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mise au point

Néphropathie diabétique
Le diabète, avec une prévalence qui est en constante augmen­
tation, mène à de nombreuses complications dont la néphro­
pathie diabétique. Un dépistage systématique et une prise en
charge adaptée sont requis afin de limiter au mieux les com­
plications tant sur le plan rénal que cardiovasculaire en lien
avec la néphropathie diabétique. Un contrôle glycémique et
tensionnel adéquat, ainsi que le contrôle de la protéinurie et
du taux de filtration glomérulaire sont les priorités de la prise
en charge de la néphropathie diabétique. D’autres aspects tels
que le bilan phosphocalcique, le bilan lipidique, le mode de
vie sont également importants. Une prise en charge multidis­
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ciplinaire est essentielle.
La meilleure compréhension physiopathologique actuelle ouvri­ra
K. Gariani peut-être la porte à de nouveaux traitements encore plus ef­
ficaces dans le futur.
S. de Seigneux Nous résumons, dans cet article, la prise en charge d’un pa­
A. Pechère-Bertschi tient avec néphropathie diabétique et les perspectives futures
de traitement.
J. Philippe
P.-Y. Martin
introduction
Le diabète est la cause principale d’insuffisance rénale chro-
nique (IRC) à travers le monde et la première cause de néces-
Diabetic nephropathy an update sité de suppléance rénale. La néphropathie diabétique (ND) voit sa prévalence
Diabetes has a constantly growing prevalen­ce grandir de manière constante, notamment en raison de l’augmentation de l’obésité
and leads to a number of complications such
et de la sédentarité. Elle est associée à une importante mortalité. Elle se définit
as diabetic nephropathy. A systematic scree-
par la présence persistante d’une macroalbuminurie (excrétion urinaire d’albu-
ning and an adapted management are needed
to limit the renal and also the cardiovascular mine L 300 mg/24 heures) associée à une altération de la clairance à la créatinine
complications linked to diabetic nephropathy. en présence d’un diabète. Les patients présentant une hyperfiltration ou une
An adequate glycemic and tensional control micro­albuminurie ne sont pas inclus dans cette définition classique mais ces élé-
and control of proteinuria are the priority in ments sont précurseurs de la néphropathie diabétique et doivent être identifiés.
the care of diabetic nephropathy. Other as-
pects such as phospho-calcium balance, lipid
panel or lifestyle changes are also important épidémiologie
and therefore a multidisciplinary approach is
essential. A better understanding of the phy- Aux Etats-Unis, le diabète est la cause de 54% des nouveaux cas d’insuffisance
siopathology may lead to even more effec- rénale chronique terminale (IRCT) nécessitant une suppléance rénale. L’inciden­ce
tive treatments in the future. de nouveaux cas d’IRCT parmi les diabétiques est estimée à 600 patients/million/an
We resume in this article the actual manage- aux Etats-Unis. En Allemagne, cette proportion s’élève à 49%. Ces chiffres sont
ment of a patient suffering from diabetic ne­ très inquiétants mais néanmoins, il semble que le nombre de nouveaux patients
phropathy and the future treatment perspec-
en dialyse avec un diabète arrive à un plateau en Europe, malgré l’augmentation
tives.
de l’incidence de la ND. Ceci témoigne probablement d’une meilleure prise en
charge de la ND.1
En Suisse, nous n’avons pas de données épidémiologiques concernant l’en-
semble du pays. L’étude lausannoise CoLaus, comprenant 6184 individus, permet
d’évaluer la prévalence de ND tout stade d’IRC compris à environ 1,9% dans la
population générale. Toujours dans cette cohorte, 28,7% des patients atteints de
diabète présentaient une maladie rénale tout stade confondu (microalbuminurie
incluse).2 Pour rappel, la prévalence actuelle du diabète à travers le monde est

