Thème 3 - La Souveraineté 2024-2025

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 17

Travaux Dirigés - Licence 1 Semestre 1 Groupe 1

Introduction du droit public


2024-2025

Cours du Professeur Stéphane MOUTON


Équipe pédagogique : Raphael ANDRIANTSIMBAZOVINA, Adiouma BA, Elisabeth BUISSON, Clothilde
COMBES, El Hadji GUEYE, Steven ROSTAN, Maxime TANAY, Jérémy TENDERO,

THÈME 3 - LA SOUVERAINETÉ

DOCUMENTS

• Document 1 : Constitution du 4 octobre 1958 (extraits)


• Document 2 : Raymond CARRÉ DE MALBERG, Contribution à la théorie générale de l’État,
Recueil Sirey, 1920, p. 174 s.
• Document 3 : Raymond CARRÉ DE MALBERG, La loi, expression de la volonté générale, Recueil
Sirey, 1931, p. 16 s.
• Document 4 : Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, Livre III, chapitre XV (extraits)
• Document 5 : Alexis DE TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique, tome I, livre I, chapitre
IV (extraits)
• Document 6 : Emannuel-Joseph SIEYES, « Série de quelques vérités de l’art social », Bases
de l’ordre social – ou série raisonnée de quelques idées fondamentales de l’État social et politique (extraits),
publié par Pasquale PASQUINO dans SIEYES et l’invention de la Constitution en France (annexe)
• Document 7 : Olivier BEAUD, « Le Souverain », Pouvoirs, n°67, 1993, pp. 33-45
• Document 8 : CC, 30 décembre 1976, n° 76-71 DC, Décision du Conseil des communautés
européennes relative à l’élection de l’Assemblée des Communautés au suffrage universel direct (extraits)
• Document 9 : CC, 9 avril 1992, n° 92-308 DC, Traité sur l’Union européenne (extraits)
• Document 10 : CC, 31 décembre 1997, n° 97-394, Traité d’Amsterdam modifiant le Traité sur
l’Union européenne

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

• Francis HAMON, Michel TROPER, Droit constitutionnel, LGDJ, Lextenso, 36ème édition,
20152016, pp. 177-181 (§2. La souveraineté)
• Bernard CHANTEBOUT, Droit constitutionnel, Sirey, 30ème édition, 2013, pp. 81-83 (Section III.
Souveraineté populaire et souveraineté nationale)
• Raymond CARRÉ DE MALBERG, Contribution à la théorie générale de l’Etat, Sirey, 1922, tome II,
pp. 152-198 (§1. Théorie de la souveraineté du peuple. §2. Théorie de la souveraineté
nationale)
• Maurice HAURIOU, Précis de droit constitutionnel, Sirey, 2ème édition, 1929, pp. 164-169 (Section
III. La souveraineté nationale comme seconde assise historique de la liberté politique dans
les États modernes)

1/17
Travaux Dirigés - Licence 1 Semestre 1 Groupe 1
Introduction du droit public
2024-2025

• Gérard MAIRET, « Présentation », in Jean BODIN, Les six livres de la République. Un abrégé du
texte de l’édition de Paris de 1583. Édition et présentation de Gérard MAIRET, Paris, Le
livre de poche, n° 4619, 1993 (document sur Moodle)

EXERCICE

COMMENTAIRE COMPARÉ : Vous commenterez :

- le premier alinéa de l’article 3 de la Constitution :

« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et


par la voie du référendum. »
et

- l’article 3 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen :

« Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps,


nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. »

N.B. : Un commentaire comparé se réalise exactement comme un commentaire d’un seul texte. Néamoins, il s’agit
d’analyser les deux textes en prenant en compte aussi ce qu’ils ont en commun ou de différent pour faire une analyse
commune. Nous ne saurions donc accepter que chaque texte fasse l’objet d’une partie.

2/17
Travaux Dirigés - Licence 1 Semestre 1 Groupe 1
Introduction du droit public
2024-2025

Document 1 : Constitution du 4 octobre 1958 (extraits)

CONSTITUTION

TITRE PREMIER – DE LA SOUVERAINETÉ

Article 2
La langue de la République est le français.
L'emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge.
L'hymne national est « La Marseillaise ».
La devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité ».
Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

Article 3
La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du
référendum.
Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice. Le suffrage peut
être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal
et secret.
Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des
deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques.

Article 4
Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et
exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et
de la démocratie.
Ils contribuent à la mise en œuvre du principe énoncé au second alinéa de l'article 1er dans les
conditions déterminées par la loi.
La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et
groupements politiques à la vie démocratique de la Nation.

TITRE XV – DE L’UNION EUROPÉENNE

Article 88-1
La République participe à l'Union européenne constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer
en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité
sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13
décembre 2007.

Article 88-2
La loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris par les
institutions de l'Union européenne.

3/17
Travaux Dirigés - Licence 1 Semestre 1 Groupe 1
Introduction du droit public
2024-2025

Article 88-3
Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le Traité sur l'Union européenne
signé le 7 février 1992, le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales peut être accordé
aux seuls citoyens de l'Union résidant en France. Ces citoyens ne peuvent exercer les fonctions de
maire ou d'adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des
sénateurs. Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les
conditions d'application du présent article.

Article 88-4
Le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de
l'Union européenne, les projets d'actes législatifs européens et les autres projets ou propositions
d'actes de l'Union européenne.
Selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée, des résolutions européennes
peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, sur les projets ou propositions
mentionnés au premier alinéa, ainsi que sur tout document émanant d'une institution de l'Union
européenne.
Au sein de chaque assemblée parlementaire est instituée une commission chargée des affaires
européennes.

