Collections Et Collectionneurs de Fossiles en Normandie

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Université de Reims Champagne-Ardenne

Parcours Archéologie des Géomatériaux et du Patrimoine

Année 2020-2021
Mémoire de Master 2 AGP

Collections et collectionneurs de fossiles en Normandie


Approches pluridisciplinaires

Lucie Plançon

Croquis et fossile de Max Bülow, 1978. (Photographie Lucie Plançon, 2021)

Sous la direction de : Éric Buffetaut, Laurent Picot et Céline Schneider

Soutenue en Septembre 2021


Collections et collectionneurs de fossiles en Normandie.
Approches pluridisciplinaires.

Lucie Plançon

2020-2021

Laurent Picot Eric Buffetaut Céline Schneider


PALEOSPACE CNRS LG ENS URCA UFR SEN

Villers-sur-Mer, Calvados Paris Reims, Champagne-Ardenne


A la mémoire des collectionneurs disparus et oubliés,

et à vous la famille des grands curieux, qui dans le sillage de nos prédécesseurs,

créent les collections des musées de demain.


Remerciements

En août 1991, la veille de leur mariage, Patrice et Marysa se sont rendus pour la
première fois à Villers-sur-Mer, s’éloignant des préparatifs des futurs mariés pour chercher des
fossiles dans les falaises des Vaches Noires. Dès lors, ils n’ont cessé d’y revenir chaque année,
cela depuis 30 ans, accompagnés au fur et à mesure de leurs trois filles pour lesquelles les
fossiles guidaient leurs premiers pas. Aujourd’hui, après 25 ans, j’ai la chance d’y faire mon
stage de fin d’étude, d’y vivre pendant 6 mois.

Je tiens à remercier Eric Buffetaut mon directeur de mémoire, qui après deux ans d’échanges
qui furent animés et des mails équivalents à des recueils, m’a permis d’en arriver ici. Un sujet
si vaste et passionnant qui nous a permis de débattre, échanger, partager et émettre des
réflexions qui ont abouti à ce travail.

Mes remerciements vont également à Laurent Picot mon tuteur, qui depuis un an, suit
l’avancée de ce projet et m’a permis de le réaliser dans les meilleures conditions ; ce grâce aussi
à ses conseils, ses encouragements, sa franchise, sa relecture.

Je remercie également la directrice du Paléospace Karine Boutillier, qui m’a acceptée en stage
dans le musée et qui dès notre premier échange, s’est enthousiasmée de cette recherche et a su
me conférer une confiance éclairante.

Je remercie mes collègues du musée, Sébastien Choffat, Stéphane Croutte, Erwan Colas,
Félicie Debusschère, Mélanie Famette, Alexis Goulet, Jonas Le Mort pour leurs
accompagnements dans ma formation, nos échanges sur le mémoire, leurs partages de
connaissances et tout particulièrement Thomas Meschine pour sa relecture.

Je remercie mes encadrants universitaires et tuteur, Céline Schneider et Gilles Fronteau, qui
sans faille depuis deux ans, d’une pédagogie remarquable, m’ont permis eux aussi d’en arriver
là.

Je remercie la Mairie de Villers-sur-Mer pour le logement ces 6 mois durant.

Je remercie, dans l’ordre des rencontres, les amateurs qui m’ont accueillie chez eux et m’ont
raconté leurs histoires, m’ont laissé voir leurs collections, m’ont permis de poser des questions
et qui ont été bienveillants et passionnés, merci à vous, sans qui finalement rien n’aurait été
pareil, Philippe Massot et son accueil également à l’association La pierre Conchoise, Jean
Vaireaux, François Escuillié, Christian Leprevost, Jocelyne Fouquet-Bülow pour sa
correction et son feu époux Max Bülow, à qui je rends hommage, Yves et Jean-Jacques
Lepage, Gérard et Elisabeth Pennetier, Horst Gödicke de l’Association Paléontologique de
Villers-sur-Mer qui m’a permis de consulter les archives et documents historiques.

J’ai notamment eu l’honneur d’avoir échangé avec des professionnels de différents milieux et
ainsi de profiter de débats et de leurs relectures éclairées. Je remercie pour ce faire dans l’ordre
des parties de mon mémoire, Bernard Vouilloux, professeur de littérature française à la Faculté
des Lettres de Sorbonne Paris IV, pour l’échange passionnant sur le sujet des collectionneurs,
de leurs psychologies et de leurs histoires pour la partie sur la synthèse de l’histoire du
collectionnisme. Isabelle Rouget, chargée des collections et d’enseignement au Muséum
National d’Histoire Naturelle, pour notre échange, la détermination de fossiles et notamment,
sa patience et persévérance à prendre contact à la suite de cette année 2020 si compliquée.
Arnaud Brignon, chercheur indépendant membre de la Société Géologique de France, pour sa
relecture sur les premières collections normandes, qui est sans le moindre doute, le plus aguerri
de tous pour ce sujet. Jean-Paul Deroin, Responsable du Master "Géoressources, Géorisques,
Géotechnique" (3G) et du parcours "Géosciences et Risques" (GEORIS) EA 3795 GEGENAA
et FR CNRS 3417, pour sa relecture pour la partie sur la géologie normande. Jean-Pol Tassin,
neurobiologiste spécialiste des addictions et directeur de recherche à l’Inserm, pour notre
échange sur la psychologie du collectionneur, qui m’a permis de faire évoluer mes hypothèses,
d’en réfuter et de ce fait de faire évoluer mon propos.

Je remercie notamment les personnes qui m’ont apporté des informations et avec qui j’ai eu le
plaisir d’échanger entre 2020 et 2021, Jean-Luc Deville, François Petit président de
l’Association Paléontologique de Rouen, Jean-Pierre Watté archéologue honoraire au
Muséum du Havre, René Jaffre vice président de l’Association Géologique Auboise, Claude
Colleté secrétaire général de l’Association Géologique Auboise, Javier Párraga responsable
des collections paléontologique et géologique du Muséum d’Histoire Naturelle du Havre, Yves
Bernard Debie, avocat spécialiste en droit du commerce de l’art et des biens culturels, Nicolas
Tourment expert en paléontologie, Louis Carion de la Maison Carion Minéraux à Paris,
Nathalie Bardet paléontologue directrice de recherche au CNRS Centre de Recherche en
Paléontologie, MNHN, Sorbonne Université.
Je remercie Pierre Lavaud alias Mazan, qui a accepté de réaliser pour ce mémoire une
illustration libre qui devait représenter un collectionneur, il a donc choisi de représenter un
collectionneur d’ammonites excentrique et somptueux et qui s’inscrit dorénavant parmi la
continuité historique des figures représentatives d’un collectionneur.

Je remercie les différentes Associations, qui ont dès 2020 pour certaines su accompagner ce
projet avec leurs membres, La Pierre Conchoise et son Président Patrick Britton, la Société
géologique de Normandie et des amis du muséum du Havre et son secrétaire Christian
Leprevost qui a eu l’amabilité de scanner le bulletin de Bigot A., 1935 des archives de
l’association, l’Association paléontologique de Villers-sur-Mer, l’Association Lorientaise
Minéraux et Fossiles et Jean François Thomas, la Fédération Française Amateur de
Minéralogie et Paléontologie et Daniel Guenau, la Société de Minéralogie et de
Paléontologie Dijonnaise et Jacques Rossi, l’Association Paléontologique Auboise et
Claude Colleté.

Pour finir, je remercie les participants anonymes de mes questionnaires sur les pages Facebook
suivantes et leurs modérateurs pour avoir accepté de publier mes questionnaires, Sciences et
Géologie Normandes SGN, Fossile de France, Les Fossiles, Amour des fossiles/minéraux/
météorites et de la préhistoire, Dinosaure / fossile / paléontologie / systématique.
Le collectionneur d’ammonites – Mazan, 2021
Résumé

La Normandie est un haut lieu du collectionnisme de fossiles depuis des siècles.


Conséquence d’une géologie propice à la pratique, le nombre de collectionneurs normands
actuels en est conséquent. Pourtant, ses collections patrimoniales, scientifiques et culturelles
disparaissent. L’une des raisons de ce phénomène, est due à l'absence de prévisions sur l'avenir
des collections par leurs concepteurs. Les enjeux et conséquences engendrés par ses pertes sont
multiples. Ce mémoire qui s’intègre dans le Master Archéologie des Géomatériaux et du
Patrimoine (Reims Champagne-Ardenne) propose d’entrevoir l’histoire du collectionnisme
pour prendre en compte l’état des connaissances sur ce phénomène. A travers la naissance de
la pratique aux premières intégrations des fossiles dans les collections, de la préhistoire au siècle
des lumières, le sujet propose une entrevue pluridisciplinaire pour définir les collections et
collectionneurs de fossiles du XXIe siècle en Normandie. Ainsi l’étude sur le rôle des
collectionneurs actuels ainsi que la connaissance du phénomène dans son entièreté à permis
d’établir une typologie et de proposer des solutions pour endiguer la perte des collections de
fossiles, en prenant pour exemple le Musée de France le Paléospace l’Odyssée à Villers-sur-
Mer (Calvados) qui accueille régulièrement des collections d’amateurs privés.

Mots-Clés : Collectionnisme, Collections paléontologique, Patrimoine, Valorisation, Musée

Abstract

Normandy has been a hotbed of fossil collecting for centuries, as a result of a geology conducive
to the practice, and the number of current Norman collectors is substantial. However, its
heritage, scientific and cultural collections are disappearing. One of the reasons for this
phenomenon is due to the absence of forecasts on the future of the collections by their creators.
The issues raised by these losses are manifold. This thesis, which is part of the Master's degree
in Geomaterials and Heritage Archaeology (Reims Champagne-Ardenne), proposes to look at
the history of collecting in order to take into account the state of knowledge on this
phenomenon. Through the birth of the practice to the first integrations of fossils in the
collections, from prehistory to the Enlightenment, the subject proposes a multidisciplinary
interview to define the collections and collectors of fossils of the 21st century in Normandy.
The study of the role of current collectors as well as the knowledge of the phenomenon in its
entirety allowed to establish a typology and to propose solutions to stem the loss of fossil
collections, taking as an example the Musée de France le Paléospace l'Odyssée in Villers-sur-
Mer (Calvados) which regularly welcomes collections of private amateurs.

Key words : Collectionism, Paleontological collections, Heritage, Valuation, Museum


TABLE DES MATIERES

Résumé ................................................................................................................................... VII

Listes des illustrations ............................................................................................................ IX

Introduction .............................................................................................................................. 1

Synthèse bibliographique ........................................................................................................ 2

1. Le phénomène du collectionnisme ................................................................................... 3

1.1 Le collectionnisme : étude historique et définition d’une pratique....................... 3

1.2 Des collections de fossiles dès la préhistoire ? ......................................................... 8

1.3 Les premières mentions de pétrifications dans les collections ............................. 12

2. Conception des premières collections normandes ....................................................... 15

2.1 La géologie normande à l’origine des collections ................................................. 15

2.2 Les pionniers des collections de fossiles normands............................................... 20

2.3 Avènement des collections grand public au début du XIXe siècle ....................... 24

3. Le phénomène du collectionnisme de fossiles, une activité normande permanente . 28

3.1 Une pratique pérenne en Normandie..................................................................... 28

3.2 La place des collectionneurs de fossiles actuels ..................................................... 35

3.3 Collectionneurs, curieux ou amateurs ? Essai à la classification typologique des


collectionneurs .................................................................................................................... 40

4. L’avenir des collections privées de fossiles ................................................................... 49

4.1 Des collections vouées à disparaître ? .................................................................... 49

4.2 Le don des collections de fossiles aux musées – Au cœur du Paléospace ............ 52

4.3 Entre pérennité scientifique et devoir de mémoire – Une histoire de temps...... 57

5. Conclusion ....................................................................................................................... 59

6. Références bibliographiques .......................................................................................... 60

7. Sitographie ....................................................................................................................... 69

8. Annexes ............................................................................................................................ 70
Listes des illustrations

FIGURE 1 - FOSSILES EN CONTEXTE ARCHEOLOGIQUE SUR DES SITES PREHISTORIQUES. LUCIE PLANÇON, 2020. .... 9
FIGURE 2 - CARTE GEOLOGIQUE SIMPLIFIEE DE LA NORMANDIE AU 1/1 000 000. LUCIE PLANÇON, 2021 ............. 16
FIGURE 3- SECTEURS D’ACTIVITES DE COLLECTIONNEURS DE FOSSILES ISSUS DU QUESTIONNAIRE VOS FOSSILES ET
VACANCES, 2020.......................................................................................................................................... 28
FIGURE 4 - MOYENNE D’AGE DES DEBUTS DE CONSTITUTION DE COLLECTIONS DE FOSSILES – ETES-VOUS
COLLECTIONNEURS DE FOSSILES ?, 2020 ET VOS FOSSILES ET VACANCES, 2020 .......................................... 29
FIGURE 5 – POURCENTAGE DE PERSONNES AYANT ETE INITIEES AU COLLECTIONNISME DE FOSSILES PAR UNE
TIERCE PERSONNE SUR 155 PARTICIPANTS – DONNEES ISSUES DU QUESTIONNAIRE VOS FOSSILES ET

VACANCES 2020 ........................................................................................................................................... 31


FIGURE 6 - POURCENTAGE DE PERSONNES AYANT INITIE UNE TIERCE PERSONNE AU COLLECTIONNISME DE FOSSILES
SUR 155 PARTICIPANTS- DONNEES ISSUES DU QUESTIONNAIRE VOS FOSSILES ET VACANCES 2020 .............. 32
FIGURE 7- DEPLACEMENTS ENTRE LE DOMICILE ET LA ZONE DE COLLECTE DE FOSSILES POUR 77 PARTICIPANTS .. 35
FIGURE 8 - QUANTITE DE FOSSILES DANS LES COLLECTIONS DE 150 PARTICULIERS ............................................... 40
FIGURE 9- TYPOLOGIE DES COLLECTIONNEURS DE FOSSILES ................................................................................. 47
Introduction

En 2011, le Paléospace l’Odyssée, unique Musée de France traitant exclusivement de la


Paléontologie ouvre ses portes à Villers-sur-Mer (Calvados). Implanté à 2 kilomètres des
falaises des Vaches Noires, reconnues mondialement pour ses fossiles et ses falaises du
Jurassique, le musée contribue à valoriser ce patrimoine scientifique et le faire découvrir au
grand public. Ses collections issues des dons et des anciennes collections historiques,
permettent de voir la transition de ce phénomène des siècles précédents à nos jours. Toutefois,
l’assurance de la pérennisation des collections de fossiles normands dans un cadre muséal, tel
que le Paléospace, ne concerne qu’une minorité. Les acteurs principaux, les collectionneurs, ne
projettent pas l’avenir de leurs collections. Ainsi, de nombreuses collections sont jetées ou
disséminées. Pour éviter ces disparitions il est essentiel de comprendre tous les aspects du
phénomène de la collection. Cependant les études portant sur ces collectionneurs de fossiles et
leurs collections sont inexistantes. Pour endiguer ce phénomène, il est essentiel donc de
comprendre et de faire l’historique du collectionnisme de fossiles, entre raisons et motivations
à l’aide de différentes disciplines. De ce fait, en quoi les études pluridisciplinaires permettent-
elles de proposer des clefs à la pérennisation des collections de fossiles normandes ?
Dans un premier temps, nous étudierons le phénomène du collectionnisme, essentiel pour
définir le sujet et entreprendre de concevoir la motivation de cette pratique dans l’histoire.
Ainsi, nous pourrons replacer dans cette chronologie les premiers fossiles ramassés en
collection, à savoir notamment, les premiers intérêts à leurs égard. Dans un second temps, nous
retracerons à travers la géologie les raisons de ce phénomène immuable en Normandie, pour
entrevoir les premiers collections normandes dans le sens moderne que nous entendons ainsi
que la démocratisation de la collecte de fossiles. Puis, dans la troisième partie, nous observerons
la pérennité de la pratique en Normandie à travers la place et le rôle des collectionneurs actuels,
cela étant rendu possible grâce à la réalisation d’interviews. Un essai de typologie des
collectionneurs sera notamment établi pour synthétiser et proposer de comprendre les amateurs
actuels. Enfin, nous observerons les raisons menant à la disparition des collections de nos
contemporains et les solutions envisageables pour enrayer cette dissolution. De la sauvegarde
des collections de fossiles à son histoire, en prenant en compte les mémoires du collectionneur,
nous aborderons cela en prenant pour exemple le Musée de France le Paléospace.

1
Synthèse bibliographique

Il n’existe pas à proprement parler d’ouvrages dédiés ni au collectionnisme de fossiles,


ni concernant les collectionneurs actuels de fossiles. Pour définir, cerner et étudier le sujet, il a
fallu rechercher des documentations à la fois anciennes et récentes dans différentes disciplines.
Nous pouvons scinder les recherches de bibliographie en trois grandes entités. Dans un premier
temps, concernant le collectionnisme ancien, de la préhistoire au XIXe siècle en passant par
l'antiquité, la documentation fut très variée. Les textes essentiellement des siècles précédents et
parfois antiques, recoupés par certains plus récents, provenaient de différentes disciplines telles
qu’histoire, histoire de l’art, archéologie, des premiers dictionnaires et comptes rendus ou
communiqués scientifiques. Ils ont permis de cerner le phénomène du collectionnisme et des
objets collectionnés, de comprendre quand et comment les fossiles se sont insérés dans les
collections dès la Préhistoire. Dans un second temps, pour étudier le collectionnisme de fossiles
récent, de sa pratique à sa démocratisation, compris entre le XIXe et XXe siècle, la
documentation fut tout aussi hétéroclite. La documentation était relativement ancienne dans des
disciplines variées : médecine, guides de voyages, histoire, histoire de l’art, romans, manuels
scolaires, articles scientifiques, d’ecclésiastiques parfois, lettres, journaux, catalogues de
collection ou de vente aux enchères. Notamment pour comprendre ce phénomène en
Normandie, les banques de données du Bureau de Recherches Géologiques et Minières
(BRGM) et ses notices, ont permis de mettre en avant la richesse des terrains géologiques pour
le collectionnisme. Les textes du XIXe siècle ont marqué un tournant dans la documentation,
nous passons d’études sur les objets de collection à des écrits portant désormais sur la
physionomie des collectionneurs. Les sources documentaires de cette transition varient entre
des documents de réunions des sociétés savantes, d’anthropologie ou de médecine. Enfin,
concernant le phénomène du collectionnisme actuel pour le XXe siècle et XXIe siècle, qui ne
connaît pas d’études directes, il a fallu aller à la rencontre de ses acteurs à travers des interviews.
Cela a permis de prendre réellement en compte la motivation de ces collectionneurs, qui ils
sont, leurs rôles, leurs histoires, l’importance de leurs collections, l’avenir de celles-ci, la
déontologie des collectionneurs, leurs systèmes de rangement et inventaires, leurs relations les
uns avec les autres et comment ils s’insèrent dans la continuité historique de la pratique. En
complément de cette enquête de terrain, des questionnaires en ligne sur ce phénomène ont été
publiés sur deux ans afin de recueillir d’autres témoignages à l’échelle nationale. Afin de traiter
les données, l’appui d’études récentes en sociologie, addictologie ou neurobiologie ont été
nécessaires. Enfin, les résultats et hypothèses nouvelles, ont été soumises à des professionnels

2
de disciplines diverses pour en discuter les hypothèses et échanger sur le sujet : commissaires-
priseurs, avocats, paléontologues, archéologues, maisons de ventes (en paléontologie),
neurobiologiste, professeurs de littérature spécialisée dans le collectionnisme d’art. Le travail
effectué dans un musée de France en Paléontologie, le Paléospace, a permis la mise en relation
avec certains collectionneurs, d’observer le processus de don au musée et de suivre les
démarches pour les pérenniser.

1. Le phénomène du collectionnisme
1.1 Le collectionnisme : étude historique et définition d’une pratique

Le collectionnisme est une pratique qui demande une lecture particulière. Sa pluralité
temporelle exige de comprendre ses différentes composantes. A travers ce terme
collectionnisme, différents facteurs doivent être pris en compte pour son étude, en l’occurrence
l’époque, le collectionneur, la collection et les objets1 qui la composent. Ces acteurs
s’influencent mutuellement, structurant la définition plurielle de la pratique. Néanmoins, les
études et opinions antérieures n’ont pas toujours procédé à leur unification, focalisant alors la
discussion sur certains principes, en dépit d’autres. C’est pourquoi, pour tenter d’exprimer son
utilité et sa raison d’être, on retrouve suivant les époques, le terme comme étant un synonyme
de pouvoir, de finesse d’esprit, de devoir de mémoire, de futilité ou encore de frein à la science
(Bonfait 1998, Bozoky 2005, Schnapp 2008).
Bien entendu, chaque période historique avait ses préférences dans le goût des
collections, suivant les sciences, les découvertes ou les modes, influençant de ce fait les écrits
et le cœur de la pratique. Ce sont les nombreuses études, de l’Antiquité (Maze-Sencier 1893,
Bonnaffé 1867, 1878, 1895, 1902 ; Rheims 2002) à nos jours (Vouilloux 2009, Schnapper 2012,
Rizzo 2015, IFOP 2021), qui vont nous permettre de comprendre comment la pratique a évolué,
comment elle était admise et étudiée des siècles durant. Ainsi, les premières descriptions des
collectionneurs et de collections connues, étaient issues d’élites, de principautés et
organisations religieuses (Bonnaffé 1867,1878, 1883, 1895 ; Bonfait 1998 ; George 2002 ;
Rheims 2002, Bozoky 2005, Schnapper 2012, Rizzo 2015). La pratique est avérée dès
l’antiquité, au IVe siècle av. J.-C avec Ptolémée Ier, puis vers le IIe et le Ier siècle av. J.-C., avec
Sylla, Jules César, Cicéron, Pompée ou Hadrien (Rheims 2002 ; Bonnaffé 1895). Nous la
retrouvons dans la Grèce antique également, avec un exemple celui de l’arcadien Pithéas, ayant

1
Nous entendons à travers ce terme des corpus naturels ou artificiels.

3
gravé sur sa tombe, qu’il avait possédé la collection de vases la plus vaste que nul autre homme
avait acquise (Bonnaffé 1878). Dans les sources antiques, à la fin de la République romaine,
nous pouvons citer Cicéron (Bonnaffé 1867), lui-même amateur, qui accuse devant la justice
Caïus Licinius Verrès, envoyé comme propréteur en Sicile en 73 av. J.-C., il dépouillait alors
le territoire à la recherche de nouveaux biens à acquérir pour sa collection (Bonnaffé 1867,
1902, Cabanne 2003). Pour Sylla, on note quelques sources antiques (Bonnaffé 1867) qui citent
certains objets de sa collection. Pour Jules César, il existe des mentions d’expositions publiques
(Bonnaffé 1867) de ses collections et l’ouverture de ses jardins au peuple, afin d’y contempler
sa galerie de tableaux ou de statues (Bonnaffé 1867). Les considérations écrites et les ressorts
de l’opinion générale de la pratique durant l’antiquité sont anecdotiques ; excepté Cicéron, nous
pouvons citer une épigraphe de la Grèce antique, qui évoque l’ignorance de ces praticiens « Un
âne devant une lyre c’est l’image du collectionneur » (Rheims 2002, p.23) ou des mentions
modérées, portant sur la beauté des collections (Bonnaffé 1867). Pour les époques antérieures
au XVIe siècle, il est difficile de retracer le parcours d’une collection et de ses propriétaires
(Bonnaffé 1867), il manque de ce fait un pan de l’histoire des collectionneurs. Toutefois il faut
nuancer ce propos, car l’absence d’études des collectionneurs et des collections ne dénote en
rien l’absence de la pratique et, cette absence concerne plus spécifiquement les époques
comprises entre la fin de l’Antiquité et le début du XIe siècle. Nous nous retrouvons alors aux
XIe, XIIe et XIIIe siècles, où le pouvoir religieux acquiert de grandes collections. Appelés des
trésors, ils sont pour la plupart composés de reliques de corps saints, ils permettent d’affirmer
la grandeur de l’église et des rois (Bonnaffé 1873, George 2002, Bozoky 2005, Pomian 2008).
L’un des exemples de l’ampleur du phénomène de la collection des reliques saintes, se trouve
être la construction commanditée par Louis IX en 1241 de la Sainte-Chapelle à Paris, dédiée
aux reliques de la Passion. La course aux reliques de l’église est rejetée par les protestants
(Bozoky 2005), un rejet de l’avarice qui est présent un siècle plus tôt, avec François d’Assise
qui met à mal la pratique en l’interdisant à ses frères, qu’il nommait péjorativement
« ramasseurs de livres » (Cabanne 2003). Les prémices du cabinet arrivent en France à la fin
du XIIIe siècle et au début du XIVe siècle en Italie (Cabanne 2003). Pour Maurice Rheims, ce
serait vers la fin du XIIIe qu’une collection au sens moderne du terme apparaîtrait (Cabanne
2003). Au cours des XVe et XVIe siècles, la Renaissance remet au goût du jour les objets
antiques et fait évoluer la pratique. L’église cherche à affirmer sa domination pontificale à
travers l’héritage romain, comme le Pape Paul II, qui recherche et collectionne des médailles
ou pierres gravées antiques. Certains hommes d’église, comme le cardinal d’Albi Jean Jouffroy,
parcourent l’Italie et la France et se constituent l’une des plus grandes collections de manuscrits

