COURS DE PATRIMOINE RELIGIEUX DE L'AFRIQUE UCGB KIKWIT (Prof. Abbé Emery MUSUNGU)

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1 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique

Prof. Abbé Emery MUSUNGU Ngambungu

INTRODUCTION GÉNÉRALE
CONTENU DU COURS
Le cours de Patrimoine religieux de l’Afrique en L2 LMD se focalisera
principalement sur les religions traditionnelles africaines, et aussi sur le Christianisme,
l’Islam, le Judaïsme, les sectes, etc. La vie religieuse des Bantu semble se résumer dans le
culte rendu à leurs ancêtres et à leur monothéisme. Les actes de religion s’accompagnent des
croyances et pratiques parareligieuses. La religion imprègne toute la vie du Négro-africain en
général et des Bantu en particulier. La religion est l’élément central de la culture des Bantu et
la clé de la compréhension de la vision du monde des négro-africains1. Ainsi, notre cours sera
structuré en cinq chapitres: il présentera d’abord les éléments fondamentaux de la Religion
Traditionnelle. Puis, une brève anthropologie négro-africaine (bantu) d’autant puisque toute la
vie des négro-africains baigne dans la religion. Ensuite, il sera question de la notion de Dieu
chez les négro-africains (bantu) à partir de deux principaux auteurs Vincent Mulago, Oscar
Bimwenyi. Enfin, le cours abordera la question difficile de la rencontre Christianisme et les
Religions Traditionnelles Africaines : une rencontre brutale. Et aussi la rencontre de Religions
Traditionnelles Africaines avec les sectes et les églises dites de réveil. En dernière analyse, il
examinera des formes actuelles des religions africaines.
LES OBJECTIFS
Les objectifs spécifiques
- Offrir aux étudiants une base introductive sur le patrimoine religieux de
l’Afrique.
- Faire connaître aux étudiants les contenus des Religions traditionnelles
africaines et leurs diverses manifestations sur le terrain
- Leur donner une saine connaissance des Religions Traditionnelles Africaines
et redorer le vrai sens du sacré.
- Montrer que bien avant l’avènement du Christianisme, les négro-africains
(bantu) croyaient en un Être Suprême (Dieu).
- Faire comprendre aux étudiants que les questions des religions font partie des
questions de sociétés.

1
Cf. MULAGO GWA CIKALA M., La religion traditionnelle des bantu et leur vision du monde, Kinshasa, Presses
Universitaires du Zaïre, 1973, p. 11.
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Les objectifs généraux


- Donner une connaissance assez profonde sur l’Afrique et ses religions

LES COMPÉTENCES
- Au terme de ce cours, chaque étudiant sera à mesure d’expliquer ce qui est de
la foi et des croyances
- Savoir distinguer la religion révélée de la religion non révélée (ou religion
naturelle).
Qu’est-ce que la religion ?
Notre cours étudiera les religions traditionnelles africaines. De prime abord, il convient
de préciser de quelle Afrique parle-t-on dans notre ce cours ? Il est donc question, rappelons-
le, de l’Afrique subsaharienne, c’est-à-dire la partie comprise entre le désert du Sahara et
l’Afrique du Sud.
Comment peut-on définir la religion ? De manière générale, le mot religion a une
double étymologie : il vient des mots latins « Religare » qui signifie relier et « Relegere » qui
signifie « relire ». Pour Vincent Mulago, on pourrait dire, avec Cicéron, vient du verbe
relegere : relire, revoir avec soin ; ou bien, si l’on rejette ce sens répétitif, on pourrait lui
donner le sens étymologique de religere : recueillir, rassembler. Si c’est un Muntu qui devrait
nous dire ce que signifie pour lui le terme religion, renchérit Mulago, nous croyons plutôt
qu’il y verrait l’idée de lien, « un lien d’union entre les hommes, ou entre les hommes et les
dieux »2, et il rejoindrait ainsi le sens étymologique de Saint Augustin et de Lactance (religio :
reliage). Deux significations, remarquons-le, ont toutes les deux rapports à la
communication :
 Il s’agit, d’une part, d’« être relié ». La religion, c’est la manière d’être reliés
les uns avec les autres, en raison d’un lieu avec Dieu. En d’autres termes, la
religion est une manière de se relier à Dieu, d’être en communication avec lui,
de se rassembler et de vivre ensemble en alliance en son nom.
 Il s’agit, d’autre part, de « relire » la vie, de déchiffrer le mystère de l’existence
et de lui donner ainsi du sens supplémentaire. Autrement dit, la religion est
l’exercice d’un lien (alliance) avec Dieu et entre nous en même temps qu’elle
est la lecture (ou l’interprétation) de ce lien. La religion ajoute du « liant »
entre nous en même temps qu’elle nous permet de relire notre existence, d’y

2
A. LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la Philosophie, Paris, P.U.F, 1968. Voir le mot religion en
note.
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mettre du sens supplémentaire. Ainsi invite-elle à l’action selon le degré du


lien avec la divinité et pour le bien de la communauté.
Ce qui précède rejoint ce que dit Jean-Marie Parys lors qu’il souligne l’importance
fondamentale de la foi et du sacré en religion et bien plus aussi l’exigence de la vie
d’ensemble au sein d’une communauté. Il écrit : « la religion est donc à la fois ce qui relie des
personnes autour d’une même croyance (foi) et du sacré, et qui les rassemble au sein d’une
communauté (juive, chrétienne, musulmane par exemple) »3.
Outre cette nuance d’origine, « la religion est, au sens fondamental, la reconnaissance
par l’homme de l’Absolu, dans la manifestation que cet Absolu fait de lui-même, ou l’attitude
que l’homme prend de sa reconnaissance de l’Absolu »4. Comme nous pouvons le deviner, la
religion n’a pas une seule définition et donc, il n’est pas toujours facile d’en donner une
définition qui rejoigne l’unanimité de tous.
Par ailleurs, dans les religions, rites, fêtes, symbole et prières ont place très importante :
ils sont toujours une manière de se relier à Dieu et de rassembler ainsi les êtres humains par ce
lien à Dieu. Les religions s’efforcent donc d’élargir la communication avec le divin
(dimension verticale) de qui nous tenons mystérieusement notre existence commune. Elles
rassemblent et relient les humains entre eux (dimension horizontale) tout en éclairant le sens
de leur existence commune.

« Religion Traditionnelle » ou « Religions Traditionnelles » ?

Certains auteurs préfèrent parler de la « religion traditionnelle » au singulier, ils


pensent souligner ici leur dénominateur commun, le « noyau éthico-mythique » (un tel
dénominateur commun s’articule essentiellement autour de l’ensemble des croyances ou
vision fondamentale de l’Africain relative au monde invisible, au cosmos, à l’homme dans ses
relations avec le monde invisible, la vie et la mort, c’est-à-dire ce qu’il doit accomplir sur la
terre et ce qu’il peut séparer). Par contre, ceux qui soutiennent la religion au pluriel ont
voudraient mettre l’accent sur ce qui est spécifique à chaque milieu ou à chaque terre, parce
que l’Afrique est un continent si vaste, multi - ethnique et multiculturel. Parmi eux John Mbiti
affirme à ce sujet : « Nous parlons des religions traditionnelles africaines au pluriel car il

3
P. CHAVOT, Le dictionnaire de Dieu. Judaïsme, Christianisme, Islam, Editions France Loisirs, Paris 2005, 551,
cité par A.-SAM SIMANTOTO MAFUTA, La face occulte de Dieu des Congolais. Parole de Jésus et révélations des
charlatans : comment faire différence ?, Paris, L’Harmattan, 2012, 26.
4
J.-M. PARYS, « Égarement de des sectes », in Nouvelles Rationalités Africaines, « La théologie africaine d’ici
au synode continental africain » 22/14 (1989), 78.
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existe environ un millier de peuples africains (tribus) qui, chacun possède son propre système
religieux. Ces religions constituent une réalité suffisamment importante pour qu’elles fassent
l’objet d’une étude minutieuse »5.
Ce qui est vrai, comme l’indique si bien Nathanaël Yaovi SOEDE dans une position
plus conciliante : « On retrouve des valeurs que les populations noires ont gardées, adaptées et
développées dans leurs différents milieux de vie compte tenu des événements historiques, des
exigences climatiques et des besoins des générations, d’individus et des groupes humains. Ces
valeurs ont constitué de nos jours une diversité-unité des croyances, des pratiques, des mœurs
communément appelées Traditions africaines, Coutumes ancestrales ou Religions
Traditionnelles Africaines ».
Notons au passage que l’adjectif « traditionnel » ne voudrait pas dire ici ce qui est «
passé », « vieux », « dépassé » (anti - moderne), « immuable » : c’est une référence essentielle
à l’héritage du passé mais qui n’exclut pas une constante restructuration en fonction des
rapports et des circonstances de l’histoire6.

5
J. MBITI, Religions et philosophie africaines, Yaoundé, Clé, 1972, 9.
6
Cf . KIPOY-POMBO, Cours d’introduction aux Religions Traditionnelles et aux valeurs universelles de la pensée
africaine, Université Pontificale Urbaine, Faculté de Missiologie, Rome, Année Académique 2009-2010 (inédit),
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CHAPITRE PREMIER
ELEMENTS FONDAMENTAUX DE LA RELIGION TRADITIONNELLE

Nous voudrions dans ce chapitre insister sur les fondamentaux de la religion


traditionnelle africaine. Dans quel sens est-elle une religion naturelle ? Quels en sont les
éléments essentiels ? Tels sont les questions qui seront développées dans les lignes qui
suivent.

I.1. La religion traditionnelle est-elle une « religion naturelle » ?

Une des difficultés majeures que présentent l’étude des religions traditionnelles
africaines est qu’elles ne sont pas codifiées par écrit. Ces religions sont plutôt transcrites dans
le cœur des hommes, dans leurs esprits, dans leur tradition orale, dans leurs rites et à travers
leurs officiants tels que les prêtres, les faiseurs de pluie, les anciens et même les rois7. Ernest
Dammann écrit à ce sujet : « Aucune religion n’est née en Afrique. On n’y a jamais vu se
lever un fondateur de religion (d’une religion nouvelle et durable) … C’est pourquoi, au Sud
du Sahara, on ne parle que de religions naturelles. Nous entendons par là que ceux qui la
pratiquent sont des peuples archaïques »8. Précisons tout de suite que le mot « naturel » ici n’a
rien de péjoratif, il est utilisé par opposition à la religion révélée, c’est-à-dire que la religion
traditionnelle africaine surgit d’une auto-compréhension de l’homme hors de tout recours à la
révélation. Par ailleurs pour cet auteur, archaïque ne s’oppose pas à civilisé. Il va sans dire
que les peuples archaïques ont une civilisation, on entend par là le pouvoir de dominer son
milieu de vie sans lui faire violence. Le primitif fait appel à toute sorte d’inventions qui font
partie de la civilisation (fabrication d’outils, doué en l’art, etc.). La différence avec le civilisé
proviendrait en ceci : le primitif fait partie de son milieu, vit parfaitement de lui et pour lui, il
ne s’en est pas « distancié », alors que le civilisé ne vit, ni du, ni dans le tout.

Le moins qu’on puisse relever parlant de la religion en Afrique au Sud du Sahara est
que le sentiment religieux est inné chez l’Africain. Ce dernier est profondément un être
religieux. C’est ce qui fait dire à John Mbiti que « la religion pénètre si intimement tous les
domaines de la vie qu’il n’est pas facile de l’isoler »9. Et de poursuivre : « Là où est l’homme
(africain) est, là est sa religion, car il est un être religieux : la religion est au cœur de son

7
Cf. J. MBITI, op.cit., 12.
8
E. DAMMANN, Les religions de l’Afrique, Paris, Payot, 1973, 14.
9
J. MBITI, op.cit., 9.
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système d’existence »10. L’aspiration de l’homme africain vers l’Absolu est inscrite dans son
cœur. Pour dire bref avec Vincent Mulago, « la philosophie de l’homme Muntu s’intègre dans
la Religion et inversement. Sa philosophie, comme toute sa vie, est religieuse, et sa Religion
est une Philosophie vécue »11. Toute la vie de l’africain, comme nous le verrons, baigne dans
sa religion.
I.2. La transcendance impersonnelle ou puissance

Presque toujours l’homme est en face d’une transcendance qu’il ne pouvait pas défier.
Pour lui, la transcendance à laquelle il est lié, a son origine sur un autre plan, celui de la
religion. Le primitif fait donc l’expérience quotidienne de la transcendance et de sa puissance
et ce, dans presque tous les domaines de son existence.
Qu’est ce qui fait naître universellement cette croyance à une
« puissance » transcendante ? L’Africain a parfaitement le sens de la causalité. Sans elle,
d’ailleurs, ni sa vie sociale, ni sa vie économique, ne seraient pensables. Pour lui, ce qui sort
de l’ordinaire, il l’attribue à une puissance étrangère, magique. Cette causalité ne repose pas
sur l’observation scientifique de quelques phénomènes donnés, mais à une puissance fût-elle
magique. Par exemple, la forêt et le champ, lieux de la croyance, sont également le siège
d’une « puissance ». Certains animaux et oiseaux sont revêtus d’un caractère mystérieux.
I.3. Éléments fondamentaux de la religion africaine
Selon Vincent Mulago, la religion traditionnelle négro-africaine peut-être basée sur
quatre éléments fondamentaux :
- La croyance à un Être suprême
- L’unité de vie et la participation ;
- La croyance à l’accroissement, au décroissement et à l’interaction des êtres ;
- Le symbole, moyen principal ;
- Une éthique découlant de l’ontologie12.

 I. 3.1. La croyance à un Être suprême


Traditionnellement, l’Africain est profondément religieux. Il connait Dieu, le Créateur
et la source de toute vie. Concrètement, il ne sait comment vivre sans Dieu. Il vit dans un

10
Ibid., 12.
11
V. MULAGO, « Le dieu des bantu », dans Cahiers des Religions Africaines, vol. 2, n° 3 (janvier 1968), 25 ;
IDEM, Un visage africain du christianisme, Paris, Présence Africaine, 1962, 83.
12
Cf. V. MULAGO, « Fin ultime de l’homme africain dans sa religion traditionnelle et son accomplissement dans
le Christ », dans IDEM, Théologie africaine et problèmes connexes. Au fil des années (1956- 1992), Paris,
L’Harmattan, 2007, 297 ; cf. IDEM,La religion traditionnelle des bantu et leur vision du monde, Zaïre, Presses
Universitaires du Zaïre, 1973, 121.
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univers religieux. Pour lui, cela n’est nullement une spéculation académique mais une
expérience empirique qui culmine à certains endroits dans les actes du culte. « En réalité la
présence de Dieu pénètre la vie traditionnelle africaine comme la présence d’un être
supérieur, personnel et mystérieux » (Paul VI).
L’idée de Dieu comme cause première et dernière de toutes les choses traverse la
vision bantu du monde et sous-tend sa spiritualité. Ce Dieu est nommé différemment selon
les coutumes est évoqué à maintes reprises dans plusieurs proverbes et à travers divers contes
et chants.

 I.3.2. L’unité de vie et participation


Par unité de vie ou union vitale, on sous-entend ce qui suit :
- une relation d’être et de vie de chacun avec ses descendants, sa famille, ses frères et
sœurs de clan, son ascendance et avec Dieu, source de toute vie ;
- une relation ontique analogue de chacun avec son patrimoine, son fonds ; avec tout ce
qu’il contient et ou produit, etc.

