Ces Jeunes Qui Nous Réveillent Corigé
Ces Jeunes Qui Nous Réveillent Corigé
Ces Jeunes Qui Nous Réveillent Corigé
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La veille de cette fête, passée vraiment dans le silence, comme les
Apôtres dans le Cénacle, nous a permis le lendemain de fêter le
Christ-Roi en chantant et en dansant, avec beaucoup plus de ferveur
religieuse que l'an passé. En effet, si dans notre Cathédrale de
Basankusu nous avons surtout rendu grâce à Dieu de l'expansion et
du rayonnement de l'amour du Christ, parmi les jeunes, cette année
l'accent était mis surtout dans l'approfondissement de la vie divine
dans nos coeurs de Bilenge ya Mwinda.
Cette fête célébrée dans le contexte d'une récollection, nous a
permis de comprendre ce que saint Paul appelle : "la largeur, la
longueur, la hauteur et la profondeur de l'amour du Christ". C'est
cette même conscience de toujours aller en profondeur que j'ai pu
déceler dans les lettres que vous n'avez pas cessé de m'écrire durant
cette année.
Des lettres auxquelles je n'ai pas toujours donné de réponses
individuelles. Je m'en excuse beaucoup. Je tâcherai, à travers ce
message, d'y répondre d'une façon plus ou moins collective.
Mais avant de le faire, permettez-moi de vous souhaiter à tous, une
belle et bonne fête de Christ-Roi.
Je vous l'ai déjà dit l'année passée et je vous le répète y encore : la
meilleure façon de fêter le Christ-Roi, c'est de le laisser régner dans
vos coeurs, en ayant les mêmes sentiments que le Christ. De même,
laissez-le regner dans votre corps, qui est le "temple" du Saint-Esprit.
Ainsi, c'est chaque jour que vous fêtez le Christ-Roi. Et, comme le dit
encore saint- Paul : "Tout ce que vous pouvez dire ou faire, faites-le
au nom du Seigneur Jésus, en rendant Il. grâce par lui à Dieu le
Père." (Col 3,17)
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Voilà, je ne veux pas juger ce prêtre-là. Mais, sachez qu'on doit
lutter pour sa vocation. On doit passer par de dures épreuves...
Parfois, on vous donne une réponse qui est une épreuve ou une
blague. Il ne faut pas perdre courage. Il faut insister et revenir chez le
même prêtre pour lui demander encore des conseils.
D'autre part, si vous constatez réellement que c'est un prêtre
superficiel, car malheureusement il y en a aussi)dans ce cas-là
laissez-le et adressez-vous à un autre qui soit vraiment un homme de
Dieu. Et, il y en a beaucoup de ceux-ci. Soumettez-lui votre cas et
laissez-vous guider par lui.
2. Religieux ou séculier ?
D'autres m'ont parlé plutôt d'un problème assez délicat :
"Je veux devenir prêtre. Mais je ne sais pas si je dois entrer chez
les religieux ou chez les séculiers, si je dois devenir religieux ou
abbé."
Eh bien, franchement, je ne peux pas donner de réponse à votre
problème. Tout ce que je sais, c'est que le Christ a dit : "Dans la
maison de mon Père, il y a beaucoup de demeures." On 14,2) Et
notre Eglise, même locale, a besoin de beaucoup de prêtres tant
séculiers que religieux et de beaucoup de religieuses de toutes les
congrégations possibles : diocésaines, internationales...
Donc, vous êtes parfaitement libres de répondre à Dieu suivant
votre conscience. Si vous vous sentez de devenir séculier ou
religieux, allez-y; personne ne peut avoir une influence sur vous pour
vous détourner de votre vocation; personne ne peut toucher à cette
liberté.
Nous tous, vos Evêques, nous avons besoin de beaucoup d'agents
d'Evangélisation : religieux, séculiers, laïcs, mariés, pour bâtir
l'Eglise du Christ ici au Zaïre.
3. Travailler dans un autre diocèse ?
Une autre question que l'on m'a posée et qui est beaucoup plus
délicate est celle-ci :
"Père, moi, je veux me consacrer à Dieu et aller vers les plus
pauvres. Mais moi, je voudrais être plus libre, me donner
totalement à Dieu, sans être lié par la famille ou autre attache.