4
reconnues par ses contemporains (Desachy 2010). Toutefois au XVe siècle, la culture de la
collection s’étend au-delà des élites princières, de l’Église ou de la royauté et touche dorénavant
la bourgeoisie et les élites nobles. Les studioli voient alors le jour en Italie, comportant des
naturalia et des artificia, le studiolo accordant aussi plus de place à la peinture ; l’un des studioli
les plus fameux d’Italie était celui d’Isabelle d’Este (Cabanne 2003). Le modèle du cabinet de
curiosités se met en place, il conquiert toutes les cours princières, notamment en Allemagne
avec les Wunderkammer ou cabinets des merveilles (Bonfait 1998, Schnapp 2008). Le
Wunderkammer évolue rapidement durant la Renaissance, avec l’ajout des sciences modernes
aux collections (Schnapp 2008), qui se fait ressentir des siècles durant. On retrouve des grands
noms parmi les collectionneurs du XVIe siècle avec Catherine de Médicis, Gabrielle d’Estrées,
Nicolas-Claude Fabri de Peiresc mais également des critiques de la pratique, par Boileau,
Diderot et Descartes qui voient dans le collectionnisme un frein à la science, causé par les
superstitions et croyances rattachées aux objets collectionnés (Bonfait 1998). C’est également
au XVIe siècle que l’on voit apparaître dans les écrits français, les premiers mots pour désigner
les collectionneurs avec « ung homme curieux d’auuoir ou sçauoir choses antiques » alors
traduit en antiquarius2 . D’après Krzysztof Pomian (Cabanne 2003), contrairement à Maurice
Rheims, ce serait au début du XVIe siècle que le terme collection au sens moderne serait né
(Cabanne 2003). Aux XVIIe et XVIIIe siècles, toute l’Europe possède ses cabinets de curiosités
et toute la société, du médecin au prince, est concernée. On y retrouve la Marquise de
Pompadour, Colbert, Pierre Antoine Rascas de Bagarris, Mazarin ou encore Le Nôtre et Le Père
Lachaise (Rheims 2002, Bonnaffé 1878). L’un des premiers inventaires français des collections
privées est publié, celui de Paul Pétaud (Pétaud 1610, Pétaud 1757). On retrouve également la
spécialisation dans les arts picturaux, ce sont les tableaux qui sont majoritaires dans les
collections. Plus précisément les tableaux de la Renaissance italienne, un goût provoqué par la
dispersion de la riche collection de Philippe duc d’Orléans avec des œuvres du Titien, de
Raphaël, du Caravage, qui alors envahit le marché de l’art et devient accessible au plus modeste
(Madrus 2006, Rizzo 2015). Les collectionneurs étaient alors désignés au XVIIe siècle, sous le
règne de Louis XIII, comme des antiquaires (Petaud 1757), puis des francs grippés (Blegny
1878 p.216, Maze-Sencier 1893 p. 6). Ce terme désigne des personnes ayant été prises de

2 La source primaire, date et nom, n’est pas identique d’un ouvrage à un autres d’Edmond Bonnaffé : « Le Curieux fait sa
première apparition, encore incomplète dans le dictionnaire de Robert Estienne (1531) : ung homme curieux d’auuoir ou
sçauoir choses antiques, qu’il traduit faute de mieux par antiquarius » In BONNAFFÉ E., 1873. Les collectionneurs de
l'ancienne France, notes d'un amateur. Édité par Auguste Aubry, Paris, p.82. ; « Henry Estienne, dans son dictionnaire français-
latin de 1538, dit bien, il est vrai : Ung homme curieux d’avior ou sçavoir choses antiques, qu’il traduit par antiquarius » In
BONNAFFÉ E., 1902. Études sur l'art et la curiosité. Société Française d'éditions d'Art, Paris, p.13

5
passion pour un type de collection, on disait d’eux des « grippé de fleurs, le grippé de
médailles » (Maze-sencier 1893, p.6). On ne retrouve toutefois aucune trace d’un terme propre
à la pratique dans le premier dictionnaire français couramment admis, datant de 1680 par Pierre
Richelet (Richelet 1680). Il faudra attendre un second dictionnaire, datant de 1690 par Antoine
Furetière, à l’instar du XVIe siècle et de sa définition d’antiquarius, permis de se référer à l’un
des premiers nominatifs, celui du mot curieux. Parmi les cinq définitions pour le mot curieux,
l’une est explicitement dédiée à expliquer ces instigateurs et leurs conduites (Furetière 1690) :

Curieux, ſe dit auſſi de celuy qui a ramaſſé les choſes les plus rares, les plus belles & les plus extrardinaires
qu’il a pû trouver, tant dans les arts que dans la nature. C’eſt un curieux de Livres, de medailles, d’eſtampes,
de tableaux, de fleurs, de coquilles, d’antiquitez, de choſes naturelles

Les curieux du XVIIIe siècle spécialisent leurs cabinets, avec l’exemple du Comte de Caylus,
qui se consacre à l’archéologie en renonçant à la bibliophilie. Certains cabinets choisissent le
passé national à l’instar de Marie de Hongrie gouvernante des Pays-Bas, se spécialisant au XVIe
siècle dans les arts primitifs flamands (Bonfait 1998). Pour le XIXe siècle, de nombreux
catalogues sont réalisés, des ventes aux enchères, des publications, des collections privées qui
rivalisent avec celles des musées comme la collection de la Galerie Pourtalès, la galerie de M.
Le Duc de Morny ou encore la collection d’Espagnac (Rizzo 2015). On peut encore retrouver
des collections spécialisées, comme celle de Frédéric de Lafresnaye et sa collection
ornithologique (Cazin & Debout 2013). Mais ce sont les collections ethnographiques qui
suscitent un vif intérêt auprès du public. Sont alors fondés les musées ethnographiques de Leyde
(1837), Rotterdam (1885), Stockholm (1872) ou le musée d’ethnographie du Trocadéro à Paris
(1878) (Dupaigne 2012). En ce qui concerne les termes les plus employés en ce siècle, pour
désigner les collectionneurs, nous pouvons retrouver curieux, amateur, érudit, (Demmin 1864,
Bonnaffé 1881, Eudel 1885, Maze-sencier 1893). L’image stéréotypée du collectionneur dans
la majeure partie du XIXe siècle persiste, il reste pour certains le fou, l’excentrique, le Diogène
(Comte Viel-Castel 1840, Pety 2001) (Annexe 1 - Les collectionneurs vus au XIXe siècle). C’est
vers la fin du XIXe siècle qu’un renouveau de son image apparaît, il tend à perdre sa caricature
marginale et renvoie désormais plus à l’aristocratie (Pety 2001). Cette évolution de l’image du
collectionneur est au reflet de la transition de la pratique, auparavant « jouissance intime de
chat guettant une souris » (Eudel 1885, p. VIII) c’est désormais « une spécialité étudiée de près
dans ses diverses ramifications » (Eudel 1885, p. VIII). Le XIXe siècle voit s’opérer un
bouleversement du collectionnisme, devenant une mode sous le Second Empire (Pety 2001).
De nombreux écrits seront réalisés à cette époque, avec Edmond Bonnaffé qui s’intéressa aux

6
collectionneurs et aux collections toutes époques confondues, en publiant de nombreux
ouvrages et proclamait que le phénomène n’était pas « une maladie moderne » (Bonnaffé 1895,
p.24) comme le pensaient ses contemporains. Paul Eudel également, avait rédigé sur ce thème
et celui de l’Hôtel Drouot à Paris, qui aujourd’hui encore est au cœur du collectionnisme. Pour
le XXe siècle, les grands collectionneurs d’art « sont presque tous des gens riches ou puissants »
et « qui appartiennent au monde des affaires, de la banque ou du pouvoir » (Cabanne 2004,
p.7) ; avec par exemple les époux Grog-Carven, avec du mobilier et objets d’arts du XVe au
XVIIIe siècles, dont ils firent don au musée du Louvre (Culture. Gouv 2010). Les grands
collectionneurs qui ne touchent pas à l’art sous ses formes picturales, sculpturales ou mobilières
sont désormais plus rares. Roger Caillois faisait partie de ces rares personnages, il était un grand
amateur de minéraux aux formes curieuses et de fossiles, et la majeure partie de sa collection
est conservée dorénavant au Museum National d’Histoire Naturelle. Parallèlement, le discours
porté sur les collectionneurs continue de s’affiner, on retrouve dorénavant des textes sur la
psychologie du collectionneur avec le médecin Henri Codet dans sa thèse de médecine de 1921
(Codet 1921). Ou bien l’anthropologue M. A. Picaud, qui tend à comparer le collectionnisme
du monde animal à celui de l’Homme en 1903 (Picaud 1903), et bien entendu nous retrouvons
toujours l’aspect historique avec Seymour de Ricci, retraçant les collections d’objets d’arts en
1916 (Ricci 1916). Concernant le XXIe siècle, la scission entre le collectionneur bourgeois et
le marginal est prononcée. D’une part, on retrouve la continuité des collections axées sur l’art,
pour lequel les références données concernent les collectionneurs fortunés, les politiques, les
hommes d’affaires ; comme François Pinault ou Pierre Arnaud. D’autres parts, on retrouve les
collections diverses et variées, issues des collectionneurs qui ne sont pas médiatisés, c’est-à-
dire la majorité. L’image du collectionneur du XXIe siècle se retrouve alors scindée en deux,
d’une part l’imaginaire collectif lui attribue celle d’une personne fortunée, d’autre part pour le
collectionneur de l’ombre, on retrouve encore certains stéréotypes, celui de la passion
envahissante et d’un âge avancé. Les études actuelles, sont en grande partie focalisées sur le
monde de l’art et les collections des siècles passés. Les ouvrages du XXIe siècle traitent du XIXe
siècle comme Pety (Pety 2001), Vouilloux (2009) et Rizzo (2015). Certains s’appliquent à
étudier l’art à travers l’histoire des collections, des collectionneurs et de la pratique avec Rheims
(Rheims 2002), Cabanne (Cabanne 2003, 2004), Madrus (Madrus 2006), Schnapp (Schnapp
2008), Pomian (Pomian 2008), Institut française d’opinion publique (IFOP 2021). Aujourd’hui
la définition de la pratique et les termes qui sont employés, reflète parfaitement l’évolution des
études menées sur le sujet, entre stéréotypes insistants ou difficulté à faire une typologie. Ce
pourquoi on emploie couramment deux termes dans le langage commun, le premier, qui

7
domine, est collectionneur (Rheims 2002, Rizzo 2015), le second amateur (Lepage 2018,
Brignon 2021), des termes qui ne sont pas toujours appréciés du fait des stéréotypes qui leur
sont en effet attribués3. La définition moderne reflète la dichotomie entre la réalité et le
stéréotype, le mot collectionnisme est caractérisé dans le dictionnaire Larousse en 2021 comme
le « besoin pathologique de rassembler des objets hétéroclites inutiles et sans valeur marchande. ».
Pour le terme collectionneur on retrouve pour définition « Personne qui a la passion de
collectionner », pour collectionner « Réunir des objets en collection » enfin pour collection
«réunion d'objets rassemblés et classés pour leur valeur documentaire, esthétique, pour leur prix,
leur rareté ». En ce qui concerne les autres termes utilisés les siècles précédents, tous n’ont pas
disparu, l’une des définitions du terme curieux renvoie encore de nos jours au collectionneur
mais n’est pas employée dans le langage courant, tout comme les termes grippé, érudit,
antiquaire. Le terme amateur, ne renvoie pas à la pratique dans le dictionnaire, mais est
toutefois employé dans le langage courant pour définir les collectionneurs. Les définitions
actuelles et les dénominations usuelles pour décrire un collectionneur montrent la perpétuelle
évolution de la pratique. Le collectionnisme pourrait trouver sa source dans l’idiosyncrasie ou
dans l’autotélisme comme le suggère Bernard Vouilloux (Vouilloux 2009). La pratique serait
donc induite par le simple critère du caractère individuel d’une personne et la satisfaction
qu’elle en tirera. Cette réflexion trouve alors sa place dans les conceptions des premières
collections connues de l’humanité, au-delà même des premiers écrits antiques.

1.2 Des collections de fossiles dès la préhistoire ?

Les plus anciennes traces de collections faites par l’humain ont été décrites par André
Leroi-Gourhan dans les années 1950. En effet, l’archéologie est intrinsèquement liée à l’histoire
des collections et, plus spécifiquement des collections de fossiles. Lors de ses fouilles à Arcy-
sur-Cure (Yonne), dans la grotte de l’Hyène, André Leroi-Gourhan déblaie la couche 15, qui
correspond à une couche d’un ancien habitat du Moustérien, il énumère les outils, parlant d’un
peu d’ocre et de bolas mais n’omet pas de préciser la présence de certaines curiosités : “[...] des
pyrites ou des coquilles fossiles [trace fossile d’oursin] ramassées dans le voisinage.” (Leroi-
Gourhan 1961, p.5). Dans l’une de ses autres fouilles, toujours à Arcy-sur-Cure, dans la grotte
du Renne à quelques dizaines de mètres de la première, Neandertal avait ramassé et ramené

3
Interviews Plançon 2021

8
volontairement dans son habit des curiosités similaires, un gastéropode, un polypier et une
pyrite (Annexe 2 - Fossiles de Neandertal). Les derniers primitifs comme les nommait André
Leroi-Gourhan, avaient concrétisé par cet acte « les débuts des activités symboliques de la
pensée humaine » (Leroi-Gourhan 1991 p.95, 1961 ; Joulian 2012) mais plus encore comme
l’énonce Alain Schnapp, archéologue et ancien élève d’André Leroi-Gourhan, « c’est là, la
toute première trace d’un comportement « antiquaire » dans les cultures humaines »4. Les
exemples de fossiles collectés et retrouvés en contextes archéologiques, comme on peut
l’entrevoir dans les grottes du Renne et de l’Hyène, par Homo neanderthalensis ou Homo
sapiens, sont nombreux en France (Plançon 2020) (Figure 1). Nous pouvons ainsi retrouver
principalement, mais pas exclusivement, des fossiles dans deux contextes : la parure et le
funéraire. Toutefois, les collections retrouvées en contexte archéologique, ne peuvent porter les
attributions de collection dans le sens moderne communément admis. En effet, à la différence
des collections actuelles pour lesquelles nous connaissons les raisons de la récolte, nous ne
pouvons explicitement interpréter celles des ramassages de fossiles concernant le contexte
archéologique. En somme, nous retrouvons bien des collections, mais qui ne portent
probablement pas le même sens que celles de nos réflexions modernes.

Figure 1 - Fossiles en contexte archéologique sur des sites préhistoriques. Lucie Plançon, 2020.

4
Podcast INHA, Alain Schnapp, Profession : Chasseur de ruines. Juin 2021, 21 :19 min.

9
L’action même de la collection de fossiles peut être induite par une nature opportuniste
ou préméditée. La distinction entre les deux actions est délicate, hormis dans certains cas
comme le site de la Roche-au-Loup datant du Châtelperronien à Merry-sur-Yonne, pour lequel
un oursin Echinocorys du Crétacé a servi comme percuteur et ne pouvait provenir que d’au
moins 30 kilomètres (Géoportail. Gouv 2021, Demnard & Néraudeau 2001, Moncel et al. 2009)
démontra explicitement un ramassage prémédité. Sur ce même site, nous pouvons voir que ce
n’est pas moins de 4 oursins qui y ont été trouvés, pour lesquels 3 d’entre eux ont été modifiés,
1 en racloir, 1 en percuteur, 1 taillé. La Roche-au-Loup n’est pas le seul site sur lequel des
oursins ont été collectés puis modifiés en outils. Ce même procédé a été retrouvé dans l’atelier
des Sapinières au Havre datant du Néolithique, avec 1 oursin modifié en percuteur, Echinocorys
vulgaris Breynius et 1 Micraster coranguinum Agassiz en silex du Sénonien transformé en
retouchoir (Demnard & Néraudeau 2001) ou bien un oursin Cyclaster préservé sur un nucléus
du Moustérien dans les Landes (Odin et al. 2006). Enfin, un site similaire aux deux précédents
situé à Theuville-aux-Maillots en Seine Maritime, du Néolithique, avec 1 oursin Echinocorys
vulgaris en percuteur et 1 Micraster en retouchoir (Demnard & Néraudeau 2001). Le ramassage
de ces fossiles dans les gangues de silex, résulte d’un acte volontaire, en effet il n’y avait « dans
cette région que l’embarras du choix pour ramasser des rognons de silex » (Demnard &
Neraudeau 2001, p.703-704). Nous pouvons ainsi énumérer certains sites emblématiques, dans
le cadre de la collecte intentionnelle d’oursins. On peut citer le site funéraire du tumulus du
Mont-Vaudois, datant du Mésolithique à Héricourt, pour lequel on comptabilise 2 à 3 m3
d’oursins (Demnard & Neraudeau 2001), l’équivalent d’un millier de ces fossiles (Demnard &
Néraudeau 2001, Buffetaut 2017). Pour ce site, « près d'un millier de sépultures parsèment cette
"montagne sainte" » (Demnard & Neraudeau 2001) comprise entre le Mésolithique et l’Age du
Bronze, mais une seule contenait des oursins fossiles. Un site homologue de l’Age du Bronze
existe en Angleterre, le tumulus de Dunstable Downs à Berkhamsted (Annexe 3 – Sépulture du
tumulus de Dunstable Downs). Il nous permet de rendre compte d’une pratique qui n’est pas
exclusive à la France. Le site comptait une sépulture centrale entourée de 6 ou 7 tombes
(Demnard & Neraudeau 2001), l’une des tombes secondaires contenait les deux corps, face à
face, d’une femme de 25 ans entourant de ses bras un enfant de 5 ans. Les deux corps étaient
entourés de « 200 ou plus » oursins (Smith 1894, p.338), principalement des moules internes
en silex d’Echinocorys ovatus et certains Micraster. Les deux exemples ici cités, pour lesquels
d’autres sépultures sont associées sans oursins, démontrent bien une récolte ciblée de ces
fossiles pour les défunts. Il nous est impossible de démontrer si cette collection avait été
constituée en amont par le défunt, ou rassemblée pour l’inhumation de celui-ci. Cependant,

10
l’acte volontaire du ramassage en masse de ces fossiles, et ce peu importe sa finalité, est en tous
points similaire à certaines collections que nous pouvons retrouver chez nos contemporains. Il
existe un site dans le Gard, les dolmens de Laval-Saint-Roman, du Bronze final, qui comporte
également des oursins fossiles en contexte funéraire. A la différence des exemples précédents,
il y a deux dolmens qui contiennent des fossiles. Le premier avait 9 oursins fossiles et 2 dans le
second. Nous pouvons également préciser que l’oursin n’a pas eu l’exclusivité des récoltes.
L’ammonite est en effet le second fossile après l’oursin à avoir été collectionné abondamment,
on en retrouve principalement en contextes funéraires ou dans la parure et plus rarement dans
les contextes d’habitats. Nous pouvons citer l’exemple des Eyzies-de-Tayac avec l’abri Pataud
du Gravettien, dans lequel ce furent 7 ammonites Lissoceratoides sp., 2 fragments de
brachiopodes Cyclothyris difformis et 3 dents de requins qui ont été trouvés. Dans une autre
couche stratigraphique, 1 ammonite indéterminée et 2 rostres de bélemnites furent également
mis au jour (Pottier 2005). Parmi les 7 ammonites Lissoceratoides sp., 2 étaient perforées au
centre. Nous retrouvons également des ammonites en Vendée à Saint-Vincent-sur-Jard, dans
un contexte funéraire du Paléolithique dans la sépulture B au lieu-dit Belesbat. Ce sont 2
ammonites du Callovien qui étaient présentes (Sacchi et al. 1971). En Ardèche cette fois-ci, 2
ammonites perforées ont été retrouvées sur le site de Grospierre (Société Préhistorique
Française 1962) dans le dolmen des Contours ou de Bonnes-filles, datant du Chalcolithique,
accompagnées de perles coniques et cylindriques ainsi que d’une dent perforée (Taborin 1974,
p.641) ou encore en Lozère au Cause Méjean avec deux ammonites perforées dans une
sépulture datant de l’âge du Bronze (Fages 1974). Enfin, dans l’Hérault, à La Vacquerie-et-
Saint-Martin-de-Castries dans le dolmen Néolithique de Ferrussac-Esquirol, 2 petites
ammonites dont une perforée, « 3 pendentifs pris dans des segments ou dans des spirales de
petites ammonites » (Combarnous 1958, p.330) et 1 rostre venant d’au moins 6 km ont été
identifiés (Combarnous 1958). Les ammonites n’ont pas été les seuls fossiles perforés, de
nombreux sites mentionnent des oursins qui l’ont été, comme les 2 oursins de Merpins en
Charente de la Tène, les 2 oursins de Meschers en Charente-Maritime du Hallstatt, les 4 oursins
de Mortagne-sur-Gironde en Charente-Maritime ou les 10 oursins du Four-à-chaux à Berneuil
en Charente-Maritime du Néolithique (Morel 1971 ; Demnard & Neraudeau 2001). La
perforation des fossiles, à l’ombilic pour les ammonites et entre la périprocte et le péristome
pour les oursins, n’est pas un fait rare, il reste toutefois à démontrer si les perforations sont
d’origine manuelle ou naturelle, ce qui pourrait engager une discussion concernant la sélection
des fossiles sur le terrain pour les collections. Il existe un exemple, l’un des plus connus, celui
du trilobite perforé d’Arcy-sur-Cure (Baffier 1995 ; Moncel et al. 2009). Celui-ci, perforé à

11
chaque extrémité, a des marques d’usure très prononcées. Ces dernières ne permettent pas de
pouvoir l’identifier correctement. Cette usure est due à un port prolongé du fossile au contact
d’une surface. Le frottement a donc poli le trilobite et pour produire un effet aussi prononcé,
celui-ci a dû être porté sur plusieurs années. Le ramassage et la collection de fossiles durant la
Préhistoire répondent donc probablement à des croyances, rituels médicinaux ou magiques.
Nous ne pourrons certainement jamais affirmer cela (Buffetaut 1991, 2017 ; Van Der Geer &
Dermitzakis 2010), toutefois nous pouvons suggérer sans trop de réserve, que les fossiles
avaient, par leurs formes, toutes les qualités pour posséder ces différentes attributions.

