cow-boy (ang). Les
termes argotiques masikiny et vozongo sont des mots swahili et comorien qui signifient
respectivement « pauvre, malheureux » et « les blancs européens ».
259
Sambo Clément, 2001.
260
Dubois, 1973.
277
dikin’akaly de kindin’alika « litt. anus d’une chienne, imprécation » ou dans may amina
tany261 pour ne pas dire tay amina amany « litt. Selles et urine, un désastre ».
Le procédé de suffixation est un allongement d’un mot par l’ajout d’une syllabe à
la fin du mot, une syllabe que les linguistes nomment « suffixe parasite ». L’emploi du
procédé de suffixation dans le langage argotique peut fonctionner, soit d’une manière
autonome, soit avec d’autres procédés morphologiques. Ainsi, le bekisa [beksa] est la
forme argotique correspondant à bière dans laquelle on identifie la base *bi/be et le
suffixe parasite –ksa comme dans tambaoakisa [tambawak’sa] de tambanivohitra
« campagnard ». De même pour le mot dimbaka « mauvais garçon, mauvais type », il
s’est formé par l’emploi du verlan de bande (frs) ~ bandy (mlg) en dimba avec
suffixation de –ka, d’où dimba-ka>dimbaka, comme dans beva-ka >bevaka « être
bavard » de bevava « bavard, entêtement ».
Effectivement, d’après les données recueillies, la réduplication peut fonctionner
également dans certains éléments du langage argotique. Cette étude a pour objectif de
dégager les types de réduplication véhiculés dans le langage argotique et surtout de
déterminer les fonctions ou valeurs dénotées par l’emploi de ce procédé de la
réduplication par rapport à celles des formes simples correspondantes.
261
Il s’agit plutôt d’un vers de chanson de Raboussa, un rappeur de la capitale.
278
réduplication partielle dans les mots du type bebeksa « bière » ou du type mbambaksa
« campagnard ». Dans un premier temps, je vais présenter les mots totalement
rédupliqués et dans le second, je vais décrire les mots partiellement rédupliqués dans le
langage argotique.
Conformément à ce que nous avons dans le chapitre 4, nous avons aussi deux types
de mots rédupliqués : les mots totalement rédupliqués et les mots partiellement
rédupliqués.
Pour la réduplication totale des mots argotiques, l’analyse des données lexicales
permet d’identifier deux types de mots rédupliqués : les mots rédupliqués lexicalisés et
les mots rédupliqués non lexicalisés. Ces mots rédupliqués sont soit d’origine
étrangère, soit d’origine onomatopéique, soit d’origine malgache mais avec un
glissement de sens.
Rappelons que « la réduplication lexicalisée » désigne tout mot rédupliqué qui n’a
pas de forme simple correspondante, c’est-à-dire qu’il ne correspond à aucune forme
simple, et qu’il ne peut pas former de couple. Et si dans le cas contraire, il existe une
forme simple, formellement correspondante, du point de vue sémantique, cette forme
simple n’a rien à voir avec la forme rédupliquée. Comme j’ai dit auparavant, c’est une
coïncidence morphologique
En principe, un mot rédupliqué lexicalisé ne peut pas apparaître à la forme simple,
et s’il existe, dans le lexique, des mots simples similaires à leur structure simple
attendue, ce n’est qu’une coïncidence formelle. Ainsi, les mots rédupliqués du type
tabataba262 « quarante sept, chiffre lié à la situation politique de l’année 1947 », ou du
type regarega « ambiance » ou encore du type hazakazaka « vol à la tire (mangarom-
paosy, migôlitra) » sont des mots rédupliqués lexicalisés.
262
Le mot rédupliqué tabataba a deux significations différentes dans l’argot malgache : tabataba1 signifie
« quarante quatre » mais tabataba2 « mauvaise odeur, puanteur ».
279
Certains mots rédupliqués lexicalisés sont d’origine onomatopéique : ils se sont
formés par motivation naturelle comme tous les types d’onomatopées et la présence
d’un lien naturel entre un signifiant et son signifié est toujours évidente. C’est ainsi
qu’on a les mots rédupliqués du type katrakatraka « quarante quatre », forme qui
ressemble à la prononciation du mot français « quarante quatre ». Ici, nous assistons à
la présence d’une ressemblance des sons entre le nombre « quarante quatre » et le mot
rédupliqué katrakatraka mais ce dernier a dû suivre la règle de l’orthographe malgache.
Par contre, le mot indiquant 22 dans le langage argotique malgache est formé par
la ressemblance de forme entre le chiffre 22 et les canards, qui marchent deux par deux,
d’où ganagana (mody) « vingt deux ». De même, le mot girijakija « arrêté par la
police » est une forme onomatopéique imitant « le bruit des menottes que les policiers
passent aux poignets du voleur ».
On s’attend à ce que des mots rédupliqués soient dits non lexicalisés lorsqu’ils ont
des formes simples correspondants, et que c’est à partir de ces dernières (les formes
basiques) que les mots rédupliqués non lexicalisés se sont formés. Pour certaines
formes, la réduplication n’est pas lexicalisée, c’est-à-dire que chaque mot rédupliqué
correspond à une forme simple, mais les valeurs apportées par chaque type de
réduplication restent à déterminer.
A titre d’exemples, je cite :
fikafika « arnaque » / fika263 « habile, rusé »
sôvasôva « asocial » /sôva « impoli, maladroit »
senkisenky « formidable, bien » / cinq
mirôzirôzy « blaguer trop fort » (intensive) / mirôzy
trôkatrôka « brutal, violent » / kotrana « action de pratiquer des
sports ».
263
Il y a aussi une autre signification de fika « appareil génital de sexe masculin ou pénis », mais je n’arrive
pas à le rapprocher de fikafika
280
En outre, l’étude des éléments du corpus permet également de constater un autre
type des mots rédupliqués lexicalisés. Ces mots se distinguent des formes sus-citées par
le fait que leurs bases sont des mots étrangers. Ainsi, le rapprochement morphologique
et sémantique des mots rédupliqués dôzidôzy « un peu ivre », sôkasôka « brutal
violent » et senkisenky « bien, syn. de favy » aux formes simples respectives dose, choc
et cinq montre que la réduplication des mots étrangers peut former des argots
malgaches. Cela nous permet de confirmer que la réduplication est un procédé courant
en malgache non seulement pour les langages dits conventionnels mais aussi pour les
langages dits non conventionnels. Dans la formation des nouveaux mots, le malgache a
tendance à employer la réduplication, d’où dose (frs)/ dôzy/ dôzidôzy, choc /choc choc,
sôkasôka et cinq / cinq cinq/ senkisenky.
281
forme issue de la suppression de la partie initiale de mot tambahoaksa
[tambawa°ksa] par phénomène d’aphérèse, d’où *mbahoaksa > mbambahoaksa.
Pour la réduplication par infixation, je n’ai trouvé qu’une seule forme. C’est le cas
de pininioky « un, en parlant de chiffre, de nombre » qui n’est que la variante de
pinioky. Dans ce cas, la présence du procédé affecte seulement la forme et non pas la
signification du mot. Je me demande si les données disponibles sont insuffisantes ou si
le procédé de la réduplication par infixation n’est pas productif dans le langage
argotique. De même pour la réduplication par suffixation, il n’y a, dans le corpus à
étudier, que le mot bokàka « petite amie », une seule forme qui comporte la
réduplication partielle, et même sur le plan formel, jusqu’ici je n’arrive pas à trouver sa
forme simple correspondante.
Ce chapitre nous a permis de présenter le fonctionnement de la réduplication dans
les langages non conventionnels. En parlant de ces langages non conventionnels, trois
types de langage ont été considérés comme champs d’étude : dans un premier temps,
j’ai traité des mots rédupliqués dans les patronymes ; ensuite, j’ai étudié les mots
rédupliqués dans le langage enfantin et pour terminer ce sous chapitre, j’ai essayé
d’identifier la réduplication dans le langage argotique. En adoptant la méthode
structurale fonctionnelle, la théorie constructionnelle, je peux avancer que le procédé
de réduplication est effectivement un procédé universel car il peut intervenir dans tous
types de formes. A cet effet, ce sous chapitre est également une contribution à la
typologie des langages à travers l’étude de la réduplication dans les langages non
conventionnels du malgache. Sur le plan du signifiant, même si tous types de
réduplication existent dans les mots à étudier, seules la réduplication totale et la
réduplication par préfixation sont très courantes dans les langages non conventionnels.
Sur le plan du signifié, outre la valeur intensive exprimée par la réduplication, il est à
noter que le glissement ou transfert de sens dans le langage argotique est remarquable
aussi bien dans les formes simples que dans les formes rédupliquées. Dans certains cas,
l’emploi du procédé de réduplication constitue un moyen d’atténuer ou de cacher la
signification des quelques mots « tabous » prononcés en public.
282
Il faut rappeler que les éléments constitutifs du corpus soumis à l’étude sont
généralement des données orales. Du point de vue lexical, la prise en compte du corpus
oral enrichit les données lexicales. Faut-il rappeler que « l’oral est la première
actualisation de la langue (…). Et que la linguistique doit prendre en considération
aussi bien la langue parlée que la langue orale ». Toutefois, du point de vue
orthographique, selon son statut, les langages non conventionnels restent jusqu’ici des
données orales. Par conséquent, l’orthographe de certains mots rédupliqués, comme
[pumpum] ou [drindrin] me pose problème. C’est pour cette raison que certaines
formes s’écrivent en transcription phonétique et non orthographique. Il faudrait donc
avoir des conventions orthographiques pour que tous les mots puissent être utilisés à
l’écrit.
283
divisés en deux microsystèmes : le premier microsystème constitue les mots
rédupliqués sans aucune variation ni procédé morphologique, et le second regroupe les
mots rédupliqués comportant des variations et/ou des procédés morphologiques. Ainsi,
nous sommes donc arrivés à conclure que les mots du type farafara, les onomatopées
rédupliquées et les mots rédupliqués à symbolisme phonique font partie du premier
microsystème. Cependant, les mots du type tsi-pozipozy ou pesi-pesen-ina forment le
second microsystème.
Ensuite, pour le second sous-système, plusieurs structures morphologiques ont été
définies, entre autres, les mots rédupliqués non lexicalisés sans variation
morphologique (réduplication des radicaux), les radicaux rédupliqués avec variaitons
morphématiques et morphologiques, c’est-à-dire le fonctionnement de la réduplication
est combiné avec d’autres faits de langue.
Concernant la réduplication partielle, objet du chapitre IV, nous avons pu
identifier un par un les trois types majeurs de la réduplication partielle, à savoir, la
réduplication par préfixation (lo-loha), la réduplication par suffixation (kibo-bo) et la
réduplication par infixation (k-or-or-osy). Notons qu’à l’intérieur de chaque type de
réduplication, plusieurs microsystèmes, il y a toujours d’autres faits de langue qui
définissent le fonctionnement de chaque type de réduplication.
Avant de terminer cette conclusion, nous avons abordé la réduplication dans les
langages non conventionnels, processus que nous considérons comme un cas particulier
de cette étude formelle. Dans ce chapitre V, nous avons décrit morphologiquement les
mots rédupliqués (totaux ou partiels) existants dans des langages non conventionnels.
Par conséquent, en nous focalisant sur les trois types de langages que nous avons choisi
comme des langages non conventionnels (la réduplication du type Rarahoa, la
réduplication dans les langages enfantins, et la réduplication dans les langages
argotiques), nous avons pu constater une similarité de structures de réduplication entre
les mots rédupliqués dans les langages conventionnels et ceux dans les langages non
conventionnels. Bref, nous avons pu dégager neuf types de la réduplication dans la
langue malgache, à savoir, la réduplication totalement lexicalisée du type farafara (1),
la réduplication onomatopéique (2) et la réduplication à symbolisme phonique (3) ; la
réduplication non lexicalisée des bases simples avec ou sans variation morphologique
(4) ; la réduplication non lexicalisée des bases construites (5); la réduplication par
284
préfixation du type CV-Base (6), ou du type Ca-Base ou encore CVC-base avec ses
variantes (7), la réduplication par suffixation du type Base-CV avec ses variantes (8) et
la réduplication par infixation avec ses variantes (9).
Après cette description formelle, nous allons procéder à l’étude des fonctions et
des valeurs de la réduplication. Dans la partie suivante, nous allons dégager les valeurs
ou les fonctions correspondantes à chaque type ou sous-type de réduplication. Notons
qu’à l’intérieur de ces types de réduplication, il y a aussi des sous-types qu’on devra
prendre en considération pour que toutes les formes de réduplication correspondent à
des fonctions ou à des valeurs sémantiques propres à eux. Nous avons reconnu qu’il est
difficile d’y arriver, mais nous allons essayer pour que les études des fonctions et des
valeurs de la réduplication soient acceptables.
285
TROISIEME PARTIE : FONCTIONS ET VALEURS
SEMANTIQUES
286
PARTIE III : FONCTIONS ET VALEURS SEMANTIQUES
Avant de procéder à la présentation des fonctions et des valeurs sémantiques
exprimées par la réduplication, il est nécessaire de faire un bref rappel sur les mots
constituant notre corpus. D’une part, la réduplication sera étudiée en fonction du
rapport de sens qui relie les deux éléments mis en opposition, à savoir la forme simple
et la forme rédupliquée correspondante ou encore le rapport de sens qui relie les deux
formes rédupliquées mais de nature différente. En d’autres termes, l’objet de notre
analyse est défini formellement par des couples constitués par un mot rédupliqué et sa
forme simple correspondante. Ce sont, par exemples, les couples du type hafa « autre,
différent » et hafahafa « un peu différent » ou serana « action de passer rapidement »
et serasera « action d’aller et venir en passant devant quelqu’un » ou encore
totozy « souris » et tozitozy ou hatsotso et hatsohatso. Mais d’autre part, les mots
rédupliqués lexicalisés tels que farafara « lit » ou kolikoly « corruption », même s’ils
ne répondent pas à ce critère, seront étudiés séparément parce qu’ils sont quand même
des mots rédupliqués, d’autant plus qu’ils peuvent assumer une fonction dans la langue
malgache.
Du point de vue sémantique, d’une part, les éléments susceptibles d'être pris en
considération dans ce travail devront appartenir à un même champ sémantique, du fait
que la réduplication est un procédé morphologique. C’est le cas de lanitra « ciel » et
lanilany « dont il ne reste rien, reste, épuisé » dont les éléments entretiennent un
rapport de translation de sens. D’autre part, les couples comme farafara et fara sont
étudiés mais d’une manière différente car leurs constituants appartiennent à deux
champs conceptuels différents. Par contre, le couple du type vazivazy / vazy sont exclus
de notre travail car non seulement ils ne font pas partie d’un même champ notionnel
(vazivazy avec l’idée de « plaisanterie, d’ironie, du jeu / vazy « vase »), mais aussi ils
ne sont pas de la nature de telle sorte que la forme simple est empruntée du français
vase, alors que la forme rédupliquée est typiquement malgache.
Cette partie se divise en deux chapitres : le chapitre 6 sera consacré à la
détermination des diverses fonctions assumées par la réduplication. Le second chapitre,
c’est-à-dire le chapitre 7 vise à dégager les différentes valeurs de la réduplication en
malgache.
287
CHAPITRE 6.: LES FONCTIONS DE LA REDUPLICATION
Dubois, (1973 : 216) définit la fonction comme « le rôle joué par un terme
(phonème, morphème, mot, syntagme, ou un procédé morphologique) ». Cette fonction
peut varier selon les niveaux d’analyse adoptés et selon les écoles linguistiques. En
phonologie, par exemple, le phonème /s/ a une fonction démarcative dans le verbe
fono-s-ina « être enveloppé » du fait qu’il sert de frontière entre le radical fono-
« notion d’envelopper » et le suffixe –ina « objectif ».
Dans la présente étude, nous nous sommes fixées comme objectif l’identification
de différentes fonctions de la réduplication malgache à partir des relations
qu’entretiennent les éléments mis en opposition, selon la démarche fonctionnelle.
L’analyse que nous avons effectuée, nous a permis de dégager cinq fonctions
principales de la réduplication :
- La réduplication assumant une fonction distinctive
- La réduplication assumant une fonction différenciative
- La réduplication assumant une fonction lexicale
- La réduplication assumant une fonction grammaticale
- La réduplication permettant de changer la structure syllabique du mot
paroxytonique
288
appartiennent à des champs notionnels différents, malgré la présence d’une fausse
la similarité formelle. Autrement dit, il y a des cas où deux mots pourraient être mis en
relation vu la ressemblance formelle, mais du point de vue sémantique, ils n’ont aucune
relation de sens.
C’est ainsi qu’on a les mots fara « les stipulations, descendante » et
farafara « lit ». Ces deux mots semblent avoir une relation du point de vue formelle par
le fonctionnement du processus de réduplication, alors que sémantiquement, ces deux
mots appartiennent à des champs sémantiques différents. Autrement dit, formellement,
farafara est la forme rédupliquée de fara, mais du point de vue du sens, la signification
de farafara « lit » n’a rien à voir avec fara « descendante ». Et c’est dans ce sens que la
réduplication assure une fonction distinctive. Les trois exemples suivants montrent
également cette fonction distinctive : ainsi, les quatre significations de avy n’ont rien à
voir avec la forme rédupliqué aviavy. En effet, les formes avy « venant, arrivant, qui
vient, qui arrive », avy « fièvre, mauvaise humeur », avy « chacun, chaque » et avy
« même, jusqu’à » ne correspondent au sens du mot rédupliqué aviavy « nom générique
des figuiers ». Le mot simple firy « combien » et le mot rédupliqué firifiry « froid vif et
piquant » n’ont aucun lien sémantique, comme dans hena « viande » ou hena
« diminution, amoindrissement » avec le mot rédupliqué henahena « opiniâtreté,
résistance, entêtement, idiotie ».
Notons que si ces exemples sont cités, c’était seulement dans le but de montrer
que la relation entre les mots simples et les formes rédupliquées respectives ne restent
surtout pas basées sur la similarité formelle mais elle doit être également basée sur une
relation sémantique évidente. D’ailleurs, ce genre de relation est exclu de l’étude. Dès
le début de ce travail, les éléments mis en opposition considérés dans cette étude
présentent tous une relation tant au niveau morphologique que sémantique, et si dans le
cas contraire, cette condition n’est pas respectée, ces éléments ne sont pas pris en
considération.
289
6.2. La réduplication assumant une fonction différenciative264
264
Andrianasolo, 1974, Identification phonétique, prosodique et phonologique des terminales –ka, -tra, -na
dans les structures du radical malgache, UER des Langue et Lettres Malgaches et Andrianasolo 1988,
Interprétations fonctionnelles et combinatoires des problèmes de phonologie malgache, thèse de doctorat
d’état, Paris, Université Paris VII
265
Andrianasolo (1974 et 1988) a déjà traité ce phénomène de différenciation. Par conséquent, les exemples
cités sont généralement tirés dans ses ouvrages.
