Tomographie Par Cohérence Optique (OCT) Et PEV en Neuro-Ophtalmologie 2 Cas Cliniques

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Journal français d’ophtalmologie (2012) 35, 454—466

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

ENTRETIENS ANNUELS D’OPHTALMOLOGIE / Neuro-ophtalmologie

Tomographie par cohérence optique (OCT) en


neuro-ophtalmologie夽
Optical coherence tomography in neuro-ophthalmology

T. Garcia , A. Tourbah , É. Setrouk , A. Ducasse ,


C. Arndt ∗

Service d’ophtalmologie, hôpital Robert-Debré, CHU de Reims, avenue du Général-Koenig,


51092 Reims cedex, France

Reçu le 19 septembre 2010 ; accepté le 22 février 2012


Disponible sur Internet le 5 juin 2012

MOTS CLÉS Résumé


Tomographie par Introduction. — La tomographie par cohérence optique (OCT) représente un outil potentiel dans
cohérence optique ; le diagnostic et le suivi des maladies du nerf optique et des voies visuelles antérieures pré-
Neuropathie géniculées. Elle permet une analyse quantitative, objective et reproductible de l’épaisseur
optique ; moyenne de la couche des fibres ganglionnaires péripapillaires. L’utilité de l’OCT en pratique
Épaisseur des fibres neuro-ophtalmologique a été évaluée à travers une revue de la littérature.
ganglionnaires Matériels et méthodes. — Une analyse des différentes applications cliniques de la mesure de
rétiniennes l’épaisseur de la couche des fibres ganglionnaires (OCT par analyse temporelle) a été réalisée.
La sélection des publications est basée sur le moteur de recherche PubMed avec les mots
clés : « neuropathie optique », « épaisseur des fibres ganglionnaires rétiniennes », « OCT ». Les
publications concernant la neuropathie glaucomateuse ont été exclues de cette revue.
Résultats. — Les atteintes des voies visuelles antérieures prégéniculées peuvent être classées
dans deux catégories, selon l’évolution de l’épaisseur de la couche des fibres ganglionnaires
péripapillaires : (I) une diminution progressive vers l’atrophie (ex. : névrites optiques, compres-
sion chiasmatique) ou (II) une augmentation initiale suivie d’une diminution soit (IIa) vers
une normalisation (ex. : œdème papillaire de l’hypertension intracrânienne idiopathique) soit
(IIb) vers l’atrophie (ex. : neuropathie optique ischémique antérieure, neuropathie optique
héréditaire de Leber).
Discussion. — Selon le type d’atteinte des voies visuelles antérieures, l’OCT apporte des données
diagnostiques, évolutives et pronostiques. Comme en pathologie maculaire, l’OCT est devenu
un outil de routine en neuro-ophtalmologie.
© 2012 Publié par Elsevier Masson SAS.

夽 Entretiens annuels d’ophtalmologie, mai 2009, 115e congrès de la Société française d’ophtalmologie, Paris.
∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (C. Arndt).

0181-5512/$ — see front matter © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS.
doi:10.1016/j.jfo.2012.02.002
Tomographie par coherence optique (OCT) en neuro-ophtalmologie 455

KEYWORDS Summary
Optical coherence Introduction. — Optical coherence tomography (OCT) is a potential tool for diagnosis and follow-
tomography; up in diseases of the anterior visual pathway in that it provides a reproducible and reliable
Optic neuropathy; quantification of retinal nerve fiber layer (RNFL) thickness. A review of the literature was
Retinal nerve fiber conducted to define the utility of OCT in neuro-ophthalmology.
layer thickness Materials and methods. — The clinical applications of RNFL thickness measurement by OCT time
domain were analyzed. The PubMed search engine enabled us to select the relevant publica-
tions, using the following keywords: ‘‘optic neuropathy’’, ‘‘retinal nerve fiber layer thickness’’,
and ‘‘optical coherence tomography’’. Publications concerning glaucoma were excluded from
this review.
Results. — The course of RNFL thickness depends on the underlying disease: (I) progressive
reduction toward atrophy (e.g., optic neuritis, chiasmal compression) or (II) initial increase in
RNFL thickness followed by a reduction toward (IIa) normalization (papilledema) or (IIb) atrophy
(anterior ischemic optic neuropathy, Leber hereditary optic neuropathy).
Discussion. — Depending on the type of anterior visual pathway impairment, OCT provides RNFL
data relevant for diagnosis, follow-up, and prognosis. As in macular disease, OCT has become
an important clinical tool for routine disease assessment in neuro-ophthalmology.
© 2012 Published by Elsevier Masson SAS.