1.3 Les premières mentions de pétrifications dans les collections

La présence continue des fossiles aux côtés de l’Homme, est induite par les attributs
accordés aux fossiles. Ce pourquoi, dès l’Antiquité nous savons que des fossiles étaient
ramassés pour leurs attributs magiques, comme les dents fossiles nommées glossopètres
(Buffetaut 1991, 2017 ; Duffin 2008, Schnapper 2012). Les différentes interprétations
magiques qui ont pu exister, ont perduré des siècles durant et nous pouvons les retrouver
aujourd’hui encore dans la lithothérapie (ammonite, rostre…). Toutefois pour entrevoir des
collections avec les attributs modernes que nous admettons, c’est-à-dire l’image de fossiles
entreposés dans un même endroit, que ce soit dans des meubles ou sur des supports à la vue de
tous, nous devons nous référer aux XVIIIe siècle. En plein essor de la paléontologie, les fossiles,
communément nommées pétrifications à cette époque, rentrent véritablement dans les
collections. Les cabinets de curiosités s’intéressent en effet désormais de près aux objets
naturels et deviennent, avec l’apport des sciences et l’époque des lumières, des cabinets
d’histoire naturelle. La présence de fossiles s’explique par la recherche de l’insolite, celui même
qui concrétise les bouleversements du monde comme le déluge mais surtout « l’infinie richesse
de la Création » (Schnapper 2012, p.18). Ce pourquoi ils occupent dorénavant une place à part
entière aux cotés des coquillages actuels et autres espèces végétales et animales. Leur nature
exacte était encore discutée et, le sens du terme fossile tel que nous l’entendons, est en cours de
construction. Le mot fossile entrera alors dans le dictionnaire de Pierre Richelet dans sa seconde
édition de 1706 (Richelet 1706, p.372), mais ne porte pas encore la signification actuelle :

Foſſile, adj. Ce mot eſt Latin & eſt un terme de Phiſique, qui ſe dit des corps qu’on trouve dans la terre après l’avoir
creuſée. Tous les minéraux & les métaux ſont des corps foſſiles. Sel foſſile, Salpetre foſſile. ]

12
Nous pouvons nuancer cette définition avec la publication de 1755 d’Antoine Joseph
Dézallier d’Argenville, dans son ouvrage sur l’Oryctologie, dans lequel il répartit en groupes
distincts les fossiles. Le premier groupe étant des fossiles issus de la terre, minéraux et métaux,
pour la seconde nous nous référons à la définition qu’il en donna (Dezallier d’Argenville 1755,
p.VIII-IX):

Les Foſſiles étrangers à la terre ſont des corps qui n'y croifſent pas naturellement, qui ont été déplacés &
répandus fur la ſuperficie ou dans le ſein de la terre par le Déluge univerſel : comme les arbres , les branches, les
racines, les fruits, les fougères, capillaires & autres végétaux ; les parties des animaux , telles que les mâchoires ,
les dents, les gloſſopètres, vertèbres, côtes, cornes, os de la cuiſſe & du bras , les coquilles des Poiſſbns de mer, &
les autres parties d'Animaux terreſtres & marins , qui ſe font pétrifiées par leur long ſéjour dans les entrailles de la
terre , & qui viennent originairement de la mer ou de la ſuperfîcie des terre.

Dans les cabinets d’histoire naturelle, l’un des termes pour désigner le fossile est donc
pétrification, terme que l’on entrevoit dans le clade d’Antoine Joseph Dézallier d’Argenville et
présent également dans la seconde édition du dictionnaire de Pierre Richelet, datant de 1706
(Richelet 1706, p.602) au côté du terme « cabinets des curieux » :

Pétrification. Ce mot ſe dit auſſi pour ſignifier les corps mêmes qui ont été convertis en pierre. (Il y a des
cavernes où l’on voit pluſieurs ſortes de pétrifications. Les cabinets des curieux ſont pleins de diverſes
pétrifications.)

Certains exemples de ces cabinets des curieux de la fin du XVIIIe siècle sont connus par
une nomenclature établie par Régnard en 1767 (De Liesville 1867), publiée par Alfred Robert
Frigoult de Liesville en 1867 (De Liesville 1867). Nous y retrouvons notamment, Madame de
Courtagnon en Champagne, qui avait constitué dans les années 1760 une riche collection
d’histoire naturelle et de fossiles (Dieudonné, 1763 ; De Liesville 1867) (Annexe 4 - Cabinet de
curiosités de Madame de Courtagnon). Nous pouvons citer également l’un des collectionneurs
les plus réputés de son époque avec Pedro Franco Dàvila5, pour lequel le cabinet était reconnu
dans toute l’Europe étant donné la richesse de ses collections (Dàvila & Romé de l’Isle 1767 ;
De Liesville 1867). On pouvait par ailleurs y trouver des ossements de reptiles des Vaches
Noires (Villers-sur-Mer, Calvados), comme en témoigne le catalogue de vente de son cabinet
en 1767 (Dàvila & Romé de l’Isle 1767 ; Brignon 2017). Pedro Franco Dàvila n’était pas le
seul à posséder dans sa collection des restes d’ossements fossiles normands. L’abbé Charles-
Philippe Campion de Tersan avait lui aussi dans son cabinet de curiosités à Paris des

5
Nous pouvons remarquer une faute dans l’orthographe du nom de Dàvila écrit « D’Avila » In DE LIESVILLE
A.-R, 1867. Noms des collectionneurs d’histoire naturelle en 1767. F. Le Blanc-Hardel, Caen, 22 p. 6.

13
pétrifications, de même origine. Toutes n’étaient pas exclusivement normandes, toutefois on y
retrouvait des restes d’ossements de crocodiles et d’un fragment prémaxillaire de
Metriorhynchidae des Vaches Noires de Villers-sur-Mer (Brignon 2017). Un autre
collectionneur du XVIIIe siècle Claude Varennes de Béost, avait lui aussi possédé des restes de
reptiles marins provenant des environs de Villers-sur-Mer (Brignon 2017). Dans les premières
mentions de pétrifications du XVIIIe siècle, issues de collections, nous pouvons mentionner la
collection de Karl Nikolaus Lang, médecin catholique de Lucerne en Suisse (Gaudant, 2009 ;
Lang 1708 et 1709). Karl Nikolaus Lang est un homme d’Église, pour autant qu’il ne réfute pas
les récits bibliques, il devient un acteur de la cause anti-diluvianiste qui aurait mené à la création
de ces pierres figurées, autre synonyme de fossiles et pétrifications. On retrouve dans ses
différents ouvrages de nombreuses gravures de fossiles qui composent sa collection, avec des
ammonites et nautiles (Lang 1708 et 1709). Sa collection s’inscrit dans la mouvance de son
siècle, celle d’une collection qui tend vers une compréhension de la nature du fossile. Les
fossiles étaient alors dans un premier temps des supports au discours des thèses diluviennes ou
anti-diluvianistes, comme exposé par Karl Nikolaus Lang (Lang 1708) dans ces paragraphes
traduits (Gaudant 2009) :

La première, et jusqu'à aujourd'hui la plus commune, de ces opinions, est celle qui veut que les Pierres
figurées soient des vestiges marins abandonnés à l'intérieur des montagnes dans le Déluge universel par l'eau qui
se retirait, et pétrifiés en ces lieux ; Ce qui a été dit des coquillages peut aussi s'appliquer aux poissons et aux
plantes, et à leurs semences mélangées aux eaux qui, pour la même raison, auraient dû être entièrement détruites,
ou être tout à fait corrompues, à cause d'un séjour trop prolongé dans les eaux.

Mais le discours tend à se transformer, le fossile n’est plus utilisé comme un argument pour
affirmer ou contredire les thèses théologiques du déluge. Le cœur du discours s’inverse et
désormais ce sont les récits bibliques qui permettent de comprendre et définir les fossiles. Les
études se sont alors questionnées sur la « conception » du fossile, entre jeu de la nature ou
création spontanée au cœur de la terre. Cette transition effectuée dès le début du XVIIIe siècle,
peut-être résumée avec la lettre de Pierre Cartier de 1742 (Schnapper 2012). Ce dernier tend à
expliquer les raisons de la présence des fossiles animaux ou végétaux que l’on peut retrouver
notamment dans les hauteurs des paysages. Il utilise le terme « fossiles, au sens moderne »
(Schnapper 2012, p.43) du terme et explique ce phénomène par des transports lors du déluge.
Les fossiles ne sont plus dans les collections pour attester des curiosités ou des singulières
ressemblances avec des organismes vivants actuels mais ils deviennent des supports aux
recherches scientifiques pour établir leur véritable nature. Pour attester de cette transformation,
on retrouve à l’Académie Royale Française une publication de 1722 (Académie des sciences,

14
1722), qui portent sur les cornes d’Ammon, dont un d’Antoine de Jussieu. Ce dernier publie
dans l’ouvrage de l’académie royale (Jussieu 1722) une monographie sur l’origine des fossiles,
il est notamment l’un des premiers à mentionner des ammonites dans les falaises de Dives en
Normandie (Jussieu 1722 ; Brignon 2020). Nous pouvons citer également Antoine-Joseph
Dezallier d’Argenville pour sa collection d’histoire naturelle. Cette dernière reflète par ailleurs
la diversité d’objets coutumiers à cette époque, entre des oiseaux naturalisés, papillons,
animaux desséchés, herbiers et pierres en tous genres (Remy 1766). On retrouvait dans son
cabinet un large panel de fossiles, beaucoup en provenance de Normandie et du Boulonnais
(Brignon 2015a). Il a également exploité sa collection de fossiles pour établir un système de
classification des espèces ainsi qu’une manière d’ordonner une collection (Schnapper 2012).
Sa collection a par ailleurs été cataloguée un an après son décès en 1766 par Pierre Remy (Remy
1766) en vue d’en effectuer la vente. Elle aura été acquise dans sa majeure partie par
Christophe-François Nicolau de Montribloud à Lyon (Brignon 2015a) et s’inscrit comme l’une
des premières collections comportant des fossiles normands.

2. Conception des premières collections normandes


2.1 La géologie normande à l’origine des collections

La géologie normande est la source primaire pour enrichir et constituer une collection de
fossiles. Comprendre la géologie normande et ses fossiles, permet de comprendre la profusion
de collections qui en découle. En effet, la Normandie a une diversité géologique plus que
propice à la pratique, ce qui en fait un haut lieu du collectionnisme dès le XVIIIe siècle. La
Normandie s’étend sur cinq départements répartis encore récemment en deux régions, la Basse-
Normandie (Calvados, Orne, Manche) et la Haute-Normandie (Seine Maritime, Eure). Sa
géologie peut être scindée en deux entités, le Massif armoricain (Ballevre et al. 2013) à l’Ouest
et le Bassin Parisien à l’Est (Figure 2) (Boltenhagen et al. 1969, Ternet 1969, Pareyn et al.
1970, Pomerol et al. 1977, Gagnaison 2020, Guyader et al. 1970, Bassompierre & Mociardini
1972, Rioult et al. 1989, Quesnel et al. 2007, Maréchal & Lepage 2007, Letortu et al. 2014,
Roulland et al. 2019).

15
Figure 2 - Carte géologique simplifiée de la Normandie au 1/1 000 000. Lucie Plançon, 2021

Dans un premier temps nous allons observer le Massif armoricain, cela concerne
principalement le département de la Manche et les parties Ouest du Calvados et de l’Orne. Le
Massif armoricain résulte d’une succession d’orogénèses. La première forma la chaîne
icartienne (2,8 Ga – 2,5 Ga), dont les vestiges sont visibles au Cap de la Hague, puis la chaîne
cadomienne (750 Ma - 540 Ma). Ce sont ces deux premiers cycles qui ont formé le socle actuel
du Massif armoricain. La dernière orogénèse créa la chaîne varisque nommée également
hercynienne (360 Ma - 300 Ma). Entre chacune des orogénèses, les terrains ont été érodés et
parfois immergés. Il existe certains terrains fossilifères très bien préservés dans le Massif
armoricain. Pour la période cambrienne (541 Ma – 485 Ma), sur la commune de Bagnoles de
l'Orne, aux lieux-dits « Les Pierres plates » et « l'Allée Béatrix », il est possible d'observer des
trilobites et leurs traces bilobées ainsi que des terriers de lingules. Les périodes suivantes
fournissent également leurs lots de fossiles : schistes à Neseuretus à l'Ordovicien (485 Ma –
443 Ma), schistes à graptolites au Silurien (443 Ma – 419 Ma) et fossiles de brachiopodes au
Dévonien (419 Ma – 359 Ma) (Bigot 1934). Cette période dévonienne subit une dernière
orogénèse dont on peut observer les vestiges de la chaine (varisque) dans la partie nord-est de
la Manche, à la pointe de Barfleur (Manche). Ce nouveau changement est engendré par la

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rencontre des domaines continentaux du Protogondwana et de la Laurasia. Les terres qui
formeront la future Normandie sont au Carbonifère (359 Ma – 299 Ma) tantôt des
environnements marins ou continentaux. Il est possible d’observer dans une ancienne carrière
à proximité de Montmartin-sur-Mer (Manche) un front de taille dans le calcaire carbonifère,
nommé également Calcaire de Regnéville. Pour autant que certains fossiles soient visibles
comme des encrines de crinoïdes ou des polypiers, il ne s’agit pas d’un site qui se prête à la
collecte (l’ancienne carrière a été réaménagée en terrain d’escalade). La dernière période de
l’ère paléozoïque (541 Ma - 252 Ma), le Permien (299 Ma – 252 Ma) est représenté en
Normandie que par le bassin de Carentan.
A l’ère suivante, le Mésozoïque (252 Ma – 66 Ma), nous débutons avec la période du
Trias (252 Ma – 201 Ma) qui est présente majoritairement dans le bassin de Carentan dans le
nord-ouest du département de la Manche. Des restes de dinosaures sauropodomorphes de cette
période y ont été trouvés dans le Cotentin (Buffetaut & Sauvadet 2020). Durant cette période
le Massif armoricain continue de s’éroder. Cette érosion aplanit le paysage, donnant alors une
pénéplaine qui sera le futur socle du Bassin parisien. Nous pouvons noter un hiatus de 60
millions d’années qui confirme cette érosion dans le bassin de Carentan comprise entre le
Permien et le Trias. Nous arrivons maintenant à l’une des périodes géologiques les plus
fréquentées par les collectionneurs dans le Bassin parisien : le Jurassique (201 Ma – 145 Ma).
Dès le début du Jurassique ou Lias (201 Ma - 174 Ma) dans l’étage du Sinémurien (199 Ma –
191 Ma) on trouve des fossiles abondamment dans les calcaires à gryphées, puis au
Pliensbachien (191 Ma-183 Ma) dans les calcaires et marnes à bélemnites. Les organismes
marins contenus dans les alternances de marnes et calcaires mettent en évidence des variations
de conditions climatiques liées aux cycles de Milankovitch. L’étage suivant, le Toarcien (183
Ma- 174 Ma) débute, entre le Cotentin et la plaine de Caen, par les argiles à poissons, couche
de 2,5 à 6 m d'épaisseur contenant peu de restes (Dugué et al. 2016). L'horizon stratigraphique
qui lui succède au Toarcien moyen est un calcaire micritique ferrugineux appelé calcaire à
ammonites, visible dans la carrière de Feugerolles (Calvados), site emblématique des
collectionneurs. Cette carrière contenait une grande diversité d’ammonites mais est désormais
interdite d’accès. Au Toarcien supérieur, la dernière couche appelée Marnes à ammonites
marque une évolution vers une mer plus profonde au Jurassique moyen. On retrouve dans cette
transition des remaniements entre le Toarcien et l’Aalénien (174 Ma – 170 Ma), qui est l’étage
suivant. Plus ouverte, profonde et oxygénée, la mer dépose, à l’Aalénien, une couche calcaire
riche en céphalopodes, brachiopodes ou encore en plancton (Dugué et al. 2016). Le Bajocien
qui lui fait suite est dissocié en quatre entités géologiques où les ammonites sont très

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représentées. La première de ces entités géologiques se confond avec l’Aalénien, c’est la couche
de la Mâlière. Puis on retrouve une couche nommée « la couche verte » avec des dépôts fossiles
de bélemnites remaniées, ensuite nous retrouvons l’Oolithe ferrugineuse de Bayeux, très riche
en ammonites et prisée des collectionneurs. Enfin, le calcaire à spongiaires forme le dernier
horizon du Bajocien avec son calcaire biomicritique visible à Sainte-Honorine-des-Pertes
(Calvados). Nous trouvons ensuite le Bathonien (170 Ma – 168 Ma), dont les dépôts sont
visibles dans les falaises de Port-en-Bessin (Calvados) et dans la région de Caen. Cette couche
débute avec un de passage de 0,50 mètres de calcaires bioturbés, suivis par les Marnes de Port-
en-Bessin comprises entre 35 et 40 mètres d’épaisseur et seulement 10 mètres près de
Bénouville. On retrouve après les marnes, le calcaire de Caen, puis le calcaire de Creully ou de
Rouvres et la caillasse de Fontaine-Henri contenant des ammonites. Le Bathonien délivra
plusieurs restes de poissons dans le Calcaire de Caen (Bathonien inférieur-moyen) ou le calcaire
de Ranville (Bathonien supérieur) (Cuny et al. 2020). Jusqu’à la fin du Bathonien, les couches
de calcaires à faciès oolithique et bioclastique se succèdent. Le début du Callovien (166 Ma –
163,5 Ma) est une nouvelle transition importante sur le plan des collections de fossiles. Parmi
les sites les plus connus on retrouve les falaises des Vaches noires (Calvados), situées entre
Villers-sur-Mer et Houlgate sur 4,5 km. On y retrouve le Callovien et ses Marnes de Dives qui
est la partie inférieure de cet affleurement, réputé principalement pour ses ammonites pyriteuses
et ses restes de reptiles marins (Rouland et al. 2019). Puis le Jurassique supérieur débute par
l’Oxfordien (163,5 Ma – 157 Ma) avec les Marnes de Villers, toujours aussi riche en fossiles et
l’Oxfordien moyen et ses calcaires d’Auberville et de Trouville. Les falaises des Vaches Noires
sont érodées en raison de phénomènes divers, cela permet un apport quasiment constant de
fossiles à ramasser sur l’estran, ce qui en fait naturellement un lieu très prisé des collectionneurs.
L’étage géologique suivant, le Kimméridgien (157 Ma – 152 Ma), est également très recherché.
On le retrouve en Basse-Normandie avec de rares affleurements près de Villerville (Calvados)
et à Cricquebœuf (Calvados). Certains restes de vertébrés ont pu y être découverts (Lepage,
2014). Nous retrouvons cette couche géologique également en Haute-Normandie, le long de la
côte, au sud de la Seine Maritime, de la pointe de Sainte Adresse à Cauville-sur-Mer. Son faciès
est aujourd’hui moins accessible que ces dernières années, mais les découvertes y restent
nombreuses avec des vertèbres d’ichthyosaure, du plésiosaure et de crocodiles comme, décrit à
l’époque, un Teleosaurus d’Émile Savalle présenté en 1876 et découvert dans les terres à
Bléville (Lepage, 2010). Certains sites sont désormais incontournables pour les collectionneurs
de fossiles, entre le Cap de la Hève, Octeville-sur-Mer ou Cauville-sur-Mer (Seine Maritime).
Ces sites ont délivré de nombreux restes fossiles, du poisson aux reptiles marins et remplissent

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aujourd’hui plusieurs collections normandes. Les étages du Kimméridgien et du Portlandien,
sont également visibles au cœur de l’anticlinal du Pays de Bray en Seine Maritime. La période
du Crétacé (145 Ma – 66 Ma), qui succède au Jurassique, couvre une grande partie de la Haute-
Normandie et du pays d’Auge. Pendant la formation de cette entité géologique, la mer a
continué ses transgressions. Les restes fossiles dans ces dépôts sont principalement des
microfossiles mais on peut retrouver des restes plus importants comme des crustacés,
ammonites, bivalves ou échinodermes au Cap de la Hève par exemple. A la fin du Crétacé
inférieur (145 Ma – 100,5 Ma), dans l’Aptien (125 Ma – 113 Ma) nous pouvons trouver des
crustacés dans des sables ferrugineux près du Havre (Seine Maritime). A l’Albien (113 Ma
– 100,5 Ma), il y a des fossiles d’ammonites, de gastéropodes, d’échinodermes ou de poissons
au Cap de la Hève ou à Saint-Jouin (Calvados). Le Crétacé supérieur ( 100,5 Ma – 66 Ma)
débute avec le Cénomanien (100,5 Ma – 94 Ma). Cet étage géologique est présent sur une
grande partie du territoire de Haute-Normandie. Nous pouvons l’observer sur plusieurs falaises,
du Cap de la Hève jusqu’au Cap d’Antifer (Seine Maritime) en passant par Saint-Jouin, ou bien,
sur la partie sommitale des falaises des Vaches Noires. Un site emblématique du Cénomanien
se trouve à Rouen avec les affleurements de la colline Sainte-Catherine, dans lesquels des restes
de céphalopodes, brachiopodes, échinodermes mais également de vertébrés ont été trouvés,
dont un fémur de tortue marine (Tabouelle 2020). Les étages qui composent la fin du Crétacé
ne sont pas les plus recherchés pour leurs fossiles mais sont observables sur le bord de mer à
Étretat (Seine Maritime). Nous arrivons alors à la nouvelle ère géologique, le Cénozoïque,
commencé il y a 66 millions d’années. Il est majoritairement représenté par le Paléogène (66
Ma – 23 Ma). En Basse-Normandie seul le Cotentin garde certains vestiges situés dans le parc
naturel régional des Marais du Cotentin et du Bessin, une partie est toutefois recouverte par les
terrains holocènes (Dugué et al. 2009). Le Cénozoïque reste donc majoritairement représenté
dans l’est de l’Eure. A Chambray (Eure), des cavités naturelles karstiques permettent d’accéder
aux sables yprésiens (56 Ma – 48 Ma) et au calcaire lutétien (48 Ma – 41 Ma) avec une figure
emblématique des fossiles, les Campanile giganteum (Fournial & Rodet 2015). Les
exploitations sablières comme Gisors, Vesly, Boisgeloup, sont des zones recherchées pour les
collectionneurs. L’Oligocène (34 Ma – 23 Ma) dernière époque du Paléogène est représenté
partiellement au Nord-Est d’Evreux (Eure). Alternant entre argiles et sables, de petits
gastéropodes peuvent y être découverts. Enfin, nous retrouvons le Néogène (23 Ma – 2,6 Ma)
dernière période du Cénozoïque. Le Néogène est découpé en deux époques, le Miocène (23
Ma- 5 Ma) puis le Pliocène (5 Ma – 2,6). Ces terrains restent peu représentés en Normandie
mais nous pouvons les retrouver au nord-est d’Evreux. Pour le Miocène, un ensemble de dents

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fossiles (Prodeinotherium bavaricum) ont été découverts à Gourbesville (Manche) par Albert
de Lapparent (Collection historique / Musée Albert de Lapparent). La richesse et la diversité
géologiques de Normandie décrites jusqu’ici, permettent de nous rendre compte de l’abondance
de possibilités de récolte de fossiles et ce dans chaque département normand.

