Algèbre Bilinéaire M Boucetta - Extrait-1

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Bien débuter en Mathématiques.

Algèbre bilinéaire

Mohamed Boucetta

28 mars 2009
2
Table des matières

1 Formes linéaires et dualité 5


1.1 Rappels de cours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.1.1 Formes linéaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.1.2 Dualité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.1.3 Bidual d'un espace vectoriel . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.2 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

2 Formes quadratiques réelles 19


2.1 Rappels de cours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.1.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.1.2 Formes bilinéaires symétriques . . . . . . . . . . . . . 21
2.1.3 Orthogonalité, espaces isotropes . . . . . . . . . . . . 29
2.2 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

3 Espaces préhilbertiens réels 45


3.1 Rappels de cours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
3.1.1 Produit scalaire, norme préhilbertienne et inégalité de
Cauchy-Schwarz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
3.1.2 Procédé d'orthonormalisation de Gram-Schmidt . . . . 48
3.1.3 Meilleure approximation et projection orthogonale dans
un espace préhilbertien réel . . . . . . . . . . . . . . . 50
3.2 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52

4 Endomorphismes des espaces euclidiens 71


4.1 Rappels de cours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
4.1.1 Adjoint d'un endomorphisme d'un espace euclidien . . 71
4.1.2 Diagonalisation des endomorphismes symétriques et
réduction des formes quadratiques dans un espace eu-
clidien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
4.1.3 Groupe orthogonal, Matrices orthogonales . . . . . . . 76
4.2 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80

3
4 TABLE DES MATIÈRES

5 Espaces préhilbertiens complexes 95


5.1 Rappels de cours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
5.1.1 Produit scalaire hermitien, norme hermitienne et in-
égalité de Cauchy-Schwarz . . . . . . . . . . . . . . . . 95
5.1.2 Procédé d'orthonormalisation de Gram-Schmidt . . . . 98
5.1.3 Meilleure approximation et projection orthogonale dans
un espace préhilbertien complexe . . . . . . . . . . . . 99
5.1.4 Endomorphismes dans un espace hermitien . . . . . . 100
5.2 Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104
Chapitre 1

Formes linéaires et dualité

1.1 Rappels de cours


Ce chapitre est consacré à l'étude des formes linéaires sur un espace
vectoriel réel ou complexe. Dans la suite, on désigne par V un espace vectoriel
sur K = R ou C, de dimension nie ou non.

1.1.1 Formes linéaires


Dénition 1 Une forme linéaire sur V est une application linéaire
` : V −→ K,
c'est-à-dire telle que, pour tous u, v ∈ V et tout a ∈ K , on a
`(u + av) = `(u) + a`(v).
La somme de deux formes linéaires est une forme linéaire et la multiplication
d'une forme linéaire par un scalaire est encore une forme linéaire. Ainsi, muni
de la somme et de la multiplication par un scalaire, l'ensemble des formes
linéaires sur V est un espace vectoriel noté V ∗ appelé l'espace dual de V .

Exemples -
1. Si V = C([0, 1], K) est l'espace vectoriel des fonctions continues sur
[0, 1], l'application intégrale qui à tout f ∈ V associe son intégrale
R1
0
f (t)dt est une forme linéaire sur V .
2. Soit Mn (K) l'espace vectoriel sur K des matrices carrées d'ordre n
à coecients dans K . L'application trace est l'application
Tr : Mn (K) −→ K
n
X
qui à une matrice M = (mij )1≤i,j≤n associe Tr(M ) = mii . C'est
i=1
une forme linéaire sur Mn (K) qui vérie, pour tous M, N ∈ Mn (K),
Tr(M N ) = Tr(N M ). (1.1)

5
6 CHAPITRE 1. FORMES LINÉAIRES ET DUALITÉ

3. Supposons V de dimension nie. La trace d'un endomorphisme f


de V est la trace de sa matrice dans une base quelconque de V .
Ceci a un sens puisque, si M1 et M2 sont les matrices de f dans
deux bases diérentes, alors il existe une matrice inversible P telle
que M1 = P −1 M2 P et l'égalité 1.1 entraîne que Tr(M1 ) = Tr(M2 ).
L'application
Tr : End(V ) −→ K
ainsi dénie est une forme linéaire.
Une conséquence immédiate du théorème de la dimension est la proposi-
tion suivante :

Proposition 1 Soit ` une forme linéaire non nulle sur un espace vectoriel
V de dimension n. Alors

dim ker ` = n − 1.

La Proposition 1 conduit à généraliser la notion d'hyperplan aux espaces


vectoriels de dimension nie ou non :

Dénition 2 Un hyperplan de V est un sous-espace vectoriel H ⊂ V tel


qu'il existe une forme linéaire non nulle ` : V −→ K tel que H = ker `.

Si la dimension de V est nie égale à n, on retrouve au moyen de la


Proposition 1 la dénition classique d'un hyperplan H de V : H est un
sous-espace vectoriel de V de dimension n − 1.

Exemples -
1. L'ensemble
H = {(x, y, z) ∈ R3 ; x − y + z = 0}
est un hyperplan de R3 , car si ` : R3 −→ R est l'application dénie
par
`(x, y, z) = x − y + z,
alors ` est une forme linéaire non nulle et ker ` = H .
2. L'ensemble
H = {f ∈ C([0, 1], R); f (0) = 0}
est un hyperplan de C([0, 1], R), car si ` : C([0, 1], R) −→ R est l'appli-
cation dénie par
`(f ) = f (0),
alors ` est une forme linéaire non nulle et ker ` = H .

Théorème 1 Soit H un sous-espace vectoriel de V . Alors les propriétés


suivantes sont équivalentes :
1. H est un hyperplan.
1.1. RAPPELS DE COURS 7

2. Pour toute droite vectorielle1 D de V non contenue dans H , on a

V = H ⊕ D.

Remarques - En vertu de ce théorème, une forme linéaire ` est entière-


ment déterminée par la donnée d'un hyperplan H qui est son noyau, et
par `(u0 ) où u0 est un élément xé qui n'appartient pas à H . On a alors :
V = (Ku) ⊕ H.

Supposons maintenant que la dimension de V est nie égale à n. Soit B =


(e1 , . . . , en ) une base de V , et ` : V −→ K une forme linéaire sur V . Pour tout
Xn
vecteur u = ui ei de V , on a
i=1

Xn n
X
`(u) = `( ui ei ) = ui `(ei ).
i=1 i=1

Ainsi ` est entièrement déterminée par la donnée de (`(e1 ), . . . , `(en )) qui n'est rien
d'autre que la matrice de ` dans B et la base canonique de R.