266
Rajaona 1980, L’alternance en malgache, in Hiratra, STELARIM.
267
Ranjivason, 1984, Morpho-syntaxe du malgache. Formes prédicatives sihanaka, Thèse de Doctorat de
troisième cycle, paris, Université Paris 7.
268
Razanamalala Ernestine Yolande, 2013, Aspects phonologique et sémantique des lexèmes apparentés
dans le système lexical malgache, Thèse de doctorat, Université d’Antananarivo.
290
avec une légère différence de signification, mais la différenciation rétablit la distinction
annihilée par la neutralisation ou établit une distinction qui n’a pas été assurée
initialement par la fonction distinctive ou qui n’a pas existé au début ». Pour
illustration, l’auteur cite un exemple de réduplication même. Ainsi, « l’opposition
phonématique /tr/ vs /ŋg/ dans helotrelotra vs helongelona en cas de reduplication du
radical helona « passages fréquents » avec, au début, le seul phonème /h/. Cette
différenciation entraîne aussi une différence de signifié « passages fréquents » vs
« passages fréquents et agaçants » »269.
L’examen du lexique malgache montre que plusieurs processus peuvent intervenir
pour éviter, du moins pour diminuer une collision homonymique dans la langue. Dans
ce travail, le phénomène de différenciation se situe au niveau de la phonologie et au
niveau de la morphologie. Pour être plus précis, nous avons pu relever cinq types de
différenciation mis en œuvre pour éviter une collision homonymique :
- La différenciation du type n+h > ŋk ~ ntr et ŋg
- La différenciation par emploi d’un élargissement
- La différenciation par alternance au niveau de la terminale en cas de
suffixation
- La différenciation par l’emploi des affixes
- La différenciation par l’emploi de la réduplication.
269
Razanamalala : 302 -303.
291
deux parties de la forme rédupliquée, plus précisément, celle de la consonne /n/ de la
terminale avec l’initiale /h/. La langue offre deux possibilités : du radical havana
« parent », on a soit une forme en /nk/ comme havankavana « parent éloigné », soit une
forme en /ng/ telle de havangavana270 « idée de délaisser les parents malheureux ».
On peut expliquer le processus comme suit. Un radical simple peut avoir deux ou
plusieurs acceptions. Ce cas de polysémie pourrait être considérée comme une
anomalie résultant de la neutralisation de l’opposition entre les signifiants qui devraient
correspondre aux signifiés dénotés par le mot. L’usage de deux formes distinctes ayant
chacune un sens différent en cas de réduplication serait alors une manière de résoudre
le problème. Ainsi, l’opposition /nk/vs /ng/ ou l’opposition /nk/ vs /ntr/ exercent
une fonction différenciative.
Voici d’autres exemples en guise d’illustration de l’opposition /ŋk/ vs /ŋg/ :
Helina « allée et venue » / helinkelina « passages fréquents » et helingelina
« passages fréquents qui importunent quelqu’un »
A mon avis, la combinaison n+h devenue nk ou ng est une variation
morphonologique dans la mesure où il s’agit de variation de phonème
apparaissant dans un contexte morphologique (réduplication). Par ailleurs, si l’on
se réfère à Malzac, ce sont plutôt les préfixes mi- et man- qui dénotent la
différence sémantique : manelingelina « importuner », mihelinkelina « aller et
venir fréquemment »271.
270
Une autre hypothèse serait possible ou acceptable pour expliquer la forme havangavana : En effet, le
lexique malgache présente deux homonymes havana : le premier a comme signifié « parent », le
second dénote l’idée de déblayer, d’écarter les cendres. Si l’on se réfère à Malzac, il semble bien que
havankavana « parent éloigné » est dérivé du premier radical, tandis que havangavana « idée de délaisser
les parents pauvres » est issu du second. Le signifié originel de havangavana serait donc « idée d’écarter,
de délaisser ». Donc, le sème « les parents pauvres » résulterait sans doute de l’influence de havana
« parents » par analogie.
271
Notons que cette différenciation est renforcée par une différenciation au niveau de la valance des verbes
construits. En effet, l’usage des préfixes verbaux distinguent aussi ces deux verbes, d’où mikelinkelina et
manelingelina, mihavankavana et manavangavana.
292
Halana « coussinet de séparation » / halankalana de mahalankalana « de temps
en temps » et halangalana « état de ce qui est séparé ou une action de se séparer
extérieurement »272.
Dans cet exemple, les mots halankalana et halangalana proviennent de
la réduplication du mot halana, mais ces deux formes se différencient par
la séquence n+h > ŋk, d’où halankalana et par la séquence n+h > ŋg, d’où
halangalana. Cette différenciation est renforcée par une autre différenciation
par l’usage des préfixes ma- et mi-, d’où mahalankalana « un peu espacé, clair-
semé, qui se fait ou on arrive de temps en temps (en parlant d’un état » et
mihalangalana « se séparer extérieurement, avec une idée dépréciative).
Horona « enroulement » / horonkorona « se replier » / horongorona
« plier (dans le dérordre) »
Selon Malzac, ces deux mots sont synonymes. En outre Webber ne mentionne
que horonkorona « idée d’enrouler ». Mais, la plupart des locuteurs à qui nous
avons demandé pensent qu’il doit y avoir une nuance de sens entre horonkorona
et horongorona. Certains d’entre eux disent que, par rapport à horonkorona,
horongorona a une nuance intensive. Par conséquent, la réduplication de horona
donne naissance à deux mots rédupliqués différents pour éviter une certaine
collision homonymique entre eux. D’une part, la forme attendue serait
horonkorona, une forme rédupliquée dans laquelle on a affaire à une variation
combinatoire, et d’autre part, la forme horongorona selon laquelle on a affaire à
une variation morphonologique.
Par ailleurs, pour la séquence l’opposition /ŋk/ vs /tr/, l’exemple suivant montre
ce phénomène de différenciation. Ainsi, on peut citer l’exemple *helona ~ helina
« passage » / helontrelona273 « passages fréquents » et helongelona « passages
272
Selon Webber, halankalana et halangalana dénotent le même signifié. Il est donc probable que les sens
donnés par Malzac soient plus récents. Ainsi, la signification donnée par les lexicographes pose
problèmes, car chaque auteur a sa version. C’est l’un de problème de sources lexicographiques, et qui, par
la suite, entraîner des problèmes au niveau de l’analyse. C’est pour cette raison que j’ai utilisé aussi le
corpus oral, non seulement pour compléter les données, mais aussi pour les vérifier.
273
Le mot helontrelona est aussi à rapprocher de tselontselona comme selontselona « notion d’aller et de
venir, de dévancer des personnes respectables » et selontselotra « notion de se mêler des affaires
d’autrui » par la présence variante consonantique à l’initiale h/ts~s, comme dans hirika « petit trou » /
tsirika « notion de regarder par un petit trou », hentsina tintement des oreilles / tsentsina « bouchon ». Le
mots tselontselona exprime, de ce fait, une valeur dépréciative par rapport à helontrelona.
293
fréquents et agaçants ». Concernant la forme rédupliquée helontrelona, il s’agit, en fait,
d’une anomalie phonotactique274 en malgache de la séquence n+h en cas de
réduplication, comme dans *halona > halontralona « éclat, limpide, clarté », *hilona >
hilontrilona « oscillation des reflets » et *hebina > hebintrebina « trémoussement »275.
Autrement dit, la séquence n+h se réalise en ntr à la place de ŋk, d’où helontrelona et
l’autre séquence se réalise toujours en ŋg, d’où helongelona. On peut penser aussi qu’il
s’agit d’une réduplication décalée avec l’insertion d’un élément tr entre les deux
éléments, car il est inimaginable d’avoir une variation h/tr, à moins qu’on l’accepte
comme variation irrégulière. D’ailleurs, l’évolution phonétique ne nous permet pas de
suggérer cette variation consonantique.
Pour conclure, d’après les exemples, en réalité, la différenciation au niveau de
la variation –ŋk- / -ŋg- se retrouve au niveau de la sémantique, dans la mesure où les
formes avec –ŋk- sont des mots non marqués et celles avec -ŋg-, des mots marqués.
Le degré -ŋg- ajoute un sens supplémentaire que nous avons essayé de définir. Nous
allons aborder, par la suite ce qu’on entend par différenciation par l’emploi
d’un élargissement.
274
Pour cette variation combinatoire de la séquence n+h en cas de réduplication, une autre variation de la
séquence peut apparaître dans le lexique. C’est ainsi qu’on a dans la réduplication de handrona
« stagnation, en parlant des liquides ou des travaux », la séquence n+h devient n, d’où handronandrona.
275
Il est à noter que les formes simples pour ces trois exemples cités ne sont plus vivantes dans la langue, et
ce ne sont que des reconstructions.
276
Pour plus de détails sur l’élargissement en langue malgache, voir Rajaona (1972, 2004), Andrianasolo
Fidèle (1974) et Rakotomanana Valérie (2006)
277
Dubois, 1973, à l’article Elargissement.
294
élargissement syllabique –àz- ou –àv- en cas de suffixation : be-az-ina « être éduqué »,
tadi-av-ina « être cherché ».
L’examen du lexique malgache montre que l’élargissement peut assumer
une fontion différenciative. En effet, l’application des règles qui régissent la suffixation
en malgache à deux radicaux distincts formellement peut aboutir à la création de deux
dérivées identiques sur le plan du signifiant. Alors, pour les différencier, la langue a
recours à l’usage d’un élargissement. En voici quelques exemples :
Sous la dominance d’une suffixation, certains radicaux subissent une alternance
non significative vocalique / ┴i : é , á/278. C’est le cas fafa « notion de balayer » et de
fafy « notion de semer en éparpillant, de répandre » ou de ota « notion de pécher » et de
oty « notion de sévrer ; notion de cueillir des légumes ». En effet, les deux radicaux
acceptent le suffixe –ana « objectif ». A cause de l’alternance /-i : à/, le radical fafy est
réalisé fafá-, tout le radical fafa. La forme morphologiquement attendue pour ces deux
radicaux serait *fafa-ana > fafana, d’où une collision homonymique. Pour y remédier,
la forme issue de fafa est maintenue telle qu’elle. En revanche, le dérivé de fafy reçoit
l’élargissement –z-, et la collision homonymique est évitée. Ce même processus se
rencontre aussi dans haha « notion de délier » / hahy « notion d’étendre au soleil pour
faire sécher, pour faire aérer », d’où * haha+-ana > hahana et hahy +-ana >*hahana>
hahazana. De plus, andry1 « notion d’attendre » et andry2 de mandry « être couché ou
se coucher » aboutissent à une seule forme verbale passive, l’autorégulation de la
langue différencie ces deux formes, d’où andrasana « qu’on attend » pour andry1 et
andriana « sur quoi on se couche » pour andry2.
278
Andrianasolo (1974), note 32.
295
comme dans tataka « décousu, fendu » / tatah-ana « qu’on découd, qu’on fend », ou
lavaka « trou, notion de creuser » » / lavah-ana « qu’on creuse ».
Pour certains radicaux, cette alternance apparaissant sous la dominance de
la suffixation peut assurer une fonction différenciative dans la mesure où, pour un
même radical, les degrés de l’alternance varient selon la signification exprimée par les
formes verbales. Ainsi, le radical tarika « notion de traîner, de tirer, d’attirer,
d’entraîner, de diriger » admet trois formes différentes à l’objectif :
tarihina « qu’on dirige, qu’on encadre, en parlant spécialement de travaux
intellectuels »,
taritina « qu’on tire, se dit des travaux physiques »
tarisina « qu’on tire, qu’on entraîne, dans un sens plutôt péjoratif »
Dans ces formes verbales, on a respectivement l’alternance k/h, k/t et k/s279. Selon
la règle générale de l’alternance, la forme morphologiquement attendue est tarihina,
car on sait que le degré fléchi pour la terminale –ka est h. A cause de la polysémie du
radical tarika, ce signifiant unique tarihina exprime trois signifiés différents, d’où une
collision homonymique. La langue prend en compte le phénomène d’alternance comme
moyen pour résoudre ce problème. La question est de savoir si actuellement, les
locuteurs savent différencier ces trois formes verbales et s’ils sont encore conscients de
cette différence. Mais ce qui est évident c’est qu’effectivement, la langue fonctionne en
elle-même et par elle-même.
Il en est de même pour le cas de totorana et totofana. Les locuteurs pensent que
ces deux formes verbales sont les résultats de la suffixation de –ana « objectif » au
radical tototra « comblé, entièrement couvert, recouvert », d’où totorana, la forme
morphologiquement attendue avec l’alternance de la terminale tr / r et totofana, une
forme non attendue avec l’alternance de la terminale tr/f. Si on accepte cette hypothèse,
279
En revanche, il est difficile d’admettre que, dans le lexique malgache, on peut se rencontrer la variation
k/s au niveau de la terminale vu leur trait phonétique très différent. De ce fait, si on accepte cette variation
k/s, c’est juste une variation non attendue. Mais si, dans le cas contraire, cette variation est inacceptable, on
peut penser que les tarisina et taritina auraient leurs radicaux respectifs *tary et *taritra, d’où le degré –ka
/ -tra / -ϕ de la terminale avec une nuance de sens pour chacun. Alors, l’élément s dans tarisina n’est qu’un
élargissement (*tari-s-ina).
296
la différenciation par alternance au niveau de la terminale280 est acceptable. Toutefois,
pour nous, cette différenciation s’explique facilement sur le plan de la diachronie. En
effet, on sait que la racine austronésienne est *tutup, mais elle devient tototra en
malgache. Cependant, nous constatons que la consonne finale de la racine
austronésienne peut réapparaître, comme lelaka « notion de lécher », et en cas de
suffixation, on obtient lelaf-ina et non *lelatrina, car la racine austronésienne est
*lilap. Par conséquent, la réapparition de la consonne initiale peut différencier deux
mots, d’où totorana « qu’on couvre, qu’on comble, se dit des objets concrets », et
totofana « qu’on accable, qu’on comble, se dit de l’aspect sentimental, aspect
psychologique ». Malheureusement, les locuteurs ne sont plus conscients de cette
nuance de sens malgré l’effort de la langue à essayer de les différencier.
280
A ce propos, Andrianasolo (1974) a cité d’autres exemples de différenciation dont la différence de
formes est constatée dans les formes verbales du type fongatra « notion d’extraire » / fongar-ina « qu’on
sort, qu’on extrait » et fongat-ina « qu’on sort, qu’on extrait avec force » où nous avons l’alternanace r / t,
raraka « notion de répendre » / rarah-ana « sur qui ou sur quoi on répand » et raraf-ana « sur qui on
répand avec force » dans lequel nous avons l’alternance h/ f ou du type sesika « ce qu’on fourre dans
quelque chose, ce qu’on presse dans » / seseh-ana « dans quoi on fourre, on bourre » et sesef-ana « dans
quoi on bourre (avec force) où nous identifions également l’aternance de la terminale h/f.
281
Rajaona 2004.
297
« agentif, statif » aux radicaux kipaka « action d’enlever, détacher » vs tsipaka
« donner un coup de pied à quelqu’un », safo « action de passer la main à plat sur
quelqu’un ou sur quelque chose » vs tafo « toit » fournit respectivement deux
homonymes, *man-(k)ipaka de tsipaka vs *man-(ts)ipaka de tsipaka, d’un côté et
*man-(s)afo de safo vs *man-(t)afo de tafo, de l’autre.
282
Nous pouvons avancer qu’au niveau syntaxique, on peut dire que dans certains cas, l’emploi des deux
préfixes man- et mi- différencie la transitivité de deux formes verbales. Ainsi, manasa « laver » est
différent de misasa « se laver », milaza « dire, annoncer, déclarer » de mandaza « dénoncer, accuser auprès
des juges », manoratra « écrire » de misoratra « s’inscrire ». Par contre, les formes verbales en man- et mi-
pour certains verbes du type manoto = mitoto « piler (le riz) » ou manday = milay « courir » sont
synonymes.
298
serpent » apparaissent sous la forme manolotra. Pour les différencier, le radical
tolotra garde l’emploi du préfixe man-, d’où la forme verbale manolotra ;
tandis qu’au radical tsolotra, la langue lui impose l’emploi du préfixe mana-,
d’où la forme mana-tsolotra > manatsolotra.
mana-tsolo « flamber » et man-solo « remplacer »
Ce couple présente également cette ambiguïté homophonique / homonymique,
car ces deux radicaux solo « un remplacant, » et tsolo « action d’appliquer le
feu à d’incendier » apparaissent sous la seule forme verbale attendue : manolo.
Face à ce problème, le choix de deux préfixes différents serait imposé comme
solution : le préfixe man- pour le radical solo, et le préfixe mana- pour le
radical tsolo.
Les trois paragraphes ont permis de décéler les trois types de différenciation en
dehors de notre objet d’étude. Dans le paragraphe qui suit, nous allons expliquer
la différenciation par emploi de la réduplication
283
Cours dispensé par Siméon Rajaona en troisième année de Licence, en 1997.
299
contre, au niveau morphologique, ils peuvent se différencier par le processus de la
réduplication : foka1, en cas de réduplication donne fopoka où il y a une apocope totale
de la terminale, alors que foka2, nous avons fokafoka dans lequel la réduplication
n’entraîne aucun changement au niveau de sa constitution phonétique.
D’autre part, il a été dit qu’en général la consonne initiale des radicaux subit
une alternance non significative, avec ou sans compensation, sous la dominance du
préfixe man-. C’est ainsi que les consonnes /f/ et /v/ alternent avec Ø en cas de
préfixation de man-. Pour les radicaux faly « joyeux » et valy « réponse », l’application
de cette règle entrainerait une collision homonymique car les formes attendues
apparaitraient sous la forme mamaly qui s’analyserait en *mam-(f)aly et mam-(v)aly.
On ne peut pas opter pour l’usage de deux préfixes tels que man-/mi- car les deux
radicaux acceptent déjà le préfixe pour exprimer d’autres valeurs morphologiques : mi-
faly « se réjouir » et mi-valy « avoir une réponse » sont des verbes statifs. Alors, la
langue aurait différencié les deux formes en utilisant la réduplication pour l’une d’entre
elles, tout en gardant la forme simple pour l’autre. Ainsi, on aurait une opposition
mam-(v)aly « répondre » vs mam-(f)alifaly « rendre joyeux ». En bref, la réduplication
exerce une fonction différenciative dans les couples du type mam-(v)aly vs mam-
(f)alifaly.
De ce fait, nous allons aborder deux types de différenciation par l’emploi de
la réduplication : différenciation au niveau des mots radicaux et différenciation au
niveau des mots construits.
300
structure organique même qui différencie ces deux radicaux homonymiques. En effet,
le segment –ka de foka1 est une terminale, donc, susceptible d’une alternance, alors
que l’élément –ka de foka2 ne l’est pas, car il n’admet aucune alternance ni en cas de
suffixation ni en cas de réduplication. Cette situation nous amène à avancer que le
segment –ka du foka2 fait partie intégrante du radical, c’est-à-dire une syllabe
organique, et par conséquent, il ne subit jamais d’alternance en aucun cas. Dans cette
optique, la réduplication permet de distinguer deux radicaux homonymiques mais de
structures organiques différentes.
