Benoît TINE, Salif Sagna, Fatoumata Ly Lance Diamanka

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LE DEPARTEMENT DE SOCIOLOGIE DE

L’UNIVERSITE ASSANE SECK DE ZIGUINCHOR


FACE AU DEFI DE L’INSERTION
PROFESSIONNELLE DE SES DIPLOMES

Benoît TINE
Salif SAGNA
Fatoumata LY
Lancé DIAMANKA
Département de Sociologie
Laboratoire de recherche
en sciences économiques et sociales
Université Assane Seck de Ziguinchor-Sénégal
[email protected]

Résumé
L’État du Sénégal comme beaucoup d’États africains fait de l’emploi des
jeunes une préoccupation importante à travers la multiplication des
politiques publiques d’emploi et d’agences d’emploi pour les jeunes, les
femmes et d’autres couches vulnérables. En effet, le Sénégal est confronté à
la lancinante problématique de l’emploi des jeunes et des femmes et plus
précisément à l’adéquation entre l’offre de formation et le marché du travail.
Chaque année, des dizaines de milliers de jeunes sortent des écoles et
universités sénégalaises pour espérer s’insérer enfin dans le marché du
travail et commencer un plan de carrière. Mais à peine sortie de l’euphorie
de la graduation qui sanctionne un long parcours de formation fait de
sacrifices, de privation et de patience, l’étape consistant à s’insérer
professionnellement ressemble à un long parcours du combattant. Parmi les
raisons souvent évoquées figure l’inadéquation entre l’offre de formation et
les besoins du marché du travail. En effet, le chômage chronique s’explique
par le fait qu’il y a une inadéquation entre la formation et l’emploi et l’État
du Sénégal avance un taux d’insertion des diplômés de l’enseignement
supérieur de seulement 31%. Puisque la recherche précède l’action, nous
avons mené une étude au sein du Département de sociologie de l’université
Assane Seck de Ziguinchor pour mesurer la distance entre l’offre de
formation que propose ce Département et le marché du travail dans un
contexte où les universités sont renforcées dans leurs missions de service à
la communauté mais aussi de former des acteurs en mesure de prendre en

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charge le développement de leurs localités. Pour mener à bien ce travail de
recherche, l’approche quantitative a été utilisée et 37 diplômés en Licence et
en Master, appartenant à 9 promotions sortantes de sociologie de 2013 à
2022 ont été soumis à un questionnaire. De même, 16 alumnis ont été
rencontrés dans le cadre d’un entretien directif ainsi que des personnes
ressources. Les résultats obtenus montrent entre autres des paradoxes, une
chômage frictionnel de plus de 2 ans, un fort désir d’allonger les études, en
thèse de doctorat ou à l’extérieur (France, Canada) comme réponse à la
problématique de l’insertion. De même, les enquêtés formulent beaucoup de
recommandations pour une meilleure adéquation entre l’offre de formation
et le marché du travail et de l’emploi dans un contexte de chômage
chronique.
Mots-clefs : université, insertion, sociologie, Ziguinchor, chômage, diplôme

Abstract

The State of Senegal, like many other African states, is making youth
employment a daily concern through the multiplication of public employment
policies and employment agencies for young people, women and other
vulnerable groups. Indeed, Senegal is faced with the nagging problem of
youth employment, and more specifically the mismatch between the supply of
training and the job market. Every year, tens of thousands of young people
graduate from Senegalese schools and universities in the hope of finally
entering the market and starting a career. But no sooner have they left the
euphoria of acquiring a diploma, which is the culmination of a long course
of training involving sacrifice, deprivation and patience, than the step of
entering the job market resembles a long and arduous obstacle course.
Among the reasons often cited is the mismatch between the training on offer
and the needs of the job market. Indeed, chronic unemployment can be
explained by the fact that there is a mismatch between training and
employment, and the State of Senegal claims an insertion rate for higher
education graduates of just 31%. Since research precedes action, we
conducted a study in the Sociology Department of Ziguinchor's Assane Seck
University to measure the distance between the Department's training offer
and the job market, in a context where universities are being strengthened in
their missions to serve the community and train actors capable of taking
charge of the development of their localities. To carry out this research work,
a quantitative approach was used and 37 Bachelor's and Master's graduates,
belonging to 9 graduating sociology classes from 2013 to 2022, were
subjected to a questionnaire. In addition, 16 alumni and resource persons
were interviewed. The results show, among other things, paradoxes,

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frictional unemployment of over 2 years, and a strong desire to pursue a
doctoral thesis as a response to the problem of integration. Similarly, the
respondents put forward many recommendations for a better match between
the training on offer and the labor and employment market in a context of
chronic unemployment.
Keywords: university, integration, sociology, Ziguinchor, unemployment,
diploma

1- Introduction

Au Sénégal, la question de l’emploi est au cœur des politiques


publiques, avec un défi majeur lié à la relation entre la formation
universitaire et les métiers effectivement exercés par les
individus dans le monde professionnel. Et pour s’insérer dans ce
monde professionnel, l’acquisition de compétences et de savoir-
faire est de plus en plus indispensable. La méritocratie semble
être la voie royale pour accéder à un emploi dans un pays où
pourtant le secteur dit « informel » porte l’économie à plus de
85% (OIT, 2020). Cependant, cet emploi se raréfie. Et parmi les
nombreuses causes du chômage chronique, figure en bonne
place, l’inadéquation entre la formation universitaire et
l’insertion professionnelle (Tine, Sall, 2015). Or de cet emploi,
dépendent beaucoup d’autres faits sociaux. En effet, selon
Claude Dubar (2015), le travail a une valeur humaine
fondamentale qui fait figure de centralité dans la construction
des identités sociales et professionnelles. Il est une valeur
fondamentale faisant office de ciment dans la société sénégalaise
(Tine, 2020) et d’ailleurs son absence est synonyme de mort
sociale, (Lazarsfeld et al., 1982). C’est ainsi que nos sociétés
post-modernes méritocratiques préparent les jeunes à cette prise
de fonction par l’école.
Créée en 20071, l’université Assane Seck de Ziguinchor (UASZ)
a entre-autres missions spécifiques de « former des cadres
supérieurs qualifiés du Sénégal (…) dans des filières
1
Décret n° 2008-537 du 22 mai 2008 portant création, organisation et fonctionnement de l'Université de
Ziguinchor