2.2 Les pionniers des collections de fossiles normands

Au XVIIIe siècle les hommes d’Église, de la bourgeoisie et des sciences ont continué à
réunir de nombreux spécimens dans les cabinets et collections privés. Les fossiles Normands
n’ont pas échappé à la pratique comme nous l’avons évoqué précédemment. Ils ont été collectés,
achetés, échangés et parfois perdus ou détruits. Ces premières collections de fossiles normands,
ont été construites autour d’une ébullition scientifique naissante. Cette effervescence
scientifique était concentrée dans des lieux particuliers, les grandes villes. Ces premières
collections se retrouvent pour la plupart dans des centres urbains importants comme au Havre,
à Caen, à Rouen ou Paris, au détriment des petits villages. Les fossiles n’ont en effet pas connu
le seul monopole des collectes d’habitants normands, Paris fut au début du XIXe siècle un centre
important de recherche sur des collections de fossiles normands. Les collections de fossiles
étaient alors pour la majorité localisée dans des centres urbains importants. En effet, si certaines
villes s’étaient déjà imposées dans leur rôle de capitale régionale, la majorité des villages côtiers
et ruraux de la Normandie du XVIIIe siècle n’étaient pas encore à l’effigie de nos villes côtières
actuelles. Nous pouvons prendre l’exemple du recensement de Villers-sur-Mer et Auberville
réunis (Calvados), qui comprenaient 632 habitants en 1802 (Roginsky & Dière 2003), à Caen
vers 1700 c’était entre 30 000 et 40 000 habitants, à Rouen environ 100 000 habitants, au Havre
9 000 habitants (Dardel 1967, Garnot 2000) et Paris 530 000 habitants (Notice communale
EHESS Cassini). Pour la fin XVIIIe siècle, il y a un rebond démographique important, les villes
en 1793 comme Evreux comptait 8 000 habitants, Dieppe 25 000 habitants, Cherbourg 10 000
habitants, Bayeux 10 000 habitants, St-Lô 7 300 habitants, Paris pour cette fin de siècle 640 000
habitants et le Havre 20 600 habitants. Les petites bourgades gardent un taux démographique
faible, comme à Octeville avec 972 habitants (Notice communale EHESS Cassini) ou Villers-
sur-Mer avec environ 400 habitants (Notice communale EHESS Cassini). Cette dichotomie
entre agglomération rurale et urbaine joue un rôle important dans la construction de collections
durant ce siècle. De ce fait, il est impossible de parler des pionniers des collections de fossiles
normands, sans évoquer des personnalités qui vivaient en dehors de cette région. Les
concepteurs de collection étaient, comme nous l’avons vu précédemment, des personnes de

20
renom ou possédant une certaine fortune ou situation sociale, de ce fait ils résidaient dans des
centres urbains plus importants pour la majorité d’entre eux. Les hommes d’Église étaient
l’exception, résidant dans des petits villages ils sont parmi les seuls avec certains marchands,
pour lesquels nous avons des traces de leurs collections en dehors des grands centres urbains.
L’un de ces premiers instigateurs de collections normandes est l’abbé Bacheley, résidant à
Saint-Hymer, entre Lisieux et Villers-sur-Mer (Calvados). Homme d’église et passionné
d’histoire naturelle, ce n’est que récemment que son rôle fut mis en avant et révélé par Arnaud
Brignon, à la suite d’une mauvaise orthographe de son nom en « Bachelet » par Georges Cuvier
(Brignon 2016a, 2016b). L’abbé Bacheley est l’un de ces acteurs majeurs qui s’est intéressé
aux restes fossiles en allant régulièrement en chercher, notamment aux falaises des Vaches
Noires. Sa collection comportait en 1778 des restes d’ossements de dinosaures, le premier au
demeurant (Brignon 2016b, 2018b), des restes de crocodiliens et plus d’une quarantaine de
variétés d’ammonites accompagnées de fossiles en tous genres (Brignon 2017). Sa collection a
été remarquée pour sa richesse et sa diversité dans certains écrits, comme avec Dezallier
d’Argenville ou Pierre Joseph Buc’hoz qui écrit « une belle collection de fossiles » (Buc’hoz
1776, p.601 ; Dezallier d’Argenville 1780, p.305) pour lequel tous deux le nomment là aussi
« Bachelet ». Fait intéressant, Louis Lépecq de la Clôture, médecin et proche de l’abbé
Bacheley, fit une description détaillée de son ami et nous permet de se rendre compte de
l’amplitude de sa collection (Brignon 2016b) :

ce Naturaliste possède à Rouen non seulement les pétrifications de cette carrière [ Colline Sainte-Catherine ] mais
encore toutes celles des Vaches noires […] & d’autres endroits. Sa Collection est considérable, & lui sert à démontrer très-
clairement, que les cailloux proviennent de la mer, & que la plupart ont été formés par des madrépores, & autres matieres qui
originairement étoient calcaires.

Pour autant que l’abbé Bacheley se rendait régulièrement sur le terrain et en fit de
nombreuses descriptions (Brignon 2016b), nous savons également que pour diversifier sa
collection il achetait à des marchands parisiens des coquillages et oursins par le biais de son
ami Jean-Etienne Guettard, connu pour être l’un des premiers à établir des cartes géologiques
(Brignon 2016a). Il lui arrivait également d’envoyer à cet ami des fossiles (Brignon 2016a). La
récolte sur le terrain, l’échange, l’envoi et les achats étaient courants à cette époque, ils
permettaient d’augmenter la collection dans un but scientifique et de partager cette même
optique avec d’autres chercheurs. L’abbé Bacheley vint s’installer à Rouen, où l’on pouvait y
contempler sa collection. Après son décès, le département prit possession de celle-ci (Pecheron
2017, Brignon 2020). Une partie avait été envoyée par la suite à Georges Cuvier par Jacques

21
Claude Beugnot, sur ordre du préfet de la Seine inférieur (Buffetaut 2011). Les ossements
fossiles de la collection Bacheley sont depuis restés à Paris où ils sont toujours préservés au
Muséum national d’Histoire Naturelle. L’abbé Bacheley n’était pas le seul homme d’Église à
récolter des fossiles durant cette époque, l’abbé Jacques-François Dicquemare s’intéressait lui
aussi aux sciences. Résidant au Havre et associé de l’académie de Rouen dès 1770 (Lemonier-
Mercier 2004), l’abbé Dicquemare pionnier des figures naturalistes, recherche des fossiles le
long du Cap de la Hève et aux falaises des Vaches Noires, deux sites à forte érosion (Letortu et
al. 2014, Maréchal & Lepage 2007, Roulland et al. 2019) . Sa collection n’est pas bien
répertoriée, hormis en 1776 dans son article consacré aux « ostéolithes » dans lequel il
mentionne certains de ses fossiles. On connaît de sa collection au moins 16 vertèbres de tailles
différentes, douze morceaux de nautiles, des coquilles pétrifiées tout cela entreposé chez lui au
deuxième étage de sa maison, là où il recevait et donnait des cours (Lemonier-Mercier 2004).
La collection de l’abbé Dicquemare est aujourd’hui disparue (Lemonier-Mercier 2004 ;
Brignon 2020). Les sciences et la curiosité ont poussé ces hommes à s’intéresser aux fossiles
durant leur carrière. Le prochain exemple peut être analogue aux collectionneurs actuels. Félix
de Roissy était issu de la région parisienne, habitant à Paris durant la majeure partie de sa vie.
Dès son enfance, Félix de Roissy avait été initié par l’intermédiaire de son grand-cousin le
général Antoine Marie Pâris d’Illins à la conchyliologie et au phénomène de la collection
(Brignon 2018a). Le rôle de son grand cousin dans la future passion de Félix de Roissy n’est
pas anecdotique. Ce contact fut sans doute à l'origine de la reproduction de cette passion. Félix
de Roissy deviendra alors également un fervent collectionneur. Rapidement il acquiert
coquillages et livres en faisant mention, puis il s’intéressa aux coquilles fossiles. Il achetait à
grands frais et acquit la grande collection du fondateur de l’école des mines de Paris, le cabinet
de Balthazar George Sage. Il prêtait également sa collection à ses contemporains, notamment à
son ami Henri Marie Ducrotey de Blainville qui étudiait les bélemnites (Brignon 2018a). Là où
Félix de Roissy s’inscrit dans le schéma d’un collectionneur aux abords scientifiques, ce fut à
travers une lettre adressée à Alcide Dessalines d’Orbigny, dans lequel il lui mentionnait en
1824, comment correctement prélever un fossile suivant plusieurs étapes. Ainsi il lui expliqua
que lors du prélèvement il fallait préciser la couche de ramassage et les deux substrats supérieur
et inférieur, avec si possible des fossiles des deux couches supplémentaires, la réalisation d’un
schéma était également préconisée. Les principes et conseils de Félix de Roissy sont encore
d’actualité, certains collectionneurs ne dérogent pas à cette règle, surtout en ce qui concerne les
schémas analytiques. Parmi les protagonistes, un autre en particulier nous amène à nous rendre
compte de l’importance de la découverte de fossiles durant le jeune âge, pour ainsi s’initier à la

22
passion de la collection. Jacques-Amand Eudes Deslongchamps était originaire de Caen,
étudiant en médecine, il verra pour la première fois en 1817 le reste d’un squelette fossile chez
un ami. Jacques-Amand Eudes Deslongchamps et l’un de ses amis nommé Tesson, sur lequel
nous reviendrons ultérieurement, s’étaient rendus dans la carrière d’Allemagne (aujourd’hui
Fleury-sur-Orne, Calvados) l’un des sites d’extraction de la pierre de Caen. Dans les blocs ils
découvrent des restes fossiles, dont la moitié d’un crâne de crocodile 6 que Tesson récupérera
(Buffetaut 2011). Toutefois, ce dernier sera échangé contre un coquillage rare (Brignon 2018c)
à Félix Lamouroux, professeur d’histoire naturelle à Caen (Brignon 2018c), que celui-ci léguera
à Georges Cuvier et par conséquence au Muséum d’Histoire Naturelle à Paris (Brignon 2018c).
Ces premières découvertes ont été des éléments déclencheurs qui lancèrent la carrière de
paléontologue de Jacques-Amand Eudes Deslongchamps, qui la décrit lui-même comme une
vocation (Brignon 2014). Le paléontologue commence alors à entasser sa collection de fossiles
des carrières et falaises normandes à l’université de Caen. L’ami de longue date de Jacques-
Amand Eudes Deslongchamps, Tesson ; qui est décrit aujourd’hui encore comme « un amateur
éclairé » (Brignon 2018c, p.5), avait su se constituer la plus importante collection de fossiles
du Mésozoïque du Calvados (Brignon 2018c). Tout comme Félix Roissy, Tesson avait été
sensibilisé dès son plus jeune âge aux fossiles lors de sa visite à la cathédrale de Bayeux. En
effet, on retrouve dans cette cathédrale une ammonite (qui n’est plus l’originale) enchâssée dans
le mur d’une des chapelles du bas-côté nord. L’inscription faite par le chanoine Bartol Danjou
au XVe siècle, expliquait que par le miracle de Dieu, le serpent avait été pétrifié. Une inscription
en latin figure sous cette ammonite « Credite mira Dei, serpens fuit hic lapis extans. Sic
transormatum Bartolus attulit huc » [Croyez au miracle de Dieu, cette grosse pierre fut un
serpent. Ainsi transformée, Bartole l’a fait placer ici] (Buffetaut 2017, p.23). L’attention qu’il
porta à cette ammonite fut certainement l’élément déclencheur de sa passion pour les fossiles.
La collection de Tesson fut sauvée du bombardement de 1944, elle avait été achetée par le
British Museum en 1857 pour une valeur de 10 000 francs. Le XVIIIe siècle a vu de nombreuses
collections particulières croître avec le commerce des fossiles florissant. Nous pouvons citer
par exemple les collections de l’abbé Charles Phillipe Campion de Tersan, Alexandre Besson,
Barthélémy Faujas de Saint-Fond, Louis Jurine, Etienne de Drée, Jean-Vincent Félix
Lamouroux, Jean-Baptiste Beurard ou Abel Vautier (Brignon 2018a, 2021). Pour conclure sur
les premières collections normandes, nous devons mentionner un acteur majeur Jean-Baptiste
Alexandre François Bloche, marchand de fossiles. Ce dernier vivait à Villers-sur-Mer, cet

6
Toujours conservé au MNHN cote AC 8746

23
homme de classe modeste, ce « collecteur » de fossiles comme le mentionne justement Arnaud
Brignon, avait vendu des fossiles aux plus grands collectionneurs dont Félix de Roissy, Arcisse
de Caumont, Jacques-Amand Deslongchamps ou encore au géologue anglais Henry de la Beche
(Brignon 2018a, 2018c ; Buffetaut 2011). Les anglais avaient aussi eu leur « François Bloche »
vendeur de fossiles en la personne de Mary Anning qui dès les années 1810 vendait des fossiles
aux musées et aux privés, dont George Cuvier (Buffetaut 2011). Ces vendeurs de fossiles ont
joué un rôle certain. D’une part ils ont comme Mary Anning été les premiers à découvrir de
nouvelles espèces mais surtout ces personnes connaissaient le terrain mieux que quiconque.
François Bloche en donne le parfait exemple quand il conseille Félix de Roissy concernant des
recherches. Félix de Roissy en parla dans sa lettre du 12 août 1831 (Brignon 2018a, p.48) :

Dans ce dernier cas, il serait important de détruire toute incertitude parce que Bloche dit que le moment est
favorable pour faire des recherches dans le même endroit afin d’y découvrir d’autres portions du squelette.

Alors que les stations balnéaires commencent à prendre une place importante en
Normandie, ces collecteurs dissimulent la richesse des rivages aux touristes. Toutefois, cela ne
dure qu’un temps.

2.3 Avènement des collections grand public au début du XIXe siècle

Le XIXe siècle connaît une démocratisation importante dans la collecte des fossiles en
Normandie. La paléontologie est vulgarisée et permet à un plus large panel de personnes de s’y
intéresser. Il ne s’agit de ce fait plus seulement des scientifiques ou ecclésiastiques mais
d’amateurs. Cette démocratisation va de pair avec l’avènement du tourisme balnéaire et
l’arrivée des voies de chemin de fer. La paléontologie, terme inventé en 1822 par Henri-Marie
Ducrotay de Blainville, est un thème largement publié dans les annales et bulletins des sociétés
savantes depuis un certain temps. Ces écrits restent cependant dans un cercle fermé
d’intellectuels et ne sont pas diffusés pour un public large. La vulgarisation du propos
commence à apparaître au début du XIXe siècle, avec par exemple les livres pour enfants. On
retrouve un de ces exemples dans un ouvrage en Allemand et Français, dans le Porte Feuille
des enfants de Bertuch de 1805, au chapitre Pétrifications Remarquables, où l’on peut lire que
« Les pétrifications sont les preuves les plus anciennes de la formation de notre globe et méritent
pour cela une attention particulière » (Bertuch 1805, p.106) accompagnée d’une illustration
(Annexe 5 - Illustration de fossiles pour les enfants). Toutefois cet exemple de livres illustrés

24
ne touche qu’une infime partie de la population, celle des familles aisées. Nous pouvons
prolonger l’exemple à travers les manuels scolaires qui se diffusent à partir du XIXe siècle
(Choppin 1980) avec ce qui peut être considéré comme le premier manuel scolaire évoquant la
« géologie » avec le Traité élémentaire de minéralogie avec application aux arts (Savaton
1998) paru en 1807 et autorisé pour les classes de 4è année (équivalentes aux classes de lycée
de 1ère et 2nde actuelles) dans lequel des fossiles sont évoqués brièvement (Savaton 1998). Un
second manuel, le Traité élémentaire d'histoire naturelle paru en 1804 pour les classes de 2ième
année (4ème et 3ème actuelles) qui avait été commandé cette fois-ci par le gouvernement (Savaton
1998). L’importance des manuels scolaires et des premiers « contacts » qui se font avec les
fossiles à travers des supports d’enseignements, peuvent être compris comme l’amorce de la
diffusion du collectionnisme de fossiles. Concernant le début du XIXe siècle, cette diffusion
auprès des plus jeunes, accompagnera les familles aisées qui iront se rendre dans les stations
balnéaires normandes. Le tourisme balnéaire est en effet au cours du XIXe siècle une pratique
en vogue et qui suit le mouvement engendré par les Britanniques. La France va alors investir
dans les voies de chemin de fer, qui sont moins coûteuses que les transports maritimes pour le
public. Rouen sera alors la première grande ville de l’Ouest reliée à la capitale dès 1841, la voie
de chemin de fer sera prolongée vers la côte, au Havre en 1847 et desservira Dieppe avec un
embranchement dès 1848. Ainsi, les côtes de Seine Maritime seront désormais accessibles aux
habitants de région parisienne et rapidement les petits villages de pêcheurs de la côte seront des
lieux prisés de la bourgeoisie. La côte du Calvados sera pour sa part accessible dès 1855 entre
Paris et Caen, et en 1858 entre Paris et Cherbourg. Les stations intermédiaires à partir de la gare
de Lisieux construite en 1855, permettent de se rendre à la gare d’Honfleur dès 1862 et à la gare
de Deauville-Trouville à partir de 1863. (Annexe 6 – Carte des lignes de chemin de fer en
Normandie au XIXe siècle). Les touristes fortunés vont investir dans des villégiatures et
découvrir au fur et à mesure des villages au-delà des villes équipées de gares. Nous pouvons
parfaitement rendre compte de ce phénomène pour Villers-sur-Mer dans les années 1860, où
les parisiens arrivés à Trouville, découvriront Villers-sur-Mer, qui en 1852, n’était qu’un petit
village rural avec « quelques fermes et chaumières dispersées autour d’une église » (Roginsky
& Dière 2003, p.39). Ce phénomène balnéaire et touristique est d’autant plus perceptible grâce
au guide touristique Conty, qui évoque qu’ « Houlgate, modeste plage de pêcheurs, inconnue il
y a dix ans, est devenue grâce à sa position et grâce à ses intelligents propriétaires, un véritable
palais d’été, fréquenté par les familles aristocratiques » (Conty 1883, p.186) ou « Etretat, qui
n’était, il y a quelques années, qu’un petit village de pêcheurs, doit sa fortune à Alphonse Karr,
qui le premier parla de ce ravissant pays » (Conty 1883, p.105) ou encore « Sainte-Adresse,

25
autrefois pauvre village de pêcheurs, aujourd’hui commune de 2,000 hab., émaillée de
ravissantes villas » (Conty 1883, p.145). L’essor du tourisme jouera un rôle important dans la
démocratisation des collections de fossiles, comme le signale encore une fois le Guide Conty :
« Les Vaches-Noires, […] sont des roches produisant […] des pétrifications parfois très-
curieuses, attirant de nombreux touristes » (Conty 1883, p.187) (Annexe 7 – Carte postale
Chercheurs d’ammonites escaladant les falaises, vers 1900). Cette curiosité touristique sera
favorisée par la possibilité d’admirer les collections privées dans les hôtels. Nous savons par
exemple que François Léon Le Rémois, propriétaire de l’hôtellerie de Guillaume-le-Conquérant
à Dives-sur-Mer et Maire de la commune de 1882 à 1892, avait une importante collection de
fossiles (Calvados Conseil général 1874, p.287) qui était exposée dans son hôtel comme le
mentionne toujours le guide Conty des années 1860 (Buffetaut 2011, p.48) :

On peut voir, chez M. Leremois, propriétaire de l’hôtellerie de Guillaume-le-Conquérant, une collection de fossiles,
essentiellement normande, recueillie dans les roches des Vaches-Noires.

Cette collection qui fut rachetée par la faculté de Caen avait été repérée en amont par M.
Morière (Calvados conseil général 1874, p.287-288) :

M. Morière, professeur d'histoire naturelle à la Faculté des sciences de Caen, dans une lettre à M. le Préfet, signale
l'existence d'une importante collection de fossiles réunie par les soins de M. Le Rémois, de Dives. Ces fossiles, appartenant au
terrain oxfordien, ou argile de Dives, ont été trouvés sur la côte, dans les falaises argileuses des Vaches-Noires, entre Dives et
Villers-sur-Mer. Il y a quinze ans environ, une seule collection de cette nature existait ; elle appartenait à un géologue de Caen,
M. Tesson, qui, pour une somme de 10,000 fr., la céda au British-Muséum.

Cette collection acquise par la faculté et détruite en 1944, semble avoir été initiée par
son père François Le Rémois (Brignon 2021). La collection de Léon Le Rémois, avait été au
sein de vifs débats à Caen. En effet, la faculté voulait éviter de réitérer la perte d’une collection
locale comme ce fut le cas avec Pierre Tesson, ami d’Eudes Deslongchamps, qui avait eu sa
collection de fossiles normands rachetée par le British Muséum (Calvados conseil général 1874,
p.289) :

Considérant qu'une importante et unique collection de fossiles [de M. Le Rémois] appartenant au terrain oxfordien
ou argile de Dives, pourrait être cédée au musée de Caen pour une somme de 5,000 fr par M. Le Rémois, propriétaire de cette
collection. Considérant qu'il y a quinze ans environ, une collection des mêmes fossiles [collection de Pierre Tesson] et moins
importante est allée, pour le prix de 10,000 fr., enrichir un musée étranger : le British-Muséum. Considérant le" grand intérêt
scientifique qui s'attache à la conservation en propriété de cette collection [de M. Le Rémois] indispensable pour la
connaissance de la géologie et de la paléontologie dans notre contrée ;

26
Les collections particulières étaient alors en pleine expansion et Jacques-Amand Eudes
Deslongchamps évoquait lui aussi ces nouveaux collecteurs et marchands de fossiles, il écrivait
en 1847 (Brignon 2018a, p.9) :

C’est sur ce banc que les collecteurs de Villers viennent ramasser la plupart des coquilles, polypiers et autres fossiles
qu’ils vendent ensuite aux touristes, géologues et paléontologistes. Suivant la force et la direction des vents, ce banc est, à mer
basse, ou couvert de sable, ou tout-à-fait libre ; ce sont les grands vents d’Ouest et de Nord-Ouest qui le découvrent
ordinairement. En temps de calme il est couvert de sable, les collecteurs de Villers cachent aux amateurs l’existence de ce banc
ou ne donnent à son égard que de faux renseignements. On devine pourquoi.

En effet, « Les collecteurs de fossiles étaient nombreux dans cette localité [Villers-sur-
Mer] vers le milieu du XIXe siècle » (Brignon 2018a, p.8), et comme l’écrit Jacques-Amand
Eudes Deslongchamps on comprend l’engouement du phénomène. Parallèlement à Caen,
l’exaltation scientifique continue avec la Société Linnéenne et cela pousse de nouveaux
amateurs éclairés à constituer des collections paléontologiques « flattés par l’intérêt que
suscitaient leurs trouvailles » (Brignon 2021, p.152). Un dernier extrait nous montre en effet,
cette démocratisation grandissante au XIXe siècle (Laforet 2015) :

La géologie et la paléontologie pratiques s’exercent généralement dans de riantes contrées au milieu des défilés de
montagnes ; elles nous mettent en présence de grands spectacles de la nature, dont la contemplation élève l’âme, tout en
fortifiant le corps par la salutaire gymnastique du voyage. Le chercheur de coquilles et d’ossements fossiles doit être bon
marcheur [...]. On ne saurait croire combien les ouvriers sont ignorants dans les campagnes ; ils en sont restés, sous le rapport
de la géologie, aux notions des siècles passés, et les pierres figurées qu’ils rencontrent ne leur semblent pas dignes d’être
recueillies. Ils les considèrent encore comme des jeux de la nature, et s’étonnent souvent que des touristes y attachent quelque
prix.