Un tableau illustratif présentera les quelques exemples suivants284 :
Radicaux homonymes Foka1 Foka2 Tsitra1 Tsitra2 Hena1 Hena2
Signification « notion de « qui a « bruit « turbulance » « notion « notion de
fumer » perdu la éclatant » de résister »
tête » diminuer,
de se
réduire »
Nature des éléments terminale à terminale à caractère à caractère
–ka, -tra, caractère organique terminale organique
-na organique
Formes rédupliquées fopoka fokafoka tsitsitra tsitratsitra henkena henahena
284
La nature de ces éléments –ka, -tra ou –na peut être identifiée parle procédé de composition. Ainsi,
tratra est un mot homonymique : tratra1 « atteint, attrapé, surpris » et tratra2 « poitrine » ; mais la
compositon de ces mots avec d’autres mots, nous pouvons montrer que l’élément –tra de tratra1 est une
terminale, d’où tratra +voina > tra(tra)-boina « sinistrés » , tratra+loza > tra(tra)-doza « victimes »,
tratra+fahorina > tra(tra)-pahoriana « malheureux », alors que –tra de tratra2 fait fartie intégrante du
radical tratra, d’où tratra +gisa > tratran-gisa « litt. la poitrine des oies ».
301
forme, c’est la réduplication qui va assumer le rôle de les différencier, d’où
hanakanana pour hanana1 et hananganana de manganangnana pour hanana2.
Contrairement à ce que nous avons détaillé précédemment, nous allons voir, par
la suite, que la réduplication peut différencier des mots construits, notamment dans
des formes verbales. Comme illustration, on peut citer les exemples suivants :
man- (k)irikiry et man-(ts)iry
La préfixation de man- aux radicaux tsiry et kiry, selon la règle de variation
consonantique en position initiale aboutit à une seule forme maniry dans la
mesure où /k/ et /ts/ alternent avec Ø sans compensation en malgache officiel.
Les deux radicaux acceptent déjà le préfixe mi- : mikiry « s’obstiner », mi-tsiry
« pousser ». Alors, pour les différencier, la langue a recours à la réduplication
pour le radical kiry, d’où le verbe man-(k)iri-kiry > manirikiry « importuner »,
ce qui permet le maintien de la forme simple man-(ts)iry > maniry « pousser »
pour le radical tsiry.
man-(s)afosafo et man-(t)afo > *manafo
La préfixation de man- aux radicaux safo « caresse » et tafo « toit » devrait
donner la forme unique *manafo. Comme les verbes mi-safo « toucher
légèrement » et mi-tafo « recevoir un toit » existent déjà, la différenciation par
l’usage de deux préfixes n’est plus possible. Comme solution à la collision
homonyme, la langue utilise la différenciation par la réduplication : d’où les
formes man-(s)afo-safo > manafosafo « caresser » vs man-(t)afo > manafo
« couvrir la maison, faire le toit ».
man-(t)olotra et man-tsolotsolotra
L’application de la règle de l’alternance non significative des consonnes en
position initiale pour les radicaux tolotra « cadeau » et tsolotra « action
d’avancer » fournit deux homonymes apparaissant sous la forme manolotra.
L’usage de deux préfixes pour résoudre le problème n’est pas possible car les
deux radicaux acceptent déjà le préfixe mi- : mi-tolotra « offrir, livrer » et mi-
tsolotra « avancer et reculer comme le dard d’un serpent ». En dernier recours,
la langue aurait différencié les deux formes en employant la réduplication pour
302
la forme issue de tsolotra et en gardant la forme simple pour le dérivé de
tolotra : man-(ts)olotsolotra « avant souvent, comme le joueur aux billes qui
avance trop la main en jouant » vs man-(t)olotra « donner ».
A noter que pour le radical tsolotra, la langue dispose de deux possibilités de
différenciation : soit l’emploi du préfixe mana-, soit la réduplication : d’où les
variantes mana-tsolotra > manatsolotra et man-tsolotra-tsolotra > manolotsolotra.
man-kipaka et man-tsipaka > *manipaka
Comme le cas de man-tsolotra déjà expliqué ci-dessus, man-kipaka et man-
tsipaka use également du procédé de réduplication afin d’éviter l’homophonie et
l’homonymie. De ce fait, la réduplication de manipaka de kipaka donne la
forme man-kipaka-kipaka > manipakipaka « déplacer » et celle de manipaka de
tsipaka, tsipaka-tsipaka >manipatsipaka « donner des coups de pieds ».
manena vs manekena, manenahena et manenatena
Les trois radicaux kena, hena, tena correspondent à une seule forme verbale
*manena, sous la dominance de la préfixation de man-. Leur forme verbale est
donc réduite à un seul signifiant. Pour les différencier, le procédé de réduplication
devra se mettre en œuvre, d’où manenakena ~ mikenakena pour le radical kena
« soigner », mañenahena pour le radical hypothétique hena « s’obstiner »,
manenatena pour le radical *tena « saisir par le milieu ». Et seulement, man-hena
> manena « amincir » de manena tena garde sa forme simple. Manena est la
forme verbale résultant de la préfixation de man- aux radicaux kena, hena et tena,
d’où une collision homonymique. Conformément au principe de la stabilité de
l’identité phonologique des unités significatives, la langue utilise le procédé de
réduplication pour résoudre ce problème d’homonymie, c’est-à-dire pour
différencier ces trois formes verbales.
En outre, les constituants des couples du type fara / farafara appartiennent à des
champs notionnels différents, et par conséquent, ils ne devraient pas faire partie de
notre étude. De plus, l’existence des couples du type mam-(v)aly « répondre » vs mam-
(f)alifaly « distraire » n’entretiennent aucune relation sémantique. Pourtant, nous avons
démontré que dans ces couples la réduplication exerce une fonction différenciative afin
303
d’éviter une collision homonymique résultant de l’application des règles
morphologiques relatives à la préfixation de man-.
Vu sous cet angle, nous pensons que les couples du type fara « descendant » vs
farafara « lit » possèdent en général les mêmes caractéristiques que les couples du type
mam-(v)aly vs mam-(f)alifaly. D’abord, les éléments du couple ne sont liés
sémantiquement. Sur le plan formel, il semble qu’ils apparaitraient sous une seule
forme à l’origine : mam-(v)aly vs mam-(f)alifaly seraient issus d’une forme *mamaly
s’analysant en *mam-(v)aly et *mam-(f)aly. Vu sa structure phonématique, farafara
pourrait être un dérivé par réduplication d’un radical fara ; s’il en est ainsi, la langue
malgache disposerait, à une période de son histoire, deux radicaux homonymes fara1
« descendant » et fara 2 « lit », tout comme l’existence des homonymes
toro1 « indication » et toro 2 « brisé, écrasé ». Et résoudre le problème de collision
homonymique, l’un des termes serait gardé en tant que forme simple et l’autre serait
rédupliqué : mam-(v)aly et fara1 ont été conservés tels quels ; *mam-(faly) et *fara2
auraient été rédupliqués respectivement en mam- (f)alifaly et farafara avant de sortir de
l’usage. Les couples avy « venir » vs aviavy « sorte de figuier », firy « combien » vs
firifiry « froid vif » font partie de ce paradigme. D’après cette démonstration, dans les
couples du type fara « descendant » vs farafara, la réduplication servirait à différencier
des mots qui seraient homonymes à l’origine.
304
6.3. La réduplication assumant une fonction grammaticale
305
vatovato « couvert de pierres »
Pour certains mots du type haingohaingo, il faut nuancer cette marque de pluralité
dénotée par la réduplication. Ce n’est pas tellement le nombre d’objets qui est exprimé
dans les exemples de ce type, mais l’existence de différentes espèces d’objets. Dans
les exemples suivants, la réduplucation se définit comme contrainte de la formation de
certaines catégories grammaticales.
285
Danielle Corbin, 1989, Contraintes et création lexicales en français, in L’information Grammaticale,
n°42. http://www.persee.fr/doc/igram_0222-9838_1989_num_42_1_1994
286
Danielle Corbin, Contraintes et création lexicales en français, in L’information Grammaticale, n°42.
http://www.persee.fr/doc/igram_0222-9838_1989_num_42_1_1994
287
Augustin, Ndioni, La réduplication en français : aspects et rapport avec la construction d’identité, in
http://www.academia.edu/4459507/La_reduplication_et_lidentite_en_francais
306
autres ». A titre d’exemples, on peut identifier la réduplication parfaite entre base et la
forme réduplicante dans des formes onomatopées dans la mesure où la syllabe répétée
et la syllabe réduplicante est identique, comme dans les onomatopées du type glouglou
< glou + glou, blabla < bla + bla, froufrou < frou + frou288.
Effectivement, la langue dispose des procédés morphologiques pour que la
catégorie d’un mot change de l’un à l’autre. Dans certains cas, le changement de
catégorie se réalise sans changement formel, le procédé de conversion. Le mot suivant
en français est le participe présent du verbe suivre, et il est devenu un adjectif sans
changement formel dans les mots suivants, puis une préposition dans suivant le nombre
d’étudiants. Toutefois, dans d’autres cas, le changement de catégorie s’opère avec
changement formel, l’emploi du procédé d’affixation. Ainsi, à partir du nom vato
« pierre », nous avons voto-ana « pieurreux » par l’emploi du procédé de suffixation –
ana289 « formatif d’adjectif ». Par ailleurs, en malgache, le changement de catégorie se
fait aussi avec l’existence préalable de la réduplication, comme nous appelons
contrainte. C’est ce que nous retrouvons dans la formation de ki-mami-mamy « nom
d’une plante qui a un goût sucré » dans lequel nous avons la base mamy « sucré », un
adjectif qui devra être rédupliqué avant de procéder à la préfixation de ki- « formatif de
substantif », d’où mamy / *ki-mamy / ki-mamimamy.
L’examen du lexique malgache permet effectivement de constater que le
processus de réduplication peut accompagner un changement de classe grammaticale.
En effet, il y a des cas où à partir d’une forme simple appartenant à une classe
grammaticale bien déterminée, on peut former un mot d’une autre classe grammaticale
par l’emploi de réduplication. Dans cette étude, nous allons évoquer les processus
suivants :
- La réduplication dans la formation des substantifs
- La réduplication dans la formation des adjectifs
- La réduplication dans la formation des verbes
- La réduplication dans la formation des adverbes
288
Ces exemples doivent aussi à Augustin Ndioni.
289
Pour plus de détails, voir Rajaona (1972).
307
6.3.2.1. La réduplication dans la formation des substantifs
290
Ce ne sont qu’à titre illustratif, mais pour les détails, voir Rajana (1972) et Rajaonarimanana (1995).
308
réalisation. Le premier exemple provient de l’adjectif mamy qui doit subir la
préfixation de ki- avec une forme rédupliquée au préalable de l’adjectif, d’où son
parcours morphologique mamy /*ki-mamy/ ki-mami-mamy. Quant au deuxième
exemple, il résulte du verbe mandry « être couché » qui doit être soumis à
la préfixation de tsi- avec réduplication au préalable de ce verbe, d’où mandry / tsi-
mandry / tsi-mandri-mandry.
En revanche, dans les substantifs du type kivarivary « dinette », kiombiomby « jeu
d’enfants juant le rôle de bœufs » ou du type kilalao ~ kilaolao (bl) « jouets », nous
pensons que c’est le morphème ki- ~ tsi- qui prime dans la formation de ces substantifs.
La réduplication sera donc soit un phénomène auxiliaire pour certaines formes soit un
fait de langue véhiculant une nuance sémantique. C’est pourquoi, nous avons
considéré, dans le cas comme ici, la formation des noms construits par la préfixation de
ki- doit procéder à la réduplication. En outre, il faut noter qu’il n’y a pas de préfixe sans
signification : en tant qu’affixe, il est doué de sens. Donc, il est difficile de croire que le
processus de la réduplication est porteur de sens à ces mots. De plus, si nous pensons
au contact de la langue malgache avec la langue swahilie, le préfixe ki- /vi- en kiswahili
constitue une classe nominale. Donc, l’identité de l’élément ki- en tant que préfixe en
malgache et en kiswahili a pour conséquence que dans une forme du type kivarivary, le
préfixe ki- est un formatif de substantif, et la réduplication reste un processus
obligatoire pour la majorité des dialectes malgaches comme le merina et facultatif pour
les dialectes comme le betsileo, d’où
En Mr : omby /*ki-omby en Bl : omby / ki-omby
/ ombi-omby → ki-ombi-omby
Trano / *ki-trano trano / ki-trano
/ trano-trano → ki-trano-trano
De ce fait, c’est à partir de cette règle morphologique que les mots du type ki-
vori-vory, ki-nama(na)-namana ou ki-haingo-haingo sont contruits par le « principe de
copie ».
309
substantifs respectifs volo « cheveux » et vato « pierre » décline la formation des
adjectifs voloina « poilu » et vatoana « pierreux ». Mais, en restant dans cette classe
adjectivale, la réduplication ne déclenche pas de changement de classe grammaticale,
mais il reste un phénomène accessoire véhiculant une nuance sémantique. Autrement
dit, en termes de contrainte, la formation des adjectifs construits par préfixation de ki-
sur une base d’un adjectif même doit s’appliquer à la réduplication. Prenons ces trois
énoncés :
(P1) Adala iny zaza iny. « Cet enfant est fou »
(P2) [RNL]adala = Adaladala iny zaza iny. « Cet enfant est un fou (foufou) »
(P3) [ki-RNL]adala = Kiadaladala iny zaza iny. « Cet enfant se comporte comme
un fou », mais pas *ki-adala iny zaza iny.
D’après ces exemples, nous pouvons avancer que le rapport entre adala dans (P1)
et adaladala (P2) relève de la sémantique dans la mesure où ces deux adjectifs se
différencient par une valeur sémantique identifiée à l’intérieur d’un même champ
notionnel, valeur sémantique qui fera l’objet de notre présentation dans le chapitre7.
Autrement dit, dans adaladala, la réduplication est un procédé morphologique, donc
elle est douée de sens, tandis que dans kiadaladala, la réduplication est un phénomène
morphologique ; donc, elle est non douée de sens, mais la formation de ce kiadaladala
demande la réduplicaion au préalable de l’utilisation de ki-. En outre, en partant
toujours de la base adala (P1), l’emploi du préfixe ki- « état volontaire, c’est-à-dire
faire semblant »291 à un adjectif demande toujours la réduplication de base. Par
conséquent, les formes du type *kiadala ou *kifotsy ou encore *kimaditra ne sont pas
acceptables, car le fonctionnement de ce préfixe exige la réduplication de la base, d’où
les parcours morphologiques suivants :
1) Adala iny zaza iny « Cet enfant est fou »
*ki-adala iny zaza iny → ki-adala-dala iny zaza iny. « Cet enfant est un
foufou »
2) Feno tasy fotsy ny lobakao « Ta chemise est couverte de taches blanches »
291
Les deux mots construits par l’emploi de la réduplication dénotent tous deux une valeur dimunitive par
rapport à la base adala, mais ils ne sont pas des mots synonymiques, dans la mesure où adaladala indique
un état non volontaire par rapport à kiadaladala exprime « un état volontaire ».
310
*Misy tasy ki-fotsy ny lobakao → Misy tasy ki-fotsi-fotsy ny lobakao. « Ta
chemise a beaucoup des taches blanches »
3) Maditra iny zazalahy iny « Ce garçon est têtu. »
*ki-maditra iny zazalahy iny → Ki-maditra-ditra iny zazalahy iny. « Ce garçon
est un peu têtu ».
Par ailleurs, l’examen de notre corpus montre aussi que les substantifs du type
rano « eau » ne semblent accepter un préfixe formatif d’adjectif que sous la forme
rédupliquée. En d’autres termes, pour avoir des adjectifs construits à partir de ce type
de noms, il faut que cette base soit rédupliquée. C’est ainsi que nous avons rano /*ma-
rano/ ma-rano-rano ou bien *man-drano/ man-drano-rano « qui suinte, comme
certaines plaies ». C’est dans ce sens que la réduplication reste comme contrainte à la
formation de certains adjectifs. Lorsque la réduplication n’a pas eu lieu dans la
formation des adjectifs, la suffixation –ka intervient. C’est ce que nous avons dans rano
/ maranorano ou maranoka ou bien rano / mandranorano / mandranoka.
Deux points ou deux microsystèmes sont évoqués dans l’emploi de la
réduplication dans le système adjectival malgache. Le premier point concerne l’emploi
du préfixe ki- « préfixe d’adjectif » + réduplication d’un adjectif base et le deuxième
point constitue l’emploi du préfixe mi- ou man- + réduplication d’un nom base. Dans le
paragraphe suivant, nous allons traiter de la réduplication dans la formation des verbes.
311
d’où sala-(ny) / *mi-sala / mi-sala-sala « hésiter » ou *man-(s)ala / man-(s)alasala
« se mettre en deux ». Dans les radicaux de ce type, la réduplication est un phénomène
morphologique qui résulte de l’emploi d’un procédé morphologique, et ici, l’emploi
d’un préfixe, formatif de verbes. Ce processus morphologique est à L4origine des mots
rédupliqués lexicalisés (RL) mais au fait, les radicaux de ce type ne peuvent pas être
intégrés dans le système des mots rédupliqués lexicalisés, car la base simple est encore
vivante, donc il fait partie des mots rédupliqués non lexicalisés (RNL). Autrement dit,
la réduplication n’a rien à voir avec la formation des verbes, mais elle est une
contrainte dans sa formation. Il en est de même pour la formation du verbe mamolavola
« mettre en boules, fig. préparer, concevoir ». En effet, Malzac met en entrée volavola,
c’est-à-dire un radical rédupliqué lexicalisé (RL). Mais, ce verbe a comme base vola
« monnaie, forme rond », d’où la forme verbale formellement attendu *mamola par
l’emploi de man-, qui devient mamolavola par réduplication de cette base.
Sous cet angle, nous pouvons avancer que la formation du verbe miloloha peut
s’expliquer comme le fonctionnement de la réduplication, comme contrainte dans
la formation de ce verbe. En effet, ce verbe a comme base loha « tête », et après
l’emploi du préfixe verbal mi-, on S4attend à *miloha. Or, cette forme verbale n’existe
pas, mais, la langue a recours à la réduplication, d’où loha /*miloha / miloloha « notion
de porter sur la tête ».
312
identifié comme un verbe dans les phrases du type Mandeha mianatra izy « Il va à
l’école » ; mais il devient un nom dans les phrases du type Mahafinaritra izany
mandeha izany « Voyager, c’est formidable ». C’est ce que nous avons aussi au niveau
du mot mora qui se définit comme un adjectif dans la phrase du type Tena mora iny
fanadinana iny « Cet examen est tellement facile », alors que dans la phrse du type
Miteny mora izy « Elle parle moins fort », il se définit comme un adverbe. Ce qui nous
intéresse ici, c’est le premier type de formation, c’est-à-dire la formation des adverbes
avec changement formel. Dans notre cas, l’étude des mots rédupliqués nous permet
d’évoquer les microsystèmes distincts : la réduplication dans la formation des adverbes
distributifs et la réduplication dans la formation des adverbes du type kelikely et
tsikelikely.