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Car, je vois qu'en restant sur place, je ne pourrai échapper à la
contrainte de la famille. Est-ce qu'on ne peut pas aller travailler
ailleurs, dans un autre diocèse, loin de sa famille? "
Vraiment, vous autres les jeunes, vous nous obligez, nous les
vieux, à remettre en question beaucoup de choses. Or, ce que je peux
vous dire c'est une réponse qui ne provient pas du sentiment. Car, au
point de vue purement sentimental, chaque évêque veut bâtir son
diocèse avec des gens sur qui il peut compter.
Quand un jeune de mon diocèse entre chez moi, je suis content,
car il travaille dans mon diocèse. Mais quand un jeune de mon
diocèse demande d'aller ailleurs, humainement parlant je le regrette.
Toutefois, comme pasteur de l'Eglise du Christ, Eglise qui veut
répandre le règne du Christ dans le monde entier, je m'en réjouis.
Là encore, je dis que vous êtes libres.
L'an dernier, deux jeunes de mon diocèse sont entrés au séminaire
d'un autre diocèse. Il y en a de ceux qui se trouvent maintenant au
grand séminaire de Bamanya. Quand j'ai demandé à l'un d'eux d'où il
venait, quel était son village, j'ai compris qu'il venait de mon diocèse.
Actuellement, ce séminariste appartenait à un autre diocèse dans
lequel il s'était rendu à cause de ses parents qui se trouvaient déjà là;
et c'est là aussi qu'il a grandi. C'est donc une affaire qui ne regarde
que lui et Dieu qui l'a appelé. Je ne peux en aucune façon l'en
empêcher ou faire pression sur lui pour qu'il, revienne travailler chez
moi. Bien au contraire, je m'en réjouis et je dois l'encourager à
poursuivre sa route. Ce que nous cherchons, en effet, ce n'est pas
notre propre gloire mais celle du Christ.
Le problème que vous posez là, c'est un problème de dimension
missionnaire. C'est nous qui devrions pousser cela. Mais il se fait que
c'est vous, les jeunes, qui nous posez les problèmes de fond. Vous
êtes des prophètes.
La vocation, mes chers amis, est une affaire très sérieuse; on ne
peut faire recours à des manoeuvres humaines pour vous attirer. Nous
n'avons qu'à susciter des vocations de prêtres, de religieux et de
religieuses, de laïcs, de mariages chrétiens, etc. pour que l'Eglise du
Christ soit vraiment enracinée dans la terre zaïroise.
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4. Pas de diplôme d'Etat.
Voici une autre question que vous me posez au sujet de la vocation,
et qui doit nous faire beaucoup réfléchir :
"Voilà, père, j'ai beaucoup prié. J'ai vu et je sais aussi que je veux
servir Dieu dans un célibat consacré, renonçant au mariage, pour
devenir ou prêtre ou frère; mais malheureusement, je n'ai pas de
diplôme d'Etat. J'ai bien travaillé durant toute l'année. et j'étais même
troisième de ma classe au premier semestre de l'année terminale. Est-ce
que vous autres, vous pensez que toutes les vocations dépendent de ces
diplômes-là ? Vous autres qui êtes prêtres ou évêques aujourd'hui, après
avoir passé par le petit séminaire, avez-vous tous vraiment un diplôme
d'Etat ? "
Eh bien, mes frères, je souffre avec vous sur ce problème-là. Et je
suis en train de lutter sérieusement avec vous pour que, ensemble
avec mes collègues évêques, nous puissions réfléchir profondément
sur cet aspect de la question.
Je sais que dans certains grands séminaires il y a une petite porte
ouverte, une sorte d'exception pour ces cas-là. Ce que nous voulons,
nous autres évêques, c'est un niveau d'études assez élevé,
accompagné d'un niveau de vie spirituelle et morale assez élevé
également. D'autre part, nous voulons éviter les "profiteurs". Mais le
problème est qu'on peut être un profiteur même avec un diplôme
d'Etat en poche...
D'autres qui n'ont pas pu terminer la sixième secondaire et qui,
comme prolongement de leur Option Fondamentale ont découvert
qu'ils avaient une vocation religieuse, me posent cette autre question :
"Nous voulons au moins devenir frère. Mais, presque partout, les
portes nous restent fermées".
La question d'un autre jeune a été plus pertinente encore :
« Pourquoi, vous autres nos évêques, vous êtes prêts à fonder des
congrégations pour religieuses, et vous ne songez pas à une
congrégation de frères ? »
Ici encore, mes chers jeunes, vous me bouleversez. Car, en cette
Eglise qui se construit et devient dynamique, on sent monter
l'éclosion de la vie religieuse non seulement chez les filles pour des
congrégations diocésaines ou internationales, mais aussi chez les
garçons pour devenir des frères. Nous devons prier pour que Dieu
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suscite des gens charismatiques pour fonder des congrégations
adaptées à notre temps.
