Section II
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Section II
Notre premier paragraphe se penche ainsi sur l’efficacité de l'exécution des décisions
juridictionnelles (Paragraphe I), élément fondamental pour garantir une véritable justice
dans les marchés publics. Le second paragraphe explore la nécessité d'une réforme du
contentieux juridictionnel au Sénégal (Paragraphe II), afin de renforcer la légitimité et la
confiance des parties prenantes dans ce domaine.
Dans cette optique, nous estimons qu’il est impératif de recourir à la force exécutoire des
décisions de justice (A) mais aussi de renforcer la mise en œuvre des sanctions en cas de non-
exécution des décisions (B)
Ainsi, au Sénégal, les décisions de justice sont dotées de la force exécutoire une fois qu’elles
sont devenues définitives, c’est-à-dire après épuisement des recours ordinaires. Cependant,
dans les affaires urgentes ou pour préserver les droits des parties, certaines décisions peuvent
bénéficier de l'exécution provisoire, permettant ainsi une application immédiate sans attendre
l’épuisement des voies de recours3. Cela s'avère particulièrement utile dans les affaires civiles
ou commerciales, où le temps est souvent un facteur déterminant pour les droits en jeu.
Toutefois, dans la pratique sénégalaise, cette exécution provisoire rencontre des difficultés,
notamment en raison de la tendance des parties condamnées à utiliser toutes les voies de
recours disponibles pour retarder l'exécution, prolongeant ainsi indûment le processus
judiciaire4.
Cependant, plusieurs facteurs viennent limiter l’efficacité de cette force exécutoire. Tout
d'abord, les procédures de recours suspensifs peuvent retarder l’exécution des décisions,
créant une situation de vide juridique pour la partie lésée. Bien que les jugements soient
censés être exécutés de manière rapide, certaines voies de recours, notamment en matière
civile, permettent aux défendeurs de suspendre l’exécution, prolongeant ainsi le délai avant la
satisfaction des droits de la partie victorieuse 6. Ce phénomène est d’autant plus fréquent dans
1
Article 355 du décret n° 64-572 du 30 Juillet 1964 portant Code de Procédure civile a été publié au Journal
officiel n° 3.705 du 28 septembre 1964, dispose « Les jugements rendus et les actes passés au Sénégal sont
exécutoires dans toute la République sans visa. »
2
Code de procédure civile français, art. 501, qui énonce les conditions de la force exécutoire des jugements.
3
4
Diop, M., L’exécution des décisions de justice au Sénégal : défis et perspectives, Dakar, Les éditions juridiques
sénégalaises, 2021, p. 143.
5
Fall, A., Les recours abusifs dans la procédure judiciaire sénégalaise, Revue sénégalaise de droit, 2020, p. 67.
6
Dupont, J., L’exécution des jugements civils et administratifs, Paris, Éditions juridiques, 2022, p. 112.
les contentieux administratifs où, par crainte des abus, les législations prévoient des
mécanismes de protection qui, paradoxalement, viennent freiner la justice.
A cela, il faut ajouter qu’en plus de de la force exécutoire des décisions de justice, nous avons
aussi la mise en œuvre des sanctions en cas de non-exécution des décisions
7
Cette Autorité est le fruit des transformations juridiques et institutionnelles induites par les directives n° 04 et
05 du 09 décembre 2005 qui ont imposé un certain nombre d’obligations dans des domaines jusqu’alors peu
règlementés.
8
Les pouvoirs quasi-juridictionnels renvoient à ceux dont dispose le CRD dans le cadre de la résolution des
litiges relatifs à l’application du droit des marchés publics au Sénégal.
9
DIALLO.M.Y, Le juge de l’administration et la régulation des marchés publics au Sénégal, AFRILEX, page
08/35
10
DIALLO.M.Y, Le juge de l’administration et la régulation des marchés publics au Sénégal, AFRILEX, page
08/35
11
DIALLO.M.Y, Le juge de l’administration et la régulation des marchés publics au Sénégal, AFRILEX, page
08/35
12
Ndiaye, L., L’insaisissabilité des biens publics au Sénégal, Dakar, Université Cheikh Anta Diop, 2022, p. 88.