Dans le premier microsystème, il se trouve que dans la formation des adverbes
distributifs, la réduplication est pour nous une contrainte dans leur formation.
Effectivement, l’emploi du préfixe tsi- aux adjectifs numéraux cardinaux, pour former
des adverbes, exige la réduplication des bases. Donc, la langue n’accepte pas les
formes *tsi-iray, *tsi-roa, *tsi-telo, mais tsirai-ray « un par un », tsi-roa-roa « deux
par deux ou groupe de deux », tsi-telo-telo « trois par trois ou groupe de trois ».
313
C’est pour cette raison que nous avons dit que la réduplication dans la formation
des adverbes est aussi une constrainte car elle peut assurer cette formation auxilaire
pour que les adverbes de même base ne soient pas homonymes. La réduplication peut
fonctionner pour remédier à ce problème. C’est ce que nous avons aussi dans le
parcours morphologique mora/ moramora/ *tsi-mora / tsi-mora-mora.
314
6.5. La réduplication dans la formation des noms d’animaux, des
végetaux et des noms d’instruments
Les linguistes qui ont déjà travaillé sur la réduplication partagent leur avis à ce
que la réduplication assume aussi la fonction lexicale (Kabore : 1998, Zeitoun : 2005,
2006). Effectivement, la réduplication dans la langue malgache, comme dans la plupart
des langues, permet de former de nouvelles unités lexicales. Parmi les plusieurs
formations lexicales assumées par la réduplication, dans cette thèse, nous allons
pencher notre présentation sur trois points : la formation des noms d’animaux et des
végétaux, la formation des noms des instruments, et la formation des mots par
évolution de sens.
L’étude du corpus nous amène à constater que la réduplication joue un rôle très
important dans la formation des noms d’animaux et de végétaux. D’une part, nous
savons que des noms d’animaux (voay < bwa’i « crocodile », lalitra <laleg
« mouche ») ou des végétaux ou des toponymes, du type ajiajia peuvent être une sorte
de retention de l’austronésien. Certains sont d’origine bantoue (omby, amboa, mamba,
mji angaya> Mujanga > Mahajanga, ou venant d’autres langues en contact avec la
langue malgache (gisa < geese). Par conséquent, outre les connaissances linguistiques,
l’étude de ce type demande beaucoup de connaissance de l’histoire relative à cette
étude. Quoi qu’il en soit, nous pouvons citer quelques exemples des noms d’animaux292
et de végétaux résultant du procédé de réduplication, sans parler de leur origine. Ce qui
importe dans cette étude, c’est que la réduplication forme des noms d’animaux.
Formation par la réduplication totale :
gagà « corbeau »
ganagana ~ drakidraky ~ gana « canard »
kibokibo ~ kibobo ~kibo « caille »
kinakina ~ kananavy ~ ramanavy ~ fanihy ~ angavo « chauve-souris »
hitsikitsika ~ kitsikitsika « crécerelle. Tinnunculus
292
D’après ce nous avons dit précédemment dans le paragraphe 3.1.2.b1, des noms d’animaux sont formés
par leur cri, d’où la réduplication onomatopéique.
315
kolokolo ~ gologolo ~ holokoloka ~ vorontsiloza « dindon »
vivỳ « grèbe. Podiceps minor ou colymbus minor »
293
Boiteau, P. et alii, 1999, Dictionnaire des noms malgaches de végétaux, Grenoble, Coll « Nature »,
Flore de Madagascar.
316
Formation par la réduplication partielle
dendemy ~dendemo ~ dandemo ~dindemo « Anthocleista amplexicauis
Baker »
horirika ~ hororoka « thylachium monophyllum »
tangongo ou tangongona « Cyanthula Cylindrica »
tatamo « nénuphar dont la fleur est jeune par-dessus et violette au-dessous »
294
En général, on emploie toujours angady au lieu de fangady, une forme obtenue par une chute de la
consonne initiale ou aphérèse.
317
En conclusion, ce chapitre a permis de mettre au jour les différentes fonctions de
la réduplication en malgache. Selon l’examen des faits, nous avons pu dégager cinq
fonctions majeures de la réduplication en malgache : la réduplication assumant fonction
distinctive, la réduplication assumant la fonction différenciative,
la réduplication contrainte dans la formation de certaines catégories grammaticales,
la réduplication permettant de changer des structures syllabiques des mots
paroxytoniques, et la réduplication à fonction lexicale, notamment dans la formation
des noms d’animaux, des noms des végétaux et des noms d’instruments. Nous avons
montré, pour certaines formes rédupliquées, que la réduplication n’est pas
un procédé, mais elle peut être définie comme un phénomène morphologique
apparaissant après l’emploi d’un procédé morphologique. Dans certains cas, la
réduplication n’apporte aucune valeur sémantique, mais une fonction de type
différenciative ou bien comme contrainte dans la formation de certaines catégories
grammaticales. Cependant, l’étude des mots rédupliqués nous a amenée à souligner
qu’elle peut être définie comme procédé morphologique, elle exprime des valeurs
sémantiques par rapport à la base. Par conséquent, le chapitre 7, c’est-à-dire, le dernier
chapitre sera consacré à cette étude sémantique. Nous allons, donc dégager les
différentes valeurs sémantiques exprimées par la réduplication. Pour ce faire, nous
essaierons d’établir les différents types de relations existantes dans les éléments mis en
opposition afin de dégager, par suite les valeurs sémantiques de cette réduplication.
318
Chapitre 7 : Valeurs semantiques de la réduplication en malgache
Pour ce septième et dernier chapitre, nous allons dégager les différentes valeurs
de la réduplication dans la langue malgache. Selon Lyons (1970), « La structure
sémantique de tout système de mots d’un vocabulaire est formée du réseau des
relations sémantiques qui relient entre eux des mots du système en question. ». Ce qui
implique que l’analyse sémantique sera basée aussi sur des relations. Mais ce choix ne
nous empêche pas de recourir à d’autres approches linguistiques ou extralinguistiques
pour éclaircir certaines relations. Ces relations sémantiques sont basées principalement
sur les types d’opposition selon Troubetzkoy (1963) et c’est à partir de ces oppositions
que nous pourrions dégager les valeurs sémantiques. Il est indéniable que
l’identification d’opposition selon Troubetzkoy a débuté en phonologie mais elle
s’étend à d’autres domaines de la linguistique. De nos jours, les relations sémantiques
des lexèmes peuvent être identifiées selon ces types d’opposition. Nous pensons qu’en
adoptant cette approche, nous arriverons à déterminer les différentes valeurs
sémantiques de la réduplication.
Mais, avant d’exposer les différentes relations sémantiques qu’entretiennent les
éléments mis en opposition, j’aimerais apporter quelques précisions. D’abord, notons
que l’établissement des relations morphosémantiques régulières et constantes semble
difficile vu la présence cumulative d’autres processus linguistiques dans les mots
rédupliqués. Ensuite, les significations des mots rédupliqués dépendent parfois du
contexte ou du cotexte dans lesquels les mots rédupliqués fonctionnent. Conformément
à ce que les gens disent concernant l’étude sémantique, il n’y a pas de valeur absolue
dans la sémantique car plusieurs paramètres devront être pris en considération pour que
l’analyse sémantique soit fiable. La signification des mots peut être interprétée de
diverses manières, entre autres l’étude liée au contexte, à la référence, par rapport à
l’émetteur ou encore par rapport au cotexte. Par conséquent, certains couples
appartiennent à deux types d’opposition différents parce que leurs relations
sémantiques dépendent de la référence. En outre, nous avons mentionné que la base
n’est pas forcément un radical, mais des fois elle est un mot construit à partir d’un
radical, et en tant que mot construit, ce mot a subi déjà une opération morphologique,
douée de sens ou non, (par ajout, par adjonction ou par effacement d’éléments
319
morphologiques). Face à cette situation, et malgré l’identification du parcours
morphologique des mots rédupliqués, on se demande vraiment si la réduplication ou
l’autre processus morphologique qui y est associé exprime la valeur sémantique ou
bien les deux processus, c’est-à-dire les deux processus sont cumulés pour dénoter la
valeur sémantique. D’ailleurs, les lexicographes ne mentionnent pas, en général, les
significations des mots rédupliqués, excepté Gueunier (2016) et Rajaonarimanana
(1995) qui ont mentionné en abréviation la valeur des mots rédupliqués recensés dans
leurs dictionnaires. En effet, pour chaque mot rédupliqué, ils ont mis à côté attén. ou
dim. pour indiquer la valeur atténuative ou diminutive, fréq. pour signaler la valeur
fréquentative.
Pour ce faire, les lexèmes sont traités autant que possible de façon binaire, c’est-
à-dire mise en opposition de deux éléments qui sont étudiés selon les trois types
d’oppositions de Troubetzkoy, à savoir l’opposition privative, l’opposition graduelle et
l’opposition équipollente. Pour terminer ce chapitre 7, nous allons aborder les relations
synonymiques définies dans l’opposition neutralisée ou encore dans la variation libre
ou dans la variation topolectale. Et c’est à l’intérieur de chaque type d’opposition que
nous repèrerons les valeurs sémantiques exprimées par la réduplication totale et
partielle. Nous allons les présenter une à une.
7.1.1. Définition
295
Troubetzkoy (1973 : 76)
320
possède pas ce trait. Ainsi, le phonème /d/ dans daina est marqué par rapport au
phonème /t/ dans taina, puisque /t/ de taina ne possède pas le trait « sonore » identifié
dans /d/ de daina296.
En morphologie, dans la catégorie grammaticale du nombre du français,
l’opposition pluriel (marqué) vs singulier (non marqué) se définit par la présence ou
l’absence de la marque de la pluralité : enfants est au pluriel du fait qu’il possède la
marque du pluriel -s ; en revanche, enfant est au singulier parce qu’il est privé de ladite
marque.
En sémantique, le rapport de sens entre courir et marcher se définit par la relation
d’opposition privative dans la mesure où les deux lexèmes ont un sème commun « se
déplacer » mais en plus de ce sème commun, courir ajoute le sème spécifique
« vitesse ». Ainsi, marcher est non marqué par rapport à courir qui est marqué parce
qu’il possède la marque « vitesse ».
D’après ces exemples, ce type d’opposition peut se résumer comme ceci : A / B
↔ A : TM (terme marqué) = SC (sème commun) + marque / B : TNM (terme non
marqué). Cette formulation signifie que les mots formant couple doivent avoir un sème
commun (SC), l’un de ces éléments constitutifs (il peut être la base ou le mot
rédupliqué) est défini comme terme marqué (TM) et l’autre, un terme non marqué
(TNM). Ce qui nous amène à signaler que dans certains cas, les mots rédupliqués
peuvent exprimer la valeur généralisante (TNM), et dans d’autres cas, ils peuvent
dénoter la valeur spécialisante (TM).
En conséquence, nous allons diviser les mots rédupliqués figurant dans ce
système en deux classes : la première classe regroupe les couples dans lesquels le mot
rédupliqué est non marqué par rapport à la forme simple. L’autre classe rassemble les
couples où le mot rédupliqué a reçu un sème de plus que l’autre.
296
Cet exemple est tiré dans Razanamalala (2013)
321
marque, d’un sème particulier. Selon Ullmann, « il y a généralisation de sens, s’il y a
extension de l’aire de signification, c’est-à-dire que cette aire est plus étendue
qu’auparavant »297. L’extension de sens est définie par l’absence de la marque dans le
mot après l’application d’un procédé. Ainsi, l’adjonction du suffixe dérivationnel –ka a
occasionné une généralisation de sens dans le couple ava « sarclage = séparation des
mauvaises herbes » vs ava-ka « distinction, séparation » dans la mesure où le sème
« mauvaises herbes » est omis dans ava-ka, rendant ainsi le terme plus général car son
champ d’application n’est pas limité.
De ce fait, les mots rédupliqués figurant dans ce microsystème ne comportent
aucun sème supplémentaire, contrairement à celles de la base. Et l’étude des couples de
ce paradigme montre que la généralisation de sens s’effectue par une extension de sens.
Rappelons que nous parlons de l’extension de sens si l’aire de signification est plus
étendue que celle de la forme simple, contrairement à la restriction de sens. Autrement
dit, un mot non marqué a une aire de signification plus étendue. Ce microsystème est
constitué donc par les couples dont la forme rédupliquée est définie comme non
marquée par rapport à la forme simple de base. Les exemples suivants illustrent ce qui
a été abordé :
Rondrarondra « végétation luxuriante, état d’une chevelure longue et pendante,
de branche longue et pendante » / sahondra « une variété d’aloès dont les fleurs
rouges et jaunes pendent en grappes ; nom d’une jeune fille ». Il est évident
pour ce couple que l’aire de signification est plus étendue dans le mot
rédupliqué rondrarondra que dans la forme simple sahondra, d’où
sahondrahondra (TNM) / sahondra (TM) = sahondrahondra + une plante ou
une jeune fille. L’existence de hondrahondra semble prouver que c’est plutôt le
préfixe sa- dont la valeur est à déterminer qui soit à l’origine de la simplification
du radical.
Akanakana « hésitation, balbutier, se troubler » / akana « s’arrêter en parlant,
rester court »
Ce couple présente le rapport général / particulier et c’est plutôt la forme
rédupliquée qui dénote la valeur généralisante par rapport à la forme de base.
297
Ullmanns (1969 : 251)
322
D’après l’étude relationnelle de ces éléments, dans la réduplication akanakana,
l’aire de signification est plus étendue que celle dans la forme simple akana.
D’après la signification donnée par le dictionnaire Malzac, c’est la forme de
base akana qui exprime l’hésitation particulière « dans sa parole », tandis que la
forme rédupliquée akanakana indique l’hésitation en général.
298
Ullmanns, (1969 : 273)
299
http://fr.wikipedia.org/wiki/m%c3%a9taphore
300
Cf. Siméon Rajaona, 1993, Zava kanto vita amin’ny teny, Edition Ambozontany Fianarantsoa.
301
http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?id=3203
323
réalisé, au moins deux éléments sont présents : le mot de départ, c’est-à-dire le
comparé et le mot métaphorique, le comparant302, et Ullmann a ajouté le trait de
similarité303. Voici un schéma synthétique qui illustre cette figure de style que nous
venons d’expliquer :
Trou (d’aiguille)
302
Bacry,Patrick, 1992, Les Figures de style et autres procédés stylistiques, Paris, Belin, coll. « Collection
Sujets ».
303
Ullmann, (1969 :277 – 279)
304
Ibid
324
Un dernier exemple pour illustration : le couple biby « animal » / bibibiby « qui
se ressemble à un animal » présente ce rapport de similarité comme nous avons
dans Bibibiby fanahy izy « (Litt. Il a le comportement d’un animal) : Il a un
esprit malsain ».
Nous allons définir en premier lieu ce qu’on entend par métonymie et par la suite,
nous essaierons de dégager la valeur métonymique de la réduplication.
La métonymie est une figure de style fondée sur l’association de deux concepts,
mais l’association de deux concepts présente un rapport syntagmatique305. Dans la
rhétorique, la métonymie se définit comme « une figure de style qui remplace un
concept par un ordre avec lequel il est en rapport par un lien logique sous-entendu : la
cause à effet, la partie et le tout, le contenant et le contenu…. »306
Le rapprochement des mots du type kibo « ventre » et kibobo « oiseau au gros
ventre » permet de constater que la réduplication des mots de ce type exprime une
valeur spécialisante. Ainsi, l’étude des couples de ce type montre que la valeur
spécialisante exprimée par la réduplication s’explique par le procédé du transfert
métonymique, ici, il s’agit d’un rapport entre le tout et la partie, d’où kibobo, l’oiseau
qui exprime le tout, c’est-à-dire le sens général et la base kibo « ventre », la partie. Il en
est de même pour le couple zoro/zozoro dans lequel nous avons défini le rapport
métonymique (tout / partie). Ainsi, zozoro indique « la plante, l’espèce de souchet,
jonc, cyperusoeuqualis, remarquable par son joint » et le mot zoro « angle, coin ».
C’est plutôt l’aspect de la tige qui est utilisé pour désigner la plante. Outre ces deux
exemples, on peut citer quelques exemples supplémentaires comme :
papelika « caille, qui a un comportement agité » / pelika « agitation »
entretiennent un rapport de similarité de sens dans la mesure où ces deux mots
possèdent un sème commun « agitation ». Par conséquent, le mot métonymique
papelika a été créé par son attitude, son comportement pelika, dénoté
formellement par l’emploi du procédé de réduplication par préfixation Ca-Base.
305
Ibid
306
http://fr.wikipedia.org/wiki/M%A9tonymie
325
Le couple de mots Hitsikitsika « crécerelle » / hetsika « agitation, mouvement »
montre ce procédé sémantique de transfert pour appeler cet oiseau par son
mouvement, son comportement bien agité. Ce processus est appelé transfert
d’appelation.
326
Le rapprochement de ces deux éléments constitutifs du couple montre que leur
sème de base est « l’équilibre ». Mais, nous constatons que la forme rédupliquée
construite arinarina précise la nature de ce qui est équilibré, d’où « la manière
dont on porte quelque chose sur la tête » ; tandis que la forme simple de base
arina ne comporte pas ce sème supplémentaire. Autrement dit, sous la dominance
de la réduplication, la signification de ce mot s’est spécifié dans la mesure où son
aire de signification se trouve moins étendue par rapport à celle de la base ; d’où
arinarina = SC « équilibre » + sur la tête sans tenir.
307
Par contre, en langue Pazeh (Blust : 1999), la réduplication de nombre exprime l’ordre : dusa « deux » /
du-dusa « deuxième ». Pour Puyuma, la réduplication, combinée vec la préfixation de paka- ~ faha- (en
malgache), exprime l’ordre, d’où drua « deux » / paka-drua-drua « deuxième ».
327
Amis (Lu : 2003) : ta-tosa « deux, se dit des persones » / tosa « deux ».
Nous allons voir par la suite le deuxième type d’opposition qui est l’opposition
graduelle.
7.2.1. Définition
308
Troubetzkoy (1963)
328
graduelle lorsque le rapport entre les deux éléments mis en relation présente une
antonymie309 de gradation.
Les couples appartenant à une opposition graduelle sont caractérisés par l’expression
de degrés différents dans un même champ notionnel. L’examen du corpus permet de
dégager deux valeurs antonymiques graduées, présentées sous formes de rapports :
- Le rapport d’intensité « intensif » / « extensif »
- Le rapport de distribution
- Le rapport de qualité « mélioratif » / « dépréciatif »
7.2.2.1. Les couples dont les mots rédupliqués dénotent la valeur extensive
L’étude des relations formelles et sémantiques existantes entre les mots simples et
les mots rédupliqués permet de montrer que la réduplication peut atténuer la
signification apportée par la base. De ce fait, la réduplication marque le degré minimal,
une diminution de sens par rapport à la base qui dénote le degré maximal.