Introduction : atrophie et œdème relle (time domain), le caractère relativement récent de


l’analyse spectrale par décomposition de Fourier (spectral
La pathologie du nerf optique, en dehors du glaucome, domain) limitant le nombre de publications disponibles. Les
se manifeste essentiellement par deux signes ophtal- publications concernant la neuropathie glaucomateuse ont
moscopiques : l’atrophie et l’œdème. De nombreuses été exclues de cette revue. Les pathologies caractéristiques
méthodes d’exploration et de documentation des neuropa- sont illustrées par des cas cliniques de la consultation de
thies optiques (NO) ont été utilisées pour documenter ces neuro-ophtalmologie du service d’ophtalmologie (CHU de
deux signes ophtalmoscopiques : les dessins, les clichés cou- Reims) avec des images OCT Stratus (ZEISS, États-Unis) uti-
leurs, monochromatiques et angiographiques. lisant une analyse temporelle (time domain).
La tomographie par cohérence optique (OCT), basée
sur une analyse en interférométrie, représente une étape
essentielle dans la documentation à la fois qualitative Résultats
et quantitative des modifications de la tête du nerf
optique puis qu’elle permet une évaluation quantitative de Dans cette recherche, l’épaisseur moyenne de la couche
l’atteinte de la couche des fibres ganglionnaires rétiniennes. des fibres ganglionnaires est le paramètre constamment
Cette couche rétinienne est constituée d’axones non myé- retrouvé. Il s’agit de la moyenne de toutes les valeurs
linisés (la myélinisation s’arrête à la partie postérieure de d’épaisseur mesurées dans une zone annulaire péripapillaire
la lame criblée). L’OCT permet de quantifier une diminution prédéfinie. Dans certaines publications, le volume maculaire
de l’épaisseur liée à l’atrophie par perte axonale ou une a également été évalué.
augmentation liée à l’œdème. Cette revue a pour objectif Selon les différentes études rapportées, deux évolutions
d’illustrer l’intérêt de cette quantification de l’épaisseur différentes de l’épaisseur moyenne de la couche des cellules
dans l’exploration des pathologies du nerf optique et des ganglionnaires sont retrouvées :
voies visuelles antérieures. • une épaisseur de la couche des fibres ganglionnaires ini-
tialement normale, suivie d’une diminution progressive ;
• une augmentation de l’épaisseur de la couche des fibres
Matériel et méthodes : analyse ganglionnaires.
bibliographique
Diminution progressive de la couche des
Une revue de la littérature sur les applications de l’OCT
cellules ganglionnaires (évolution vers
dans les neuropathies optiques a été réalisée. Le moteur
de recherche PubMed a été appliqué aux mots clés « optic l’atrophie)
neuropathy », « optical coherence tomography », « retinal
nerve fiber layer ». Les études d’exploration des différentes
Pathologies inflammatoires : la sclérose en plaques
pathologies du nerf optique ont été classées en fonction des (cas clinique 1)
résultats initiaux de l’exploration en OCT. La sclérose en plaques (SEP) étant la première étiologie de
Parmi les deux modes d’analyse interférométrique uti- neuropathie optique, l’étude de l’épaisseur de la couche des
lisés, la recherche bibliographique s’est volontairement fibres ganglionnaires par OCT a fait l’objet de nombreuses
limitée sur les résultats obtenus avec une analyse tempo- publications [1,2] (Fig. 1—4). Au stade initial de névrite
456 T. Garcia et al.

Figure 1. Cas clinique 1. Une femme de 49 ans atteinte d’une sclérose en plaques évoluant depuis 14 ans sous natalizumab (TYSABRI® )
consulte pour une douleur à la mobilisation du globe oculaire droit suivie d’une baisse d’acuité visuelle et d’un scotome central. L’acuité est
diminuée à 1/10, supérieure à P14 avec présence d’un déficit pupillaire afférent relatif. Le fond d’œil est normal. L’analyse de l’épaisseur
de la couche des fibres ganglionnaires par tomographie en cohérence optique objective des valeurs dans les limites de la normale.

optique, l’épaisseur des fibres ganglionnaires est dans les les valeurs sont comprises entre 82,73 et 99,8 ␮m (valeurs
limites de la normale, puis elle diminue à partir de deux normales : 102,9 à 111,1 ␮m) [5]. Ainsi, la perte axonale
mois et se stabilise entre six et 12 mois [3,4]. est souvent présente dans les deux yeux même si la
Après stabilisation de l’évolution, dans l’œil atteint névrite optique symptomatique touche un œil seulement.
d’un épisode de névrite optique, les valeurs de l’épaisseur L’importance de cette perte en fibres ganglionnaires doit
moyenne de la couche des fibres ganglionnaires sont être nuancée selon la forme évolutive de SEP dans laquelle
comprises entre 59,75 et 85 ␮m. Dans l’œil controlatéral, survient la névrite optique.