Dans ce contexte, de nombreux justiciables au Sénégal se retrouvent avec des jugements
favorables mais inopérants, particulièrement dans les affaires impliquant des entités étatiques.
Cette situation est aggravée par le manque de moyens des huissiers et des agents de la justice
chargés de l’exécution. Les services d’exécution des jugements, souvent sous-cotées en
ressources matérielles et humaines, ne parviennent pas à appliquer efficacement les décisions,
entraînant des délais d'exécution excessifs13. Cela crée un sentiment d'injustice chez les
citoyens, qui perçoivent parfois l’appareil judiciaire comme incapable de garantir la
réalisation effective de leurs droits. Le contentieux de la passation offre à la Cour suprême,
l’occasion de redresser, d’appeler à la correction des irrégularités administratives constatées
dans le cadre de l’examen des candidatures au regard des critères préalablement indiqués dans
la déclaration d’appel d’offre. Ce faisant, le juge précise les règles du système et fait du code
des marchés publics l’outil juridique au regard duquel il apprécie la validité de l’action de
l’administration publique mais aussi de celles des candidats soumissionnaires. Ainsi, la Cour
suprême, dans l’affaire Société générale de surveillance contre Conseil exécutif des
Transports Urbains de Dakar (CETUD) – Autorité de Régulation des Marchés publics 14, a
estimé que le soumissionnaire ne peut pas se substituer à l’autorité contractante 15 pour
déterminer en lieu et place les règles d’appel à la concurrence. En conséquence, le juge a
rejeté le moyen soulevé par CETUD et tendant à l’annulation de la décision d’attribution du
marché pour erreur d’appréciation. De même, la Cour suprême a, dans les affaires Bureau
VERITAS SA16 contre ARMP et CERTEC SA contre ARMP 17, conclu à l’annulation de la
décision de l’autorité contractante pour violation de l’obligation de transparence prévue par le
code des marchés publics. Par ailleurs, la Cour suprême a pu admettre que pour des raisons
justifiées par la transparence et le respect des règles organisant la procédure de passation des
marchés publics, la non-indication du montant de l’offre justifie le rejet d’un soumissionnaire.
D’ailleurs, la Cour estime que cette indication du montant de l’offre est une formalité
substantielle : c’est l’orientation indiquée par le juge de l’administration dans l’affaire «
13
Rapport annuel de la Cour des comptes du Sénégal sur l’exécution des jugements, publié en 2023, chapitre 5,
p. 35.
14
Cour suprême, Société Générale de Surveillance (SGS) contre Conseil Exécutif des Transports Urbains de
Dakar (CETUD)-Autorité de Régulation des Marchés Publics, Arrêt n°11 du 31/03/2011.
15
Définition de la notion d’autorité contractante conformément aux directives de l’UEMOA et de la
jurisprudence. Dans l’affaire CENTIF contre ARMP tranchée le 10/05/2012, la Cour suprême du Sénégal a
estimé que l’autorité contractante est une personne morale de droit public ou de droit privé, signataire d’un
marché public. Le code des marchés publics, en son article 2.1-e fait des organisations ou agences non dotées de
la personnalité morale placées sous l’autorité de l’Etat, des autorités contractantes. Ce qui est en contradiction
avec la Directive n°04/2005/CM/UEMOA, norme supérieure qui rend tributaire la finalité d’autorité contractante
de ces organisations ou agences à l’octroi de la personnalité morale.
16
CS, 07/04/2011 Bureau VERITAS SA contre ARMP in Bulletin des arrêts de la Cour suprême de 2012
17
CS, 03/06/2011 CERTEC SA contre ARMP Bulletin des arrêts de la Cour suprême 2012
Complexe industriel Thiare Gueye c/ ARMP tranchée le 09 février 2012 18. En outre, la Cour
suprême dans l’affaire Port autonome de Dakar et ARMP 19, le juge a estimé que la non
indication des modalités de solution nuit aux exigences de transparence et d’égalité des
candidats. Récemment, dans l’affaire « Société Angélique International Limited (A.I.L) contre
ARMP-Agence sénégalaise d’électrification rurale (ASER) tranchée le 24 octobre 2013 20, le
juge de la Cour suprême a affirmé que les critères comme du reste les sous-critères doivent
être justifiés par l’objet du marché, avoir la précision nécessaire de manière à ne laisser aucun
pouvoir d’appréciation à la commission des marchés.
