0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
6 vues13 pages

BSGLG 1991 27 09 Alexandre

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1/ 13

Bulletin de la Société géographique de Liège, 27, 1991: 125-137

Structure et site topographique originels


des cuirasses latéritiques

Jean ALEXANDRE

Résumé
Après avoir identifié les principaux types d'environnement topographique et de structure des cui-
rasses latéritiques lato sensu , les relations les plus fréquentes entre les uns et les autres sont
envisagées en se fondant sur les processus probables à partir d'une connaissance de terrain et des
travaux publiés sur les cuirasses africaines principalement. Les cuirasses à structure gravillonnaire,
presque toujours vermiforme, sur une surface d'érosion très faiblement incisée (pénéplanation) sont
opposées aux faciès conglomératiques à cailloutis riche en fer des glacis d'érosion (pédiplanation)
et aux faciès conglomératiques à cailloutis plus ou moins résistant à l'altération chimique des fonds
de vallée. Après une reprise d'érosion verticale de quelque importance, les restes des premiers se
disposent comme de larges terrasses de part et d'autre des vallées, les deuxièmes couvrent la pres-
que totalité de la partie conservée de la surface et les derniers forment des bowals par inversion
de relief.
Certaines structures de cuirasse sont susceptibles d'apparaître dans de nombreuses positions to-
pographiques, par exemple les structures rubanées et les structures rocheuses résiduelles avec ou
sans imprégnation. D'autres peuvent résulter de processus convergents. Avec l'âge (depuis le début
du Tertiaire), les cuirasses acquièrent une structure de plus en plus complexe dont il convient
de discerner les formes premières qui sont souvent en relation avec des formes de terrain ayant
aujourd'hui disparu.

Abstract
After a short identification of the most prominent types of topographic environment and structure
(fabric) of the lateritic crusts lato sensu, the most frequent connections between them are approched
with the help of processes known from field observations and from published studies mainly in Africa.
The concretionary and often vermiform crusts on a lightly-incised erosion surface are contrasted
with the conglomerate facies with iron-rich pebbles on pediments and with the conglomerate facies
with weathering-resistent pebbles in the valley bottoms. After a wave of retrogressive erosion, the
former lateritic crusts look like wide terra ces on both sides of the valley, the remmants of second
forms are totally covered by the detrital deposits and the latter crusts are responsible for the bowals
in inversions of relief.
Some structures are liable to appear in many topographical sites, e.g. the layered structures and the
residual structures with or without impregnation. Some structures can be produced by quite different
processes. When very old (early Tertiary), the lateritic crust can acquire a more and more complex
structure from which the original forms are to be distinguished and related to landforms wich have
now disappeared.

I. INTRODUCTION II. INFLUENCE DE L'ENVIRONNEMENT TOPOGRA-


PHIQUE

Cet article constitue une première synthèse sur la contin- Si l'on considère la cuirasse latéritique comme une roche
gence entre la structure d'une cuirasse et le contexte continentale dont la consolidation (effective ou poten-
morphologique dans lequel elle s'est élaborée. Toutefois, tielle) est due aux oxydes de fer et dont l'aspect contourné
structure et relief ont presque toujours été défigurés dans témoigne d'une formation à faible profondeur dans le
la suite. Si dans la plupart des cas, il n'est pas trop ma- sol (ALEXANDRE, 1978), on admet implicitement que la
laisé de rétablir, ou du moins d'identifier, la topographie topographie peut jouer un rôle non négligeable dans le
primitive, il n'en est pas toujours de même avec la struc- façonnement d'une cuirasse et l'on élimine par ailleurs,
ture qui peut être fortement modifiée.

Téléchargé depuis / Downloaded from www.bsglg.be


126 I. ALEXANDRE

les bancs de grès ferrugineux cimentés à une certaine servée sur le terrain. Dans l'identification de la structure
profondeur ainsi que certains dépôts de bauxite. primitive, on se heurte à deux obstacles majeurs :
Assez tôt après leur identification par BUCHANAN – l'âge d'une grande partie des cuirasses (à partir du
(1807), les cuirasses ont été, pour une grande part, as- début Tertiaire et peut-être auparavant). Le temps multi-
sociées à des surfaces d'érosion relativement planes (en- plie en effet les occasions de modification plus ou moins
tre autres : LAKE, 1891; OLDHAM, 1893 ; in MCFAR- profonde, reprécipitations et dégradations étant dans ce
LANE, 1976; SIMPSON, 1912; de CHETELAT, 1938; cas, souvent concomitantes;
PALLISTER, 1952; MAIGNIEN, 1958), soit que celles- – l'absence d'une nomenclature rigoureuse, respectée par
ci étaient restées intactes depuis la formation de la cui- les différents chercheurs. Un même terme est pris dans
rasse, soit qu'il ait pu être fait abstraction de l'érosion des acceptions très différentes. Le qualificatif scoriacé
ultérieure. Depuis lors, les observations sur le terrain ont peut être attribué à une cuirasse gravillonnaire présentant
montré qu'il fallait faire la distinction entre les surfaces une série de vides et à une cuirasse conglomératique dont
de pénéplanation (grandes surfaces d'aplanissement dites les éléments ont été corrodés différentiellement, mettant
de savane, pénéplaines, adaptées de DAVIS, 1920) et les ainsi en relief un réseau entre des cavités fantomatiques.
surfaces de pédiplanation (pédiments, glacis d'érosion,
Du PREEZ, 1949; KING, 1967; MICHEL, 1969), les MAIGNIEN (1966) et MCFARLANE (1976) ont passé en
unes affectant de larges zones tandis que les autres sont revue les termes utilisés par les auteurs francophones
confinées dans des sites de piémont. Des formations cui- et anglophones. Ils ont suggéré des regroupements et
rassées peuvent être intégrées dans les deux types de sur- procédé à des élagages. Une synthèse qui cadre bien avec
face avec une géométrie qui sera détaillée dans la suite. le souci du présent article en a été tirée, moyennant de
légères adaptations.
Certaines cuirasses latéritiques ont cependant dû ap-
paraître dans un contexte topographique très différent a) les structures discontinues où des éléments bien in-
de celui d'une surface d'aplanissement. Des dépôts de dividualisés sont soudés entre eux. Ces éléments sont :
fond de vallée — quel que soit le degré d'encaissement
– soit des concrétions ou des petits fragments de cui-
de cette dernière — ont été ferruginisés, souvent très
rasse dont on sait à présent qu'ils sont passés par une
irrégulièrement, de place en place, ce qui, après déga- phase sédimentaire (quelquefois un sédiment résiduel
gement, leur confère des contours assez chaotiques qui
sans transport) et qu'ils peuvent dès lors être considérés
les différencient des grès ferrugineux et les rapprochent
comme des gravillons latéritiques : structure gravillon-
des cuirasses. Dans des circonstances particulières (abon-
naire (nodulaire, pisolithique lato sensu);
dance de fer), des cuirasses latéritiques couvrent des ver-
sants de pente assez forte (jusqu'à 60°). Enfin, des pay- – soit des fragments de roche, de filon de quartz, angu-
sages assez vallonnés peuvent acquérir une certaine rigi- leux ou émoussés : structure conglomératique.
dité à la suite du cuirassement de l'intégralité ou d'une b) les structures continues (monophasées) dotées de
partie de leurs facettes. cavités de morphologies très diverses mais que l'on peut
Les sites topographiques retenus seront donc, outre ces regrouper en deux types de forme :
reliefs disséqués sans aucune forme particulière (rolling
– allongées : structure vermiforme (vermiculaire, tubu-
topography, de MCFARLANE, 1976) : 1. les surfaces de
laire) ;
pénéplanation; 2. les surfaces de pédiplanation; 3. les
fonds de vallée; 4. les versants raides. Ceci présume que – plus ou moins équidimensionnelles : structure alvéo-
les cuirasses latéritiques s'inscrivent dans des topogra- laire (cellulaire, vésiculaire, vacuolaire).
phies stabilisées ou évoluant à rythme réduit. Certains Les termes entre parenthèses ont été jugés équivalents
auteurs (MCFARLANE, 1976; BEAUDET et al., 1981) en l'absence de précision de la part des auteurs quant à
ont cependant émis l'hypothèse qu'une incision progres- l'origine de ces cavités. Le fait que celles-ci soient vides
sive serait favorable à certains types de cuirassement. ou remplies (présomption de zones non consolidées) n'a
Le site topographique n'est pas le seul facteur à inter- pas été retenu pour les mêmes raisons et contrairement à
venir dans l'agencement des éléments constituants de la l'avis de PULLAN (1967). Il conviendrait de caractériser
cuirasse. Cependant, la nature de la roche-mère et le cli- les vides selon les processus qui leur ont donné naissance
mat viennent rarement masquer les caractères dus au mo- (enlèvement mécanique, par les termites par exemple;
delé. Au contraire, dans certains cas, la richesse en fer de dissolution; crevassement; défaut de déposition).
la roche de départ et la granularité de la roche d'accueil
c) les structures ordonnées, feuilletées ou lamellaires
viennent accentuer les effets de l'environnement topo-
selon la dimension (centimétrique ou millimétrique), pi-
graphique.
solithique stricto sensu sur des éléments séparés.
III. STRUCTURE DES CUIRASSES d) les structures rocheuses résiduelles qui ont subsisté
Toute structure au sein de la cuirasse est envisagée ici grâce à une induration (positive) ou un départ (structure
dans son aspect macroscopique telle qu'elle peut être ob- fantomatique, négative).
Structure et site topographique originels des cuirasses latéritiques 127