Dieu transmet la vie à tous les hommes à travers leurs ancêtres et les esprits des
membres défunts de la communauté. Dans le monde visible, vient d’abord le traditionnel
souverain ou roi, puis les chefs de clan, et en fin les chefs de famille. Ils sont les représentants
de Dieu, et c’est par eux que la vie se transmet à chaque individu.
La vie est considérée dans la pensée africaine comme le bien le plus précieux, non
seulement pour les individus mais aussi pour la communauté toute entière à laquelle chacun
appartient. Par la participation du sang, symbole de la vie, en accord avec la hiérarchie sacrée
ci-dessus mentionnée, chaque individu est étroitement uni à l’Être suprême et aussi à tous les
autres membres de sa communauté.
On peut dire avec Vincent Mulago que « l’union vitale est le lien unissant entre eux,
verticalement et horizontalement, des êtres vivants et trépassés ; elle est le principe vivifiant
qui se trouve en eux tous. C’est le résultat d’une communion, d’une participation à une même
réalité, à un même principe vital, qui unit entre eux plusieurs êtres »13.
La vie dont il est question ici, est une vie intégrale, individuelle et communautaire ou
collective. Car, pour les Négro-africains, vivre, c’est exister au sein d’une communauté ; c’est
participer à la vie des ancêtres ; c’est prolonger et préparer son propre prolongement dans ses
descendants. Ladite vie peut être considérée sous une double forme :

13
V. MULAGO, La religion traditionnelle des bantu et leur vision du monde, 121.
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a) communauté de sang : c’est l’élément principe et primordial ;


b) comme communauté de propriété : c’est l’élément concomitant et qui rend possible la
vie.
Il y a une vraie continuation de la famille et de l’individu après la mort. Les morts
forment l’élément invisible de la famille, du clan, de la tribu ; et cet élément invisible est plus
important. À toutes les cérémonies de quelque importance, à l’occasion de la naissance, du
mariage, de la mort, des funérailles, de ‘investiture, ce sont les ancêtres qui président, et leur
volonté ne cède qu’à celle du créateur. Les Bantu croient fermement qu’il y a communion
vitale ou lien de vie qui rend solidaire les membres d’une même famille, d’un même clan14.
Dieu est conçu comme source de toute vie et de tout moyen vital. C’est lui qui a la
force, la puissance par lui-même. Il donne l’existence, la subsistance et l’accroissement aux
autres forces. Voulant communiquer la vie à d’autres êtres, Dieu crée le premier ou les
premiers ancêtres du clan. Les ancêtres ont reçu la mission de prolonger et de perpétuer la vie
dans leurs descendants, avec l’intervention positive de Dieu.
Schématisons la hiérarchie des êtres d’après leur rang vital et leur union organique les
uns avec les autres :
Monde invisible :
1. La source de la Vie : Dieu
2. Les premiers participants : les fondateurs de clans :
a) Dynastiques ;
b)non dynastiques
3. Les esprits des anciens héros
4. Les âmes désincarnées des parents défunts et des membres du clan
5. Les génies et les forces telluriques, ces dernières appartenant au monde invisible et au
monde visible
Monde visible :
1. Le roi ou mwami et la reine-mère ;
2. Les chefs de clan, les patriarches de la branche aînée de chaque clan.
3. Les membres de différentes familles et de différents clans forment, par leur
soumission au même roi une seule communauté15.
Ainsi, pour Vincent Mulago, la clé de voûte de la compréhension des coutumes et des
institutions des Africains semble être le fait de la vie en communauté et de l’unité de vie. La

14
Cf. Ibid., 122.
15
Cf. V. MULAGO, La religion traditionnelle des bantu et leur vision du monde, 125.
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communication de cette vie, la participation à cette unique vie, voilà le premier lien qui unit
les membres de la communauté. La contribution à sa communication, à sa conservation, à son
prolongement, voilà le second élément de l’union vitale.

 I.3.3. Accroissement, décroissance et interaction


L’union vitale a été perçue comme un rapport d’être avec ou de vivre avec Dieu, avec
les ancêtres et les descendants, et une relation fondamentale similaire avec les appartenances
rendant possible la vie. La décroissance vitale ne sera rien d’autre que la conséquence de
l’empêchement de ce va-et-vient du courant vital. Diminuer vitalement un défunt, c’est lui
couper les relations avec sa famille, son clan, sa tribu.
De leur côté, en revanche, les vivants doivent continuer de recevoir l’influx vital des
ancêtres et des parents défunts, sous peine de voir leur vie s’étioler. La force ou mieux la vie
est le premier objet de toutes les prières aux ancêtres, aux parents défunts, aux esprits des
héros protecteurs, et des souhaits où sont manifestés le nom et l’intervention de l’être
Suprême.
Pour les Bantus, il existe une interaction d’être à être, c’est-à-dire de force à force.
Ladite force peut donc s’accroitre ou décroitre. En d’autres termes, « la communauté négro-
africaine est un circuit vital dans lequel les membres vivent en dépendance et au profit des
uns et des autres. Sortir de ce circuit, se dérober à l’influence vitale des membres vitalement
supérieurs, serait vouloir cesser de vivre »16.
La vie et l’être sont conçus chez les Africains (Bantu) comme une participation à la vie,
à l’être des ancêtres : c’est l’explication de leur sens de la solidarité. Cette vie est
communicable ; elle est capable d’influences vitales réciproques, sujette à l’accroissement et
à la décroissance : c’est l’objet de leur de science et de leur philosophie.
Dans la pratique, tout effort des Africains tend à maintenir la solidarité entre les
membres de la communauté, à faciliter la communion et la circulation de la vie, à augmenter
la force vitale et à empêcher la diminution de la vie. De ce fondement découlent la conception
de l’Être Suprême et le culte des ancêtres, le culte des héros ainsi le recourt à certaines
pratiques parareligieuses : la science et la divination, la pratique des guérisseurs et des
sorciers.

16
. MULAGO, « Fin ultime de l’homme africain dans sa religion traditionnelle et son accomplissement dans le
Christ », dans IDEM, Théologie africaine et problèmes connexes, 303 ; cf. IDEM, La religion traditionnelle des
bantu et leur vision du monde, 129.
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1.3.2. Le symbole, moyen principal de contact de l’union


Si le lien qui unit les membres d’une communauté n’est autre que la participation,
« c’est-à-dire une solidarité de fait, qui se présente sous deux aspects inséparables, l’un
personnel, l’autre réel », le moyen principal, souvent unique, à la portée des membres,
d’entrer en contact les uns les autres et de resserrer l’union, est le symbole. Bien plus, dans
l’univers religieux africain, les rites, les fêtes et prières ont place très importante dans ces
religions traditionnelles: d’une part, ils sont toujours une manière de se relier à Dieu et aux
ancêtres et d’autre part, ils rassemblent et relient les êtres humains entre eux dans une
communion participative tout en éclairant le sens de leur existence commune.

1.3.3. Une éthique découlant de l’ontologie


Chez les Africains, les Bantu en particulier, la vie humaine et donc l’homme est le
critère du bien et du mal. La vie humaine, l’homme, est le centre de la création, est le critère
du bien et du mal. L’éthique bantu est par nature anthropocentrique, c’est-à-dire c’est
l’homme qui est au centre de l’agir moral. Elle est aussi dynamique et surtout
communautaire. Chacun doit activement contribuer à la croissance et au bien-être du groupe.
Une bonne action est celle qui profite à sa propre communauté ; une mauvaise action, celle
qui fait tort sous quelque forme que ce soit ; et sa gravité est fonction de l’étendu du tort causé
à la communauté.

Toutefois, même si l’éthique des Bantu est anthropocentrique, elle n’exclut pas la
catégorie du devant Dieu. Dieu reste la référence éthique à travers la loi naturelle qu’il placée
dans le cœur de chacun dans sa conscience. Ainsi précise Vincent Mulago, « il n’est pas
moins vrai que Dieu est toujours conçu comme la source de la vie et de tous les moyens
existentiels. Même les noms employés pour designer l’Être Suprême sont révélateurs à ce
point de vue. Et les proverbes sont encore plus convaincants »17. Devant les réalités de la vie,
il demeure le dernier conseiller de l’homme.
I.4. Combat pour la reconnaissance

Pendant plusieurs années, la religion traditionnelle a été méconnue et même combattue


par les expatriés missionnaires ou non, la qualifiant de « superstitions exécrables » juste pour
amuser les « sauvages ».

17
IDEM, « Fin ultime de l’homme africain dans sa religion traditionnelle et son accomplissement dans le Christ »,
dans IDEM, Théologie africaine et problèmes connexes, 307.
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Il a fallu attendre les travaux de certains ethnologues, anthropologues, historiens des


religions, théologiens africains et occidentaux pour que soit porté la vraie et meilleure
connaissance et une compréhension assez précise du passé africain. Lesdites études ont
permis d’offrir une image plus au moins objective de l’Afrique et des pratiques liées à sa
vision du monde.

Parmi les esprits lucides qui ont mené avec succès ce grand combat de la reconnaissance
des religions traditionnelles africaines, la figure de l’abbé Oscar Bimwenyi a retenu toute
notre attention. On originalité réside sur le fait qu'Il met en lumière plusieurs colloques qui
ont porté au grand jour les religions africaines et leur dynamisme. Signalons à cet effet entre
autres :

1. le Colloque sur les religions, tenu à Abidjan (Côte d’Ivoire) en avril (1962), publié
aux éditions Présence Africaine, Paris (1962). La première partie de ce document est
entièrement consacrée aux exposés et à la discussion sur « l’animisme », comme on
appelait les religions négro-africaines d’alors.
2. Les religions africaines traditionnelles (rencontre internationale de Bouaké), éd., du
Seuil, Paris (1965). Il s’agit des rencontres organisées par le centre culturel du
monastère bénédictin de Bouaké en Côte d’Ivoire, réunissant ethnologues,
philosophes, religieux et sociologues (Européens, Américains et Africains) pour
« dissiper » l’ignorance sur les religions traditionnelles et entrer ainsi en possession
« de la clé pour comprendre les Africains ».
3. En 1970, se tint à Cotonou (capitale du Bénin, alors Dahomey), un colloque sur les
religions africaines comme source de valeurs de civilisation. Publié aux éditions
Présence Africaines (Paris 1972), les travaux de ces assises ont eu le mérite de donner
une idée claire sur la « civilisation spirituelle », la « civilisation sociale », et la
« civilisation politique » de l’homme noire et sur quelques aspects « divers » des
religions africaines. C’est au cours de ce colloque que fut employée officiellement
l’expression « religions traditionnelles » pour désigner les religions africaines
autochtones.

Les autres colloques qui suivirent sur les « religions non chrétiennes » et organisées
sous les auspices du Secrétariat Romain pour les Non-Chrétiens en 1974,
respectivement à Abidjan (Côte d’Ivoire), du 29 au 31 juillet et à Kampala (Ouganda),
du 5 au 7 août, ont confirmé la vivacité et la particularité de ces religions. Les Actes
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de ce colloque ont paru dans le Bulletin du Secrétariat pour les non-chrétiens, n° 28-29
(1975-X/1). Le problème général de la tradition et du modernisme en Afrique ont été
étudié aux Rencontres Internationales de Bouaké du 9 au 19 janvier 1962 : Les actes
de ces rencontres ont paru sous le titre déjà signalé de Tradition et Modernisme en
Afrique noire.

Conclusion transitoire
En somme, nous pouvons affirmer avec Vincent Mulago que le négro-africain, « le
Muntu est un homme qui n’existe qu’en communauté et pour la communauté »18. La
participation ou la communion vitale, sous sa double forme : communauté de sang et
communauté de tous les moyens vitaux, semble être la clé de voûte et la base de la cohésion
dans les communautés bantu. Le muntu se sent solidaire avec les autres, ses proches, ses
ancêtres, l’univers, le cosmos. Le muntu se sent uni au monde visible et invisible. La
solidarité vise à renforcer la vie au sein de la communauté.

La religion occupe une place de choix dans la vie des Africains, des Bantu en
particulier. « Il faudra donner à la religion la première place et en faire le fondement et le
sommet de l’édifice culturel de l’Afrique noire »19. Toute la vie des bantu baigne dans la
religion. La conception de Dieu étudiée chez certaines peuplades, exprime bien la religiosité
africaine ou bantu. Ainsi, peut-on dire, la religion traditionnelle africaine n’est pas qu’une
« religion naturelle », ou « primitive » même si elle n’est pas codifiée par écrit. C’est cette
vision négative que Mgr Peter Sarpong récuse dans sa contribution20. Les études dans divers
domaines de la vie du Négro-africain ont permis de dissiper les préjugés pour le moins
négatifs qui ont longtemps pesés sur lui et particulièrement.

18
19
Mulago, La religion traditionnelle des bantus et leur vision du monde, Zaïre, Presses Universitaires du Zaïre,
1973, 152.
20
Cf. P. Sarpong (Mgr), « Religion traditionnelle africaine. Le dialogue est-il possible ? », dans Spiritus 122
(1991) 39-50
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CHAPITRE DEUXIEME
ÉBAUCHE D’ANTHROPOLOGIE NÉGRO-AFRICAINE
L’étude des éléments fondamentaux de la religion traditionnelle où nous esquissé la
structure de la Religion Traditionnelle Africaine nous permet d’étoffer au deuxième chapitre
de ce cours une brève anthropologie négro-africaine. Il sera question d’étudier ce que
d’aucuns considèrent comme les grands repères pour comprendre l’homme Négro-africain
dans son être et dans son agir. Ainsi, nous parlerons du concept de famille en Afrique noire,
de la solidarité comme valeur fondamentale et du rôle dans ancêtres dans la vie du Muntu et
dans la communauté des bantus. Une petite conclusion transitoire bouclera cette partie.

II.1. Le concept de famille en Afrique subsaharienne21


Depuis Aristote, la famille a toujours été considérée comme une cellule de base de la
société. Il n’en est pas autrement en Afrique. Ainsi pour T. Loch, « les structures familiales
sont la véritable armature des sociétés africaines »22. L’Afrique connaît deux types de famille :
la famille nucléaire ou restreinte et la famille élargie.
La famille nucléaire ou restreinte est composée de : père, mère (s) et enfants ; tandis
que la famille élargie est composée de père, mère, enfants, grands-parents, tantes, oncles,
cousins, cousines, neveux, nièces, les aïeux, gendre, bru, etc… Faisant une étude chez les
Banyarwanda, les Barundi, les Bashi dans la région de grands lacs, dans la partie orientale de
la République Démocratique du Congo, Vincent Mulago distinguait : la famille au sens strict :
père, mère, enfants, grands-parents, gendre, bru ; au sens matériel : selon le lien de sang :
consanguins ; et aussi selon d’autres liens : de fief, de propriété ou d’adoption : les serviteurs.
Et au sens large, elle (la famille) comprend tous les consanguins et les affins, et aussi tous les
consanguins des affins23. Il va sans dire que la notion de famille n’est pas si facile à définir.
Dès lors, nous pouvons bien comprendre cette affirmation du Cardinal Malula : « La famille,
pour l’Africain, est un concept très large englobant père et mère, grands-parents, oncles et

21
Cf. E. MUSUNGU NGAMBUNGU, Église-famille de Dieu et Église-famille de Dieu christique en République
Démocratique du Congo, Paris, L’Harmattan, 2020, 160-165.
22
T. LOCH, « Les familles africaines face à la crise », Afrique Contemporaine 166 (1993)13, cité par A.
RAMAZANI BISHWENDE, Église-famille-de-Dieu. Esquisse d’ecclésiologie africaine, L’Harmattan, Paris 2001,
68.
23
Cf. V. MULAGO, Un visage africain du christianisme. L’union vitale bantu face à l’unité vitale ecclésiale,
Présence Africaine, Paris 1962, 59-60. Pour ce qui est de la conception de la famille en Afrique, on se reportera
avec intérêt à l’étude d’A. RAMAZANI BISHWENDE, Église-famille-de-Dieu. Esquisse d’ecclésiologie africaine,
68-94 ; L. MONSENGWO PASINYA, « L’Église famille et les images bibliques de l’Églises à l’aube du troisième
millénaire » in COLLECTIF, Foi, culture et évangélisation à l’aube du 3 ème millénaire. Actes du Colloque spécial
post-synodal, Abidjan 18-20 avril, Revue de l’Institut Catholique de l’Afrique de l’Ouest 14-15 (1996) 125-126.
14 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
Prof. Abbé Emery MUSUNGU Ngambungu

tantes, cousins et cousines, frères, sœurs, neveux et nièces. Bref, les membres vivants et morts
qui se réclament d’un même ancêtre. Ceci doit être noté »24. S’agissant de la parenté, la
conception africaine ne semble pas la même, strictement parlant, avec la vision occidentale.
Bénézet Bujo, l’explique bien en des termes clairs quand il dit :

« Quand on parle de parenté en Afrique soit au niveau du sang biologique soit


dans le sens d’alliance et de pacte de sang, il faut toujours se rappeler que les
différentes dénominations qui en résultent ont un contenu substantiellement autre
que dans le monde occidental. En effet, les relations dont il s’agit créent des
termes ‘père, mère, oncle, tante, frère, sœur’… Les langues occidentales ne sont
pas en mesure d’exprimer adéquatement ce que ces mots voudraient signifier dans
la conception africaine. C’est ainsi, qu’ à titre d’exemple, les mots père et mère ne
s’appliquent pas uniquement aux deux parents au sens occidental, mais désignent
également les frères du père et les sœurs de la mère. Quand le mot ‘père’ désigne à
la fois le père au sens occidental et les frères de ce dernier, il ne s’agit pas d’une
simple étiquette sans contenu propre, mais il est question d’une vraie paternité
avec toute la responsabilité qui en résulte »25.
Toutes ces nominations influent aussi sur l’agir moral au sein de la parenté. Bénézet
Bujo parlait d’une vraie paternité avec tout ce que cela implique. Une telle conception de la
famille n’a pas la même résonance ou contenu en Europe, le cas de l’Italie par exemple. Au
témoignage d’un prêtre italien, curé d’une paroisse du diocèse de Rome, un oncle n’est pas
astreint à pourvoir à la scolarisation de ses neveux ou nièces. Ce qui n’est pas le cas en
Afrique. L’Africain tient toujours compte de sa double appartenance à la famille restreinte et
élargie.
Puisque l’Africain connaît les deux types ou sortes de familles, la question que l’on
pourrait se poser est celle de savoir s’il n’y a pas une opposition entre les deux modèles de
familles ainsi décrits. L’affirmation du Cardinal Malula nous apporte un éclaircissement
important : « Pour l’homme africain, les concepts de l’‘ un ’ et du ‘ multiple ’ trouvent bien
leur place dans le respect de la liberté de l’un et de l’autre. L’un ne nie pas le multiple ni ne
s’oppose à lui. Mais les deux concepts peuvent s’harmoniser dans une complémentarité
enrichissante où règnent la solidarité, l’hospitalité, l’ouverture au Christ »26. Dans ce même
ordre d’idées, les Évêques du Zaïre réunis au synode de 1980 sur la famille déclarèrent :

