Dom Juan Et Les Femmes

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Dom Juan et les femmes, dans Dom Juan de Molière.

1. Résumons.
Dom Juan expose dans une célèbre tirade sa conception de l'amour : acte I, scène 2. Il semble triomphant.
Pourtant, dans les faits, Dom Juan est en échec lorsque Molière nous le fait rencontrer. Il a certes séduit Elvire dans son couvent et l'a épousée ; mais à
présent il est dans la posture d'un fugitif, désireux d'échapper à sa femme et aux frères de celle-ci ! Une situation assez peu glorieuse...
Le second épisode qui met Dom Juan aux prises avec des femmes est l'intermède paysan de l'acte II. Mais là encore, la conquête semble facile : Charlotte et
Mathurine sont intéressées, naïves, toutes prêtes à abandonner leur promis pour écouter les promesses d'un grand seigneur. On peut penser que la personne
de Dom Juan n'entre qu'assez peu dans l'intérêt qu'elles prennent pour lui.
Et l'on constate qu'alors que Dom Juan était prêt à donner "dix mille cœurs" et à "aimer toute la terre" (I,2), la présence simultanée de deux jeunes filles suffit
à le mettre en échec. Sans parler de l'intervention de Pierrot ; et l'avertissement de La Ramée intervient à point pour qu'il puisse légitimement prendre la fuite
sans trop perdre la face !
Après l'intermède paysan, les femmes sont singulièrement absentes durant presque trois actes ; Dom Juan rencontre successivement un ermite, les frères
d'Elvire, son père, un marchand, et la statue du Commandeur... mais aucun élément féminin. Il faudra attendre la fin de l'acte V pour que l'on voit réapparaître
Elvire. Et pour une rencontre manquée : elle ne parvient pas à le convaincre de changer de vie, et lui ne la séduit pas. Chacun d'eux repart vers son destin.
"Tout le plaisir de l'amour est dans le changement" affirme Dom Juan. En réalité, ce n'est nullement la prise qui l'intéresse, mais la chasse, pour reprendre une
expression de Blaise Pascal. Il ne redoute rien tant qu'une relation stable, et la personne même de la femme qu'il veut séduire ne l'intéresse pas.
On peut donc penser que la démesure de ses ambitions repose en réalité sur une grande pauvreté affective, une incapacité à aimer. "Aimer toute la terre"
revient en fait à n'aimer personne ; et cela n'est pas sans évoquer le rejet par Alceste, dans le Misanthrope, de ces gens qui ont quantité d'amis mais aucun
véritable (Misanthrope, I, 1 : "l'ami du genre humain n'est pas du tout mon fait"). Car l'amour, comme l'amitié, suppose une certaine exclusivité.
A moins qu'il ne faille imaginer, comme Éric-Emmanuel Schmidt que Dom Juan se trompe tout simplement d'objet, et n'aime en réalité pas les femmes (cf.
La Nuit de Valognes) !

1. Tentons une explication.


L’expression courante « dom juan » désigne les séducteurs. Dans la pièce de Molière, les femmes sont pourtant loin d’avoir une place essentielle dans la
pièce (seulement 7 scènes sur 27 avec une présence féminine). Elles sont le moyen pour Dom Juan d’affirmer son orgueil et de s‘opposer à la société et à
Dieu.
I. L’art de la conquête
Tirade I,2 : vocabulaire militaire. Le plaisir réside dans le fait de « combattre » et de « vaincre ». Il dévoile à Sganarelle sa stratégie de séduction et parle
des femmes comme d’adversaires dont il connaît la psychologie. Important pour Dom Juan : affirmer son pouvoir de domination. La référence à Alexandre est
la preuve d’un orgueil extrême.
Eloge de l’infidélité. L’idéal de Dom Juan : « voler de victoire en victoire ». Il rêve « d’autres mondes » pour pouvoir « y étendre ses conquêtes amoureuses ».
Pour lui, le changement est synonyme de vie, alors que la fidélité est synonyme de mort.
Besoin de mouvement perpétuel, c’est une course, une fuite incessante, sans répit. Par quoi Don Juan est-il animé ? A-t-il besoin de se prouver sa valeur ?
Un désir inconscient d’échec ? Est-il à la recherche d’une femme idéale ? En tout cas, il y a un paradoxe évident car son désir de liberté absolue aboutit à
un esclavage.
II. Le goût de l’obstacle
Autre paradoxe : Dom Juan n’aime pas la facilité.
I,2 : Idée d’un combat lent dans lequel réside le plaisir. Combattre « pied à pied », « par cent hommages ». Il a d’autant plus envie de séduire une femme
qu’elle est déjà prise : Elvire était dans un couvent, Charlotte était fiancée à Pierrot, et celle qu’il projetait d’enlever (I,2) est fiancée et très amoureuse (« mon
amour commença par la jalousie »).
« Tout le beau de la passion est fini » quand la conquête n’est plus à faire.
III. Infantilisme de Dom Juan
Dom Juan veut prendre mais ne jamais donner donc il n’est pas question d’échange. Son seul but : être le « maître » d’un cœur. Il veut s’approprier l’objet de
son désir, comme un enfant. Or l’amour réel appelle un contrat, un échange (il montre d’ailleurs la même psychologie avec Pierrot, M. Dimanche, Dom Louis).
Son égocentrisme explique aussi son instabilité. Il voit une jeune fiancée, puis Mathurine, puis Charlotte, et à chaque fois il veut obtenir ce qu’il a vu, parce
que c’était beau.
IV. Cruauté de Dom Juan
Il voit les femmes comme des objets permettant d’affirmer son orgueil.
Il n’a aucune considération pour leurs souffrances. Quand Elvire (I, 3) vient le trouver, il n’éprouve aucune émotion. Il est insolent : « je ne vous attendais
pas » lui dit-il, comme si l’amour n’avait laissé aucune trace en lui. Suprême humiliation : il demande à Sganarelle de répondre pour lui. Il ne l’a pas invitée à
s’asseoir et il l’a reçue en présence de son valet. Elvire éprouvait déjà des remords d’avoir quitté son couvent pour lui et il fait tout pour les renforcer en disant
qu’il l’a quittée pour cela.
Il lui importe peu qui il aime ; l’usage qu’il fait des déterminants indéfinis le montre : I,2 : « quelque objet nouveau » = n’importe lequel ; « une jeune beauté ».
L’essentiel est la beauté, la nouveauté et la difficulté. Tous les moyens sont bons : flatteries, promesses de mariage et d’ascension sociale, sans se
soucier des souffrances, de l’humiliation de vies brisées (Elvire, Charlotte et Mathurine qui auraient pu être déshonorées.)
Conclusion
Beaucoup de paradoxes chez ce personnage qui se rend esclave de son besoin de liberté et qui dédaigne les conquêtes faciles : ce n’est pas la sensualité
qui prime chez Dom Juan mais c’est l’orgueil et l’égocentrisme.

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