MESSIAEN 1908 – 1992
1 Introduction
Nous passons à une autre générationque de compositeurs dont nous
avons parlé jusqu'à présent. Olivier Messiaen a une toute autre mentalité
que nous allons tenter de mettre en évidence. C’est le compositeur le plus
joué et le plus considéré du XX° siècle. Il était aussi un grand organiste,
pianiste, professeur d’analyse et de composition très primé. Certains de
ses élèves comme Boulez ont émi des critiques à l’égart du système de
composition de Messiaen. Il a aussi été un théoricien important. Peu à peu
il s’est formé un langage personnel qu’il a théorisé dans une étude publiée
en 1944 « Technique de mon langage musical ». Il a utilisé aussi un
système rythmique très compliqué et perfectionné inspiré aussi bien des
rythmes grecs antique que du moyen âge et de la renaissance en occident
et du système rythmique des Indous. Le compositeur est d’un côté
relativement contradictoire, déchiré entre contradiction et innovation. Il y
a un côté très novateur et un côté très traditionnel. Il invente aussi un
formalisme musical dont ses disciples les plus éminents comme Boulez se
sont beaucoup inspirés. Les sources de la musique du compositeur sont
assez polychromes ou contradictoires.
D’un côté sa foi catholique très intense et d’un autre côté une
influence surréaliste de part sa mère. Du point de vue musical il est
influencé par Wagner, Stravinsky… Dans certaines pièces Messiaen
continu la tragédie de Tristan et Iseult : L’amour transcendantal, l’union
après la mort… Nous retrouvons cela dans Harawi 1945, Turangalîlà ou les
5 rechants.
(Présenté comme tel, cela semble un éventail et des préoccupations assez
disparates entre la renaissance, Wagner, la formalisation… Mais dans
chaque domaine il prend ce dont il a besoin. )
Après la mort de Messiaen on a publié son traité de rythmes en 7
volumes. Il n’a jamais vu les volumes finis.
De sa foi catholique il exprime une théologie toute personnelle en
partie inspirée de St Thomas d’Acquint. Mais à la différence d’autres
compositeurs catholiques pratiquants, il retient seulement l’aspect de la
joie, de la sérénité, de l’espoirs, de la rédemption, du salut. Les aspect
dramatiques comme la passion du Christ ne l’intéresse pas du point de
vue musical. C’est un compositeur qui veut exprimer la sérénité et le
temps immobile qui est celui du sacré.
En ce qui concerne le rythme, surtout dans la 2 ème période de création,
années 1940 50, Messiaen cherche à traiter le rythme de façon
indépendante par rapport aux autres composantes de la musique. Sur le
modèle de l’Inde mais aussi sur le modèle du moyen age occidental avec
les répétitions rythmiques appelé TALEA. Cette indépendance atteint un
point culminant dans une œuvre de 1948 : « Mode de valeur et
d’intensité » dans laquelle Messiaen construit une sorte de série
rythmique ce qui donnera l’idée de la série généralisée à ses disciples.
Tout en travaillant de façon très marqué sur les systèmes rythmiques, il va
renoncer à cette idée de formalisation rythmique.
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2 Les œuvres de Messiaen
On divise en général la création de Messiaen en plusieurs catégories :
- Œuvres religieuses
- Œuvres inspirées par le chant des oiseaux
- Œuvres ou ces deux tendances fusionnent
Dans cette dernière catégorie nous pouvons y trouver le « quatuor pour
la fin du temps » en 1942, ou « couleur de la citée céleste » 1943, ou
l’opéra St François d’Assis 1983. Messiaen n’est pas un compositeur
dramatique au sens courant du terme. Il vise l’équilibre et la sérénité. Il à
composé cet opéra assez tard car contraire à son esthétique. Ce n’est pas
par hasard qu’il a choisi St François d’Assise. Messiaen le considérait
comme le St le plus proche du Christ par sa vie, par sa foi, par sa bonté et
sa sérénité. Il prêchait aux oiseaux. Cela donne l’occasion pour Messiaen
de noter de beaux concertos d’oiseaux dans cet opéra.
Messiaen transcrivait très fidèlement les chants d’oiseaux.
2.1 La théorisation des modes.
Les modes intéressent de nouveau les compositeurs au XX° siècle
pour sortir de la simple dualité majeur ou mineur du système tonal mais
sans forcement tomber dans l’atonalité.
Messiaen s’intéresse à des modes formalisés ; donc des échelles qui
ne se rencontrent pas dans la pratique traditionnelle. Il s’est intéressé à un
genre particulier de modes qu’il appelle :
Les modes à transpositions limitées. ( Cf : liste ) D’après lui il y a 7
modes. Le 1er mode est la gamme par ton. C’est une fabrication artificielle
issue de la division en 6 tons égaux d’une octave. Cette échelle n’a que
deux transpositions. C et C#. Les 6 autres modes fonctionnent sur la
même base.
La construction des modes est cyclique. Pour voir si un mode est un mode
à transposition limitée il suffit de voir s’il est cyclique et voir si la période
du mode n’est pas un diviseur de 12.
Ce qui l’intéresse c’est ambiance de M et m comme le mode 2 ou
nous avons 1 3ce M en bas et 1 3ce m en haut. Ambiguïté apporté par les
modes du compositeur.