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estimée à 180 millions d’individus dont environ 90% avec Une biopsie rénale n’est pas nécessaire pour le diag­
un diabète de type 2 et 10% avec un diabète de type 1. De nostic de ND et n’apporte en général pas d’élément sup-
plus, les prédictions pour 2025 évaluent que la prévalence plémentaire pour la prise en charge.
du diabète sera d’au moins 350 millions de personnes.3 Il convient de garder à l’esprit qu’une atteinte rénale non
liée au diabète peut également survenir chez le patient
diabétique, surtout dans le diabète de type 2, dont l’his-
diagnostic et dépistage toire de la maladie est moins bien identifiable. Les signaux
Il est recommandé de débuter le dépistage de la néphro­ d’alerte qui doivent orienter vers un diagnostic alternatif
pathie diabétique dès le moment du diagnostic en cas de sont la présence d’une protéinurie en l’absence de rétino-
diabète de type 2, car environ 7% des patients présentent pathie, un déclin rapide de la fonction rénale, une éléva-
déjà une microalbuminurie en raison d’une période sou- tion rapi­de de l’albuminurie, une hypertension réfractaire,
vent cliniquement silencieuse de plusieurs années. Pour le un sédiment urinaire actif et des symptômes pour une ma-
diabète de type 1, le dépistage doit débuter cinq ans après ladie de système. Il convient alors de procéder à un bilan
le diagnostic. En cas d’absence de microalbuminurie, le dé­ non invasif, puis en fonction des résultats, de procéder à
pistage doit être fait au moins annuellement. La pre­mière une biopsie rénale.
étape est le dosage de l’albuminurie dans un échantillon Des syndromes rares, tels que la mutation de TCF2
avec idéalement les premières urines du matin. Le résultat (HNF1bêta), doivent être évoqués devant une dysmorphie
peut être exprimé soit avec la concentration d’albumine rénale avec un diabète de type MODY (Maturity onset dia­
urinaire (mg/l), soit avec le rapport albumine/créati­nine be­tes of the young), surtout en cas d’anamnèse familiale posi-
(mg/g). Une valeur seuil de 17 mg/l d’albuminurie dans des tive. Une imagerie rénale (ultrason) est donc nécessai­re en
urines récoltées à n’importe quel moment de la journée cas de néphropathie chez un diabétique.
possède une sensibilité de 100% et une spécificité de 80% Si une biopsie est réalisée, les principaux éléments his-
pour le diagnostic de microalbuminurie avec com­me gold- tologiques retrouvés dans la ND sont une augmentation de
standard une récolte de 24 heures. Le dépistage doit se la matrice mésangiale, un épaississement de la membrane
dérouler en dehors de conditions qui peuvent augmenter basale glomérulaire, une glomérulosclérose, une artériosclé­
l’excrétion urinaire d’albumine telles qu’une infection, un état rose ou encore des nodules de Kimmelstiel-Wilson. L’im-
fébrile, un exercice physique intense, une hématurie, une munofluorescence doit exclure la présence de complexes
hypertension mal contrôlée et une décompensation dia­bé­ti­ immuns.
que ou cardiaque. Tout résultat anormal doit être con­firmé
par au moins deux dosages supplémentaires sur trois échan­
tillons prélevés, sur une période de trois à six mois (tableau facteurs de risque
1). Par ailleurs, la récolte d’urine de 24 heures n’est pas Les deux principaux facteurs de risque identifiés pour
utile dans le dépistage de la ND en raison des potentielles développer une ND sont l’hyperglycémie et l’hypertension
sources d’erreur en lien avec la collection des échan­tillons. artérielle. Il existe certainement une susceptibilité indivi-
Bien que le dosage de l’albuminurie soit un élément es- duelle dans le développement de la ND au vu du fait qu’elle
sentiel du diagnostic de ND, certains patients vont présenter ne se développe que chez environ 40% des sujets diabéti­
une diminution du débit de filtration glomérulaire (DFG) ques, même en présence d’un mauvais contrôle glycémi­
sans microalbuminurie associée. Dans une série alleman­de, que ou tensionnel. Par ailleurs, il existe également un ca-
28% des patients diabétiques développaient une clairance ractère familial au développement de la néphropathie dia-
inférieure à 60 ml/min alors que 51% de ces patients ne bétique. Malgré des données épidémiologiques en faveur
présentaient pas d’albuminurie. Ainsi, il convient d’évaluer de la présence d’une susceptibilité génétique, les impor-
de façon régulière le DFG tout comme la présence d’une tants efforts mis en place dans l’exploration du génome hu-
microalbuminurie. La formule MDRD (Modified diet in renal main et la découverte de plusieurs gènes candidats, il n’y a
disease) est recommandée actuellement pour l’estimation pour l’instant aucun gène formellement identifié dans la
du DFG. Des biomarqueurs plus précoces chez les patients survenue de ND.
sans microalbuminurie sont actuellement recherchés.4 Les autres facteurs de risque identifiés, bien que les
données soit parfois divergentes, sont le tabagisme, l’hy-
percholestérolémie, la protéinurie, l’hyperfiltration glomé-
Tableau 1. Néphropathie diabétique : définition et
recommandations de dépistage rulaire ainsi que l’alimentation, notamment en cas d’excès
d’apport en protéine ou en graisse. La protéinurie est un
Macroalbuminurie persistante (excrétion urinaire d’albumine des facteurs qui confère le risque le plus important de pro-
L 300 mg/24 heures), altération du débit de filtration glomérulaire
(DFG) en présence d’un diabète
gression de la maladie rénale, diabétique ou non, et sa
correction améliore également le pronostic rénal.1,4,5
Outil diagnostique Spot urinaire avec mesure albuminurie et
calcul rapport albuminurie/créatinurie
Timing du dépistage • Cinq ans après le diagnostic en cas de histoire naturelle
diabète de type 1
• Au moment du diagnostic en cas de La première manifestation de la ND est une augmentation
diabète de type 2 de la filtration glomérulaire (hyperfiltration) suivie d’un déclin
Suivi 1 x/an si négatif
progressif du DFG et d’une augmentation de l’albuminurie.
La vitesse de déclin du DFG a été estimée à environ 0,5