Dès lors, on comprend pourquoi il convient de restituer à la Cour suprême son véritable rôle
départiteur des droits des parties en présence, aussi bien dans la perspective de sanctionner les
illégalités21 que de protéger l’intérêt général.
Toutefois, il convient de souligner que des réformes sont nécessaires, qu’elles se produisent
par voie législative ou réglementaire, pour permettre au juge sénégalais de l’administration
d’assurer, à l’image de son homologue français l’efficacité de la régulation des marchés
publics22. En effet, les libertés économiques des soumissionnaires et les enjeux économiques
et financiers de ses marchés sont à ce prix. L’efficacité de contrôle juridictionnel est, en
second lieu gravement affectée au Sénégal, par l’interdiction que se fait à lui-même, le juge de
la Cour suprême d’adresser des injonctions à l’administration. On ne peut lui trouver aucune
justification théorique véritablement satisfaisante puisque « ordonner à l’administration de
faire ce que le droit lui impose ne constitue pas une méconnaissance de la séparation des
pouvoirs ou des fonctions »23, et qu’elle n’est posée par aucun texte. D’ailleurs, cette attitude
du juge africain de l’administration, et particulièrement sénégalais, peut être perçue par les
justiciables comme un déni de justice. En réalité, l’inexistence de cette règle en droit
sénégalais constitue un obstacle insurmontable à la modernisation de la juridiction
administrative. Par ailleurs, une réforme du cadre légal concernant l'insaisissabilité des biens
18
CS, 09 février 2012 arrêt n°01 Thiare Gueye c/ ARMP Bulletin des arrêts de la Cour suprême de 2013
19
CS, 22 mars 2012, Port autonome de Dakar c/ ARMP Bulletin des arrêts de la Cour suprême 2013
20
CS, 24/10/2013, la Société Angélique International Limited (A.I.L) contre ARMP-ASER
21
Dans les affaires Bureau VERITAS SA contre ARMP et CERTEC SA contre ARMP (03/06/2011) tranchées
par la Cour suprême, le juge a annulé la décision du Comité de règlement des différends de l’Autorité de
régulation des marchés publics pour non-respect des exigences en l’occurrence, le respect des critères de solution
et le principe d’égalité des candidats.
22
DIALLO.M.Y, Le juge de l’administration et la régulation des marchés publics au Sénégal, AFRILEX, page
33/35
23
DIALLO.M.Y, Le juge de l’administration et la régulation des marchés publics au Sénégal, AFRILEX, page
32/35
publics pourrait être envisagée afin de permettre l’exécution forcée dans certains cas
exceptionnels, où l’intérêt des parties lésées doit primer sur la protection des biens publics 24.
Cependant, la structure est relativement différente en France en ce sens que la loi du 16 juillet
1980 et celle du 8 février 1980 prévoyant respectivement la possibilité de condamner
l’administration sous astreinte et lui enjoindre d’exécuter une décision de justice. La
jurisprudence française a même été très loin dans cette voie l’arrêt Bour du 26 février 2003 25
dans lequel on voit le Conseil d’Etat, après avoir annulé une décision de préemption, dicter à
l’administration la conduite qu’elle doit adopter pour revenir dans la légalité et le faire en lui
donnant de véritables instructions sur la façon de procéder à la revente de l’immeuble
irrégulièrement préempté, à la fixation du prix. Cette extension des pouvoirs d’exécution du
juge a conduit bon nombre d’individus à se demander s’il ne convenait pas d’envisager de
nouvelles extensions des pouvoirs du juge de l’excès de pouvoirs pouvant conforter, par
exemple, un pouvoir de réformation ou, comme en Allemagne, celui de procéder à une
déclaration des droits de l’administré26 .