24
J.A. MALULA, « Mariage et famille en Afrique », DC 1880 (1984) 871.
25
B. BUJO, Introduction à la théologie africaine, Academic Press Fribourg, Fribourg/Suisse 2008, 95.
26
J.A. MALULA, « Mariage et famille en Afrique », 871.
15 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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« Selon l’authentique tradition africaine, la personne humaine n’est pas un atome


isolé et errant, sans liens constitutifs avec d’autres personnes ou institutions. Le
muntu est essentiellement membre et morceau… Loin de se dissoudre dans la
communauté et d’être absorbée par elle, la personne humaine est, en tant que
membre respecté comme tel, ce qui fonde la communauté et la rend responsable
»27.
Ce qui reviendrait à dire que les deux types de famille ne s’opposent pas comme dit
précédemment. L’Africain vit, agit tenant compte de cette double appartenance. La solidarité
constituera pour lui un « impératif catégorique ». C’est ce qui nous amène maintenant à
entamer la vertu de solidarité chez les Africains.
II.2. La solidarité africaine clanique en Afrique noire
Si l’homme a été défini comme étant un être social dans la philosophie occidentale,
cela n’est pas moins vrai pour l’homme Africain. Les valeurs d’hospitalité, d’accueil, de
communion, de solidarité caractérisent bien la famille africaine28. Une grande importance est
accordée à la solidarité. Que sous-entend-t-on par ce mot de solidarité ? Tshungu Bamesa l’a
définie de la façon suivante : « Ainsi pour moi, la solidarité se définit comme l’ensemble des
prestations matérielles et immatérielles, auxquelles est soumis l’individu de par son
incomplétude et son appartenance à une communauté ; prestations caractérisées par la
participation, le partage et la réciprocité »29. Selon le professeur Tshungu, le partage, la
réciprocité comme services rendus par l’individu caractérisent la solidarité, ainsi comprise.
Un autre professeur, dans son approche anthropologique et sociale, atteste l’existence de la
solidarité africaine dès les origines. Il écrit à cet effet :

« En Afrique, la solidarité est un fait évident, historique, voire légendaire. En


effet, diverses organisations de solidarité ont toujours fonctionné ici et là en
Afrique comme institution visant au moins le maintien des conditions de vie des
gens et l’assistance sociale particulièrement en milieu rural ou dans les sociétés
coutumières. L’Afrique connaît donc depuis ses origines, l’importance et la
pratique des actions de coopération qualifiées le plus souvent de ‘solidarités

27
Évêques zaïrois au Synode de 1980 sur la famille chrétienne, cités par J.A., M ALULA, Mariage et famille en
Afrique, 871 ; lire aussi TSHONGA-ONYMBE, « Famille et individu », Zaïre-Afrique 205 (1987) 429-438.
28
JEAN-PAUL II, Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Africa, n. 63, «DC» 2123 (1995) 833.
29
TSHUNGU BAMESA, « La solidarité africaine à l’épreuve du temps », in COLLECTIF, Église-famille, Église-
fraternité. Perspectives post-synodales. Actes de la XXème Semaine Théologiques de Kinshasa du 22 novembre au
2 décembre 1995, Facultés Catholiques de Kinshasa, Kinshasa 1997, 76.
16 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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traditionnelles’ »30.
La solidarité est une des valeurs très ancrées dans la vie des Africains. Son existence
çà et là dans diverses parties ou contrées de l’Afrique ne fait l’ombre d’aucun doute. La
solidarité africaine est une marque expressive de la communion que vit l’Africain à divers
degrés comme l’affirme Mgr E. Biletsi :

« En raison d’une triple relation dynamique, les membres d’un même clan sont
unis d’abord à leurs ancêtres ; puis à leur chef ; enfin, entre eux. Car le même sang
irrigue leurs veines. Chaque membre sait qu’il ne vit pas seulement de sa propre
vie. Sa vie est une participation à celle de ses ascendants et aussi à celles de ceux
qui se réclament de la même souche que lui. Il y a un lien vital, ombilical. La vie
individuelle n’est concevable qu’en référence à la source d’où elle jaillit. Détaché
de la communauté, l’individu est une branche arrachée du tronc, condamnée à
dépérir. On comprend dès lors l’importance et le poids de la solidarité clanique
(…). La solidarité débouche ainsi sur les valeurs d’hospitalité et de fraternité tout
comme elle s’ouvre au pardon et à la (ré)-conciliation des membres »31.
Biletsi parle d’une triade de relations. L’Africain vit en solidarité avec ses ascendants,
avec ses chefs et avec les membres du clan. Cette solidarité se base sur les liens de
consanguinité pour reprendre ainsi certaines expressions chères à Biletsi comme « le même
sang irrigue les veines », « un lien vital, ombilical ». Cette solidarité ne doit pas demeurer
verbale, un simple slogan, mais doit se concrétiser par les vertus d’hospitalité, de pardon, de
fraternité, de réconciliation. Qui dit réconciliation laisse sous-entendre le dialogue. Il est à
noter que parlant de l’hospitalité, celle-ci déborde les seules confins du clan ou de la tribu.
Les étrangers bénéficient de l’hospitalité : « chez les Luba, un voyageur était toujours rassuré
d’avoir gratuitement, dans n’importe village, une case où passer la nuit et de quoi manger »32.
L’hospitalité envers les étrangers est attestée dans beaucoup de tribus.
Bien avant Eugène Biletsi, Vincent Mulago écrivait : « Le Muntu est un homme qui
n’existe qu’en communauté et pour la communauté ; c’est cet esprit de solidarité qui explique

30
MBAYA MUDIMBA, « La solidarité africaine à l’épreuve du temps », in COLLECTIF, Église-famille, Église-
fraternité. Perspectives post-synodales. Actes de la XXème Semaine Théologique de Kinshasa du 26 novembre au
2 décembre 1995, Facultés Catholiques de Kinshasa, Kinshasa 1997, 63.
31
E. BILETSI ONIM, « Inculturation de l’éthique chrétienne en Afrique », in COLLECTIF, Éthique chrétienne et
sociétés africaines. Actes de la seizième Semaine Théologique de Kinshasa 26 avril-2 mai 1987, Faculté
Catholique, Kinshasa 1987,19-35 ; lire aussi E. BILETSI ONIM, La solidarité chez les Ambuun et l’éthique
chrétienne, Mémoire de Licence à la Faculté de Théologie, Université de Louvanium, Kinshasa 1967, (inédit) ;
E. MVENG, « Essai d’anthropologie négro-africaine », Bulletin de Théologie Africaine I/2 (1979) 235-237. La
liste sur cette thématique n’est pas exhaustive.
32
MBAYA MUDIMBA, « La solidarité à l’épreuve du temps », 65.
17 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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ses organisations politico-sociales, qui poussent à se créer des frères de sang, qui fait que sa
société, à quelque échelon qu’on la considère, est une société-communauté de vie, une
société-communauté de moyens vitaux »33. De son côté, l’abbé Oscar Bimwenyi parlant de
muntu, affirme : « Il s’intègre comme un maillon dans une chaîne nécessaire. Il est de la
cordée, de l’équipe. Dans l’autre monde comme ici-bas, le muntu est essentiellement membre,
muena kampanda, défini par sa relation à sa famille, à son clan, à sa tribu. Dans leurs villages
souterrains, les bakishi sont regroupés d’après leurs liens de commune ascendance.
Essentiellement intégré à la communauté, le muntu cherche à la conserver, renforcer cette
relation communautaire »34. Ce qui revient à dire, par exemple, « Nos Bashi, Banyarwanda et
Barundi croient fermement qu’il y a une communion vitale ou le lien de vie qui rend
solidaires les membres d’une même famille, d’un même clan (…). Le même sang, la même
vie participée par tous et reçue du premier ancêtre, fondateur du clan, circule dans toutes les
veines »35. Chez les trois de peuples susmentionnés-même bien d’autres peuples de l’Afrique
noire-, l’union vitale est au fondement de la solidarité : « La participation ou communion
vitale, sous sa double forme : communauté de sang et communauté de moyens vitaux, est la
base de cohésion dans les communautés africaines. Les Négro-Africains vivent les uns par et
pour les autres, et cela jusque dans les relations qui unissent les vivants aux ancêtres
trépassés »36. En bref, la loi fondamentale est donc celle de la solidarité et de la fraternité
clanique. C’est cette loi qui déterminera l’agir moral. Dès lors, nous pouvons affirmer avec
Bénézet Bujo : « L’Éthique africaine veut promouvoir la vie en abondance »37.
Chez les Bashi, Banyarwanda et Barundi, l’union vitale est très perceptible entre autre
par la communion alimentaire et le pacte du sang38. En quoi consiste-elle ? Vincent Mulago
écrit : « L’offrande aux morts et le pacte du sang nous semble être le sommet de la
communion de nos Bantu. Envisagée à ses degrés inférieurs, cette communion-participation
vitale se trouve présente dans tout échange de moyens vitaux, repas ou boisson en commun,
dans tout don, et atteint son paroxysme du réalisme dans le pacte du sang, où l’on se donne

33
V. MULAGO, Un visage africain du christianisme, 113.
34
O. BIMWENYI, « Le muntu à la lumière de ses croyances en l’au-delà », Cahiers des Religions Africaines, vol.
8 (1968) 86.
35
IDEM, Un visage africain du christianisme, 119.
36
IDEM, « La solidarité africaine et la coresponsabilité chrétienne », in IDEM, Théologie africaine et problèmes
connexes. Au fil des années (1956-1992), L’Harmattan, Paris 2007, 170.
37
B. BUJO : « Point de départ de l’éthique africaine », in IDEM, Introduction à la théologie africaine, Academic
Pess Fribourg, Fribourg/ Suisse, 2008, 149.
38
Cf. V. MULAGO, L’union vitale chez les Bashi, les Banyarwanda et les Burundi face à l’unité vitale ecclésiale,
Thèse de doctorat présentée à l’Université de la Propagande, 1955 (inédite) ; IDEM, « La pacte du sang et la
communion alimentaire, pierres d’attente de la communion eucharistique », in COLLECTIF, Des prêtres noirs
s’interrogent, Cerf, Paris 1955, 171-187 ; IDEM, Un visage africain du christianisme, 76-79.
18 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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réellement à son ami, l’on ‘ s’entre-boit ’, l’on fusionne, l’on met en commun jusqu’au
principe vital »39.
II.3. La place ou le rôle des ancêtres
Selon la conception négro-africaine, la structure de la famille africaine est toujours
tridimensionnelle : les vivants, les morts et les non-encore-nés40. Parmi les défunts, il y a des
ancêtres. À cet égard Bujo fait remarquer : « En effet, tous les morts ne sont pas bons : Il y a
ceux qu’on peut appeler mal intentionnés, des mauvais qui rodent pour nuire »41. Mais de
quels ancêtres semble se préoccuper le théologien congolais ? Il ne s’agit pas de n’importe
quels ancêtres, mais de ceux qui sont vertueux, de ceux aux cœurs droits et ayant mené une
vie décente et exemplaire durant leur pèlerinage terrestre42.
Les ancêtres aux cœurs droits sont comme des intermédiaires entre Dieu et les
hommes. Ils participent à la félicité de Dieu. Ils ont un rôle important à jouer auprès de leurs
descendants comme le note Juvénal Ilunga : « Des Ancêtres, on attend le salut. En s’adressant
à eux, on implore leur bénédiction, protection et assistance pour la réussite dans toutes les
preuves de la vie. En tant que tels, ils sont donc des vrais médiateurs entre Dieu et les
hommes. Cette commémoration des Ancêtres a pour finalité non seulement de célébrer la vie,
mais aussi de l’accroître »43. Comme on peut le deviner, il y aurait une interaction entre les
vivants et les ancêtres. Les Négro-africains vénèrent les ancêtres, en contrepartie ceux-ci leur
assurent protection, vie, prospérité, etc. Les ancêtres détiennent en quelque sorte la « force
vitale » émanant de Dieu, c’est-à-dire qu’ils peuvent la faire accroître ou décroître. Dans le
même sens, Juvénal Ilunga affirme : « En tant que tels, les Ancêtres sont le centre d’attraction
et le principe de communion entre leurs descendants ; ils sont les garants de la vie morale au
sein de la communauté. Ils sont considérés comme étant plus proches de Dieu, source de toute
vie, dans le monde invisible, et ayant par conséquent la force pour pouvoir intervenir et
orienter les événements de la vie quotidienne »44.
On le perçoit fort bien qu’il y a une interaction entre les ancêtres et leurs descendants.

39
IDEM, « Symbolisme dans les religions traditionnelles africaines et sacramentalisme », in IDEM, Théologie
africaine et problèmes connexes, 95 ; cfr. IDEM, Un visage africain du christianisme, 212 ; cf. B. BUJO, « Vincent
Mulago. Un passionné de la Théologie Africaine », in B. BUJO, J. ILUNGA MUYA (éd.), Théologie africaine au
XXIème siècle. Quelques figures, vol. I, Academic Press Fribourg, 20142, 30-33.
40
Cfr. B. BUJO, Introduction à la théologie africaine, 92-102.
41
Ibid., 28 ; cf. J. ILUNGA MUYA, « Bénézet Bujo. Éveil d’une pensée systématique et authentiquement
africaine », in B. BUJO, J. ILUNGA MUYA (éd.), Théologie africaine au XXIème siècle. Quelques figures, vol. I,
Academic Press Fribourg, Fribourg 20142, 133-134.
42
On Lira avec intérêt B. BUJO, « Nos ancêtres, ces saints inconnus », Bulletin de Théologie Africaine 1 (1971)
165-178.
43
J. ILUNGA MUYA, « Bénézet Bujo. Éveil d’une pensée systématique et authentiquement africaine », 135-136.
44
Ibid., 134.
19 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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À ce sujet, écoutons ce poème de Birago Diop, poète et écrivain sénégalais :


« Écoute plus souvent Les Choses que les Êtres La Voix du Feu s’entend, Entends
la Voix de l’Eau. Écoute dans le Vent Le Buisson en sanglots : C’est le Souffle
des ancêtres. Ceux qui sont morts ne sont jamais partis : Ils sont dans l’Ombre qui
s’éclaire Et dans l’ombre qui s’épaissit. Les Morts ne sont pas sous la Terre : Ils
sont dans l’Arbre qui frémit, Ils sont dans le Bois qui gémit, Ils sont dans l’Eau
qui coule, Ils sont dans l’Eau qui dort, Ils sont dans la Case, ils sont dans la Foule
: Les Morts ne sont pas morts. Écoute plus souvent Les Choses que les Êtres La
Voix du Feu s’entend, Entends la Voix de l’Eau. Écoute dans le Vent Le Buisson
en sanglots : C’est le Souffle des Ancêtres morts, Qui ne sont pas partis Qui ne
sont pas sous la Terre Qui ne sont pas morts. Ceux qui sont morts ne sont jamais
partis : Ils sont dans le Sein de la Femme, Ils sont dans l’Enfant qui vagi Et dans
le Tison qui s’enflamme. Les Morts ne sont pas sous la Terre : Ils sont dans le Feu
qui s’éteint, Ils sont dans les Herbes qui pleurent, Ils sont dans le Rocher qui
geint, Ils sont dans la Forêt, ils sont dans la Demeure, Les Morts ne sont pas
morts. Écoute plus souvent Les Choses que les Êtres La Voix du Feu s’entend,
Entends la Voix de l’Eau. Écoute dans le Vent Le Buisson en sanglots, C’est le
Souffle des Ancêtres. Il redit chaque jour le Pacte, Le grand Pacte qui lie, Qui lie à
la Loi notre Sort, Aux Actes des Souffles plus forts Le Sort de nos Morts qui ne
sont pas morts, Le lourd Pacte qui nous lie à la Vie. La lourde Loi qui nous lie aux
Actes Des Souffles qui se meurent Dans le lit et sur les rives du Fleuve, Des
Souffles qui se meuvent Dans le Rocher qui geint et dans l’Herbe qui pleure. Des
Souffles qui demeurent Dans l’Ombre qui s’éclaire et s’épaissit, Dans l’Arbre qui
frémit, dans le Bois qui gémit Et dans l’Eau qui coule et dans l’Eau qui dort, Des
Souffles plus forts qui ont pris Le Souffle des Morts qui ne sont pas morts, Des
Morts qui ne sont pas partis, Des Morts qui ne sont plus sous la Terre. Écoute plus
souvent Les Choses que les Êtres La Voix du Feu s’entend, Entends la Voix de
l’Eau. Écoute dans le Vent Le Buisson en sanglots, C’est le Souffle des
Ancêtres »45.