309
Selon Dubois (1973), « Les antonymes sont des unités dont les sens sont contraires » et ce procédé
d’antonymie « apparaît d’une certaine façon comme le contraire de la synonymie » (Baylon, 1995 : 89).
D’après la classification de Pottier, le rapport antonymique peut se répartir en trois catégories : antonymie
de réprocité, antonymie de complémentarité et antonymie scalaire ou antonymie de gradation. Le rapport
de réciprocité contient l’opposition des éléments du type mividy « acheter » / mivarotra « vendre » par le
fait que « si Jean achète une maison à Jeanne ; alors Jeanne vend une maison à Jean. L’antonymie de
complémentarité est appelée également antonymie au sens strict. Par principe, ce rapport stipule que « la
négation de l’un implique l’affirmation de l’autre, et réciproquement. Le rapport d’opposition de
complémentarité lie les mots du type maty « mort » et velona « vivant ». L’antonymie scalaire ou
antonymie de gradation lie les mots implicitement gradués du type mangatsiaka « froid » /
mafana « chaud », et c’est cette dernière catégorie qui fait l’objet de notre présentation.
329
Certes, l’examen du corpus permet de constater cette valeur diminutive de la
réduplication qui touche plusieurs catégories grammaticales310, entre autres les verbes,
les adjectifs, en parlant soit d’un état en terme de qualité, la surface, le volume, la
position, et le goût, soit d’un caractère ou d’un comportement. Nous allons voir cette
valeur extensive dans chaque catégorie grammaticale concernée.
310
Effectivement, la plupart des classes grammaticales malgaches sont réduplicables mais leur
fonctionnement n’est pas similaire. Il y a des classes où la réduplication consiste dans la réppétition
décalée, comme celle des pronoms locatifs atsy / atsy ho atsy, ato / ato ho ato ou ao ho ao, mais dans
d’autres cas, il y a des classes grammaticales où la réduplication consiste dans la répétition immédiate, sans
blanc d’une base. Par conséquent, la réduplication des pronoms est à écarter de l’étude.
330
D’après ces exemples, nous avons justifié que la réduplication de certains verbes
atténue le sens des mots et elle peut combiner avec l’auxiliaire mba « atténuatif ». La
réduplication à valeur extensive se traduit en français « à peine ou légèrement ou de
manière négligée. Dans le paragraphe suivant, nous allons voir la réduplication des
substantifs.
311
Randriamahazo (1988 : 55)
331
enfants s’opposant au vary « le riz qu’on mange ». La valeur diminutive est
traduite par l’idée de jeu.
Ki-ombi-omby « jeu d’enfants jouant le rôle de bœufs » / omby « bœuf »
Ces deux éléments du couple sont liés sémantiquement par la ressemblance
existant entre les gestes et le comportement que font les enfants en imitant ce
que font les bœufs, d’où le transfert de similarité dénotant la valeur diminutive.
Ki-vadi-vady « jeu d’enfants jouant le rôle des maris » / vady « époux,
conjoint »
On constate également que le mot rédupliqué ki-vadi-vady exprime la valeur
diminutive par rapport à la base vady. Ce rapprochement s’explique par le fait
que ce sont les petits enfants qui jouent les rôles du couple dans leur jeu.
Ki-dada-dada « jeu dè’enfants jouant le rôle de père » / dada « père, mari »
Ce dernier exemple de couple permet de montrer la valeur diminutive exprimée
par le mot rédupliqué. En effet, dans ce jeu, il s’agit d’un petit garçon qui joue
le rôle d’un mari ou d’un père.
312
En Kiswahili, maji « mouille » / majimaji « légèrement mouillé »
332
déjà marqué les différentes valeurs de la réduplication dont voici quelques-uns :
bitibitiky (Gn) « un tout petit peu » / bitiky « petit », gôrigôry (Gn) « peu tordu ; un peu
courbe » / gôry « tordu », habohabo (Gn) « assez long » / habo « long », mohamohaka
(Gn) « un peu ramolli, un peu pourri ».
313
La réduplication des pronoms locatifs et démonstratifs exprime également le manque de précision, mais
il est à noter que ce type de réduplication est exclu de notre étude, par le fait que son comportement ne fait
pas l’objet de notre étude. Autrement dit, puisque la réduplication des pronoms locatifs et démonstratifs ne
forment pas un mot, mais ils se présentent sous formes des locutions, et par conséquent, ils ne font pas
partie de notre étude.
333
« Mets-moi juste un tout petit peu de riz »
D’après ces deux énoncés, on constate que l’adverbe à la forme simple kely dans
(P1) et mora dans (P2) dénotent la valeur stable, par rapport au mot rédupliqué
moramora et kelikely qui sont au degré minimal, et en conséquence ils expriment la
valeur atténuative ou diminutive.
Dans le dialecte kibôsy, polepole (Gn) « doucement », sans doute emprunté du
swahili n’a pas besoin de tsi- ou ki- pour former un adverbe de manière à valeur
extensive.
314
En malgahce, la conversion est aussi un procédé productif pour la formation de nouveaux mots. Ainsi,
à l’origine, maraina est un substantif, mais plus tard il devient un adverbe, contrairement à ce que nous
avons Ny maraina no tsara ivoahana vs Ny maraindraina no tsara ivoahana, et Ho tonga maraina aho
rahampitso vs Ho tonga maraindraina aho arahampitso.
334
d3) Réduplication des adverbes de lieu
Ces deux phrases permettent de déduire que la forme simple ambony « en haut »
exprime le degré maximal de la position de ce bagage, tandis que la forme rédupliquée
ambonimbony « approximativement haut », c’est-à-dire le degré minimal. De même
pour le cas du mot rédupliqué avarabaratra « un peu au nord » par opposition avec
avaratra « nord », sa forme de base. Avarabaratra signifie un certain manque de
précision, c’est-à-dire, le lieu n’est pas vraiment précis, mais on l’indique d’une
manière générale. Alors, en parlant du degré de précision, on constate que la forme
simple avaratra donne plus de précision sur le lieu, donc avec un degré maximal, que
sa forme rédupliquée, avarabaratra, un degré minimal.
335
folo « à 10heures pour le temps »). Maintenant, nous allons voir la réduplication à
valeur intensive.
7.2.2.2. Les couples dont les mots rédupliqués dénotent la valeur intensive
336
Les quelques exemples suivants illustrent ce que nous venons de constater.
337
d’adjectifs, nous constatons que ces dernières demandent toujours des modifieurs sous
forme rédupliquée pour exprimer une valeur intensive. On peut dire, dans ce cas, qu’il
y a une conntrainte dans la formation de certaines collocations à valeur intensive. Les
exemples suivants illustrent ce que nous constatons :
Adjectifs Modifieurs Collocation Collocations signification
rédupliquées inacceptable
Feno « plein » mitafotafo *feno Feno mitafotafo « trop
mitafo plein »
mitivotivo (Bl.N) *feno mitivo Feno mitivotivo
milimpolimpo (Skl S) *feno Feno
milimpo milimpolimpo
minimponimpo(SKl S) *feno Feno
minimpo minimponimpo
Milongolongo (Bl) *feno Feno
milongo milongolongo
Mivongovongo *feno Feno
movongo mivongovongo
lava mijoalajoala *lava Lava « trop
mijoala mijoalajoala long »
Mitaikotaiko (Rj) *lava lava mitaikotaiko
mitaiko
mijangojango *lava Lava
mijango mijangojango
Mitsipaikopaiko (bl) *lava Lava
mitsipaiko mitsipaikopaiko
Madio manganohano *madio Madio « limpide »
« propre » mangano manganohano
mangalahala *madio Madio
mangala mangalahala
mangarangarana *madio Madio
mangarana mangarangarana
mangatsakatsaka *madio Madio
mangatsaka mangatsakatsaka
Lena mitsoitsoy (bl) *lena lena mitsoitsoy « trempé
« mouillé » mitsoy jusqu’au
os »
Il faut noter que lorsque la réduplication par infixation de ce type n’exprime pas
la valeur intensive, elle indique la valeur aspectuelle progressive marquant la continuité
de mouvement ou de la chute. De plus, les mots rédupliqués par infixation du type b-
an-an-aka (corpus n°29, 30 et 31) peuvent dénoter la valeur intensive par rapport à
leurs bases du type banabana
338
b-an-an-aka « état de ce qui est grandement ouverte, en parlant d’une porte » /
banabana « état de ce qui est ouverte, en parlant d’une porte »
d-an-an-aka « indolent qui a l’air hébété, la bouche béante »
v-an-in-íka « notion de montrer les dents, soit en riant, soit de colère, c’est-à-
dire ouverture de la bouche pour montrer les dents »
339
signification. C’est ce que nous avons dans midehadehaka / midehaka, mipoerapoera /
mipoera ou bien dans mirana / miramirana.
Dans le rapport dépréciatif ou péjoratif / mélioratif ou laudatif, l’un des mots mis
en opposition dénote la valeur défavorable et l’autre la valeur favorable. Nous
intégrons ce type de rapport dans cette opposition graduelle en pensant que, les mots
dénotant la nuance défavorable sont au degré minimal par rapport aux mots exprimant
la nuance favorable, au degré maximal.
L’examen des couples de notre corpus permet de constater que la réduplication
peut exprimer ces deux valeurs sémantiques.
315
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/distributif_distributive/26092#3VdOsvuvCmkwEQKk.99.
316
Il faut noter quechaque langue a sa propre formation des adjectifs numéraux ordinaux : En
malgache, par exemple, on emploie le préfixe faha- suivie du nombre, des adjectifs cardinaux), d’où faha-
roa « deuxième », faha-folo « dixième ». Par contre, en Puyuma, on emploie le préfixe paka- ~ faha- (mlg)
associé avec la réduplication totale du nombre, d’où drua « deux » / paka-drua-drua « deuxièment ». En
Pazeh, on emploie la réduplication par préfixation pour exprimer des adjectifs numéraux ordinaux, d’où en
Pazeh on a dusa « deux » / du-dusa « deuxièment ».
340
7.2.4.1. La réduplication à valeur péjorative
317
Rajaona (1977) a mentionné que le mot rédupliqué hirahira « variétés » vs hira « chant » n’évoque pas
cette idee dépréciative, comme celui de kalokalo « chanson » vs kalo « chant »
341
(P1a) Io tranotrano io foana no mampiasa ny lohany
« Il n’a dans sa tête que cette affreuse maison »
(P1b) Io trano io no mampiasa ny lohany
« Il n’a dans sa tête que cette maison »
(P2a) Io asaasa io foana no ataonao fialan-tsiny amiko.
« Tu trouves toujours tes excuses sur ce lamentable travail »
(P2b) Io asa io no ataonao fialan-tsiny amiko.
« Tu trouves toujours tes excuses sur ce travail. »
(P3a) Zany vadivady zany foana no resahinao amiko.
« Tu ne me parles que du mariage absurde »
(P3b) Izany vady izany no ambetin-dresakao.
« Tu ne me parles que du mariage »
342
7.2.4.2. La réduplication à valeur laudative318
Il faut signaler également que les mots rédupliqués du type Rarahoa, qui marque
la valeur honorifique d’une personne exprime la valeur laudative, dans la mesure où ce
nom respectueux garantit la classe sociale de cette personne.
En conclusion, les éléments constitutifs des couples entrant dans une opposition
graduelle présentent chacun une nuance de sens relativement au sème commun. Dans
ce cas, ces éléments se différencient par l’ordre de croissance indiqué par chaque
élément constitutif.
318
En Puyuma (Lu : 2005), apu signifie « grand parent », et mi-a-apu, un mot rédupliqué par préfixation,
indique les grands parents formidables.
343
Plusieurs valeurs ont été définies dans ce deuxième type d’opposition, entre
autres :
-La valeur extensive dans les formes nominales (trano / ki-trano-trano, vary / ki-vari-
vary), dans les formes verbales (matory / matoritory, manotra / manotrotra), dans les
formes adjectivles (tsara / tsaratsara).
-La valeur intensive pour la réduplication des verbes statifs (mibabababa, milelalela),
les adjectifs indiquant le comportement ou caractère (mipoerapoera, mikevokevoka),
ou encore pour les mots indiquant le sentiment (miramirana, mitsikitsiky).
-La valeur distributive pour la réduplication des nombres (roa / tsi-roa-roa, telo /
tetelo, lime /lilime)
- La valeur péjorative comme dans la réduplication de certains substantifs (boky /
bokiboky) et de certains verbes susceptibles de combinés avec l’adverbe foana ou
fahatany (manoratsora-poana, manaonao foana)
- La valeur laudative, comme dans la réduplication des noms hypocoristiques (Fafara /
Fara, Totoa / Nenitoa) ou dans les noms de repect du type Raramonja ou Rarahoa.
Le troisème typt d’opposition, c’est-à-dire l’opposition équipollente fera l’objet
de la présentation suivante.
344
7.3.1. Définition
Par définition, « Les oppositions équipollentes sont celles dont les deux éléments
mis en opposition ont chacun un ou des traits particuliers en plus du ou des traits qu’ils
dénotent en communs »319. Dans une opposition équipollente, « les deux membres sont
logiquement équivalents » (Troubetzkoy : 1976 : 77).
En phonologie, par exemple, l’opposition des phonèmes /d/ et /v/ présente cette
opposition équipollente dans la mesure où les deux phonèmes ont des traits communs
[oral et sonore], mais ce qui les différencie c’est plutôt au niveau du paramètre de point
d’articulation et au niveau de l’aperture, en ce que du point de vue de l’articulation, /d/
a le trait [intérieur] alors que /v/ a le trait [antérieur] et au niveau de l’aperture /d/ a le
trait [occlusif] tandis que /v/ a le trait [constrictif], d’où la présentation suivante :
319
Troubetzkoy, ( 1976 :67)
345
mesure où les deux verbes ont un sème commun « un mouvement vertical », mais ils se
différencient par le fil de direction, d’où monter « mouvement vers le haut », tandis que
descendre « mouvement vers le bas ».
« déplacement horizontal »
Reculer « direction vers l’arrière »
« un mouvement vertical »
Descendre « vers le bas »
346
7.3.2. Les valeurs dénotées par la réduplication dans un système défini par
une opposition équipollente
347
7.3.2.2. Le rapport physique / psychologique (Corpus 58)
320
En malgache officiel et pour certains dialectes qui ont le degré –na de la terminale, comme le mr,
au lieu de oro (bl. Sud ; br, …), ils ont le mot orona avec la terminale –na, comme olona ~ olo
« personne », lakana ~laka « pirogue ». Dans son ouvrage, Rajaona parle de la « commutation de syllabes
finales comme procédé morphologique », car il a fait le rapprochement de orona / oroka où il a identifié
une alternance de la terminale –na / -ka pour exprimer cet usage de orona.
348
maso « yeux » /*masoka ~ masoky(ts) « notion de regarder attentivement »
De plus, outre le procédé de suffixation –ka, la langue malgache dispose
également d’autres procédés pour exprimer l’usage de la partie du corps. C’est ainsi
que nous avons dans sakelika (sakelika< sa-helika) « notion de porter sous l’aisselle »
où nous retrouvons l’emploi du préfixe sa- à la base helika « aisselle ». Par ailleurs,
d’examen du lexique permet de constater le rapprochement du mot tratra « poitrine »
et son usage particulier trotro « notion de porter un bébé ou des objets sur la poitrine »
dans lequel nous identifions le fonctionnement du morphonème {á : ú} ; le degré á du
morphonème indique la partie du corps et le degré ú, son usage.
Concernant notre objet d’étude, l’étude de la réduplication dans la langue
malgache montre ce processus morpho-sémantique, en ce que le rapport de la partie du
corps et son usage particulier repose sur le transfert métonymique par l’emploi de la
réduplication des mots exprimant la partie du corps. Dans ce cas, pour créer de
nouveaux mots exprimant l’usage de la partie du corps, la langue peut recourir à la
réduplication. Certes, le rapprochement du mot loha « tête » et loloha « notion de
porter sur la tête » repose sur un rapport de transfert métonymique dans lequel le mot
partiellement rédupliqué désigne l’usage de la tête. Autrement dit, la réduplication par
préfixation du mot loha, une partie du corps permet de former un nouveau loloha321,
son usage. En outre, si certains dialectes malgaches, comme le taisaka possèdent le mot
masoky, le betsileo a le mot masomaso, d’où le verbe mimasomaso « action de regarder
attentivement les gens qui sont en train de manger. Par conséquent, dans notre cas, on
en déduit que, des fois, l’emploi d’un suffixe dérivatif et la réduplication (totale ou
partielle) est en exclusion mutuelle, en ce sens que la langue peut utiliser soit la
réduplication soit l’affixation pour la création de nouvelles unités lexicales, d’où maso /
masoky de mimasoky ou masomaso de mimasomaso, et mimaso322.
Une relation métonymique repose sur le rapport de cause à effet lorsque l’une des
composantes du couple indique la cause (le fait / acte ou action) et l’autre l’effet, le
321
Nous pouvons avancer que le mot loloha « charge » dans loloham-binanto « les charges du gendre
ou de la bru aux beaux-parents » vient, sans doute, du sens premier de loloha, par extension de sens.
322
Nous retrouvons la forme mimaso dans le composé du type mimasom-borondolo « avoir les yeux
d’un hibou », comme mifanahin-jaza « se comporter comme un enfant ».
349
résultat de cet acte ou de cette action. Dans le lexique malgache, nous avons constaté
que ce type de rapport métonymique est exprimé aussi par la réduplication. Les
éléments de notre corpus (corpus n°60) montrent l’existence de ce fait de langage. Il est
à remarquer que ces mots rédupliqués peuvent exprimer la cause ou l’effet selon les
couples. Les exemples suivants montrent la réduplication exprimant la cause :
donga « dodu »
Vizaviza « notion de faire tantôt une chose, tantôt une autre, faire beaucoup
d’efforts » / vizaka « fatigué »
350
Le rapprochement de ce couple s’explique par le rapport métonymique de cause
à effet dans lequel iray dénote la cause et irery exprime la solitude due à
l’absence d’un partenaire. Du point de vue formelle, les éléments constitutifs de
ce couple présentent une relation morphologique par l’emploi du procédé de
réduplication par suffixation à la base iray, d’où iray/ *irairay/ i-re-ry.
Ragiragy « herse »
351
lexèmes ont le sème commun « écartement des jambes » mais ils se distinguent par leur
sème particulier respectif. La forme simple a le sème spécifique « pour donner un coup
de pied » et la forme rédupliquée indique en plus du sème commun « démarche
traînante ». Il est à noter à propos de ce couple que, formellement outre le processus de
réduplication qui les distingue, il y a aussi la variation vocalique sous l’accent /á : é/.