Article 88-5
Tout projet de loi autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un État à l'Union
européenne est soumis au référendum par le Président de la République.
Toutefois, par le vote d'une motion adoptée en termes identiques par chaque assemblée à la
majorité des trois cinquièmes, le Parlement peut autoriser l'adoption du projet de loi selon la
procédure prévue au troisième alinéa de l'article 89.
[cet article n'est pas applicable aux adhésions faisant suite à une conférence intergouvernementale dont la convocation
a été décidée par le Conseil européen avant le 1er juillet 2004]

Article 88-6
L'Assemblée nationale ou le Sénat peuvent émettre un avis motivé sur la conformité d'un projet
d'acte législatif européen au principe de subsidiarité. L'avis est adressé par le président de
l'assemblée concernée aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission
européenne. Le Gouvernement en est informé.
Chaque assemblée peut former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne contre
un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Ce recours est transmis à la
Cour de justice de l'Union européenne par le Gouvernement.
À cette fin, des résolutions peuvent être adoptées, le cas échéant en dehors des sessions, selon des
modalités d'initiative et de discussion fixées par le règlement de chaque assemblée. À la demande
de soixante députés ou de soixante sénateurs, le recours est de droit.

Article 88-7
Par le vote d'une motion adoptée en termes identiques par l'Assemblée nationale et le Sénat, le
Parlement peut s'opposer à une modification des règles d'adoption d'actes de l'Union européenne
dans les cas prévus, au titre de la révision simplifiée des traités ou de la coopération judiciaire civile,

4/17
Travaux Dirigés - Licence 1 Semestre 1 Groupe 1
Introduction du droit public
2024-2025

par le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels
qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007.

DÉCLARATION DES DROITS DE L’HOMME ET DU CITOYEN

Article 3
Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul
individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.

PRÉAMBULE DE LA CONSTITUTION DU 27 OCTOBRE 1946

Alinéa 15
Sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à
l’organisation et à la défense de la paix.

Document 2 : Raymond CARRÉ DE MALBERG, Contribution à la théorie générale de l’État,


Dalloz, 2004, p. 174 s. (extraits)

En effet, d’après une définition qui est actuellement adoptée par nombre d’auteurs, la souveraineté
consiste essentiellement dans la faculté pour l’État qui en est revêtu, de déterminer sa compétence,
exclusivement en vertu de sa volonté, c’est-à-dire de se fixer librement à lui-même les tâches qu’il
veut remplir. La souveraineté se ramène ainsi à la « compétence de la compétence ». Cette idée a
été dégagée d’abord par Hänel, Studien zum deutschen Staatsrecht, t. I. p. 149, en ces termes : « C’est
dans le droit de l’État à régler sa compétence que réside la condition la plus haute de son existence
propre et indépendante, le point essentiel de sa souveraineté. » Elle est acceptée par Laband, loc.
cit., t. I, p. 111 en note, 156 en note. D’autres auteurs proposent une définition voisine. Selon
Jellinek (Allg. Staatslehre, 2ème éd., p. 467, éd. franç., t. II, p. 136. – Cf. Geselz und Verordnung, p. 196
et s.), « la souveraineté consiste dans la qualité spéciale que revêt la puissance d’État, lorsque celleci
est exclusivement maîtresse de se déterminer elle-même comme aussi de se lier juridiquement » ;
c’est ici la théorie du pouvoir exclusif d’auto-détermination, auto-obligation et auto-limitation de
l’État souverain. Cette définition est adoptée par M. Le Fur, op. cit., p. 443 : « La souveraineté est la
qualité de l’État de n’être obligé ou déterminé que par sa propre volonté » (Cf. Borel, Etude sur la
souveraineté et l’État fédératif, p. 47)(16).

Ces définitions sont exactes. Toutefois – qu’on ne s’y méprenne pas – la compétence de la
compétence, la capacité de se choisir librement ses tâches, le droit de se déterminer en vertu de sa
propre volonté, la faculté d’auto-obligation et limitation, tout cela n’est pas spécial à l’État souverain
: mais ces facultés sont communes à tous les États, souverains ou non. On a vu plus haut, en effet,
qu’une collectivité territoriale, pourvue de puissance dominatrice, ne forme pas un État qu’autant
qu’elle possède cette puissance, non pas à titre dérivé, mais à titre de puissance originaire fondée
sur sa propre volonté et force ; et le signe auquel se reconnaît une telle puissance étatique, consiste
précisément dans ce fait que la collectivité a été capable de se fonder, de s’organiser, de se
réglementer juridiquement par elle-même. Ainsi tout État possède une faculté d’auto-détermination

5/17
Travaux Dirigés - Licence 1 Semestre 1 Groupe 1
Introduction du droit public
2024-2025

et une compétence de la compétence : il ne serait pas un État sans cela. Mais, ainsi que l’a si
clairement établi Jellinek (op. cit., éd. franç., t. II, p. 155), voici où est la différence véritable entre
l’État souverain et l’État non-souverain. Tous deux se déterminent, s’organisent, s’obligent de par
leur propre puissance.

Seulement, pour l’État non-souverain, cette faculté d’auto-détermination n’est pas illimitée ; étant
subordonné à un État supérieur, il ne peut régler sa compétence que dans les limites où elle ne lui
a pas été enlevée par l’État dominant. Au contraire, l’État souverain, ne dépendant d’aucune
volonté étrangère, a la capacité de se déterminer exclusivement et indéfiniment par lui-même. En
un mot, tout État quelconque a nécessairement un certain pouvoir de se régir soi-même : la seule
différence entre État souverain et État non-souverain, c’est que chez l’un ce pouvoir est sans limites,
chez l’autre il est borné.