Figure 2. Cas clinique 1. Les potentiels évoqués visuels sont altérés à droite.
Tomographie par coherence optique (OCT) en neuro-ophtalmologie 457

Figure 3. Cas clinique 1. Après l’instauration des bolus de corticoïdes, la patiente récupère progressivement son acuité visuelle qui à
quatre mois est remontée à 5/10 P5. Au fond œil, il existe une pâleur temporale bien corrélée à une perte axonale constatée à la tomographie
en cohérence optique (OCT). L’OCT révèle la séquelle alors que les potentiels évoqués visuels peuvent se normaliser à distance.

Dans l’œil atteint de névrite optique inaugurale, progressives, caractérisées par une évolution continuelle
l’épaisseur de la couche des fibres ganglionnaires se stabi- vers un handicap neurologique sévère, la perte axonale est
lise en moyenne à 58,1 ␮m, elle est en moyenne à 101,2 dans encore plus importante dans l’œil atteint de névrite optique
l’œil controlatéral. En cas de névrite optique survenant dans (39,5 ␮m en moyenne), mais touche aussi l’œil controlatéral
le cadre d’une SEP connue évoluant par poussées (forme (83,4 ␮m en moyenne) [6]. Cette perte en fibres ganglion-
rémittente), la perte axonale est plus importante dans l’œil naires, qui prédomine dans le quadrant temporal [3] [7], a
atteint (48,2 ␮m en moyenne) par rapport à l’œil controlaté- été le premier modèle clinique démontrant la coexistence
ral (103,7 ␮m en moyenne). Dans les formes secondairement de perte axonale et de lésions déméylinisantes dans la SEP.

Figure 4. Cas clinique 1. Le potentiel évoqué visuel par damier (15 minutes) est toujours altéré à droite (OD) et normal à gauche (OG).
458 T. Garcia et al.

D’autres paramètres de l’OCT ont été étudiés dans la un pithiatisme). Ainsi, en début d’évolution de la mala-
SEP : une diminution du volume maculaire qui est corré- die, l’OCT est moins sensible que les PEV pour détecter les
lée à la perte axonale [8] [9] et le rapport entre épaisseur neuropathies optiques cliniques et infra-cliniques [13].
maculaire centrale et périphérique qui est un indicateur de À distance de la poussée :
l’ancienneté de l’affection [10]. De plus, dans la SEP, la • il n’existe pas de corrélation entre l’épaisseur de la
perte en fibres ganglionnaires pourrait être un reflet assez couche des fibres ganglionnaires à l’OCT (marqueur de
fidèle de la perte axonale globale, oculaire et extraocu- perte axonale) et la latence de l’onde P100 (marqueur
laire. En effet, en début d’évolution de la maladie, il existe de démyélinisation) [14]. Dans les névrites optiques,
une corrélation entre la diminution en fibres ganglionnaires l’augmentation du rapport cup/disc est inversement pro-
rétiniennes et le handicap neurologique évalué par échelle portionnelle à la diminution de l’acuité visuelle et la
Expanded Disability Status Scale (EDSS) [11] qui représente diminution de l’épaisseur de la couche des fibres ganglion-
la perte axonale globale liée à la SEP. Il existe également naires [15] ;
un lien entre la perte en fibres ganglionnaires et l’atrophie • il existe une corrélation entre l’épaisseur de la couche des
cérébrale [12]. La place de l’étude de l’épaisseur de la fibres ganglionnaires à l’OCT (marqueur morphologique de
couche en fibres ganglionnaires rétiniennes par OCT dépasse perte axonale) et l’acuité visuelle (la perte d’une ligne
le cadre de la seule névrite optique et apparaît initialement d’acuité visuelle correspond à une diminution moyenne
comme un bon marqueur de la perte axonale globale dans de 5,4 ␮m en épaisseur) [16], l’électrorétinogramme par
la SEP et donc de la sévérité de la maladie. damier ou le réflexe photomoteur (marqueur fonctionnel
Enfin, il existe une corrélation entre les données de l’OCT de perte axonale) [17,18].
et certaines données morphologiques et fonctionnelles de la
vision.
Au stade initial de la névrite optique, alors que Pathologies dégénératives : la neuromyélite
l’épaisseur moyenne de la couche des fibres ganglionnaires optique (NMO) ou maladie de Devic (cas clinique 2)
est souvent normal, le PEV (et l’IRM quand il est accessible Dans la maladie de Devic, à la différence de la SEP, la
rapidement) est plus performant pour objectiver l’atteinte neuropathie optique est grave et s’associe à des lésions
du nerf optique (permettant en cas de doute d’éliminer médullaires sans atteinte encéphalique (Fig. 5). À l’OCT,