Une telle classification demande à être complétée. Il lignes de moindre résistance où l'eau coule plus libre-
existe, par exemple, des tubulures verticales assez ri- ment. La dessication est aussi plus malaisée et, comme
gides que l'on peut qualifier difficilement de vermi- cela se passe déjà dans les sables, il peut exister un délai
formes. Toutefois, cette classification confère un certain relativement long entre le dépôt et l'induration par cris-
ordre, même s'il est imparfait, dans une terminologie au- tallisation, à telle enseigne que les termites peuvent y
paravant déroutante. Le fait que deux structures élémen- creuser leurs galeries.
taires puissent être associées ne met pas en cause cette or- — Le concrétionnement désigne la concentration du fer
donnance mais montre, au contraire, sa commodité dans en certains points. Il peut se produire dans les sables et
l'analyse des phénomènes complexes. C'est ainsi que dans les substrats de granularité plus fine. Il s'agit en fait
tous les intermédiaires existent entre la structure gravil- d'une imprégnation peut-être aidée par la fixation sur les
lonnaire et la structure conglomératique, selon la propor- cristaux d'oxyde de fer. Mais, comme il vient d'être vu,
tion de quartz et de roches moins altérables. Les gale- la pectisation, c'est-à-dire un début de cristallisation, a
ries de la structure vermiforme sont souvent tapissées de rarement déjà eu lieu à ce moment précis.
précipités rubanés (donc lamellaires). L'altération chimi- Deux autres processus élémentaires doivent être évoqués
que des éléments grossiers d'Une structure congloméra- à côté des précipitations en milieu poreux.
tique peut donner la prédominance à une structure fan-
—Le recouvrement est la précipitation d'oxydes de fer
tomatique.
à l'air libre ou par une surface en connexion avec celui-
Il convient à présent d'interpréter la relation constatée ci (diaclase, galerie de termites). Une partie du dépôt est
entre la structure d'un certain nombre de cuirasses latéri- constituée d'oxyde de fer assez pur, souvent en pellicules
tiques et leur environnement topographique. Une telle successives, lui conférant un aspect rubané. Des éléments
interprétation passe nécessairement par l'enchaînement
détritiques assez fins peuvent s'être déposés en même
plus ou moins complexe des processus qui ont donné temps que le fer ou en alternance avec lui, soulignant
naissance à la cuirasse. Cet enchaînement peut s'étaler ainsi la fine stratification (ALEXANDRE et TSHIDIBI,
dans le temps, voire exiger une ou plusieurs variations 1985).
climatiques. Il est donc impossible d'observer la succes-
—La métasomatose (de préférence à l'épigémie souvent
sion et/ou la combinaison des processus élémentaires qui
citée, qui affecte les minéraux individuellement) rem-
aboutissent à une cuirasse latéritique. Il subsistera donc
place particule par particule certaines parties du substrat
toujours une part d'hypothèse liée plus particulièrement
à certains processus pour lesquels, cependant, un certain par des oxydes de fer tout en préservant une partie de la
structure. Ce processus constitue, entre autres, une alter-
consensus s'ébauche progressivement.
native pour expliquer les dépôts d'oxydes de fer dus au
recouvrement (NAHON, 1976).
IV. PROCESSUS DE CUIRASSEMENT
Parmi les processus élémentaires, il en existe un grand V. RELATIONS ENTRE STRUCTURE ET PROCESSUS
nombre relevant de la géologie ou de la géomorphologie
et qui sont parfaitement définis : altération, dissolution, Sites topographiques, structures et processus élémen-
érosion, transport avec dépôt par le creep, le ruisselle- taires relatifs aux cuirasses latéritiques ont été classifiés
ment, la rivière. en se fondant sur des définitions peut-être schématiques
mais relativement claires. L'analyse raisonnée des rela-
En ce qui concerne le dépôt des oxydes de fer propre-
tions entre structure et topographie au moment où la cui-
ment dit, il existe pour désigner ces processus une série
rasse s'est formée, peut à présent être entamée.
de termes qui sont en fait des aspects distincts d'un même
processus élémentaire qui est la précipitation dans les A. Structure gravillonnaire
pores du substrat à consolider. MAIGNIEN (1966) pro-
pose pour ces différents aspects trois termes dont il déli- Une telle structure implique la succession de trois phases:
mite l'acception de façon nette. En voici le commentaire: —un concrétionnement,
—La cimentation n'affecte que les substrats grossiers —une concentration des concrétions par érosion et
jusqu'aux sables y compris. Les oxydes de fer s'intro- sédimentation,
duisent dans le milieu par le moyen des eaux de gravité —la soudure des gravillons entre eux.
(rapide) et se précipite lors de la dessication que la taille
des pores favorise. Selon la proportion des oxydes de fer, 1. Le concrétionnement
la cimentation peut comporter de simples points de sou- Le profil pédologique dans lequel apparaît le concrétion-
dure entre les éléments, un enrobage complet de ceux-ci nement est rarement conservé dans son intégrité, les hori-
ou l'obturation totale des pores. zons supérieurs ayant été enlevés lors de la phase d'éro-
—L'imprégnation se produit sur des substrats à grain sion qui a presque toujours suivi et l'horizon inférieur
plus fin que le sable. La propagation plus lente des ayant été lessivé après reprise de l'incision des vallées
oxydes de fer est favorable à une diffusion à partir de (pallid zone). Un tel profil n'a pu être rencontré que par
128 J. ALEXANDRE