Je profite de cette occasion pour vous demander de prier beaucoup
pour une nouvelle congrégation de frères que je veux fonder ici à
Basankusu. Que cela ne soit pas un feu de paille mais quelque chose
de durable.
D'autres jeunes, surtout parmi les Bilenge ya Mwinda, m'ont posé
des questions pertinentes concernant leur vocation professionnelle :
Médecine, Droit, etc. Ils se demandent si l'idéal qui les anime
aujourd'hui de se donner ne sera pas un feu de paille, comme cela se
vérifie maintenant pour certains de leurs aînés qui ont totalement
oublié leur vocation Ils travaillent sans idéal...
Chers frères, nous sommes maintenant sur un autre plan. Disons
que le poids de l'immoralité et du manque de conscience
professionnelle est devenu tel qu'il est impossible d'y résister. Nous
en souffrons et nos Chefs en souffrent aussi, et leurs cris montrent
bien qu'ils aiment leur pays. Si vous aussi, vous aimez votre pays, si
vous voulez le sauver de la corruption, de l'immoralité, de la
dépravation des moeurs, eh bien, ayons la foi. Prions pour avoir la
foi.
Ecoutez, mes chers amis : c'est l'amour patriotique qui doit nous
pousser à servir notre pays. Nous savons aussi que par nous-mêmes,
nous ne pouvons rien. Mais avec le Christ, nous pouvons tout. Eh
bien, restez unis avec le Christ; ayez la foi : c'est un miracle que nous
attendons. Et si Dieu n'est pas mort, ce que je crois fermement, eh
bien, nous aurons ce miracle. C'est avec lui que vous parviendrez à
laisser cette "morale de quatre B".
Le Christ est vivant car, comme dit saint Paul : "Si le Christ n'est
pas ressuscité, alors notre prédication est vide, vide aussi votre foi" (1
Cor 15,14).
Si le Christ est ressuscité, c'est pour nous rendre la vie. C'est pour
nous réveiller car, point n'est question de vous prouver que nous
dormons d'un sommeil, moralement mortel.
Nous dormons, et ce sommeil mortel s'appelle MANQUE DE
CONSCIENCE PROFESSIONNELLE. Cela fait notre honte à nous
tous.
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Nous dormons, et ce sommeil mortel s'appelle LA CORRUPTION
dont nous sommes tous misérablement atteints, comme quelqu'un qui
est rongé impitoyablement par le cancer.
Nous dormons~ et ce sommeü mortel s'appelle LINJUSTICE ET
LIMPUNITE DES COUPABLES que nous somme tous.
Nous dormons, et ce sommeil mortel s'appelle L'IDOLATRIE DE
L'ARGENT, devenu l'unique dieu sur l'autel duquel nous sacrifions
nos consciences.
Nous dormons, et ce sommeil mortel s'appelle ABSENCE D'UN
IDEAL SUBLIME, HUMANISANT ET PERSONNALISANT.
Nous dormons, et ce sommeil mortel s'appelle MANQUE DU
SENS DU PECHE, manque du sens de responsabilité quotidienne et
permanente envers l'Etre Suprême, ce Dieu qui nous voit et qui est
témoin de tout ce que nous faisons et machinons dans nos coeurs.
Nous dormons, et ce sommeil mortel s'appelle LA NAIVETE de
croire que tout restera finalement impuni, comme le spectacle qui se
déroule à nos yeux du matin au soir.
Nous dormons, et ce sommeil. mortel s'appelle LE FAIT
D'ACCEPTER DE MENER UNE VIE DE CADAVRE
AMBULANT, luxueusement recouverts de wax, d'abacost, au lieu
d'accepter de marcher comme des êtres vivants, dignes, inaliénables
dans leurs pàgnes rustiques et ancestraux.
Nous dormons, finalement, en donnant au monde l'illusion qu'un
Noir est et restera techniquement, intellectuellement et moralement
un INCAPABLE...
Mes chers frères, mes chers jeunes, Vous direz que c'est pour la
première fois que votre Bagaza prend un ton si pessimiste... Vous
avez un peu raison car, vous le savez très bien que cela est seulement
un côté de la médaille, le côté sombre de cette médaille qu'est notre
vie, je dis bien - qu'est NOTRE VIE., Ceci pour dire que c'est chacun
d'entre nous qui se trouve concerné, nous tous sans exception :
évêques, prêtres, laïcs. Tout homme a dans sa vie son côté sombre
dont il doit prendre conscience pour se réveiller et repartir.