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correspondant aux besoins de l’économie locale, nationale et
régionale ; d’accompagner ses diplômés dans leur insertion
dans le monde socio-professionnel ; de contribuer au
développement de la région naturelle de la Casamance à travers
son service à la communauté », (République du Sénégal, 2008).
C’est pourquoi, l’objectif principal visé par cette étude est de
faire une évaluation de ces objectifs, 17 ans après sa création. Il
s’agit plus spécifiquement de mesurer le taux d’insertion des
diplômés de sociologie de l’UASZ, les difficultés rencontrées
ainsi que l’écart qui existe entre la formation et l’emploi.
L’hypothèse principale qui guide ce travail empirique est qu’il
existe un décalage entre les compétences acquises lors de la
formation universitaire et les besoins réels du marché́ du travail
et de l’emploi. En effet, malgré́ les investissements importants
dans l’enseignement supérieur, de nombreux diplômés
sénégalais se retrouvent confrontés à des difficultés d’insertion
professionnelle.
Depuis la fin des « trente glorieuses », les taux de chômage vont
crescendo dans les pays africains ; l’emploi se fait de plus en
plus rare et l’insertion ne fait que se détériorer au lieu de
s’améliorer, (Dupray, 2000). Autrement dit, si on se réfère à des
indicateurs comme la durée d’accès à l’emploi, la probabilité
d’être recruté, la qualification du poste, l’adéquation entre la
formation et l’emploi, le constat est évident. Ce n’est pas le
diplôme - présomption de connaissances et de compétences -
qui fait défaut mais les offres et les besoins du marché́ de travail
qui, soit n’existent pas, soit ne sont pas connus. Et Arnaud
Dupray de renchérir : « le diplôme en tant qu’il reflète un
rapport de connaissance n’a pas alors d’intérêt en soi ; seul
importe sa dimension de contenant articulée aux critères
d’homogénéité et de sélectivité des aptitudes des titulaires de
celui-ci », (Dupray, 2000, p.5). C’est pourquoi, selon Seydina
Aba Guèye, « les étudiants sénégalais passent tous les échelons
du système LMD sans pour autant avoir la garantie de trouver

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un emploi à leur sortie des universités et instituts de formation
professionnels » (2019). Malgré́ toutes les initiatives entreprises
par l’État, les politiques publiques en la matière doivent être
reconsidérées. Tine et Sall (2015) nous font comprendre que les
programmes de formation proposés par les établissements
d’enseignements supérieurs ne sont pas conformes aux
compétences requises par les entreprises ; et que les relations
informelles prennent le dessus sur les procédures formalisées.
Par conséquent, l’emploi des jeunes et des femmes diplômées
posent toujours problème au Sénégal et Sidy Gaye de
reconnaître « qu’en 2020 au Sénégal, après avoir passé des
années d’études dans des conditions très difficiles, trouver un
job passe par des cris de cœur. Ce qui est injuste et anormale ;
les jeunes diplômés, longtemps lésés par l’État, ont un avenir
incertain ». Pour comprendre cette situation chronique, Michel
Crozier et Erhard Friedberg tentent de déconstruire ce fait
social. En effet, en mobilisant la théorie de l’analyse stratégique,
ils mettent en avant la compréhension des relations entre acteurs
en analysant le processus de construction des actions collectives
à partir des comportements et d’intérêts individuels parfois
divergents. De ce fait, un étudiant est libre de choisir une
formation plutôt qu’une autre, une université X aulieu d’une
université Y. Un diplômé est libre de choisir ou pas un emploi
quelconque ; il se doit de mettre en place des stratégies afin
d’arriver à ses fins. Dans ce système d’action concret, chaque
acteur est libre et agit en fonction de ses choix. Sa conduite est
censée être rationnelle et subjective. Face à cette réalité d’un
marché du travail saturé d’une part et d’une discipline pas encore
bien comprise d’autre part, cette étude au Département de
Sociologie de l’UASZ nous permet d’évaluer les curricula et les
comportements sur le marché du travail et de l’emploi de ses
diplômés de Licence et en Master.

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2- Méthodologie

Notre article se fonde sur des enquêtes qualitative et quantitative


réalisées au Département de sociologie2 de l’UASZ. Ce
Département est né avec l’UASZ en 2007 mais a accueilli sa
première cohorte en 2008. Il compte en 2024, une secrétaire à
mi-temps, 13 enseignants-chercheurs (dont 2 femmes), 56
enseignants-vacataires. Les effectifs estudiantins de ces 7
dernières années universitaires se présentent ainsi qu’il suit :
Année 2016-2017 2017-2018 2018-2019 2019-2020 2020-2021 2021-2022 2022-2023

Effectifs 267 278 286 5023 461 445 435

Source : Direction de la scolarité centrale de l’UASZ

Quant aux taux de réussite, ils étaient en 2022 parmi les plus
élevés de l’UASZ, avec 72% en L1, 76% en L2 et 77% en L3.
Dans le cadre de cette étude, 16 personnes ont été rencontrées
entre mars et avril 2024, dans la région de Ziguinchor : 08 à
Ziguinchor, 04 à Bignona, 01 à Cabrousse, et 02 à Goudomp.
L’enquête qualitative s’est déroulée sur la base d’un guide
d’entretien directif. L’échantillon a été choisi selon les règles de
la méthode probabiliste par effet boule de neige. Les entretiens