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ml/min/mois, soit 6 ml/min/an mais peut énormément varier gène de la membrane basale glomérulaire, sur les cellules
(de 2 à 20 ml/min). Les patients avec un déclin plus rapide mésangiales, endothéliales et les podocytes. Les conséquen­
présentent généralement une atteinte glomérulaire plus ces de la génération des AGEs sont une production de di-
avancée et un moins bon contrôle glycémique et surtout verses cytokines, facteurs inflammatoires et de croissances
tensionnel. Après 20 ans de ND en cas de diabète de type cellulaires, telles que le VEGF (Vascular endothelial growth fac­
2, environ 20% des patients auront atteint un stade d’IRCT.4 tor), le TGF-b (Transforming growth factor beta) avec com­me
Chez un patient présentant une micro ou macroalbuminurie, résultantes une expansion de la matrice mésangiale, une
un traitement agressif est de rigueur pour la réduire, étant glomérulosclérose et une élévation de l’excrétion urinaire
donné que ceci améliore la survie rénale. L’implication pré­ d’albumine.
coce d’un néphrologue avant le déclin de la fonction rénale Au niveau vasculaire, on observe dans la ND une hyper-
pourrait s’associer à une évolution moins rapide de la ND, filtration avec dysfonction endothéliale, notamment en lien
mais ceci doit encore être établi. Il n’existe pas de direc- avec la production d’oxyde nitrique (NO) par son enzyme
tives claires sur le moment où un patient avec ND doit être constitutive, l’endothelial nitric oxide synthase (eNOS). Une des
adressé à un néphrologue, mais nous sommes en faveur hypothèses serait que l’accumulation d’AGEs par l’hyper­
d’un avis néphrologique précoce dès que le DFG est infé- glycémie dysrégule l’enzyme eNOS et altère la production
rieur à 60 ml/min ou qu’il existe une protéinurie. et la disponibilité de NO. Ce phénomène provoque une
En présence d’une ND, il convient également de recher- dysfonction endothéliale au niveau glomérulaire et donc un
cher d’autant plus activement et régulièrement les autres défaut d’autorégulation participant au développement de
complications microvasculaires que sont les atteintes oph- la ND. On observe également une activation du système
talmologiques avec un contrôle annuel, tout comme une rénine-angiotensine-aldostérone (RAA) qui va mener à une
neuropathie périphérique et autonome car leurs prévalen­ces augmentation de la pression intraglomérulaire et participer
se révèlent plus élevées. La présence de complications ainsi à la progression de la ND.
macrovasculaires doit aussi être régulièrement évaluée. La génération de radicaux libres par les voies du stress
oxydatif est augmentée par l’hyperglycémie et va provo-
quer un excès de production de cytokines et de facteurs
physiopathologie de croissance entretenant le phénomène inflammatoire de
La pathogénèse et le développement de la ND ne sont la ND, et mener vers une expansion de la matrice mésan-
pas entièrement compris mais semblent être le résultat giale et un état profibrotique.
d’interactions entre des facteurs métaboliques et hémody- La pathogénèse de la ND apparaît donc comme com-
namiques. plexe et faite de divers éléments se stimulant les uns avec
L’hyperglycémie mène à la formation des produits de les autres et entretenant ainsi le processus physiopatholo-
glycations avancées (AGEs) qui vont se fixer sur le colla- gique (figure 1).6,7