deux fois au Shaba, sur le plateau des Biano avec un Le groundwater laterite (cuirasse de nappe?) semble
substrat sableux. être une variante de l'horizon à concrétions. A quelques
Il n'a toutefois pas été possible de s'assurer si le proces- mètres de profondeur lorsque l'érosion superficielle n'a
sus était encore fonctionnel, le ravinement responsable pas été excessive, elle affecte presque toujours un sub-
de l'affleurement ayant repiqué le niveau supérieur de la stratum en voie d'altération dont elle conserve une part
nappe. de la structure originelle, l'allure en plaquettes dictée par
Les concrétions occupent la partie supérieure de l'horizon la schistosité, à titre d'exemple (McFARLANE, 1971). De
à taches ferrugineuses (moules, en anglais), cet horizon telles cuirasses se situent également au rebord ou à peu
se trouvant lui-même inséré entre une partie supérieure de distance d'une vallée dont l'incision modérée a permis
où prédomine le lessivage des oxydes de fer et une zone la déshydratation partielle des noyaux ferrugineux ancrés
inférieure, domaine permanent de la nappe aquifère où le dans les altérites.
fer, à l'état précipité mais non induré, imprègne la quasi- 2. La concentration des concrétions
totalité du substrat. Le profil est à rapprocher de celui des
La concentration des concrétions peut, la plupart du
pseudo-gleys plutôt que de celui des gleys (MAIGNIEN,
1966). Il existe un gradient entre les taches ferrugineuses temps, être assimilée à une stone line composée essen-
-

tiellement d'éléments ferrugineux. Sauf pour quelques


et les concrétions quant à la taille (diminution) et la
cas particuliers, la succession des processus qui contri-
concentration en oxyde (augmentation).
buent à l'élaboration de la stone line, est maintenant
-

Le substrat lui-même peut être de texture sableuse ou


connue (ALEXANDRE et SOYER, 1989) :
limono-argileuse et être constitué de colluvions (dépôts
de ruissellement) d'altérites (saprolites) voire de roche a. Sous l'effet d'un assèchement du climat et d'une
peu altérée. L'épaisseur de l'horizon bariolé varie en- végétation au sol moins dense, il se produit une érosion
tre 1 décimètre et 2 — 3 mètres, voire plus, et sa partie par le ruissellement aréolaire, de l'horizon supérieur les-
supérieure se trouvait, à l'origine, à une profondeur re- sivé, de l'horizon à concrétions et quelquefois du som-
lativement faible qu'il est difficile de préciser, du fait de met de l'horizon illuvial.
l'érosion ultérieure. Elle doit varier entre un et quelques b. Les concrétions ayant une taille (du millimètre à quel-
mètres (McFARLANE, 1976). ques centimètres) à la limite de la compétence du ruis-
Le battement de la nappe postulé (pseudo-gley), les sellement effectuent un trajet limité Elles peuvent tou-
acides humiques nécessaires à la mobilisation de l'oxyde tefois rester pratiquement sur place : les coupes le long
de fer et la pectisation à une certaine profondeur des du chemin de fer Comilog au Congo montrent des gra-
précipités colloïdaux de fer ferrique font présumer la villons sableux ou argileux en conformité avec leur sub-
présence d'un climat humide à saisons tranchées comme stratum (LAPORTE, 1962). Ailleurs, les concrétions se
celui de la savane ou de la forêt claire, encore que dans déposent sur des roches qui n'ont pu leur donner nais-
ce milieu, la formation actuelle de concrétions n'ait pu sance (le calcaire, par exemple). Dans la plupart des cas,
être établie (voir plus haut). les gravillons envahissent le fond de la vallée qui a perdu
son hydromorphie. Des fragments de roche, de filon de
Le site le plus favorable à la formation des concrétions
quartz, voire de cuirasse plus ancienne sont susceptibles
ferrugineuses semble être le bas des versants de vallées
de se joindre aux gravillons.
à peine encaissées dans une surface d'érosion elle-même
de pente faible et que l'on peut assimiler à une sur- c. La totalité de l'épaisseur de la stone line ne doit pas
-

face de pénéplanation. La proximité du thalweg assure à toujours être attribuée à une sédimentation avec accu-
la nappe aquifère faible profondeur et battement limité. mulation. La remontée en surface de produits fins par
Le lessivage oblique (notamment, MAIGNIEN, 1966) y les animaux fouisseurs entraîne un épaississement de la
importe l'excédent d'oxyde de fer que ne peut expli- stone line par le bas. Les concrétions triées et concentrées
-

quer la teneur globale du profil au départ. On rencon- de cette façon diffèrent des gravillons supérieurs, plus
tre toutefois des concrétions et des taches ferrugineuses riches en fer, moins émoussés, mieux indurés et plus
Osur
L des pentes de plus de 10° (RADWANSKY et hétérogènes dans leur composition. Pendant leur séjour à
LIER, 1959; WOOD et BACART, 1961) voire au cen- l'air libre, les gravillons se sont souvent couverts d'une
tre de certaines collines en Afrique Occidentale (NYE, fine cuticule ferrugineuse.
1954) et en Ouganda (McFARLANE, 1971). Il faudrait, d. Avec une phase climatique plus humide, un tapis
dans ce cas précis, interroger l'histoire géomorphologi- végétal plus dru a pu retenir une partie des produits re-
que de ces régions. Sous un climat tropical humide à sai- montés en surface par les termites, dans des proportions
son sèche, le fond de la vallée est lui-même peu propice vraisemblablement accrues. La couche de gravillons est
à la genèse de concrétions. Les sols hydromorphes qui ainsi fossilisée. Une telle disposition a rendu vraisembla-
s'y trouvent (TRICART, 1965) altèrent les concrétions ble l'hypothèse d'une multiplication in situ des noyaux
amenées par le ruissellement (ALEXANDRE et STREEL- ferrugineux.
POTELLE, 1979); l'oxyde de fer des gleys oxydés est à Malgré un penchant pour cette dernière hypothèse, MAI-
l'état pulvérulent et amorphe. GNIEN (1966) a évoqué la possibilité d'une concentration
Structure et site topographique originels des cuirasses latéritiques 129