1.1.2 Dualité
Supposons encore V de dimension nie et considérons une base quelconque
B = (e1 , . . . , en ) de V . Dénissons la famille B∗ = (e∗1 , . . . , e∗n ) d'éléments du dual
V ∗ par les formules ½
∗ 1 si i = j,
ei (ej ) = (1.2)
0 si i 6= j,
pour i, j = 1, . . . , n. Notons que, pour tout 1 ≤ i ≤ n, la forme e∗i est la forme
linéaire dont le noyau est l'hyperplan engendré par (e1 , . . . , êi , . . . , en ) (le terme en
chapeau est enlevé) et telle que e∗i (ei ) = 1.
Théorème 2 Soit V est un espace vectoriel de dimension nie n. Alors son dual
V ∗ est un espace vectoriel de même dimension n et, pour toute base B = (e1 , . . . , en )
de V , B∗ = (e∗1 , . . . , e∗n ) est une base de V ∗ appelée base duale de B.
L'expression d'une forme linéaire ` dans B∗ est donnée par
n
X
`= `(ei )e∗i . (1.3)
i=1

Soit A une partie de V . L'annulateur de A est la partie de V ∗ notée Ao et


dénie par
Ao = {` ∈ V ∗ ; `(u) = 0 ∀u ∈ A}.
D'une manière évidente, on a {0}o = V ∗ et V o = {0}. Les propriétés remarquables
de l'annulateur sont résumées dans la proposition suivante.
1
Par dénition, une droite vectorielle est un espace vectoriel de dimension 1.
8 CHAPITRE 1. FORMES LINÉAIRES ET DUALITÉ

Proposition 2 Soit V un espace vectoriel sur K . Les propriétés suivantes sont


vériées :
1. Pour toute partie A de V , Ao est un sous-espace vectoriel de V ∗ .
2. Si V est de dimension nie et si A est un sous-espace vectoriel de V alors

dimK A + dimK Ao = dimK V.

La dualité s'étend aux applications linéaires. En eet, si

f : V1 −→ V2

est une application linéaire, son application linéaire duale (ou sa transposée) est
l'application
f t : V2∗ −→ V1∗
dénie en posant pour tout ` ∈ V2∗ et pour tout u ∈ V1 ,

f t (`)(u) = `(f (u)). (1.4)

Proposition 3 Soient f : V1 −→ V2 et g : V2 −→ V3 deux applications linéaires


entre espaces vectoriels sur K .
1. On a :
(g ◦ f )t = f t ◦ g t .

2. Supposons que V1 et V2 soient de dimensions nies. Soient B1 = (e1 , . . . , en )


une base de V1 et B2 = (f1 , . . . , fm ) une base de V2 . Alors la matrice M (f t )
de f t dans les bases B∗2 et B∗1 est donnée par

M (f t ) = t M (f ), (1.5)

où M (f ) désigne la matrice de f dans les bases B1 et B2 et t M (f ) sa trans-


posée.

1.1.3 Bidual d'un espace vectoriel


Si V est un espace vectoriel sur K et V ∗ son dual, considérons le bidual V ∗∗ de
V , c'est-à-dire le dual de V ∗ . On peut dénir une application

φ : V −→ V ∗∗

en posant, pour tout u ∈ V et tout ` ∈ V ∗ ,

φ(u)(`) = `(u), u ∈ V, ` ∈ V ∗ . (1.6)


L'application φ est un toujours homomorphisme d'espace vectoriel. Si la dimen-
sion de V est nie, on montre le résultat beaucoup plus intéressant suivant :

Théorème 3 Si V est de dimension nie alors φ est un isomorphisme d'espace


vectoriel.
1.1. RAPPELS DE COURS 9

Remarque - Notons que si V est de dimension nie alors V et V ∗ ont


même dimension et sont donc isomorphes. Cependant, il n'y a pas en
général d'identication naturelle (indépendante du choix d'une base)
entre V et V ∗ . En revanche, l'isomorphisme φ entre V et V ∗∗ est par
construction indépendant du choix d'une base.

Attention ! le théorème 3 ne peut pas être généraliser au cas où la dimension


de V est innie. On peut toujours dénir l'homomorphisme φ mais celui-ci peut ne
pas être bijectif.

Nous nirons ce chapitre par une proposition très utile dans les chapitres sui-
vants.

Proposition 4 Si V est de dimension nie et si (`1 , . . . , `n ) est une base de V ∗


alors il existe une unique base B de V telle que B∗ = (`1 , . . . , `n ).

Voici une formule qui permet le calcul eectif de la base B qui intervient dans
la Proposition 4. Choisissons une base B0 = (e1 , . . . , en ) de V et posons B =
(f1 , . . . , fn ). Notons P = (pij )1≤i,j≤n la matrice de passage de B0 à B et Q =
(qij )1≤i,j≤n la matrice de passage de B∗0 à B∗ . On a, pour tous i, j = 1, . . . , n,

n
X n
X
fi = pki ek et `i = qki e∗k ,
k=1 k=1

et donc
n
X n
X n
X
`j (fi ) = pki `j (ek ) = pki qhj e∗h (ek ) = pki qkj ,
k=1 k,h=1 k=1

car e∗h (ek ) = 1 si h = k et 0 sinon. On déduit alors que (`1 , . . . , `n ) est duale de
(f1 , . . . , fn ) si et seulement si, pour tous i, j = 1, . . . , n,
n
X ½
1 si i = j,
pki qkj =
0 si i 6= j.
k=1

Ces relations s'écrivent matriciellement t QP = In , où In est la matrice identité


d'ordre n, et donc
P = t Q−1 . (1.7)
Notons qu'en vertu de 1.3, on a, pour tout i = 1, . . . , n,
n
X
`i = `i (ej )e∗j ,
j=1

ce qui permet le calcul de Q et donc de P .

Exemple - On considère sur R2 les deux formes linéaires `1 , `2 dénies


par
`1 (x, y) = x + y, et `2 (x, y) = x + 2y.
10 CHAPITRE 1. FORMES LINÉAIRES ET DUALITÉ

Nous allons montrer que (`1 , `2 ) est une base de (R2 )∗ et déterminer la
base B = (f1 , f2 ) telle que B ∗ = (`1 , `2 ).
Notons B0 = (e1 , e2 ) la base canonique de R2 . On a, d'après l'égalité
1.3,
`1 = `1 (e1 )e∗1 + `1 (e2 )e∗2 = e∗1 + e∗2 , et `2 = `2 (e1 )e∗1 + `2 (e2 )e∗2 = e∗1 + 2e∗2 .
µ ¶
1 1
Soit Q = la matrice de passage de B∗0 à (`1 , `2 ). Comme det Q =
1 2
1 6= 0, (`1 , `2 ) est une base de (R2 )∗ et Q est la matrice de passage de
B0∗ à B∗ . D'après 1.7,µla matrice¶ de passage P µde B0 à B ¶est donnée par
2 −1 2 −1
P = t Q−1 . Or, Q−1 = et donc P = . Finalement,
−1 1 −1 1

B = (2e1 − e2 , −e1 + e2 ) .
1.2. EXERCICES 11

1.2 Exercices
Exercice 1 Pour chacune des applications suivantes, montrer que c'est une forme
linéaire, déterminer une base de son noyau et un supplémentaire de ce noyau :
1. `1 : R2 −→ R, `1 (x, y) = x − y.
2. `2 : R4 −→ R, `2 (x, y, z, t) = x − y + 2z − t.
3. `3 : C4 −→ C, `3 (z1 , z2 , z3 , z4 ) = z1 + z2 − 3z3 + z4 .