Nous retrouvons parmi ces amateurs éclairés, des personnages comme François Le Rémois
de Dives-sur-Mer, Louis Eugène Jarry horloger à Trouville dont la collection fut léguée par son
fils à la ville de Caen (Société Linnéenne de Normandie 1888, p.75), Pierre Tesson dont la
collection était semblable à celle de François Le Rémois particulièrement riche en vertébrés
jurassiques (Brignon 2018c) ou encore Abel Vautier qui s’était constitué son propre musée
privé (Brignon 2021). Les amateurs éclairés restent cependant victimes de leur anonymat,
seules certaines personnalités locales et ceux qui ont formé des collections importantes sont
cités dans les registres. Il faut de ce fait imaginer que le nombre de collectionneurs de fossiles,
qui ont constitué de modestes collections ou des collections importantes, a été certainement
plus nombreux que ce que les écrits ne nous laissent entrevoir. Aujourd’hui, cette
démocratisation s’est affirmée, on le remarque aisément avec les différents secteurs d’activités
des collectionneurs actuels identifiés pour un échantillon de 73 personnes (Figure 3).

27
Primaire Secondaire Tertiaire Retraité Etudiant Sans emploi
3 2 38 17 11 2

Figure 3- Secteurs d’activités de collectionneurs de fossiles issus du questionnaire Vos fossiles et Vacances, 2020.

3. Le phénomène du collectionnisme de fossiles, une activité normande


permanente
3.1 Une pratique pérenne en Normandie

A la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, les collections des particuliers étaient
devenues courantes. On rencontre plus distinctement désormais, deux pôles géographiques plus
spécifiques à la pratique en Normandie. Se distinguent alors la côte du Calvados avec le site
des Vaches Noires et la côte du Havre. Un dernier pôle subsiste, celui de Caen, plus rare il n’en
reste pas moins présent. Pour cette fin de siècle nous avons un exemple de deux amateurs du
Calvados à Villers-sur-Mer, Ferdinand Postel et son ami M. Petit-Gilet. Ces deux
collectionneurs de fossiles, ont ainsi constitué une très riche collection provenant des Vaches
Noires. Ferdinand Postel a immortalisé ses découvertes avec des clichés (Annexe 8 – Carte
postale de Ferdinand Postel, non datée) et avec son ami, ils ont mêlé l’art et la paléontologie
avec la réalisation d’un bijou de style Art Nouveau (La Foret 2014). Ferdinand Postel a
notamment constitué un fauteuil en béton armée incrusté d’ammonites (Annexe 9 – Fauteuil de
Ferdinand Postel) qui fait aujourd’hui sa renommée et, est exposé comme pièce maîtresse de
son art sur une estrade au Paléospace. Ferdinand Postel avait permis de faire des avancées
scientifiques avec ses découvertes multiples, il travaillait en collaboration ainsi avec les frères
Henri et Robert Douvillé, éminents géologues et paléontologues de l’époque (Merle 2011). La
collection Postel et Petit-Gilet avait été récupérée par la municipalité de Villers-sur-Mer au
décès de Ferdinand Postel. Elle constitua la collection municipale en 1980, puis intégra les
expositions du Paléospace l’Odyssée. Cette collection municipale aura été enrichie par de
nombreux donateurs dont Toussaint Quéromain qui fut parmi les premiers à suivre cet
enrichissement, à la classer et même y intégrer des fossiles de sa propre collection. Il sera
notamment accompagné par Alexandre Bigot, géologue et naturaliste (Lepage et al. 2011), pour
gérer la collection municipale. Toussaint Quéromain est parmi l’un des rares personnages
connus à avoir fait orner sa sépulture d’un fossile. On retrouve en effet sur la tombale [pierre
horizontale d’une tombe] de sa sépulture, dans le vieux cimetière de Villers-sur-Mer, une
ammonite scellée à sa base dans le socle en béton (Annexe 10 – Sépulture de Mr.Quéromain).
Ce geste qui n’est pas anodin, est original dans la périphérie de Villers-sur-Mer. Bien que trois

28
autres tombes récentes ont été accompagnées de dépôts de fossiles7 (Annexe 11 – Sépultures et
dépôts de fossiles) ou d’une gravure d’ammonite sur une stèle funéraire (Villers-sur-Mer)
(Annexe 12 – Sépulture de Mr.Lemaitre), la sépulture de Toussaint Quéromain reste unique en
son genre.
Ce dernier témoignage nous amène vers la génération des collectionneurs actuels, qui ont
débuté leurs recherches dans la seconde moitié du XXe siècle. Dans la cadre de ce travail, a
travers les questionnaires d’avril et juillet 2020 concernant des collectionneurs et les interviews
de collectionneurs exclusivement de Normandie entre mars et mai 2021, il nous est possible de
retracer les débuts de certaines collections contemporaines, leurs enrichissements et certaines
finalités. Nous avons ainsi des témoignages complets sur la pratique du collectionnisme du
milieu du XXe siècle à nos jours pour la France, puis plus particulièrement en Normandie. A
l’instar de Félix de Roissy ou Jacques-Amand Eudes Deslongchamps qui ont tous deux
commencé enfant, la moyenne d’âge des débuts des collections pour les 2268 personnes
interrogées en France (Figure 4) est de 18 ans.

> 10 ans 10 – 20 ans 20aine 30aine 40 ans <


62 87 40 22 15

Figure 4 - Moyenne d’âge des débuts de constitution de collections de fossiles – Etes-vous collectionneurs de fossiles ?, 2020
et Vos fossiles et Vacances, 2020

Une personne de 52 ans dans le questionnaire explique les débuts de sa collection il y a


de cela 45 ans «Suite à un cadeau de mon père, un Echinochorys, oursin classique du Crétacé
normand ». Également, Jean-Luc Deville, collectionneurs ayant parcouru la France et les pays
étrangers résidant en Bretagne, témoigne de ses débuts auxquels ont abouti à 50 ans de
recherche :

J’ai commencé ma quête vers l’âge de 13 ans où les empreintes d’ammonites dans les roches m’intriguaient. Après
renseignements, j’ai commencé à chercher ces « animaux préhistoriques », incroyablement étonné de découvrir ces traces de
vie de 170 Millions d’années

On retrouve également pour les collectionneurs exclusivement normands, des


témoignages qui coïncident avec les âges cités jusqu’à présent, comme avec Yves Lepage du
Havre qui témoigne en disant :

7
Gryphée à Houlgate, fragment d’ammonite à Houlgate, ammonites à Villers-sur-Mer et Houlgate, Actinostreon gregareum à
Villers-sur-Mer en Mai 2021
8
Participants cumulés des questionnaire Etes-vous collectionneurs de fossiles ?, 2020 et Vos fossiles et Vacances, 2020. Le
taux total de réponse peut varier. Cela est induit par des réponses hors contexte.

29
Je pense comme la plupart des gens, lorsqu’on était enfants, les premiers fossiles ramassés c'est quand on était gamins.
C’est quand on devait avoir 7 ou 8 ans. Sur les chantiers de la ville on trouvait des oursins, les premiers fossiles ramassés.

Tout comme Yves Lepage, Phillipe Massot d’Evreux, explique que ses premiers
ramassages remontent à ses 5 ans et demi, mais que ce ne fut qu’entre ses « 10 ans et 13 ans,
avec un ami voisin avec qui on a fait de la paléontologie jusqu’à son décès, Jérôme Enos » qu’il
avait réellement approfondi. Phillipe Massot disait notamment :

A l’âge de 16 ans j’ai participé à la fondation d’une association à la maison des jeunes et de la culture de Conche, qui
s’appelait le groupe géologique et spéléologique de Conche. A l’âge de 19 ans j’ai déposé les statuts avec mes copains, dont le
président actuel, de l’association culturelle La Pierre Conchoise, qui fait de la préhistoire, de la minéralogie et surtout de la
paléontologie évidemment sur la région normande. Mon idée à moi étant jeune était plus de découvrir l'origine de la vie. Fasciné
par la complexité d’un insecte, un escargot, une plante, un éléphant. Tout se bousculait dans ma tête d’ados, et je voulais savoir,
une grande prétention humaine peut être. Mais au départ ce sont toutes ces questions.

Pour Jean Vaireaux du Havre, cela débute par de la curiosité, puis le réel commencement
vers ses 34 ans :

Je m’en souviens plus trop, mais j’ai commencé vers 10 ans à faire des recherches archéologiques à Avignon […] Petit
à petit je suis tombé dedans et arrivé au Havre en fait, […] j’ai commencé à me promener en bas de falaises en famille. En me
baladant là je trouvais deux trois bricoles…Et puis à St-Jouin je tombe sur une pyrite de fer toute ronde. Après je me suis dit il
y en a peut-être d’autres ailleurs, puis en me baladant le long des falaises, voir des ammonites qui sortait des argiles et là ça a
pris… Donc je me suis inscrit à la SGN AMH.

Un autre collectionneur Havrais, Christian Leprevost témoigne également en parlant de


ses premières découvertes quand il avait la vingtaine :

Tout à fait par hasard, ayant un terrain de campagne en bord de Seine, j’ai trouvé des galets tout à fait curieux et en
faite qui s'avéraient être des oursins. Et c’est en cherchant ce que c'était, que j’ai compris et ça m'intéressait. Puis j’ai continué
seul, jusqu’en 2002, où j'ai rejoint et appris beaucoup plus de choses en faisant partie de la SGN AMH.

Dans ce même contexte de balade au bord de falaise, dans les années 60, le couple
Elizabeth et Gérard Pennetier, originaire de Paris mais venant fréquemment sur Villers-sur-
Mer, a commencé à s’y intéresser lors de leurs promenades entre Villers-sur-Mer et Houlgate
en suivant le cours des marées. Ils avaient remarqué une ammonite sur la plage lors de leur
retour et la curiosité pour les fossiles avait alors commencé. Un dernier exemple, toujours dans
le contexte de balades aux falaises, il s’agit de Max Bülow (1950-2020) originaire de l’Ouest
de Caen, qui avait dans les années 1975 commencé sa collection comme en témoigne sa
compagne Jocelyne Fouquet-Bülow :

30
1975…par les promenades aux falaises d’Houlgate. Il s'intéressait à l’histoire. C’est Max qui a initié ses parents, quand
il avait une vingtaine d’années. Il aimait beaucoup creuser, ramasser les morceaux de poteries.

En 2020, la moyenne d’âge des collectionneurs actuels de fossiles, déterminée à l’aide


des deux questionnaires, sur 228 personnes dans toute la France, était de 44 ans. Pour Phillipe
Massot « Les collectionneurs sont des personnes avec une moyenne d'âge, entre 60 et 80 ans ».
Parmi ces personnes, nombreuses ont été initiées à la collection ou à la collection de fossiles
directement (figure 5), par des proches et ce tout comme certaines figures historiques.

Figure 5 – Pourcentage de personnes ayant été initiées au collectionnisme de fossiles par une tierce personne sur 155
participants – données issues du questionnaire vos fossiles et vacances 2020

Beaucoup ont été initiés par leurs proches, comme les grands parents, les parents, les
frères et sœurs ou plus rarement par des personnes extérieures comme des amis, collègues, des
professeurs ou directement par des clubs. Certains collectionneurs continuent d’en initier
d’autres (Figure 6). Parmi les 47 personnes qui ont été initiées, 30 ont à leur tour fait adhérer
des proches, souvent des conjoints ou conjointes, enfants, amis ou collègues.

31
Figure 6 - Pourcentage de personnes ayant initié une tierce personne au collectionnisme de fossiles sur 155 participants-
données issues du questionnaire vos fossiles et vacances 2020

Nous avons parmi les interviews de normands, l’exemple de ce phénomène d’initiation.


Max Bülow est un cas particulier, contrairement à ce que l’on retrouve plus communément,
c’est lui qui a fait adhérer ses parents à la recherche de fossiles. Mais Jocelyne Fouquet-Bülow
précise que le père de Max Bülow avait lui aussi, avant les fossiles, été un collectionneur :

Son père collectionnait absolument tout, limite maladif… les boites de camembert, les allumettes, les boites de coca.
C’est possible que ce soit son père qui lui ait légué ça. On trouve, on garde.

Ainsi tous trois, Max Bülow et ses parents, étaient nommés « la fusée à trois étages »,
du fait de leur méthode de recherches sur le terrain. Pour Yves Lepage, qui a trois autres frères,
ce serait là aussi leur père qui aurait certainement inculqué cette manie :

Ma mère non mais mon père oui, il collectionnait les timbres et étiquettes de fromages, boîtes de cigares, beaucoup
de maquettes. Probablement qu’il nous a légué ça, il était très ordonné.

Jean Vaireaux explique ce même phénomène du coté de sa mère :

C’est ma mère qui avait des yeux pas tout à fait classiques, si y avait une pièce romaine sur un chemin elle la trouvait.
Je pense que c’est l'éducation mais la génétique en fait beaucoup là-dedans, dans l’esprit de curiosité. Je dois avoir du
Neandertal en moi, pour pouvoir me démerder dans la nature.

Phillipe Massot, lui a été initié par une personne en dehors du cercle familial comme il
l’évoque lors de l’interview :

32
La chance d’avoir aussi dans le quartier un menuiser qui avait une collection sur Villers notamment qui était
remarquable et sur la préhistoire. Et [il a aussi été initié par] le curé du village qui était responsable de la circonscription
préhistorique de la haute Normandie qui s’appelait le père Paul Oden.

Tous ces protagonistes normands, ont en commun une évolution de la pratique en


grandissant. Cette évolution est impossible à interpréter fidèlement pour les collectionneurs des
siècles passés. Il nous est possible, au travers de ces témoignages, de percevoir comment peut
évoluer la pratique de la collection pour des normands. Pour Max Bülow, cela est perceptible
avec ses cahiers de fouilles. Sa femme Jocelyne disait (Annexe 13 – Carnet de terrain de Max
Bülow) :

Il a rempli beaucoup de cahiers de fouilles, où il dessinait chaque petit élément, il mesurait, dessinait, comparait
avec d’autres fossiles. Les premières années, il avait le temps de le faire, dans les moindres détails. Après il y a eu trop de
choses, peut-être ça devenait trop long. […] Celles que j’ai trouvées, je m’en souviens je me souviens des années où je les ai
trouvées, 78, 79, les déroulées de l'île de Wight 80, 81. Je pense qu’il a noté ça dans ses carnets de fouilles car c’étaient les
premières années où il notait. […] Il y avait des colonnes de caisses remplies du sol au plafond avec des kosmoceras. Que des
kosmoceras, des petites des grosses, des belles des moches. Et il marquait à nettoyer, qui allait le faire ? Plus personne ne
pouvait les nettoyer, j’en ai gardé quelques-unes. Au début il classait après il a été dépassé par les événements.

Au cours de sa vie, Max Bülow ne recherchait pas de « beaux spécimens, mais celui
intéressant scientifiquement parlant, intéressant pour la couche » comme le disait son épouse.
Le regard de Jocelyne Fouquet-Bülow a lui aussi évolué « Quand la collection a pris une
tournure scientifique j’ai été très rapidement dépassée, puis ça m'intéresse beaucoup moins ».
Dans ce même état d’esprit scientifique, Yves Lepage explique son évolution vers cette
tendance :

Ça évolue, puis…bon on apprend, on s’instruit et puis je dirais qu'aujourd'hui, je vais moins m’attacher à la beauté
du fossile qu’à sa rareté par exemple. Une ammonite rare, même si elle est partielle m'intéresserait beaucoup plus que
magnifique ammonite qu’on trouve à foison. En fait, c’est une démarche qui se fait petit à petit. J’ai arrêté de collectionner les
boîtes de camembert, ça c’est fini […]. Là c’était plus collection.

Concernant Phillipe Massot, depuis son association La Pierre Conchoise à Conches, il


a créé des vitrines thématiques de fossiles issus de toute la Normandie, il peut ainsi les proposer
pour des expositions ou se déplacer facilement avec dans des écoles. Pour Christian Leprevost,
l’évolution se traduit autrement :

Il faut vous dire, qu’à une époque où je me faisais un estran ici trois ou quatre fois par semaine. Alors, se rappeler de
tout c’est pas possible. Puis, plus le temps était pourri, plus j’y allais. Mais maintenant j’ai plus envie de ça. Je veux bien sortir
mais plus me faire rincer.

33
L’évolution de la pratique réside dans un autre fait notamment, que Jean Vaireaux
exprime ainsi :

Et mon rêve c’était bien sûr de trouver un os de reptile marin mais c’est plus compliqué ! Le rêve ! J’ai cherché des
jours et des jours, je ne connaissais pas les couches. Je me suis renseigné, on m’a aidé un peu. Puis un jour je tombe sur un
bout de fémur, voilà et je ne savais même pas si c’était un os ou pas, parce que j’avais pas l'œil ! Donc je l’ai amené et on m’a
dit ouais ouais c’est un fémur, quelles couches et cetera et moi j’en sais foutre rien de la couche ! Et donc on m’a donné des
bouquins, des photocopies de bouquins pour mieux me repérer dans les falaises et puis petit à petit c’est comme ça que j’ai
appris les couches géologiques du secteur, savoir où il y avait des sédimentations rapide ou lente ! Que dans les sédimentation
rapide on trouvait rien, ou pas grand-chose et que là ou il y avait des bancs calcaires en dessus ou en dessous il y avait des
choses !

Les premières découvertes d’ossements fossiles ont la particularité de faire évoluer


certains collectionneurs. Gérard et Elizabeth Pennetier avouaient en effet, après la première
découverte d’un os fossile, ne plus se préoccuper que de ça au détriment des ammonites qu’ils
voyaient. Christian Leprevost évoque également ce rêve des chercheurs de fossiles en disant
qu’« On peut toujours rêver de trouver un crâne d’ichthyosaure au Cap de la Hève ».
L’obsession de l’os ne concerne toutefois pas tous les collectionneurs, certains comme Yves
Lepage ne se préoccupent pas en particulier de ce type de fossiles, sauf comme support pour
des recherches. Erwan Collas9 de Dives-sur-Mer et chargé des inventaires au Paléospace,
évoque quant à lui la transition vers la première découverte de l’os et ce que cela implique :

La découverte de mon premier os a éveillé un intérêt pour un nouveau « type » de fossile. Certes trouver une belle
série de vertèbres est très enivrant […] mais je serais tout aussi content à la découverte d’une belle plaque d’oursins ou une
belle ammonite très bien préservée.

Enfin, nous pouvons souligner un dernier aspect de cette pérennité avec une carte de
déplacements basée sur 58 personnes ayant participé au questionnaire10 « Vos Fossiles et
Vacances » (Figure 7). Nous pouvons y observer les déplacements des lieux de vie vers les
zones de récoltes de fossiles. La Normandie et plus particulièrement le Calvados est le lieu qui
comporte le plus d’arrivées extra-régionales, et le plus de déplacement intra-régionaux.
Toutefois, nous pouvons prendre en compte qu’il s’agit de la zone la plus dense pour la partie
septentrionale de la France. Deux autres entités départementales, la Gironde et l’Hérault sont
des lieux à forte concentration. On remarque notamment, que les déplacements sont
principalement effectués en périphérie des zones de résidence des participants, la moyenne des
déplacements est de 300 km.

9
Paléontologue – Médiateur Scientifique et archiviste au Paléospace l’Odyssée à Villers-sur-Mer
10
Hors déplacements à l’étranger

34
Figure 7- Déplacements entre le domicile et la zone de collecte de fossiles pour 77 participants

3.2 La place des collectionneurs de fossiles actuels

Comme d’autres passions, ramasser des fossiles est en partie soumis à une législation.
Elle dépend essentiellement de la protection des sites d’intérêt géologique et paléontologique
avec des réserves géologiques (patrimoine non renouvelable). Les terrains classés, interdisent
les récoltes de fossiles tout comme les terrains privés sans autorisation préalable du propriétaire.
En France, les terrains peuvent être de nature privée ou publique (communaux, domaniaux…).
Les fossiles, considérés comme des objets meubles une fois détachés du sol, ont comme
l’évoque Jean-Dominique Wahiche « toujours un propriétaire » (Wahiche 2013). Concernant
les restes fossiles de dinosaures, ils sont considérés comme un bien mobilier ou immobilier et
reviennent au propriétaire du sol. Le Code Civil article 546, stipule cela à travers la propriété
d’une chose mobilière ou immobilière (Wahiche 2013) « La propriété d’une chose soit
mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit, et sur ce qui s’y unit
accessoirement soit naturellement, soit artificiellement ». Notamment, depuis 2010 dans le

35
Code de l’environnement11 , article L332-2, alinéa 2, l’Etat permet de faciliter la démarche de
la protection du patrimoine géologique régional :

Le conseil régional peut, de sa propre initiative ou à la demande des propriétaires concernés, classer comme réserve
naturelle régionale les propriétés présentant un intérêt pour la faune, la flore, le patrimoine géologique ou paléontologique ou,
d'une manière générale, pour la protection des milieux naturels.

Les lois en vigueur, ont pour but de préserver les données scientifiques d’un fossile
(stratigraphie, orientation…) qui sont détruites lors d’une extraction non professionnelle
comme le stipule Nathalie Bardet12 lors d’un échange « Certains ont une très bonne
connaissance du terrain et des techniques de récolte, d'autres absolument pas et sont de vrais
dangers publics lorsque lâchés dans la nature avec un marteau et un burin : c'est comme partout,
il y a de tout ! ». Du moins, même si certains amateurs procèdent correctement, les données
récoltées ne sont que rarement partagées. Un amateur ne peut être toutefois dépossédé d’un
bien acquis en dehors de cette juridiction et ce même si celui-ci présente un intérêt scientifique
majeur. L’amateur actuel, est donc plus dépendant d’un code déontologique qui se transmet
entre amateurs et est induit par une démarche personnelle que d’une réelle législation. La
légalisation sur le patrimoine paléontologique est relativement récente, les collectionneurs
évoquent en parallèle avant l’avènement des lois, un âge d’or de la récolte. Cette période qu’ils
évoquent serait comprise entre les années 60 et 80, elle aurait permis de faire de nombreuses
découvertes. Selon eux, à cet âge d’or a succédé une perdition due à plusieurs facteurs, le
premier étant l’accès aux carrières désormais interdit ou elles sont remblayées, un ensablement
des zones côtières ou bien un nombre croissant d’amateurs, créant une raréfaction des fossiles.
Yves Lepage explique ce phénomène pour le Havre :

Puis on a connu les bons niveaux...il est ensablé...on a connu le Kimméridgien…C’est pour ça que ça m'a intéressé, on
cherchait dans des niveaux, on trouvait du bois, des invertébrés...

Phillipe Massot évoque cela à travers l’évolution de la pratique ces dernières années :

On est dans une passion vieillissante. Qui se fossilise. Dans le sens où déjà des lieux de recherches sont diminués. Les
lois font que ça devient de plus en plus dur de ramasser des fossiles, entre propriété et sécurité.

Pour Jean Vaireaux (Annexe 14 – Partie de la collection de fossiles de Jean Vaireaux) :

11
Légifrance.gouv Code de l’environnement : Sous-section 1 : Création (Article L332-1 à L332-8) version en vigueur au 14
juillet 2010
12
Paléontologue - CR2P - Centre de Recherche en Paléontologie – Paris, CNRS - MNHN - Sorbonne Université

36
[…] j’allais surtout du côté d'Octeville-sur-Mer il y a quand même un gisement, enfin il y avait un gisement. C’est une
cata. Il n’y a quasiment plus rien à trouver, ça fait une quinzaine d’années où on est dans une bérézina ou on trouve pas grand-
chose mais y a une époque où c’était extraordinaire.