On voit par là qu’entre l’État souverain et l’État non-souverain il n’existe pas à vrai dire de
différence essentielle. Car la souveraineté n’est pas un pouvoir d’une autre essence que la puissance
étatique non-souveraine. La souveraineté n’est point un pouvoir spécial, elle n’est même pas un
pouvoir du tout, mais seulement un degré de pouvoir : entre la puissance étatique souveraine et la
non-souveraine il n’y a qu’une différence d’étendue. Si donc la doctrine moderne, qui a exclu la
souveraineté de la définition de l’État, semble avoir ainsi rapetissé la notion d’État, il faut
reconnaître cependant que l’écart entre l’État souverain et l’État non-souverain n’est pas aussi
considérable qu’il pouvait paraître d’abord, puisqu’en définitive l’un et l’autre possèdent
pareillement une puissance de domination ayant même nature et comportant les mêmes
prérogatives, puissance dont l’étendue d’application seule varie selon qu’elle est souveraine ou non.
Finalement donc, il faut, avec les auteurs précités, définir la souveraineté, non comme une
puissance, mais comme une qualité de la puissance étatique, qualité grâce à laquelle l’exercice de
cette puissance par l’État souverain ne dépend que de sa seule volonté.
(16) Il n’est pas sans intérêt d’observer que, d’après ces définitions, la souveraineté consiste, non pas en une
compétence qui serait dès maintenant indéfinie, mais dans la faculté qu’a l’État souverain d’étendre indéfiniment
sa compétence dans l’avenir. La remarque est particulièrement importante à faire en ce qui concerne l’État fédéral.
L’un des traits caractéristiques de cet État, c’est le partage de compétences étatiques qui, sur son propre territoire,
se trouve établi entre lui et les États condéférés ; et ce qui est surtout remarquable, c’est que les compétences
exercées par les États condéférés sont fondées sur leur seule puissance, car c’est par leurs propres Constitutions
et lois qu’ils se les sont conférées. On dit bien que la puissance et les compétences des États membres peuvent
être refoulées et amoindries jusqu’à anéantissement par la volonté constituante unilatérale de l’État fédéral. Mais
cette disparition des États particuliers n’a qu’un caractère éventuel, et précisément elle entrainerait la transformation
de l’État fédéral en un État unitaire. L’État fédéral doit donc être apprécié d’après sa situation actuelle et non pas
d’après les compétences qu’il pourrait acquérir s’il se convertissait en État unitaire. Or, si l’on envisage l’État
fédéral dans sa teneur actuelle, il faut bien reconnaître que sa compétence est limitée. Ceci prouve que la notion
de souveraineté n’a plus aujourd’hui la portée absolue qu’elle a pu avoir autrefois. L’État fédéral est dit souverain
simplement en ce sens qu’il pourra étendre indéfiniment sa compétence dans l’avenir. Encore faut-il noter que
cette extension de compétence suppose l’assentiment d’une majorité d’États particuliers ; ceux-ci donneront, il
est vrai, cet assentiment en qualité d’organes de l’État fédéral, mais il dépend, dans cette mesure, des volontés
des États particuliers. Mais, dans l’État unitaire, la formation des décisions étatiques ne dépend-elle pas aussi de
la volonté des citoyens ou de leurs élus ? La pure notion de souveraineté, c’est-à-dire la domination absolue de la
volonté totalement indépendante d’un monarque incarnant en lui l’État, n’existe plus nulle part aujourd’hui, au

6/17
Travaux Dirigés - Licence 1 Semestre 1 Groupe 1
Introduction du droit public
2024-2025

point de vue interne du moins ; au point de vue des relations internationales, la notion de souveraineté demeure
intacte.

Document 3 : Raymond CARRÉ DE MALBERG, La loi, expression de la volonté générale,


Recueil Sirey, 1931, p. 16 s.

13. La Constitution de 1791 et la Déclaration des Droits qui la précède et qui avait votée dès
août 1789, formulent, dans des textes multiples, dont chacun est conçu en des termes qui méritent
d’être qualifiés de lapidaires, les principes qui inaugurent, dans le droit public de la Révolution, la
nouvelle notion de la loi.

14. Le premier de ces textes, qui, à lui seul, a déjà une portée capitale, parce qu’il résume en
quelques mots toutes les idées qui vont désormais servir de base à la notion moderne de loi et qui
serviront aussi, dans la Constitution de 1791, à exalter la loi et sa puissance, c’est l’article 6 de la
Déclaration de 1789, lequel débutait par la proposition devenue fameuse : « La loi est l’expression de
la volonté générale. » Et le même article 6 mettait aussitôt en pleine lumière les raisons qui font que la
loi doit être en visagée comme l’œuvre de la volonté générale : c’est, disait-il, que « par leurs
représentants », c’est-à-dire par l’assemblée élue des députés, « tous les citoyens » exercent, ou tout au
moins sont considérés idéalement comme exerçant « le droit de concourir à sa formation ».
Ainsi, l’article 6 partait du principe, emprunté aux doctrines de Rousseau, que le peuple, c’est-àdire
la totalité des citoyens, doit coopérer à l’acte de création de la loi, parce que cet acte légiférant est
la manifestation par excellence de la souveraineté, laquelle est essentiellement populaire, selon la
terminologie du Contrat social, nationale, selon le langage de 1789 ; et l’on sait que, dans la conception
révolutionnaire, la nation est exclusivement une formation de citoyens, en ce sens qu’elle n’a pas
pour éléments composants que les individus qui sont ses membres. De là, la formule initiale de
l’article 6, qui assignait pour fondement à la législation la volonté générale, bien plus qui définissait
la loi par cette volonté même. Cette définition est reproduite par l’article 4 de la Déclaration des
Droits de 1793 et par l’article 6 de celle de l’an III.

15. Mais, comment la loi a-t-elle pu être présentée par les Constitutions de 1791 et de l’an III
comme l’œuvre de la volonté générale, alors que ces Constitutions réduisaient la participation
législative des citoyens à l’élection des députés qui exercent effectivement le pouvoir législatif ?
Elles ont maintenu l’identité de la loi avec la volonté générale, en s’appuyant sur le second principe
introduit par l’article 6 précité, un principe qui, celui-ci, ne venait plus de Rousseau et qui consistait
à admettre que, dans l’assemblée qui légifère, les citoyens eux-mêmes, « tous les citoyens », sont
présents, attendu qu’ils s’y trouvent représentés par leurs élus. Sans doute, les Constitutions
révolutionnaires spécifient que les députés représentent, non leurs collèges particuliers, mais
indivisiblement la nation entière (Const. 1791, tit. III, ch. I, sect. 3, art. 7 ; Const. 1793, art. 29 ;
Const. an III, art. 52) ; toutefois, comme la nation prend sa consistance dans les citoyens qui la
composent, elle ne peut se trouver représentée par le Corps législatif, sans que ceux-ci le soient
aussi en elle. En sorte que, finalement, tous les citoyens concourent, par l’intermédiaire des
représentants nationaux, à l’adoption de la loi, qui, par suite, reste susceptible d’être qualifiée
produit de la volonté générale. C’est ce même principe que Sieyès devait énoncer, avec une ferme

7/17
Travaux Dirigés - Licence 1 Semestre 1 Groupe 1
Introduction du droit public
2024-2025

précision, devant l’Assemblée nationale, dans la séance du 7 septembre 1789 (Archives parlementaires,
t. VIII, p. 592 et s.), lorsqu’il vint définir le régime représentatif en disant que, dans ce régime, « le
peuple parle, agit, par ses représentants » et que « les commettants se font entendre par les députés
nationaux », parce que « la voix de la Législature nationale » n’est autre que « la voix du peuple »
elle-même. C’était identifier les volontés exprimées par l’assemblée des députés avec la volonté
populaire ; c’était dire que toute décision de l’assemblée équivaut à une décision du corps des
citoyens.