Or, grâce à ses techniques, le juge pourra s’intéresser de plus en plus étroitement aux
conséquences de ses décisions et faire entrer dans son office la responsabilité de veiller à
l’après jugement, œuvrant ainsi pour une grande effectivité de la justice administrative. Ce qui
lui permettrait, après avoir annulé une décision d’attribution d’un marché public en raison de
la violation du code des marchés publics, d’exiger de l’administration de reprendre la
procédure le plus rapidement en lui indiquant les orientations qu’il estime appropriées.
24
Sarr, K., Propositions de réforme du contentieux de l’exécution au Sénégal, Paris, Éditions africaines de droit
public, 2022, p. 102.
25
DIALLO.M.Y, Le juge de l’administration et la régulation des marchés publics au Sénégal, AFRILEX, page
32/35
26
Cette procédure permet au juge, après avoir conclu à l’illégalité de l’acte administratif, de constater que le
requérant est juridiquement fondé à demander à l’administration compétente de prendre un acte administratif
individuel en sa faveur. En d’autres termes, dans le cadre de cette, le juge administratif déclarait que
l’administration à l’obligation légale d’émettre un tel acte. Voir sur cette question Fabrice Melleray, «
Déclaration de droits et Recours pour excès de pouvoir », RDP N°04-1998 pp.1088-1129.
Concrètement, en l’état actuel du droit positif sénégalais, lorsque le juge annule une décision
de l’ARMP, il n’accepte pas de se prononcer sur la question de savoir si le soumissionnaire
avait droit à l’attribution du marché.
Enfin, si on laisse de côté des problèmes d’ordre juridique qui pèsent lourd sur le pouvoir
régulateur du juge de l’administration, il faut s’interroger sur sa capacité au regard de sa
formation, à juger efficacement les problèmes afférents au contentieux économique. Cette
interrogation vient à son heure du fait que la mondialisation économique a pu entrainer une
reconfiguration de l’action publique et induit une nouvelle manière de penser les rapports
droit-économie. Le juge de l’administration, juge naturel de l’action publique, se doit d’être
imprégné des réalités juridiques et économiques sans cesse évolutives. De ce fait, il pourra se
familiariser avec le droit économique, le droit de la régulation économique, l’intégrer dans le
droit administratif et élargir, ainsi, le spectre de la légalité.
Ainsi à côté de l’efficacité de l'exécution des décisions juridictionnelles, il faut aussi parler de
la nécessité de la nécessité d'une réforme du contentieux juridictionnel au Sénégal
L’institution d’un recours en annulation spécifique aux marchés publics pourrait jouer un rôle
déterminant dans la lutte contre les pratiques de corruption et de favoritisme. En effet, dès lors
que les responsables de la passation des marchés publics sont conscients qu’un recours peut
remettre en cause la validité d’un contrat après sa signature, ils seront davantage incités à
respecter les règles en vigueur. Cette mesure viserait donc à renforcer la transparence dans la
gestion des fonds publics, évitant ainsi l’utilisation inefficace ou frauduleuse des ressources de
l’État30.
27
Article 1 al.2 relatif au décret n° 2014 - 1212 du 22 Septembre 2014 PORTANT CODE DES MARCHÉS
PUBLICS dispose « Les marchés publics sont régis par les principes de liberté d’accès, d’égalité de traitement
des candidats, de transparence et d’intégrité des procédures. »
28
9 Décret n°2005-576 du 22 juin 2005 portant Charte de transparence et d’éthique en matière de marchés
publics, p.2, www.finances.gouv.sn
29
Sow, M., Les enjeux de la réforme du contentieux des marchés publics au Sénégal, Revue africaine de droit,
2023, p. 212.
30
Diouf, M., La transparence des marchés publics et la lutte contre la corruption au Sénégal, Revue de droit
africain, 2022, p. 110.