Un autre principe d’écriture qui est voisin de cette recherche de
formalisation c’est l’équivalence de l’horizontal et du vertical. Sur le plan
mélodique nous trouvons les mêmes successions sonores que l’on
trouvera sur le plan harmonique simultanément. Les intervalles de
prédilection sont la 3ce M m , la 4te + et la 6te M.
(écoute : quatuor pour la fin du temps)
2.2 « Quatuor pour la fin du temps ».
C’est une des seules œuvres qu’il écrit pour formation de chambre. A
l’époque il est prisonnier dans un camp allemand ce qui explique cette
formation particulière du violon, cello, clarinette, piano. Dans cette œuvre
le quatuor ne joue pas dans tout les mouvements. Il y a 8 mouvements :
cycle de 7 mouvements + une ouverture avec le 8 ème mouvement. La
formation entière est utilisée dans le 1er, 2ème , 6ème et 7ème mouvement. Le
2
3ème mouvement est écrit pour clarinette seule. Le 4 ème est un trio pour
clarinette, violon et violoncelle. Les deux mouvements qui restent sont des
duos :5ème cello et piano et 8ème violon et piano.
Il y a trois éléments principaux dans ce quatuor :
- les modes à transposition limité
- le chant des oiseaux
- les rythmes non rétrogradations.
Le titre du quatuor vient de l’apocalypse de St Jean. Livre dans lequel
St Jean décrit sa vision de l’apocalypse. Des versets de l’apocalypse sont
cités dans la partition de Messiaen avec certaines modifications selon la
volonté et la théologie personnelle de Messiaen. La structure de la
musique contredit la division de la mesure. La mesure n’a d’autre rôle de
coordonner les musiciens. Les principes rythmiques de Messiaen ne
reposent pas sur une répétition régulière des accents comme dans la
métrique classique.
Le 1er mouvement. « Liturgie de cristal »
Dans ce 1er mouvement qui illustre le monde céleste selon Messiaen,
la variété de la musique repose sur un principe très statique. Autrement
dit, sur la combinaison variée de plusieurs principes répétitifs.
La partie de piano et la partie de cello sont purement formalisées de façon
très rigoureuse. Au contraire, les parties de violon et de clarinette sont
libres et imitent le chant des oiseaux.
Parlons des deux parties formalisées :
- le piano : il joue un cycle de 29 accords qui se répètent 3 fois. Ces
29 accords reposent sur une période rythmique de 13 noires. Aux
répétitions des 29 accords le même accord ne tombe pas 2 fois sur
la même valeur rythmique. Il y a des combinaisons comme deux
roues qui tournent à des vitesses différentes. Le cycle rythmique
recommence après le 17ème accord.
- Pour le violoncelle c’est plus simple. Nous avons un cycle qui se
décompose en 2 sous cycles de rythmes non rétrogradables. Cette
double période rythmique cache 3 périodes mélodiques. La
superposition est parfaite. Nous voyons comment Messiaen organise
progressivement le passage de la rigueur vers la liberté. La partie du
cello est la plus répétitive, la partie de piano est répétitive mais
l’harmonie et la rythmique ne sont pas synchronisée. Le violon et la
clarinette sont libres.
A l’écoute tout à l’air très automatisé mais aussi très nouveau. Ce qui est
génial dans cette période de Messiaen c’est l’équilibre entre formalisation
et devenir à chaque instant.
Nous allons maintenant voir le 6 ème mouvement « danse de la fureur
pour les sept trompettes ». C’est un unisson sans mesure. Nous pouvons
voir qu’il utilise des mesures composées. La 1 ère mesure est une mesure
de 2/8 + 5/16 + 4/8… par exemple. Ce que nous appelons la valeur
ajoutée dans une mesure de croches régulières est l’ajout d’une double.
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La partie centrale de ce mouvement commence à la lettre F p 27.
Nous avons 7 mesures ou chacune possède le rythme non rétrogradable.
Toute la fin du morceau est une diminution du début. C’est une
dilatation rythmique du début. La plupart du Scherzo est construit sur un
assemblage aléatoire de croches et doubles. Les noires et les blanches
interviennent comme des points d’orgues en fin de phrase pour conclure.
3 Les pièces consacrées aux oiseaux.
Il y en a beaucoup. IL à composé pour piano seul un catalogue
d’oiseaux 1958, une pièce pour piano « La Fauvette des jardins » 1970 ;
pour piano et petit ensemble « réveil d’oiseaux » en 1953 ; 7 Haïkaï en
1962 ; « couleur de la citée céleste » et « Chronochromie » en 1960.
En ce qui concerne la transcription du chant des oiseaux, Messiaen ne
s’intéresse pas seulement à la mélodie mais aussi à l’harmonie qui selon
lui peut traduire le timbre de l’oiseau. Son harmonie a le rôle de colorer la
pièce en fonction de l’oiseau choisi. Chaque oiseau est donc associé à une
harmonie particulière comme dans « oiseaux exotiques » 1956 ;
commande de Pierre Boulez pour le domaine musical. Cette œuvre pour
piano et ensemble est composée exclusivement de chants d’oiseaux. (Cf
schéma de l’œuvre sur le polycop) Nous y trouvons tous les oiseaux cités.
La forme est toujours très simple. Il n’y a pas de développement.
(écoute de « oiseaux exotiques »)