La question est de savoir lequel des deux est porteur de sens. La réponse c’est que,
d’après l’analyse morphologique de quelques couples comportant le même type
d’alternance, généralement, ce sont les mots au degré é qui nécessitent la
réduplication323( Corpus n°62). Ainsi :
Ako « écho, le son renvoyé par l’écho » / *eho > ehoeho « retentissement »
Bada (lela) « bègue, qui a la langue embrouillamini » / *bedy324 > bedibedy
« action de parler continuellement sans rime ni raison ».
Bahana « position des membres écartés surtout des jambes, barrière » /
*behana > behambehana « action de se donner un air d’importance en
écartant les bras et les jambes »
Daka « action de donner un coup de pied » / *deha > dehadeha
« « démarche traînante en écartant les jambes »
323
Ce fait linguistique est déjà expliqué au paragraphe 3.2.1.2.b4 portant sur la réduplication associée à la
variation vocalique
324
Il est vrai que le mot bedy « action de gronder » existe dans le lexique malgache, mais sa signification
n’a rien avoir avec le mot rédupliqué bedibedy. Ce couple fait partie de sous-système dans lequel la
réduplication assume une fonction distinctive (dans le chapitre 6. §. 6.1.)
352
/ dépréciatif, en ce sens que les éléments du couple ont leur sème commun
« l’abondance d’eau, inondation », mais le mot simple dobo exprime une valeur
laudative car cette abondance d’eau provient de l’intervention humaine, et c’est ainsi
aussi qu’on peut dire que dobo contient une valeur illative (due à cette intervention
humaine), tandis que le mot rédupliqué contient la valeur dépréciative, parce que cette
abondance d’eau provient du cataclysme naturel, sans intervention humaine, d’où la
valeur inessive ». Toutefois, le couple dobo / dibidiby peut être intégré dans
l’opposition équipollente parce qu’à part ce sème commun « abondance d’eau », ces
deux mots possèdent chacun un sème spécifique, d’où dobo « avec intervention
humaine » et dibidiby « provient d’un phénomène naturel »
Il en est de même pour le couple pindy « action de lancer un objet en donnant une
chiquenaude » / pondipondy « action de presser avec les doigts, avec les mains », le
rapprochement de ces deux mots permet de prouver que ce couple fait partie de
l’opposition graduelle, dans la mesure où il présente une gradation de l’intérieur vers
l’extérieur, d’où le sème commun « mouvement des doigts », mais la forme simple
exprime le mouvement vers l’extérieur » et la forme rédupliquée marque « le
mouvement vers l’intérieur ».
353
valeurs lexicales mais en tant que procédé sémantique. En d’autres termes, par
l’emploi du procédé de réduplication, la langue peut créer de nouveaux termes pour
exprimer de nouveaux concepts. D’après les exemples que nous avons cités, on peut
évoquer aussi que la métaphore et la métonymie sont des procédés de lexicalisation en
utilisant le processus de la réduplication.
Pour terminer la présentation des différentes valeurs exprimées par la
réduplication, nous allons aborder un cas particulier que sont les valeurs aspectuelles de
la réduplication en malgache.
325
In lidifra.free.fr/files/SdT Chap.2.pdf ·: La catégorisation : les types de procès. Gosselin, L., 1996,
Sémantique de la temporalité en français. Un modèle calculatoire et cognitif du temps et de l’aspect,
Collection Champs linguistiques, Duculot, consulté le 06 mai2017
326
Rajaonarimanana, 1995, Grammaire moderne de la langue malgache. Méthode de malgache.vol.1,
L’Asiathèque, p.57-58.
327
Paul Imbs, in http //fr. wikipedia.org/wiki/Aspect, consulté le 06 mai 2017
354
D’autre part, il est important donc de déterminer avant tout les types de procès
pour en déduire les valeurs aspectuelles puisque ces valeurs dépendent des types de
procès. D’abord, les procès sont définis comme « les représentations sémantiques
associées aux prédicats verbaux (ainsi qu’aux substantifs déverbaux »328. Certes, en
parlant de sa typologie, la classification de spécialistes n’est pas consensuelle, mais elle
se différencie soit par les méthodes et les critères d’identification adoptés soit par les
principes d’analyse, sans parler de la langue soumise à l’étude elle-même. Selon Z.
Vendler (1967), il y a quatre classes de procès : les états « states », les activités
« processes », les événements « events » avec leurs deux sous classes, à savoir les
accomplissements « accomplisshement » et l’achèvement » « achievement ». D’après
L. Gosselin (1996), quant à lui, le classement de procès est basé sur trois propriétés : le
bornage (la télicité), la ponctualité et la dynamicité329. Pour Desclès (1999), la
classification est basée principalement sur « le principe de l’encrage » par le fait que
« Les catégories linguistiques (grammaticales et lexicales) des langues sont ancrées sur
les catégorisations opérées d’une part par la perception de l’environnement des
énonciateurs, en particulier par la perception visuelle, mais non exclusivement, et
d’autre part, les modalités d’actions plus ou moins intentionnelles sur cet
environnement »330.
Par conséquent, la question d’aspect et du procès sont des sujets à discussion, des
terrains de débat entre les linguistes tant au niveau du concept même, au niveau des
classifications qu’au niveau de la terminologie utilisée. Malgré cette divergence, nous
allons essayer de définir les différents types d’aspect en malgache et par la suite, nous
allons déterminer les valeurs aspectuelles que la réduplication peut dénoter.
D’après ce que nous avons évoqué auparavant, les types et les valeurs
aspectuelles sont propres à chaque langue malgré la présence des traits aspectuels
universels. En plus, les marquages de ces aspects dans chaque langue ne sont pas
328
In lidifra.free.fr/files/SdT Chap.2.pdf ·: La catégorisation : les types de procès. Gosselin, L., 1996,
Sémantique de la temporalité en français. Un modèle calculatoire et cognitif du temps et de l’aspect,
Collection Champs linguistiques, Duculot, consulté le 06 mai2017
329
www.persee.fr/doc/gram_022-9838_1998_num_77_1_2880_t1_0059_2, consulté le 08 mai 2017
330
http://www.persee.fr/issue/flang_1244-5460_1999_num_7_14, consulté le 08 mai 2017
355
forcément similaires. Les spécialistes reconnaissent cette différence d’opinion au
niveau de leur fonctionnement d’une langue à l’autre. De plus, la manière dont on les
traite, les théories et méthodologies qu’on adopte dans chaque langue entraînent aussi
ces diversités aspectuelles. A ce propos, nous pouvons présenter d’une part la typologie
de l’aspect selon l’élément porteur de l’aspect, et d’autre part, selon les valeurs
aspectuelles.
L’expression des valeurs aspectuelles varie selon les langues. En malgache, par
exemple, l’expression de la valeur fréquentative peut être grammaticale ou lexicale.
Selon Marc Wilmet331, la langue française présente eux types d’aspect: l’aspect
sémantique et l’aspect formel. L’aspect sémantique repose sur le sens des mots, tandis
que l’aspect formel concerne les affixes ou les éléments grammaticaux qui sont
porteurs de ces valeurs aspectuelles. Il s’agit d’une classification basée sur les éléments
porteurs de valeurs aspectuelles.
A propos de la marque aspectuelle, dans certaines langues comme le français, le
fréquentatif, c’est-à-dire une répétition dans une action ou dans un mouvement, est un
aspect formel dans la mesure où la marque aspectuelle de la fréquence se fait par
l’emploi d’un affixe diminutif. Ainsi, les verbes tirailler « tirer une personne ou
quelque chose à diverses reprises », clignoter « cligner des yeux fréquemment »,
tâtonner « tâter d’une manière répétée » contiennent la valeur fréquentative par rapport
aux verbes respectifs tirer, cligner, et tâter. Quant à langue malgache, pour indiquer la
fréquence d’un procès (action, état, évènement ou autres types de procès), elle dispose
de deux types : soit le type formel par le processus de réduplication comme dans
miverimberina « retourner à plusieurs reprises / miverina « retourner (une seule fois) »
ou par le processus syntaxique avec l’emploi d’un élément coverbal, plus précisément
par des éléments post-verbaux tels que les adverbes foana « toujours », matetika
« souvent », soit du type lexical en ce que la valeur aspectuelle dépend du sens des
mots. C’est ce que nous avons dans la phrase du type Nanoratra ho ahy izy « Elle m’a
écrit » / Nanoratra ho ahy matetika izy « Elle m’a écrit souvent».
331
http://fr.wikipedia.org/wiki/aspect, consulté le 06 mai 2017
356
Pour nous, en nous basant sur l’analyse formelle, nous pouvons identifier deux
types d’aspects dans la langue malgache : l’aspect grammatical et l’aspect lexical.
Lorsque l’aspect concerne les formes prédicatives aussi bien dans leur structure
morphologique que dans leur structure syntaxique, on dit que l’aspect est grammatical.
Dans le cas contraire, si l’aspect dépend du sens intrinsèque des mots (verbes, adjectifs
ou noms…), on dit qu’il est lexical. Dans les paragraphes suivants, nous allons
présenter brièvement ces deux types d’aspect dans la langue malgache.
L’aspect est dit grammatical par emploi des affixes lorsque les valeurs
aspectuelles sont marquées par des éléments affixaux. En malgache, « les marques de
voix expriment en même temps des valeurs aspectuelles »335. Par exemple, selon
Rajaona (1972, 2004), le préfixe man- de manasa « laver » dénote en même temps la
voix agentive, l’aspect duratif, le non résultatif et le temps. Le suffixe de mode
impératif exprime en même temps aussi le mode et l’aspect, en ce que, par exemple, le
suffixe –a du verbe manasà < *manasá-a « lave, lavez » indique à la fois le mode
332
Ibid
333
Ibid
334
In Ducrot et Todorov, 1972, Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Seuil
335
Rajaonarimanana, 1995, p.57
357
impératif et l’aspect duratif. Les verbes actifs en préfixe mx- expriment toujours
l’aspect inaccompli (terminologie utilisée par Rajaonarimanana) ou le non résultatif
(terminologie utilisée par Rajaona), alors que les verbes passifs à préfixe voa- ou tafa-
indiquent l’aspect accompli ou le résultatif selon la terminologie adoptée par Rajaona.
L’aspect grammatical en malgache correspond parfaitement à l’aspect affixal de Marc
Wilmet, en ce sens que l’aspect dépend des affixes, il fait partie intégrante du système
verbal.
On peut avoir, d’après ces exemples, une cohabitation de deux aspects dans une
seule et même forme. Ainsi, le préfixe de man- de manasa « laver » contient à la fois
l’aspect duratif336 ou non global et le non résultatif, et si on a affaire à l’impératif de ce
verbe, le suffixe –a de manasà « lave ou lavez… » < man-sasá-a doit contenir aussi cet
aspect duratif, exprimé dans man-. Cet exemple permet de montrer non seulement cette
cohabitation de deux aspects verbaux, d’où l’aspect grammatical (duratif – non
résultatif), mais aussi l’implication des aspects contenus dans une même forme verbale.
De plus, si une implication mutuelle de deux aspects verbaux peut être possible
en français (le verbe duratif implique la présence de l’aspect inaccompli, et le verbe
ponctuel337, l’aspect accompli). En malgache, ce n’est pas le cas car la cohabitation de
deux aspects338 dépend des formes en question. C’est pourquoi, nous avons :
- l’aspect duratif - accompli pour les verbes radicaux et les verbes actifs en maha-
- l’aspect ponctuel - accompli pour les verbes à préfixe tafa- et voa- et les verbes
circonstanciels à circumfixe aha-…-ana
- l’aspect duratif - inaccompli pour les verbes actifs à préfixe mx- (*maha-)
- l’aspect ponctuel – inaccompli pour les verbes passifs –ina / -ana et à préfixe a-,
pour les verbes instrumentifs a-, les verbes applicatifs –ana et les verbes
circonstanciels x-…-ana (*aha-… -ana).
336
L’aspect duratif est appelé aussi, pour certains linguistes, aspect sécant ou non global. Il « envisage une
action qui a lieu en arrière-plan de moindre importance. L’action est considérée sans limite précise, à un
moment précis de son déroulement »
337
L’aspect ponctuel est appelé aussi aspect non sécant ou aspect global selon lequel l’action se déroule à un
moment précis.
338
Un tableau récapitulatif des aspects par emploi des affixes a été dressé par Rajaonarimanana (in
Rajaonarimanana : 1995).
358
En outre, l’aspect progressif exprimant l’évolution du procès, est marqué par
l’emploi du préfixe miha- (mihasimba « être détruit progressivement », mihavery « être
disparu/perdu progressivement »
Pour clore cette présentation de l’aspect grammatical par emploi des affixes, il est
à noter que les aspects verbaux sont plus ou moins constants et réguliers par rapport
aux aspects non verbaux. Passons maintenant à la présentation de l’aspect grammatical
par emploi d’éléments coverbaux
L’aspect est dit aussi grammatical lorsque les valeurs aspectuelles sont marquées
par des éléments syntaxiques coverbaux (auxiliaires ou adverbes). L’identification des
aspects se situe au niveau du contexte phrastique, du moins au niveau du syntagme.
Prenons les syntagmes nominaux suivants :
(mlg) trano an-dalam-panatsarana « maison en cours de réhabilitation »
(frs) travail en cours de réalisation
Ces deux locutions expriment chacun un aspect grammatical à valeur progressive.
Les adverbes comme matetika (mlg) ~ souvent (frs) indiquent l’aspect
fréquentatif dans les phrases suivantes :
(mlg) Tonga matetika aty aminay izy.
(frs) Il vient souvent chez nous
En mandarin, par exemple, « l’aspect est exprimé indépendamment du verbe, au
moyen de particules post-verbales ou de fin de phrase ». Ainsi, le Ʒ [le] exprime
l’aspect accompli ou inchoatif. De même, en langue créole guadeloupéenne, l’aspect
accompli est dénoté par les particules pré-verbales ka, ké 339.
Pour clore ce paragraphe, les valeurs aspectuelles identifiées dans ce type
d’aspect sont plus ou moins constantes, car elles dépendent du contexte grammatical.
Dans le paragraphe suivant, nous allons aborder le type d’aspect lexical.
339
Je reprends les exemples cités dans http://fr.wikipedia.org/wiki/Aspect, consulté le 06 mai 2017
359
« l’aspect est dit lexical si l’aspect dépend de contexte coverbal, c’est-à-dire des
auxiliaires et des adverbes »340. Mais, pour nous, ce dernier renvoie au premier type de
l’aspect, c’est-à-dire à l’aspect grammatical par emploi d’éléments coverbaux que nous
venons de présenter. Par conséquent, la signification de mots lexèmes joue un rôle très
important pour l’identification de leurs valeurs aspectuelles. A titre d’exemple, à
l’intérieur du sens du mot mirenireny, nous pouvons déterminer sa valeur aspectuelle
« intrinsèque », d’où la signification « courir ça et là, action de rôder, de vagabonder ».
Il est à noter que, malgré sa répartition, un aspect peut être identifié dans l’un de
ces types susdits. Prenons un exemple, en malgache, on peut identifier l’aspect
progressif341 dans les verbes à préfixe miha- comme dans miha-mivoatra « en cours de
développement », comme dans les mots rédupliqué du type tsi-keli-kely « petit à petit ».
L’emploi de ces deux marques aspectuelles signifie qu’il y a un développement par
étape de l’action ou d’un état, une progression du procès.
Notons que les valeurs aspectuelles, au niveau de lexèmes, par rapport au niveau
grammatical, ne sont ni constantes ni régulières, elles dépendent de la signification de
chaque lexème.
340
Ibid
341
L’aspect progressif envisage l’action ou l’état dans sa progression.
360
En conclusion, on peut dire que le procès se définit donc comme l’ensemble des
sèmes propres aux verbes, d’où la classification verbale selon la nature de leur sens. En
effet, si le verbe indiquant le procès exprime une action, il s’agit donc d’un verbe
d’action ; lorsque le verbe indiquant le procès exprime un état ou un résultat, ce verbe
fait partie du verbe d’état342 (Larousse : 1991). Par ailleurs, les types d’aspect dans
chaque langue n’est pas identique, dans la mesure où une valeur aspectuelle marquée
par l’emploi d’un affixe dans une langue peut être marquée dans l’autre langue par des
éléments coverbaux (adverbes ou auxiliaires). En effet, la réduplication peut dénoter
ces valeurs aspectuelles au niveau lexical par le fait que ce fait linguistique touche
généralement les mots lexèmes (radicaux ou formes construites). Dans le paragraphe
suivant, nous allons essayer de dégager les différentes valeurs aspectuelles exprimées
par la réduplication en malgache.
En se basant sur les valeurs de l’aspect, Oswald Ducrot, quant à lui, définit deux
types d’aspect, à savoir l’aspect perfectif s’opposant à l’aspect imperfectif et l’aspect
accompli s’opposant à l’aspect inaccompli343.
L’identification des valeurs aspectuelles de la réduplication pose des problèmes.
D’une part, nous avons rencontré le problème terminologique car on voit bien que pour
une valeur aspectuelle, les linguistes disposent de terminologies différentes. D’autre
part, nous avons constaté aussi que les différences contextuelles de ces éléments en
question posent des problèmes, en ce que, parfois, si nous passons d’un contexte à un
autre, ces valeurs aspectuelles changent également. Ainsi, la valeur aspectuelle
identifiée dans latsaka de la phrase latsaka ny orana « il pleut » est différente de celle
identifiée dans latsaka de la latsaka ny kitapony « son cartable est tombé », dans la
mesure où dans la première phrase, l’aspect duratif est identifié, alors que dans la
deuxième phrase, l’aspect ponctuel est constaté. Cette différence de valeurs
aspectuelles dans ces deux phrases peut s’expliquer par le fait que, dans « Latsaka ny
orana », « le procès dans les différentes phases de son déroulement est envisagé, sans
342
In Dictionnaire de la linguistique (1991), Larousse
343
Ducrot et Todorov, 1972, Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Seuil
361
qu’on n’en voie ni le début ni la fin » par opposition à Latsaka ny kitapony où le procès
est envisagé, sans considération de son déroulement dans le temps, donc ponctuel.
Face à cette situation, nous avons procédé à la démarche suivante pour arriver à
notre objectif : premièrement, nous avons entamé la classification des verbes simples
avec leurs formes rédupliquées selon les types de procès. Puis, nous avons analysé
chaque type d’oppositions pour déterminer les valeurs exprimées par les mots
rédupliqués, sans oublier de considérer leurs sens intrinsèques. Ensuite, nous les avons
intégrés dans de contextes différents pour voir leur glissement de sens, d’où leur
changement de valeurs aspectuelles.
Le sous chapitre suivant visera donc à mettre au jour les valeurs aspectuelles
exprimées par le processus de la réduplication. Parmi ces valeurs aspectuelles
existantes, la réduplication dans la langue malgache exprime aux moins quatre
principales valeurs aspectuelles :
- La réduplication indiquant l’aspect fréquentatif
- La réduplication indiquant l’aspect duratif
- La réduplication indiquant l’aspect progressif,
- la réduplication indiquant l’aspect inaccompli
Comme dans d’autres langues, il est à remarquer que chaque valeur aspectuelle
peut fonctionner seul dans certains cas, mais dans d’autres cas, il se peut que deux
valeurs aspectuelles cohabitent dans un même et seul procès. Nous allons les présenter
un à un.