Figure 5. Cas clinique 2. Une patiente de 82 ans consulte pour une baisse d’acuité visuelle de l’œil gauche (pas de perception lumineuse).
L’acuité visuelle de l’œil droit est limitée à une perception lumineuse en raison d’une névrite optique rétrobulbaire cinq ans avant l’épisode
actuel. Il existe une atteinte médullaire associée. Les pupilles sont en semi-mydriase aréfléxique. Au fond d’œil, la papille est atrophique
à droite et d’allure normale à gauche. Il s’agit d’une neuromyélite optique ou maladie de Devic confirmée par la présence d’anticorps
anti-neuromyélite optique. La tomographie en cohérence optique à distance de la poussée révèle l’importante perte axonale.
Tomographie par coherence optique (OCT) en neuro-ophtalmologie 459

l’importante diminution de l’épaisseur de la couche des


fibres ganglionnaires témoigne d’une atrophie plus sévère
et diffuse que celle observée dans la SEP, essentiellement
dans les quadrants supérieurs et inférieurs [19,20]. Comme
dans la SEP, il existe une corrélation entre l’épaisseur de la
couche des fibres ganglionnaires et le handicap neurologique
global évalué par le score EDSS [21]. L’OCT permet ainsi
d’apporter des arguments morphologiques dans le diagnos-
tic différentiel entre une maladie de Devic et une SEP. Dans
une étude comparative, l’épaisseur moyenne est de 63,6 ␮m
dans la maladie de Devic, alors qu’elle est de 88,3 ␮m dans
la SEP (102 ␮m dans le groupe de patients atteints de SEP
sur un œil sans histoire de neuropathie optique) [22]. La
perte moyenne de l’épaisseur de la couche des fibres gan-
glionnaires est de 15 ␮m chez un patient atteint de SEP
alors qu’elle est de 39 ␮m dans le cas de la maladie de
Devic [22].

Pathologies tumorales : tumeur hypophysaire (cas


Figure 6. Cas clinique 3. Une patiente de 84 ans est adressée
clinique 3)
pour bilan ophtalmologique d’un macro-adénome hypophysaire (X)
La compression des voies visuelles engendrée par un adé- d’expansion suprasellaire comprimant le chiasma optique à l’IRM
nome hypophysaire provoque une perte axonale mesurable (coupe sagittale T1).
à l’OCT (Fig. 6—8). L’importance de cette perte axonale per-
met de prévoir la récupération de l’acuité visuelle et du Autres neuropathies optiques héréditaires
champ visuel après chirurgie pour adénome hypophysaire Dans l’expérience clinique des auteurs, l’OCT est également
[23]. La récupération postopératoire est significativement utile dans l’évaluation morphologique des neuropathies
meilleure si l’épaisseur préopératoire est supérieure à optiques rencontrées dans d’autres pathologies héréditaires
85 ␮m [24]. comme les neuropathies optiques récessives et la maladie de
Wolfram.
Pathologies héréditaires
Atrophie optique dominante (AOD) ou maladie de Kjer Augmentation initiale avec diminution
(cas clinique 4) progressive
Dans l’atrophie optique dominante AOD, il existe une pâleur
papillaire bilatérale le plus souvent symétrique (Fig. 9). La Certaines pathologies du nerf optique se présentent initia-
diminution de l’épaisseur de la couche des fibres à l’OCT lement avec un œdème papillaire qui est suivi, selon les
prédomine dans la partie temporale [25]. cas :

Figure 7. Cas clinique 3. L’acuité visuelle est diminuée à 1,6/10 à droite et 4/10 à gauche avec une pâleur papillaire bilatérale au fond
œil. Le champ visuel central retrouve une hémianopsie bitemporale.
460 T. Garcia et al.