« Ceux qui sont morts, ne sont jamais partis (…). Les morts ne sont pas morts ». Les
Négro-africains en général, les bantus en particulier entretiennent les relations étroites avec

45
B. DIOP, Poème: le Souffle, in
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leurs trépassés et ceux qui sont restés sous le soleil. Ils ne sont pas seulement en communion
avec les vivants et leurs défunts, mais aussi l’univers, le cosmos, comme l’affirme l’abbé
Osacr Bimwenyi : « Voilà situé le rôle des offrandes et des sacrifices dans les relations entre
les vivants subsolaires et les trépassés. Ce sont des recettes, des moyens de conserver,
d’intensifier ou de rétablir le lien familial entre les membres morts et les membres vivants de
la même famille. C’est dans cette communion que le muntu trouve la paix, la joie,
l’épanouissement véritable. C’est un-être-avec, un-être-pour, un nœud de relations, vivant et
dynamique »46.
Conclusion transitoire
Au terme de ce chapitre sur une ébauche d’anthropologie négro-africaine, trois idées
forces se dégagent si aisément de la vie de l’homme, du Muntu, dans la société traditionnelle.
D’abord l’importance de la famille. L’analyse a montré qu’il n’est pas facile de définir
le concept famille dans le contexte négro-africain au regard des acceptions diverses des
auteurs et comparativement la pensée occidentale. Bien plus que l’ensemble de papa, maman
et enfants, la famille en Afrique est une notion plus large. Elle comprend tous les consanguins
aussi bien vivants que morts. L’Africain vit et agit en ayant en conscience cette double
appartenance d’une part, à la famille restreinte et d’autre part, à la famille élargie.
Ensuite, une grande importance est accordée à la solidarité comme une des grandes
valeurs très ancrées dans la vie des Africains. L’Africain vit en solidarité avec ses ascendants,
avec ses chefs et avec les membres du clan. Cependant, basée au départ sur les liens de
consanguinité, cette solidarité africaine ne se limite pas en une marque expressive de la
communion au sein de la famille, elle débouche aussi sur d’autres valeurs d’hospitalité et de
fraternité et elle invite au pardon et à la (ré)-conciliation des membres aussi bien de la famille
que de la communauté de vie. Ainsi les étrangers peuvent-ils bénéficier de l’hospitalité.
Enfin, dans la vie du « Muntu », les ancêtres occupent une place importante et leur
rôle est indéniable. Vrais médiateurs entre les hommes et Dieu, ils assurent la paix, la joie et
l’épanouissement aux individus et au sein de la communauté. Voilà pourquoi ils méritent un
culte et des offrandes.
Quelle est la place que les bantu réservent à Dieu ? En d’autres termes, les religions
traditionnelles africaines s’intéressent-elles à la divinité ? La réponse à ces questions
fondamentales nous amène à étudier à-dire la notion de Dieu chez les bantu au chapitre
suivant ( 3e chapitre).

46
O. BIMWENYI, « Le muntu à la lumière de ses croyances en l’au-delà », 90.
21 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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CHAPITRE TROISIEME
LA NOTION DE DIEU CHEZ LES BANTU
D’entrée de jeu, nous disons avec Vincent Mulago : « La vision bantu du monde
s’intègre dans la Religion et inversement. La Philosophie de l’homme Muntu, comme toute sa
vie, est religieuse, et sa religion est une philosophie vécue »47. Cette vision de l’homme
africain, le Pape Paul VI l’avait déjà reconnue lors de son premier voyage Kampala en
Ouganda : « Un élément et très important de cette conception spirituelle est l’idée de Dieu
comme cause première et dernière de toutes les choses. Concept, qui est senti plus qu’analysé,
vécu plus que pensé, s’exprime d’une manière extrêmement diverse, suivant les coutumes. En
réalité la présence de Dieu pénètre la vie traditionnelle africaine comme la présence d’un être
supérieur, personnel et mystérieux »48. Le Pape Paul VI eut un regard positif sur les religions
traditionnelles africaines autrefois qualifiées à tort ou à raison d’ « animisme » et
d’ « idolâtrie » ou encore de « fétichisme », etc. La croyance au monde invisible et en Dieu
caractérisent les religions traditionnelles africaines.
Mais qu’est-ce qu’on peut sous-entendre par le mot religion chez les bantus ?
Vincent Mulago donne une ébauche de définition plutôt plus descriptive : « La
religion est l’ensemble cultuel des idées, sentiments et rites basés sur :
1. la croyance à deux mondes, visible et invisible ;
2. la croyance au caractère communautaire et hiérarchique de ces deux mondes ;
3. l’interaction entre les deux mondes, la transcendance du monde invisible n’entravant pas
son immanence ;
4. la croyance en un Être suprême, Créateur et Père de tout ce qui existe »49.

Ce chapitre parlera de la notion de Dieu Chez Vincent Mulago (1924-2012) et Chez


Oscar Bimwenyi (1939-2021).
III.1. Vincent MULAGO (1924 – 2012)
La vie des bantu est émaillée de la vénération des ancêtres et du monothéisme. Il est
sans contestation que les bantu rendent un culte aux ancêtres et croit en Dieu, un être

47
V. MULAGO, « Symbolisme dans les religions traditionnelles africaines et sacramentalisme », 89.
48
PAUL VI, « Message à l’Afrique Africae terrarum », 29 octobre 1967, n. 8, DC 1505 (1967) 1937-1956 ;
article repris in B. BUJO (éd.), Théologie africaine au XXIème siècle. Quelques figures, vol. III, Academic Press
Fribourg, 2013, n. 8, 180.
49
V. MULAGO, « Le dieu des bantu », Cahiers des Religions Africaines n° 3, vol. 2 (1968) 25 ; cf. IDEM,
« Symbolisme dans les religions traditionnelles africaines et sacramentalisme », 89.
22 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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Suprême, Créateur et Père50. À la suite de l’abbé Vincent Mulago, nous ne parlons pas de
tous les Négro-africains ou de tous les bantu, nous nous limiterons à quelques échantillons ou
aires linguistiques.
III.1.1. Les Bakongo
1. Le nom
D’après l’abbé Vincent Mulago, chez les Bakongo, le nom de Dieu existait avant
l’arrivée des missionnaires. Les indigènes comme les missionnaires le nomment par le
vocable « Nzambi ». Ce mot Nzambi indique un être conçu comme seul, unique, en tant
qu’auteur du monde. L’épithète Mpungu évoque l’immensité, la force, la grandeur,
l’excellence, la toute-puissance, la bonté, la perfection. Dans certaines régions, le nom
Mvangi est employé pour désigner le Créateur. À en croire Vincent Mulago, « en dépit des
efforts des Bantouistes, le sens originel de deux mots Nzambi et Mpungu reste obscur51.
2. Attributs de Nzambi
Avant tout, Nzambi est considéré comme le Créateur de toutes choses. C’est ce
qu’affirment d’innombrables devinettes. Nzambi est tout-puissant. Nzambi est le maître des
hommes, de la vie et de la mort. Nzambi est omniscient. Dieu sait, il voit tout.
3. Nzambi et les hommes
Au-dessus de toutes les choses et de tous les hommes, se trouve Nzambi, Maître
souverain, inabordable. L’homme est sous la dépendance de Nzambi. Quelques proverbes
expriment cette vérité : « Nous sommes tous sujet de Nzambi. Il nous a faits, c’est à lui que
nous irons après notre mort. Nzambi dirige souverainement le cours des choses, voit tout. Les
Bakongo disent en levant la main droite au ciel : « Nzambi me voit », ou bien : « Nzambi le
sait », ou encore : « Nzambi seul le sait » : « En vérité, Nzambi l’a vu, tel que je raconte ».
Nzambi est le législateur, il punit les transgresseurs de ses lois et récompense ses fidèles
sujets. Nzambi est immatériel : « Ku tombi Nzambi ko, kadinka kena ye nitu ko » : Il ne faut
pas chercher Dieu, car il n’a pas de corps.

50
On lira ici avec intérêt O. BIMWENYI, « Le muntu à la lumière de ces croyances en l’au-delà », Cahiers des
Religions Africaines vol 2 (1968) 75-94 ; cf. IDEM, « Le dieu de nos ancêtres », Cahiers des Religions Africaines
vol. 4, n° 8 (juillet 1970) 137-151 ; IDEM, « Le dieu de nos ancêtres », Cahiers des Religions Africaines (CRA)
vol. 5, n° 9 (janvier 1971) 59-112 ; TH. TSHIBANGU, « Problématique d’une pensée religieuse africaine », CRA
vol 2, n° 3 (1968) 12-21 ; A. KAGAME, « La place de Dieu et de l’homme dans la religion des bantu », Cahiers
des Religions Africaines (CRA) vol. 4, n° 8 (1970) 213-222.
51
V. MULAGO, « Le dieu des bantu », 29 ; cf. A. KAGAME, « La place de Dieu et de l’homme dans la religion des
bantu », 218.
23 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
Prof. Abbé Emery MUSUNGU Ngambungu

Après une chasse fructueuse, le gibier était divisé en trois parties : la première pour les
vivants, la deuxième pour les morts, et la troisième pour Nzambi. La partie destinée aux
ancêtres était brûlée.
En réalité pour ce qui concerne le culte, on ne rend pas le culte à Nzambi, car il n’en a
aucun besoin, et il est, par ailleurs inaccessible.
Nzambi, c’est Nzambi
Pour un Mukongo qui est Nzambi ? À la question, il répondra « Nzambi, c’est
Nzambi ». Les Bakongo ont des statuettes fétiches par centaines, pour représenter des
hommes, des animaux, des esprits ; mais aucune ne représente Nzambi.
Nzambi n’est pas de la catégorie des êtres qu’on représente, dont on a une
connaissance expérimentale. Nzambi est unique, séparé de tout le reste, invisible et cependant
vivant ; il est insaisissable et inabordable52.
Proverbes relatifs à Nzambi
Nous ne citerons ici à titre illustratif que quelques-uns :
Konso Kimfumu ku Nzambi Mpungu : Toute autorité vient de Nzambi Mpungu. L’autorité est
respectable parce qu’elle vient de Dieu (Prov. 413) ; Nkongo Nzambi, nzala Nzambi : Être
dénué de Nzambi, c’est la faim de Nzambi ; Nzambi utuvwidi : Dieu nous protège. Dieu est
notre Maître absolu (Prov. 1017)53.
III.1. 2. Les Bashi
L’existence de Dieu
Selon Vincent Mulago, « tous les Bashi croient en Dieu unique, Être suprême, incréé,
qui a toujours existé et qui existera toujours. Cet être suprême est conçu comme Maître
universel, parce que de Lui procèdent toutes les créatures, dont il est la cause première, le
principe »54. À en croire Mulago, cette croyance est universelle chez les Bushi.

Les noms de l’Être suprême


- Nyamuzinda : il est cause première et ultime de tout ; alpha et omega. C’est le nom le
plus usité.
- Nnakuzimu : nna : possesseur, maître de + kuzimu= enfers, lieux ténébreux, habité
par les âmes désincarnées.
- Lungwe : celui qui unifie.

52
Cfr. V. MULAGO, « Le dieu des bantu », 29-32.
53
Cfr. ibid., 32-34.
54
Ibid., 34.
24 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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- Lulema ou Mulemi : Créateur


- Mujizi : faiseur
- Lugaba : Donateur, Distributeur
- Nyambubaho : celui qui demeure, qui existe, Celui-qui-est
Attributs de Nyamuzinda
Nyamuzinda est partout : au firmament, à l’intérieur de la terre et partout ailleurs, en
compagnie de ses serviteurs.
Nyamuzinda est essentiellement bon et bienfaisant. Mais, entre lui et nous, il existe
des esprits. Ce sont ces derniers qui influencent immédiatement notre vie : c’est à lui que Dieu
a confié tout ce qui concerne les hommes. Cependant l’homme peut et doit chercher les
moyens de s’attirer la bienveillance des âmes désincarnées et de décliner leurs corps. Il n’y a
qu’un « Être » contre lequel « nul ne peut » : c’est Nyamuzinda, le Grand Indépendant.
Nyamuzinda est le Créateur universel (Lulema, Mulemi) : il est le Père des hommes et
des choses. Il existe chez les Bashi, un mot spécial pour signifier la Providence : Emana.
Nyamuzinda est immatériel, et par conséquent invisible. Il est omniscient, sachant tout. Il est
le tout-puissant ; commande et conserve tous les êtres comme il veut.
Le culte
Chez les Bashi, on rencontre des édicules (chapelles) au carrefour de sentiers, appelés
aka-Nyamuzinda : temple de Nyamuzinda. Cependant, écrit Mulago, « si l’on peut dire que le
culte direct des Bashi envers l’Être Suprême, est plutôt insignifiant, le culte indirect, par
contre, est très riche. Les Bashi honorent les esprits des ancêtres et des anciens héros pour
obtenir leur faveur et se mettre à l’abri de leurs mauvais coups. Ils considèrent ces esprits
comme chargés par Nyamuzinda de pourvoir aux besoins particuliers des humains, et
l’intervention de Nyamuzinda est partout sous-jacente à tout culte rendu aux âmes
désincarnées »55.
Proverbes relatifs à l’Être Suprême
Il y a ici aussi beaucoup de proverbes servant à désigner l’Être Suprême. Donnons-en
deux petites illustrations seulement :
- Nyamuzinda arhahaba wage : Nyamuzinda n’oublie pas qui est sien.
- Nyamuzinda ye yirha ye naciza : C’est Nyamuzinda qui tue et qui sauve. Seul Dieu
peut nous perdre et nous sauver.

55
V. MULAGO, « Le dieu des bantu », 36 ; cfr. IDEM, « Fin ultime de l’homme africain dans sa religion
traditionnelle et son accomplissement dans le Christ », in IDEM, Théologie africaine et problèmes connexes, 297-
326.
25 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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- Oluhaha lw’omukulu, Nnâmahanga olulanga : la calvitie d’un vieillard, c’est le


Tout-Puissant qui la protège.
III.1.3. Les Banyarwanda
1. Le nom
Disons d’emblée avec l’abbé Alexis Kagame : « La dénomination IMMANA désigne
Dieu dans la langue du Rwanda, du Burundi et des régions qui leur sont apparentées, aussi
bien en Uganda Sud-Occidental, qu’au Kongo oriental et en Tanzanie. Ce nom est également
en usage, en parallèle avec d’autres, chez les Baluba-Hemba, et sous la forme de Kamana
chez les Basanga au Katanga et les Baluba-Samba au Kwango »56. D’après le philosophe
rwandais, Alexis Kagame, la signification étymologique en est malheureusement incertaine.
2. Imana, Être Suprême
Tous les Banyarwanda, qu’ils soient Batutsi (Hamites), Bahutu (Bantu) ou Batwa
(Pygmées), reconnaissent qu’il existe un Dieu, Imana, auteur de tout ce qui existe. Voici ses
attributs :
- Imana existe de tout temps ; il est éternel, celui qui est toujours et qu’aura pas de fin.
- Il est le tout-puissant ; il sait tout ; il est partout ;
- Il est impénétrable, insondable, plus profond que les précipices et les gorges les plus
sauvages ; il est invulnérable ; il est le dispensateur de tous biens.
- Il donne avec amour. On pourrait rien lui offrir, puisque, riche de tout, il est au-
dessus de tout besoin ; s’il te donne quelque chose, ne cherche pas à lui
rembourser.
- Il est le Père des hommes. C’est Dieu qui engendre : Habyarimana : nom que portent
beaucoup d’enfants.
3. Le culte
Le culte rendu à Imana est plutôt un culte maigre, indirect. Les Banyarwanda sont
pénétrés du sentiment de la présence immédiate et universelle de la divinité. Curieusement, ce
Dieu, Imana, objet de la foi, d’espérance et d’amour, au-dessus de tout et de tous, cause
première de l’être, est moins honoré que les esprits des ancêtres et des anciens héros, ses
sujets. Mais cela, pour quelle bonne raison ? C’est puisqu’il est au-dessus de tout besoin. Il
n’a besoin de personne (…), répondent les Banyarwanda57.