2
Il existe 3 autres départements de sociologie dans l’enseignement supérieur public sénégalais : Université
Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), Université Gaston Berger de Saint Louis (UGB) et l’Université
Numérique Cheikh Hamidou Kane (UNCHK, ex. UVS).
3
Depuis l’année universitaire 2019-2020, l’État du Sénégal a décidé de ne plus orienter les étudiants dans les
établissements d’enseignement supérieur privés. Les étudiants sont orientés exclusivement via la plateforme
numérique CampuSen dans les 8 universités publiques sénégalaises (UCAD, UGB, UIDT, UASZ, UADB,
UNCHK, UAM, USSEIN), et les 6 Instituts supérieurs d’enseignement professionnel (ISEP) : Thiès,
Diamniadio, Richard Toll, Bignona, Mbacké. Ce choix a participé a massifié les effectifs dans les universités
déjà confrontées à un déficit d’infrastructures et de ressources financières et dans un contexte d’augmentation
des taux de réussite au Bac (48,40% en 2020, 45,33% en 2021, 51,98%, en 2022, 51,61% en 2023 et 50,50 %
(78 246 nouveaux bacheliers) en 2024.

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directifs ont été effectués, en face à face ou en ligne (appels
téléphoniques ou WhatsApp).
Afin d’en savoir davantage sur le devenir de ses diplômés,
l’UASZ à travers l’Incubateur Innov’Zig a entrepris une enquête
quantitative pionnière exhaustive. Sur la base du volontariat, un
questionnaire en ligne a été envoyé à tous les alumnis de l’UASZ
et à la date du 19 juin 2024, cette enquête quantitative a vu la
participation de 267 diplômés de l’UASZ, toutes filières
confondues. Nous avons ainsi, pu accéder à cette base de
données grâce au coordonnateur de l’incubateur et extrait tous
les diplômés du département de Sociologie, au nombre de 37
titulaires d’une Licence ou d’un Master. Des personnes
ressources ont également été enquêtées: responsable des
ressources humaines, personnel du centre académique de
l’orientation scolaire et professionnelle, enseignants-chercheurs,
direction de la scolarité.

3- Résultats et analyse
A l’issu de 2 mois de recherche empirique, voici, ci-dessous,
quelques résultats pertinents dépouillés et analysés:

Tableau 1 : Répartition selon le sexe et le diplôme obtenu

Diplôme Hommes Femmes Total

Licence 16 4 20

Master 11 6 17

Total 27 10 37

Source : enquête de terrain mars-avril 2024

L’écrasante majorité des alumnis de sexe masculin reflète la


population mère. En effet, si les femmes sont plus nombreuses
que les hommes en Licence 1, leur nombre s’effrite année après

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année jusqu’à ce qu’elles deviennent minoritaire en L3 et en
Master. Plusieurs raisons, notamment, socioculturelles,
président à cet état de fait : son rôle et sa place dans la société
qui se résument à la sphère privé ; ces échéances participent à
l’éloigner des amphithéâtres (mariage, maternité, ménage etc.).

Tableau 2 : Répartition selon le niveau d’insertion

Statut Nombre %
Chômeur 4 11%
Entrepreneur (auto-emploi) 3
8%
Salarié 26 70%
Stagiaire rémunéré 3 8%
Stagiaire non rémunéré 1 3%
Total 37 100%

Source : enquête de terrain mars-avril 2024

Ce tableau montre une prédominance du salariat avec 26


déclarations soit 70 % de l’échantillon. Ensuite, viennent les
chômeurs qui sont au nombre de 4. L’auto-entreprenariat
n’occupent que 3 alumnis parmi les 37 personnes rencontrées.
La prédominance du salariat est due à plusieurs raisons données
par les enquêtés. Certains ont fait des concours comme celui de
psychologue-conseiller (niveau Licence) pour être agent de
l’État dans les centres académiques de l’orientation scolaire et
professionnelle (CAOSP) ; de même, il y a la familiarité avec le
secteur public qui les accueille lors de leurs exercices, dossiers
de recherche, stages, visites pédagogiques entre-autres. Ceci ne
déroge pas à la règle car de façon générale, la structure de
l’emploi au Sénégal est tournée vers le public. La représentation
sociale de la réussite est synonyme de secteur public où l’emploi
est garanti à vie. Malgré les politiques publiques mises en œuvre,
l’entreprenariat ne séduit pas encore les alumnis. Il est à noter le

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taux assez faible d’autoentrepreneur malgré l’existence
d’éléments constitutifs tels que Gestion de projet au semestre 6
de la Licence, mais aussi la création de l’incubateur Innov Zig,
le Centre d’employabilité francophone (CEF) et les nombreuses
politiques publiques d’accompagnement des jeunes et des
femmes4.

Tableau 3 : Adéquation entre la formation en sociologie et


l’emploi occupé

Adéquation Nombre %
Oui 20 54%
Non 08 22%
Plus ou moins 09 24%
Total 37 100%

Source : enquête de terrain mars-avril 2024

Le tableau 3 révèle que parmi les 37 jeunes diplômés qui ont


accepté de répondre au questionnaire, 20 travaillent dans les
domaines que couvre la sociologie soit 54% et 08 (soit 22%) sont
dans un secteur plus ou moins éloigné de leurs compétences
sociologiques. Par contre, 09 alumnis (24%) sont dans des
domaines plus ou moins proches des savoirs sociologiques. La
formation reçue permet à une majorité de gradués de s’insérer
dans le monde du travail et de l’emploi. La formation en