mécanique des concrétions que WOOLNOUGH (1918) de l'imprégnation de schistes peu altérés, d'origine sédi-
avait déjà imaginée et que MCFARLANE (1976) ap- mentaire (ALEXANDRE-PYRE, 1971) ou métamorphique
prouve entièrement. (BEAUDET et al, 1977).
3. La soudure des gravillons entre eux La forte teneur des taches ferrugineuses pourrait être
également liée au lessivage oblique. Dans la plupart des
Cette soudure imaginée par BENZA en 1836 (in Mc- cas observés, l'abondance est due à un substratum riche
FARLANE, 1976) ne peut être réalisée qu'à faible profon- en fer. La structure des cuirasses qui en résultent est
deur dans le sol, les cuirasses apparaissant en affleure- des plus complexes car il est particulièrement malaisé de
ment à la suite d'une dénudation ultérieure (MAIGNIEN, faire le départ entre une tache ferrugineuse de départ et
1966). Imprégnation et cimentation sont les deux proces- la matrice imprégnée, l'une et l'autre étant parcourues
sus élémentaires le plus souvent invoqués. par des cavités vermiformes.
Si une matrice fine est présente au moment de la sou- L'imprégnation de la roche en place sera envisagée
dure, cette dernière se réalise par imprégnation de celle-ci ultérieurement. Il convient toutefois de noter dès à présent
(Photo 1). Cette imprégnation serait généralisée si, avant l'état de fraîcheur de ces plaquettes de même que, dans
l'induration, la matrice n'était pas parcourue par les ani- la cuirasse, celui de certains débris de roche altérable,
maux fouisseurs, des termites la plupart du temps. La ga- fait qui vient corroborer la sécheresse du climat lors de
lerie est comblée le plus souvent à l'aide d'un matériel la concentration des gravillons.
lointain, provenant du sommet (teintes beiges) ou de la
Les surfaces de pénéplanation ne sont donc pas couvertes
base du profil (teintes plutôt rouges) qui donnent à l'en-
dans leur totalité par une cuirasse de structure gravillon-
semble un aspect complexe. Une telle imprégnation de
naire ou assimilée (Fig. 1 b et b'). Cette dernière se dis-
la matrice fine ne peut se concevoir qu'à faible profon-
pose, en fait, de part et d'autre des axes hydrographi-
deur dans une topographie peu différenciée, dans un en-
ques. Formes de terrain et formations ferrugineuses ont
vironnement somme toute assez semblable au sommet
quelquefois été conservées ou presque dans leur disposi-
de l'horizon illuvial, sous l'horizon à concrétions. Dans
tion première. Au Shaba, il en est ainsi au fond de larges
un dépôt de gravillons non transformé en stone line, par
-

dépressions, celle de la Lufira, par exemple (ALEXAN-


contre, la matrice est rare et la soudure est réalisée par
DRE et ALEXANDRE-PYRE, 1987) et le long de petits
cimentation, presque toujours par enrobage (Photo 2). Ce
vallons suspendus, sans écoulement continu depuis que
cas est à rapprocher de la structure conglomératique qui
les grandes vallées se sont encaissées. L'érosion aréolaire
sera envisagée plus loin.
due au ruissellement a, depuis lors, mis en légère inver-
Les cuirasses gravillonnaires ont des teneurs en fer que ne sion de relief certaines de ces dalles latéritiques plus ou
pourraient expliquer le contenu du profil primitif. Cette moins allongées.
concentration a été assurée par le lessivage oblique et le
Ailleurs, les rivières se sont enfoncées dans le fond de
déplacement des gravillons.
leur vallée laissant de part et d'autre des lambeaux plus
S'il existe un enchaînement logique entre les trois phases, ou moins larges de cuirasse à la façon des terrasses flu-
dû en grande partie au site de surface de pénéplanation, viatiles. Sauf dans les zones de soulèvement tectoni-
leur succession peut toutefois être interrompue, entre au- que, cette reprise d'érosion a été presque toujours très
tres, à la suite d'une incision prématurée des vallées. Une modérée car les seuils rocheux ont résisté au faible pou-
interruption après la première phase peut engendrer deux
voir érosif des rivières tropicales.
formations caractéristiques :
— Lorsque l'apport latéral d'oxyde de fer est abondant, B. Structure lamellaire
le concrétionnement peut faire place à une imprégna- Une telle structure que l'on désigne par différents termes
tion généralisée à l'exception de quelques zones tubu- (cuticule, cortex, cutane, enduit) se présente avec une
laires, d'une manière assez semblable à la soudure par telle discrétion qu'elle ne modifie en rien et bien sou-
imprégnation de la matrice. Si la teneur en fer est suffi- vent, souligne les traits d'une autre structure, plus mar-
sante, le résultat en sera une cuirasse de structure mo- quante. Localement, elle peut toutefois s'imposer et pren-
nophasée (Fig. la) à cavités vermiformes ou alvéolaires dre des formes propres. Elle résulte de recouvrements
occupées ou non par un matériel fin souvent beaucoup successifs par des oxydes de fer relativement purs à l'in-
plus récent. tervention de bactéries ferrugineuses (DO RN et OBER-
— Le groundwater laterite, qui n'est pas une cuirasse à LANDER, 1982; ALEXANDRE et TSHIDIBI, 1985). Ces
proprement parler, a pu être conservé en maints endroits recouvrements ne sont pas sans montrer une certaine si-
parce que la profondeur à laquelle il a été formé l'a mis militude avec le vernis désertique et les enduits sur bed-
à l'abri de l'érosion de la deuxième phase. rock émergeant dans les chutes et les rapides de régions
Par ailleurs, la cuirasse gravillonnaire présente des va- plus humides. Ils affectent toutes les surfaces à l'air li-
riations de faciès. Les gravillons sont alors remplacés, bre et même jusqu'à une certaine profondeur dans le sol
en tout ou en partie, soit par des taches ferrugineuses (1 ou 2 m) pour autant qu'elles soient susceptibles d'être
(moules) à forte teneur, soit par des plaquettes dérivées aérées.
130 J. ALEXANDRE