Dieu seul sait quels efforts chacun d'entre nous a déjà déployés
jusqu'ici pour se laisser imprégner par cette lumière vivifiante et
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ressuscitante qu'est le Christ, notre Vie, notre Résurrection, par qui
nous sommes sauvés et libérés. (Cf. Gal 6,1-4).
Nous sommes en la fête du Christ-Roi, ne l'oubliez pas. Et nous
sommes aussi à la veille de l'Avent, période durant laquelle, tout en
remerciant Dieu de la transformation morale réalisée cette année,
nous plongerons notre regard sur le chemin qui nous reste à parcourir
avant d'arriver à la transfiguration par le Christ.
Quel coeur devons-n ous avoir au seuil de cette année nouvelle ?
Eh bien, un jour, j'étais en train de méditer, vers 5h du matin, en
me promenant le long de la grande allée qui longe la Cathédrale de
Basankusu. Je contemplais en pensant à vous, chers Bilenge ya
Mwinda. Je me disais : "Vraiment, Dieu est bon. Lui qui a redonné à
tant de jeunes de notre beau Zaïre et aussi à certains pays
limitrophes, le goût et la joie exaltante de la prière. Lui qui a fait
comprendre à tant de jeunes de notre grand Zaïre que le Christ les
aime tendrement et follement. " Le Christ à tous ceux qui voulaient
éloigner de lui les jeunes qui l'approchaient, il leur disait carrément
"Laissez les petits enfants et ne les empêchez pas de venir à moi; car
c'est à leurs pareils qu'appartient le Royaume des cieux" (Mt 19,14).
Chers jeunes, vous avez compris cela et vous vous êtes rués vers
Lui comme vers une idole, votre Idole à vous qui ne vous décevra
jamais. Du fond de mon coeur, je me réjouissais de vous voir tous
défiler, tête haute, pour la gloire du Christ, votre gloire et votre
lumière. Et voilà que ce sentiment de fierté et de triomphe fut
brusquement interrompu par une voix intérieure qui semblait me dire
'Ecoute, Matondo, arrête-toi et regarde. Fixe bien ce bananier.
Car, ce que j'ai à te dire aujourd'hui, le message que Je vais te
communiquer aujourd'hui pour que tu le transmettes à ces jeunes
qui m'aiment, c'est ce bananier qui te le dira.
Eh bien, chers jeunes, le contact mystique que j'ai eu avec ce
bananier et le temps que j'ai passé en le regardant, je ne saurai le dire.
Mais le message transmis par Dieu à travers ce bananier, je ne peux
pas le dire, et je vous le communique en toute simplicité.
Je vous ai tant de fois expliqué ce qu'est la "mystique des
bananiers". Mais aujourd'hui, je médite tout haut, ensemble avec
vous, sur ce message du bananier.
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Il. CONTEMPLATION DU BANANIER
1. La grande faiblesse du bananier.
En regardant ce bananier, je fus d'abord frappé par son extrême
faiblesse : son tronc fabriqué de fibres pleines d'eau qu'on pourrait
couper d'un seul coup de machette - Même avec quelques coups de
poing on pourrait renverser ce bananier... Il est faible, tellement
fragile qu'il ne peut pas, seul, porter son gros régime... Il lui faut un
support pour que son régime arrive à terme.
Et, du coup, je compris ce que Dieu voulait me dire par cette
faiblesse-là. Nous aussi, nous devons avoir une conscience aiguë de
notre extrême fragilité. Nous sommes faibles, nous sommes affaiblis
par le péché originel, par nos multiples péchés personnels, par le
poids de nos mauvaises habitudes, par le péché collectif, c.-à-d. par le
milieu familial et social dans lequel nous vivons.
Comme le bananier pour son fruit, nous ne pouvons porter le poids
de nos victoires et de nos succès moraux. Car, souvent, nous y
succombons entraînés par le vent de l'orgueil, et nous voilà par terre.
Il arrive, fréquemment, que nous sommes victimes de nos propres
succès. Pensez à Salomon qui a si mal terminé sa vie. Lui, qui avait si
bien commencé son règne, il a fini lamentablement.
Nous aussi, nous succombons inexorablement si nous ne sommes
pas soutenus par l"unique soutien vital" qu'est le Christ. C'est lui qui
a dit en effet ;.!~Sans_moi, vous ne pouvez rien faire" (Jn 15,5).