4
FONGIP : Fonds de Garantie des Investissements Prioritaires ; FONSIS : Fonds Souverain
d’Investissements Stratégiques ; ADEPME : Agence de Développement et d’Encadrement des Petites et
Moyennes Entreprises ; PAPEJ : Programme d'Appui à l'Entrepreneuriat Jeunesse ; 3FTP : Fonds de
Financement de la Formation Technique et Professionnelle ; ANIDA : Agence Nationale d’Insertion et de
Développement agricole ; ANPEJ : Agence Nationale pour la Promotion de l’Emploi des Jeunes ; FNPJ :
Fonds national de promotion de la jeunesse ; Pôle emploi et entreprenariat ; ANEJ : Agence nationale pour
l'emploi des jeunes ; AJEB : Agence pour l'emploi des jeunes des banlieues ; ANAMA : Agence nationale
d'appui aux marchands ambulants ; FRPI : Fonds national de promotion de la jeunesse ; DER : Délégation à
l'entreprenariat rapide Femme/Jeune ; APDA : Agence pour la promotion et le développement de l'artisanat ;
PRODAC : Programme des domaines Agricoles Communautaire ; ANIDA : Agence Nationale d'Insertion et
de Développement Agricole ; Agri-jeune : Projet d’appui à l’insertion des Jeunes Ruraux (Agri Jeunes-Tekki
Ndawñi)

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sociologie de l’UASZ ouvre une très large palette de
connaissance qui initie l’étudiant à découvrir le maximum de
spécialisations sociologiques. Ce qui fait dire à certains que la
sociologie mène à tout. Cette concordance n’est pas une surprise.
Elle est voulue par le LMD et encouragée par la mission
régalienne de développement local que porte l’UASZ.
L’inconvénient de cette grande ambition heuristique est d’avoir
par conséquent une « grosse maquette », de gros volumes
horaires (environ 300 heures de cours par semestre), beaucoup
d’unités de valeur et d’éléments constitutifs.

Tableau 4 : Chômage frictionnel

Adéquation Nombre %
Moins d’1 an 4 11%
Entre 1 an et 2 ans 9 24%
Entre 2 ans et 3 ans 12 32%
Plus de 3 ans 8 22%
Autres 4 11%
Total 37 100%

Source : enquête de terrain mars-avril 2024

Il s’agit du chômage lié au délai nécessaire pour trouver un


emploi. Ce type de chômage mesure l’imperfection du marché
du travail (absence de transparence et de coordination, manque
de centralisation des données liées aux offres d’emploi ou
mauvaise information). En effet, très peu d’alumnis trouve un
emploi dans l’année qui suit la fin de la formation (11%). Près
de 65% ne trouvent un emploi qu’après au moins 2 années de
recherche active. La médiane se situe entre 2 et 3 ans. En effet,
il y a un manque d’agressivité qu’un Directeur de ressources
humaines a noté : « souvent les étudiants ne font pas l’effort de
faire des candidatures spontanées ; ils optent plus pour des

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réponses à des appels à candidatures. Alors que même si, nous
ne pouvons pas les recruter dans notre direction, nous avons la
possibilité́ de voir quel poste pourront-ils occuper quelques
part ». De même, les stages en cours de formation sont
importantes et facilitent l’intégration professionnelle. En outre,
Moussa, titulaire d’une Licence nous dit que « quand tu sors de
l’université́ et que tu rentres dans le marché́ du travail, on te
demande ce que tu peux faire avec la licence de sociologie : t’es
là bouche-bée, parce que tu ne sais rien faire d’autre que
l’enquête de terrain, utiliser les logiciels kobo collecte et
sphinx » et comme nous le confirme Adama, titulaire d’un
Master de sociologie : « tu as ton master en politique publique,
culture et développement ; après c’est quoi ta spécialité́ qui te
permet d’être apte à̀ travailler en dehors des appels
d’enquêteurs qui ne durent qu’une semaine : il y’a un problème
de débouchés ». Les entretiens ont relevé des étudiants qui ne
s’attendaient pas à ne pas trouver de travail juste après leur
Licence et surtout en Master. C’est pourquoi, Aliou nous avoue :
« pour que mon insertion dans le milieu professionnel soit facile,
j’ai fait le choix de faire la thèse pour y rentrer une bonne fois
». Cet allongement des études repousse le plus tard possible le
face à face fatidique avec le monde professionnel et par
conséquent le retour sur investissement de la famille qui
s’impatiente au vue des nombreux investissements consentis
depuis le cycle élémentaire. D’ailleurs les occasions ne
manquent pas pour qu’elle le rappelle : « au bout d’un moment,
la famille perd sa patience et te demande d’aller travailler ou
d’aller te marier ; ils ne t’appellent plus et ça te rend triste ; ils
t’abandonnent et tu es désespéré parce qu’ils se disent qu’il faut
le laisser, il ne veut pas réussir », Mamadou. Hassanatou lui
emboite le pas en disant : « On s’intéresse moins à toi, on
t’ignore même, alors que depuis la L1, je leur transférais toute
ma bourse ; je ne garde qu’un billet de 5000 f pour vivre ;
acheter un ticket restau de 100f ou prendre un clando (150f)

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pour aller sur le terrain était devenu difficile ; je ne pouvais
même pas acheter les livres au programme ; je commence à
regretter ce que je faisais, car si j’avais épargné cet argent, je
pourrais au moins entreprendre quelque chose ». Quant à
Ibrahima, il a mal vécu cette période transitoire ; au-delà de la
souffrance personnelle, de la frustration vécue après tant
d’efforts, la violence sociale est sans pitié : « Les gens peuvent
s'interroger du fait que tu ne travailles pas. Les mots ou phrases
qui viennent le plus souvent sont : ‘‘Tu vas étudier jusqu'à
quand? Toi aussi maintenant ça suffit ahhh! Vas chercher du
travail, mais toi est-ce que tu fais des concours? On ne peut pas
continuer à te financer, tu es grand’’ : des mots qui peuvent faire
mal ».
Ces diplômés sont entre le marteau du chômage et l’enclume de
la forte pression familiale ; stratégiquement, ils optent pour un
« emploi faute de mieux » dans le secteur informel ou dans les
emplois précaires en attendant (peut-être) la réalisation du projet
professionnel (Tine et Sall, 2015).