31
CS, 22 mars 2012, Port autonome de Dakar c/ ARMP Bulletin des arrêts de la Cour suprême 2013
32
CS, 24/10/2013, la Société Angélique International Limited (A.I.L) contre ARMP-ASER
En rappelant aux autorités contractantes leur obligation de respecter les critères stipulés dans
le dossier d’appel d’offres, la Cour suprême participe activement à la mise en place d’une
gouvernance efficace. Son rôle, qui peut être qualifié de « normatif » par délégation législative
ou réglementaire, s’exprime par sa capacité à édicter des règles générales ayant force
obligatoire et opposables erga omnes. En tant qu’organe régulateur, la Cour suprême veille à
ce que l’ARMP applique rigoureusement les règles régissant la passation des marchés,
garantissant ainsi la protection des libertés économiques des opérateurs33.
Par ailleurs, ce cadre offre au juge de l’administration une opportunité de rappeler une vérité
essentielle : le droit doit servir non seulement de levier pour conquérir des marchés, mais aussi
de moyen efficace pour résoudre les conflits entre une administration souvent toute-puissante
et des opérateurs économiques en quête de protection pour leurs libertés économiques. Ce rôle
renforce un climat de confiance entre les différents acteurs du système – autorité contractante,
organismes de contrôle administratif et juridictionnel34.
33
DIALLO.M.Y, Le juge de l’administration et la régulation des marchés publics au Sénégal, AFRILEX, page
16/35
34
DIALLO.M.Y, Le juge de l’administration et la régulation des marchés publics au Sénégal, AFRILEX, page
16/35
35
DIALLO.M.Y, Le juge de l’administration et la régulation des marchés publics au Sénégal, AFRILEX, page
17/35
36
Les constitutions post-conférences nationales ont apparu comme un catalogue de droits et libertés placés sous
l’autorité et le contrôle du juge. Ce qui a permis d’une part la naissance et le développement du libéralisme
politique qui a permis de diminuer l’emprise de l’administration sur les administrés et, d’autre du libéralisme
économique ayant favorisé l’éclosion et la mise en œuvre des libertés économiques. Dans cet environnement, le
juge administratif, juge protecteur à la fois des privilèges de l’administration et des libertés des administrés, est
amené à produire un droit de plus en plus libéral, répondant aux exigences contemporaines de socialisation des
droits et libertés.
37
Diagne Ndèye Madjiguène, Les méthodes et techniques du juge en droit administratif sénégalais, Thèse pour
le doctorat d’Etat en droit, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, 1995, 532 pages
l’annulation de marchés entachés de vices ou de fraude 38. Au Sénégal, l'institution d'un tel
recours permettrait d’éviter que des contrats illégaux ne produisent des effets à long terme et
de renforcer la confiance des investisseurs et opérateurs économiques dans le système
judiciaire39. Cependant, une telle réforme nécessiterait des ajustements procéduraux,
notamment pour garantir que ces recours soient traités dans des délais raisonnables, évitant
ainsi de compromettre l’intérêt général et la continuité du service public.
Cependant, l'institutionnalisation d'un recours en annulation contre les marchés déjà signés ne
constitue pas l’unique moyen de parfaire le contentieux juridictionnel, il y’a aussi
l’amélioration des procédures d'exécution des décisions et réduction des abus de procédure.
38
Dans les affaires Bureau VERITAS SA contre ARMP et CERTEC SA contre ARMP (03/06/2011) tranchées
par la Cour suprême, le juge a annulé la décision du Comité de règlement des différends de l’Autorité de
régulation des marchés publics pour non-respect des exigences en l’occurrence, le respect des critères de solution
et le principe d’égalité des candidats.
39
Dieng, A., Transparence et responsabilité dans les marchés publics sénégalais : propositions de réforme,
Dakar, Presses juridiques sénégalaises, 2022, p. 87.
40
Diouf, M., La transparence des marchés publics et la lutte contre la corruption au Sénégal, Revue de droit
africain, 2022, p. 120.
41
Thiam, R., Les recours en matière de marchés publics au Sénégal : état des lieux et perspectives , Revue
sénégalaise de droit, 2021, p. 35.