344
Les exemples de mots austronésiens montrent cette valeur fréquentative. Amis (Lu : 2003) romi-a-mial
« chaque jour » / romi’al « jour », Bunun (Yeh : 2000b) kilim « recherche » / kulilim-un « fréq. kumil »
345
https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Fréquentatif&oldid=140524439
346
D’ailleurs, Marc Milmet avance que « l’itératif ne serait qu’une valeur liée au temps ».
362
« aspect duplicatif »347 et « aspect multiplicatif » sont aussi employés par certains
linguistes pour indiquer cet aspect fréquentatif. En latin, les verbes contenant l’aspect
fréquentatif cantare « chanter souvent » et actitare « s’agiter, ne pas tenir la place »
sont des dérivés respectifs des verbes simples canere « chanter, déclamer un poème »
et agere « agir »348.
L’examen des données fournies nous amène à constater que la réduplication dans
la langue malgache peut exprimer l’aspect fréquentatif. En général, les mots
rédupliqués faisant partie de ce microsystème sont des mots indiquant soit une action,
soit un mouvement. Même si certains linguistes, comme Andriamahazo, différencient
l’aspect fréquentatif de l’aspect itératif, dans cette étude, nous allons adopter le terme
fréquentatif pour ces deux notions car elles renvoient à un seul et même concept, dans
la mesure où l’action ou le mouvement se fait à plusieurs reprises, d’où la répétition.
L’examen des éléments constitutifs de notre corpus permet de déduire que les verbes
rédupliqués qui expriment la valeur fréquentative sont soit des verbes d’action, soit des
verbes de mouvement. Notons aussi que la liste pour les mots rédupliqués de ce type
est ouverte, et les mots intégrés dans cette liste ne sont là qu’à titre illustratif. Prenons,
par exemple, les couplets suivants :
(P1a) Hotehafiko izy fa mahasosotra ahy.
« Je vais lui donner un soufflet car il m’ennuie »
(P1b) Hotehatehafiko izy fa mahasosotra ahy.
Je vais donner des soufflets (à plusieurs reprises) car il m’ennuie
(P2a) Manapaka rantsan-kazo ilay mpamboatra zaridaina
Ce jardinier coupe la branche.
(P2b) Manapatapaka rantsan-kazo ilay mpanamboatra zaridaina
Ce jardinier coupe (avec répétition) les branches.
D’après ces deux exemples, dans les formes simples hotehafina (P1a) et
manapaka (P2a), la répétition de l’action n’est pas envisagée, contrairement à ce que
347
Il s’agit d’une pluralité interne marquée par l’emploi des affixes en français, soit par l’emploi du préfixe
re- (faire / refaire, dire / redire), soit par l’emploi de l’infixe –aill- (crier / criailler), soit par l’emploi de
l’infixe –ill- (fendre / fendiller), soit par –in- (pluviner), -ich- (pleurnicher), -on- (chanter / chantonner), -
och- (bavocher), -ot- (cligner / clignoter)
348
Ibid
363
nous avons dans leurs formes rédupliquées respectives (P1b) et (P2b), la répétition de
l’action est constatée. Cet aspect fréquentatif est aussi constaté dans les exemples ci-
après :
Par ailleurs, l’aspect fréquentatif est constaté également dans les verbes de
mouvement. En effet, le mot rédupliqué mihetsiketsika « agir, agiter à plusieurs
reprises » signifie une répétition de mouvement par rapport à
la forme simple mihetsika « agir, agiter, une seule fois ». Ainsi,
(P3a) Mihetsika ny tanany
Sa main s’agite en une seule fois
(P3b) Mihetsiketsika ny tanany
« Sa main s’agite continuellement, c’est-à-dire à plusieurs reprises »
(P4a) Mihodina ny tany
« La terre tourne »
(P4b) Mihodinkodina ny tany
« La terre tourne x fois »
D’après ces exemples, mihetsika (P3a) et mihodina (P4a) n’envisagent pas cette
action ou ce mouvement répété, contrairement à ce que nous constatons dans
mihetsiketsika (P3b) et mihodinkodina (P4b) où nous identifions ce geste ou ce
mouvement à plusieurs reprises. Et même si nous l’intégrons dans un autre contexte, la
valeur aspectuelle ne change pas. En restant avec mihetsika, prenons une autre phrase
Mihetsika io ravinkazo io « cette feuille de l’arbre bouge » s’opposant à mihetsiketsika
io ravinkazo io « cette feuille de l’arbre est agitée à plusieurs reprises », la
réduplication exprime toujours cet aspect fréquentatif.
A titre d’illustration, nous pouvons ajouter quelques couples de mots dont les
mots rédupliqués (verbes indiquant le mouvement) expriment l’aspect fréquentatif.
364
C’est ainsi qu’on a :
En outre, nous constatons également que les mots rédupliqués du type (mi-)
sefosefo « respiration difficile » présentent également cet aspect fréquentatif. En effet,
sefosefo exprime un état qui se répète au niveau de la respiration à l’encontre de celle
de la forme simple sempotra « essoufflé ». Les verbes faisant partie de ce
microsystème sont des verbes actifs. Ainsi :
Midobodoboka « produire des sons lourds » / midoboka « produire un son
lourd »
Mipoapoaka « explosion, à plusieurs reprises » / mipoaka « explosion, en une
seule fois »
Mirefondrefotra « explosion xfois (en parlant de fusil) » / mirefotra « une seule
explosion »
Mitehatehaka « action d’applaudir xfois » / mitehaka « taper la main »
Mikipikipy (bl) « clignoter (en parlant des yeux) » / mikipy « cligner »
Enfin, il faut mentionner la spécificité de certains radicaux lexicalement
rédupliqués qui dénotent aussi l’aspect fréquentatif. En effet, Malzac atteste l’existence
des formes sefosefo « respiration difficile, gênée, haletante » et serasera349 « action
d’aller et de venir en passant devant quelqu’un », sans mentionner les formes simples
correspondantes. Si l’on examine de près les signifiés de ces lexèmes, on constate
qu’ils renferment la répétition d’une action : l’action d’inspirer et d’expirer
alternativement de l’air et l’action d’aller et de venir. Cela prouve que la réduplication
exprime l’aspect fréquentatif dans ces exemples. Cela explique aussi la raison pour
laquelle les formes simples correspondantes *sefo et *sera ne sont pas attestées chez
349
Serasera et serantserana sont des formes rédupliquées qui tous deux à rapprocher de serana mais ce qui
les différencie c’est leur parcours morphologique. En effet, serasera pourrait être la forme rédupliqué,
d’origine lexicalisé, et par l’emploi de –na intégrateur paradigmatique, on obtient le mot serana. D’où
sesasera /*sera/ serana. A mon avis, la forme simple sera ~ bizina « business » est une création lexicale
des jeunes par glissement de sens. Par contre, serantserana est une réduplication de la base serana,
conformément à la réduplication des proparoxytons à terminale –na, d’où serana/ serantserana.
365
Malzac. En effet, les signifiés qu’ils devraient exprimer en tant que formes simples ne
sont même pas imaginables. Les mots rédupliqués lexicalisés du type renireny,
venjivenjy ou vezivezy sont à l’aspect préquentatif car sémantiquement, ces mots
signifient « action de courir ça et là, de rôder, vagabondage » :
366
ponctuelle) par rapport à celui constaté dans matoritory, un fait plus ou moins relâché «
à valeur durative ».
D’autre part, l’examen du corpus montre que, dans la majorité des cas, la
réduplication par infixation du type jononóka exprime l’aspect global dans la mesure
où l’action ou le fait se déroule sans limite précise. La durée de l’action ou le fait est
jugé de façon plus ou moins globale. C’est ainsi qu’on a les mots rédupliqués suivants :
jononóka « action de tomber, de couler abondamment et doucement comme la
pluie, les larmes »
fatsintsitra « jet de liquide, jaillissement »
sononóka « mouvement doux et paisible, comme celui de l’eau qui coule
doucement »,
tsininíka comme jininíka « chute douce, continu et régulière d’un liquide »,
tsononóka « écoulement, ruissellement, comme de l’huile, de la graisse, de la
sueur »
On peut dire, d’après ces exemples que l’idée de douceur « doucement » ou de
continuité dans ces mots rédupliqués permet de confirmer cet aspect duratif.
Il en est de même pour les mots rédupliqués du type bananáka, dananáka,
tananáka, vananáka qui contiennent cette valeur aspectuelle durative dans la mesure où
ces mots rédupliqués expriment tous l’idée de l’ouverture plus permanente par rapport
à banáka, danáka, tanáka et vanáka. En effet, On aura alors une opposition
réduplication / suffixation de -ka où la réduplication exprime un aspect inessif « le fait
d’être définitivement installé dans le procès » par opposition au suffixe -ka qui dénote
l’aspect illatif « l’entrée dans une action, dans un état » (Rajaona, 1972 : 236). La
distinction se fait par la présence d’une cause quelconque qui a occasionné l’ouverture
dans la forma à -ka : tanàka « qui reste bouche bée de surprise », sanàka « état de la
bouche ouverte comme celle de quelqu’un qui est ébahi », vanàka « qui regarde
bêtement la bouche ouverte ». Dans ces formes lexicalement rédupliquées, aucune
cause n’est mentionnée.
367
7.4.3.3. L’aspect progressif
Par définition, l’aspect progressif350 « marque l’évolution d’un procès qui
commence ou qui est en cours » (Rajaonarimanana, 1995 : 58). Les linguistes ont
chacun leur avis sur cet aspect. Selon Wilmet, aspect duratif est similaire à l’aspect
progressif, alors que pour Rajanonarimana, par exemple, ces deux aspects sont
différents. Il s’agit d’un développement par étape de l’action ou d’un état. Si l’aspect
progressif est marqué par le verbe aller + gérondif en anglais ou par la locution
adverbiale « être en train de » en français, en malgache, il est marqué généralement par
l’emploi du préfixe miha-. Ainsi,
(P5a) Mandroso ity firenena ity
Ce pays se développe
(P5b) Miha-mandroso ity firenena ity.
Ce pays est en train de se développer (Ce pays s’est développé
progressivement)
(P6a) Reraka ilay (olona) marary
Ce (tte) malade /patient(e) s’affaiblit
(P6b) Miha-reraka ilay (olona) marary
Ce(tte) malade / patient(e) est en train de s’affaiblir (Ce malade s’affaiblit
progressivement)
De plus, l’étude de la réduplication dans la langue malgache montre que des
mots rédupliqués (Corpus n°68) peuvent dénoter l’aspect progressif ou plus
précisément, des mots rédupliqués sont définis comme étant des contraintes de l’aspect
progressif. Dans ce cas, ces mots rédupliqués servent seulement à renforcer la
progression de l’action. Ainsi :
(P7a) Tonga ny olona nasaina
Les invités sont arrivés
(P7b) Miha-tonga tsikelikely ny olona nasaina (*Miha-tonga kely ny olona
nasaina et *miha-tonga kelikely ny olana nasaina)
350
Notons que la plupart des austronésianistes emploie plutôt le terme « continuité » à la place du
« progressif ». Voici quelques mots rédupliqués indiquant l’aspect prograssif ou la continuité : Bunun
(Yeh : 2000b) lunghu « reste » / lolunghu « continuer à rester », ama « porter sur le dos » / ama-ama « en
train de porter petit à petit », Amis (Lu : 2003) temok / temok-temok « battement du cœur » ; Siraya
(Adellar 2000) K<om>a-at « écrire » / kaaka-at « continuer à écrire », bazo « laver » / laabazu
« continuer à laver ».
368
Les invités arrivent par petites vagues, commencent à arriver.
Dans le sens du terme, maty contient l’aspect accompli, c’est une finalité, tandis
que matimaty, un aspect inaccompli dans la mesure où, par exemple, la montre
n’est pas totalement détraquée (Maty ny famantaranandro « la montre est
détraquée »), parce qu’on peut la réparer pour qu’elle fonctionne à nouveau.
(mi-)hilahila « action de pencher d’un côté, de branler sur sa base, tantôt d’un
côté tantôt d’un autre » / (mi-)hilana « inclinaison, perte d’équilibre, de
l’aplomb ».
Le rapprochement de ces formes nous permet de dire que la forme rédupliquée
mihilahila exprime l’état inaccompli dans la mesure où l’action n’est pas encore
définie comme résultat final, c’est-à-dire inaccompli, alors que dans mihilana,
l’action / l’état de pencher est définie comme finalité de l’action, d’où l’aspect
accompli.
351
Cf. Rajaona (1972, 2004 ); Rajaonarimanana (1995).
369
Avant de clore la présentation de différentes valeurs aspectuelles exprimées
par la réduplication, nous avons constaté également qu’il est fort possible que deux
valeurs aspectuelles cohabitent dans un même procès, et même, elles présentent une
implication mutuelle dans certains cas et une exclusion mutuelle dans d’autres cas. Par
exemple, l’aspect progressif peut impliquer l’aspect inaccompli en ce que l’action ou
l’état en cours de progression/ de développement est toujours non résultatif. Et dans le
cas contraire, l’action ou l’état en cours de progression ne peut pas être accompli. Le
fréquentatif et le duratif peuvent cohabiter dans les mots rédupliués du type (mi-)
kimpikimpy ~ kipikipy « état des yeux plus ou moins fermés, c’est-à-dire que la
fermeture complète des yeux n’est pas encore définitive » / (mi-)kimpy ~ (mi-)kipy
« état des yeux fermés, fermeture de la paupière ». Dans la forme rédupliquée, l’action
est « positivement dans son déroulement », d’où l’aspect duratif parce qu’il y a
succession des mouvements de la paupière et également la valeur fréquentative dans la
mesure où il y a une reprise de mouvement, c’est-à-dire fermeture suivie d’une
ouverture de la paupière, d’où clignoter.
La cohabitation des valeurs ne reste pas au niveau de l’aspect ; elle touche aussi
les valeurs de la réduplication en général. Ce nouveau paragraphe sera réservé à la
présentation de ce fait.
370
Lavadavaka « troué, c’est-à-dire composé de nombreux petits trous » /
lavaka « trou »
Loadoaka « troué, c’est-à-dire composé de nombreux petits trous » / loaka
« trou »
Hentahenta (Gn) « nombreux petits bagages » / henta « bagage »
371
Pour terminer la présentation des valeurs de la réduplication, je vais essayer de
synthétiser dans des tableaux les valeurs de la réduplication de chaque catégorie
grammaticale :
372
2) Tableau récapitulatif des valeurs des substantifs rédupliqués
Substantifs Type de Valeurs Exemples
réduplication
RT Spécialisante par Vazaha-zaha
métaphore Vavi-vavy
Base-CV Spécialisante par Kibo-bo
CV-Base métonymie zozoro
Ca-Base pa-pelika
RT hitsi-kitsika
RT Spécialisante par Afindra-findrao
restriction de sens Don-dona
RT atténuative Vadi-vady
Hanin-kanina
RT péjorative Boki-boky
Haingo-haingo
CV-Base Laudative To-toa
( hypocoristique) fa-fara
CV-Base Laudative Ra-ramonja
(respectueuse) Ra-rahoa
RT métaphore Lani-lany
boko-boko
RPI Cause / effet Bonoka / B-on-onóka
CV-Base *diniŋ / Ri-rinina
RT Noms d’instrument Ragi-ragy
Langi-langy
CV-Base Tan-tavana
RT Cumul de valeurs vato-vato
Pluralité et petitesse henta-henta
lava-davaka
373
RPS daba-baka
dabo-boka
RT Intensive mipoera-poera
(Comportement ou midoha-dohaka
caractère)
RT Intensive (sentiment) mira-mirana
mitsiki-tsiky
CV-Base mito-to-rebika
RT Cause /effet horo-horo / horona
ronga-ronga / rongatra
viza-viza / vizaka
Adjectif RT distributive tsi-roa-roa
numéral tsi-telo-telo
CV-Base te-telo
li-lime
RPS Cause / effet iray / ire-ry
374
d’opposition libre : les variantes libres, les variations topolectales et l’opposition
neutralisée. Nous allons les voir successivement.
On dit que les éléments constitutifs d’un couple sont en variante libre (Corpus
n°67) lorsque ces éléments peuvent se substituer dans un contexte donné sans
modification de sens. Alors, ces éléments constitutifs d’un couple sont considérés
comme des synonymes. « Dans la synonymie exacte, les deux lexèmes x et y ont le
même sens et ne présentent aucune nuance sémantique. Ils peuvent se substituer dans
n’importe quel contexte » (Razanamalala, 2013 : 313).
Dans notre cas, les formes simples définies comme bases, et les formes
rédupliquées considérées comme des formes construites, sont en variante libre parce
qu’elles sont des synonymes et elles peuvent se substituer dans un même contexte.
375
géographiques différentes. Ainsi, les noms de l’oiseau remarquable par le volume son
ventre renvoient à un même radical, mais ils se différencient par leur caractère
rédupliqué ou non, kibo (bl) = rakibo (btsm) ~ kibokibo (tn) = kibo-bo (mr, mlg. Off) =
« caille, un oiseau remarquable par son ventre ». En effet, sémantiquement, ces quatre
formes ont la même signification, mais morphologiquement, ce n’est pas le cas,
puisque les deux premières formes sont définies comme base, tandis que les deux
derniers exemples sont des formes résultant d’une réduplication par suffixation, et la
troisième est jugée comme la réduplication totale de la base kibo. Toutefois, même si
ces trois formes sont utilisées pour identifier cet oiseau, il convient de signaler que
chacun de ces trois mots est utilisé par de différents locuteurs malgaches, d’où des
variantes topolectales ou variantes dialectales.