Figure 8. Cas clinique 3. La tomographie en cohérence optique mesure une épaisseur en fibres ganglionnaires à 64,88 ␮m à droite et
74,89 ␮m à gauche. Devant la diminution importante de l’épaisseur de la couche des fibres ganglionnaires de mauvais pronostic, l’indication
chirurgicale n’est pas retenue.

• d’une normalisation ; Faux-œdème : neuropathie optique héréditaire de


• ou d’une évolution vers l’atrophie optique. leber (NOHL) (cas clinique 7)
L’œdème papillaire entraîne une augmentation de La NOHL associe à la phase aiguë de la déclara-
l’épaisseur de la couche des fibres ganglionnaires qui peut tion de la maladie une triade associant des télan-
être quantifiée à l’OCT. Tout œdème dont la cause n’est pas giectasies péripapillaires, une tortuosité des vaisseaux
accessible au traitement va progressivement évoluer vers rétiniens et un pseudo-œdème papillaire (Fig. 14—17).
l’atrophie et l’OCT permet de suivre cette diminution de En quelques mois (six mois au maximum), une atro-
l’épaisseur. phie optique diffuse s’installe, sans excavation papillaire
[29,30].

L’hypertension intra-crânienne idiopathique (cas


clinique 5) Limites de l’examen
L’œdème papillaire rencontré dans l’hypertension intracrâ-
nienne [26] peut être responsable de la détérioration de la L’âge
fonction visuelle et de l’évolution vers l’atrophie optique. Dans la base de données de l’OCT Stratus, les
L’intérêt d’un suivi OCT réside dans la documentation de valeurs normales ne s’appliquent qu’aux patients de
cette évolution [27] (Fig. 10—12). plus de 18 ans. En pratique, les normes de l’adulte
sont utilisées en modifiant la date de naissance des
La neuropathie optique ischémique antérieure enfants.
(NOIA) (cas clinique 6)
Au stade initial d’une neuropathie optique ischémique anté-
rieure, il existe un œdème papillaire le plus souvent diffus Les variations morphologiques
(Fig. 13). L’évolution se fait vers l’atrophie optique par- L’OCT de la couche des fibres ganglionnaires n’est pas réa-
tielle (le plus souvent en supérieur) ou complète. Cette lisable en cas d’anomalies papillaires importantes (atrophie
atrophie atteint un plateau après une évolution de six mois péripapillaire du myope, staphylome papillaire, malforma-
en moyenne [28]. tions congénitales).
Tomographie par coherence optique (OCT) en neuro-ophtalmologie 461

Figure 9. Cas clinique 4. Une fille de dix ans consulte pour baisse d’acuité visuelle et trouble de la vision des couleurs. À l’examen, il
existe une baisse d’acuité visuelle à 5/10 P3 à droite, 5/10 P2 à gauche et une dyschromatopsie d’axe jaune-bleu. L’examen du fond d’oeil
retrouve une pâleur papillaire corrélée à une atteinte de la couche des fibres ganglionnaires à l’OCT. À l’interrogatoire, sa mère rapporte
également un trouble de la vision des couleurs. L’acuité visuelle est à 5/10 P2 au niveau des deux yeux. Il s’y associe une dyschromatopsie
d’axe bleu-jaune, une pâleur papillaire et une diminution de l’épaisseur de la couche des fibres ganglionnaires. Une enquête génétique
à partir du cas index est proposée. La baisse d’acuité visuelle, les anomalies de la vision des couleurs et la diminution de l’épaisseur des
fibres ganglionnaires à la tomographie en cohérence optique sont retrouvées à un degré variable chez plusieurs membres de la famille.

Les troubles des milieux Discussion


La lumière infrarouge doit traverser les milieux transparents
de l’œil pour atteindre la papille. En cas de dystrophie cor- Comme dans la pathologie maculaire, l’OCT est un
néenne, de cataracte, d’opacité vitréenne, il existe une outil qui contribue incontestablement à une meilleure
diminution du signal. prise en charge à la fois diagnostique et thérapeutique
des maladies du nerf optique et des voies visuelles.