16. En résumé, le concept de loi énoncé par l’article 6 de la Déclaration de 1789 se constituait
de ces deux propositions : 1° La loi a pour fondement la volonté générale, elle doit donc être
l’expression de cette volonté ; 2° Elle l’est aussi, réellement, puisque la volonté générale est
exprimée par le Corps législatif, celui-ci représentant la totalité des citoyens. Au fond, le but effectif
de tout le système représentatif ainsi édifié était de subsituer la volonté des élus à celle des citoyens.
Sieyès s’en explique catégoriquement dans son discours précité, où il marque fortement
l’opposition qui s’établit entre le régime représentatif et celui de la démocratie, dans lequel le peuple
décide et statue par lui-mêmee. Aussi, puisque la première proposition contenue dans l’article 6
s’inspirait directement de la doctrine du Contrat social, l’on se trouve certainement en droit d’objecter
à la deuxième proposition de ce texte et, par suite, à toute l’idéologie révolutionnaire rappelée
cidessus que Rousseau lui-même avait démontré, d’une façon décisive, que le peuple n’est
susceptible d’être ni remplacé, ni représenté, pour l’exercice de sa souveraineté. Il n’en demeure
pas moins vrai que toute la construction élevée par l’Assemblée nationale de 1789 sous le nom de
représentation nationale reposait sur l’idée essentielle que la loi doit émaner des citoyens formant
la nation : et c’est dans cet esprit que la Constitution de 1791 réservait le titre de représentant, en
première ligne, au corps des députés élus par le peuple. Dans le préambule de son titre III, l’article
2, poursuivant l’ordre d’idées formulé dans l’article 6 de la Déclaration, dit en effet : « La Constitution
française est représentative : les représentants sont le Corps législatif... ».

Document 4 : Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, Livre III, chapitre XV (extraits)

Dans une cité bien conduite chacun vole aux assemblées ; sous un mauvais gouvernement nul
n’aime à faire un pas pour s’y rendre ; parce que nul ne prend intérêt à ce qui s’y fait,
qu’on prévoit que la volonté générale n’y dominera pas, et qu’enfin les soins domestiques
absorbent tout. Les bonnes lois en font faire de meilleures, les mauvaises en amènent de pires.
Sitôt que quelqu’un dit des affaires de l’État : que m’importe ? on doit compter que l’État est perdu.

L’attiédissement de l’amour de la patrie, l’activité de l’intérêt privé, l’immensité des États, les
conquêtes, l’abus du gouvernement ont fait imaginer la voie des députés ou représentants du peuple
dans les assemblées de la nation. C’est ce qu’en certains pays on ose appeler le tiers État.
Ainsi l’intérêt particulier de deux ordres est mis au premier et au second rang, l’intérêt public n’est
qu’au troisième.

La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu’elle ne peut être aliénée ; elle
consiste essentiellement dans la volonté générale, et la volonté ne se représente point : elle est la

8/17
Travaux Dirigés - Licence 1 Semestre 1 Groupe 1
Introduction du droit public
2024-2025

même, ou elle est autre ; il n’y a point de milieu. Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent
être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires ; ils ne peuvent rien conclure définitivement.
Toute loi que le peuple en personne n’a pas ratifiée est nulle ; ce n’est point une loi. Le
peuple anglais pense être libre ; il se trompe fort, il ne l’est que durant l’élection des membres du
parlement ; sitôt qu’ils sont élus, il est esclave, il n’est rien. Dans les courts moments de sa liberté,
l’usage qu’il en fait mérite bien qu’il la perde. [...]

Quoi ! la liberté ne se maintient qu’à l’appui de la servitude ? Peut-être. Les deux excès se touchent.
Tout ce qui n’est point dans la nature a ses inconvénients, et la société civile plus que tout
le reste. Il y a de telles positions malheureuses où l’on ne peut conserver sa liberté qu’aux
dépens de celle d’autrui, et où le citoyen ne peut être parfaitement libre que l’esclave ne soit
extrêmement esclave. Telle était la position de Sparte. Pour vous, peuples modernes, vous
n’avez point d’esclaves, mais vous l’êtes ; vous payez leur liberté de la vôtre. Vous avez beau vanter
cette préférence ; j’y trouve plus de lâcheté que d’humanité.

Je n’entends point par tout cela qu’il faille avoir des esclaves ni que le droit d’esclavage
soit légitime, puisque j’ai prouvé le contraire. Je dis seulement les raisons pour quoi les
peuples modernes qui se croient libres ont des représentants, et pour quoi les peuples anciens n’en
avaient pas. Quoi qu’il en soit, à l’instant qu’un peuple se donne des représentants, il n’est
plus libre, il n’est plus.

Tout bien examiné, je ne vois pas qu'il soit désormais possible au souverain de conserver
parmi nous l'exercice de ses droits, si la cité n'est très petite. Mais si elle est très petite,
elle sera subjuguée ? Non. Je ferai voir ci-après [...] comment on peut réunir la puissance
extérieure d'un grand peuple avec la police aisée et le bon ordre d'un petit État.