56
A. KAGAME, « La place de Dieu et de l’homme dans la religion des bantu », 221.
57
Cf. V. MULAGO, « Le dieu des bantu », 38-42.
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4. Proverbes se référant à Imana


Comme partout ailleurs, il y a chez les Banyarwanda les proverbes qui se rapportent à
Imana. Citons-en deux seulement :
- Habyara Immana, abantu bakarera : N’engendre vraiment que Dieu, les hommes ne
font qu’éduquer.
- Immana igira amaboko maremare : Dieu a des longs bras. Dieu est infiniment
puissant.
III.1.4. Les Baluba du Kasaï
1. Les noms de Dieu
L’abbé Oscar Bimwenyi a étudié Dieu à travers les monuments de la tradition orale
dans quelques-unes de ses contributions susmentionnées58.
- Maweja est le nom propre de Dieu qu’on rencontre communément dans toutes les
expressions, les proverbes, les prières, les chants, les récits, les légendes d’origine
très ancienne. À ce nom propre, on ajoute ordinairement un autre : Nangila :
Maweja Nangila : De même que le nom Maweja est employé pour désigner l’Être
suprême, ainsi Nangila se présente seulement accouplé au mot Maweja. Nangila
semble designer un attribut de Maweja. Les Baluba actuels sont d’accord pour dire
que ce mot exprime la bienveillance, la bonté de Dieu.
- Mulopo, le terme est le plus souvent employé après Maweja pour désigner Dieu.
Mulopo Maweja Nangila : Seigneur Dieu de toute bonté, pour donner à la prière
une forme plus solennelle. NB. Mulopo ne s’emploie pas toujours comme
apposition à Maweja ; le plus souvent il apparaît seul et fait fonction de nom propre
de Dieu.
- Mvidie. Dans toute la zone des dialectes luba, c’est-à-dire dans tout le sud du Congo,
le mot Mvidie ou Mvidi ou Mvidia est employé pour désigner les esprits
immatériels, intermédiaires entre Dieu et les hommes, vivant dans le monde visible
et invisible. Mais, chez les Baluba du Kasaï, le culte de ces esprits s’est effacé.
- Mukulu (aîné, ancien, vieux), cet attribut associé à Mvidie signifie Dieu.Mvidi
Mukulu59.
2. Quelques proverbes, dictons et sentences exprimant les attributs de Dieu
- Titres de louange à Dieu :
58
Cfr. O. BIMWENYI, « Le dieu de nos ancêtres », CRA vol.4, n° 8 (1970) 137-151 ; CRA vol. 5, n° 9 (1971) 59-
112 ; cf. aussi IDEM, « Le muntu à la lumière de ses croyances en l’au-delà », CRA vol. 2, n° 3 (1968) 73-94 ;
IDEM, Discours théologique négro-africains. Problème de fondements, Présence Africaine, Paris 1981.
59
Cf. V. MULAGO, « Le dieu des bantu », 45-46.
27 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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 Mulopo Maweja Nangila : Seigneur Dieu très aimant


 Mvidi Mukulu Maweja Nangila : Seigneur Dieu de bonté
- Sentences morales où Dieu est mentionné :
 Bintu bionso bia Mvidi Mukulu : Toute chose appartient à Dieu.
 Tuya kua Mvidi Mukulu : Nous retournons vers Dieu
- Relation : Dieu et la souffrance humaine :
 Mvidi Mukulu wa Tshimpanga : Dieu de force
 Maweja Nangila : Dieu de toute bonté
- Prières en l’honneur de Dieu
- Dieu, principe premier de toute autorité et de toute paternité60.
III.1.5. Les Nkundo
1. Noms divins
Les Nkundo appellent l’Être Suprême Njakomba. L’étymologie de ce nom, qui est
d’un emploi général, reste obscure. Ils donnent également à Dieu le nom de Mbombianda,
composé de deux mots : Mbomba et Ianda, pour désigner bien que rarement l’Être Suprême.
Ces deux mots, Njakomba et Mbombianda, se retrouvent chez d’autres groupe Mongo.
2. Attributs de Dieu
- D’abord Dieu est Créateur :
Chez les Nkundo, trois verbes s’approchent de l’idée de :
 Anga : protéger, concevoir un plan, faire une esquisse
 Bonda : façonner, mouler
 Ema : frabriquer
La racine –anga -, à en croire Vincent Mulago, donnent à Dieu le surnom de Wanji :
architecte et Créateur et Njangeli : celui qui projette tout. Du même verbe dérivent les
composés ci-après :
 Wanganjambe : le Créateur
 Wanganjale : le Créateur du fleuve
 Anganko : le Créateur des ancêtres
Comme Dieu n’a pas de corps, le Nkundo ne fait de Dieu aucune représentation. C’est
par des dictons et proverbes que sont exprimés les autres attributs de Dieu.
- Dieu est le Maître :
 Celui qui plane au-dessus de nous, c’est Njakomba

60
Cf. ibid., 45-51.
28 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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 Personne ne surpasse Njakomba


 Njakomba est le Maître de la sagesse
- Dieu est juste et bon
- Dieu dispose de la vie et de la mort
- Tout, même les épreuves, vient de Dieu !
3. Culte et pratiques religieuses
Le Nkundo adresse à Dieu le culte à toute occasion avec les paroles qui viennent du
cœur. La meilleure preuve du culte envers Dieu, c’est le fait que, par ses prières et sacrifices,
il est en « réelle communion » avec Lui, « que cette communion est vivante et sentie ».
« Certes, il connaît aussi des sacrifices mortuaires, des sacrifices magiques ». Mais l’idée de
la divinité n’est jamais exclue61.
4. Quelques proverbes mongo se rapportant à l’Être Suprême
- Bendanga we Njakomba angola : (Les projets) que tu projettes Njakomba les défait.
L’homme propose mais Dieu dispose (prov. 244).
- Bokulu wa Njakomba afoonge la biseko : De la corde de Njakomba le rachat est
impossible.
La volonté de Dieu est irréversible (prov. 336).
- Ekama we ofong’oondela Njakomba : Aussi longtemps que vous en bonne santé,
continuer à prier Njakomba62.
III.1.6. Les attributs divins : récapitulation
Après avoir étudié la notion de Dieu et ses attributs chez quatre peuples à la suite de
l’abbé Vincent Mulago, force nous est maintenant de récapituler lesdits attributs divins :
1) Dieu est la source première de toute vie et de tout moyen vital : en langage
scolastique, on dira que Dieu est la cause efficiente première de l’être.
2) Transcendance de Dieu
Pour saisir la transcendance de Dieu, il faudra recourir au fait que parlant de
l’ontologie bantu, Dieu ne fait pas partie de la catégorie de - Ntu63.
3) Dieu est Créateur de toutes choses

61
Cf. V. MULAGO, « Le dieu des bantu », 52-55.
62
Cf. ibid., 56-57.
63
Cf. A. KAGAME, « La place de dieu et de l’homme dans la religion bantu », 215-216. Alexis Kagame distingue
dans toute la zone bantu quatre catégories des êtres : 1) l’être-substance d’intelligence (homme) ; 2) l’être-sans
intelligence (chose) : l’être-localisateur (lieu-temps) ; 4) l’être-modal (manière d’être ou accidentalité). Dieu ne
fait pas partie de la racine –Ntu. Dieu est l’Existant-Suprême. On lira aussi sa Thèse de doctorat en Philosophie :
La Philosophie Bantu-rwandaise de l’Être, Bruxelles 1956 ; cf. La Philosophie Bantu comparée, Présence
Africaine, 1976.
29 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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4) Providence divine
Dieu s’intéresse à la vie de l’homme et à la marche générale du monde. Il sait tout.
5) Dieu est Père
La paternité de Dieu est l’attribut numéro un de la Théodicée bantu, qui les résume
tous. Dire que Dieu est Père, c’est tout dire64.
III.1.7. La hiérarchie des êtres
Vincent Mulago retrace la hiérarchie des êtres de la façon suivante :
1) Monde invisible
 La Source de la Vie : Imana (chez les Banyarwanda et les Barundi),
Nyamuzinda (chez les Bashi).
 Les premiers participants ou fondateurs des clans
 Les esprits des anciens héros
 Les âmes désincarnées des parents défunts et des membres du clan et de la
tribu.
2) Monde visible
 Le roi et la reine-mère, et ceux qui participent au pouvoir royal et l’étendent
 Les chefs de clans : les patriarches de la branche aînée de chaque clan.
 Les chefs de familles : le père et la mère sont au centre de la vie familiale.
 Les membres de différentes familles, de différents clans, forment, par leur
appartenance au même roi et au même sol, une seule communauté : la tribu,
la nation65.
Après avoir étudié la notion de Dieu (théodicée) chez les bantus d’après Vincent
Mulago, examinons présentement un autre auteur, Osacr Bimwenyi-Kwshi.
III.2. Oscar Bimwenyi (1939 -2021)
Oscar Bimwenyi propose un discours théologique sur Dieu à partir de l’expérience
religieuse des peuples habitant les provinces du Kasaï en RD Congo. Il parlera de Dieu à
travers les monuments de la tradition orale, lesquels ont une valeur épistémologique. Le
théologien congolais part de cette constatation que l’africain est un être « tourné vers »,
expérience qu’il appelle ‘’théotropie’’ ou ‘’théopolarité’’66.

64
Cf. V. MULAGO, « Le problème d’une théologie africaine revue à la lumière de Vatican II », in IDEM, Théologie
africaine et problèmes connexes, 73-79 ; IDEM, « Le dieu des bantu », 58-63.
65
Cf. IDEM, « Autour du mouvement ‘ Jamaa ’. Vers une formule chrétienne africaine », in IDEM, Théologie
africaine et problèmes connexes, 31 ; IDEM, Un visage africain du christianisme, 125.
66
Cf. O. BIMWENYI-KWESHI, Discours théologique négro-africain. Problème des fondements, Paris, Présence
Africaine, 1981, 525.
30 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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Partant de cette expérience fondamentale de « tourné-vers », Oscar Bimweni


esquissera un discours sur Dieu gravitant autour de quatre constellations : la constellation du
Mudyanjile (ou de l’antérieur), la constellation du Nkashama (ou léopard), la constellation du
Cipapayi, ou du prodigue) et la constellation du Cimpidimbwa (ou de celui qui déconcerte).
III.2.1. La constellation du Mudyanjile
La « constellation » du Mudyanjile, écrit Oscar Bimwenyi dévoile un aspect
fondamental ou l’expérience religieuse négro-africaine, dans lequel le muntu s’éprouve
comme tard-venu dans le monde, cependant Dieu Maweja Nangile apparait comme
l’antérieur à lui. Par rapport à Dieu, le muntu (africain) est tard-venu.67
Cette constellation semble être à première vue banale. Mais elle peut perdre sa banalité
dans la mesure où elle peut conduire à une réflexion totale et profonde sur le sens de
l’existence. Avec cette ‘’tardivité’’ inhérente à son existence, le muntu se rend compte et
surtout compte fait qu’il n’a pas présidé ni à la venue au monde de l’univers ni à sa propre
68
survenue. Pour expliquer cette situation, commente Ozankom, la tradition religieuse
africaine ne retient pas l’hypothèse du hasard, ce qui permet au muntu, « le tourné vers », de
se découvrir peu à peu, « tourné vers », de se dépasser et de se transcender, « en direction de
l’improbable » pour l’évoquer et « l’invoquer sans les noms et titres les plus divers repris à
tout le champ de l’expérience du réel, nouer dialogue avec celui qu’il reconnait comme
toujours-déjà-là ».69
Partant de ces considérations, il ressort que Dieu est comme Antérieur et muntu
comme tard-venu, l’homme comme « parure du monde » et Dieu comme artiste génial ; Dieu
comme Père Créateur et muntu comme fils-créé ; enfin l’univers comme édifice et Dieu
comme axe de cohésion et de stabilité »70.
III.2.2. La constellation du Nkashama (Léopard) et du Diba (Soleil)
Après l’expérience de la tardivité et de l’antériorité où Dieu s’est dévoilé comme
proximité créatrice et sustentatrice, pour la deuxième constellation, ‘’il s’agit de l’expérience
de la distance, de l’écart, de la différence, entre Dieu et l’homme’’71. La constellation du
léopard ou du soleil se révèle une différence si fondamentale entre Dieu et l’homme exprimée
en termes d’éloignement, même spatial, d’« écart topographique ». À cet effet, Osacr
Bimwenyi écrit en ces termes : « non seulement le « Père » diffère des autres « pères » parce
67
Ibid, 526-527.
68
C. OZANKOM, « Oscar Bimwenyi. Fin d’une période de discussion sur la possibilité d’une théologie
africaine », dans B.BUJO, J. ILUNGAUYA (éd), Théologie africaine XXIèmeSiècle, 111.
69
C. OZANKOM, art. cit. , 112 ; cf O. BIMWENYI-KWESHI, Discours théologique négro-africaine, 528.
70
O. BIMWENYI-KWESHI, o.c, 528-529.
71
Ibid.549.
31 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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qu’il est ‘’Père’’ créateur, mais il en diffère également par plusieurs traits importants dont les
suivants : Il n’est pas comme les autres « pères », une culture, un « fils », sa résidence se situe
dans une région supérieure et en principe inaccessible ; il est pareil au soleil dont la beauté
éclatante aveugle ; il règne tel un léopard solitaire dans un espace symbolique inaccessible
»72.
III.2.3. La constellation du Cipapayi
Cette troisième « constellation » dévoile elle aussi un autre segment important de
l’expérience religieuse négro-africaine en faisant découvrir « l’omniprésence et la proximité
de Dieu qui, comme le vent, ‘’emplit toutes’’, ‘’est leur courant de tout et fait aboutir les
projets des hommes ». Cette présence marquée de sollicitude ne supprime pas la différence ;
elle articule plutôt l’expérience selon laquelle Dieu peut se donner à tous, sans cesser d’être
lui-même. C’est ce qui exprime les images du ‘’ vent qui emplit les montagnes’’ et qui « ne
laisse aucun lieu’’ du Cannelât qui, ‘’imprime tout et le rend ferme’’ et de Cipapayi, c’est-à-
dire du prodigue sécouable et allié des hommes »73.
III.2.4. La constellation du Cimpidimbwa
Cette constellation met l’accent sur un autre segment important de l’expérience
religieuse africaine qui montre que Dieu n’est pas seulement Antérieur, Père-Créateur,
Omniprésent, Prodigue, Allié des hommes, etc., mais il est aussi un Dieu silencieux.
Oscar Bimwenyi écrit : « Dieu est aussi silencieux, d’un silence qui ne fait pas la joie
des mortels. Silence d’autant plus incomparable que Dieu est Tout-puissant, partout présent
au courant de tout et bienveillant. Devant les questions les plus graves et les plus
fondamentales de l’existence, celles qui, aujourd’hui, comme hier, remuent les entrailles de
l’humanité, les ancêtres semblent avoir attendu vainement une réponse, une lumière d’un
haut. Le grand silence de Dieu »74.
Le silence de Dieu devant des questions épineuses de la vie déconcerte le muntu. « Et
malgré sa déception pour le muntu, Dieu n’est pas la cause du mal : en définitive, le muntu
articule sa douleur sans mettre l’autorité de Dieu en doute »75.