Tableau 5 : Répartition par secteur d’activité

Secteur d’activité Nombre %


Associatif (ONG) 8 22%
Privé (formel et informel) 13 35%
Public 12 32%
Autres 4 11%
Total 37 100%

Source : enquête de terrain mars-avril 2024

Les secteurs d’activité public et privé attirent de façon équitable


les alumnis tandis que les Organisations non gouvernementales
(ONG) et les associations avec 8 personnes (22%) attirent un peu
moins de candidats. Le score du secteur public est de 32% et la
recherche approfondie révèle que ces agents, y sont entrés par le

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biais de concours. Cependant, le réceptacle quasi naturel des
diplômés de sociologie reste le bloc association/ONG comme
l’atteste ce tableau 5. Cependant, le chemin à parcourir est
encore long et ces données ne sont que l’arbre qui cache la forêt.
Vue de près, les types de contrat pratiqués et dont les entretiens
font mention, concernent des emplois précaires : stage, temps
partiel, contrats à durée déterminée (CDD) qui attestent de la
flexibilisation du marché du travail et de l’emploi.
Voici ci-dessous les principales organisations professionnelles
qui accueillent les diplômés du département de Sociologie de
l’UASZ :

Nuage de mot : Les organisations professionnelles qui


emploient les diplômés en sociologie de l’UASZ

Source : enquête de terrain mars-avril 2024

Tableau 6 : Répartition selon la qualité de la formation

Qualité de la formation nombre %


Moyenne 9 24%
Satisfaisante 17 46%
Très satisfaisante 11 30%
Total 37 100%

Source : enquête de terrain mars-avril 2024

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La qualité de la formation en sociologie de l’UASZ est jugée
satisfaisante pour 17 alumnis, soit un taux de satisfaction de
46%. 11 personnes (30%) vont plus loin pour la qualifier de très
satisfaisante tandis que 24% de l’échantillon la juge moyenne.
Voici les raisons invoquées par les enquêtés, sous le sceau de
l’anonymat, pour justifier leurs réponses :

Tableau 7 : Raisons invoquées

On n’était pas nombreux et la qualité des formations était au rendez-vous ;


Les contenus des cours sont en relation avec les réalités du monde du travail ;
A mon époque, y avait trop de modules à valider pour chaque trimestre, je trouve
ennuyant ;
La qualité des enseignants et des enseignements est bonne ;
Les connaissances théoriques acquises et les stages effectués ont facilité mon
adaptation dans le monde actif ;
Parce que cette formation m’a donné les bases nécessaires pour l’exercice de mon
métier ;
Il y a des manquements pour accompagner les étudiants ;
Je ne regrette pas d’être diplômée de cette université ;
C’est un enseignement de qualité ;
Les études à l’université de Ziguinchor m’ont permis d’avoir les soubassements
qui ont fondés ma carrière et d’avoir de la compétences dans mes fonctions ;
Car nous avons pu bénéficier d’un suivi rapproché de la part de nos enseignants
qui ont montré une disponibilité totale envers nous ;
La formation que j’ai reçu ma facilité l’intégration de grandes structures étatiques
comme privées et m’a permis d’être polyvalente. Aussi, j’ai pu mettre en exergue
ce que j’ai appris en classe notamment dans le domaine de la recherche et dans la
mise en œuvre de programmes et projets ;
Les enseignements reçus répondent aux besoins de marché de l’emploi ;
Les enseignements devraient être actualisés aux thématiques du monde. Je trouve
aussi que nous manquons cruellement de pratique, il faudra plus insister sur les
modules d’analyse quantitative, c’est une faiblesse du département de sociologie.
Introduire des techniques de traitement de données avec des logiciels tels que le
langage R, SAS ou python, créer des compétences en visualisation de données et
former les étudiants à l’usage professionnel des données numériques ainsi que
l’utilisation de l’intelligence artificielle ;

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Il n y’a pas eu d’accompagnement pour mon insertion professionnelle après ma
licence de sociologie ;
L’UASZ doit développer les modules de formation adaptés au marché de l'emploi.
En plus, l’UASZ doit développer des Politiques de suivi et d'accompagnement de
ces étudiants/tes après l'obtention de leur diplôme ;
Les connaissances acquises durant mon cursus me servent sur mes tâches
quotidiennes
Il y a de ces professeurs qui demandent aux étudiants de leur restituer exactement
ce qu'ils ont donné comme résumé lors des examens. Je trouve ça nul car un
étudiant doit faire des recherches pour apporter plus que ce que son prof lui
enseigne. Cette situation fait cartoucher certains qui se retrouvent toujours avec
des notes éliminatoires ;
Par ce que j' ai eu la licence malgré les perturbations de la COVID, les grèves... ;
Ça m'a permis d'intégrer le monde professionnel même si cela a pris assez de
temps ;
Je suis un produit de l'UASZ et partout où je passe mes qualités sont louées ;
Ça nous aide à intégrer le marché de l'emploi du travail ;
Enseignement modulaire et études pratiques ;
Parce que la formation était de qualité ;
Après ma licence, c'était trop dure de décrocher même un stage après j'ai pu payer
une formation professionnelle ;
La formation était de bonne qualité avec des enseignants compétents, disponibles
et professionnels
Parce qu’en ce moment, il n'y avait pas assez de salles de classe. Parfois, on faisait
les cours sous l'arbre à l'élevage ou au CEM de Kenia ;
Ma génération a subi une session unique et il y avait un manque de salle de classe
parfois, on va jusqu'au CEM de Kenia pour faire des cours ;
Ma formation ne rime pas avec mon métier même s’il y’a des similitudes ;
Certains enseignants sont dans leurs affaires personnelles quand les cours
commencent et c’est seulement vers la fin du semestre qu’ils viennent bâcler et
demander des créneaux supplémentaires ;
Parfois les cours sont bâclés par certains. D’autres, dans les séances de travaux
dirigées, viennent en instaurant leur propre programme qui n’a rien à̀ voir avec
les CM.