Figure 10. Cas clinique 5. Une patiente de 18 ans est adressée pour céphalées associées à une diplopie binoculaire horizontale sans baisse
d’acuité visuelle. À l’examen, il existe une paralysie du nerf crânien abducteur (VI) gauche et un oedème papillaire bilatéral au fond œil.
Il n’existe pas de déficit campimétrique.
462 T. Garcia et al.

Figure 11. Cas clinique 5. La turgescence de la couche des fibres ganglionnaires péripapillaires est objectivée par tomographie en
cohérence optique. L’imagerie cérébrale ne retrouve aucune anomalie notable. La pression d’ouverture du liquide céphalorachidien (LCR)
est de 50 cm d’H2O. La patiente est placée sous acétazolamide (DIAMOX® ).

Figure 12. Cas clinique 5. Après deux mois, elle ne présente plus aucun signe fonctionnel. Les papilles sont bien délimitées au fond d’œil
et l’OCT s’est normalisée. La tomographie en cohérence optique peut être utile dans le suivi de tout œdème quelque soit sa cause.
Tomographie par coherence optique (OCT) en neuro-ophtalmologie 463

Figure 13. Cas clinique 6. Un homme de 77 ans, hypertendu, est accueilli aux urgences pour une baisse d’acuité visuelle progressive de
l’oeil gauche. L’acuité visuelle est à 3/10 P6 lent à droite et 1,6/10 P14 lent à gauche. Il existe une cataracte bilatérale. Au fond d’oeil, il
existe un œdème papillaire bilatéral avec des vaisseaux tortueux. La tomographie en cohérence optique (OCT) montre un épaississement
de la couche des fibres ganglionnaires péripapillaires à droite comme à gauche. La biologie, l’IRM et la ponction lombaire sont normales. Un
mois après il se plaint d’une baisse d’acuité visuelle de l’œil droit à 2/10 P10 avec un œdème papillaire au fond d’oeil. À droite, la papille
est atrophique. L’OCT corrobore l’aspect des papilles au fond d’œil. Au total le patient a présenté une NOIA non artéritique bilatérale.
L’évolution des papilles et de la couche des fibres ganglionnaires à l’OCT s’effectue vers l’atrophie.

Figure 14. Cas clinique 7. Une jeune fille de dix ans consulte pour une baisse d’acuité visuelle progressive de l’œil droit sur quatre mois.
L’acuité est inférieure à 1/20 à l’œil droit contre 10/10 à l’œil gauche. Au fond d’œil à droite comme à gauche, un flou des bords papillaires
associé à des télangiectasies péri-papillaires est notée.
464 T. Garcia et al.

Figure 15. Cas clinique 7. À la tomographie en cohérence optique, la turgescence de la couche des fibres ganglionnaires péripapillaires
est visualisée. La patiente consulte à nouveau deux mois après la première consultation pour une baisse d’acuité visuelle de l’œil gauche.
Il s’installe une baisse d’acuité visuelle associée à une atrophie optique en voie de constitution au fond d’œil.

Figure 16. Cas clinique 7. Au fond d’œil, l’évolution se fait vers l’atrophie.

Cette revue de la littérature illustre les multiples indi- Malgré l’énorme utilité de l’OCT en neuro-
cations en neuro-ophtalmologie, même s’il existe des ophtalmologie, il faut toujours garder à l’esprit qu’une
limitations à son utilisation. L’OCT mesure l’épaisseur analyse du nerf optique ne saurait être limitée aux
des fibres des nerfs de la rétine afin d’en évaluer la seules données de l’épaisseur de la couche des fibres
perte axonale [31] traduisant la dégénérescence wallé- ganglionnaires. Les résultats de l’OCT doivent toujours
rienne ou, une augmentation de la couche des fibres être interprétés à la lumière de l’examen du fond d’œil
ganglionnaires liée à la turgescence axonale en rap- et des données fonctionnelles (acuité visuelle, champ
port avec un ralentissement du transport axoplasmique visuel, électrorétinogramme par damier, potentiels évoqués
orthograde. visuels).
Tomographie par coherence optique (OCT) en neuro-ophtalmologie 465

Figure 17. Cas clinique 7. Il existe une diminution bilatérale de l’épaisseur de la couche des fibres ganglionnaires avec un œdème péri-
papillaire résiduel à gauche. La mutation m.3460G>A de l’ADN mitochondrial retrouvée confirme le diagnostic de neuropathie optique
héréditaire de Leber sur le plan moléculaire.

Déclaration d’intérêts [8] Burkholder BM, Osborne B, Loguidice MJ, Bisker E, Frohman TC,
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