Solution -
1. (a) Pour tous u1 = (x1 , y1 ), u2 = (x2 , y2 ) ∈ R2 et pour tout a ∈ R,

`1 (u1 + au2 ) = `1 (x1 + ax2 , y1 + ay2 ) = x1 + ax2 − (y1 + ay2 )


= x1 − y1 + a(x2 − y2 ) = `1 (u1 ) + a`1 (u2 ).

Donc `1 est une forme linéaire sur R2 .


(b) On a ker `1 = {(x, y) ∈ R2 ; x − y = 0}. Or, d'après la Proposition
1, dim ker `1 = 1 et donc pour donner une base de ker `1 , il sut d'y
choisir un vecteur non nul. Le vecteur (1, 1) est donc une base de ker `1 .
D'après le Théorème 1, toute droite vectorielle non contenue dans ker `1
est supplémentaire à celui-ci. La droite vectorielle engendrée par (0, 1)
répond à la question.
2. (a) Pour tous u = (x1 , y1 , z1 , t1 ), v = (x2 , y2 , z2 , t2 ) ∈ R4 et pour tout
a ∈ R, on a

`2 (u + av) = `2 (x1 + ax2 , y1 + ay2 , z1 + az2 , t1 + at2 )


= x1 + ax2 − (y1 + ay2 ) + 2(z1 + az2 )
−(t1 + at2 )
= x1 − y1 + 2z1 − t1 + a(x2 − y2 + 2z2 − t2 )
= `2 (u) + a`2 (v).

Donc `2 est une forme linéaire sur R4 .


(b) On a ker `2 = {(x, y, z, t) ∈ R4 ; x−y+2z−t = 0}. Or, d'après la Proposi-
tion 1, dim ker `2 = 3 et donc pour donner une base de ker `2 , il sut d'y
choisir une famille de 3 vecteurs linéairement indépendants. Les vecteurs
e1 = (1, 1, 0, 0), e2 = (2, 0, −1, 0) et e3 = (1, 0, 0, 1) sont dans ker `2 . Vé-
rions qu'ils sont linéairement indépendants. Pour (a, b, c) ∈ R3 , on a


 a + 2b + c = 0

a=0
ae1 + be2 + ce3 = (0, 0, 0, 0) ⇔ ⇔ a = b = c = 0.
 −b = 0


c=0

Finalement, {e1 , e2 , e3 } est une base de ker `2 .


D'après le Théorème 1, toute droite vectorielle non contenue dans ker `2
est supplémentaire à celui-ci. La droite vectorielle engendrée par (1, 0, 0, 0)
répond à la question.
12 CHAPITRE 1. FORMES LINÉAIRES ET DUALITÉ

3. (a) Pour tous u = (z1 , z2 , z3 , z4 ), v = (z10 , z20 , z30 , z40 ) ∈ C4 et pour tout
a ∈ C, on a
`3 (u + av) = `3 (z1 + az10 , z2 + az20 , z3 + az30 , z4 + az40 )
= (z1 + az10 ) + (z2 + az20 ) − 3(z3 + az30 )
+(z4 + az40 )
= z1 + z2 − 3z3 + z4 + a(z10 + z20 − 3z30 + z40 )
= `3 (u) + a`3 (v).
Donc `3 est une forme linéaire sur C4 .
(b) On a ker `3 = {(z1 , z2 , z3 , z4 ) ∈ C4 ; z1 +z2 −3z3 +z4 = 0}. Or, d'après la
Proposition 1, dimC ker `3 = 3 et donc pour donner une base de ker `3 ,
il sut d'y choisir une famille de 3 vecteurs linéairement indépendants.
Les vecteurs e1 = (1, −1, 0, 0), e2 = (3, 0, 1, 0) et e3 = (1, 0, 0, −1)
sont dans ker `3 . Vérions qu'ils sont linéairement indépendants. Pour
(a, b, c) ∈ C3 , on a


 a + 3b + c = 0

−a = 0
ae1 + be2 + ce3 = (0, 0, 0, 0) ⇔ ⇔ a = b = c = 0.

 b=0

−c = 0
Finalement, {e1 , e2 , e3 } est une base de ker `3 . D'après le Théorème
1, toute droite vectorielle non contenue dans ker `3 est supplémentaire
à celui-ci. La droite vectorielle engendrée par (1, 0, 0, 0) répond à la
question.

Exercice 2 On considère l'espace vectoriel R3 muni de sa base canonique B =


(e1 , e2 , e3 ). Soient `1 , `2 , `3 : R3 −→ R dénies, pour tout (x, y, z) ∈ R3 , par :
`1 (x, y, z) = x − y + 2z, `2 (x, y, z) = 2x − y + 3z, `3 (x, y, z) = x − z,
et F : R3 −→ R3 dénie par F (x, y, z) = (`1 (x, y, z), `2 (x, y, z), `3 (x, y, z)).
1. Montrer que `1 , `2 et `3 sont des formes linéaires sur R3 .
2. Exprimer les coordonnées de `1 , `2 et `3 dans la base duale B∗ de B.
3. Montrer que B∗1 = (`1 , `2 , `3 ) est une base de (R3 )∗ et déterminer la base B1
de R3 dont elle est la base duale.
4. Montrer que F est un endomorphisme de R3 et donner la matrice de F t
(transposé de F ) dans B∗1 .

Solution -
1. Pour tous (x1 , y1 , z1 ), (x2 , y2 , z2 ) ∈ R3 et tout a ∈ R, on a
`1 ((x1 , y1 , z1 ) + a(x2 , y2 , z2 )) = `1 (x1 + ax2 , y1 + ay2 , z1 + az2 )
= x1 + ax2 − (y1 + ay2 ) + 2(z1 + z2 )
= x1 − y1 + 2z1 + a(x2 − y2 + 2z2 )
= `1 (x1 , y1 , z1 ) + a`1 (x2 , y2 , z2 ).
1.2. EXERCICES 13

Donc `1 est une forme linéaire sur R3 . D'une manière analogue, on vérie
aisément que `2 et `3 sont des formes linéaires.
2. D'après 1.3, on a

`1 = `1 (e1 )e∗1 + `1 (e2 )e∗2 + `1 (e3 )e∗3 = e∗1 − e∗2 + 2e∗3 ,


`2 = `2 (e1 )e∗1 + `2 (e2 )e∗2 + `2 (e3 )e∗3 = 2e∗1 − e∗2 + 3e∗3 ,
`3 = `3 (e1 )e∗1 + `3 (e2 )e∗2 + `3 (e3 )e∗3 = e∗1 − e∗3 .
 