Source : enquête de terrain mars-avril 2024

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Tableau 8 : Accompagnement à l’emploi par l’UASZ

Accompagnement Nombre %

Non 30 81%
Oui 7 19%
Total 37 100%

Source : enquête de terrain mars-avril 2024

Sur l’accompagnement de l’emploi à l’UASZ, les réponses


négatives sont de loin plus nombreuses. Ils sont nombreux
(81%) à s’être sentis seuls voire abandonnés face au marché de
l’emploi, sans aucun accompagnement à l’emploi de la part des
personnels de l’UASZ. Paul, titulaire d’une Licence laisse
éclater sa peine : « à ce moment-là, on commence à douter de
soi-même. On est désorienté. On peut parfois regretter d'avoir
aussi perdu autant d'années dans les études ». L’étudiant a
besoin d’un accompagnement pour s’insérer dans un monde du
travail et de l’emploi de plus en plus étroit. Les étudiants
rencontrés disent s’être débrouillés tout seuls. Ni les
enseignants, ni les services de l’UASZ etc. ne les ont aidé à se
préparer. Il est vrai que ces dernières années, les contraintes ont
été nombreuses : la massification universitaire, la Covid 19, le
déficit en infrastructures, les années universitaires élastiques et
« anormales », les mouvements sociaux internes et la crise
socio-politique ont compromis beaucoup de projets (forums de
l’emploi, Techniques de recherche d’emplois et de stage : TRES
etc.). Comme illustration, de 2019 à 2024, les stages prévus au
semestre 6 (L3) n’ont pas pu être faits. Cependant, de nouvelles
dynamiques institutionnelles sont en cours de concrétisation et
devraient changer la donne. Il est vrai que des modules tels que
le Projet Professionnel Personnel (PPP) de la L1 (semestre 2),
sont importants mais devraient intervenir au Collège (classe de

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3ème) ou au Lycée pour permettre à l’apprenant de construire son
cursus de façon conséquente.

Dans l’optique d’améliorer la liaison encore délicate entre la


formation et l’emploi, entre l’université et l’entreprise, les
enquêtés proposent eux-mêmes des pistes de solutions dans ce
tableau 9.

Tableau 9 : Recommandations

Donner des moyens aux structures qui s'en occupent ;


Répertorier tous les anciens étudiants non-salariés pour les aider ;
Exiger un suivi et de la rigueur. Et à bas les bras long ;
Mettre en place un site web pour centraliser les offres d’emploi ;
D'abord recenser les diplômés ; ensuite les aider à mettre en pratique les
connaissances acquises ; enfin activer le réseau des alumnis ;
Mettre en place une base de données et un réseau de partage des appels d'offres ;
Travailler avec des services publics et privés ;
Offrir une formation de qualité en lien avec le marché de l'emploi ;
Faire un coaching des étudiants en stage professionnel et élargir le partenariat
avec les recruteurs surtout le secteur privé ;
Être créatif et innovant pour répondre aux besoins du marché de l'emploi ;
Que l'université cherche à nouer des partenariats avec les structures au niveau
national pour faciliter l'insertion aux étudiants sortants. Cela peut être difficile de
le faire pour tous les sortants mais essaie de le faire pour les cinq premiers de
chaque promotion ;
Signer des conventions de partenariat avec les organisations pour les stages des
étudiant.e.s ;
Plus de coopération avec les structures associatifs et entreprises ;
Faire des communications efficaces au sujet de l’insertion professionnelle pour
chaque filière. Faire intervenir des alumni, créer des coopérations avec les
organisations ;
Tous les étudiants devraient faire plus de 8 mois de stage avant d'avoir la licence ;
Créer des centres de formation pour les étudiants sortants ;
Les préparer à répondre aux besoins du marché ;

Publié chez les Editions Francophones Universitaires d’Afrique/ Octobre 2024 74


Miser sur la pratique ;
Signer des partenariats avec des structures ;
Faire des séminaires de sensibilisation à l'insertion ;
D'avoir des formations professionnelles et des financements pour accompagner les
étudiants ;
Promouvoir l'idéologie entrepreneuriale sur tous les niveaux de la formation ;
Mettre en place beaucoup de directions qui accompagneront tous les étudiants de
l'UASZ afin de leur permettre un avenir prometteur ;
Encourager les stages ;
Accompagner les étudiants dans l'insertion au marché du travail ;
Plus de coopération avec des organismes ;
Organiser des forums d’emploi ;
Accompagner les étudiants après leur licence ou master ;
Faire des conventions avec les entreprises et ONG ;
Orienter les étudiants dans leur spécialité ensuite les former et enfin les
accompagner dans le milieu professionnel ;

Former les étudiants dans leur spécialité ;


Suivre les étudiants après leur sortie pendant au minimum 18 mois ;
Faire un master professionnel en Sociologie ;
Faire des suivis de cohorte pour savoir les sortants de l’université, ils deviennent
quoi après quelques années ;
Faire des témoignages des rôles modèle des sortants du département pour mieux
motiver les étudiants.

Source : enquête de terrain mars-avril 2024

4- Discussion

Après la démocratisation quantitative scolaire, c’est-à-dire la


diffusion de l'école et des diplômes ou encore la massification
de l'école consacrée par les Objectifs du millénaire pour le
développement (OMD) 2000-2015, en son numéro 2 puis
réitérée par les Objectifs de développement durable (ODD)