Document 5 : Alexis DE TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique, tome I, livre I,


chapitre IV (extraits)

« De nos jours le principe de la souveraineté du peuple a pris aux États-Unis tous les
développements pratiques que l’imagination puisse concevoir. Il s’est dégagé de toutes les fictions
dont on a pris soin de l’environner ailleurs ; on le voit se revêtir successivement de toutes les formes,
suivant la nécessité des cas. Tantôt le peuple en corps fait les lois comme à Athènes ; tantôt des
députés, que le vote universel a créés, le représentent et agissent en son nom sous sa surveillance
presque immédiate. Il y a des pays où un pouvoir, en quelque sorte extérieur au corps social, agit
sur lui et le force de marcher dans une certaine voie. Il y en a d’autres où la force est divisée, étant
tout à la fois placée dans la société et hors d’elle. Rien de semblable ne se voit aux Etats-Unis ; la
société y agit par elle-même et sur elle-même. Il n’existe de puissance que dans son sein ; on ne
rencontre même presque personne qui ose concevoir et surtout exprimer l’idée d’en chercher
ailleurs. [...] Le peuple règne sur le monde politique américain comme Dieu sur l’univers. Il est la
cause et la fin de toutes choses ; tout en sort et tout s’y absorbe. »

9/17
Travaux Dirigés - Licence 1 Semestre 1 Groupe 1
Introduction du droit public
2024-2025

Document 6 : Emannuel-Joseph SIEYES, « Série de quelques vérités de l’art social »,


Bases de l’ordre social – ou série raisonnée de quelques idées fondamentales de l’État social et
politique (extraits), publié par Pasquale PASQUINO dans SIEYES et l’invention de la
Constitution en France (annexe)

SYSTÈME REPRÉSENTATIF
8° D’un autre côté, l’expérience aurait déjà prouvé que les affaires particulières se font et se font
bien par voie de procuration. Celui qui traite une affaire pour un autre le représente à cet égard. La
division des travaux, des professions, etc., n’est que le système représentatif qui s’établit de luimême
; il marche avec les progrès de la société qu’il anime ; il est le plus favorable à la production des
richesses, à la commodité des échanges, et au mouvement général des affaires. Il s’est presque
emparé de toutes les actions des hommes. Une malheureuse phrase de Jean-Jacques s’oppose seule
à ce concert unanime : « La volonté, dit-il, ne peut point être représentée » pourquoi pas ? Il ne
s’agit pas ici de la volonté entière de l’homme, et les exemples sont nombreux, de particuliers et de
puissances, qui traitent sur tel ou tel point, par voie de procuration. D’ailleurs, dans l’état social
dont il s’agit, celui qui refuse de se soumettre à l’engagement pris par son représentant, est libre de
quitter l’association.
9° Loin de compromettre la liberté, le système représentatif lui est favorable. 1. Dans la démocratie
brute, les passions sont trop en présence. 2. Les votes ne sont point contenus dans une sphère
étroite, par une procuration limitée, le pouvoir constituant y est confondu avec le pouvoir constitué.
3. La majorité moins éclairée, se sentant tous les pouvoirs à la fois, peut abuser de ses forces, et
tout perdre d’un seul coup, en mettant la minorité sous le joug. 4. La nécessité de rester peu
nombreuse en population, insuffisante en richesses, la met à la merci de tous ses voisins. Il faut
sans doute de la démocratie dans un bon système social, mais nous verrons plus bas sa place et son
emploi.
10° Il arrivera donc que les assemblées primaires se borneront à nommer des députés dont la
réunion formera une assemblée nationale législative, place propre assurément à prononcer cette
volonté générale que nous cherchons.
La procuration des députés ne doit pas être impérative en ce sens, qu’ils ne seraient que de simples
porteurs d’un vote fixe, déterminé d’avance. Puisqu’il s’agit de parvenir à former une volonté
générale, il faut leur confier le pouvoir de traiter, de se rapprocher, enfin de convenir ensemble.
Cette procuration n’est pas illimitée ; outre que rien n’est illimité dans la nature, il est clair que des
procureurs fondés, ne peuvent point s’occuper d’affaires hors de leur mission spéciale. On ne doit
pas croire que les associés politiques aient voulu mettre en commun toutes leurs affaires, leur
personne et leur chose. Ils ne forment point un couvent, où tout le monde a cédé et confondu tous
ses droits dans une masse conventuelle.

Document 7 : Olivier BEAUD, « Le Souverain », Pouvoirs, n°67, 1993, pp. 33-45

10/17
Travaux Dirigés - Licence 1 Semestre 1 Groupe 1
Introduction du droit public
2024-2025

Document disponible sur Moodle.

Document 8 : CC, 30 décembre 1976, n° 76-71 DC, Décision du Conseil des communautés
européennes relative à l’élection de l’Assemblée des Communautés au suffrage universel direct
(extraits)

Le Conseil constitutionnel, Saisi le 3 décembre 1976, par le Président de la République, en


application des dispositions de l'article 54 de la Constitution, de la question de savoir si la décision
du conseil des communautés européennes du 20 septembre 1976, relative à l'élection de
l'Assemblée au suffrage universel direct, comporte une clause contraire à la Constitution ; Vu la
Constitution ; Vu l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil
constitutionnel ; Vu le traité du 18 avril 1951 instituant la Communauté européenne du charbon et
de l'acier ; Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne ; Vu le
traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique ; Vu la
convention du 25 mars 1957 relative à certaines institutions communes aux communautés
européennes ; Vu le traité du 8 avril 1965 instituant un conseil unique et une commission unique
des communautés européennes ; Vu le traité du 22 avril 1970 portant modification de certaines
dispositions budgétaires des traités instituant les communautés européennes et du traité instituant
un conseil unique et une commission unique des communautés européennes ; Vu le traité et l'acte
du 22 janvier 1972 relatifs à l'adhésion de nouveaux États aux communautés européennes ; Vu le
traité du 22 juillet 1975 portant modification de certaines dispositions financières des traités
instituant les communautés européennes et du traité instituant un conseil unique et une commission
unique des communautés européennes ; Vu la décision du conseil des communautés européennes
du 20 septembre 1976 et l'acte qui y est annexé ; Ouï le rapporteur en son rapport ;
1. Considérant que la décision du conseil des communautés européennes du 20 septembre
1976 et l'acte qui y est annexé ont pour seul objet de stipuler que les représentants à l'Assemblée
des peuples des États réunis dans la Communauté sont élus au suffrage universel direct et de fixer
certaines conditions de cette élection ;
2. Considérant que si le préambule de la Constitution de 1946, confirmé par celui de la
Constitution de 1958, dispose que, sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations
de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix, aucune disposition de nature
constitutionnelle n'autorise des transferts de tout ou partie de la souveraineté nationale à quelque
organisation internationale que ce soit ;
3. Considérant que l'acte soumis à l'examen du Conseil constitutionnel ne contient aucune
disposition ayant pour objet de modifier les compétences et pouvoirs limitativement attribués dans
le texte des traités aux communautés européennes et, en particulier, à leur Assemblée par les États
membres ou de modifier la nature de cette Assemblée qui demeure composée de représentants de
chacun des peuples de ces États ;
4. Considérant que l'élection au suffrage universel direct des représentants des peuples des
États membres à l'Assemblée des communautés européennes n'a pour effet de créer ni une