42
Un autre aspect essentiel de cette réforme concerne l’amélioration des moyens matériels et
humains alloués à l'exécution des jugements. Au Sénégal, les huissiers et agents judiciaires
manquent souvent de ressources, entraînant des retards significatifs dans l'exécution des
décisions, ce qui compromet l’efficacité du système judiciaire 43. Par conséquent, il est crucial
d'inclure dans la réforme des dispositions pour moderniser ces services. La digitalisation des
procédures d'exécution pourrait permettre un suivi rigoureux et transparent, réduisant les
délais et renforçant la confiance des citoyens dans le système judiciaire.
En contrôlant la légalité des décisions rendues par l’ARMP, notamment par son Comité de
Règlement des Différends (CRD), la Cour suprême sénégalaise renforce ainsi l’emprise
juridictionnelle sur l'activité de régulation. Cela répond aux exigences contemporaines
d’enracinement du droit dans la réalité sociale, garantissant que l’administration respecte
scrupuleusement les règles de droit. Par exemple, dans l'affaire opposant la Cellule Nationale
de Traitement des Informations Financières (CENTIF) à l'ARMP 47, la Cour a estimé que les
textes48 fondateurs de la CENTIF ne lui conféraient pas la personnalité morale, la privant ainsi
de la qualité d’autorité contractante et l'empêchant de créer sa propre commission des
marchés49. Cette décision, qui illustre la convergence entre l'ARMP et son juge, a permis de
rappeler aux acteurs de la procédure de passation des marchés les règles essentielles et
d’assurer leur exécution effective.
43
Fall, A., L’administration judiciaire et l’exécution des décisions au Sénégal, Revue juridique, 2019, p. 89.
44
ARMP qui est devenue ARCOP
45
La création des autorités administratives indépendantes a suscité beaucoup d’espoirs, notamment, celui de voir
une administration débarrassée de l’emprise du pouvoir politique, administratif, impartiale et efficace. Mais, leur
fonctionnement a fait naître des critiques assez importantes par rapport aux pouvoirs dont elles disposent et qui
en font une institution exécutive, judiciaire et même législative.
46
La validité de l’acte administratif s’apprécie par rapport à la norme immédiatement supérieure. C’est pourquoi,
le contrôle de légalité a deux vertus cardinales à la lumière desquelles on peut reconnaitre un Etat de droit : il
s’agit de la soumission de l’administration au droit et du respect de la hiérarchie des normes.
47
Cour suprême, 10 mai 2012, Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières (CENTIF) c/
Comité de Règlement des différends de l’Autorité de Régulation des Marchés publics Bulletin des arrêts de la
Cour suprême 2013.
48
La CENTIF a été instituée par l’article 16 de la loi uniforme n°2004-09 du 06 février 2004 relative à la lutte
contre le blanchiment des capitaux que l’article 2 du décret n°2004-1150 du 30 juillet 2004.
49
La dimension pédagogique de cette décision50 aide à réduire le nombre de recours relatifs aux
marchés publics, favorisant ainsi la régulation. Enfin, dans l’affaire Port autonome de Dakar
contre CRD, la Cour suprême a réaffirmé deux principes clés dans la procédure contentieuse
devant le Comité de Règlement des Différends de l'ARMP : le respect des critères de
transparence et l’égalité des candidats, confirmant ainsi l'engagement du Sénégal pour une
gouvernance publique responsable et équitable51.
50
Dans cette affaire, le juge sénégalais de l’administration a retenu la définition de l’autorité contractante prévue
par la directive 04/2005/ CM/ UEMOA Selon ce texte, l’autorité contractante est une personne morale de droit
public ou de droit privé, signataire d’un marché public. Cette définition est contraire à celle prévue par l’article
2.1.a qui entend par autorité contractante l’Etat, en tant que personne morale et les organismes non dotés de la
personnalité morale et placés sous son autorité.
51
CS, 22 mars 2012, Port autonome de Dakar c/ ARMP Bulletin des arrêts de la Cour suprême 2013