Prendre ces paroles au sérieux, c'est comprendre la grandeur
vivifiante de l'humilité. Humilité: un mot qui vieht de "humus",
c.-à-d. cette terre noire, fertile, qu'il suffit de labourer et de planter
pour faire germer des fruits... C'est l'humilité qui va nous sauver du
cancer de l'orgueil.
C'est pourquoi nous voyons que saint Paul, qui était si conscient de
sa faiblesse, a trouvé, en cela même, sa fierté christique.
Il a compris que c'est seulement grâce à Dieu quil est ce quil est.
C'est dans l'humilité qu'il reçoit la force de Dieu. Et c'est parce quil se
sent si faible que Dieu l'a exalté.
Marie, elle aussi, dans son cantique d'action de grâces, le
"Magnificat" se glorifie aussi à cause de sa faiblesse :, "Parce qu'il a
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jeté les yeux sur son humble servante, désormais toutes les
générations me diront bienheureuse... Il a renversé les potentats de
leurs trônes et élevé les humbles." (Le 1,48 et 52).
C'est le Christ lui-même qui nous prévient : "Tout homme qui
s'élève sera abaissé, mais celui qui s'abaisse sera élevé" (Le 18,14).
Voilà, ce culte de l'humilité, non seulement le Christ l'a prêché
mais il nous en a donné l'exemple : ".. lui qui est de condition divine
(...) il s'est dépouillé prenant la condition de serviteur .. ; il s'est
abaissé devenant obéissant jusqu'à la mort, à la mort sur une croix. "
(Ph 2, 7-8).
Et, c'est cette même humilité que nous trouvons dans le
Peteuro-Isaié, à propos du Serviteur de Yahvé. (Cfr Is 42).
Eh bien, si Dieu lui-même, si le Christ lui-même donne place à
l'humilité, c'est qu'elle est source de fécondité spirituelle et de
réussite dans nos combats spirituels. Car, Dieu veut que nous soyons
féconds, des gens qui sont utiles, des gens qui ont quelque chose à
dormer.
Nous sommes comme un arbre planté par le Seigneur dont il attend
des fruits : "Mon ami avait une vigne sur un coteau fertile. Ilbêcha,
l'épierra, iI y planta du muscat. Au milieu il bâtit une tour, il y creusa
même une cuve. Il en espérait des raisins, mais elle lui donna du
verjus." (Is 5, 11-2).
Ici encore le bananier, malgré son extrême faiblesse, nous donne
l'exemple d'une grande fécondité.
2. Le fruit (la fécondité) du bananier
Après avoir fixé longuement mon regard et ma réflexion sur la
fragilité du bananier, je pus lever les yeux pour contempler enfin le
beau et grand régime que ce même bananier portait. Je vis qu'au fond,
nous recevons et nous devons beaucoup au bananier. Il semblait me
dire :
"Voici mes fibres que vous utilisez pour tant de vos besoins :
paquets, sacs; pour lier vos fagots de bois, etc.
Voyez mon tronc : vous l'utilisez en le coupant, pour en tirer des
instruments de musique que vous jouez, comme le xylophone,
par exemple.
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Voici mes feuilles que vous utilisez comme parapluie; mes
feuilles que vous employez pour préparer vos chikwangues,
pour vos "maboke"~- mes feuilles que certains utilisent pour
'couvrir leurs maisons, mes feuilles sur lesquelles vous êtes nés
peut-être, car, ne l'oubliez pas ce sont mes feuilles que vos
ancêtres ont utilisées pour vous accueillir dans ce monde; mes
feuilles que vous utilisez comme habit d'apparat pour danser le
jour de vos fêtes... "
Puis, j'ai levé la tête et j'ai regardé ce beau régime que le bananier
nous a réservé...
"Vous pouvez, me dit-il, l'utiliser pour en faire des bananes
bouillies, des gâteaux, des pâtes pour vos enfants à peine
sevrés, vous pouvez même en tirer du vin. Et des pulpes qui en
restent on peut encore obtenir du sel et des médicaments de
toutes sortes.
Voici, il ne vous reste plus maintenant que le petit bout qui pend
et qui peut vous servir de légume et de jouet pour les enfants.
Comme vous voyez, je suis très faible, mais c'est Dieu qui fait en
moi toutes ces merveilles et qui me rend capable d'être si utile.
Car, la grandeur de Dieu se manifeste dans la faiblesse de
l'homme."