Bloqueur
endothéline Bloqueur RAA
Hyperglycémie (IEC, sartans, aliskiren)

Dysrégulation
eNOS
Contrôle NO
glycémique strict Endothéline Activation du système
RAA

Produits de Expansion de la matrice


Pyridoxamine glycations mésangiale, glomérulosclérose
Sulodexide
avancées (AGE)
q Perméabilité
Microalbuminurie
Macroalbuminurie
Stress oxydatif Q DFG
Anti-Nox
radicaux libres

Production de cytokines Néphropathie


Bardoxolone et facteurs de croissances diabétique
TGF-b,VEGF, protéine
kinase C, NF-KB…

Figure 1. Physiopathologie de la néphropathie diabétique. Traitements actuels et futurs


DFG : Débit de filtration glomérulaire ; IEC : inhibiteurs de l’enzyme de conversion ; NF-KB : nuclear factor-kappa B ; RAA : rénine-angiotensine-aldostérone ;
TGF-b : transforming growth factor-beta ; VEGF : vascular endothelial growth factor.

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prévention et traitement
est à adapter à l’âge du patient et à son degré de protéinurie.
Traitements classiques Les traitements antihypertenseurs de choix sont les blo­
Contrôle glycémique queurs du système RAA tels que les IEC (inhibiteurs de
Le traitement et la prévention de la ND comprennent l’enzyme de conversion) ou sartans. En cas de nécessité
plusieurs aspects qui peuvent être bénéfiques aux diffé- d’antihypertenseur supplémentaire, il convient de préférer
rents stades de la maladie (tableau 2). Le contrôle strict de un diurétique et/ou un anticalcique qui possède des pro-
la glycémie est primordial comme démontré dans l’étude priétés bénéfi­ques sur le développement de la protéinurie
UKPDS sur les diabétiques de type 2, où l’on observe une et qui sont parmi les antihypertenseurs les plus puissants.
réduction de 25 à 30% de progression d’une normoalbumi- Il est important de rappeler que la mesure de la TA en
nurie vers une microalbuminurie avec une hémoglobine gly- cabinet est un mauvais reflet de la TA, et donc un mauvais
quée (Hb1Ac) cible à 7% par rapport à 7,9%.8 Chez le dia- facteur pronostique. Une mesure de la TA sur 24 heures est
bétique de type 1, l’étude DCCT a bien démontré qu’un un outil important dans l’adapta­tion du traitement antihy-
traitement intensif réduisait le risque de micro et macroal- pertenseur. Au minimum, une prise de tension à domicile
buminurie par rapport à un traitement conventionnel sur par le patient est recommandée et plus fiable que celle
un suivi de 6,5 années. Cette étude interventionnelle a été mesurée en cabinet.10,11
suivie d’une étude observationnelle qui vient d’être publiée
avec un suivi de 22 ans. Il est intéressant de noter que lors Blocage du système rénine-angiotensine-aldostérone
de ce suivi, les deux groupes ont convergé vers des valeurs et protéinurie
d’hémoglo­bine glyquée identique aux alentours de 8%. Mal­ L’effet rénoprotecteur du blocage du système RAA par
gré cela, les patients qui étaient dans le bras contrôle glycé­ un IEC ou un sartan a été démontré dans de nombreux essais
mique strict, dans l’étude DCCT, ont une diminution de 50% cliniques, tant sur la réduction de la protéinurie que sur le
du risque de développer une IRC inférieure à 60 ml/min pronostic rénal au long cours.12 Il est recommandé d’intro-