Publié chez les Editions Francophones Universitaires d’Afrique/ Octobre 2024 75


2015-2030, numéro 4, l’accent est désormais mis sur l’insertion
professionnelle des jeunes diplômés pour réduire les taux de
chômage.
Des liens étroits unissent le travail et la formation. Mais peut-
être parce que ces liens paraissent évidents ; ce n’est qu’assez
récemment que des travaux universitaires se sont donnés pour
objectif de les étudier systématiquement, de les conceptualiser
et parfois de contribuer à leur mise en place. Ces travaux ont
montré́ que ces relations sont beaucoup plus complexes qu’il n’y
paraît, qu’elles s’inscrivent dans des problématiques
dynamiques et qu’elles ont connu et connaissent encore des
transformations tenant tant à l’évolution du travail et de la
formation qu’à la façon de concevoir leurs relations (Durand et
Flliettaz, 2009, p.1).
Cette problématique est devenue un enjeu de taille dans nos
sociétés contemporaines et sa mauvaise prise en charge peut
entraîner d’autres faits sociaux indésirables. Le diplôme est
certes une présomption de connaissances et un atout majeur non-
négligeable mais il ne constitue plus un visa (Tine et Sall, 2015),
ce qui rend l’insertion professionnelle de plus en plus difficile.
Les jeunes diplômés qui sortent des établissements
d’enseignements supérieurs sont souvent désorientés, livrés à
eux même dans un désarroi total et une inquiétude profonde.
C’est pour que l’université sénégalaise ne soit pas une fabrique
de chômeurs que depuis quelques années, ces établissements
d’enseignements secondaires et supérieurs, privés comme
publics, sont appelés à changer de paradigme ; le processus est
enclenché avec diverses politiques publiques qui visent à
changer structurellement le système qui a prévalu depuis les

Publié chez les Editions Francophones Universitaires d’Afrique/ Octobre 2024 76


années 1960 : LMD5, CNAES6, PDEF7, PGF-Sup8, CDP9,
création de la DGES10 et de l’ANAQ-Sup11, PAQUET-EF12. En
guise d’exemples : « l’aide à l’insertion professionnelle figurent
parmi les 4 missions des universités publiques ; le système de
gouvernance a évolué vers trois organes : un Conseil
d’Administration (intégrant des chefs d’entreprise, des élus et
des représentants de collectivités territoriales en plus des
composantes de l’université́), un Conseil académique
(essentiellement composé d’universitaires) et un Recteur. A
l’opposé, l’architecture en cours de rénovation se limitait à̀ deux
organes qui ne rapprochent pas assez l’université́ du monde
socio-économique, à savoir une Assemblée de l’Université
(composée quasi-totalement d’universitaires) et un Recteur »
(Mbengue, 2018, p.14) ; de même, le CDP exige l’augmentation
du pourcentage de filières de formation professionnelle
comportant une expérience de travail créditée et du pourcentage
de cours dispensés par des professionnels. Bref, un passage
d’une logique de moyens à une logique d’employabilité en
passant par une logique de performance est de rigueur. Les
résultats de toutes ces politiques publiques éducatives ne
peuvent être mesurés, in fine, que par le taux d’insertion
professionnelle. À l’UASZ et au Département de sociologie en
particulier, la relation entre la formation et l’emploi reste mitigé
tant qualitativement que quantitativement. Une étude de cas
antérieure montre qu’un tiers (1/3) des étudiants de ce
Département a été orienté dans la filière sociologie sans qu’il

5
Le système LMD (Licence, Master, Doctorat) dans les établissements d'enseignement supérieur du Sénégal
a été instauré officiellement par la Loi n° 2011-05 du 30 mars 2011
6
Concertation Nationale sur le Développement de l'Enseignement Supérieur au Sénégal s’est déroulée en
avril 2013 et a réuni les acteurs de l’enseignement supérieur. Ces travaux ont débouché sur 78
recommandations qui ont fait l’objet de 11 directives présidentielles
7
Plan décennal de l’éducation et de la formation déployé́ sur la période 2000-2011
8
Projet Gouvernance et Financement de l'Enseignement supérieur axés sur les résultats à partir de 2016
9
Contrat de performance signé en 2012
10
Direction générale de l’Enseignement supérieur
11
Agence nationale d’Assurance Qualité́ de l’Enseignement supérieur créé en 2012
12
Programme d’Amélioration de la Qualité́, de l’Equité et de la Transparence du secteur de l’Education et de
la Formation, 2013-2025.

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l’ait demandé. Campusen13 a orienté ces étudiants dans la filière
sociologie par défaut (Diémé14, 2021). Les verbatims permettent
de constater que même si notre échantillon est inséré à 89%, le
chômage frictionnel dépasse 24 mois pour près de 65 % de notre
échantillon contre 66% en 2021 (Diémé, 2022). Cela montre
que : soit la formation n’est pas satisfaisante (ce que les
interlocuteurs infirment en majorité), soit la formation n’est pas
qualifiante, soit les alumnis n’ont pas été suffisamment préparés
à s’insérer dans le monde professionnel (81%) à travers des
prises d’initiative comme les TRES : stratégies de recherche
d’offres d’emploi et de stage, rédaction d’un curriculum vitae et
d’une lettre de motivation, initiation à la technique d’entretien
d’embauche, élaboration et conception d’un business plan,
incubation etc. Le diplôme, seul, ne suffit plus à trouver un
emploi au Sénégal ; non pas qu’il ait perdu de sa valeur,
nécessitant donc l’allongement des études pour en acquérir un
de plus élevé et par conséquent de mieux réussir l’insertion
professionnelle (Poulet-Coulibando, 1996) mais pour des
raisons plus profondes.
Comment comprendre que dans un contexte de chômage
chronique et d’une formation en sociologie, qui, pour les
interviewés, correspond peu aux besoins de marché du travail
(cf. verbatims), de surcroît une discipline universitaire
(sociologie) peu ou pas connue par la société sénégalaise, et une
quasi absence d’accompagnement universitaire, 65% arrivent
quand même à s’insérer même si cela intervient au-delà de 24
mois avec des emplois atypiques?

13
Plateforme en ligne du Ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation qui
enregistre et traite les demandes d'admission et de pré-inscription des nouveaux bacheliers dans les
établissements d'enseignement supérieur du Sénégal
14
Marie Louise Diémé a mené une étude pionnière sur l’insertion professionnelle des diplômés de Master de
sociologie de l’UASZ. Son étude a été conduite sous ma direction, dans le cadre du module Étude de cas (L3,
semestre 6). Elle s’est déroulée en mars-avril 2022 et elle a rencontré dans le cadre d’entretiens, 26 étudiants
titulaires d’un master du Département de Sociologie des années 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020. Elle a abouti
à des résultats intéressants qui ont été prises en compte lors de la dernière mise à jour de la maquette de Licence
de sociologie qui entre en vigueur en 2023-2024.