1 2 1
3. Soit Q =  −1 −1 0  la matrice de passage de B∗ à (`1 , `2 , `3 ).
2 3 −1
Puisque la famille (`1 , `2 , `3 ) contient autant d'éléments que la dimension
de (R3 )∗ , cette famille est une base si et seulement si det Q 6= 0. Or,
¯ ¯
¯ 1 2 1 ¯¯
¯
det Q = ¯¯ −1 −1 0 ¯¯ (On développe suivant la dernière colonne).
¯ 2 3 −1 ¯
¯ ¯ ¯ ¯
¯ −1 −1 ¯ ¯ 1 2 ¯¯
= ¯¯ ¯−¯ = −1 − 1 = −2 6= 0.
2 3 ¯ ¯ −1 −1 ¯

Donc B∗1 = (`1 , `2 , `3 ) est une base de (R3 )∗ . D'après 1.7, la matrice de
passage P de B à B1 est donnée parP =t Q−1 . Pour
−1
 calculer Q , nous
x X
allons résoudre le système linéaire Q  y  =  Y  . Ce système s'écrit
z Z

 x + 2y + z = X
−x − y = Y

2x + 3y − z = Z

En ajoutant la troisième équation à la première le système devient



 3x + 5y = X +Z
−x − y = Y

2x + 3y − z = Z

La résolution des deux premières équations par les formules de Cramer nous
donne
¯ ¯
¯ X +Z 5 ¯
¯ ¯
¯ Y −1 ¯ 1
x = = − (X + 5Y + Z),
¯ 2 ¯ 2
¯ 3 X +Z ¯
¯ ¯
¯ −1 Y ¯ 1
y = = (X + 3Y + Z).
2 2
1
De la dernière équation, on déduit que z = 2x+ 3y − Z =  2 (X − Y − Z). On

−1 −5 −1 −1 1 1
obtient alors que Q−1 = 12  1 3 1  et P = 12  −5 3 −1  ,
1 −1 −1 −1 1 −1
et donc B1 = (− 12 (e1 + 5e2 + e3 ), 12 (e1 + 3e2 + e3 ), − 21 (−e1 + e2 + e3 )).
14 CHAPITRE 1. FORMES LINÉAIRES ET DUALITÉ

4. Puisque F = (`1 , `2 , `3 ), les trois composantes de F sont linéaires et donc F


est un endomorphisme de R3 .
Pour calculer la matrice de F t dans B∗1 , nous allons calculer les coordonnées
de F t (`1 ), F t (`2 ) et F t (`3 ) dans B∗1 . Pour j = 1, . . . , 3, on a
1.3
F t (`j ) = F t (`j )(f1 )`1 + F t (`j )(f2 )`2 + F t (`j )(f3 )`3
1.4
= `j (F (f1 ))`1 + `j (F (f2 ))`2 + `j (F (f3 ))`3
= `j ((`1 (f1 ), `2 (f1 ), `3 (f1 ))) `1 + `j ((`1 (f2 ), `2 (f2 ), `3 (f2 ))) `2
+`j ((`1 (f3 ), `2 (f3 ), `3 (f3 ))) `3
= `j (e1 )`1 + `j (e2 )`2 + `j (e3 )`3 (dualité de B1 et B∗1 ).
On déduit donc  
1 2 1
MB∗ (F t ) =  −1 −1 0 .
1
2 3 −1

Exercice 3 On considère l'espace vectoriel C ∞ (R) des fonctions C ∞ de R dans


R. Pour n un entier non nul et pour tout 0 ≤ k ≤ n, on dénit dk : C ∞ (R) −→ R
par
dk (f ) = f (k) (0),
où f (k) désigne la dérivée d'ordre k de f .
1. Montrer que la famille (d0 , . . . , dn ) est une famille libre de (C ∞ (R))∗ .
2. En déduire que C ∞ (R) est de dimension innie.

Solution -
1. Pour tous f, g ∈ C ∞ (R) et tout a ∈ R, on a
dk (f + ag) = (f + ag)(k) (0) = f (k) (0) + ag (k) (0) = dk (f ) + adk (g),

et donc dk ∈ (C ∞ (R)) . Montrons maintenant que (d0 , . . . , dn ) est une famille
libre. Soient (a0 , a1 , . . . , an ) une famille de nombres réels telle que
a0 d0 + a1 d1 + . . . + an dn = 0.
Ainsi, pour toute fonction f ∈ C ∞ (R), on a
a0 d0 (f ) + a1 d1 (f ) + . . . + an dn (f ) = 0,
soit
a0 f (0) + a1 f (1) (0) + . . . + an f (n) (0) = 0 ∀f ∈ C ∞ (R). (1.8)
Par un choix judicieux de fonctions particulières, nous allons montrer que
a0 = . . . = an = 0. Nous allons procéder par récurrence sur n. En eet, si on
prend f = 1 dans 1.8, on obtient a0 = 0. Supposons que a0 = 0 = . . . = ak =
0. Prenons f (x) = xk+1 dans 1.8. Puisque f (k+1) (0) = (k + 1)! et f (p) (0) = 0
pour tout p ≥ k + 1 et en vertu de l'hypothèse de récurrence, on obtient
(k + 1)!ak+1 = 0, soit ak+1 = 0, ce qui achève le raisonnement par récurrence
et montre que a0 = . . . = an = 0. La famille (d0 , . . . , dn ) est donc une famille

libre (C ∞ (R)) .
1.2. EXERCICES 15

2. Nous allons raisonner par absurde. Supposons que C ∞ (R) est de dimension

nie n. D'après le Théorème 2, (C ∞ (R)) est aussi de dimension nie n et

donc toute famille à n + 1 éléments dans (C ∞ (R)) est liée. Or, la famille
construite dans à la question précédente contient n + 1 éléments et elle est
libre ; ceci est une contradiction.

Exercice 4 Dans cet exercice K = R ou C. Soit n ∈ N∗ un entier non nul. On


considère Kn [X] l'espace vectoriel des polynômes à coecients dans K et de degré
inférieur ou égal à n. Soit (a0 , . . . , an ) une famille d'éléments de K deux à deux
distincts. Pour 0 ≤ k ≤ n, on dénit `k : Kn [X] −→ K par

`k (P ) = P (ak ).