(stade 3).9 L’effet bénéfique d’un contrôle précoce optimal duire un IEC ou sartan en cas de microalbuminurie et de TA
du diabète est donc maintenu sur plusieurs années. supérieure à 135/75 mmHg. En présence d’une microalbu-
Le contrôle glycémique peut s’avérer problématique en minurie avec TA normale et inversement en cas d’hyper-
cas d’IRC plus avancée en raison du risque d’hypoglycémie tension artérielle sans microalbuminurie, les niveaux d’évi-
en lien avec l’accumulation d’insuline ou des agents antidia­ dence pour l’introduction d’un bloqueur du système RAA
bétiques oraux et la réduction de la néoglucogenèse rénale. sont inférieurs mais ces traitements sont tout de mê­me
Il est donc généralement admis de viser une Hb1Ac entre suggérés. Par contre, en l’absence de microalbuminurie avec
6,5 et 7% en cas de ND débutante et en présence d’une at- une TA normale, les données sont trop limitées pour l’in-
teinte rénale plus avancée, une Hb1Ac d’environ 7,5% est troduction d’un traitement.
acceptable.1 Le but du blocage du système RAA est bien sûr d’obtenir
un contrôle tensionnel adéquat, mais aussi de limiter la
Contrôle tensionnel : les cibles et les effets protéinurie. En effet, une protéinurie plus importante pré-
La tension artérielle visée en cas de ND a longtemps dit une mauvaise évolution de la fonction rénale chez le
fait l’objet de débats. Actuellement, une valeur inférieure à diabétique et son contrôle améliore la survie rénale.
130/80 mmHg est recommandée. Le contrôle tensionnel dans
la ND a montré son impact positif en termes de ralentisse- Double blocage du système rénine-angiotensine-
ment de la progression de l’albuminurie, du déclin du DFG, aldostérone
mais également sur les autres complications en lien avec le Chez des patients à risque cardiovasculaire élevé et sans
diabète dans un grand nombre d’études. A noter qu’une néphropathie, un double blocage du système RAA à l’aide
baisse trop importante de la pression artérielle peut égale- d’un IEC et d’un sartan n’a pas montré d’avantage supplé-
ment être délétère et que la tension artérielle (TA) cible mentaire dans l’étude ONTARGET et était même associé à

Tableau 2. Traitements et mesures à disposition pour la néphropathie diabétique


Hb1Ac : hémoglobine glyquée ; IEC : inhibiteurs de l’enzyme de conversion ; RAA : rénine-angiotensine-aldostérone ; TA : tension artérielle.

Classe de traitement Effet Indication introduction et but Efficacité


Antidiabétiques oraux Contrôle glycémique Viser Hb1Ac à 7% Efficacité prouvée
et insulinothérapie
Antihypertenseur type IEC et sartan Contrôle tensionnel Introduction si TA L 135/85 mmHg Efficacité prouvée
Association IEC/sartan non et blocage RAA et/ou microalbuminurie
recommandée Contrôle de la protéinurie Viser une protéinurie la plus basse possible
Autre antihypertenseur diurétique Contrôle tensionnel Introduction si cible tensionnelle Efficacité prouvée
et anticalcique non atteinte par bloqueur RAA
Simvastatine/ézétimibe Introduction en fonction du risque Pas d’efficacité sur néphropathie
Statines cardiovasculaire mais sur mortalité
Régime pauvre en protéines Efficacité limitée
Arrêt tabac Efficacité prouvée