72
Ibid. 550.
73
C. OZANKOM, art. cit., 112-113.
74
O. BIMWENYI, « Le Dieu de nos ancêtres », dans CRA, n°8, vol. 4 (1970) 99 ; cf. IDEM, Le discours
théologique négro-africain, 571.
75
C. OZANKOM, art. cit., 113.
32 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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Conclusion transitoire
La vision bantu du monde reconnaît l’existence d’un être Suprême, d’un Dieu unique
que chaque tribu nomme à sa manière. Les études de Mulago et Bimwenyi ont le mérite
d’apporter chacun avec un accent particulier un éclairage sur un sujet longtemps débattu. À
partir des recherches menées dans différents milieux culturels, en l’occurrence chez les
Bakongo, les Bashi, les Baluba du Kasaï, les Banyarwanda et les Nkundo, l’Abbé Mulago
atteste clairement que les bantu rendent un culte aux ancêtres et croient en Dieu, un être
Suprême, Créateur et Père. Même si on lui reconnait plusieurs attributs et qu’on l’évoque dans
plusieurs proverbes, ce Dieu n’intervient pas directement sur la vie des hommes. Ce sont les
ancêtres qui apportent joie, paix et jouissance au sein de la communauté. Raison pour
laquelle, le Muntu leur rend un culte.
Partant d’une expérience religieuse fondamentale de « tourné-vers » (la théotropie)
chez les populations du Kasaï, Oscar Bimwenyi suggère quant à lui, un discours sur le rapport
entre Dieu et l’homme gravitant autour de quatre constellations. Pour lui, Dieu est antérieur
par rapport à l’homme qui est le tard-venu. Il est distant et différent des autres créatures et de
l’homme. Cependant, la distance n’exclut pas l’omniprésence et la proximité de Dieu qui,
comme le vent, se donne à tous. Enfin, selon Bimwenyi, l’expérience religieuse africaine
montre que Dieu n’est pas seulement Antérieur et Père-Créateur, Omniprésent et Allié des
hommes, etc., il est aussi un Dieu silencieux. Ce silence de Dieu devant des questions
épineuses de la vie déconcerte le muntu sans toutefois mettre l’autorité de Dieu en doute.
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CHAPITRE QUATRIEME :
LE CHRISTIANISME ET LES RELIGIONS TRADITIONNELLES AFRICAINES
Le présent chapitre s’intéressera surtout à étudier la rencontre du christianisme et les
religions traditionnelles africaines. Dans quelles conditions le christianisme avait-il rencontré
les religions traditionnelles africaines ? Les interactions ont- elles été pacifiques ?
Le chapitre sera structuré en trois principaux points suivants:
- essai des définitions ;
- rencontre christianisme et les religions traditionnelles africaine ;
- Africain entre le christianisme et sa religion traditionnelle africaine et les nouveaux
mouvements religieux.
IV.1. Essai des définitions
 Animisme : État mental des peuples qui croient à la présence des d’âmes
anthropomorphiques chez les êtres de la nature.
 Fétichisme : l’usage et culte des fétiches, c’est-à-dire des petits objets matériels
considérés comme l’incarnation ou du moins comme la « correspondance » d’un
esprit, et par suite comme possédant un pouvoir magique.
 Magie : Art de produire, par des procédés occultes, des phénomènes inexplicables ou
qui semblent tels.
IV.2. De la rencontre christianisme et religions traditionnelles africaines
A. Une rencontre plutôt conflictuelle
Le christianisme est annoncé en Afrique dans le cadre de l’expansion européenne.
La rencontre de l’Évangile avec les mentalités ou la culture africaine ne s’est pas faite sans
heurts. Étant donné qu’il fallait apporter « la civilisation » aux Noirs, la mission
évangélisatrice allait de pair ou encore se faisait de connivence avec la colonisation qui, à
certains égards, était dominée de certains préjugés négatifs vis-à-vis des cultures locales, voire
des religions traditionnelles africaines. Celles-ci étaient parfois qualifiées à tort ou à raison d’
« animisme », d’ « idolâtrie », de « paganisme », de « fétichisme » ou encore de « magique ».
Les missionnaires utilisaient parfois la méthode de « tubula rasa » (« table rase »). Le
christianisme était en position de force face aux cultures autochtones comme le souligne si
bien Fabien Eboussi Boulaga : « Quand il rencontre l’Afrique, le christianisme est position de
force. Il ne peut donc adopter le deuxième parti : l’éradication violente du paganisme. Le
34 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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converti doit sortir de son monde, habiter des villages tout près pour lui, des réductions, ou s’y
constituer en corps étranger »76.
De la part de certains missionnaires, la tentation a été grande de confondre ou d’identifier
simplement le christianisme avec la civilisation occidentale comme le note Gérard
Bissainthe : « Nous ne leur reprochons pas, comme on l’a fait, d’avoir posé les équations
suivantes : christianisme = civilisation ; paganisme = sauvagerie (…) ; mais leur erreur a été
de lier tout naturellement le christianisme à la civilisation occidentale, d’avoir méconnu cette
sorte de christianisme latent des civilisations africaines et d’avoir affirmé globalement :
christianisme = civilisation occidentale ; civilisation nègre = paganisme »77.
Une telle mentalité ou manière de faire se perçoit dans des théologies missionnaires
qualifiées « des théologies piégées »78 : « la théologie de salut des âmes » ou « la conversion
des infidèles », « la théologie d’implantation de l’Église », « la théologie d’adaptation » et des
« pierres d’attente ».
B. Les théologies missionnaires
B.1. La théologie du salut des âmes ou de la conversion des infidèles
Cette théologie consistait à sauver les âmes de l’emprise du Satan, convertir les âmes des
païens au Christ au moyen d’une catéchèse en vue du baptême. Ce qui importait ici c’était le
nombre des baptisés peu importe la qualité de leur vie. On reproche cette théologie d’avoir été
trop superficielle, sans pénétrer à fond l’âme noire.
B.2. La théologie de l’implantation de l’Église
La théologie de la conversion des infidèles sera supplantée par celle de l’implantation de
l’Église. Il s’agit ici, « sur les ruines ou la ‘tabula rasa’ déjà signalée, d’édifier, d’implanter
l’Église, ‘solidement ‘, telle qu’elle est réalisée en Occident aussi bien dans son personnel,
dans ses œuvres que dans ses méthodes »79. Le but de la mission est d’établir solidement
l’Église dans des pays des missions avec des structures calquées sur le modèle occidental. On
passera de la théologie de l’implantation de l’Église à celle d’adaptation et « des pierres
d’attente ».

76
F. EBOUSSI BOULAGA, Christianisme sans fétiche. Révélation et domination, Présence Africaine, Paris 1981,
29.
77
G. BISSAINTHE, « Catholicisme et indigénisme religieux », in L. SANTEDI KINKUPU, G. BISSAINTHE et M.
HEBGA (éd.), Des prêtres noirs s’interrogent. Cinquante ans après…, Karthala et Présence Africaine, Paris 2006,
120-121.
78
O. BIMWENYI-KWESHI, Discours théologique négro-africain. Problème des fondements, Présence Africaine,
Paris 1981,154s.
79
O. BIMWENYI, Discours théologique négro-africain. Problème des fondements, 164.
35 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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B.3. La théologie d’adaptation et des « pierres d’attente »


La théologie d’adaptation consistait à « africaniser », à « indigéniser », c’est-à-dire à
donner un « visage africain » aux Églises locales établies. Elle voit dans les valeurs culturelles
africaines des « pierres d’attente », des valeurs positives susceptibles d’être assumées par
l’Évangile, d’être christianisées.
IV.3. L’Africain entre le christianisme et sa religion traditionnelle et les nouveaux
mouvements religieux
Les religions traditionnelles africaines continuent à influer sur la vie de bon nombre des
négro-africains. Bien que par converti au christianisme ou à l’Islam par exemple, les négro-
africains recourent des temps à autre à sa religion traditionnelle. L’adage selon lequel « le
matin le négro-africain est à la messe et le soir chez le devin ou le nganga » semble bien se
vérifier. Le cas de Vodou.
Qu’est-ce que le vodou ? « Le vaudou est une religion primitive qui se pratique dans les
temples édifiés à cette fin appelés : Houmforts »80. Même si pratiqué en Haïti, le pays
d’origine de cette religion est le Bénin, l’ex-Dahomey. Le vodou comporte, dans sa
substance, les éléments d’une religion primitive :
« 1) Tous les adeptes croient à l’existence d’êtres spirituels qui vivent quelque part
dans l’univers en étroite intimité avec les humains dont ils dominent les activités.
2) Culte dévolu à ces dieux réclame un corps sacerdotal hiérarchisé, une société de
fidèles, des temples, des autels, des cérémonies, et enfin toute une tradition orale…
A. À travers le fatras des légendes et la corruption des fables, on peut
démêler une théologie, un système de représentations, grâce auquel
primitivement nos ancêtres s’expliquent les phénomènes naturels »81.
On constate la survivance des pratiques vodous chez des chrétiens par comparaison à
des survivances païennes chez d’autres chrétiens. Ce qui est dit de cette survivance des
pratiques vodous concernent bon nombre des religions traditionnelles africaines. Le fait
prouve suffisamment à quel point les négro-africains s'accrochent à sa religion traditionnelle.
Cette survivance de la religion traditionnelle africaine dans le christianisme et dans
d’autres mouvement religieux, nous le verront n’est pas seulement l’apanage du Vodou
haïtien ou béninois, elle est monnaie courant chez plusieurs peuples.

80
J.PARISOT, Vodou et christianisme, in L. SANTEDI KINKUPU, G. BISSAINTHE et M. HEBGA (éd.), Des prêtres
noirs s’interrogent. Cinquante ans après…, 219.
81
D. BELLEGARDE, Haïti et ses problèmes, cités par J. PARISOT, Vodou et christianisme, op. cit., 217.
36 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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Comme on vient de voir, la religion traditionnelle africaine influence la vie des


Africains, leur manière ou mode d’être. Cette religion représente certains acquis (points
positifs) et certaines dérives (points négatifs). Le document du travail (Instrumentum laboris)
du Synode pour l’Afrique de 1994 suggérait le dialogue entre le christianisme est les religions
traditionnelles africaines. Et le Pape Jean-Paul II, à ce sujet écrit : « Les Africains ont un
profond sens religieux, le sens du sacré, le sens de l’existence de Dieu Créateur et d’un monde
spirituel »82. À notre humble avis, c’est sur cet arrière-fond des valeurs positives des religions
traditionnelles africaines que devrait se nouer le dialogue entre celles-ci et le christianisme.
IV.3.1. Dialogue christianisme et religions traditionnelles africaines
Les présupposés théologiques du dialogue christianisme et religions non chrétiennes
remontent au deuxième Concile du Vatican qui prônait une ecclésiologie renouvelée, une
ecclésiologie de communion. Vatican II qui a réfléchi sur la nature, la mission de l’Église, etc.
n’identifie plus l’Église du Christ à l’Église catholique romaine, mais subsiste dans celle-ci,
gouvernée par le successeur de Pierre et les évêques qui sont en communion avec lui 83. Ce qui
reviendrait à dire qu’en dehors de l’Église catholique romaine, « la possibilité d’un
votumfidei, ou votum ecclesiae, ou votum veritatis », c’est-à-dire il y a la possibilité d’un vide
ecclésial, un vide de vérité, des éléments ecclésiaux.
Ces affirmations du Concile Vatican II trouvèrent leur ratification ou encore leur
concrétisation avec la Déclaration la conciliaire sur L’Église avec les religions non
chrétiennes Nostrae Aetate qui stipule : « L’Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai
et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de
vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu’elles diffèrent sous bien des rapports de ce
qu’elle-même tient et propose, cependant reflètent souvent un rayon de la vérité qui illumine
tous les hommes »84. La Déclaration parlant de l’Église catholique poursuit en ces termes :
« Elle exhorte donc ses fils pour que, avec prudence et charité, par le dialogue et par la
collaboration avec les adeptes d’autres religions, tout en témoignant de la foi et de la vie
chrétiennes, ils reconnaissent et fassent progresser les valeurs spirituelles, morales et socio-
culturelles qui se trouvent en eux »85. Il est vrai que le Concile ne parle pas explicitement des
religions traditionnelles africaines, mais les présupposés théologiques sont bien là en vue
dudit dialogue.

82
JEAN-PAUL II, Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Africa, 14 septembre 1995, n. 42.
83
Cf. CONCILE VATICAN II, Constitution dogmatique sur l’Église Lumen gentium, n. 8, § 2.
84
Nostra Aetate, n. 2.
85
Ibid.
37 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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Quelques aspects positifs de la religion traditionnelle africaine


- La croyance largement répandue en un Dieu suprême, unique et transcendant.
- les africains ont le sens du sacré et du mystère ; une haute considération des lieux,
des personnes et des objets consacrés
- le monde invisible des esprits et des ancêtres est omniprésent.
- la religion englobe toute la vie et il n’y a pas de dichotomie entre la vie et la religion.
- le respect pour la vie : les enfants sont gardés précieusement, l’avortement est une
abomination.
- l’hospitalité est un devoir et constitue la valeur la plus commune à la Religion
Traditionnelle Africaine dans toute l’Afrique.
Quelques aspects négatifs de la religion traditionnelle africaine
- La magie et la divination sont largement répandues.
- l’homme est enfermé dans un univers de crainte, qui sert de fondement à la religion
et au culte
- Dieu est considéré trop lointain et par conséquent absent de la vie quotidienne des
hommes conduisant ainsi au culte des esprits comme substitut de Dieu
- les sacrifices aux esprits et ancêtres86.
La rencontre Christianisme et notre héritage religieux, avec ses acquis traditionnels et
étranger (Islam), doit provoquer un dialogue critique, pense Engelbert Mveng. Ce dialogue
« est la remise en question du contenu religieux du Christianisme par l’Afrique, et
réciproquement, la remise en question du contenu religieux de l’héritage africain par le
Christianisme »87. Ce dialogue suppose toute une dialectique de part et d’autre. « Le nouveau
dialogue doit permettre à l’Afrique de renouveler son héritage spirituel et culturel : ses
langues, ses arts, sa littérature, son génie créateur, son expérience humaine et religieuse et ses
multiples expressions »88, renchérit Mveng. Ceci suppose en outre de la part du christianisme
une nouvelle façon de voir les religions traditionnelles africaines sans préjugés au risque de
compromettre le dialogue entre les deux partenaires. Tout n’est pas à rejeter en bloc. Dans ses
propositions à soumettre à l’appréciation du Saint-Père, les Pères du Synode africain
affirmaient :
« Il existe des valeurs positives dans la religion traditionnelle africaine qui
pourraient être utiles à l’Église. Le fond doctrinal de la religion traditionnelle

86
Cf. Instrumentum laboris. Document pour la préparation de l’Assemblée spéciale pour l’Afrique du Synode
des Évêques, Editions Saint Paul Afrique, Kinshasa 1993, 84-89.
87
E. MVENG, L’Afrique dans l’Église : paroles d’un croyant, L’Harmattan, Paris 1985, 88.
88
Ibid., 90.
38 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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africaine est la foi en un être supérieur qui est Créateur, le Dispensateur de toutes
choses, le juste Juge, l’Éternel, etc. Ceux qui adhèrent à la religion traditionnelle
africaine méritent le respect. Cette foi et ces valeurs ont bon nombre d’entre eux à
s’ouvrir à la plénitude de la révélation en Jésus-Christ, par l’annonce de
l’Évangile (…). Il faut éviter une terminologie dépréciative, comme
« paganisme » et « fétichisme », quand on parle de la religion traditionnelle
africaine »89.
Le processus de l’inculturation ou de l’enracinement du christianisme dans les cultures
africaines est à ce prix. Il est donc important de tenir compte aussi de la religion traditionnelle
africaine. La reconnaissance ou l’adoration d’un Dieu unique, Créateur de toute chose et Père
des hommes, le culte des ancêtres, la solidarité clanique ou tribale, le sens du respect de la vie,
bref, les valeurs positives de l’héritage religieux africain, peuvent constituées des « véritables
pierres d’attente », susceptibles d’être assumées, transformées par l’Évangile ou par le
christianisme. Dans ce sens, le Pape Jean-Paul affirmait : « De cet amour de la vie découle
leur grande vénération pour leurs. Ils croient instinctivement que les morts ont une autre vie,
et leur désir est de rester en communication avec eux. Ne serait-ce pas, en quelque sorte, une
préparation à la foi dans la communion des saints ? »90.
Certains africains ne sont pas seulement à la croisée des chemins entre le christianisme et
les religions traditionnelles africaines, mais aussi entre les sectes et les nouveaux religieux-
« églises de réveil ».
IV.3.2. Religions traditionnelles africaines et les nouveaux mouvements religieux
De nos jours, on assiste à une espèce de brassage ou de vagabondage religieux. Les
adeptes de certaines Églises officielles fréquent au même moment et leurs églises respectives
et leurs religions traditionnelles et les sectes, et les nouveaux mouvements religieux.
L’Instrument de travail pour le synode africain constate que l’Afrique est caractérisée par une
grande variété de sectes et de nouveaux mouvements religieux d’origine diverse : les sectes en
opposition au Christianisme pour la plupart en provenance de l’Amérique du Nord ; nouveaux
mouvements religieux en provenance de l’orient, les mouvements d’inspiration islamique ; les
Églises dites indépendantes, rejetons des Églises missionnaires91. Le même document
poursuit en ces termes : « En 1981, les Églises, « les Églises Africaines indépendantes »

89
Proposition, n. 42, in M. CHEZA (éd.), Le Synode africain. Histoires et textes, Karthala, Paris 1996, 259 ; cf. R.
LUNEAU, Paroles et silences du Synode africain (1989-1995), Karthala, Paris 1997, 150.
90
JEAN-PAUL II, Ecclesia in Africa, n. 43.
91
Cf. L’Église en Afrique et sa mission évangélisation vers l’an 2000. « Vous serez mes témoins » (Ac 1, 8).
Instrumentum laboris (Document du travail), n. 87.
39 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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comptaient, à elles-seules, 15 % de la population chrétienne de l’Afrique sub-saharienne. En


l’an 2000, les adeptes de ces « Églises » seront 60 millions avec un taux de croissance de 1,5
par an »92. Et dix-neuf ans après ?
Les sectes et les nouveaux mouvements religieux constituent à coup sûr une menace,
nous dirons une atteinte à la vraie foi à cause de leurs spéculations et fondamentalisme. « Le
danger serait réel de voir les Églises se muer soit en maisons de divination et en loges de
chasseurs à la trappe des démons, soit en niches des charlatans ou encore en centres
d’expertise en techniques de détection de mauvais esprits »93. Par ailleurs, ils : constituent
aussi une interpellation, un défi pastoral94 pour les Églises institutionnelles. Au-delà de leurs
extrapolations, ces « Églises » ont aussi quelque chose à dire aux Églises institutionnelles.
Celles-là ont un sens fort de la communauté et de la fraternité ; l’assistance mutuelle
matérielle dans un esprit de solidarité, pour ne citer que ces cas95.
Quelque part les sectes rejoignent la religion traditionnelle africaine dans la mesure où
celle-ci satisfait à certains besoins terrestres de l’homme comme l’affirme Jacques
Bouekassa : « Dans la religion traditionnelle, Dieu est perçu comme celui donne la santé, la
force et la richesse ; il prend en charge tout l’être, ce qui est nécessaire à la vie terrestre ; on
n’attend pas le partage de la vie divine. Le message de l’Église chrétienne apparaît autre et
souvent loin de ces attentes. En revanche, les sectes se montrent plus proche de la religion
traditionnelle ; elles offrent au moins la santé, la force, la richesse »96.