11/17
Travaux Dirigés - Licence 1 Semestre 1 Groupe 1
Introduction du droit public
2024-2025

souveraineté ni des institutions dont la nature serait incompatible avec le respect de la souveraineté
nationale, non plus que de porter atteinte aux pouvoirs et attributions des institutions de la
République et, notamment, du Parlement ; que toutes transformations ou dérogations ne
pourraient résulter que d'une nouvelle modification des traités, susceptible de donner lieu à
l'application tant des articles figurant au titre VI que de l'article 61 de la Constitution ;
5. Considérant que l'engagement international du 20 septembre 1976 ne contient aucune
stipulation fixant, pour l'élection des représentants français à l'assemblée des communautés
européennes, des modalités de nature à mettre en cause l'indivisibilité de la République, dont le
principe est réaffirmé à l'article 2 de la Constitution ; que les termes de "procédure électorale
uniforme" dont il est fait mention à l'article 7 de l'acte soumis au Conseil constitutionnel ne
sauraient être interprétés comme pouvant permettre qu'il soit porté atteinte à ce principe ; que, de
façon générale, les textes d'application de cet acte devront respecter les principes énoncés ci-dessus
ainsi que tous autres principes de valeur constitutionnelle ;
6. Considérant que la souveraineté qui est définie à l'article 3 de la Constitution de la
République française, tant dans son fondement que dans son exercice, ne peut être que nationale
et que seuls peuvent être regardés comme participant à l'exercice de cette souveraineté les
représentants du peuple français élus dans le cadre des institutions de la République ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'acte du 20 septembre 1976 est relatif
à l'élection des membres d'une assemblée qui n'appartient pas à l'ordre institutionnel de la
République française et qui ne participe pas à l'exercice de la souveraineté nationale ; que, par suite,
la conformité à la Constitution de l'engagement international soumis au Conseil constitutionnel n'a
pas à être appréciée au regard des articles 23 et 34 de la Constitution, qui sont relatifs à
l'aménagement des compétences et des procédures concernant les institutions participant à
l'exercice de la souveraineté française.
Déclare :
Article premier : Sous le bénéfice des considérations qui précèdent, la décision du conseil des
communautés européennes en date du 20 septembre 1976 et l'acte qui y est annexé ne comportent
pas de clause contraire à la Constitution.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au Président de la République et publiée au Journal
officiel de la République française.

Document 9 : CC, 9 avril 1992, n° 92-308 DC, Traité sur l’Union européenne (extraits)

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 11 mars 1992, par le Président de la République,


conformément à l'article 54 de la Constitution, de la question de savoir si, compte tenu des
engagements souscrits par la France et des modalités de leur entrée en vigueur, l'autorisation de
ratifier le traité sur l'Union européenne signé à Maastricht le 7 février 1992 doit être précédée d'une
révision de la Constitution ; […]
10. Considérant que dans son article 3 la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
énonce que "le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation" ; que l'article

12/17
Travaux Dirigés - Licence 1 Semestre 1 Groupe 1
Introduction du droit public
2024-2025

3 de la Constitution de 1958 dispose, dans son premier alinéa, que "la souveraineté nationale
appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum" ;
11. Considérant que le préambule de la Constitution de 1946 proclame, dans son quatorzième
alinéa, que la République française se "conforme aux règles du droit public international" et, dans
son quinzième alinéa, que "sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de
souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix" ;
12. Considérant que, dans son article 53, la Constitution de 1958 consacre, comme le faisait
l'article 27 de la Constitution de 1946, l'existence de "traités ou accords relatifs à l'organisation
internationale" ; que ces traités ou accords ne peuvent être ratifiés ou approuvés par le Président
de la République qu'en vertu d'une loi ;
13. Considérant qu'il résulte de ces textes de valeur constitutionnelle que le respect de la
souveraineté nationale ne fait pas obstacle à ce que, sur le fondement des dispositions précitées du
préambule de la Constitution de 1946, la France puisse conclure , sous réserve de réciprocité, des
engagements internationaux en vue de participer à la création ou au développement d'une
organisation internationale permanente, dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs
de décision par l'effet de transferts de compétences consentis par les Etats membres ;
14. Considérant toutefois qu'au cas où des engagements internationaux souscrits à cette fin
contiennent une clause contraire à la Constitution ou portent atteinte aux conditions essentielles
d'exercice de la souveraineté nationale, l'autorisation de les ratifier appelle une révision
constitutionnelle ; […]
En ce qui concerne la reconnaissance du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales :
[…] 24. Considérant que l'article 3 de la Constitution dispose dans son premier alinéa que "la
souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du
référendum" ; que le même article dispose, dans son troisième alinéa, que "le suffrage peut être
direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et
secret" ; qu'il est spécifié au quatrième alinéa de l'article 3 que "sont électeurs, dans les conditions
déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits
civils et politiques" ;
25. Considérant qu'en vertu de l'article 24 de la Constitution, le Sénat, qui est élu au suffrage
indirect, "assure la représentation des collectivités territoriales de la République" ; qu'aux termes
du premier alinéa de l'article 72 de la Constitution "les collectivités territoriales de la République
sont les communes, les départements, les territoires d'outre-mer. Toute autre collectivité territoriale
est créée par la loi" ; que selon le deuxième alinéa du même article "ces collectivités s'administrent
librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi" ;
26. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'organe délibérant d'une collectivité
territoriale de la République ne peut procéder que d'une élection effectuée au suffrage universel ;
que le Sénat doit, dans la mesure où il assure la représentation des collectivités territoriales de la
République, être élu par un corps électoral qui est lui-même l'émanation de ces collectivités ; qu'il
s'ensuit que la désignation des conseillers municipaux a une incidence sur l'élection des sénateurs ;
qu'en sa qualité d'assemblée parlementaire le Sénat participe à l'exercice de la souveraineté nationale