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une mortalité cardiovasculaire plus élevée ainsi qu’à des une élévation importante de la mortalité cardiovasculaire
évé­nements rénaux défavorables.13 L’association IEC et et ce risque augmente avec le diabète. Lors d’un suivi de
sartan chez des patients non protéinuriques n’est pas re- deux ans aux Etats-Unis, les patients diabétiques avec IRC
commandée. avaient un taux de complication vasculaire bien plus élevé
L’inhibiteur de la rénine, aliskiren, a montré des effets que les patients diabétiques sans IRC (49,1/100 patients/
bénéfiques sur l’abaissement tensionnel chez les patients année versus 25,3), d’insuffisance cardiaque (52,3 versus
diabétiques et son association avec un sartan a montré une 18,5) et de décès (19,9 versus 8,1).14 A noter que le risque
réduction de 20% de l’albuminurie par rapport au sartan seul. de décès chez les patients avec IRC était aussi plus élevé
Toutefois, l’étude ALTITUDE, incluant des patients diabé- que le risque d’insuffisance rénale terminale qui était de
tiques à haut risque d’événement cardiovasculaire avec at- 3,4 patients/année. Cette étude confirme que le risque car-
teinte rénale et comparant l’association aliskiren avec un diovasculaire est prédominant chez ces patients sur le
IEC ou un sartan contre placebo, a dû être interrompue en risque d’arriver en insuffisance rénale terminale.
raison notamment d’un nombre trop élevé d’accident car- Chez les patients avec IRC, l’étude SHARP a montré qu’un
diovasculaire (AVC) et d’hypotension dans le groupe traité traitement par simvastatine et ézétimibe en prévention pri­
par double blocage, ainsi que des événements rénaux dé- maire diminuait la mortalité cardiovasculaire, mais ne mo-
favorables. L’association aliskiren et IEC ou sartan n’est donc difiait pas l’évolution de la maladie rénale. L’introduction
pas recommandée actuellement, même en présence de de cette combinaison est donc recommandée chez un pa-
protéinurie. tient avec ND.15
L’étude s’intéressant spécifiquement aux patients dia- L’avantage de cette combinaison par rapport aux sta-
bétiques avec atteinte rénale et macroalbuminurie et tes- tines seules n’est pas démontré et il est possible qu’une
tant l’effet de l’association IEC/sartan est en cours depuis statine soit tout aussi efficace en prévention primaire. Les
2007 (VA–NEPHRON D). Cette étude nous donnera des in- indications pour les statines sont celles des guidelines
dications spécifiques pour cette catégorie de patients. chez les patients diabétiques avec ou sans IRC et recom-
En attendant, l’association IEC/sartan ou inhibiteur de la mandent de cibler un LDL à 2,6 mmol/l en l’absence d’an-
rénine/IEC ou sartan n’est pas recommandée, même en cas técédent cardiovasculaire (CV) et à 1,8 mmol/l en cas d’an-
de ND très protéinurique, au vu du risque de surmortalité técédent CV, bien que cette dernière cible soit débattue.10
cardiovasculaire et d’événements rénaux défavorables.
Les antagonistes de l’aldostérone, que sont le spirono- Perte de poids, régime et arrêt du tabac
lactone et l’éplérénone, réduisent la protéinurie chez les L’effet bénéfique d’une restriction protéinique sur la