Conclusion transitoire
Ce chapitre a cerné la question épineuse de la rencontre du christianisme et les
religions traditionnelles africaine : une rencontre brutale, émaillée de complexes de
supériorité, de la « tabula rasa » (table rase) du patrimoine religieux de l’Afrique. Du côté des
autochtones, tout n’est pas à rejeter en bloc. L’Afrique traditionnelle regorge certaines valeurs
et le dialogue le dialogue avec le christianisme pourrait s’amorcer sur ce fond.

92
Ibid.
93
A.-SAM SIMANTOTO MAFUTA, La face occulte du Dieu des Congolais, 274.
94
Cf. R. DE HAES, « Sectes et mouvements religieux : un défi pastoral », in Revue Théologique Africaine (RTA)
vol. 11, n. 21 (1987) 84-94.
95
Cf. Document du travail pour le Synode, n. 88 ; R. LUNEAU, Paroles et silences du Synode africain, 160.
96
J. BOUEKASSA, « Sectes au Congo : causes et pastorale », in Spiritus, n° 115 (mai 1989), 163-176. Sur les
sectes lire aussi J. PEETERS, « Sectes et mouvements religieux en Afrique », in Spiritus, n° 115 (mai 1989) 177-
192 ; S. SEMPORE, « L’afro-christianisme, un courant irréversible », in Spiritus, n° 115 (mai 1989) 193-205 ; J.
VERNETTE, « Église et secte : comment faire la différence », in Spiritus n° 115 (mai 1989). La liste sur cette
thématique n’est pas exhaustive.
40 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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CINQUIEME CHAPITRE
FORMES ACTUELLES DES RELIGIONS AFRICAINES

Le cinquième et dernier chapitre de ce cours s’intéresse à ce qui reste des religions


en Afrique avec un accent particulier sur leurs formes actuelles. Pour cela, il sera fait
référence substantielle à l’étude de Ernest Damman. Avec lui, nous analyserons les religions
archaïques, l’Islam et le christianisme et les sectes.
Religions traditionnelles

Bien qu’elles soient fortement menacées par le christianisme, l’Islam et la


sécularisation, les religions traditionnelles se sont maintenues dans bien des régions du
continent, surtout à l’intérieur. La magie, le culte des ancêtres et la croyance aux esprits avec
les rites qu’elle implique, sont toujours vivants. L’aspect conservateur du caractère africain et
celui de la religion en général font que l’évolution est très lente. Les statistiques concernant
les adeptes des religions traditionnelles sont trompeuses. Comme cela ne « fait pas moderne »
s’y adhérer, beaucoup des personnes interrogées disent qu’elles sont musulmanes, ou, quand
le christianisme est en train de s’implanter dans le pays, chrétiennes. C’est le cas, en
particulier, pour beaucoup de Noirs qui s’expatrient provisoirement pour trouver du travail.
Quand ils rentrent chez eux, ils se sentent toujours tenus de pratiquer la religion de leur
enfance97.

En bien des endroits, les cultes païens connaissent une véritable résurrection. Le
recours chez les devins et la référence aux ancêtres est quasi permanente. Beaucoup se
souviennent du passé et tentent d’exalter leurs religions ayant les arguments que voici :

a. Le christianisme et l’Islam font des progrès nous avons donc cru qu’il serait bon de
faire revivre le culte des dieux de nos pères.

b. Rétablir les autels de nos dieux : Wamala, Nydmuhanga, Nyabingi et Lyangombé98.

c. Consacrer à nos dieux un jour par semaine, comme le font les chrétiens et les
Musulmans.

d. Pratiquer la solidarité (en cas de maladie, etc.).

97
Nous avons eu à entendre à plusieurs reprises que les réalités modernes (technique et sport, p. ex.) s’insèrent
dans la pensée magique et parfois même la développent.
98
Ici donc, le héros Lyangombé (= Pryangombé) fait fonction de dieu.
41 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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Notons cependant que même là, il est impossible de revenir purement et simplement au
passé : ce programme en quatre points et, l’idée d’un culte hebdomadaire sont manifestement
modernes. On a choisi le samedi, vraisemblablement non à cause de l’Ancien Testament, mais
pour se distancer du christianisme (dimanche) et de l’Islam (vendredi).

La religion occupe une place de choix dans la vie du Négro-africain. A bien des
endroits, les milieux politiques ont intérêt à annexer la religion. C’est le cas des Bundu dia
mayala au Kongo Central et à Kinshasa (RD Congo) qui mène ses actions sous le double
signe de la politique et de la religion. Ils sont nombreux, ceux qui recourent à tradition pour
conquérir le pourvoir. La politique est sans doute également la raison pour laquelle, au Ghana,
les séances officielles commencent par une libation (c’était à l’origine un sacrifice aux
ancêtres) : on sait que les usages religieux ont un pouvoir de cohésion ; or beaucoup d’États
africains, étant composés de peuples divers, ont besoin de ce ciment.

Les considérations économiques ne sont pas en reste. Quand donc des positions
économiques et politiques s’appuient sur l’attachement éprouvé pour la religion traditionnelle,
cela leur donne un poids qu’elles n’auraient pas autrement. À notre époque aussi apparaissent
des cultes nouveaux : on découvre et on propage tel ou tel fétiche pour élever le niveau de vie
par l’augmentation de la récolte ou du pouvoir d’achat.

Cependant, de nos jours, le négro-africain ne se sent plus très en sécurité à ne se


confier qu’à la religion traditionnelle. Il a donc tendance à se rassurer avec les religions
nouvelles. En même temps, il tente de se garder des menaces que peuvent faire peser sur lui
des gens malveillants. C’est ainsi qu’au Ghana, par exemple, se sont créée de nombreux petits
sanctuaires dont l’origine est souvent le nord du pays. Le sentiment prédominant est que les
cultes anciens ne suffisent pas à dominer notre temps.
Ainsi, sous leur forme traditionnelle et parfois, sous une forme renouvelée, les
religions archaïques sont vivantes. Elles restent même actives, nous l’avons dit, dans les
religions révélées, en tant que substrat.
L’Islam
Sur tout le continent, l’Islam est la religion qui, depuis qu’elle y a pris pied, a
conquis le plus de fidèles. L’avenir n’y changera rien. Un examen attentif montre que l’Islam
est multiple : l’Islam orthodoxe du Qorân et l’Islam de la Tradition se rencontrent surtout dans
les grands centres intellectuels. Au sud du Sahara, l’Islam est presque toujours un compromis
avec le paganisme ou mieux avec les religions traditionnelles.
42 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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En bien des endroits, il n’est représenté que par quelques croyants qui n’ont pas
honte de leur religion et la propagent par ce seul fait qu’ils la pratiquent comme allant de soi.
Il s’y ajoute presque toujours un élément social : le Musulman appartient à une classe
supérieure. L’Africain est tenté de se convertir pour appartenir, lui aussi, à cette classe, ce qui
supprime souvent les barrières raciales.

En outre, les ordres, créés au XIIe siècle à partir du soufisme, ont beaucoup fait
pour fortifier et répandre l’Islam. Parfois, des « saints » (féki) s’installent avec leur famille en
milieu païen, et on voit se constituer peu à peu une « paroisse ». Souvent, les cheiksqui sont à
la tête des Ordres, ont une influence considérable, jusque sur la politique. Les ordres n’ont pas
toujours été animés du même esprit. Ils ont perdu leur zèle et ont participé à la stagnation
générale de l’Islam aux XVIIe et XVIIIe siècles. Le wahhabisme du début du XIXe siècle et la
création de nouveaux Ordres arrachèrent les anciens à leur engourdissement. Désormais, ils
eurent une activité missionnaire qui valut nombre de conquêtes à l’Islam, et dans laquelle un
rôle particulier revint à la Qadiriyya.

La majorité des Africains fait profession d’Islam sunnite. Les chiites se rencontrent
surtout en Afrique orientale, parmi les gens originaires de l’Inde. Leur branche la plus
moderne est la SchiaIsmailiyya, dont le chef est l’Agha Khan. Depuis des dizaines d’années
déjà, ce groupe a fait beaucoup sur le plan social et scolaire. Il se distingue aussi par une
activité missionnaire, qui n’a pas grand succès auprès des Noirs.

La secte hérétique Ahmadiyya est également représentée en Afrique. Bien que peu
nombreuse, elle joue un certain rôle. Ceci, moins à cause de son triple but (réforme et
épuration de l’Islam, modernisation de la pensée, éviction du christianisme) que parce qu’elle
a une intense activité littéraire qui comporte la tradition du Qorân en langue vulgaire. Son
exégèse antihistorique, arbitraire et parfois rationaliste tente de montrer en lui un livre qui ne
serait pas en contradiction avec la pensée moderne.

Cela a de quoi séduire bien des Africains. Du moins cette traduction répandra-t-elle
la pensée musulmane dans des milieux inaccessibles à l’Islam orthodoxe parce qu’on y sait
pas l’arabe. L’Ahmadiyya a emprunté au christianisme plusieurs points de méthode ; l’un
d’eux est qu’elle entretient des missionnaires.

L’Islam est important pour les Africains pour plusieurs raisons. Il est, tout d’abord,
la religion qui, jusqu’ici, a le plus enlevé au christianisme. En outre, il a conquis de
nombreuses tribus, surtout au soudan, jusqu’à l’Atlantique. Au sud du Sahara, le nombre de
43 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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ses adhérents augmente d’année en année aux dépens du christianisme. Dans une large
mesure, il créé le climat religieux, au point que même des Chrétiens s’y convertissent après
coup. Il est en outre un facteur culturel. À l’exception de l’Ahmadiyya, il exige presque
toujours un minimum de connaissance de l’arabe ; beaucoup ne se contentent pas de ce
minimum et cela les met au bénéfice de la civilisation arabo-musulmane. Des centres
culturels, à vie scientifique ou artistique active, se sont créés non seulement au nord du
Sahara, mais aussi dans le Soudan et sur les côtes d’Afrique orientale. Ce sont autant de
centres religieux. La fonction sociale de l’Islam est capitale. A une époque où les liens du
clan se relâchent, et où beaucoup, contraints par la nécessité économique, vivent isolés
n’importe où, un Musulman est rapidement accueilli par ses frères en la foi. Les différences
de race et de classe sont abolies, ce qui donne une véritable fraternité, non seulement
religieuse, mais aussi sociale.

Rappelons enfin le rôle politique de l’Islam. Il arrive, certes, que des États
musulmans ne s’entendent pas, de sorte qu’il n’y a pas toujours alliance politique ; mais là où
l’Islam comprend la majorité de la population, on peut admettre que l’État ne sera ni séculier,
ni antireligieux. Certains événements peuvent aussi donner aux Musulmans un sentiment
d’unité dépassant les frontières et les différends passagers des gouvernements.

Dans l’ensemble, l’Islam a le vent en poupe. Là où il a pris pied, il se maintient.


Cela n’exclut pas que quelques-uns changent de confession ou deviennent athées. Mais d’une
manière générale, il caractérise un grand nombre de pays africains.
Le Christianisme

Nous ne voulons pas esquisser ici l’histoire complexe du christianisme en Afrique,


son expansion et sa disparition au nord, les missions nées au XVe siècle aboutissant de nos
jours, à une hiérarchie noire chez les catholiques et à de nombreuses « jeunes Églises » chez
les protestants, lesquelles entrent de plus en plus au Conseil œcuménique. Contentons-nous de
donner quelques traits essentiels.

Dans toute l’Afrique, le christianisme est une religion étrangère. Annoncé par des
étrangers, il s’est généralement imposé sous la forme d’une Église de type européen. De
même, les missionnaires n’arrivent pas à faire oublier leur continent, parfois même leur
nationalité. Quant au contenu, la mission protestante au moins est étrangère en ceci qu’il lui
est impossible de rattacher l’histoire du salut à la religion traditionnelle ; elle n’a pas de
théologie naturelle sur quoi asseoir son effort missionnaire.
44 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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Il en ressort qu’il y une tension perpétuelle entre le christianisme et les autres


religions. Il ne leur fournit pas une superstructure, mais leur annonce de Dieu, c’est-à-dire le
jugement. En même temps, il les invite à se soumettre à la seigneurie de Jésus-Christ. Cela
revient, pour tous ceux répondent à cet appel, à renoncer à eux-mêmes. La tension se retrouve
à l’égard de l’Islam. Certes, il a beaucoup emprunté au christianisme, mais l’essentiel du
message chrétien (la réconciliation par la mort et la résurrection de Jésus-Christ) lui font
défaut. Cette absence est plus lourde que le point commun (la profession de monothéisme).

Il y a une tension d’un genre particulier dans le christianisme lui-même, car il est
parvenu en Afrique sous toutes ses formes et, une fois devenu africain, n’y a presque jamais
renoncé. Pour motif de conscience et à cause du respect de la vérité, la plupart des confessions
ne peuvent pas abandonner leur conception de l’Église. Cela aboutit parfois à des tensions
internes qui, quand elles ne viennent pas tout simplement de l’obstination et de la vanité d’un
homme ou d’un groupe, sont une manifestation de l’imperfection du christianisme visible.
N’oublions pas, enfin, qu’aucune Église ni aucune paroisse ne peut se reposer sur ses
lauriers : elle doit toujours veiller à ce que sa doctrine reste pure et entre dans une synthèse
sans cesse renouvelée avec la vie pratique. En outre, elle doit reconnaître et éviter les dangers
toujours graves présentés par la religion naturelle qui couve sous la cendre. Il s’y ajoute, à
partir de la seconde génération, de la troisième tout au plus, une tendance à la léthargie et à la
« sécularisation ».

Cette situation permet de comprendre qu’en tant que religion exigeante s’adressant
à l’individu, le christianisme soit toujours le fait d’une minorité. C’est surtout vrai là où se
constituent des Églises nationales, où la majorité fait profession d’être chrétienne et où même
la vie publique prend un air chrétien.

Malgré tout cela, le rôle du christianisme dans les nations n’est pas négligeable. Ce
n’est pas seulement en Afrique du Sud et du sud-ouest, mais aussi dans d’autres régions
qu’une sorte de fluide chrétien se répand pour le bien du pays. Il ne faut pas sous-estimer le
facteur culturel. Les plus claires des langues africaines ont été notée pour la première fois par
des missionnaires, et ce sont ceux-ci qui leur ont donné forme. On leur doit presque toute la
première littérature, non seulement religieuse, mais aussi pédagogique, y compris les
premières tentatives dans le domaine des belles-lettres. C’est en grande partie grâce à ceux
que ces langues peuvent s’écrire. La traduction de morceaux choisis de la Bible, et, pour
plusieurs langues, de la Bible entière, a souvent créé une langue que les auteurs modernes
45 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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achèvent de constituer. Le fait, également, que l’essentiel des élites des États africains récents
ait été formé dans les écoles missionnaires, est un signe du rôle culturel des Églises.

En outre, leur fonction sociale ressemble à celle de l’Islam. Dans une large
mesure, la paroisse est le lieu de rencontre de ceux qui ont perdu le contact avec leur famille
et leur pays. C’était déjà vrai en Sierra Leone où ; à partir de la fonction de Freetown, en
1787, les esclaves libérés ou évadés recevaient de la mission anglaise les moyens de former
de nombreux corps sociaux. Partout où il y a des travailleurs itinérants, que ce soit dans les
centres industriels du sud et du sud-ouest, dans les grandes plantations de sisal de l’est ou
même dans les villes, la paroisse est non seulement un centre religieux, mais aussi un morceau
de patrie. Sur le plan politique, l’Église adopte souvent une autre attitude que l’Islam. La
structure de celui-ci implique un lieu étroit entre religion et politique. Dans la pratique, c’est
également vrai de l’Église éthiopienne. Au Congo, l’Eglise catholique a parfois exercé une
influence appréciable, ainsi que dans les colonies portugaises. En Afrique du Sud, la
prédominance de l’Église réformée se remarque à bien des détails. Mais partout, à l’exception
des États musulmans et de l’Éthiopie, le spirituel et le temporel ont été séparée, sur le modèle
européen.
Ajoutons que les missions continentales, en particulier, ont souvent été très réservées en
matière de politique.

