OHADA Benin 1994-01-25 Tribunal de Premiere Instance de Cotonou Adeossi V Sonapra Non-Original
OHADA Benin 1994-01-25 Tribunal de Premiere Instance de Cotonou Adeossi V Sonapra Non-Original
OHADA Benin 1994-01-25 Tribunal de Premiere Instance de Cotonou Adeossi V Sonapra Non-Original
q NOTE
L’ordonnance sur requête ci-dessus rapportée constitue une illustration du refus, par
le juge étatique, d’accorder l’exequatur à une sentence arbitrale, sur le fondement de
la Convention de New York du 10 juin 1958 (I), en même temps qu’elle instruit sur les
limites à l’autonomie du tribunal arbitral (II).
A. Les faits
La Société Nationale pour la Promotion Agricole {SONAPRA), entreprise publique de
droit béninois, avait agréé la société ADEOSSI & Fils, société privée de droit
béninois, en qualité de vendeur du coton béninois sur le marché nigérian, pour les
campagnes 1989/1990 et 1991/ 1992. Le contrat de vente pour la campagne
1989/1990 reconnaissait l’exclusivité des ventes à la société ADEOSSI & Fils, tandis
que celui de la campagne 1991/1992 lui accordait simplement la priorité des ventes.
Ces deux contrats comportaient, en outre, une clause compromissoire (article 63 du
Règlement Général du Havre - R.G.H.).
Des difficultés sont nées entre les parties pendant l’exécution des contrats de vente
ci-dessus évoqués, chacune des parties formulant des griefs à l’encontre de l’autre.
En effet, la société ADEOSSI & Fils reprochait à la SONAPRA d’avoir violé
l’exclusivité qu’elle lui avait accordée et d’avoir aussi, unilatéralement et sans préavis,
annulé la vente d’un important stock de coton que ladite société ADEOSSI & Fils
affirmait avoir déjà revendu à un acheteur nigérian.
Pour sa part, la SONAPRA reprochait à ADEOSSI & Fils la lenteur avec laquelle
cette dernière enlevait ses stocks de coton, de même que le non-paiement des
sommes d’argent représentant le prix du coton déjà livré.
Les parties se rapprochèrent à plusieurs reprises, mais ne parvinrent pas à régler
leurs différends à l’amiable. C’est alors que la SONAPRA, courant mars 1993, décida
de mettre en œuvre la procédure arbitrale, en vertu de l’article 63 R.G.H. ci-dessus
cité.
Chacune des parties ayant désigné son arbitre, les arbitres ainsi désignés se mirent
d’accord sur le choix du Président du Tribunal, et une sentence arbitrale fut rendue
au siège de l’Association Française Cotonnière du Havre, en date du 20 décembre
1993. Ladite sentence condamne la SONAPRA à payer diverses sommes d’argent à
la société ADEOSSI. C’est cette sentence arbitrale que les juges béninois des
requêtes et d’appel ont refusé d’exequaturer.
A. La non-arbitrabilité du litige
En règle générale, la convention d’arbitrage est valable, non seulement lorsqu’elle
résulte du consentement exempt de vices et exprimé par des personnes admises à
recourir à l’arbitrage, mais aussi lorsqu’elle porte sur une matière susceptible d’être
tranchée par voie d’arbitrage.
De la sorte, un litige sera réputé non arbitrable, si l’objet de ce litige n’est pas
susceptible d’être réglé par voie d’arbitrage, d’après l’autorité compétente du pays où
la reconnaissance et l’exécution sont requises (art. V 2-a de la Convention de New
York). II se trouve, précisément, que pour le juge béninois, l’objet du différend n’était
pas susceptible d’être réglé par une juridiction étrangère. C’est le lieu de rappeler que
le litige opposait deux parties béninoises à propos de l’exécution d’un contrat de
vente de coton purement interne, l’offre ayant été faite et la marchandise livrée au
Bénin. Les parties avaient inséré dans leur contrat, une clause compromissoire par
référence, l’article 63 du Règlement Général du Havre, lequel prévoit l’arbitrage
comme mode de règlement des litiges résultant de l’exécution du contrat et stipule
que ledit arbitrage se déroulerait « au siège de l’Association Cotonnière du Havre ...
selon les dispositions générales de la loi française et les dispositions particulières
... ». Or, il existe au Bénin, la loi 63-2 du 26 juin 1963, aux termes de laquelle (art. 1),
« est nulle et de nul effet, la clause d’un contrat de vente attribuant à une juridiction
étrangère, le jugement des litiges entre vendeur et acheteur, lorsque la promesse est
faite et la marchandise livrée au Bénin ».
La lecture de la sentence du 20 décembre 1993 laisse apparaître qu’au cours de la
procédure arbitrale, la SONAPRA s’est appuyée sur cette loi 63-2 pour solliciter la
nullité de la clause compromissoire sus évoquée et décliner la compétence du
tribunal arbitral à connaître des différends opposant les parties. Cependant, ledit
tribunal n’a pas, dans le dispositif de sa sentence, répondu à l’exception
d’incompétence ainsi soulevée par la SONAPRA. En éludant cette exception
d’incompétence, le tribunal arbitral a rendu une sentence dont la reconnaissance
serait contraire à l’ordre public béninois.