1. Montrer que (`0 , . . . , `n ) est une base de (Kn [X])∗ et trouver la base de Kn [X]
dont c'est la base duale.
2. Soient f : [0, 1] −→ K une fonction continue. Montrer l'existence d'une fa-
mille unique (b0 , . . . , bn ) de scalaires telle que
Z 1 n
X
∀P ∈ Kn [X], f (t)P (t)dt = bk P (ak ).
0 k=0

Solution -
1. Pour tous P, Q ∈ Kn [X] et pour tout a ∈ K, on a

`k (P + aQ) = (P + aQ)(ak ) = P (ak ) + aQ(ak ) = `k (P ) + a`k (Q),

et donc `k ∈ (Kn [X])∗ . Montrons maintenant que la famille (`0 , . . . , `n ) est


libre. Soient a0 , . . . , an des scalaires tels que a0 `0 + . . . + an `n = 0. Pour tout
P ∈ Kn [X], on a a0 `0 (P ) + . . . + an `n (P ) = 0, soit

a0 P (a0 ) + . . . + an P (an ) = 0 ∀P ∈ Kn [X]. (1.9)

Par un choix judicieux de polynômes particuliers, nous allons montrer que


0 = . . . = an = 0. Pour tout 0 ≤ k ≤ n, on considère le polynôme Pk =
aY
(X − aj ). On a, Pk (aj ) = 0 pour tout j 6= k et donc, en remplaçant dans
j6=k
1.9 le polynôme P par Pk , on obtient
Y
ak (ak − aj ) = 0,
j6=k

ce qui entraîne ak = 0, puisque a0 , . . . , an sont deux à deux distincts. Ceci



prouve que (`0 , . . . , `n ) est libre et donc c'est une base puisque dim (Kn [X]) =
n + 1.
Notons (L0 , . . . , Ln ) la base de Kn [X] dont la base duale est (`0 , . . . , `n ).
La dualité est équivalente à `j (Li ) = δij , pour tous i, j = 1, . . . , n (δij est
le symbole de Chroneker valant 1 si i = j et 0 sinon). Ces relations sont
16 CHAPITRE 1. FORMES LINÉAIRES ET DUALITÉ

équivalentes à Li (aj ) = δij pour tous i, j = 1, . . . , n. Ainsi, pour chaque


i = 1, . . . , n, le polynôme Li est un polynôme de degré inférieur
Q ou égal à n
admettant pour racines tous les aj sauf ai et donc Li = c j6=i (X − aj ), où c
 −1
Y
est une constante. La relation Li (ai ) = 1 entraîne que c =  (ai − aj )
j6=i
et nalement  −1
Y Y
Li =  (ai − aj ) (X − aj ).
j6=i j6=i

Les polynômes (L0 , . . . , Ln ) sont appelés polynômes interpolateurs de


Lagrange aux points a0 , . . . , an .
2. Considérons l'application φf : Kn [X] −→ K dénie par
Z 1
φf (P ) = f (t)P (t)dt.
0

Pour tous P, Q ∈ Kn [X] et tout a ∈ K, on a


Z 1
φf (P + aQ) = f (t)(P (t) + aQ(t))dt
0
Z 1 Z 1
= f (t)P (t)dt + a f (t)Q(t)dt
0 0
= φf (P ) + aφf (Q),
∗ ∗
et donc φf ∈ (Kn [X]) . Or, d'après 1., (`0 , . . . , `n ) est une base de (Kn [X])
et donc φf s'écrit de manière unique φf = b0 `0 + . . . + bn `n , où b0 , . . . , bn
sont des scalaires. Cette relation est équivalente à

φf (P ) = b0 `0 (P ) + . . . + bn `n (P ),

pour tout P ∈ Kn [X], soit


Z 1
f (t)P (t)dt = b0 P (a0 ) + . . . + bn P (an ),
0

pour tout P ∈ Kn [X]. Ceci aboutit au résultat.

Exercice 5 Soit H un hyperplan dans un espace vectoriel V . Montrer que H 0 =


{` ∈ V ∗ ; H ⊂ ker `} est une droite vectorielle de V ∗ .

Solution -
Par dénition d'un hyperplan, il existe `0 ∈ V ∗ \ {0} tel que H = ker `0 . Nous
allons montrer que H 0 est la droite vectorielle engendrée par `0 . Choisissons v0 ∈ V
tel que `0 (v0 ) = 1. On a, d'après le Théorème 1, V = (Kv0 ) ⊕ H. Soit ` ∈ H 0 et
1.2. EXERCICES 17

soit v ∈ V . Il existe donc k ∈ K et h ∈ H tel que v = kv0 + h. Donc, comme H est


inclus dans ker `,

`(v) = `(kv0 + h) = k`(v0 ) + `(h) = k`(v0 ) (H ⊂ ker `).

De la même manière, on a `0 (v) = k et donc, pour tout v ∈ V , `(v) = `(v0 )`0 (v).
Cette relation montre que ` = `(v0 )`0 et permet de conclure.

Exercice 6 Soient `1 et `2 deux formes linéaires sur un K-espace vectoriel V ,


K = R ou C. Montrer que l'application φ : V −→ K dénie en posant pour tout
u ∈ V , φ(u) = `1 (u)`2 (v) est une forme linéaire si et seulement si l'une de ces deux
formes est nulle.

Solution -
L'application φ est une forme linéaire si et seulement si, pour tous u, v ∈ V et
a ∈ K, on a

Q = `1 (u + av)`2 (u + av) − `1 (u)`2 (u) − a`1 (v)`2 (v) = 0. (1.10)

Explicitons la quantité Q. On a

Q = `1 (u + av)`2 (u + av) − `1 (u)`2 (u) − a`1 (v)`2 (v)


= (`1 (u) + a`1 (v))(`2 (u) + a`2 (v)) − `1 (u)`2 (u) − a`1 (v)`2 (v)
= a [`1 (u)`2 (v) + `1 (v)`2 (u) + (a − 1)`1 (v)`2 (v)] .

La relation 1.10 est équivalente à

a [`1 (u)`2 (v) + `1 (v)`2 (u) + (a − 1)`1 (v)`2 (v)] = 0, (1.11)

pour tous u, v ∈ V et tout a ∈ K.


Supposons que `1 6= 0 et choisissons v0 ∈ V tel que `1 (v0 ) = 1. Prenons dans
1.11, u = v0 , v = v0 et a = 1. On obtient alors 2`2 (v0 ) = 0, soit `2 (v0 ) = 0. Dans
un deuxième temps, prenons dans 1.11, u = v0 , v = h ∈ ker `1 et a = 1. On obtient
alors `2 (h) = 0. Or, d'après le Théorème 1, V = (Kv0 ) ⊕ ker `1 , et donc `2 = 0, ce
qui permet de conclure.

Exercice 7 Dans cet exercice K = R ou C.


1. Soit φ : Mn (K) −→ K une forme linéaire vériant φ(In ) = 1 et pour tout
M ∈ Mn (K)
φ(M ) = 0 ⇒ det M = 0. (1.12)
(a) Montrer que, pour tout M ∈ Mn (K), φ(M ) est une valeur propre de
M.
(b) Montrer que, pour tout M = (mij )1≤i,j≤n , φ(M ) ∈ {m11 , . . . , mnn }.
2. (a) Montrer que la matrice M0 = (mij )1≤i,j≤n vériant mii = 0 pour tout
i = 1, . . . , n et mij = 1 pour tous i 6= j est inversible pour tout n ≥ 2.
(On pourra montrer que 1 n'est pas valeur propre de M0 + In .)
18 CHAPITRE 1. FORMES LINÉAIRES ET DUALITÉ

(b) Déduire de tout ce qui précéde que, pour n ≥ 2, tout hyperplan de


Mn (K) rencontre GLn (K) = {M ∈ Mn (K), det M 6= 0}.