Gérard et Elisabeth Pennetier racontent leurs souvenirs de Villers-sur-Mer désensablé,


dans les années 1960 avec sur le platier, une profusion d’ammonites « plus grandes les unes
que les autres ». Cet âge d’or évoque une période riche en découvertes sur de nombreux sites.
Cependant cet âge d’abondance relève en partie du faux-semblant. Cette vision partiellement
biaisée avait déjà été évoquée en 1920 et rappelée également dans un éditorial par Yves Lepage
(Lepage 2018). Des géologues de la Société Géologique de Normandie, expliquaient en effet
que les sites devenaient de plus en plus pauvres et qu’il y avait une « raréfaction des découvertes
paléontologiques dignes d’intérêt dans les gisements littoraux de la région havraise » (Lepage
2018, p.1). Nous pouvons nuancer cette évocation car les découvertes restent abondantes et de
nombreux sites emblématiques continuent d’offrir des spécimens remarquables. Il s'agirait
plutôt d'une période où les interdits moins nombreux laissaient aux collectionneurs une grande
liberté de prospection et les années suivantes, pourtant tout aussi productives, s'en trouvent
occultées. Malgré les réhabilitations de carrières et la réelle tendance à l'ensablement et à la
végétalisation des zones fossilifères, l'apport de fossiles par l'érosion reste constant et les
découvertes sont encore fréquentes. L'effectif de collectionneurs amateurs n'est pas quantifiable
mais, contrairement aux paléontologues professionnels, ces collectionneurs ont la possibilité de
se rendre plus fréquemment sur le terrain et de faire plus souvent des découvertes. Nathalie
Bardet expliquait leur rôle en ce sens « Lorsque les collectionneurs sont responsables et ouverts
aux scientifiques, je les considère comme des acteurs importants dans la recherche car ils sont
sur le terrain plus régulièrement que nous, découvrant de nombreux fossiles par leurs
prospections régulières, ce que nous ne pouvons souvent pas nous permettre en tant que
professionnels (nos campagnes de fouilles sont limitées dans l'année) ». Inévitablement, la
conséquence des recherches des amateurs est la quantité de fossiles dans leurs collections.
Comme leurs prédécesseurs historiques qui se rendaient régulièrement sur le terrain et avaient
alors découvert des holotypes, fait des avancées scientifiques ou construit les premiers musées
municipaux, les collectionneurs actuels poursuivent leurs contributions scientifiques. Max
Bülow, par exemple, avec ses carnets de terrains, nous permet de suivre ses déplacements
successifs et ses recherches au jour le jour pendant des mois. Ainsi, Max Bülow s’était constitué
une collection très importante comme l’explique son épouse (Annexe 15 – Partie de la
collection de Max Bülow) :

37
Quand on lui demandait combien d’ammonites il disait 40 000, c’était au nombre de caisses qu’il savait et il savait
combien d’ammonites par caisse. C’était un nombre global, mais je pense qu’on s’en approchait. Il partait surtout en hiver sur
les falaises de Villers, c’était toujours les mêmes qu’il rencontrait, ils se parlaient quand même. Il aimait beaucoup les
ammonites de Villers.

La collection de Max Bülow contenait certains ossements ou ammonites blessées qui


ont été étudiés par Michel Rioult13 ou Eric Buffetaut14. Il avait prêté également des petits os
d’un ptérodactyles pour des moulages à Philippe Taquet15. La collection de Max Bülow à
intégrer les réserves du Paléospace étant donné sa diversité et sa richesse, elle poursuivra sa
contribution aux recherches scientifiques. Les frères Lepage ont eux aussi des années de
pratiques, il est possible notamment de voir sur le groupe Facebook SGN (Société Géologique
Normande), la récurrence de leurs déplacements sur le terrain. Pour le mois de mai par exemple
ce sont 9 déplacements dont certains plusieurs jours successifs, alternant essentiellement entre
Octeville-sur-Mer et le Cap de la Hève. Yves Lepage explique (Annexe 16 - Partie de la
collection des frères Lepage) :

On était trois à chercher quand même... Sur le Havre on cherche régulièrement […] depuis le début des années 80.Y
en a qui collectionnent un peu comme nous...Nous c’est essentiellement basés du Havre à Saint Jean quoi, locale.

L’un des frères Lepage, Gilles avait commencé à compter les fossiles de leurs
collections et était arrivé au nombre de 22 000. Toutefois, Yves Lepage ajoute :

Entre tout ce qu’il y a ici et ce qu’il y a chez moi, on doit largement dépasser les 30-40 000, ça fait 40 ans qu’on
cherche, enfin assidûment. Avant on ramassait un peu ce qu’on trouvait.

Les frères Lepage ont déposé environ 3 holotypes. Leurs collections ont ainsi été consultées par
Eric Buffetaut, Gilles Cuny16 ou Stéphan Hua17. Yves Lepage est également le président de
Sciences et Géologie Normande, il publie des articles avec des paléontologues et a permis de
nombreux progrès sur la géologie Havraise. Philippe Massot évoquait pour la quantité de ses
fossiles « Quelques milliers. Heureusement qu’il y a des échelles pour les accumuler. Une vie
de ramassages, ça fait beaucoup de cailloux quand même » (Annexe 17 - Partie de la collection
de Phillipe Massot). Philippe Massot et son association La Pierre Conchoise, ont permis de
récupérer des collections d’amateurs par des donations qui ont été étudiées elles aussi entre
autre par Eric Buffetaut. L’association permet également de faire connaître à un large publique

13
Géologue - Ancien directeur de recherche au CNRS en Géologie à l’Université de Caen
14
Paléontologue - Directeur de recherche émérite au CNRS au Laboratoire de Géologie de l’Ecole Normale Supérieur à Paris
15
Paléontologue – Ancien directeur du Muséum d’Histoire Naturelle à Paris
16
Paléontologue – Professeurs d’Université UCB Lyon 1
17
Chercheur Libre en Paléontologie des vertébrés

38
le monde de la paléontologie normande à travers une riche collection. Christian Leprevost,
explique ne jamais avoir compté le nombre de fossiles qu’il possède (Annexe 18 - Partie de la
collection de Christian Leprevost) :

Aucune idée, j’ai jamais compté. Ça ne met même pas venu à l’esprit de compter. À la campagne ce qu'il y a ce sont
des pièces pas très belles que je ne veux pas jeter, alors je les garde. C’est toujours difficile de jeter un fossile, on sait que ce
sont des pièces uniques, au pire les remettre en bas de falaise ou au bord de la Seine et si quelqu’un les trouve tant mieux.

Christian Leprevost a pour sa part trouvé un Asteracanthus avec des fragments de crâne,
celui-ci assez complet était particulièrement rare. Le fossile à été étudié par Gilles Cuny puis,
Christian Leprevost en a fait don au Paléospace l’Odyssée. Pour Gérard et Elizabeth Pennetier,
le nombre de fossiles est d’après eux incalculable après plus de 30 ans de recherche. Ils ont
trouvé au cours de ces années des pièces rares, étudiées par de nombreux paléontologues. Ils
lèguent depuis plusieurs années des pièces au Paléospace. Quantifier le nombre de fossiles
d’une collection reste pour de nombreux collectionneurs une impossibilité, comme en
témoignent les participants au questionnaire pour lequel les réponses peuvent varier entre une
dizaine et plusieurs dizaines de milliers (Figure 8). Pour quantifier, certaines réponses ont été
arrondies à 2 000 quand la mention comportait « plusieurs milliers ». Ces résultats sont des
estimations subjectives mais révèlent que beaucoup de collections comprennent un nombre
important de fossiles et que leur inventaire précis n'est que très exceptionnel. Jean-Luc Deville
témoigne lui aussi de cette difficulté entre compter et nettoyer les fossiles :

Je comptabilise plusieurs milliers de fossiles. Mais le compte est impossible à faire réellement. Bon nombre
d’échantillons sont encore dans des caisses que je trie et nettoie en temps libre.

Le rôle des amateurs est donc prépondérant en ce qui concerne les avancées
scientifiques, mais pour ce faire leurs collections doivent être étudiées. De plus, leurs
témoignages sur l’évolution de la pratique ou celui des paysages sont tous aussi important d’un
point de vue historique. L’évolution des associations, des relations entre les collectionneurs, de
la déontologie sont également des informations sociologiques majeures. La passion du bien
commun que sont les fossiles ne se limite donc pas comme nous venons de le voir, au simple
plaisir individualiste. Un nombre important de facteurs sont dépendants de ces amateurs. Jean-
Luc Deville exprime par exemple son opinion sur le rôle de ces amateurs, souvent partagée par
d’autres passionnés :

Comme pour beaucoup d’exemples, l’amateurisme est un élément essentiel et primordial pour le développement de
certaines sciences. Que nous parlions de minéralogie ou paléontologie, de spéléologie, d’archéologie … sans les amateurs, ces
sciences n’auraient pas eu le développement qu’elles ont eu. Bon nombre de « découvertes » ou « inventions » sont dues à de
simples amateurs.

39
Figure 8 - Quantité de fossiles dans les collections de 150 particuliers

Dans ce même état d’esprit, Edmond Bonnaffé résumait au début du XXe siècle, la place
des collectionneurs en son temps (Bonnaffé 1902, p.2) :

Voulez-vous savoir quelle est son utilité ? promenez-vous au Louvre, à Cluny, à la Bibliothèque ; interrogez les
tableaux, les livres, les statues, les estampes, les bronzes, les marbres, les ivoires.[…] Et tant qu'il y aura un musée en France,
les plus beaux chefs-d'œuvre se dresseront pour dire : « C'est un tel, un amateur, qui nous a donnés pour l'honneur de son pays
et l'enseignement des générations futures ».

3.3 Collectionneurs, curieux ou amateurs ? Essai à la classification typologique des


collectionneurs

Dans la littérature, nous avons vu que le terme de collectionneur a beaucoup évolué.


Pierre Lavaud alias Mazan de son nom d’artiste, est un dessinateur qui accompagne les équipes
paléontologiques d’Angeac en Charente Maritime sur les fouilles du Musée d’Angoulême et il
a également réalisé les dernières illustrations de l’exposition temporaire sur les crocodiles au
Paléospace. Pierre Lavaud n’est pas collectionneur, mais il fréquente très régulièrement des
fouilleurs et collecteurs de fossiles. L’illustration inédite réalisée pour le mémoire représente
un collectionneur d’ammonites. Nous pouvons voir (Annexe 19 – Le collectionneur
d’ammonites de Mazan) que certains stéréotypes sont repris ici avec humour, comme l’aspect
bourgeois, l’accumulation, les envois et échanges qui sont des éléments persistants dans l’image
que renvoie le collectionneur de fossiles dans l’esprit commun. La figure du collectionneur du
XXIe siècle n’est plus à l’égal des renfrognés et diogéniens collectionneurs des XIXe et XVIIIe
siècles que nous avons vus précédemment. Nous pouvons notamment désormais décliner le

40
propos sur un second point fondamental. On retrouve tout d’abord les collectionneurs et les
collecteurs. Le premier crée sa propre collection et le second recherche des fossiles pour autrui
et en fait continuellement don. Le terme collectionneur continue aujourd’hui de véhiculer des
préjugés et garde ancré des stéréotypes négatifs. Jean-Luc Deville, que nous avons cité
précédemment explique sa vision des différence entre les deux termes :

Je tiens tout d’abord à dire que je ne veux pas me dire « collectionneur », mais collecteur. Je fais une grande différence
dans ces deux termes car ils sont aujourd’hui porteurs d’images trop caractéristiques. Je suis prêt à abandonner tout ce que j’ai
collecté si cela peut servir à une collectivité.

Jacques Hurtrelle, autre collectionneur réputé, commença sa collection essentiellement


d’invertébrés en 1998 sur la plage de Cricquebœuf. La collection fait dorénavant partie du
Paléospace. Lucille Couture expliquait suite à leur rencontre que (Couture 2015) :

Lors d'une rencontre avec l'ancien propriétaire de la collection, Monsieur Hurtrelle a confié ne pas se considérer comme
un collectionneur. Le ramassage des fossiles lui permettait surtout de se changer les idées après une journée avec les enfants
en bas âge dont il s'occupait. Son but n'était pas forcément de constituer une collection. C'est pour cela qu'il n'allait pas tous les
jours chercher des fossiles, privilégiant les mois d'hiver car peu de gens se trouvaient sur la plage et la mer et le vent de
Normandie dégageaient correctement le lieu à cette période.

Yves Lepage explique notamment sa vision sur le terme collectionneur :

J’aime pas trop ce mot de collectionneur en fait. C’est pas une collection en fait, c’est un regroupement de fossiles,
c’est une collection dans un certain sens oui, mais on n'est pas collectionneur quoi. Ça a une utilité, c’est étudié.

Ou Gérard Pennetier qui se dit être un « ramasseur de cailloux ». Le « but » de la


collection, sera ici notre base pour un essai de typologie (figure 9). Nous pouvons alors
différencier trois grandes catégories de collectionneurs : le curieux, l’amateur et le scientifique.
Un collectionneur curieux, serait le synonyme d’un débutant, pour lequel la passion est
naissante. Sa collection n’a pas encore de but défini, il récolte par simple curiosité, happé par
le beau et peut être ainsi sa vie durant. L’amateur est synonyme d’une personne aguerrie, aux
multiples connaissances. Nous le retrouvons régulièrement dans la littérature dès le XIXe siècle.
Edmond Bonnaffé fit également une description et distinction des collectionneurs, entre
amateur et érudit (Bonnaffé 1881 p.1, 3, 4) :

L'amateur et l'érudit ont un objectif, des procédés différents. L'un, passionné pour le beau, ne poursuit que son idole il
la reconnaît à son parfum, à son rayonnement, il la devine [...] L'érudit, impassible et sceptique par état, dissèque, décompose,
analyse à froid. […] Le premier se jette aux genoux de la beauté, l'autre lui demande ses passeports.

41
Pour notre typologie, les deux clades décrite par Edmond Bonnaffé correspondent en
réalité à un seul genre celui de l’amateur. La collection d’un amateur peut avoir différents buts,
entre plaisir individuel, outils pédagogiques ou scientifiques. Cela dépend en grande partie du
caractère du collectionneur. Le scientifique équivaut à l’« amateur éclairé », sa collection ne
répond à d’autres buts que l’avancée scientifique et les études. Auguste Demmin décrit cette
figure du scientifique au XIXe siècle (Demmin 1864, p.34) pour lequel les caractéristiques sont
encore d’actualité :

Tout dada est une passion, et toute passion est plus ou moins égoïste. On dit que les savants sont des égoïstes, parce
que l'étude absorbe tout chez eux, — et à ce titre tout amateur et collectionneur est plus ou moins égoïste ; mais ces égoïsmes-
là sont respectables, puisque la science et la société en tirent leurs profits.

Chacune de ces grandes catégories peut évoluer dans le temps et ce phénomène dépend
donc de la personnalité du collectionneur, de son vécu, de ses relations. Ainsi, les catégories
peuvent être complémentaires les unes aux autres, elles ne sont pas cloisonnées. Dans un second
temps, nous retrouvons des aspects secondaires qui répondent à la fois au but de la collection
et aux caractères individuels. Une partie de ces aspects concerne la façon de gérer la collection.
Le premier trait complémentaire est le système d’inventaire (carnet d’inventaire et marques sur
les fossiles), il peut répondre à un but scientifique, à une classification de l’ordre du rangement,
à un support pour les souvenirs ou simplement ne pas oublier. Le système d’inventaire se met
en place quand le collectionneur cherche à déterminer ses fossiles, les classer et opte pour une
rigueur scientifique. Le système d’inventaire varie d’un collectionneur à un autre. François
Escuillié18, paléontologue et chef d’entreprise, exprime d’ailleurs le lien qui peut être fait entre
inventaire et but de la collection :

J’ai vu des collections publiques et de chercheurs où l’inventaire était...no comment…et d’énormes collections
publiques et de chercheurs finir dans la benne à ordure. Donc s’il y a un intérêt sincère et une passion il y a forcément un
inventaire et un recueil d'informations.

La disparité des inventaires se retrouve dans l’exemple des collectionneurs normands. Christian
Leprevost expose sa méthode d’inventaire (Annexe 20 – Système d’inventaire et de rangement
de Christian Leprevost) :

J’ai un cahier, qui n’est plus très à jour d’ailleurs. Parce qu'en fait, je marquais une abréviation pour le lieu, par
exemple La Hève c’est LH, alors j’ai mis au début LH1, LH2, LH3 puis on est vite débordé par le chiffre. Après j’ai, en ce qui
concerne toujours La Hève, j’ai séparé le Kimméridgien, du Cénomanien, de l’Albien et je fais comme ça pour tous les lieux

18
Paléontologue et directeur de l’entreprise Eldonia

42
je dirais. Donc LH c’est La Hève, La Bruyère c’est LB, Courville c’est C par exemple, Le Croquet c’est LC...Je marquais HG
pour Houlgate ou V pour Villers et maintenant je mets VN pour Vaches Noires, et je confonds les deux, sinon je ne m’en sors
plus. Puis avec les numéros, c’est l’époque où je marquais sur un cahier ce que c’était et où je l’avais trouvé. Ce que je n’ai pas
vraiment, vraiment continué, ce sont des choses un peu particulières. J’ai pour certains marqué l’année mais rarement, c’est
assez rare que je marque.

Pour Philippe Massot (Annexe 21 – Système d’inventaire et de rangement de Philippe Massot) :

Au départ, un peu anarchique. Puis, regrouper dans les vitrines les pièces nettoyées, donc présentables avec une
certaine esthétique, puis d’autres part j’ai fait des armoires vitrines pour pouvoir les présenter au niveau pédagogique. C'est-à
-dire dans les écoles, dans les expos, dans d’autres associations... A partir de ce moment-là, j’ai regroupé par site les fossiles et
les minéraux. Chacune a son étiquette, ça va de soi […] alors pas toutes les pièces, mais les principaux échantillons et vitrines.
Il y a certaines pièces qui ont des coordonnées Lambert compris dans un inventaire, qui doivent être classifiées par rapport à
un lieux précis. Le numéro d'inventaire sert pour les pièces qui entrent dans l'association, au musée du Patrimoine géologique
de Normandie. Une certaine obligation de cahiers d’inventaires.

Le système d’inventaire entre Jean-Jacques et Yves Lepage diffère. Jean-Jacques


Lepage a environ 7 classeurs, d’inventaires et un carnet, unique, qui permet de se référer à la
marque sur le fossile comme celle-ci 13.21.6.01. Le 13 correspond au type de fossile, ici 13
c’est un vertébré, si c’était marqué 10 cela aurait été un mollusque, 1 un végétal (Annexe 22 -
Système d’inventaire de Jean-Jacques Lepage). Puis le second numéro le 21 correspond à la
couche géologique établie par les deux frères. Le 6 est le numéro d’enregistrement des
spécimens, si 5 fossiles ont été trouvés au même endroit ils porteraient alors une suite
numérique de 1 à 5. Enfin le 01 correspond au secteur de la localité, Jean-Jacques et Yves ayant
fait conjointement un découpage horizontal des secteurs des falaises, étant donné qu’ils vont
ensemble sur le terrain. Pour Yves Lepage, c’est 11 registres depuis 1991 et son système est
basé sur ce modèle CRO XXI 002. En premier une abréviation du site, XXI le numéro qui
correspond à la sortie ou à la date de sortie. Enfin, 002 correspond au numéro d’enregistrement
du spécimen, permettant d’enregistrer une suite de fossiles du même lieu. Pour Jean Vaireaux,
il n’y a pas de système d’inventaire :

Je n’ai pas marqué dessus d'où ça vient, et cetera. C’est un peu comme on dit bordélique mais c’est dans ma tête. On
oublie les noms, car il y a tellement de noms trop compliqués à apprendre, que c’est infernal. C’est un peu tout mélangé. Y en
a par terre car je sais plus où les mettre, c’est un peu un musée à la maison, donc parce qu’il faut de la place pour tout ça et
j’aime pas les mettre dans des boîtes, rangés dans un coin […]. C’est un peu le merdier ou bordélique, c’est quand même rangé
mais le gros problème c’est la place. Les fossiles peuvent etre posés directement comme ça sur un meuble, ma femme m’en
enlève comme ça au fur et à mesure et les cache au fur et a mesure dans les tiroirs.

Concernant Max Bülow, à l’heure actuelle son système de classement a été perdu mais
devrait se trouver dans ses carnets de terrain. Jocelyne Fouquet-Bülow a, depuis deux ans, rangé
la collection suivant son propre système (Annexe 23 - Système d’inventaire de Max Bülow et de
rangement de Jocelyne Fouquet-Bülow) :

43
Certaines sont marquées, il a amassé tellement de matériel je ne sais pas ce que c’est devenu. Son organisation, je ne
sais pas ce que c’est devenu. J’ai rangé en trois grandes catégories, les falaises de Villers, le Bajocien, le Toarcien. Ce n’est
pas du tout scientifique, c’était dans l’urgence. Je n’ai pas pris le temps de lire tout ce qu’il avait écrit pour identifier.

L’inventaire qui ne fait que répertorier n’est pas en lien direct avec l’ordre et la
disposition des fossiles. Le rangement des fossiles dépend d’autres facteurs individuels et du
but de la collection, il répond donc à un caractère, une nécessité, un besoin. Le système de
rangement est donc pour certains comme les scientifiques en lien direct avec un besoin, tandis
qu’un curieux n’en aurait pas cette utilité. Le désordre peut correspondre à un manque de temps
pour ordonner ou plus souvent il est la conséquence inévitable d’un manque de place pour
entreposer. Nous pouvons relier le système de rangement des fossiles à deux autres critères,
celui de la volonté d’avoir une collection visible ou dissimulée. Une collection visible répond
à une envie de voir les fossiles, dans certains cas, dans certains cas cela mènera à l’exposition
des fossiles visibles par tous (Annexe 24 – Ammonites et nautile sur la façade d’une maison
Villersoise). Les collectionneurs possèdent régulièrement des vitrines dans lesquelles sont
exposés des fossiles matérialisant des souvenirs, leur passion et les plus beaux ou rares
spécimens. La vitrine est le reliquat des cabinets de curiosité, elle est le support premier
d’exposition chez les particuliers. La dissimulation volontaire des fossiles, qui trouve ses
racines dans le caractère, répond le plus souvent à la peur du vol ou de la convoitise d’autrui.
Pour illustrer, nous citerons l’exemple que donne Jocelyne Fouquet-Bülow pour ses beaux-
parents et Max Bülow :

Et j’ai vu aussi quelques écrits et ses petits cahiers de fouille, ce que j'ignorais totalement. Parce qu’il maintenait un
secret entre eux [Les parents de Max Bülow et lui-même], vraiment tout le temps, tout le temps. Comme s’ils avaient peur que
l'on s'introduise là, qu’on pose des questions.