Les enduits superficiels affectent principalement les cui- phénomène a dû être assez hâtif, car le creusement des
rasses dénudées mais également des affleurements ro- galeries n'a pu se produire que dans un matériel non in-
cheux ou même le sommet de colluvions argilo-limo- duré, c'est-à-dire avant la reprise de l'érosion verticale.
neuses. Sur ce dernier support, les enduits sont très fra- Aux structures lamellaires ne correspond donc aucun site
giles et subsistent rarement. Un cas particulier se présente propre. Toutefois, les structures feuilletées oolithiques
au sommet de certains glacis, une structure feuilletée et vermiformes peuvent aller de pair avec des cuirasses
(BEAUDET et al., 1977; MAIGNIEN, 1966; TRICART, mieux ancrées dans leur contexte morphologique.
1961) peut provenir de l'alternance de colluvions fines
et d'enduits ferrugineux. Des recouvrements ferrugineux C. Structure conglomératique
sur substratum peu ou non altéré se rencontrent dans tous
les sites : sommet de colline, versant et piémont. Les sédiments grossiers dont la cimentation produit ce
Il est vraisemblable que les cuirasses qui se sont trouvées type de cuirasse, se rencontrent dans deux sites distincts :
un jour en affleurement ont toutes été couvertes par un sur les glacis d'érosion et dans les fonds de vallée. Dans
sinon par plusieurs enduits successifs, pour les plus an- les deux cas, le fer est allochtone et le bed-rock peut
ciennes. en être dépourvu au départ mais avoir ensuite hérité
Les enduits rubanés les plus notoires se sont probable- d'une partie de ces apports. Dans les cuirasses de glacis
ment déposés au cours de trois phases assez arides du une forte proportion des cailloux est assez riche en fer :
Tertiaire et peut-être du Secondaire pour la première. il s'agit de fragments de roche basique, d'itabirite, de
Chacun de ces enduits présente des caractères spécifi- quartzite métamorphique ferrugineux, de cuirasses plus
ques, les bactéries ferrugineuses et les conditions exté- anciennes.
rieures ayant probablement été différentes (ALEXAN- 1. Dépôts de glacis (Fig. ld, Photo 4)
DRE, 1986). Entre deux phases arides, les enduits exis-
tants ont été fortement corrodés par les acides humiques. Le cailloutis couvre le glacis en une nappe d'épaisseur
Il n'est cependant pas rare d'observer la superposition de variable, de l'ordre de quelques mètres (MICHEL, 1973).
deux enduits, en conformité ou, souvent, en discordance La taille des éléments contrôle la pente et dans sa par-
pour les plus anciens. Une succession des enduits a pu tie supérieure le glacis, couvert de blocs, peut atteindre
ainsi être établie qui s'est également aidée de la position 18°(ALEXANDRE-PYRE, 1967), voire plus.
en altitude des cuirasses qui leur servaient de substrat. Pour la cimentation de ce dépôt, il existe en principe,
Du plus ancien au plus récent, les enrobages ferrugineux deux sources de produits ferrugineux : (a) l'altération des
présentent les caractères suivants : sédiments eux-mêmes, avec libération du fer dont une
(a) très épais (0,5 cm), brun foncé en surface; (b) plus partie reprécipite dans les interstices; (b) l'arrivée du fer
mince (1 mm) et rouge violacé; (c) d'une épaisseur à l'état dissous par le moyen d'un écoulement proche de
moyenne (> 1 mm) également brun foncé mais très sou- la surface. Les reliefs dominant le glacis fournissent à la
vent affecté de crevasses suturées qui forment un réseau fois le fer contenu dans les débris et dans la nappe (DA-
en surface. VEAU et al., 1962). Il semble que le rôle de la nappe a
L'enduit particulièrement épais de la cuirasse la plus été prépondérant car (1) certains glacis ne sont cuirassés
ancienne confère à la partie supérieure de celle-ci une que dans leur partie supérieure (PELISSIER et ROUGE-
structure particulière. En effet, en prenant comme support RIE, 1953; BEAUDET et al., 1977), en conséquence d'un
les éléments libres (gravillons, petits galets de quartz apport en fer assez médiocre dû au climat ou aux roches
en particulier) ou les formes contournées de la surface de l'amont, (2) la nature pétrographique de certains cail-
de la cuirasse, il a ainsi créé des pisolithes (Fig. 1c) loux n'a pas permis une grande altération sur place. Il
quelquefois assez grands (plus de 1 cm de diamètre). La est donc vraisemblable que la structure fantomatique des
structure pisolithique (Photo 3 et 5) a dû apparaître avant cuirasses à forte proportion de roches basiques ne soit
toute dissection du relief original car seul un site bas est qu'un épiphénomène car l'altération a eu la possibilité
capable d'assurer un tel apport d'oxydes de fer. de se poursuivre ultérieurement.
A une certaine profondeur dans le sol, les enduits sui- Quoi qu'il en soit, si les épandages se sont produits sous
vent des diaclases et surtout des galeries sinueuses de la un climat relativement sec, la mobilisation du fer n'a
même taille que celles de certains termites actuels. Leur pu se réaliser que dans des conditions nettement plus hu-
dépôt après imprégnation des parois, consolide ainsi une mides. Sans nécessairement arrêter l'arrivée du fer, la dis-
structure vermiforme vraisemblablement d'origine biolo- section des glacis, sous un climat encore plus humide, n'a
gique. D'autre part, ils affectent non seulement la cui- pu que lui être néfaste. Bien souvent, l'érosion ultérieure
rasse qui, dans ce cas, possède elle-même une structure a détaché le glacis cuirassé du versant raide auquel il
propre de type souvent gravillonnaire, mais aussi le sub- était associé.
strat de la cuirasse qui n'est autre le plus souvent que la Si l'on fait exception des zones où les apports de fer se
base non érodée du profil à concrétions (PRESCOTT et sont révélés insuffisants, les cuirasses de glacis protègent
PENDLETON, 1952; MCFARLANE, 1971). Ici aussi, le la totalité de la surface d'aplanissement alors que les
Structure et site topographique originels des cuirasses latéritiques 131