Solution -
1. (a) On a
φ(M − φ(M )In ) = φ(M ) − φ(M )φ(In ) = 0.
Donc, d'après 1.12, det(M − φ(M )In ) = 0 et donc φ(M ) est une valeur
propre de M .
(b) Ecrivons M = S +N où S est une matrice diagonale supérieure dont les
termes diagonaux sont ceux de M , et N une matrice diagonale inférieure
dont tous les termes diagonaux sont nuls.
Le polynôme caractéristique de N est (−1)n X n et donc 0 est la seule
valeur propre de N , d'après (a), φ(N ) = 0. Les valeurs propres de S
sont {m11 , . . . , mnn } et donc, d'après (a), φ(S) ∈ {m11 , . . . , mnn }. Or,
φ(M ) = φ(S) + φ(N ) = φ(S), ce qui permet de conclure.
2. (a) Les vecteurs
 colonnes de la matrice M = M0 + In sont tous égaux
1
à  ...  et donc M est de rang 1. D'après le théorème du rang,
 

1
dim ker M = n − 1 et, par suite, 0 est valeur propre de M de mul-
tiplicité n − 1. Si 1 est valeur propre de M alors M serait diagonalisable
et il existerait une matrice inversible P telle que M = P −1 DP où D est
la matrice diagonale dont un seul terme diagonal est non nul et vaut 1.
On déduit que Tr(M ) = Tr(D) = 1. Or, Tr(M ) = Tr(In ) = n ce qui
constitut une contradiction si n ≥ 2. On déduit que 1 n'est pas valeur
propre de M , c'est-à-dire, det(M − In ) = det(M0 ) 6= 0 et donc M0 est
inversible.
(b) Raisonnons par absurde et supposons qu'il existe un hyperplan H de
Mn (K) tel que H ∩ GLn (K) = ∅. Soit φ une forme linéaire sur Mn (K)
tel que ker φ = H . On a φ(In ) 6= 0 et, quite à multiplier par φ(In )−1 , on
peut supposer φ(In ) = 1. La condition H ∩ GLn (K) = ∅ est équivalente
à 1.12. Or, d'après 1. (b), φ(M0 ) = 0, ce qui contredit 1. (a) et le fait
que M0 est inversible.
Chapitre 2

Formes quadratiques réelles

2.1 Rappels de cours


Ce chapitre est entièrement consacré à l'étude des formes bilinéaires symétriques
sur un espace vectoriel réel et des formes quadratiques associées. Dans tout ce
chapitre, V désigne un espace vectoriel réel, de dimension nie ou non.

2.1.1 Généralités
Dénition 3 1. Une forme bilinéaire sur V est une application B : V × V −→
R vériant, pour tous u, v1 , v2 ∈ V et pour tout a ∈ R,

B(u, v1 + av2 ) = B(u, v1 ) + aB(u, v2 ),


B(v1 + av2 , u) = B(v1 , u) + aB(v2 , u).

2. Une forme bilinéaire B sur V est dite symétrique si pour tous u, v ∈ V ,


B(u, v) = B(v, u).
3. Une forme bilinéaire B sur V est dite antisymétrique ou alternée si pour tous
u, v ∈ V , B(u, v) = −B(v, u).
On désignera par Bil(V ), S(V ) et A(V ), respectivement, l'espace des formes
bilinéaires sur V , l'espace des formes bilinéaires symétriques sur V et l'espace des
formes bilinéaires alternées sur V .

Notons que B(V ), S(V ) et A(V ) sont des espaces vectoriels réels.

Exemples -
1. Si (`1 , . . . , `p ) est une famille de formes linéaires sur V et (aij )1≤i,j≤p une
matrice carrée X réelle d'ordre p, alors l'application B : V × V −→ R dénie
par B(u, v) = ai,j `i (u)`j (v) est une forme bilinéaire sur V . En général,
i,j
B n'est ni symétrique ni antisymétrique.
R1
2. L'application C([0, 1], R) × C([0, 1], R) −→ R qui à (f, g) 7→ 0
f (t)g(t)dt est
une forme bilinéaire symétrique sur C([0, 1], R).
3. L'application Mn (R) × Mn (R) −→ R qui à un couple de matrices (A, B)
associe Tr(AB) est une forme bilinéaire symétrique sur Mn (R) (voir 1.1).

19
20 CHAPITRE 2. FORMES QUADRATIQUES RÉELLES

Si V est de dimension nie et si B = (e1 , . . . , en ) est une base de V , une forme


bilinéaire B a pour expression

Xn n
X X
B( xi ei , yi ei ) = xi yj B(ei , ej ).
i=1 i=1 1≤i,j≤n

Cette expression s'écrit matriciellement

Xn n
X
B( xi ei , yi ei ) = t XM Y, (2.1)
i=1 i=1


  
x1 y1
où M = (B(ei , ej ))1≤i,j≤n , X =  ...  et Y =  ... .
   

xn yn
La matrice M est appelée matrice de la forme bilinéaire B dans la base B.
La proposition suivante décrit l'eet d'un changement de base sur la matrice
d'une forme bilinéaire.

Proposition 5 Soient B1 et B2 deux bases de V . Notons P la matrice de passage


de B1 à B2 , M1 et M2 , respectivement, la matrice d'une forme bilinéaire B dans
B1 et la matrice de B dans B2 . Alors

M2 = t P M1 P. (2.2)

Exemples -
3
1. Soit B la forme bilinéaire sur
 R dont la  matrice dans la base canonique B
1 1 1
de R3 est donnée par M =  0 0 2  . Nous allons calculer B(x, y) et
−1 4 3
la matrice de B dans B0 = ((1, 1, 1), (−1, 1, 1), (1, 1, −1)) (après avoir vérié
que B0 est une base). D'après 2.1, si x = (x1 , x2 , x3 ) et y = (y1 , y2 , y3 ),
  
1 1 1 y1
B(x, y) = (x1 , x2 , x3 )  0 0 2   y2 
−1 4 3 y3
 
y1 + y2 + y3
= (x1 , x2 , x3 )  2y3 
−y1 + 4y2 + 3y3
= x1 (y1 + y2 + y3 ) + 2x2 y3 + x3 (−y1 + 4y2 + 3y3 ).