13/17
Travaux Dirigés - Licence 1 Semestre 1 Groupe 1
Introduction du droit public
2024-2025

; que, dès lors, le quatrième alinéa de l'article 3 de la Constitution implique que seuls les "nationaux
français" ont le droit de vote et d'éligibilité aux élections effectuées pour la désignation de l'organe
délibérant d'une collectivité territoriale de la République et notamment pour celle des conseillers
municipaux ou des membres du Conseil de Paris ;
27. Considérant, qu'en l'état, l'article 8 B, paragraphe 1, ajouté au traité instituant la
Communauté européenne par l'article G de l'engagement international soumis au Conseil
constitutionnel, est contraire à la Constitution ;
En ce qui concerne la reconnaissance du droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement
européen : […]
32. Considérant que le Parlement européen a pour fondement juridique, non les termes de la
Constitution de 1958, mais des engagements internationaux souscrits, sur une base de réciprocité,
dans le cadre des dispositions de valeur constitutionnelle mentionnées précédemment ; qu'au
demeurant, selon l'article E du traité sur l'Union européenne, le Parlement européen exerce ses
attributions dans les conditions et aux fins prévues, d'une part, par les dispositions des traités
instituant les Communautés européennes et des traités et actes subséquents qui les ont modifiés et
complétés et, d'autre part, par les autres stipulations du traité sur l'Union européenne ; que le
principe ainsi posé trouve son illustration dans les modifications apportées à l'article 4 du traité
instituant la Communauté européenne, à l'article 7 du traité instituant la Communauté européenne
du charbon et de l'acier et à l'article 3 du traité instituant la Communauté européenne de l'énergie
atomique, respectivement par les articles G, H et I du traité sur l'Union européenne ; qu'il est stipulé
que le Parlement européen, à l'instar des autres institutions communautaires, agit "dans les limites
des attributions qui lui sont conférées" par chacun des traités précités ;
33. Considérant qu'il suit de là que la reconnaissance au profit de tout citoyen de l'Union
européenne, sur une base de réciprocité, du droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement
européen dans un État membre de la Communauté européenne où il réside, sans en être
ressortissant, ne contrevient pas à l'article 3 de la Constitution ;
34. Considérant au surplus que le traité sur l'Union européenne, n'a pas pour conséquence de
modifier la nature juridique du Parlement européen ; que ce dernier ne constitue pas une assemblée
souveraine dotée d'une compétence générale et qui aurait vocation à concourir à l'exercice de la
souveraineté nationale ; que le Parlement européen appartient à un ordre juridique propre qui, bien
que se trouvant intégré au système juridique des différents Etats membres des Communautés,
n'appartient pas à l'ordre institutionnel de la République française ;
35. Considérant, dans ces conditions, que le paragraphe 2 de l'article 8 B ajouté au traité
instituant la Communauté européenne par l'article G du traité sur l'Union européenne n'est
contraire à aucune règle non plus qu'à aucun principe de valeur constitutionnelle ; […]
Décide :
Article premier : L'autorisation de ratifier en vertu d'une loi le traité sur l'Union européenne ne
peut intervenir qu'après révision de la Constitution.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au Président de la République et publiée au Journal
officiel de la République française.

14/17
Travaux Dirigés - Licence 1 Semestre 1 Groupe 1
Introduction du droit public
2024-2025

Document 10 : CC, 31 décembre 1997, n° 97-394, Traité d’Amsterdam modifiant le Traité


sur l’Union européenne

- SUR LES NORMES DE REFERENCE APPLICABLES :

1. Considérant que le peuple français a, par le préambule de la Constitution de 1958, proclamé


solennellement " son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté
nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le
préambule de la Constitution de 1946 " ;
2. Considérant que, dans son article 3, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
énonce que " le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation " ; que l'article
3 de la Constitution de 1958 dispose, dans son premier alinéa, que " la souveraineté nationale
appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum " ;
3. Considérant que le préambule de la Constitution de 1946 proclame, dans son quatorzième
alinéa, que la République française se " conforme aux règles du droit public international " et, dans
son quinzième alinéa, que " sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de
souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix " ;
4. Considérant que, dans son article 53, la Constitution de 1958 consacre, comme le faisait
l'article 27 de la Constitution de 1946, l'existence de " traités ou accords relatifs à l'organisation
internationale " ; que ces traités ou accords ne peuvent être ratifiés ou approuvés par le Président
de la République qu'en vertu d'une loi ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 88-1, résultant de la loi constitutionnelle du 25 juin
1992 : "La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne,
constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instaurées, d'exercer en
commun certaines de leurs compétences" ;
6. Considérant qu'il résulte de ces textes de valeur constitutionnelle que le respect de la
souveraineté nationale ne fait pas obstacle à ce que, sur le fondement des dispositions précitées du
préambule de la Constitution de 1946, la France puisse conclure , sous réserve de réciprocité, des
engagements internationaux en vue de participer à la création ou au développement d'une
organisation internationale permanente, dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs
de décision par l'effet de transferts de compétences consentis par les Etats membres ;
7. Considérant, toutefois, qu'au cas où des engagements internationaux souscrits à cette fin
contiennent une clause contraire à la Constitution ou portent atteinte aux conditions essentielles
d'exercice de la souveraineté nationale, l'autorisation de les ratifier appelle une révision
constitutionnelle ;
8. Considérant que c'est au regard de ces principes qu'il revient au Conseil constitutionnel de
procéder à l'examen du traité signé à Amsterdam le 2 octobre 1997 ;

- SUR LES MESURES RELATIVES AUX VISAS, A L'ASILE ET A LA LIBRE


CIRCULATION DES PERSONNES :