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Le capital social ainsi que les stratégies déployées par les acteurs
nous semblent être une piste de réponse. Ces chercheurs
d’emploi n’attendent pas d’être servis mais vont plutôt à l’assaut
de l’organisation, armés d’une grande confiance en soi, ne
doutant pas d’eux, en déployant un certain nombre de stratégies
(concours, candidatures spontanées, formations
supplémentaires, mais aussi en convoquant le capital social.
Pour Crozier et Friedberg (1977), une organisation n’est pas une
horloge ni un ensemble de rouages programmés : elle est un lieu
structuré ou toute personne s’adapte et invente en fonction des
circonstances et des mouvements de ses partenaires. Le candidat
jouit dès lors d’une marge de liberté́ , qui le rend, certes,
individualiste, mais artisan de sa réussite en réfutant par ailleurs
le déterminisme et les manquements structurels. Cette
détermination peut ne pas suffire. Plus les difficultés d’accéder
à un stage ou à un emploi seront nombreuses dans une société,
plus l’acteur aura tendance à multiplier les intermédiaires voire
à contourner les normes. Et en ce sens, le capital social peut être
d’un grand apport. Les recruteurs peuvent être séduits par le
degré de connaissance de l’humain (comportements, conflits
etc.) dont font preuve les sociologues grâce à leur discipline ; ce
qui fait d’ailleurs dire à un interviewé que la sociologie est une
formation qui vous fait acquérir des compétences sociales et
humaines plutôt que des qualifications professionnelles
monnayables sur le marché du travail. En matière de d’insertion,
cette voie royale est de plus en plus utilisée ; la sélection du
personnel s’effectuant sur la base de la parentèle ou du
clientélisme. C’est ce que Tine, Bah et Chaudat (2018), appelle
le PAC (parents-amis-connaissances) ou le ku nu bolé15.

15
Traduit littéralement du wolof, veut dire : qui nous a mis en relation,

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Conclusion

Cet article, issu d’une recherche de terrain, s’est penché sur


l’insertion professionnelle des diplômés en sociologie de
l'université Assane Seck de Ziguinchor. Il a permis de faire l’état
des lieux de l’insertion professionnelle des alumnis, d’analyser
l’articulation entre la formation universitaire dispensée au
Département et les besoins du monde professionnel. En
examinant de près les parcours professionnels de 53 diplômés,
cette recherche a essayé de noter les points forts mais aussi les
points faibles de l’offre de formation du Département de
sociologie de l’UASZ et par conséquent, des recommandations
pour augmenter les taux d’insertion professionnelle, et de
raccourcir la durée du chômage frictionnel. Ceci pour permettre
à l’université sénégalaise de jouer pleinement son rôle de moteur
du développement local. Il est de notoriété publique que le
diplôme est nécessaire mais ne suffit plus à accéder au travail et
à l’emploi dans un contexte de chômage chronique. Si les
diplômés du Département de Sociologie ont pu devenir salarié,
après une longue transition, sans accompagnement de surcroît,
même si c’est pour des emplois atypiques « faute de mieux »,
c’est surtout grâce à une alchimie gagnante : stratégies
individuelles bien réfléchies et capital social à la rescousse.

Bibliographie

Bureau international du Travail, (2020), Diagnostic de


l’économie informelle au Sénégal, Genève
De Montlibert Ch., (2001), Violence du chômage, Strasbourg,
Presses Universitaires de Strasbourg
Diémé M., L., (2021), « L’emploi des jeunes diplômés en
Sociologie », étude de cas, Licence 3 de Sociologie,
Département de sociologie, année 2020-2021

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Dubar Cl., (2015), La socialisation: Construction des identités
sociales et professionnelles, Paris, Armand Colin
Dupray A., (2000), « Le rôle du diplôme sur le marché du
travail : filtre d’aptitudes ou certification de compétences
productives ? », L'orientation scolaire et professionnelle 29/2,
pp.1-30
Durand, M. & Filliettaz, L., (2009), « Introduction. Des liens
entre travail et formation : vers une nouvelle épistémologie ? ».
Dans : Marc Durand éd., Travail et formation des adultes, Paris,
Presses Universitaires de France, pp. 1-34
Lazarsfeld P., Jahoda M., Zeisel H., (1982), Les chômeurs de
Marienthal, Paris, Minuit
Mbengue S. A., (2018), L’enseignement supérieur public du
Sénégal et le défi de la gestion par la performance, Les papiers
de recherche de l’ENA, Collection Administration et Gestion
Publique, Strasbourg
Poulet-Coulibando P., (1996), « Allongement de la scolarisation
et insertion des jeunes : une liaison délicate », Economie et
statistique, n°300, Décembre, pp. 71-81
République du Sénégal, Ministère de l’enseignement supérieur,
de la recherche et de l’innovation, décret n° 2008-537 du 22 mai
2008 portant création, organisation et fonctionnement de
l'Université de Ziguinchor
Tine B. (2020), « École et entreprise au Sénégal : quelles
articulations entre deux secteurs en clair-obscur ? », dans Revue
Internationale des Sciences Economiques et Sociales, Sld. Tine
B., Dione I. D., Dakar, L’Harmatan, pp. 37-60, Décembre
Tine B., Bah Th., Chaudat P., (2018), « Le défi des PME
Sénégalaises : concilier tradition et modernité́. Le cas de
er
l’entreprise Guirassy », Les cahiers de Tunisie, n° 218/219, 1
et 2e semestre, pp. 87-114
Tine B., Sall A. (2015), « Les trajectoires d’emplois des jeunes
au Sénégal : Entre « emploi faute de mieux » et projet

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professionnel » Série de documents de recherche du Consortium
pour la Recherche économique et sociale (CRES), Dakar.

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