L’un des questionnaires sur les collections de fossiles, permet également d’illustrer ce
qui pousse une personne à dissimuler sa collection. Nous pouvons voir que sur 155 personnes,
24 ont fait le choix de la cacher. Les raisons sont diverses et répondent soit à la notion de l’ordre
ou du désordre, soit à la volonté de la rendre visible ou non en disant « Je la montre sur
demande », « Le but n'est pas de montrer la collection. Tout est en tiroirs et classé. Seuls
quelques gros exemplaires traînent sur les meubles faute de pouvoir les mettre en tiroir. »,
« J’évite d’attirer les convoitises » ou encore « Ça n’intéresse pas les autres ». La quantité de
fossiles, facteur qui influence en premier ordre le rangement, nous amène à parler du tri des
fossiles. Le tri et le fait de jeter des fossiles, dépend de plusieurs raisons. La maladie de la pyrite

44
par exemple ne laisse d’autre choix que de jeter le fossile, nous pouvons voir cela par exemple
dans le registre d’inventaire de l’association de Villers-sur-Mer (Annexe 25 – Mention de fossile
jeté dans le registre d’inventaire de l’APVSM). Pour le tri, les collectionneurs se séparent des
fossiles par amenuisement d’intérêt, de souvenirs ou ils font une sélection entre plusieurs
mêmes types de fossiles. Le tri peut se faire par le don des spécimens à d’autres ou leur dépôt
sur des plages, en extérieur comme en témoignait Christian Leprevost ou bien les époux
Pennetier. Le tri est une réponse directe à l’accumulation. La quantité de fossiles est
exponentielle et est intrinsèquement liée au facteur temps. Les curieux ont tendance à ramasser
sans grande distinction mais vont plutôt privilégier le « beau » ou ce qui évoque quelque chose,
comme la forme. L’amateur fait une sélection directement sur le terrain, la préférence peut aller
aux spécimens complets. Le scientifique peut soit faire des échantillonnages très variés ou
rechercher un fossile spécifique. La notion de beauté du fossile laisse sa place face à la notion
d’intérêt scientifique. Les fossiles qui ne répondent pas à la motivation de la collection, ne
seront donc pas ramassés. Les fossiles communs par exemple seront donc plus enclins à être
laissés sur place. Nous retrouvons alors à la fois un mélange entre le but de la collection, qui
induit quels fossiles seront ramassés et le caractère de la personne pour ce que le fossile lui
évoquera. Cela implique un biais dans la collection, par exemple les Gryphaea (Bilobissa
dilatata) sont très communes dans les falaises des Vaches Noires mais souvent elles sont sous
représentées dans les collections des particuliers. Ce problème est récurrent et peut distordre la
relation entre terrain et collections, car cela est « sévèrement biaisé par des critères sélectifs
purement esthétiques, en particulier dans les anciennes collections » (Thomas 2010). En ce qui
concerne les derniers groupes, l’achat et l’échange, font partie de la déontologie des
collectionneurs. L’échange ou le troc, sont plus généralisés à travers les bourses de fossiles ou
minéraux. La majorité est contre la vente ou l’achat de fossiles. Philippe Massot possède par
exemple des minéraux taillés, pour illustrer la différence entre un minéral naturel et un minéral
travaillé par l’Homme. Jean Vaireaux explique « Je n’achète pas, je n’achète pas de fossiles car
c'est clair, ma mère m’en a offert quelques un qui viennent du Maroc, ça c’est l’attache familiale
comme on dit ». Christian Leprevost a acheté une fois, une ammonite noire étrange au Pérou
par curiosité mais sinon il disait « J’achète pas, échanger ça pourrait se faire pourquoi pas. J’ai
pas eu l'occasion. ». Certains des frères Lepage ont déjà effectué quelques échanges, des
mâchoires d’holocéphales ou des ammonites déroulées mais l’achat pour Yves Lepage est
proscrit car :

45
Ca n’a pas d'intérêt quoi ! Bon la plupart ce qu’on trouve, bon y a beaucoup de trucs qui viennent du Maroc,
d’Amérique du sud, avec des provenances des fossiles trafiqués des provenances incertaines.

Pour Max Bülow et ses parents, la déontologie était similaire :

Pendant des années et des années ils ont toujours dit jamais ils n'achèteraient ou ne vendraient. Et c’est vrai. Ils ont
échangé surtout dans des bourses spécialisées ou des clubs. Il a fait partie du club Citroën de Caen, avec un certain nombre de
gens intéressés par les fossiles, partant en expédition aussi en Angleterre.

L’échange ou le troc, sont plus généralisés à travers les bourses de fossiles ou minéraux.
On remarque que les curieux achètent plus facilement contrairement aux amateurs ou
scientifiques. L’argument du marché du fossile est donc pour un grand nombre synonyme
d’avidité pécuniaire et est à l’encontre de la déontologie du partage et de la science. Argument
contredit par François Escuillié et son entreprise Eldonia, qui évoque pour sa part la possibilité
donnée à tous de posséder un fossile, ou bien, de pouvoir proposer des fossiles locaux pour des
expositions à l’étranger. Sur cette base déontologique, nous pouvons assimiler deux derniers
aspects dépendant du caractère, de la personnalité. Le premier est l’aspect pédagogique, la
collection devient alors un moyen et une fin pour partager des connaissances mais n’est pas
forcément le but primaire de la collection. Le second aspect, celui du savant, est un synonyme
d’approfondissement des connaissances. Le but n’est pas d’avoir la connaissance ou la rigueur
scientifique, qui est un autre phénomène, mais de perfectionner sa passion par l’apprentissage
de nombreux domaines. En somme, tous les aspects secondaires évoqués sont dépendants du
but de la collection et du caractère individuel de la personne. Tous comme l’exprimait Edmond
Bonnaffé (Bonnaffé 1881, p.4), un profil général enrichi d’attraits secondaires :

[…] Quelques amateurs sont en même temps des érudits. [...] Ce sont les travailleurs de la curiosité ; ils ont la double
garantie, l'instinct qui devine, et la science qui raisonne la double jouissance, celle du gourmet qui savoure, et celle du savant
qui prouve.

Ils évoluent dans le temps et ne sont pas voués à être figés. Cette passion, est toutefois
régie par certains critères répétitifs dans le monde de la collection. Notamment, nous avons
remarqué la récurrence de certains déplacements sur le terrain, l’accumulation exponentielle et
la place importante que prend l’activité.

46
Figure 9- Typologie des collectionneurs de fossiles

Cette passion est parfois assimilée à l’addiction, à une passion envahissante et maladive.
Jean-Pol Tassin19, neurobiologiste et spécialiste de l’addiction et du sevrage, explique son point
de vue concernant les collectionneurs de fossiles lors d’un échange :

Mais, à mon avis, les collectionneurs vivent plus une passion envahissante qu'une addiction à proprement parler. Un
des critères est sans doute le plaisir. Si le plaisir subsiste, c'est une passion, si c'est un remède à une souffrance, c'est devenu
une addiction.

Ce point est fondamental pour expliquer cette passion mais un second point réside dans
le circuit de récompense. Le circuit de récompense est un phénomène essentiellement utilisé en
addictologie, et peut se résumer comme suit d’après Jean-Pol Tassin :

Tous les processus psychiques sont contrôlés par un petit groupe de neurones appelés modulateurs (dopaminergiques,
noradrénergiques, sérotoninergiques). Ces neurones ont des caractéristiques qui dépendent à la fois de la génétique et de
l'histoire de l'individu. En effet leur réactivité se construit au fur et à mesure que se développe l'individu. L'ensemble (inné puis
acquis) est propre à chaque cerveau.

En somme « toute action qui amène une situation plaisante tend à être répétée dans le
futur. Ainsi, certains stimuli, qu’on appelle récompenses, ont une propriété particulière : ils font

19
Neurobiologiste – Directeur de recherche Inserm au Collège de France (Paris, CNRSUMR 7148)

47
qu’on y revient. Autrement dit, les récompenses viennent renforcer le comportement »
(Pessiglione 2014, p.1284). Les collectionneurs ont donc ancré dans leur comportement,
l’assimilation de la recherche et de la découverte du fossile au plaisir et « Si l’expérience d’une
récompense peut être rapprochée de la notion commune de plaisir, l’espérance d’une
récompense correspond probablement à celle de désir. » (Pessiglione 2014, p.1289). Nous
savons que l’effort fourni pour la collecte de fossiles est souvent au dépens d’efforts physiques
et mentaux, dans un premier processus celui du terrain puis dans un second, pour certains, dans
le nettoyage du fossile et enfin dans son exposition, étude ou rangement. Les actions du
collectionnisme semblent également être assimilées aux mêmes circuits cérébraux, « Les
recherches en neurosciences ont montré que les récompenses recherchées et obtenues
impliquent les mêmes circuits cérébraux, notamment le cortex orbitofrontal et le striatum
ventral. C’est par l’intermédiaire de ces circuits que la valeur anticipée des récompenses nous
incite à produire un effort, que celui-ci soit mental (comme de calculer un trajet) [préparer une
sortie terrain] ou physique (comme de porter une valise) [porter des sacs remplis de fossiles] »
(Pessiglione 2014, p.1289). Nous pouvons ajouter également, le sentiment de l’appétence pour
les fossiles, la motivation qui advient avant d’être sur le terrain et qui pousse l’amateur à y
retourner, car « Le plaisir renforce positivement l’initiative et l’activité susceptible de procurer
une récompense. L’anticipation d’un événement appétitif active le système de récompense,
stimule les voies dopaminergiques et renforce ainsi la motivation de l’individu. ». (Chenu &
Tassin 2013, p.107). Jean-Pol Tassin explique en effet lors de l’échange que « ce circuit n'existe
pas par lui-même, il n'est que le dernier maillon de toute une chaîne de traitements que fait le
cerveau et qui dépend non seulement de notre patrimoine génétique mais aussi de notre histoire
depuis notre naissance ». Il est donc envisageable de parler d’un circuit de récompense pour les
amateurs en ces termes, selon Jean-Pol Tassin, « Il est clair que l'activité de collectionner, si
elle donne du plaisir, a toutes les chances de se renforcer au fur et à mesure qu'elle sera
pratiquée ». Nous pouvons revenir sur un autre point fondamental dans la construction de cette
passion, que nous avons alors évoqué à plusieurs reprises : la naissance de la passion dans
l’enfance est induite par autrui. Jean-Pol Tassin en évoque par ailleurs ses prémices :

Il est clair que ce qui fait plaisir se construit dans les premières années de la vie, au moment où le circuit de la
récompense se développe. Le plaisir des parents est communicatif, ne serait-ce que parce que l'enfant cherche lui-même à faire
plaisir à ses parents. Cet intérêt pour la collection n'a évidemment rien à voir avec la génétique.

En ce qui concerne l’addiction, cela se produit quand le plaisir se soustrait face au


besoin. Le cas d’addiction dans le collectionnisme, mis à part le syndrome de Diogène qui est

48
maladif, est pour le moment en suspens à cause de l’absence d’études sur le sujet mais on peut
se référer à d’autres recherches pour comprendre le phénomène (Tassin 2007). Et bien que
certains collectionneurs possèdent des collections très importantes ou font des recherches de
terrains récurrentes, rien n’indique pour autant une addiction, le plaisir étant alors présent. Mais
comme l’explique Jean-Pol Tassin durant l’échange, « Si la passion devient dévorante au point
de ne plus laisser de place aux autres activités et plaisirs, on peut effectivement se poser la
question ».

4. L’avenir des collections privées de fossiles


4.1 Des collections vouées à disparaître ?

En Normandie, l’exemple le plus fréquemment donné pour illustrer les collections


disparues, est celui des destructions à la suite du bombardement en 1944 de Caen et Rouen. Il
n’est pas rare de citer également les facultés, qui souvent par manque de place, défaut de cartels
explicatifs ou d’étiquetages ou à la suite d’un nouvel aménagement s’en débarrassent. Nous
pouvons citer l’exemple d’une collection historique, lettres manuscrites et fossiles du XIXe
siècle qui avait été jetée dans une benne et dont un donateur anonyme a fait don en 2004 à
l’Association Paléontologique de Villers-sur-Mer (Annexe 26 – fossiles et documents ayant fini
dans une benne puis donnés à l’association APVSM). Le Muséum du Havre a lui aussi subi un
tri important de ses collections paléontologiques il y a quelques années. François Escuillié citait
lui aussi l’exemple de collections publiques et privées (chercheurs) finissant à la benne.
L’avenir des collections de fossiles, surtout historiques, pose en effet divers problèmes entre le
stockage, la conservation, des origines parfois incertaines et leur devenir entre recherche et
valorisation. Ce vaste sujet recoupe de nombreuses problématiques est en cours d’étude depuis
2010 dans la thèse de Jérôme Thomas20. Toutefois il ne faut pas oublier que les réserves
muséales sont en grande partie issues de collections particulières et les dons de collections
d’amateurs éclairés continuent : « Ainsi, récemment, nous avons accepté [à Dijon] la collection
Badillet composée de plus de 5000 pièces et refusé une autre par manque de précision dans les
informations de géolocalisation » (Thomas 2010). Le refus de la collection, qui fait suite au
manque de localisation du fossile, est un problème qui ne concerne pas seulement les collections
historiques mais bien les collections actuelles. Si une seule information est essentielle pour

20
Collections et recherche en paléontologie : enjeux, état des lieux et devenir. Thèses en préparation à Bourgogne Franche-
Comté, dans le cadre de l’École doctorale Environnements, Santé, en partenariat avec Muséum national d'histoire naturelle
(Paris). Service Conservation des Collections (laboratoire) et de Université de Bourgogne (établissement de préparation) depuis
le 28-10-2010 sous la direction de Bruno David. – Thèse en cours

49
pérenniser une collection modeste ou vaste, c’est en effet le lieu de récolte comme le précise
Laurent Picot responsable scientifique du Paléospace ou Erwan Collas en charge de l’inventaire
du musée, car sans localisation le fossile perd son information la plus capitale et ne peut dans
ce cas être étudié. Cette problématique de l’avenir d’une collection en lien avec une enceinte
muséale évoquée jusqu’ici, n’est toutefois pas la première cause du risque de la disparition
d’une collection. Avant même cela, on se rend compte que les collectionneurs ne font pas de
prévisions sur l’avenir de leurs collections. Si nous reprenons l’exemple des collectionneurs
normands, Jocelyne Fouquet-Bülow explique le problème qu’elle avait eu avec son époux,
car « On ne parle pas de ce que ça peut devenir après, son père était aussi comme ça. Je trouve
ça très triste, parce qu'il faut prévoir, préserver c’est le plus important je pense ». Le après est
en effet pour Christian Leprevost tout aussi incertain :

A la limite, je commence peut-être à me le demander, c’est sans doute parce que je commence à être un peu vieux,
puisque je vais casser ma pipe je sais pas quand. Je sais pas, difficile. Moi, je veux bien tout donner à un musée mais ils en
voudront pas ça m’étonnerait. Mais, parce que maintenant des pièces dans les musées il y en a beaucoup et ils ne savent plus
trop où les ranger, j’imagine. Ce serait mieux que de mettre ça là que dans la benne à gravats ou à la déchetterie ce serait
dommage.

Phillipe Massot disait que « Probablement qu’elle finisse au musée géologique du


patrimoine de Normandie par exemple ou au Paléospace, j’ai pas réfléchi encore vraiment, je
n’ai pas écrit mon testament. Je sais que j’ai un patrimoine là, et mes enfants le savent aussi,
qui va aller quelque part. ». Jean Vaireaux veut pour sa part en faire don à un musée « mais un
vrai, pas un truc mal géré où on sait pas ce que ça va devenir. Si dans ce que j’ai un ou deux
trucs exposés ce sera déjà très bien. Si le reste il est pas perdu, il va servir pour la science y a
aucun souci. ». Pour les frères Lepage, la collection finira dans un musée selon leurs souhaits
mais aucune structure n’est encore choisie. Gérard et Elisabeth Pennetier, évoquaient les
collections de leurs amis qui finissaient à la poubelle ou étaient vendues « Le nombre d’amis
dont les enfants quelques part ont mis toute à la poubelle. D’autres comprenaient que ça avait
une certaine valeur, ils ont dit “Si tu mets pas les noms, met le prix”, ça part plus souvent à la
poubelle qu’autres choses. Le plus souvent ouai. ». C’est pour éviter ceci qu’ils font don au
Paléospace d’une partie de leur collection depuis plusieurs années. Pour se rendre compte du
phénomène de la disparition des collections particulières, nous pouvons simplement imaginer
le nombre de collectionneurs de fossiles qu’il a pu y avoir les deux derniers siècles et le nombre
de collections existant de ces amateurs aujourd’hui. Les seules collections particulières des
siècles derniers qui sont encore préservées sont celles intégrées aux institutions muséales.
Aujourd’hui, quand les collectionneurs imaginent l’avenir de leur collection, nous pouvons

50
observer que beaucoup évoquent le souhait que leurs enfants la reprennent, par exemple : « Je
souhaite transmettre cette collection (à mes enfants ou à un autre collectionneur passionné ou à
une institution). », « Mon seul espoir c'est qu'un de mes enfants continuera après moi et que
tout ça n'ira pas à la poubelle ou ne sera pas vendu. », « Je la donnerai à mon fils ou s’il n’en
veut pas, à un musée », « Ma collection sera pour mes fils », « Héritage pour mes enfants »,
« Ils reviendront à mes enfants . », « Je laisse tout à mon fils », « J'aimerais léguer ma collection
à un ou plusieurs de mes petits-enfants». Malheureusement, cette passion n’est pas toujours
partagée par les descendants. Jean Luc Deville, témoigne sur ce phénomène de legs à la
descendance en disant « […] avec l’expérience, je sais que la plupart des collections ne sont
pas gardées par la famille et elles sont souvent et malheureusement disséminées. ». Les
collections sont souvent importantes, envahissantes, ils ne souhaitent ou ne peuvent parfois les
garder. Jocelyne Fouquet-Bülow témoigne de ce qui peut advenir d’une collection si on n’y a
pas réfléchi en amont :

J’ai eu des conseils par des personnes […] qui avaient dit que le mieux était de dilapider la collection pour vendre, à
tel musée cette Perisphinctes, ça l’intéresse le musée de Washington, de Londres et tout ça, mais ça j’ai dit pas question, jamais
je ne ferai ça. Jamais mon mari aurait été d’accord avec ça, et je ne veux toujours pas. Je ne me voyais pas les prendre en photos
et les poster sur internet pour les vendre à des musées tout ça, hors de question.

Le manque de choix pour l’avenir des collections de particuliers peut mener aussi à leur
vente. En 2010, ce fut la très riche collection d’André Follet dans laquelle se trouvaient les
cahiers de terrain de Raoul Fortin qui fut vendue aux enchères (Annexe 27 – Catalogue de vente
et fossiles de la collection Follet). 211 lots de fossiles normands, allant des ammonites aux
restes d’ossements fossiles et crânes de crocodiliens furent alors disséminés. Le Paléospace a
ainsi pu acquérir une partie de la collection par préemption et a ainsi préserver le patrimoine
local. Une autre partie a été récupérée par l’association la Pierre Conchoise mais aussi par
l’Entreprise Eldonia de François Escuillié. Nicolas Tourment l’expert en paléontologie qui s’est
occupé de cette vente, explique lors d’un échange, que de telles ventes de collections ne sont
pas les plus courantes. Pour sa part ce fut la seconde qu’il dirigea mais pour les grandes salles
de ventes, telles que l’Hôtel Drouot, Christie’s ou Binoche & Giquello, cela arrive une à deux
fois par an. La vente de la collection Follet, a été pour les amateurs normands perçue comme
du « gâchis » que de la voir finir ainsi. Cet aboutissement d’une vie de collection n’est pas rare.
La place des collectionneurs de fossiles actuels se fait notamment dans la réflexion du legs de
ce patrimoine paléontologique qui représente des informations scientifiques importantes, dont
ils sont détenteurs. Nous pouvons faire le parallèle de ses disparitions avec le concept de la
tragédie des biens communs (Hardin 1968), qui équivaut à dire que la somme des

51
comportements à titre individuel et sans régulation mène à la disparition des ressources
communes. Les fossiles sont, comme suggérés auparavant, à l’image d’une ressource
commune, qui peut être récoltée à titre individuel. Ce bien commun est porteur d’informations
uniques et non renouvelables, qui après étude permettent de faire avancer la science et donc le
savoir commun. Toutefois, si ce bien n’est pas préservé cela peut mener à la disparition de
données scientifiques communes et il en résulte une perte irréversible d’informations,
engendrée par une possession à titre individuel. Mais la tragédie de ce bien commun, n’a pas
lieu d’être quand la collection est vouée à être pérennisée comme le suggèrent les participants
du questionnaire Etes-vous collectionneurs de fossiles ? ; « Elle sera donnée à un musée »,
« Leur intérêt est scientifique et patrimonial, je léguerai le tout à une entité publique (université,
musée, commune). », « Mes fossiles iront dans un musée et dans d'autres collections pour qu'ils
deviennent collection publique ». Pouvoir retracer l’origine ou la place de certains fossiles dans
les collections privées, relève parfois de l’enquête. Pour exemple, le musée CosmoCaixa
Museum à Barcelone, possède une trace d’ammonite fossile de 8,5 mètres (Annexe 28 – Fossile
de l’ammonite au musée de Barcelone), découverte dans les années 1990 en Allemagne et qui
a été au cœur d’une étude. Le lieu où se trouvait la contre empreinte en 2017 lors de cette étude
était alors inconnu : « [elle] existe mais se trouve dans une collection privée » (Lomax et al.
2017). Ce sera en 2019, quand la maison Binoche & Giquello avec l’Hôtel Drouot mettra en
vente la contre empreinte (Annexe 29 – Contre empreinte), que celle-ci sera de nouveau
retrouvée, provenant d’« une importante collection privée allemande »21. En France, les
scientifiques ne préfèrent pas publier des études sur des fossiles des collections privées. Ils
souhaitent qu’ils soient déposés dans des Musées.

4.2 Le don des collections de fossiles aux musées – Au cœur du Paléospace

Le Paléospace l’Odyssée à Villers-sur-Mer porte l’appellation Musée de France. Cela


implique selon la loi du 4 Janvier 2002 du Code du Patrimoine, que le musée doit conserver,
restaurer, étudier et enrichir les collections. Ce qui, pour ce dernier point, ne concerne pas tous
les musées comme l’évoque Jérôme Thomas « Actuellement, même si les musées d’histoire
naturelle sont de bons modèles pour la conservation des collections, leur objectif se concentre
plus particulièrement vers l’exposition et non le développement de nouvelles collections de

21
Catalogue de vente aux enchères du Mardi 16 avril 2019 par Binoche & Giquello et de l’Hôtel Drouot de cette vente, p.24
pour la contre empreinte de l’ammonite : https://cdn.drouot.com/d/catalogue?path=33/95753/catadino_20190416_bd.pdf

52
recherche scientifique. » (Thomas 2010, p.72). En outre, le Paléospace se doit de réaliser un
inventaire pour toutes les pièces qui rentrent dans les collections. Il utilise également le logiciel
d’inventaire Flora qui permet aux chercheurs et au grand public de consulter les collections22.
Les collections sont donc inventoriées et tenues à jour. Par ailleurs, le musée bénéficie de
dispositifs fiscaux pour les acquisitions. Depuis son ouverture en 2011, le musée a acquis un
grand nombre de collections d’amateurs soit par dons (Annexe 30 – Procédure de don Musée
de France, Paléospace) soit par achats. Il arrive que des personnes fassent don de certaines
pièces qui, une fois entrées dans les collections du musée, sont soumises aux lois des Musées
de France. Elles ne peuvent de ce fait ni être jetées, ni échangées, ni vendues ou cédées, les
collections sont donc inaliénables et imprescriptibles et portent le nom du donateur. Ces dons
au musée sont fréquents, certaines personnes donnent d’ailleurs régulièrement comme Elisabeth
et Gerard Pennetier depuis plusieurs années. Ainsi, les collections peuvent être mises en réserve,
étudiées, servir comme outil pédagogique ou exposées. Certains fossiles peuvent toutefois être
refusés par le musée, s’ils ne répondent pas à la charte de l’établissement qui privilégie
systématiquement les fossiles normands. Les pièces muséales qui présentent un intérêt certain
ou les collections importantes qui demandent un rachat, peuvent être soumises à la Direction
Régionale des Affaires Culturelles (DRAC). Selon l’article 10 de la loi de 2004, « Toute
acquisition, à titre onéreux ou gratuit, d’un bien destiné à enrichir les collections d’un musée
de France est soumise à l’avis d’instances scientifiques dont la composition et les modalités
de fonctionnement sont fixées par décret ». De ce fait, un passage devant la Commission
Scientifique Interrégionale est donc réalisé pour soumettre certains fossiles (pièce ou
collection), avec un dossier monté par le responsable scientifique du musée comportant les
motifs de la demande (modalité du don, intérêt scientifique, avis scientifique du Muséum
d’Histoire Naturelle). Après la présentation à l’oral du dossier, un avis favorable ou défavorable
est rendu. Dans le cas d’un avis favorable, le don reçoit un numéro d’inventaire et porte le label
de « collections Musée de France ». Certains organismes, comme le site de ventes aux enchères
Catawiki, soumettent le point de vue de l’exclusivité muséale des fossiles en ces termes :

Les minéraux et fossiles sont-ils seulement destinés aux musées ? Un argument consiste à dire que les collections
privées sont importantes car tout le monde n’a pas accès aux musées, ceux-ci étant généralement dans les grandes villes. Dès
lors, certaines personnes peuvent avoir besoin de collectionner ou d’acheter des spécimens afin de les voir et de les apprécier.