[…] En ce qui concerne les mesures relatives à l'asile, à l'immigration et au franchissement des
frontières intérieures des Etats membres :

15/17
Travaux Dirigés - Licence 1 Semestre 1 Groupe 1
Introduction du droit public
2024-2025

21. Considérant que les premier et troisième paragraphes de l'article 73 J et l'article 73 K


prévoient, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, des transferts de compétences au profit de la Communauté
dans les domaines de l'asile, de l'immigration et du franchissement des frontières intérieures qui
intéressent l'exercice de la souveraineté nationale et n'entrent pas dans le champ de l'habilitation
prévue par l'article 88-2 de la Constitution ;
22. Considérant, il est vrai, que, s'agissant de domaines ne relevant pas de la compétence
exclusive de la Communauté, le respect du principe de subsidiarité, énoncé par l'article 3 B du traité
instituant la Communauté européenne et dont les conditions de mise en oeuvre sont précisées par
un protocole annexé au traité d'Amsterdam, implique que la Communauté n'intervient que si, et
dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière
suffisante par les Etats membres ; que, toutefois, la seule mise en oeuvre de ce principe pourrait ne
pas faire obstacle à ce que les transferts de compétence autorisés par le traité soumis à l'examen du
Conseil constitutionnel revêtent une ampleur et interviennent selon des modalités telles que
puissent être affectées les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ;
23. Considérant que les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ne seront
pas affectées pendant la période transitoire de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur du traité,
au cours de laquelle, en application du premier paragraphe de l'article 73 O, les décisions du Conseil
seront prises à l'unanimité et où les Etats membres conserveront le pouvoir d'initiative ;
24. Considérant, en revanche, qu'au terme de cette période transitoire, en vertu du deuxième
paragraphe de l'article 73 O, le Conseil statue sur proposition de la seule Commission, les Etats
membres perdant ainsi le pouvoir d'initiative ; que, surtout, sur simple décision du Conseil prise à
l'unanimité, l'ensemble des mesures intervenant dans les domaines précités, ou certaines d'entre
elles, pourront être prises à la majorité qualifiée selon la procédure dite de " codécision " prévue
par l'article 189 B du traité instituant la Communauté européenne ; qu'un tel passage de la règle de
l'unanimité à celle de la majorité qualifiée et à la procédure de " codécision " ne nécessitera, le
moment venu, aucun acte de ratification ou d'approbation nationale, et ne pourra ainsi pas faire
l'objet d'un contrôle de constitutionnalité sur le fondement de l'article 54 ou de l'article 61, alinéa
2, de la Constitution ;
25. Considérant que, dans ces conditions, et nonobstant les dispositions de l'avant-dernier
alinéa de l'article 73 K, l'application des dispositions du deuxième paragraphe de l'article 73 O
pourrait conduire à ce que se trouvent affectées les conditions essentielles d'exercice de la
souveraineté nationale ;
26. Considérant qu'il suit de là que doivent être déclarées contraires à la Constitution les
dispositions du deuxième paragraphe de l'article 73 O, ajouté au traité instituant la Communauté
européenne par l'article 2 du traité d'Amsterdam, en tant qu'elles s'appliquent aux mesures prévues
par les premier et troisième paragraphe de l'article 73 J et par l'article 73 K du traité instituant la
Communauté européenne ;

En ce qui concerne les mesures relatives au franchissement des frontières extérieures des Etats
membres :

27. Considérant que, dans sa décision du 2 septembre 1992, le Conseil constitutionnel a déclaré
conformes à la Constitution, et notamment à son article 88-2, les stipulations de l'article 100 C du
traité instituant la Communauté européenne relatives à la liste des pays tiers dont les ressortissants

16/17
Travaux Dirigés - Licence 1 Semestre 1 Groupe 1
Introduction du droit public
2024-2025

sont soumis à obligation de visa et relatives à l'instauration d'un modèle type de visa ; que l'autorité
qui s'attache à la chose jugée par le Conseil constitutionnel s'oppose à ce que soient remises en
cause les dispositions du troisième paragraphe de l'article 73 O qui se bornent à reprendre les règles
de décision prévues par l'article 100 C précité ;
28. Considérant, en revanche, que le passage automatique à la règle de la majorité qualifiée et à
la procédure de " codécision ", au terme d'une période de cinq ans après l'entrée en vigueur du
traité d'Amsterdam, pour la détermination des procédures et conditions de délivrance des visas de
court séjour par les Etats membres et des règles applicables en matière de visa uniforme, prévu par
le quatrième paragraphe de l'article 73 O, constitue, au regard du traité sur l'Union européenne,
une modalité nouvelle de transfert de compétences dans des domaines où est en cause la
souveraineté nationale ; que le passage de la règle de l'unanimité à celle de la majorité qualifiée et à
la procédure de " codécision ", dans de telles matières, pourrait conduire à ce que se trouvent
affectées les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ;
29. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le quatrième paragraphe de l'article 73 O,
ajouté au traité instituant la Communauté européenne par l'article 2 du traité d'Amsterdam, doit
être déclaré contraire à la Constitution ;
30. Considérant, enfin, que le passage à la majorité qualifiée et à la procédure de " codécision
", sur simple décision du Conseil, selon la procédure prévue au deuxième paragraphe de l'article 73
O, s'agissant des mesures visées au a) du deuxième paragraphe de l'article 73 J, qui fixent les "
normes et modalités auxquelles doivent se conformer les Etats membres pour effectuer les
contrôles des personnes aux frontières extérieures ", porte atteinte, pour les motifs ci-dessus
énoncés, aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ; qu'il y a lieu, dès lors,
de déclarer contraires à la Constitution les dispositions du deuxième paragraphe de l'article 73 O
en tant qu'elles s'appliquent aux mesures prévues par le a) du deuxième paragraphe de l'article 73 J
; […]

Décide :
Article premier : L'autorisation de ratifier en vertu d'une loi le traité d'Amsterdam ne peut
intervenir qu'après révision de la Constitution.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au Président de la République, ainsi qu'au Premier
ministre, et publiée au Journal officiel de la République française.

17/17

Vous aimerez peut-être aussi