376
7.6.3. L’opposition neutralisée (Corpus n°75)
377
En conclusion, le chapitre7 a été dédié à la présentation de différentes valeurs de la
réduplication. La réduplication que nous avons évoquée dans ce chapitre relève du
procédé morphologique, donc le processus est porteur de sens. Pour
ce faire, nous avons essayé de classer les couples dans les trois types d’opposition de
Troubezkoy (opposition privative, opposition graduelle et opposition équipollente)
pour éviter une répétition ou une dislocation des valeurs de la réduplication. Après les
avoir intégrés dans ces oppositions, nous avons déterminé les rapports dans lesquels les
éléments mis en opposition sont liés les uns aux autres afin de dégager ces valeurs
sémantiques. Par conséquent, dans le premier type d’opposition basée sur la notion de
marque, c’est-à-dire dans l’opposition privative, nous avons pu dégager le rapport de
sens général / particulier, dans lequel la réduplication peut exprimer la valeur
généralisante dans certains couples, mais dans d’autres couples, elle peut dénoter la
valeur spécialisante. Notons que dans ce type d’opposition, c’est l’aire de signification
qui détermine les valeurs de la réduplication : lorsque l’aire de signification est
étendue, nous avons parlé de généralisation de sens et si au contraire il se rétrécit, nous
avons parlé de restriction de sens, d’où la valeur spécialisante. Dans la plupart des cas,
la spécialisation de sens se réalise par le mecanisme de la métaphore par le fait que ce
type de translation de sens a permis de spécifier les significations dénotées par le
procédé de réduplication. Ensuite, les éléments mis en opposition intégrés dans les
oppositions graduelles se sont définis par la présence du rapport ou echèlle de gradation
existant entre eux. L’identification de ces rapports nous a permis de définir, par la suite,
les valeurs de la réduplication, entre autres la valeur extensive (ou diminutive ou bien
atténuative), la valeur intensive (ou augmentative), la valeur distributive, la valeur
affective, la valeur laudative et la valeur dépréciative. Quant à l’opposition
équipollente, les couples appartenant à ce type d’oppositon devraient avoir un sème
commun et un sème supplémentaire pour chaque élémént constitutif. De ce fait, nous
avons pu dégager les rapports sémantiques suivants : les rapports basés sur le transfert
métonymique, comme le rapport physique / psychologique, le rapport de cause à effet,
le rapport de la partie du corps et son usage particulier, le rapport de tout et sa partie et
le rapport de l’action et son objet.
Outre ces valeurs sémantiques de la réduplication, l’examen des données fournies
nous a permis également de mettre au jour les différentes valeurs aspectuelles
378
exprimées par les mots rédupliqués en malgache, dont la majorité sont des verbes.
Certes, l’étude des mots rédupliqués a montré que les valeurs aspectuelles peuvent être
exprimées soit d’une manière intrinsèque, soit par ce processus de la réduplication elle-
même. Lorsqu’il s’agit des mots rédupliqués lexialisés, leurs valeurs aspectuelles sont
généralement à l’intérieur de leur signification. Toutefois, le sens de certains lexèmes
évoque déjà leur valeur aspectuelle, mais dans d’autres cas, c’est le processus de la
réduplication qui exprime les valeurs aspectuelles, entre autres, la valeur fréquentative,
la valeur progressive, la valeur inessive, l’inaccompli et le duratif.
Pour clore ce chapitre7, nous avons présenté aussi l’opposition libre. Malgré son
statut de procédé morphologique, certains éléments constitutifs des couples ont la
même signification. Il s’agit soit d’une variante libre, donc la base et sa forme
construite sont des synonymes, soit d’une variante topolectale : ces éléments, simples
ou rédupliqués appartiennent chacun à des aires géographiques différentes. Cette
opposition peut être aussi le résultat d’une annulation de la valeur dénotée par la
réduplication faite par les locuteurs. En effet, la plupart des locuteurs ne sont plus
conscients de la différence entre la couleur mena et celle de menamena, et c’est dans ce
sens que nous avons parlé de neutralisation au niveau du sens.
379
CONCLUSION
380
Dans cette conclusion, je présente trois points essentiels : les acquis de la thèse,
les limites et les applications ainsi que les perspectives nouvelles.
Les acquis :
Dans cette thèse, j’ai fixé trois objectifs principaux, à savoir la description
morphologique de mots rédupliqués en malgache dans le but de déterminer les
différents types de réduplication dans la langue malgache, l’étude des fonctions et les
valeurs de la réduplication. Trois sortes d’hypothèses ont dirigé la mise en œuvre de
l’étude proprement dite : primo, la langue malgache, en tant que langue grammaticale
selon la terminologie saussurienne présente généralement des mots à structure
compositionnelle, contrairement à la langue définie comme lexicologique où les signes
linguistiques sont totalement arbitraires. Ensuite, la langue malgache, qui se décline en
diverses variétés dialectales est, malgré tout, une langue unique dans tout Madagascar ;
la description morphosémantique de la réduplication témoigne de cette unicité. Enfin,
par rapport aux autres langues de la famille linguistique austronésienne, notamment les
langues de Formose, le fonctionnement, les fonctions et les valeurs de la réduplication
présentent des caractéristiques communes ou plutôt ils se comportent d’une manière
particulière. Notons que finalement, cette partie n’est pas présentée dans cette thèse,
mais elle sera présentée dans mon travail ultérieur.
Pour la réalisation de cette thèse, la nature des données, éléments constitutifs du
corpus sont multiples dans la mesure où plusieurs méthodologies ont été adoptées pour
leur collecte. Ainsi, la pratique habituelle de collectes de données pour une étude
linguistique malgache est basée sur les données écrites, c’est-à-dire qu’elles sont
relevées dans plusieurs dictionnaires et lexiques malgaches écrits. Dans cette thèse, ces
données écrites sont complétées par les données issues de la pratique langagière, c’est-
à-dire des données orales. Autrement dit, le corpus à étudier pour cette thèse est
composé à la fois de corpus écrit et de corpus oral puisque les données écrites des mots
rédupliqués sont encore limitées. Force est de constater que la considération des
données orales est plus judicieuse pour l’étude en question. Et ce d’autant plus que les
données orales sont plus naturelles, plus proches des locuteurs. A cet égard, le premier
type de corpus a été constitué à partir de plusieurs dictionnaires disponibles
(monolingues ou bilingues, en malgache officiel ou dialectal). Le deuxième type de
381
corpus a été réalisé à partir de neuf enregistrements, produits par quelques dizaines de
locuteurs variés.
Pour la description morphologique de la réduplication, la morphologie structurale
et fonctionnelle semble l’approche la plus appropriée du fait que la nature de la
structure lexicale de la langue malgache est plus complexe. Cette approche a été
complétée par la morphologie dérivationnelle associative de Danielle Corbin à cause du
comportement morphologique de ces mots rédupliqués. Et fait, en adoptant ces deux
méthodologies, plusieurs types des mots rédupliqués ont été identifiés et ils peuvent se
regrouper en deux grandes typologies : la réduplication totale (RT) et la réduplication
partielle (RP). Cette démarche multiple a permis l’obtention de plusieurs systèmes et
microsystèmes sur lesquels le travail de recherche a été fait. En outre, la réduplication
totale (RT) se subdivise, à son tour, en réduplication lexicalisée et réduplication non
lexicalisée. La réduplication lexicalisée signifie que des mots rédupliqués ne
correspondent à aucun mot non rédupliqué. Dans ce cas, on peut dire que,
synchroniquement, ils n’ont pas de base simple et que, diachroniquement, ils n’ont plus
de forme non rédupliquée correspondante. Les onomatopées – les cris et bruits - et les
idéophones en font partie. En revanche, la réduplication non lexicalisée concerne les
mots rédupliqués ayant une base simple et cette réduplication peut être lexicale ou
grammaticale. Par la suite, pour la réduplication partielle (RP), elle constitue les trois
types de réduplication par affixation, à savoir la réduplication par préfixation, la
réduplication par suffixation et la réduplication par infixation. En restant sur le plan
formel, la réduplication qu’elle soit totale ou partielle peut se diviser, selon son
fonctionnement en réduplication autonome, dite réduplication stricte selon la
terminologie empruntée à Kaboré et réduplication non autonome, dite quasi-
réduplication. Il est à noter également que la réduplication dans les langages non
conventionnels a été décrite dans cette thèse. Les deux types de la réduplication (RT) et
(RP) ont été définis, mais la réduplication par préfixation est plus productive que les
autres types. Nous avons souligné aussi que les mots dans les langages non
conventionnels sont des créations, et ils se sont formés à partir des procédés existants.
Concernant les fonctions de la réduplication en malgache, comme dans diverses
langues, la réduplication peut assurer de multiples fonctions sur lesquelles les deux
grandes fonctions méritent un aperçu. D’une part, à l’exclusion de la fonction
382
distinctive, la réduplication assure la fonction différenciative dans le but d’éviter une
collision homonymique entre deux ou trois mots, plus précisément dans des formes
verbales. D’autre part, la réduplication est considérée comme un processus obligatoire
en ce que, dans certains cas, elle est une contrainte avant la préfixation de ki- ou de tsi-
dans la formation de cetains noms, adjectifs et adverbes. En effet, le processus de
réduplication de certains mots peut modifier leur classe distributionnelle. C’est dans ce
sens que l’adverbialisation et l’adjectivisation sont présentées dans le chapitre réservé à
la détermination des fonctions de la réduplication. Par ailleurs, la réduplication joue le
rôle de procédé lexical par dérivation dans la mesure où, à partir de ce procédé, la
langue forme les noms des animaux, les noms des végétaux et également les mots
idéophoniques « qualificateurs de bruits et de cris ». La réduplication de ce type assure
également la fonction de la création de nouvelles unités lexicales. Ce qui a permis
d’avancer l’existence de deux sortes de réduplication dans la langue malgache : d’une
part la réduplication grammaticale lorsqu’elle intervient dans la grammaire, et d’autre
part, la réduplication lexicale lorsqu’elle touche le niveau dérivationnel.
Pour les valeurs sémantiques de la réduplication, en adoptant la démarche de la
sémantique lexicale, plusieurs valeurs sémantiques ont été identifiées qu’on peut
regrouper en types/catégories : valeurs flexionnelles, valeurs dérivationnelles. Pour le
premier sous-groupe, la pluralité, plus précisément, le nombre ou la multiplicité
(singulier/ pluriel) et l’aspect (accompli / non accompli ; continu et/ou répétitif « à
maintes reprises ou plusieurs reprises » / discontinu sont des catégories grammaticales,
au même titre que le genre, la voix et le mode. La réduplication en malgache exprime
ces catégories grammaticales, et parfois, ces derniers se combinent avec les valeurs
dérivationnelles. On peut dire que le processus de réduplication estompe la frontière
qui sépare la morphologie flexionnelle de celle dérivationnelle. Certes, théoriquement,
la distinction entre le niveau flexionnel et le dérivationnel est claire en ce que le niveau
flexionnel exprime les valeurs grammaticales (genre, nombre, voix, temps, mode,
aspect…) et l’autre niveau exprime la valeur lexicale, la création de nouvelles unités
lexicales. Mais dans la réalité linguistique, il me semble que, dans certains cas, ils se
confondent. Le deuxième type regroupe les valeurs déterminatives de sens de la
réduplication d’une part et d’autre part, les valeurs translatives de sens dénotées par la
réduplication, organisées selon les types d’oppositions de Troubetzkoy. Dans les
383
oppositions privatives, basées sur la notion de marque, deux valeurs ont été identifiées :
la valeur généralisante par extension de sens et la valeur spécialisante par métaphore,
par métonymie et par restriction de sens. Dans les oppositions graduelles, les éléments
mis en opposition se différencient l’un de l’autre par le degré de croissance de leur
signification. Nous avons pu dégager dans ce type d’opposition, la valeur extensive de
sens (au degré minimal) par rapport à la valeur intensive de sens (au degré maximal), la
valeur distributive, la valeur péjorative ou dépréciative s’opposant à la valeur laudative.
Dans le troisième type d’opposition, nous avons soulevé les rapports sémantiques
suivants : le rapport équipollent par transfert métaphorique, le rapport physique /
psychologique, le rapport de la partie du corps et son usage, le rapport de cause à effet
et le rapport de l’objet et son usage.
Par ailleurs, l’étude sémantique de la réduplication dans langue malgache nous a
amené à constater les valeurs aspectuelles suivantes : la valeur fréquentative, la valeur
durative, la valeur progressive, et l’inaccompli. Nous avons souligné que certaines
valeurs aspectuelles peuvent être exprimées de façon intrinsèque, c’est-à-dire que la
signification du mot suffit pour exprimer la valeur aspectuelle. La cohabitation des
valeurs dans une forme rédupliquée ont été remarquée, entre autres, la pluralité avec la
petitesse, le progressif avec l’intensif, le fréquentatif avec l’intensif.
Les limites
Les limites avancées dans cette conclusion concernent les champs d’étude,
les méthodologies adoptées et l’étude comparative. Cette thèse s’inscrit dans le cadre
de la linguistique formelle, et l’étude de la réduplication présentée y est limitée
principalement aux niveaux d’analyse linguistique, particulièrement au niveau
morphologique et niveau sémantique. Les théories et méthodes choisies correspondent
aux objectifs visés tant au niveau morphologique qu’au niveau sémantique. En parlant
de champs d’étude, force est de constater que l’étude de la réduplication touche la
plupart des niveaux d’analyse linguistique, entre autres la phonologie, la syntaxe,
excepté les deux niveaux d’analyse considérés dans ce travail de recherche. Peut-être
que cela justifie l’interdépendance entre ces niveaux d’analyse. Pour l’analyse de
certains mots rédupliqués qui pose problème, son explication devrait se situer hors de
ces niveaux d’étude choisis, c’est-à-dire qu’on devrait recourir à d’autres niveaux
384
d’analyse. A titre d’exemple, la réduplication syntaxique en malgache mérite une étude
approfondie, en évoquant par exemple la notion de valence ou la notion de
cooccurrence ou de collocation. La réduplication pragmatique ou énonciative en
malgache n’est pas encore traitée, et il serait souhaitable pour l’étude linguistique et
communicationnelle, que ces champs de recherche soient davantage explorés. Pour la
question méthodologique, le choix est large et multiple quand on parle d’étude de la
réduplication. Les théories et méthodes déjà existantes sont toutes fructueuses, mais le
choix dépend vraiment de la caractéristique de la langue à étudier, et également des
objectifs visés. Pour cette thèse, je me suis limitée à la morphologie structurale,
fonctionnelle et associative d’une part et à la sémantique lexicale d’autre part.
Applications et perspectives :
Concernant ces applications, il s’agit d’une vue d’ensemble, d’un exposé succinct
de quelques possibilités offertes par l’étude de la réduplication en malgache. Les cas
suivants sont à considérer :
- L’étude de la réduplication pour une nouvelle élaboration de dictionnaire de la
langue malgache
- L’étude de la réduplication pour le traitement automatique de la langue
maternelle
- L’étude de la réduplication, la terminologie et le néologisme
- L’étude de la réduplication et la traduction
- L’étude de la réduplication et la communication
385
La description détaillée des mots rédupliqués donne aux spécialistes du TAL la
facilitation d’effectuer leurs travaux grâce à l’analyse des systèmes en microsystèmes.
Autrement dit, l’existence des données formelles plus systématiques et détaillées,
préétablies vont permettre aux linguistes de travailler dans le domaine d’application des
outils ou matériaux pour la réalisation de ces travaux. Le domaine de la linguistique
appliquée a toujours besoin des résultats d’analyse dans le domaine de la linguistique
formelle. Certes, la formation de nouvelles unités lexicales se réalise par l’emploi d’un
des procédés existants, procédé considéré comme matrice de la terminologie. De ce
fait, la réduplication, en tant que procédé de création lexicale, peut contribuer à
l’enrichissement du vocabulaire dans la langue malgache, à la réactualisation et à la
régénération de cette langue pour faire face aux nouveaux concepts existants. Par
ailleurs, ce travail de recherche sur la réduplication va aider le travail de traduction
parce que, l’analyse sémantique de la réduplication donne beaucoup plus de précision
sur la signification et la valeur propre de chaque mot rédupliqué. Le choix
terminologique est une condition préalable pour une meilleure traduction d’un texte
dans tous ces genres pour qu’il soit approprié et ne présente plus d’ambiguïtés. En
outre, les données étudiées et déjà classées présentent des références linguistiques et
extralinguistiques, outils de la communication. Dans le domaine de la linguistique,
l’étude de la réduplication contribue à la maîtrise des normes aussi bien au niveau de
l’écrit qu’à celui de l’oral. Sur les plans discursifs et cognitifs, elle favorise le circuit et
la situation communicationnelle. Enfin, la réduplication peut servir à étudier
l’acquisition langagière chez les enfants et aussi leur évolution, en termes de
communication.
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Fanjanirina Sylvie RAKOTOALISON
LA REDUPLICATION EN MALGACHE DANS LA PERSPECTIVE
D’UNE MORPHOLOGIE COMPARATIVE DES LANGUES DE LA
FAMILLE AUSTRONESIENNE
Résumé
Cette thèse a trois principaux objets : la description morphologique des mots rédupliqués pour en déduire les
différents types de réduplication en malgache, la détermination des différentes fonctions de la réduplication et
l'étude des valeurs sémantiques dénotées par la réduplication. Les données puisées dans plusieurs
dictionnaires et lexiques malgaches disponibles affirment la productivité et la profusion de ce processus. Ce
travail de recherche se propose donc de montrer la place de réduplication dans le lexique malgache, en se
basant sur l'analyse morphologique et sémantique. Il met en œuvre deux bases théoriques, à savoir la
réduplication typologique (Blust 1998, 2001 et Zeitoun : 1998, 2006) et la réduplication fonctionnant comme
affixes (Marantz : 1982) et McCarthy et Prince (1999). L'étude est basée sur des relations, des fonctions et des
associations, d'où le recours à la morphologie structurale, fonctionnelle et associative en adoptant le rapport
d'opposition selon Rajaona (1977, 2004) et le cercle linguistique de Prague et aussi la morphologie associative
de Danielle Corbin (1988, 1991, 2004). Les éléments du corpus sont extraits des ouvrages écrits, mais
également de documents sonores existants ou que nous avons nous-mêmes collectés. La thèse est divisée en
trois parties organisées en sept chapitres. Comme résultats, l'étude du corpusa permis d'identifier au moins
neufs types de réduplication, cinq fonctions et vingt-cinq valeurs de la réduplication dans la langue malgache.
Dans la conclusion, nous avons aussi évoqué les limites, les applications et les perspectives.
Mots-clés : Langue malgache, langues austronésiennes, morphologie, réduplication, typologie, sémantique
lexicale
Résumé en anglais
This thesis has three main objects : the morphological description of reduplicated words with a view to
deducing the various types of reduplication in Malagasy, determination of the different functions of
reduplication and the study of the semantic values provided by the reduplication. The data collectedfrom a
number of Malagasy dictionaries and lexicons that are available how case the productivity and profusion of the
process. This research work thus aims to show reduplication’s place in the Malagasy lexicon, based on
morphological and semantic analysis. This workis based on two theoretical views : typological reduplication
(Blust : 1998, 2001 and Zeitoun : 1998, 2006) and on the other hand partial reduplication which functions as
affix (Marantz : 1982) and McCarthy and Prince (1999). This study is based on relations, functions and
associations, thus appealing to structural, functional and associative morphology by adopting opposition
relationship (according to Rajaona: 1977, 2004 and the linguistic circle of Prague) and Danielle Corbin’s
associative morphology (1987, 1991, 2004). Items of the data have been extracted from written works such as
dictionaries as well as existing sound materials or materials we have collected ourselves. This thesis is divided in
to three parts which comprise seven chapters. Asresults, the morphological and semanticstudy of the data
identified at least nine types of reduplication, five functions and twenty-five values of reduplication in the
Malagasy language. In the conclusion, we also discussed limits, applications and perspectives.
Keywords: Malagasy language, Austronesian languages, morphology, reduplication, typology, lexical semantic.