22
http://collections.musées-normandie.fr

53
Le Paléospace, par sa localisation sur la côte normande contredit cet argument d’autant
plus que le musée permet de voir tous les objets des collections sur une base de données en
ligne nommée Muséo base23. Le Paléospace préserve ainsi les collections historiques et mo-
dernes de plusieurs amateurs normands comme les collections Postel et Petit Gilet, Migrenne,
Gauthier, Breton, Bosquet, Gard, Ranson ou encore Guégan pour ne citer qu’eux. L’importance
d’un tel musée pour l’avenir des collections d’amateurs est primordiale. Apolline Lefort et Ber-
nard Lathuilière déploraient en 2010 l’absence d’une structure similaire pour la Lorraine (Lefort
& Lathuilière 2010, p.55) :

De nombreuses et riches collections d’amateurs existent en Lorraine. Il faudrait améliorer les relations amateurs/ pro-
fessionnels. Si une structure gérée permettait d’accueillir des collections extérieures, de nombreux objets d’intérêt scientifique
et médiatique auraient déjà rejoint les collections publiques. Si une pérennité est offerte aux collections nancéiennes, on pourrait
aussi éviter que les collections en cours de constitution ne soient dispersées, au mieux vers des centres où elles sont gérées mais
loin des utilisateurs locaux ou au pire perdues par le manque de motivation des acteurs universitaires.

Le Paléospace remplit en Normandie le rôle qui manque à la Lorraine, Philippe Massot


explique en ce sens que « […] le Paléospace est une excellente idée à réunir ainsi. Il y a un
moteur qui fait que toi en tant qu’amateur tu peux venir, y déposer des choses, apprendre des
choses, développer ou donner à la postérité. ». Et nous pouvons citer comme exemple le trans-
fert de la collection de Max Bülow au Paléospace en 2021, Jocelyne Fouquet-Bülow témoigne
de cette séparation :

C’est très émotionnel en même temps, quand la collection va partir, ça va faire un très grand vide. Puis de voir au
Paléospace, on a été aux réserves tous, on a vu où seraient les pièces de la collection. Ça c’était une question que je me posais.
Pour moi je pense que c’est très très bien, je pense que c’est la meilleure chose qui puisse arriver à la collection. Et j’ai un peu
l'impression de respecter, les recherches de mon mari en fait. Lui c’était, vraiment, le fossile qu’on travaille qu’on étudie, le
pourquoi du comment, mais l'avenir non. Il était complètement tourné vers le passé.

Pour les amateurs le don de leur collection de leur vivant n'est pas évident. Les collections
qu’ils ont ainsi constituées des années durant représentent leur vie et sont à l’image de leur
passion. Plus encore, leurs collections sont également une matérialisation de leurs souvenirs,
elles passent d’un support scientifique à un objet mémoriel. Christian Leprevost évoquait pour
sa part ce que sa collection lui apporte :

Une fierté je sais pas, c’est une passion. Récompensé quand on trouve quelque chose d'intéressant et bon nombre de
fois on revient bredouille d’ailleurs faut être clair, faut pas croire qu’on trouve des fossiles sans arrêt. Même quand on connaît
un peu les couches et cetera… Moi je dis, que ça m’a permis quand j’ai pris ma retraite, d’avoir un but et pas passer ma vie à
regarder la télévision assis dans un fauteuil, c’est ce que je dis souvent.

23
Lien vers Muséo Base : https://collections.musees-normandie.fr/ - Lien vers les collections du Paléospace en ligne sur Muséo
Base : https://collections.musees-normandie.fr/search/46dacbdf-1e1d-4a7c-9f4a-737d6c99768e

54
Pour Jean Vaireaux, la collection représente sa personne et on comprend également, que
les fossiles sont directement associés à des souvenirs :

C’est un ensemble, les gens oui ils vont dire c’est Jean. Chez moi c’est une espèce de musée, y a de tout. […] Quand
je vois mes os...je me dis tiens...les dinosaures me passionnent depuis tout petit. Je me souviens encore quand j’ai trouvé le
premier os, quand je me suis dit je pense que c’en est un je m’en souviens encore et quand on me dit oui. […] La première fois
où ma fille aînée est descendue au bas de la falaise elle devait avoir une dizaine d’années, elle voulait me faire une blague, et
elle ramasse un caillou par terre, un peu noir puisqu’il y avait que des choses blanche ou gris. Et elle me dit “ Papa, papa regarde
j'ai trouvé un os !” Et oui ça en était un ! Première sortie, deux minutes ! Il est dans la vitrine avec une étiquette “trouvée par
Marie” !

Philippe Massot, définit sa collection et ce qu’elle représente pour lui :

C’est une partie de mon asperger à moi. C’est ma colonne vertébrale. C’est peut-être le reflet de ce que…ce que je veux
montrer oui pourquoi pas. En tous cas c’est un… c’est quand même un instrument qui permet de recevoir des gens comme
vous, de faire des connaissances et des relations, et, ça c’est quelque chose qui n’a pas de prix.

Pour Jocelyne Fouquet-Bülow, la collection de son époux c’était « sa vie ». Également,


Jocelyne exprime ce qu’un fossile peut être quand la notion scientifique est mise de côté

Ceux exposés dans le salon, ce sont des souvenirs, une représentation du temps passé à faire ça, cette partie ne sera pas
donnée au Paléospace. Elle fait partie en fait de la maison, ce sont des souvenirs matériels.

Pour Yves Lepage, la collection évoque ce pourquoi elle est créée :

On n’a pas tous le même mode d’approche, Jean-Jacques ce qu’il aime c’est chercher, aller sur le terrain, casser du
caillou. Il a le coup d'œil. L’aspect scientifique l'intéresse un peu moins. Gilles est un peu comme moi, il s’intéresse à la
géologie, plus centré vertébré. Et moi, surtout la géologie, les fossiles c’est le complément. J’aime bien prélever sur des niveaux
sur lesquels je travaille, et ça permet de préciser les stratigraphies, c’est le but.

Louis Carion, de la maison Carion Minéraux à Paris, explique que les héritiers qui veulent
vendre aux enchères la collection de leurs parents décédés, gardent malgré tout quelques pièces
en souvenirs. Le fossile souvenir est un support de mémoire. Ce pourquoi sa place est souvent
dans les vitrines des collectionneurs. Ce fossile perd de sa valeur scientifique aux yeux du
collectionneur, il devient un objet d’attachement profond. Les collectionneurs peuvent ainsi
avoir plusieurs fossiles souvenirs, qui leur seront reconnaissables entre mille. Jocelyne Fouquet-
Bülow, disait « Celle que j’ai trouvées, je m’en souviens je me souviens des années où je les ai
trouvées, 78, 79, les déroulées de l'île de Wight 80, 81 ». Jean Vaireaux se souvient de certains
fossiles avec précision « J’ai trouvé d’ailleurs un pied de fémur et de tibia avec des [méta-
]carpes d'allosaure à Villers ». L’aboutissement des collections privées, le résumé d’une vie de
collection qui est donné à un musée comme le Paléospace permet de préserver durablement à
la fois la collection en entier mais également la mémoire du collectionneur. Les fossiles de ces

55
amateurs ont permis de nombreuses études, comme l’Asteracanthus ornatissimus de Christian
Leprevost (Cuny et al. 2020), le nouveau spécimen de Teleidosaurus calvadosi d’André Follet
trouvé dans les années 80 et acquis par le musée en 2010 (Hua 2020), les restes d’ossements de
théropodes des collections de Gisèle et Bernard Anicolas, Max Bülow et Jocelyne Fouquet-
Bülow, Elisabeth et Gérard Pennetier, Jean-Phillip Pezy, Nathalie Poussy, Enos, Drijard,
Nicolet qui ensemble ont permis un premier article (Monvoisin et al. 2020) mais encore un
Metriorhynchus brachyrhynchus de la collection Follet étudié en 2019 (Le Mort 2019) ou bien
les ossements de dinosaures sauropodomorphes trouvés dans la carrière de La Pernelle dans la
Manche appartenant à Bernard Sauvadet (Buffetaut & Sauvadet 2020). Ces fossiles ont permis
également la formation de jeunes paléontologues ayant réalisé leur stage de Master 2 au Musée
du Paléospace, encadrés par des scientifiques du Musée et ceux des Universités de
paléontologie (Le Mort 2019, Monvoisin 2019). Jacques Hurtrelle, que nous avons cité en
amont, permit lui aussi un enrichissement scientifique. Il commença une fois arrivé à la retraite
à penser à l’avenir de sa collection avec son épouse Françoise, collection qui comportait plus
de 840 fossiles d’invertébrés et vertébrés dont des ossements de crocodiliens, de reptiles marins,
et de sauropode. La mise en place du musée incita la famille Hurtrelle à en faire don en 2013
comme stipulé dans leur lettre officielle adressée au Maire (Couture 2015) (Annexe 31 – Don
de la collection Hurtrelle au Paléospace, lettre du don de la collection). Une publication de la
Royal Society Open Science en 2014 sur une dent de Machimosaurus de leur collection vint
confirmer une fois de plus l’intérêt scientifique de la collection Hurtrelle (Couture 2015, p.15).
Les collections qui sont données au Paléospace sont après récolement entreposées dans les
réserves (Annexe 32 – Exemple de collection aux réserves du Paléospace). Après être rentrés
dans les collections du musée et avoir été inventoriés, les fossiles sont annotés à l’encre de
Chine (les étiquettes sont proscrites car leur détérioration peut abîmer le fossile). Puis ils sont
entreposés dans des boites en plastique transparent avec un fond en mousse, parfois plusieurs
par boite, ce qui forme des lots dans une même collection. Le nom des collections de fossiles
donnés au musée est choisi par leurs instigateurs, souvent elle portent leur nom de famille mais
cela peut varier. Récemment, un fossile a été donné au musée en mai 2021 et porte le nom du
grand père du donateur. Le nom de la collection est une information importante, car celle-ci
peut être un indicateur fondamental des siècles durant comme aujourd’hui avec les collections
historiques. En effet, quand des études sont faites sur des collections historiques, le profil du
collectionneur et sa biographie sont des éléments tout aussi importants. Arnaud Brignon
démontre au travers de ses nombreux articles l’importance de la biographie de la personne.
Celle-ci en effet s’intègre à la fois dans l’histoire de la paléontologie, la période historique et

56
toute la sociologie qui l’entoure propre à une époque. Les mémoires des collectionneurs du
XXIe siècle constitue alors les futurs documents historiques.

4.3 Entre pérennité scientifique et devoir de mémoire – Une histoire de temps

Penser la pérennité et le devoir de mémoire c’est envisager le temps, concevoir outre sa


personne et son époque. Buffon disait à cette égard la difficulté de l’homme à le concevoir
(Schnapp 2020) :

N’est-ce pas qu’étant accoutumés par notre trop courte existence à regarder cent ans comme une grosse somme de
temps nous avons peine à nous former une idée de mille ans, et ne pouvons pas nous représenter dix mille ans ni même en
concevoir cent mille.

La notion du temps et de la pérennité, implique donc de se soustraire d’une échelle


individuelle et enracinée dans la notion du présent. Cet aspect qui, dans des domaines comme
la philosophie ou l’astronomie est fondamental et répond notamment à l’histoire. Penser à
l’avenir de sa collection c’est faire face à l’allégorie de sa propre mort, raison primaire du refus
involontaire de la concevoir. L’inconscient semble être en partie responsable, le refus
proviendrait notamment de l’idée de remettre cela à « plus tard » ou « bientôt », sans que jamais
cela ne soit réalisé. Concevoir le temps et l’avenir pour les fossiles, le rôle qu’ils pourraient
avoir dans un futur est difficilement imaginable, et ce même si les textes historiques nous
démontrent comment un fossile qui a perduré est une ressource rare et importante en tout points.
Le musée joue le rôle de ce protecteur du temps, il préserve les fossiles de manière inaliénable
pour leur assurer d’outrepasser l’échelle d’une vie humaine. Il est une passerelle entre ce bien
individuel chargé d’histoire et cette pérennité pour les futures générations. Laurent Picot,
responsable scientifique du Paléospace, a entrepris de préserver des documents personnels sur
les donateurs des collections de fossiles du musée. Ce processus de pérennisation des mémoires
des collectionneurs n’est pas dans les ordres de mission d’un Musée de France et ne dépend que
de sa propre volonté. On peut ainsi retrouver dans les réserves du musée des documents
personnels, des photos, des écrits, qui sont déjà des archives et sont inscrits au même titre que
la collection de fossiles comme document classé « Musée de France » (Annexe 33 – Documents
d’archives des collectionneurs aux réserves du Paléospace). La collection de fossiles est selon
l’angle de vue que l’on choisit, un sujet d’études pluridisciplinaires, entre sciences et
patrimoine. Toutefois, son aspect scientifique n’implique pas d’effacer la trace du concepteur.
Retracer l’histoire d’une collection est relativement aisé en ce qui concerne les œuvres d’art.

57
Comme nous avons pu le voir dans la première partie, il est possible pour certaines œuvres de
remonter jusqu’au XVIe siècle, parfois au-delà, et ce grâce aux multiples écrits les concernant.
Pour les collections de fossiles cela est plus délicat, le postulat de départ réside dans
l’obnubilation scientifique au dépend de la mémoire du concepteur. Conserver la mémoire du
collectionneur importe tout autant que préserver la collection, rôle que le Paléospace a choisi
de remplir à la différence d’autres structures qui fusionnent alors la collection dans une seule
entité au détriment de l’histoire individuelle de la collection. La prise de conscience du legs en
fin de vie est essentielle, car, comme le disait Nathalie Bardet, « en faire don à des institutions
publiques où ils seront conservés et donc accessibles à la communauté internationale » devrait
être la finalité de leur passion. Les environnements dans lesquels nous évoluons passeront, cette
entropie, ce mécanisme à l’œuvre est partiellement ralenti grâce à des structures comme les
musées, « mais la pérennité c’est aussi savoir les entretenir, les garder dans un milieu ou
l'hygrométrie est constante. Et puis les notifier quelque part aussi, ça c'est important. » comme
pouvait le dire Philippe Massot. En 2013, le groupe de travail Naturalia arrivait à la conclusion,
après avoir répertorié une partie des collections bas-normandes d’histoire naturelle, que l’état
de conservation de ces collections, le désintérêt pour celles-ci et le manque de moyens laissent
entrevoir une nouvelle disparition similaire à celle de 1944 (Cazin et al. 2013). Les moyens à
envisager pour contrer cette disparition sont d’entamer à la fois des concertations avec
différents acteurs, comme le suggère le groupe Naturalia, mais aussi d’élaborer de nouveaux
outils de médiation et de prendre en compte les besoins d’aménagements (stockages,
conservations) des groupes qui aujourd’hui œuvrent à la sauvegarde de ce patrimoine. Afin de
minimiser le risque de leur disparition, il est envisageable de proposer notamment une
campagne de sensibilisation qui permettrait de toucher un large public, de l’héritier au
concepteur et aux futures générations. De nombreuses compagnies d’assurance jouent sur ce
point, par des campagnes publicitaires pour penser à l’héritage. Il va de soi que le patrimoine
géologique doit également y être inclus. Malheureusement, l’absence d’assurance sur les
collections est en partie due à la difficulté d’y mettre un prix, nécessaire pour assurer la
collection. Les premières démarches entreprises alors par ces personnes échouent. Le testament
peut répondre en partie à ce problème et combler les difficultés d’assurance. Mais pour
réellement y remédier, il faudrait intervenir en amont. L'éducation et l'apprentissage doivent
faire percevoir les biens géologiques comme des biens scientifiques communs et patrimoniaux
qu’il faut sauver puis protéger à long terme dans des lieux adéquats. Pour ce faire, la piste qui
semble la plus prometteuse serait la diffusion de campagnes de sensibilisation. Ainsi, dès le
plus jeune âge, il serait possible d’inculquer aux générations actuelles et à venir l’importance

58
de ce type de passions et du rôle qu'elles peuvent jouer. L'envie de collection, au delà d'extraire
un objet de la nature n'aurait de sens que dans la sauvegarde à long terme et l'accessibilité
universelle. Une accessibilité qui se produit lors de congrès ou rassemblements scientifiques,
de présentations dans des musées ou simplement la mise à disposition des chercheurs.

5. Conclusion

Des premières collections de fossiles de l’humanité exposées au Muséum National de


Préhistoire aux Eyzies-de-Tayac-Sireuil (Dordogne) à celles de nos contemporains présentés
au Paléospace, il ne s’agit que d’une minorité qui a pu outrepasser le temps et les
disséminations. Le phénomène du collectionnisme est un sujet aux aspects multiples. Celui du
collectionnisme de fossiles répond entre autres, au-delà de la paléontologie, de l’histoire ou de
l’archéologie à des mécanismes neurobiologiques ou sociologiques. L’art fut le précurseur des
études sur ce phénomène, les fossiles collectés en masse plus tardivement, n’ont pas eu ce même
intérêt. Pouvoir proposer des clefs adaptées pour la pérennisation demande de ce fait de prendre
en compte le phénomène dans sa globalité. Cette étude pluridisciplinaire permet alors de
visualiser un phénomène dans son entièreté, en intégrant des aspects de différentes disciplines,
connectées les unes aux autres et permettant de mettre à jour les connaissances sur ce sujet ainsi
que d’apporter de nouveaux éléments. Pouvoir proposer des solutions pour sauver et
sauvegarder des collections de fossiles d’amateurs, à la fois en amont ou à posteriori requiert
ce socle de connaissances. Désormais, les solutions proposées doivent être mises en œuvre et
discutées avec les structures concernées. Ouvrir le discours et créer des campagnes de
sensibilisation pour les amateurs, restent les points dominants pour concrétiser la sauvegarde
de leur mémoire et du patrimoine géologique. A l'instar des études portant sur les
collectionnismes d'art et d'histoire, les solutions sont multiples et elles peuvent être mises en
place de façon identique. La Normandie par son histoire représente en l’occurrence le
phénomène dans sa globalité. Et au même titre que les innovations du Paléospace pour préserver
les fossiles et l’histoire du collectionneur, le phénomène doit se propager au-delà de cette
enceinte muséale moderne. Les solutions proposées doivent être déclinées dans le temps afin
d'assurer la pérennité des fossiles des collectionneurs.

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6. Références bibliographiques

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7. Sitographie

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69
Podcast INHA, Alain Schnapp. Profession : Chasseur de ruines. Juin 2021, 21 :19 min.

InfoTerre BRGM, consulté entre le 22/05/2021 et le 25/ 06/2021.

Géoportail, consulté entre le 22/05/2021 et le 25/ 06/2021.

8. Annexes

Annexe 1 - Les collectionneurs vus au XIXe siècle. (COMTE VIEL-CASTEL H., 1840, p.121).

70
Annexe 2 - Fossiles de Neandertal (JOULIAN F., 2012 p.8 In LEROI GOURHAN 1965 : 213).

Annexe 3 – Sépulture du tumulus de Dunstable Downs (SMITH, 1894)

71
Annexe 4 - Cabinet de curiosités de Madame de Courtagnon (DIEUDONNE D., 1763 p.11).

Annexe 5 - Illustration de fossiles pour les enfants (Bertuch 1805, p.106).

72
Annexe 6 - Carte des lignes de chemin de fer en Normandie au XIXe siècle (Conty 1883, feuille
annexe).

73
Annexe 7 - Carte postale Chercheurs d’ammonites escaladant les falaises, vers 1900.

Annexe 8 - Carte postale de Ferdinand Postel, non datée (LAFORET A., 2015 p.32).

74
Annexe 9 – Fauteuil de Ferdinand Postel réalisé en 1900, photographie Lucie Plançon 2021.

75
Annexe 10 - Sépulture de Mr. Quéromain (1887-1961) au cimetière de Villers-sur-Mer,
photographie Lucie Plançon 2021.

76
Annexe 11 – Sépultures et dépôts de fossiles, photographie Lucie Plançon 2021.

Sépulture de Mr. Nedelec (1928-2003) au cimetière d’Houlgate (Calvados)

Sépulture de Mme.Thieuw (1980-2016) à Sépulture famillaile Dansac-Langlet à


Villers-sur-Mer (Calvados) Houlgate (Calvados)

77
Annexe 12 – Sépulture de Mr. Lemaitre (1947-2019) au cimetière de Villers-sur-Mer
(Calvados), photographie Lucie Plançon 2021.

Annexe 13 - Carnet de terrain de Max Bülow, photographie Lucie Plançon 2021.

78
Annexe 14 - Partie de la collection de fossiles de Jean Vaireaux, photographie Jean Vaireaux
2021.

79
Annexe 15 - Partie de la collection de Max Bülow, photographie Lucie Plançon 2021.

Annexe 16 - Partie de la collection des frères Lepage, photographie Lucie Plançon 2021.

80
81
Annexe 17 - Partie de la collection de Phillipe Massot, photographie Phillipe Massot.

82
Annexe 18 - Partie de la collection de Christian Leprevost, photographie Lucie Plançon 2021.

83
Annexe 19 - Le collectionneur d’ammonites, réalisation inédite par Pierre Lavaud alias Mazan
2021.

84
Annexe 20 - Système d’inventaire et de rangement sur un fossile de Christian Leprevost,
photographie Lucie Plançon 2021.

Annexe 21 – Système d’inventaire et de rangement de Phillipe Massot, photographie Phillipe


Massot.

85
Annexe 22 - Système d’inventaire de Jean-Jacques Lepage, photographie Lucie Plançon 2021.

86
Annexe 23 - Système d’inventaire de Max Bülow et de rangement de Jocelyne Fouquet-Bülow,
photographie Lucie Plançon 2021.

87
Annexe 24 - Ammonites et nautile sur la façade d’une maison Villersoise, photographie Lucie
Plançon 2021.

Annexe 25 - Mention de fossile jeté dans le registre d’inventaire de l’APVSM, photographie


Lucie Plançon 2021.

88
Annexe 26 - Fossiles et documents ayant fini dans une benne puis donnés à l’association
APVSM, photographie Lucie Plançon 2021.

89
Annexe 27– Catalogue de vente et fossiles de la collection Follet, photographie Lucie Plançon
2021.

90
Annexe 28 - Fossile de l’ammonite au musée de Barcelone (Lomax et al. 2017).

Annexe 29 - Contre empreinte de l’ammonite vendue aux enchères (Catalogue de vente aux
enchères du Mardi 16 avril 2019 par Binoche & Giquello).

91
Annexe 30 - Procédure de don Musée de France, Paléospace

92
Annexe 31 - Don de la collection Hurtrelle au Paléospace, lettre du don de la collection

Lien de l’article du journal Ouest-France du 6/12/2013 « Le couple Hurtrelle fait don de sa collection au Paléospace » :
https://www.ouest-france.fr/normandie/deauville-14800/le-couple-hurtrelle-fait-don-de-sa-collection-au-paleospace-1773821

93
Annexe 32 - Exemple de collection aux réserves du Paléospace, photographie Lucie Plançon
2021

Annexe 33 – Documents d’archives des collectionneurs aux réserves du Paléospace

94
95
Tout change, tout s’altère, tout se perd ou se détruit. Toute langue vivante change
insensiblement son idiome ; au bout de mille ans les écrits faits dans une langue quelconque
ne pourront être lus qu’avec difficulté ; après deux mille ans aucun de ces écrits ne saurait
être entendu.

Lamarck 1802

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