Je compris alors cet enseignement qui est clair : c'est dans notre
faiblesse et dans notre humiliation que nous devons laisser Dieu
travailler en nous pour pouvoir porter beaucoup de fruits :
dynamisme, courage, foi, espérance qui, à leur tour, apportent encore
d'autres fruits.
Tout cela, mes frères, ce sont des fruits que vous portez déjà.
Seulement, restez humbles pour que Dieu puisse agir en vous de
façon que son règne passe par vous et que son royaume arrive pour
vous et pour sa plus grande gloire.
3. Le bananier donne sa vie pour nous faire vivre
Ce qui fait la grande différence entre le bananier et les autres
arbres fruitiers, c'est que le papayer, par exemple et les autres arbres
peuvent donner plusieurs fruits que l'on récolte et que l'on mange.
Mais le bg-nanier, poui nous donner son régime, doit aussi nous
donner sa vie : on le coupe, on le détruit. C'est comme sil disait :
"Voici ma vie, voici mon corps que je livre pour vous".
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Accepter de livrer sa vie, librement, pour que les autres vivent :
voici quelque chose qui est l'apanage de notre Roi. Je veux dire que
c'est le Christ qui a accepté de perdre sa vie pour nous sauver, lui qui
a dit: "Ma vie, nul ne la prend mais c'est moi qui la donne... Tel est le
commandement que j'ai reçu de mon Père. " (Jn 10,18).
C'est lui qui a dit : "Il n'est de plus grand amour que de donner sa vie
pour ceux qu'on aime. " (Jn 15,13).
C'est encore lui qui a dit . Si le grain de blé ne tombe en terre et ne
meurt, il reste seul. " (Jn 12,24).
Ainsi il nous invite à l'imiter comme le bananier qui accepte de
mourir pour qu'on mange son fruit.
Nous aussi, il faut que nous nous oubliions pour ne penser qu'au
bonheur des autres.
"Si quelqu'un veut venir à ma suite, a encore dit Jésus, qu'il
renonce à lui-même et prenne sa croix, et qu'il me suive." (Mt 16,24).
C'est dans ces conditions-là seulement que nous pourrons mettre en
pratique cette consigne du Christ -"Car le Fils de l'homme est venu
non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour
la multitude. " (Me 10,45).
Nous ne serons jamais capables de servir, même si nous crions
beaucoup, si nous ne sommes pas capables de renoncement. Ce qu'il
nous faut, c'est de prier beaucoup pour avoir le courage du
renoncement.
4. La résurrection du bananier
Ce qui est frappant, en contemplant le bananier, c'est que tout en
donnant sa vie pour faire vivre les hommes, il ressuscite par ses
multiples enfants qui poussent tout autour de lui.
Le bananier se multiplie de lui-même, réalisant ainsi cette
déclaration paradoxale du Christ : "Qui veut en effet sauver sa vie la
perdra, mais celui qui perd sa vie à cause de mo~ celui-là la sauvera.
" (Le 9,24).
Celui qui accepte de mourir, revit d'une vie éternelle.
L'auto-reproduction du bananier est le symbole du passage de la mort
à la vie, symbole du mystère pascal.
Le Christ aussi, en acceptant la mort, a reçu de son Père la vie
éternelle, vie vivifiante, source de toute vie pour nous tous, comme le
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clame bien l'hymne de Pâques : "Heureuse mort qui a été pour nous
une source de vie si sublime... " (Cfr Exultet).
En méditant sur cela, j'ai pensé aux multiples exemples des
martyrs, à ces gens qui ont accepté de donner leur vie pour nous. "Le
sang des martyrs est semence de chrétiens" *
"Croyez-moi, chers jeunes, je ne pense pas seulement à nos
martyrs, mais je pense aussi à tous ceux qui ont vécu et vivent encore
en acceptant une sorte de martyre à petit feu, nous donnant le
témoignage d'une vie chrétienne qui est le plus à la portée de nous
tous.
Martyr, en effet, signifie témoin.
Par son attitude, par ses pensées et par ses actes, le vrai témoin du
Christ c'est un grand martyr. Et c'est ce témoignage-là qui est notre
fécondité.
Soyons tous de vrais témoins du Christ; lui, qui est ressuscité,
puisse-t-il régner en plénitude en nous, et que nous puissions dire
avec saint Paul : « Je vis, mais ce n'est plus moi, est le Christ qui vit
en moi" (Gal 2,20).
Eh bien, voici le meilleur souhait que je puisse vous présenter en
cette fête du Christ-Roi.
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