cuirasses gravillonnaires ne couvrent qu'une partie des lieu poreux (du sable voire des altérites), soit de sédi-
surfaces de pénéplanation. ments ferrugineux surincombants qui s'altèrent ensuite.
Les cuirasses de pente (Fig. le) occupent des versants A faible profondeur, la bioturbation nettoie les parties
assez raides, au-delà de 20° et jusqu'à 60° (TRICART, trop altérées ou mal indurées. Plus bas, et c'est souvent
1961). Plus que pour les cuirasses de glacis, le fer doit le cas sous les altérites, l'aspect contourné des premiers
être très abondant. La matrice fine des dépôts de pente ne peut être acquis. Par ailleurs, il arrive que l'altération
est fortement imprégnée au point de résister aux assauts surimpressionne avant imprégnation la roche en place de
des érosions ultérieures. sa propre structure, en écailles concentriques par exem-
ple.
2. Dépôts de fond de vallée
2) L'altération chimique d'une roche dotée d'une teneur
A côté des sédiments fluviatiles, les fonds de vallée ac- en fer non négligeable. L'évolution présente pas mal de
cueillent fréquemment des colluvions de nature beaucoup points communs avec le premier cas avec toutefois les
plus fine, apportées des versants tout proches par le ruis- différences suivantes :
sellement ou un agent de transport en masse. Dans ce —La source du fer est sur place ou presque car les
cas, seule la présence de débris grossiers dans ces dépôts bancs voisins ont la possibilité d'en bénéficier.
peut engendrer une structure de type conglomératique.
—L'altération peut être plus poussée étant donné l'af-
L'origine des oxydes de fer est souvent plus lointaine que flux d'oxydes de fer.
pour les cuirasses de glacis, et dans certaines régions du
—L'imprégnation n'est plus nécessaire pour conférer à
Sahel, la cimentation des alluvions fluviatiles existe en-
la roche en place la rugosité propre à la préservation
core là où celle des nappes de glacis n'est plus possible
de l'aspect contourné en surface.
(BEAUDET et al., 1977). Dans la plupart des terrasses
récentes, la consolidation se limite aux graviers (Fig. 1f) La production de fer mobile est concomitante de l'altéra-
et aux sables (Photo 5). Pour les niveaux très anciens, tion et le produit final peut être une cuirasse par accumu-
elle a gagné les colluvions fines sans qu'il ait pu être fait lation relative. BEAUDET et al.. (1981, p. 81) ont ainsi
le départ entre les ferruginations d'origine et celles ac- décrit en milieu sahélien, un modelé de croupes et de
quises ultérieurement. Toutefois, la reprise de l'érosion fortes collines presqu'entièrement moulé par une cuirasse
verticale a rarement percé ces niveaux anciens et s'est semblable . Toutefois, si la roche ferrugineuse est résis-
plutôt localisée du part et d'autre des sédiments indurés, tante, le relief sera plutôt du type structural.
portant ceux-ci en inversion de relief. La pente longitu- Aucune de ces cuirasses à structure résiduelle ne prend
dinale étant relativement faible, les collines résiduelles naissance dans un contexte topographique unique et bien
allongées, des bowals, donnent l'illusion, après la dispa- identifié. S'il fallait faire une exception à cette règle, ce
rition des interfluves non protégés, de fragments des sur- serait pour les cuirasses d'imprégnation alimentées par
faces d'aplanissement (TRENDALL, 1962; MAIGNIEN, une nappe. Les circonstances peuvent en effet être assi-
1966). D'autre part, la localisation des incisions impli- milées à celles de la soudure des gravillons latéritiques,
que une consolidation hâtive des sédiments. c'est-à-dire une association avec une surface d'aplanis-
On hésite à donner le nom de cuirasse à de tels conglo- sement avec peut-être déjà une légère reprise d'érosion.
mérats ferrugineux, du moins sous ses formes les plus
récentes (ALEXANDRE et STREEL-POTELLE, 1979) car VI. CONCLUSION
il serait osé de débaptiser la cuirasse conglomératique La synthèse qui vient d'être tentée est essentiellement
d'un bowal. De plus, tous les intermédiaires existent fondée sur une connaissance africaine des cuirasses latéri-
entre les cuirasses conglomératiques de glacis et celles tiques tant sur le terrain que dans les travaux publiés.
de vallée. Elle n'est donc pas exhaustive et elle ne se voulait pas
exhaustive. Un continent comme l'Australie où les cui-
D. Structure résiduelle
rasses sont intimement liées aux silicifications, est sus-
Sont prises en compte ici, les parties du substratum qui ceptible de livrer des compléments en ce qui concerne
conservent leur structure géologique propre par le fait les relations entre structure des cuirasses et formes topo-
qu'elles sont riches ou enrichies en fer et auxquelles, graphiques.
par ailleurs, une évolution à faible profondeur dans le La position des cuirasses dans le paysage avait été noté
sol a conféré l'aspect contourné d'une cuirasse. Deux depuis longtemps. GOUDIE (1973, p. 117), entre autres,
ensembles de processus concourent vers un tel résultat : en a fait une revue rapide qui s'étend de 1891 (LAKE )
1) L'imprégnation précédée par la légère altération chi- à 1962 (ALEXANDER et CADY). On y oppose principa-
mique d'une roche qui peut être assez pauvre en fer lement les cuirasses sur des surfaces de plateau (de ni-
(Fig. lg et Photo 6). L'altération accroît la porosité et veau supérieur) à celles de surface de piémont (de niveau
prépare la roche à recevoir un surcroît d'oxyde de fer et inférieur). Les premières sont réputées s'être formées
donc à s'indurer ultérieurement. Le fer est allochtone et d'abord, in situ, sur une pénéplaine. Les secondes sont
arrive par l'intermédiaire soit d'une nappe dans un mi- censées être secondaires, détritiques, en position sur une
132 J. ALEXANDRE

pédiplaine. Ces associations entre caractères sont, en fait, versant raide ne peut se concevoir sans l'appui d'une
statistiques, mais nous savons maintenant qu'une cuirasse importante quantité de fer, la structure restant le critère
sur surface de pénéplanation peut contenir des débris sélectif.
d'une cuirasse antérieure et donc être secondaire et, par La plupart des structures bien caractérisées résultent de
ailleurs, peut être observée dans de larges dépressions. l'alternance de mise en place d'un matériel grossier sous
Notons cependant le souci précoce de considérer les un climat relativement sec et d'une mobilisation des
sites originels (pénéplaine dégagée en plateau) et déjà oxydes de fer sous un climat plus humide mais avant
les structures rencontrées sur certaines formes de terrain la reprise d'érosion des rivières qui marque un nouveau
(sédimentaires sur les glacis). Sous l'impulsion de géo- degré dans l'amélioration des précipitations. Une prépa-
morphologues, formes de terrain et formations cuirassées ration par altération avec ou sans pédogenèse a parfois
ont été envisagées dans les trois dimensions — et non été nécessaire. L'édification d'une cuirasse et subséquem-
plus en profil — et surtout dans leur dynamique (Mc- ment sa structure s'inscrivent donc dans une oscillation
FARLANE, 1976, p. 6-8). Avec un lexique unifié, la des- climatique dont les différentes phases peuvent être plus
cription raisonnée des types de cuirasse dans leur cadre ou moins espacées. Toutefois, de telles oscillations sem-
primitif pourrait être abordée plus systématiquement. blent s'être produites avec la même efficacité dans les
Pour un site déterminé, il existe non pas une structure différentes zones intertropicales. Seuls les apports en
mais un complexe de structures dont il faut extraire celle fer dissous semblent moins abondants sur les glacis en
qui est caractéristique du modelé. La prédiction de la zone sahélienne, lorsque la teneur en fer du milieu est
topographie au départ de la structure est souvent un modérée.
exercice malaisé sinon presque impossible, car il existe Préciser ces climats pour des périodes reculées est, pour
des convergences. Une structure en plaquettes peut être le moins, malaisé alors que leur alternance est assurée.
proche de la groundwater laterite ou de l'imprégnation Pour la plus ancienne des cuirasses qui date probable-
d'une roche schisteuse; une structure feuilletée peut se ment du début du Tertiaire sinon du Secondaire, les pro-
trouver en piémont ou dans certaines alluvions sableuses cessus géomorphologiques qui ont préparé le terrain ne
(DENISOFF, 1957) et une structure conglomératique à sont pas toujours discernables et les relations avec la
éléments riches en fer, typique des glacis, peut égale- structure deviennent moins nettes. Encore aurait-on pu
ment se retrouver près des rivières. Un autre caractère s'inspirer des principes révélés par topographies et cui-
que la structure peut aider à faire le départ entre les rasses plus récentes si la structure n'avait été obturée
sites : la granularité pour la disposition feuilletée, par par les altérations, bioturbations, érosions superficielles,
exemple, qui est limono-argileuse sur les bas de versant imprégnations et enrobages ultérieurs.
et sableuse dans les alluvions fluviatiles. Par ailleurs, cer- "Since laterite structures vary with topography this may
taines structures sont présentes dans certains sites mais ne provide the geomorphologist with a useful tool" écri-
constituent que des épiphénomènes. La structure vermi- vait MCFARLANE en 1976 (p. 38). Le présent essai a
forme à enduit se rencontre ailleurs que sur les surfaces tenté d'explorer les possibilités offertes par un tel outil.
de pénéplanation à cuirasse gravillonnaire avec laquelle Comme on l'a vu, les faits sont complexes et la méthode
elle est cependant étroitement liée. De même, la struc- doit être appliquée avec beaucoup de précaution. Une
ture fantomatique n'affectera que les cuirasses de glacis analyse améliorée mais non simplifiée passera nécessai-
dont le conglomérat contient des éléments altérables. La rement par deux axes : la multiplication des observations
structure pisolithique qui caractérise la cuirasse la plus sur le terrain et une connaissance approfondie des struc-
ancienne ne nous donne, en fait, aucune indication quant tures, voire des microstructures.
à la mise en place de cette cuirasse.
Il n'empêche que chacun des sites géomorphologiques —
surface de pénéplanation ou de pédiplanation, fond de
vallée, versant raide, ou collines — a en propre sa cui- VII. BIBLIOGRAPHIE
rasse de structure déterminée, lorsque les circonstances ALEXANDER, L.T. et CADY, J.G., 1962. Genesis and
sont favorables pour les deux derniers, de modelé mal hardening of laterite in Soils. U.S. Department of
caractérisé. Agriculture, Techn. Bull., 1282, 90 p.
Si le type de modelé est l'élément principal de l'environ- ALEXANDRE, J., 1978. Les stades de la formation des
nement à influencer la structure de la cuirasse, la nature cuirasses latéritiques au Haut-Shaba (Zaïre) et leur
des constituants rocheux, le climat et l'âge, ne restent pas signification géomorphologique. Trav. Doc. Géogr.
inopérants et apportent des nuances quelquefois détermi- trop., CEGET, Bordeaux, 33, 134-149.
nantes quant au diagnostic à poser. ALEXANDRE, J., 1986. Critère pour une datation relative
L'opposition entre milieu sableux et milieu argileux ne des cuirasses latéritiques. Acad. roy. Sc. O-M, 30,
revêt pas l'importance suggérée par certains (TRIC ART, 157-169.
1961), surtout vis-à-vis de la teneur en fer du substratum ALEXANDRE, J. et ALEXANDRE-PYRE, S., 1987. La
ou des éléments apportés. Une cuirasse de glacis ou de reconstitution à l'aide des cuirasses latéritiques de
Structure et site topographique originels des cuirasses latéritiques 133