patients diabétiques, mais ils n’ont été évalués que sur de progression de la ND n’a pas été démontré, avec la limite
courtes périodes et nécessitent donc également une éva- que le régime pauvre en protéine est difficile à réaliser chez
luation sur une longue durée quant à leur effet sur la fonc- le patient diabétique.16 Il comporte également un risque de
tion rénale. Ils restent actuellement une option intéressan­te malnutrition au vu du catabolisme protéinique déjà aug-
en cas de protéinurie non contrôlée en adjonction à un IEC menté par le déficit en insuline. Un apport sans restriction
ou un sartan, sous réserve d’un taux de potassium normal mais raisonnable, entre 0,8 et 1g/kg par jour, est recomman­dé.
et bien suivi et d’une clairance supérieure à 30 ml/min au De même, l’effet d’une perte de poids n’a pour l’instant
moins. été montré efficace que chez des patients obèses et uni-
Finalement, l’utilisation de hautes doses d’IEC ou de sar­ quement sur la baisse de la protéinurie. Néanmoins, les
tan a été évoquée mais les données au long cours man­ autres bénéfices cardiovasculaires de la perte de poids
quent et ces stratégies ne sont pas à recommander chez sont à prendre en compte. Finalement, plusieurs travaux
tous les patients. ont démontré l’impact positif de l’arrêt du tabac sur la pro-
D’une manière plus générale, les résultats de ces étu­des gression de la ND et ceci doit être encouragé.17
soulèvent de nombreuses interrogations quant aux béné-
fices d’un blocage trop important du système RAA. A la lu- Contrôle du bilan phosphocalcique et de l’acidose
mière de ces études, la baisse de la protéinurie demeure métabolique
une cible thérapeutique, mais son obtention par un dou­ble Il n’existe pas de recommandation spécifique pour le
blocage est défavorable. Nous sommes dans l’attente de contrôle du bilan phosphocalcique ou de l’acidose métabo­
nouvelles associations ayant un effet bénéfique sur la pro- lique en cas de ND. Les recommandations faisant foi pour
téinurie accompagné d’une amélioration du pronostic rénal les maladies rénales en général sont donc applica­bles. Ac-
et vital. Dès lors, actuellement, l’objectif raisonnable chez tuellement, il n’existe pas de donnée montrant qu’une cor-
les patients diabétiques à haut risque vasculaire doit être de rection plus agressive des paramètres phosphocalciques
viser une pression artérielle inférieure à 130/80 mmHg, sans diminue la progression de la ND, mais un taux de phos-
intensifier ensuite le traitement pour baisser encore plus phate plus élevé est associé à une mortalité cardiovascu-
la protéinurie en utilisant notamment un double blocage. laire plus importante et à une progression plus rapide de
l’insuffisance rénale, également chez les diabétiques. Une
Contrôle du bilan lipidique attention spéciale à ces paramètres est donc recomman-
L’insuffisance rénale chronique est actuellement considé­ dée.10 Finalement, un effet bénéfique de la vitamine D soit
rée comme un nouvel équivalent coronarien, bien que cela activée, soit native est possible sur la protéinurie dans la
soit encore débattu. Dans tous les cas, la présence d’une ND, mais ceci est discuté en détail dans un autre article de
dysfonction rénale et/ou d’une protéinurie est associée à ce numéro.18,19