Dans l’ensemble, la situation du christianisme en Afrique est variable. Dans les


pays musulmans, les isolés ont souvent eu du mal à résister au milieu ambiant. Ailleurs,
surtout dans l’intérieur (p. ex. dans le nord du Ghana ou du Togo), se créent les premières
paroisses. De nombreux pays ont déjà leurs Églises depuis des générations. Il y a même déjà
en fait des Églises nationales, par exemple au Cap ou dans le sud-ouest. En Éthiopie et au sud
du Sahara, il existe diverses Églises parfois importantes, mais elles sont presque toujours mal
proportionnées à la population.
Sectes issues du christianisme

En marge du christianisme évangélique, il y a, en Afrique, des milliers d’Églises et


de sectes au sens que nous avons dit. Le chiffre de leurs membres va de quelques douzaines à
des dizaines de milliers. À côté de mouvements isolés qui, à peine fondés, disparaissent, il y a
des organisations qui ont déjà quelques générations derrière elles. Eu égard à leur importance,
nous leurs consacrons le chapitre suivant.
46 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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Conclusion transitoire
Comme nous venons de le voir, la religion se présente sous des formes variées en
Afrique. Contre vent et marrés, les religions archaïques n’ont pas disparues, elles subsistent et
coexistent aux cotés de l’Islam et du christianisme. Depuis quelques décennies, on assiste à
une hyper religiosité qui se manifeste surtout par la naissance des sectes ou des mouvements
religions dont la plupart sont d’origine chrétienne.
De nos jours, on assiste à une espèce de brassage ou de vagabondage religieux. Les
adeptes de certaines Églises officielles fréquent au même moment et leurs églises respectives
et leurs religions traditionnelles et les sectes, et les nouveaux mouvements religieux.
47 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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CONCLUSION GÉNÉRALE
Notre cours portait sur « le patrimoine religieux de l’Afrique ». Ramassons les grandes
lignes de nos investigations. Le cours a été structuré ou charpenté en cinq chapitres.
Le Négro-africain est un être des relations. Il est en communion avec ses descendants et
ascendants (ancêtres). L’abbé Vincent Mulago semble bien avoir synthétisé la vision du
monde de Muntu : « La Philosophie de l’homme Muntu s’intègre dans sa Religion et
inversement. Sa Philosophie, comme toute sa vie, est religieuse, et sa Religion est une
Philosophie vécue »99. La vie du Négro-africain comme de Muntu est toute imprégnée de sa
religion. Cependant, il a été remarqué que la religion traditionnelle africaine n’est pas une
religion de salut : sa béatitude se limite à la jouissance des richesses, à celle des biens de la
personne et, enfin, aux biens de la progéniture qu’elle considère comme le bien suprême.
Cette religion ne considère pas suffisamment le sort de l’homme dans l’au-delà, c’est-à-dire
après la mort. C’est là, le complément que le christianisme apporte à l’Africain. Le Christ est
comme accomplissement de la quête de l’homme Africain (cfr. Vincent Mulago).
En outre, il a été question du christianisme et religions traditionnelles africaines : une
rencontre brutale. Le patrimoine religieux africain a été la plupart de temps victime d’une
table rase (« tabula rasa »). La religion traditionnelle africaine a été et reste encore influente
en Afrique au sud du Sahara. Le Négro-africain est comme entre le christianisme et sa
religion traditionnelle, et les nouveaux mouvements religieux. Un dialogue entre
christianisme et religions traditionnelles africaines s’avère important au regard de l’influence
de la religion traditionnelle africaine. Certains mouvements religieux puisent dans la religion
traditionnelle africaine.
Actuellement en Afrique, la religion se présente sous des formes variées. Contre vent
et marrés, les religions archaïques n’ont pas disparues, elles subsistent et coexistent aux cotés
de l’Islam et du christianisme. Depuis quelques décennies, on assiste à une hyper religiosité
qui se manifeste surtout par la naissance des sectes ou des mouvements religions dont la
plupart sont d’origine chrétienne.

99
V. MULAGO, « Le dieu des bantu », in Cahiers des Religions Africaines, vol. 2, n° 3 (janvier 1968) 25.
48 Cours de Patrimoine religieux de l’Afrique
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BIBLIOGRAPHIE

I. LES OUVRAGES (LIVRES)


 BIMWENYI-KWESHI, O., Discours théologique négro-africain. Problème des
fondements, Présence Africaine, Paris, 1981.
 DAMMANN, E., Les religions de l’Afrique, Paris, Payot 1978.
 EBOUSSI BOULAGA, F., Christianisme sans fétiche. Révélation et domination,
Paris, Présence, 1981.
 ELA, J.-M., Le cris de l’homme africain. Question aux chrétiens et aux Églises
d’Afrique, Paris, L’Harmattan, 1993.
 IDEM, Ma foi d’Africain, Paris, Karthala, 2009.
 LAVERDIERE, L., L’Africain et le missionnaire. L’image du missionnaire dans la
littérature africaine de l’expression africaine. Essai de sociologie littéraire,
Montréal, Edition Bellarmin, 1987.
 LUNEAU R., Laisser aller mon peuple ! Églises africaines au-delà des modèles ?,
Paris, Karthala, 1987.
 MBEMBE, A., Afriques indociles, Paris, Karthala, 1985.
 MBITI, J., Religions et philosophie africaines, Yaoundé, Clé, 1972.
 MUBESALA, B., La religion traditionnelle africaine. Permanence et mutation.
Cas des Ambuuns de la République Démocratique du Congo, Paris,
L’Harmattan, 2006.
 MULAGO, V., Un visage africain du christianisme. L’union vitale bantu face à
l’unité vitale ecclésiale, Paris, Présence Africaine, 1962.
 IDEM, La religion traditionnelle des bantu et leur vision du monde, Kinshasa,
1980.
 IDEM., Théologie africaine et problème connexes. Au fil des années (1956-1992),
Paris, L’Harmattan, 2007.
 MUSUNGU NGAMBUNGU, E., Église-famille de Dieu et Église-fraternité
christique en République Démocratique du Congo, Paris, L’harmattan, 2020.
 SIMANTOTOMAFUTA, A.-S., La face occulte du Dieu des congolais : Parole de
Jésus et révélations des charlatans ; comment faire la différence ?, Paris,
L’Harmattan, 2012.
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 THOMAS L.-V. et LUNEAU R., La terre africaine et ses religions. Traditions et


changements, Paris, L’Harmattan,

II. LES ARTICLES


 BIMWENYI, O., « Le muntu à la lumière de ses croyances en l’au-delà », dans
CRA, vol. 2, n°3 (janv. 1968) 73-94.
 IDEM, « Le Dieu de nos ancêtres », dans CRA, vol. 4, n 8 (juillet 1970) 137-
151.
 IDEM, « Le Dieu de nos ancêtres », dans CRA, vol. 5, n° 9 (juillet 1971) 59-
112.
 BISSAINTHE, G., « Catholicisme et indigénisme religieux », dans COLLECTIF,
Des prêtres noirs s’interrogent, Cerf, Paris, 1956, 111-135.
 BOUEKASSA, J., « Sectes au Congo : causes et pastorale », dans Spiritus
115(1989)163-176.
 BUJO, B., « Nos ancêtres, ces saints inconnus », dans Bulletin de Théologie
Africaine 1 (1971) 165-178.
 DE HAES R., « Religion traditionnelle africaine et christianisme selon le Prof.
Mulago. Une relecture critique et perspective de la conclusion de ‘ La religion
traditionnelle des bantu et leur vision du monde’ », dans COLLECTIF,
Interpellation et croissance de la foi. Hommage au Professeur Abbé V.
MulagowaCikala. Actes de l’Atelier, Kinshasa 13-16 février 1991, Facultés
Catholiques de Kinshasa 1992, 191-197.
 IDEM, « Sectes et mouvements religieux : un défis pastoral », dans Revue de
théologie Africaine (RTA) vol. 11, n°21 (1987) 84-94.
 DJONGONGELE, O., « La notion de ‘Religion’ dans l’œuvre de V. Mulago »,
dans COLLECTIF, Interpellation et croissance de la foi. Hommage au
Professeur Abbé V. Mulagowa Cikala. Actes de l’Atelier, Kinshasa 13-16
février 1991, Facultés Catholiques de Kinshasa 1992, 71-79.
 EJIZU, C., « Un dialogue qui va à l’essentiel », dans Spiritus 113 (1993) 436-
443.
 HEBGA, M., « Christianisme et négritude », dans COLLECTIF, Des prêtres noirs
s’interrogent, Paris, 1956, 189-203.
 GRAVRAND, H., « Les religions africaines traditionnelles sources de civilisation
spirituelle », dans CRA, vol. 4, n° 8 (juillet 1970) 153-174.
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Prof. Abbé Emery MUSUNGU Ngambungu

 KAGAME, A., « La place de Dieu et de l’homme dans la religion des bantu »,


dans CRA, n° 4, vol. 2 (juillet 1968) 213-222.
 KAGAME, A., « La place de Dieu et de l’homme dans la religion des Bantu »,
dans CRA, n°5, vol. (5 janvier 1969) 5-11.
 MULAGO, V., « Le Dieu des bantu », dans CRA, vol. 2, n°3 (janv. 1968) 23-64.
 IDEM., « Symbolisme dans les religions traditionnelles africaines et
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fil des années (1956-1992), Paris, L’Harmattan, 2007, 89-115.
 MULAGO, V., « Fin ultime de l’homme africain dans sa religion traditionnelle
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problèmes connexes. Au fil des années (1956-1992), Paris, L’Harmattan, 2007,
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 PAUL VI, Message à l’Afrique « Africae terrarum », 29 octobre 1967, dans Doc.
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 PARISOT, J., « Vodou et le christianisme », dans COLLECTIF, Des prêtres noirs
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 PEETERS, J., « Sectes et mouvements religieux en Afrique », dansSpiritus115
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 SARPONG, P., « Le dialogue est-il possible ?, dans Spiritus 122 (1991) 39-50.
 SEMPORE, S., « L’Afro-christianisme un courant irréversible », dans Spiritus
115 (1989) 193-205.
 SHUSRTER, A., « Questions actuelles », dans Spiritus 113 (1993) 379-386.
 TSHIBANGU, Th., « Problématique d’une pensée religieuse », dans CRA, vol. 2,
n°3 (janv. 1968) 12-21.
 TURNER, H., « Églises indépendantes d’origine et des formes africaines »,
dansConcilium126(1977) 133-140.
 VERNETTE, J., « Église et sectes : comment faire la différence », dans Spiritus
115(1989)144-209.
 IDEM, « Le foisonnement des sectes aujourd’hui », dansSpiritus 115(1989)119-
135.
 IDEM, « Le phénomène des sectes ou nouveaux mouvements religieux. Défis
pastoral », dans Spiritus 115(1989)206-209.
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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE ........................................................................................................................ 1


CONTENU DU COURS .................................................................................................................................... 1
LES OBJECTIFS ................................................................................................................................................ 1
Les objectifs spécifiques ..................................................................................................................................... 1
Les objectifs généraux ........................................................................................................................................ 2
LES COMPÉTENCES ....................................................................................................................................... 2
Qu’est-ce que la religion ? .................................................................................................................................. 2
« Religion Traditionnelle » ou « Religions Traditionnelles » ? .......................................................................... 3
CHAPITRE PREMIER ...................................................................................................................................... 5
ELEMENTS FONDAMENTAUX DE LA RELIGION TRADITIONNELLE ................................................. 5
I.1. La religion traditionnelle est-elle une « religion naturelle » ? ...................................................................... 5
I.2. La transcendance impersonnelle ou puissance ............................................................................................. 6
I.3. Éléments fondamentaux de la religion africaine........................................................................................... 6
I. 3.1. La croyance à un Être suprême ................................................................ 6
I.3.2. L’unité de vie et participation ................................................................... 7
I.3.3. Accroissement, décroissance et interaction ............................................... 9
1.3.2. Le symbole, moyen principal de contact de l’union ......................................... 10
1.3.3. Une éthique découlant de l’ontologie ............................................................... 10
I.4. Combat pour la reconnaissance .................................................................................................................. 10
Conclusion transitoire ....................................................................................................................................... 12
CHAPITRE DEUXIEME : ÉBAUCHE D’ANTHROPOLOGIE NÉGRO-AFRICAINE ............................... 13
II.1. Le concept de famille en Afrique subsaharienne ...................................................................................... 13
II.2. La solidarité africaine clanique en Afrique noire ...................................................................................... 15
II.3. La place ou le rôle des ancêtres ................................................................................................................. 18
Conclusion transitoire ....................................................................................................................................... 20
CHAPITRE TROISIEME : LA NOTION DE DIEU CHEZ LES BANTU ..................................................... 21
III.1. Vincent MULAGO (1924 – 2012) ........................................................................................................... 21
III.1.1. Les Bakongo ......................................................................................................................................... 22
1. Le nom .......................................................................................................................................................... 22
2. Attributs de Nzambi ...................................................................................................................................... 22
3. Nzambi et les hommes .................................................................................................................................. 22
Nzambi, c’est Nzambi ...................................................................................................................................... 23
Proverbes relatifs à Nzambi .............................................................................................................................. 23
III.1. 2. Les Bashi ............................................................................................................................................. 23
L’existence de Dieu .......................................................................................................................................... 23
Les noms de l’Être suprême.............................................................................................................................. 23
Attributs de Nyamuzinda .................................................................................................................................. 24
Le culte ............................................................................................................................................................. 24
Proverbes relatifs à l’Être Suprême .................................................................................................................. 24
III.1.3. Les Banyarwanda .................................................................................................................................. 25
1. Le nom .......................................................................................................................................................... 25
2. Imana, Être Suprême .................................................................................................................................... 25
3. Le culte ......................................................................................................................................................... 25
4. Proverbes se référant à Imana ....................................................................................................................... 26
III.1.4. Les Baluba du Kasaï ............................................................................................................................. 26
1. Les noms de Dieu ......................................................................................................................................... 26
2. Quelques proverbes, dictons et sentences exprimant les attributs de Dieu ................................................... 26
III.1.5. Les Nkundo ........................................................................................................................................... 27
1. Noms divins .................................................................................................................................................. 27
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2. Attributs de Dieu........................................................................................................................................... 27
3. Culte et pratiques religieuses ........................................................................................................................ 28
4. Quelques proverbes mongo se rapportant à l’Être Suprême ......................................................................... 28
III.1.6. Les attributs divins : récapitulation ....................................................................................................... 28
III.1.7. La hiérarchie des êtres .......................................................................................................................... 29
III.2. Oscar Bimwenyi (1939 -2021)................................................................................................................. 29
III.2.1. La constellation du Mudyanjile ............................................................................................................ 30
III.2.2. La constellation du Nkashama (Léopard) et du Diba (Soleil) ............................................................... 30
III.2.3. La constellation du Cipapayi ................................................................................................................ 31
III.2.4. La constellation du Cimpidimbwa ........................................................................................................ 31
Conclusion transitoire ....................................................................................................................................... 32
CHAPITRE QUATRIEME : ............................................................................................................................ 33
LE CHRISTIANISME ET LES RELIGIONS TRADITIONNELLES AFRICAINES .................................... 33
IV.1. Essai des définitions ................................................................................................................................ 33
IV.2. De la rencontre christianisme et religions traditionnelles africaines ....................................................... 33
A. Une rencontre plutôt conflictuelle................................................................................................................ 33
B. Les théologies missionnaires........................................................................................................................ 34
B.1. La théologie du salut des âmes ou de la conversion des infidèles ............................................................ 34
B.2. La théologie de l’implantation de l’Église ................................................................................................ 34
B.3. La théologie d’adaptation et des « pierres d’attente » ............................................................................... 35
IV.3. L’Africain entre le christianisme et sa religion traditionnelle et les nouveaux mouvements religieux ... 35
IV.3.1. Dialogue christianisme et religions traditionnelles africaines .............................................................. 36
Quelques aspects positifs de la religion traditionnelle africaine ....................................................................... 37
Quelques aspects négatifs de la religion traditionnelle africaine ...................................................................... 37
IV.3.2. Religions traditionnelles africaines et les nouveaux mouvements religieux ......................................... 38
CINQUIEME CHAPITRE : ............................................................................................................................. 40
FORMES ACTUELLES DES RELIGIONS AFRICAINES ............................................................................ 40
Religions traditionnelles ................................................................................................................................... 40
L’Islam ............................................................................................................................................................. 41
Le Christianisme ............................................................................................................................................... 43
Sectes issues du christianisme .......................................................................................................................... 45
Conclusion transitoire ....................................................................................................................................... 46
CONCLUSION GÉNÉRALE........................................................................................................................... 47
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................................ 48

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