l'histoire géomorphologique du Haut-Shaba. Z. Geo- GOUDIE, A., 1973. Duricrusts in tropical and subtropical
morph., suppl. Bd 64,119-131. landscapes. Clarendon Press, Oxford, 174 p.
ALEXANDRE, J. et SOYER, J., 1989. Les stone-lines. KING, L.C., 1967. The morphology of the Earth. Oliver
Conclusion de la Journée d'étude, in ALEXANDRE and Boyd, Edinburgh, 699 p.
J. et SYMOENS, J.J. (Eds) Journée d'étude sur les LAKE, P., 1891. The geology of South Malabar between
stone-lines. Acad. roy. Sc. O-M, et Géo-Eco-Trop 11, the Baypore and Ponnani Rivers.Geol. Survey of
229-239. India, Mem., 24(3) : 201-246.
ALEXANDRE, J. et STREEL-POTELLE, A., 1979. Les LAPORTE, G., 1962. Reconnaissance pédologique le
alluvions anciennes de la Lupembashi inférieure long de la voie ferrée Comilog (République du
(Shaba, Zaïre) et l'évolution d'une plaine alluviale Congo). ORSTOM, Service Pédologique, Brazza-
de région intertropicale à saison sèche pendant la ville, rapport interne, 149 p.
fin du Quaternaire, Géo-Eco -Trop, 3 (3) : 169-184. MAIGNIEN, R., 1958. Le cuirassement des sols en Guinée
ALEXANDRE, J. et TSHIDIBI, N., 1985. Les enduits fer- (Afrique Occidentale). Mém. Serv. Carte géol. Alsa-
rugineux associés aux cuirasses latéritiques succes- ce- Lorraine, 16, 231 p.
sives du Haut-Shaba. Nature, structure et mode de MAIGNIEN, R., 1966. Compte rendu des recherches sur
formation. in ALEXANDRE, J. et SYMOENS, J.J. les latérites. Unesco, Paris, 155 p.
(Eds) Les processus de latéritisation. Acad. roy. Sc. MCFARLANE, M.J., 1971. Lateritization and landscape
O-M, et Géo-Eco-Trop, 8, 37-46. development in parts of Uganda. Quat. J. Geol. Soc.,
ALEXANDRE-PYRE, S., 1967. Les processus d'aplanis- 126, 501-539.
sement de piémont dans les régions marginales du MCFARLANE, M.J., 1976. Laterite and landscape. Aca-
plateau des Biano. Publ. Univ. off. Congo, Lubum- demic Press, 151 p.
bashi, 14, 3-51. MICHEL, P.,1969. Morphogenesis and pedogenesis. Afri-
ALEXANDRE-PYRE, S., 1971. Le plateau des Biano can Soils, 14, 109-141.
(Katanga). Géologie et géomorphologie. Acad. roy. MICHEL, P., 1973. Les bassins des fleuves Sénégal et
Sc. O-M, Cl. Sc. nat et méd., Mém., 18 (3) : 151 p. Gambie. Etude géomorphologique. ORSTOM,
BEAUDET, G., COQUE, R., MICHEL, P. et ROGNON, P., Mém., 63, 752 p + 9 p1. et 6 cartes h.t.
1977. Altérations tropicales et accumulations ferru- NAHON, D., 1976. Cuirasses ferrugineuses et encroûte-
gineuses entre la vallée du Niger et les massifs cen- ments calcaires au Sénégal occidental et en Mauri-
traux sahariens (Aïr et Hoggar). Z. Geomorph., N.F., tanie. Système évolutifs : géochimie, structures, re-
21 (3) : 297-322. lais et coexistence. Sc. géol. Univ. L. Pasteur, Stras-
BEAUDET, G., COQUE, R., MICHEL, P. et ROGNON, P., bourg, Mém. 44, 232 p. + 12 p1.
1981. Reliefs cuirassés et évolution géomorphologi- NYE, P.H., 1954. Some soil forming processes in the
que des régions orientales du Mali. 2. La Gourma et humid tropics. I. A field study of a catena in the
le Plateau de Bandiagara, son contact avec le Ma- West African forest. J. Soil Sc., 5 (1) : 7-21.
cina. Z. Geomorph., suppl. Bd 38, 63-85. PALLISTER, J.W., 1952. Erosion levels and laterite in
DAVEAU, S., LAMOTTE, M. et ROUGERIE, G., 1962. Buganda Province, Uganda. C.R., XIX Congrès in-
Cuirasses et chaînes birrimiennes en Haute-Volta. ternational Géol., Alger, 21, 193-199.
Ann. Géogr., 71, 460-482. PELISSIER, P. et ROUGERIE, G., 1953. Problèmes mor-
DAVIS, W.M., 1920. Physiographic relations of laterite. phologiques dans le bassin de Siguiri (Haut-Niger).
Geol.Mag., 57, 429-431. Bull. ifan, Série A, 15, 1-47.
DENISOFF, I., 1957. Un type particulier de concrétionne- PRESCOTT, J.A. and PENDLETON, R.L., 1952. Laterite
ment en cuvette centrale congolaise. Pédol., 7, 119- and lateritic soils. Commonwealth Agricultural Bu-
123. reaux, Bucks, 51 p.
DE CHETELAT, E., 1938. Le modelé latéritique de PULLAN, R.A., 1967. A morphological classification of
l' Ouest de la Guinée française, Rev. Géogr. phys. lateritic ironstones and ferruginised rocks in Nor-
Géol. dyn., 11, 5-120. thern Nigeria. Nigerian J. Sc., 1 (2) : 161-174.
DE SWARDT, A.M.J., 1964. Lateritisation and landscape RADWANSKY, S.A. and OLLIER, C.D., 1959. A study
development in parts of Equatorial Africa. Z. Geo- of an East Africa capital catena. J. Soil Sc., 10 (2) :
morph., N.F., 8 (3) : 313-333. 149-168.
DORN, R.I. and OBERLANDER, T.M., 1982. Rock var- SIMPSON, E.S., 1912. Notes on laterite in Western Aus-
nich. Progress in physical Geogr., 6 (3) : 317-367. tralia. Geol. Mag., 49, 399-406.
Du PREEZ, J.W., 1949. Laterite : a general discussion TRENDALL, A.F., 1962. The formation of "apparent pe-
with a description of Nigerian occurrences. Bull. neplaines" by a process of combined lateritisation
agric. Congo belge, 40 (1) : 53-66. and surface wash. Z. Geomorph., N.F., 6, 183-197.
134 J. ALEXANDRE