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Perspectives de traitements mieux toléré mais ses effets bénéfiques sur la fonction ré-
Plusieurs nouvelles voies thérapeutiques pour la ND nale et l’albuminurie ne sont pas encore clairement dé-
sont actuellement en cours d’exploration du fait d’une meil­ montrés. Par ailleurs, il reste à définir à quel stade de la
leure compréhension du processus physiopathologi­ que ND ces traitements auraient le meilleur potentiel.22
(tableau 3).
Divers
Tableau 3. Traitements et mesures en exploration Le sulodexide, un glycosaminoglycane contenant environ
pour la néphropathie diabétique 80% d’héparine, avait montré des effets prometteurs sur la
PPAR : peroxisome proliferator-activated receptor. ND, principalement sur la protéinurie (en modifiant la per-
méabilité de la barrière endothéliale) dans des études
Classe de traitement Mécanisme et cible d’action
préliminaires, mais deux études récemment publiées ne
Bardoxolone Anti-inflammatoire et stress oxydatif montrent pas d’avantage par rapport au placebo.23,24
Pyridoxamine Produits de glycations avancées Le blocage de l’endothéline semble réduire la protéi-
Sulodexide Perméabilité nurie dans les stades précoces de la ND. Chez des patients
avec atteinte rénale plus avancée, un essai clinique a éva-
Avosentan Bloqueur endothéline
lué son efficacité et a permis d’observer un impact positif
Thiazolidinédione Agonistes PPAR-gamma sur la protéinurie, mais en raison d’effets secondaires de
type rétention hydrosodée importante, cet essai a dû être
interrompu précocement. Des inhibiteurs plus spécifiques
Anti-inflammatoires et antioxydants d’une sous-classe de récepteur de l’endothéline sont à
De nouveaux traitements prometteurs sont récemment l’étude avec potentiellement un effet antiprotéinurique
apparus tels que la bardoxolone qui est un modulateur in- persistant et moins de rétention hydrosodée. La place et
flammatoire antioxydant (activateur de NRF2, une voie anti- la dose de ces médicaments sont donc encore à définir.25
inflammatoire et antioxydante) initialement développé pour Les agonistes sur récepteur PPAR-gamma (peroxisome pro­
son effet antinéoplasique. Lors d’essais en oncologie, un liferator-activated receptor) que sont les thiazolidinédiones déjà
effet bénéfique sur la fonction rénale a été observé engen- bien connues pour leur effet hypoglycémiant ont montré,
drant des études spécifiques chez des patients avec une dans plusieurs études avec un court suivi, un effet antipro-
IRC. Dans l’étude BEAM, incluant 227 patients diabétiques téinurique et hypotenseur. Toutefois, leur utilisation est de
avec une IRC (DFG entre 20 et 45 ml/min), on observe une moins en moins fréquente en raison du taux important
amélioration du DFG sous ce traitement de 8,2 à 11,4 ml/ d’effets secondaires qui leur sont attribués.1
min. Ces résultats sont très encourageants et font de ce
traitement le seul à l’heure actuelle capable d’améliorer la
fonction rénale. Il convient néanmoins de pondérer cet ef- conclusion
fet avec une élévation de la protéinurie observée et le La ND constitue l’une des complications du diabète et
manque de recul sur l’évolution de la fonction rénale au nécessite une prise en charge optimale afin de ralentir au
long cours. Par ailleurs, la fonction rénale n’a été estimée mieux la progression de l’atteinte rénale et la nécessité de
que par les taux de créatinine sérique et non par un examen suppléance rénale. Il existe plusieurs interventions théra-
précis de la clairance rénale,20 et des facteurs confondants peutiques qui permettent non seulement de ralentir au mieux
comme la perte de poids constatée dans l’étude peuvent la progression de la ND et la nécessité de suppléance ré-
intervenir. D’autres études sont très attendues avec ce nale, mais qui possèdent également un impact positif en
composé prometteur. termes de mortalité, notamment cardiovasculaire.
Les approches thérapeutiques sur les voies du stress
oxydatif sont également étudiées. Au vu de la part proba-
blement importante de production de radicaux libres, no-
tamment par le nicotinamide adénine dinucléotide phos-
phate (NADPH) oxydase (Nox) ; des inhibiteurs Nox pour-
raient donc faire partie un jour des traitements à disposition
pour la ND. Des études animales sont encourageantes mais Implications pratiques
il n’existe pour le moment pas d’étude sur l’homme.
> Le dépistage de la néphropathie diabétique (ND) débute dès
Anti-AGEs le moment du diagnostic pour le diabète de type 2 et peut
La production d’AGEs semble une étape initiale et cru- se faire à l’aide d’un spot urinaire
ciale dans la ND. Son inhibition est donc une cible théra-
peutique. La pimagédine, qui inhibe la formation des AGEs, > La prise en charge de la ND est multifactorielle avec notam-
ment des contrôles glycémique et tensionnel optimaux. Une
avait montré des résultats intéressants sur la progression
prise en charge multidisciplinaire est primordiale
de la ND dans des modèles animaux. Toutefois, deux essais
multicentriques ont dû être interrompus précocement en > Grâce à la meilleure compréhension physiopathologique de
raison d’effets secondaires importants tels que plusieurs la ND, de nouveaux traitements devraient voir le jour ces
épisodes de gloméruloné­phrite.21 Le pyridoxamine, éga­ prochaines années
lement inhibiteur de la formation des AGEs, semble être

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Adresse
Dr Karim Gariani
Service de médecine interne générale
Dr Sophie de Seigneux
Pr Pierre-Yves Martin
Service de néphrologie
Dr Antoinette Pechère-Bertschi
Unité d’hypertension artérielle
Service d’endocrinologie, diabétologie et nutrition
et de médecine de premier recours
Pr Jacques Philippe
Service d’endocrinologie, diabétologie et nutrition
HUG, 1211 Genève 14
[email protected]
[email protected]
[email protected]
[email protected]
[email protected]

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