D'un autre côté, on a


¯ ¯ ¯ ¯
¯ 1 −1 1 ¯ ¯ 1 −1 1 ¯
¯ ¯ (L2 −L1 ,L3 −L1 ) ¯ ¯
det(B0 ) = ¯¯ 1 1 1 ¯
¯ = ¯ 0
¯ 2 0 ¯ = −4 6= 0.
¯
B ¯ 1 1 −1 ¯ ¯ 0 2 −2 ¯

Donc B0 est une base de R3 . Notons P la matrice de passage de B à B0 . La


2.1. RAPPELS DE COURS 21

matrice M 0 de B dans B0 est donnée par la formule 2.2,


   
1 1 1 1 1 1 1 −1 1
M 0 = t P M P =  −1 1 1  0 0 2  1 1 1 
1 1 −1 −1 4 3 1 1 −1
  
1 1 1 3 1 1
=  −1 1 1   2 2 −2 
1 1 −1 6 8 0
 
11 11 −1
=  5 9 −3  .
−1 −5 −1

2.1.2 Formes bilinéaires symétriques


Formes quadratiques
Grâce à leur symétrie, les formes bilinéaires symétriques peuvent être identiées
à des objets mathématiques plus simples à manipuler. Ces objets sont les formes
quadratiques.
Dénition 4 Une forme quadratique sur V est une application q : V −→ R telle
que, pour tout u ∈ V , q(u) = B(u, u), où B est une forme bilinéaire sur V .
Remarques - Une forme quadratique peut être dénie par plusieurs formes bili-
néaires. Par exemple, les formes bilinéaires B1 , B2 : R2 −→ R dénies, pour tous
x, y ∈ R2 , par B1 (x, y) = x1 y1 + x2 y2 et B2 (x, y) = x1 y1 + x1 y2 − x2 y1 + x1 y2
dénissent la même forme quadratique
q(x) = B1 (x, x) = x21 + x22 = x21 + x1 x2 − x2 x1 + x22 = B2 (x, x).

L'unicité de B est assurée par le résultat suivant.


Proposition 6 Si q est une forme quadratique sur V alors il existe une unique
forme bilinéaire symétrique S telle que, pour tout u ∈ V , q(u) = S(u, u). De plus,
S est donnée par les formules de polarisation :
1 1
S(u, v) = (q(u + v) − q(u − v)) = (q(u + v) − q(u) − q(v)) . (2.3)
4 2
Dénition 5 La forme bilinéaire symétrique donnée par 2.3 est appelée forme po-
laire de la forme quadratique q .

La matrice d'une forme quadratique q dans une base B est la matrice de sa


forme polaire dans B . Si M = (mij )1≤i,j≤n est une telle matrice, d'après 2.1,
n
X X n
X X
q( x i ei ) = mij xi xj = mii x2i + mij xi xj (2.4)
i=1 1≤i,j≤n i=1 1≤i6=j≤n
Xn X
= mii x2i + 2 mij xi xj . (2.5)
i=1 1≤i<j≤n

Inversement, toute application q : V −→ R qui s'écrit dans une base de la forme


2.4 est une forme quadratique.
22 CHAPITRE 2. FORMES QUADRATIQUES RÉELLES

Proposition 7 Soit q : V −→ R où V est de dimension nie. Alors q est une


forme quadratique sur V si et seulement s'il existe une base B = (e1 , . . . , en ) de V
telle que

Xn X n
X X
q( xi ei ) = mij xi xj = mii x2i + 2 mij xi xj .
i=1 1≤i,j≤n i=1 1≤i<j≤n

En plus, si une telle base B existe, alors la matrice de q dans M est donnée par
M = (mij )1≤i,j≤n .

Exemples - L'application q : M2 (R) −→ R dénie, pour


µ tout A
¶ ∈ M2 (R), par
a b
q(A) = det(A) est une forme quadratique. En eet, si A = alors (a, b, c, d)
c d
sont les coordonnées de A dans la base canonique B de M2 (R) et q(A) = ad − bc.
Donc q est une forme quadratique, en vertu de la Proposition 7. De plus, la matrice
de q dans B est donnée par
 
0 0 0 1
1 0 0 −1 0 
M=  .
2  0 −1 0 0 
1 0 0 0

Dénition 6 1. Le noyau d'une forme quadratique q dont la forme polaire est


S est donné par ker q = {u ∈ V ; S(u, v) = 0 ∀v ∈ V }.
2. Une forme quadratique est non-dégénérée si ker q = {0}.
3. Un vecteur non nul v ∈ V est dit isotrope si q(v) = 0.
4. On appelle cône isotrope de q l'ensemble noté C(q) des vecteurs isotopes.

Si B1 et B2 sont deux bases de V et si M1 et M2 sont, respectivement, les


matrices d'une forme quadratique q dans les bases B1 et B2 , on a, d'après 2.2,
M2 = t P M1 P . Il en résulte que les matrices M1 et M2 sont équivalentes et donc
sont de même rang. Ceci nous amène à poser la dénition suivante.

Dénition 7 Le rang d'une forme quadratique q sur V noté rgq est le rang de sa
matrice dans n'importe quelle base de V .

Si (e1 , . . . , en ) est une base de V alors


   
x1 0
X
M  ...  =  ..  ,
  
u= xi ei ∈ ker q ⇔ .  (2.6)
i xn 0

où M est la matrice de q . On déduit donc d'après le théorème du rang que

dim V = dim ker q + rgq. (2.7)


2.1. RAPPELS DE COURS 23

Théorème de réduction de Gauss


Nous allons maintenant énoncer un des résultats centraux de ce chapitre : le
théorème de réduction de Gauss d'une forme quadratique réelle sur un espace vec-
toriel de dimension nie.
Théorème 4 Soit q : V −→ R une forme quadratique sur un espace vectoriel de
dimension nie n. Alors il existe une famille (`1 , . . . , `p ) (p ≤ n) de formes linéaires
indépendantes et une famille de nombres réels (a1 , . . . , ap ) tous non nuls tels que
pour tout u ∈ V ,
p
X
q(u) = ai `i (u)2 . (2.8)
i=1
Remarques -
1. La décomposition 2.8 n'est pas unique. En eet, la forme quadratique sur R2
donnée par q(x, y) = x2 + 2xy − y 2 peut s'écrire q(x, y) = (x + y)2 − 2y 2 =
−(x − y)2 + 2x2 .
2. Toute expression de la forme 2.8 n'est pas forcément une réduction de Gauss.
Pour que ce soit le cas, il faut que (`1 , . . . , `p ) soit une famille libre. Par
exemple, l'expression x2 + y 2 + 21 (x + y)2 − 12 (x − y)2 n'est pas une réduction
de Gauss de la forme quadratique q(x, y) = x2 + 2xy + y 2 .
La preuve de ce théorème est basée sur une récurrence et présente l'avantage d'être
algorithmique, c'est-à-dire qu'elle fournit une méthode pratique pour écrire une
forme quadratique sous l'expression 2.8. Cette méthode est connue sous le nom de
méthode de Gauss pour la réduction d'une forme quadratique. Nous allons main-
tenant décrire cette méthode et l'appliquer ensuite sur quelques exemples pour
permettre au lecteur de se familiariser avec elle.