TRICART, J., 1961. Le modelé du Quadrilater Ferrifero


au sud de Belo Horizonte (Brésil). Ann. Géogr., 70,
255-272.

TRICART, J., 1965. Le modelé des régions chaudes,


forêts et savanes. SEDES, Paris, 322 p.

Adresse de l'auteur : Jean ALEXANDRE


Laboratoire de Géographie physique
Université de Liège .

Place du 20-Août, 7
B - 4000-LIEGE

Figure 1 : Structures, processus élémentaires et sites topographiques des cuirasses latéritiques. Structures : f. roche
altérée; g. gravillon; q. quartz; r. roche; y. vide. Traits épais : structure rubanée; hachures obliques : imprégnation
ou cimentation par le fer. Sites topographiques : 1. surface de pénéplanation; 2. surface de pédiplanation; 3. versant
raide; 4. fond de vallée; 5. collines.
136 7. ALEXANDRE

Photo 1 : Structure gravillonnaire et vermiforme.


Site : surface de pénéplanation dans les dépressions de la Lufira (Kabiashia).
Age probable : fin Tertiaire.
Gravillons de différents tons de brun foncé, débris de roche gréseuse imprégnée. Gravillons jointifs (partie
supérieure) ou au sein d'une matrice abondante (partie inférieure). La matrice est polygénique : après une
première imprégnation (rouge violacé, rétrogradé au centre en noir), crevasses remplies par un matériel ocre
jaune. Nombreuses galeries comblées ou non, tapissées ou non d'un cortex rubané.
Photo 2 : Structure gravillonnaire avec enrobage non rubané.
Site : rebord de surface pénéplanée sur substrat précambrien sableux et arkosique (plateau des Biano, Shisinkwa).
Age probable : mi-Tertiaire.
Gravillons de différentes natures : débris de roche gréseuse imprégnée de fer, concrétions sableuses, grains de
quartz. En outre, présence d'un débris d'arkose complètement altéré (structure fantomatique). Les gravillons
sont soudés par un enrobage sableux, non rubané, de couleur violacée. Une partie des interstices ont été comblés
par des sables ocre, parcourus ultérieurement par des galeries.
Photo 3 : Structure pisolithique.
Site : probablement fond de vallée aujourd'hui porté en relief et point culminant du plateau des Kundelungu
(Kibwe wa Sanga).
Age probable : début du Tertiaire.
La structure rubanée est développée à partir d'éléments libres au départ et d'une surface sinueuse qui a abouti
à une soudure générale de tous les éléments. La structure rubanée montre des allures en discordance (érosion
contemporaine du dépôt). Le rubanement est souligné par des corps étrangers (grains de sable). L'alternance
des colorations est due à l'état plus ou moins hydraté des oxydes de fer. Le coeur des pisolithes est occupé par
des débris de roche. Les débris mal protégés par un cortex peu épais sont altérés plus ou moins profondément.
L'ensemble de la cuirasse est crevassé à travers ses différents composants (témoignage de l'âge ancien).
Photo 4 : Structure conglomératique (cailloutis riche en fer) et structure fantomatique.
Site : Pédiment au pied du Grand Dyke d'Afrique australe (au nord de Harare, Zimbabwe).
Age probable : Quaternaire.
Des débris peu émoussés de roche basique sont fortement altérés (disparition des minéraux ferro-magnésiens
produisant des vides de différentes tailles). Les cailloux sont soudés entre eux par un liseré d'oxydes de fer, assez
sombre et non rubané. La matrice intersticielle sableuse mise en place ultérieurement est elle-même cimentée.
Photo 5 : Structure conglomératique (cailloutis résistant à l'altération) et structure pisolithique.
Site : Passe de Zongwe sur le Lualaba dans la dépression tectonique du Kamalondo.
Age probable : début Tertiaire (?).
Par leur rubanement très contourné, les pisolithes semblent avoir comblé des vides. Cependant, a) le centre
des pisolithes est parfois occupé par des débris de roche imprégnés de fer, b) les laies extérieures peuvent
être érodées. Les pisolithes se sont donc déposés en même temps que graviers et sables composés presque
exclusivement de quartz non émoussé. Certains grains de quartz ont été fracturés après le dépôt.
Photo 6 : Structure rocheuse résiduelle.
Site : haut du versant d'une vallée du plateau des Biano (Kiesangie).
Age probable : fin Tertiaire.
Les lames de la roche schisteuse sont bien conservées. Après une légère altération, le schiste a été imprégné
par les oxydes de fer acheminés par l'intermédiaire d'une couverture sableuse peu épaisse. Avant l'induration,
certaines zones ont été dégagées, probablement par les termites et remplies par du matériel venant du haut (sable)
ou du bas (matériel argileux rouge). Les cavités sont soulignées par un liseré jaune ocre dû à la mobilisation
partielle des oxydes de fer. Un cortex (enduit) de structure lamellaire apparaît dans la partie inférieure droite.

Vous aimerez peut-être aussi