Soit V un espace vectoriel de dimension nie et q : V −→ R une forme quadra-


tique sur V . On commence par choisir une base B = (e1 , . . . , en ) de V . Dans cette
base, d'après 2.4, q s'écrit
n
X X
q(u) = mii x2i + mij xi xj ,
i=1 i6=j
n
X
avec u = xi ei . Deux situations peuvent se présenter :
i=1
n
X
1. Le terme mii x2i est non nul, c'est-à-dire qu'il existe 1 ≤ i ≤ n tel que
i=1
mii 6= 0. Sans perdre de généralité, on peut supposer que m11 6= 0. On écrit
alors
n
X
q(u) = m11 x21 + 2 m1i x1 xi + R(x2 , . . . , xn ).
i=2
Maintenant, on a
n
à n
!
X (m11 6=0) X m1i
m11 x21 +2 m1i x1 xi = m11 +2 x21 x1 xi
i=2 i=2
m11
à n
!2 n
X m1i X m21i 2
= m11 x1 + xi − x .
i=2
m11 i=2
m211 i
24 CHAPITRE 2. FORMES QUADRATIQUES RÉELLES

On obtient donc que

q(u) = m11 `1 (u)2 + q 0 (x2 , . . . , xn ), (2.9)


X n
m1i
où `1 est la forme linéaire sur V dénie par `1 (u) = x1 + xi .
i=2
m 11
Notons que "le reste" q 0 (x2 , . . . , xn ) ne dépend que de (x2 , . . . , xn ) et peut être
considéré comme une forme quadratique sur l'espace vectoriel de dimension
n − 1 engendré par (e2 , . . . , en ).
Xn X
2. Le terme mii x2i est nul, c'est-à-dire que q(u) = mij xi xj . On peut
i=1 i6=j
supposer q 6= 0 et supposer m12 6= 0. On écrit alors
n
X n
X
q(u) = 2(m12 x1 x2 + x1 m1i xi + x2 m2i xi ) + R(x3 , . . . , xn )
i=3 i=3
= 2q0 (u) + R(x3 , . . . , xn ),
n
X n
X
avec q0 (u) = m12 x1 x2 + x1 m1i xi + x2 m2i xi . Maintenant
i=3 i=3
à n n
!
X m1i X m2i
q0 (u) = m12 x1 x2 + x1 xi + x2 xi
i=3
m12 i=3
m12
à n
!Ã n
!
X m2i X m1i
= m12 x1 + xi x2 + xi
i=3
m12 i=3
m12
à n !à n !
X m1i X m2i
− xi xi .
i=3
m12 i=3
m12

On obtient donc que

q(u) = 2m12 L1 (u)L2 (u) + q 0 (x3 , . . . , xn ),


Xn Xn
m2i m1i
L1 (u) = x1 + xi et L2 (u) = x2 + xi .
i=3
m12 i=3
m12
En posant `1 = L1 + L2 et `2 = L1 − L2 , on obtient
1 1
q(u) = m12 `1 (u)2 − m12 `2 (u)2 + q 0 (x3 , . . . , xn ). (2.10)
2 2
On itére ce qui vient d'être fait à la forme quadratique q 0 qui apparaît dans 2.9
et 2.10 et qui ne dépend que de x2 , . . . , xn pour arriver de proche en proche à la
formule souhaitée.

Exemples -
1. On considère la forme quadratique sur R3 dénie par

q(x, y, z) = x2 + 2xy + 2xz − z 2 .


2.1. RAPPELS DE COURS 25

Nous allons eectuer une réduction de Gauss de q . On a

q(x, y, z) = x2 + 2xy + 2xz − z 2


= x2 + 2x(y + z) − z 2
= (x + y + z)2 − (y + z)2 − z 2 .

On obtient alors une réduction de Gauss de q .


2. On considère la forme quadratique q sur R4 dénie par

q(x, y, z, t) = xy + 2xz − yz + 3zt − 4yt.

Nous allons eectuer une réduction de Gauss de q . On a

q(u) = xy + 2xz − y(z + 4t) + 3zt


= (x − z − 4t)(y + 2z) + 2z(z + 4t) + 3zt
1 2 1 2
= ((x − z − 4t) + (y + 2z)) − ((x − z − 4t) − (y + 2z)) + 2z 2 + 11zt
4 4
1 2 1 2 11 121 2
= (x + y + z − 4t) − (x − y − 3z − 4t) + 2(z + t)2 − t .
4 4 4 8

Ainsi une réduction de Gauss de q est

1 2 1 2 11 121 2
q(x, y, z, t) = (x + y + z − 4t) − (x − y − 3z − 4t) +2(z + t)2 − t .
4 4 4 8

Bases orthogonales, bases orthonormales et signature d'une forme


quadratique
Soit q : V −→ R et une forme quadratique sur un espace vectoriel V de di-
mension nie n. D'après le Théorème 4, il existe une famille de formes linéaires
indépendantes (`1 , . . . , `p ) (p ≤ n) et une famille de nombres réels (a1 , . . . , ap ) tous
Xp
non nuls tels que pour tout u ∈ V , q(u) = ai `i (u)2 . La famille (`1 , . . . , `p )
i=1
étant libre, on peut la complèter par une famille (c1 , . . . , cn−p ) pour avoir une base
(`1 , . . . , `p , c1 , . . . , cn−p ) de V ∗ . En vertu de la Proposition 4, il existe une base
B = (f1 , . . . , fn ) telle que la base duale B∗ est égale à (`1 , . . . , `p , c1 , . . . , cn−p ).
Nous allons écrire la matrice de q dans la base B. La forme polaire S de q est
donnée par
p
X
S(u, v) = ai `i (u)`i (v),
i=1

et donc, pour i, j = 1, . . . , n, on a

p
X ½
ai si i ≤ p et i = j
S(fi , fj ) = ak `k (fi )`k (fj ) = (2.11)
0 sinon.
k=1
26 CHAPITRE 2. FORMES QUADRATIQUES RÉELLES

Il en résulte que la matrice de q dans B est la matrice diagonale


 
a1 0 ... 0 ... ... 0
 0 a2 . . . 0 . . . . . . 0 
 
 .. .. .. .. .. .. .. 
 . . . . . . . 
 
M =  0 0 . . . ap 0 . . . 0  . (2.12)
 0 ... ... ... 0 ... 0 
 
 . .. .. .. .. .. . 
 .. . . . . . .. 
0 ... ... ... 0 ... 0

De l'expression de M et du fait que les réels (a1 , . . . , ap ) sont tous non nuls, on
déduit que rgq = p et

ker q = {u ∈ V ; `1 (u) = . . . = `p (u) = 0} = V ect{fp+1 , . . . , fn }. (2.13)

En vertu de ce qui précéde, on constate qu'une réduction de Gauss de q permet la


construction d'une base B vériant 2.11, 2.12 et 2.13. Ceci nous amène à poser la
dénition suivante.

Dénition 8 Une base (e1 , . . . , en ) de V est dite orthogonale pour q ou q -orthogonale


si S(ei , ej ) = 0 pour tout i 6= j , où S désigne la forme polaire de q .

La construction ci-dessus nous permet d'énoncer la proposition suivante.


p
X
Proposition 8 Soit q(u) = ai `i (u)2 une réduction de Gauss de q et (c1 , . . . , cn−p )
i=1
une famille de V ∗ telles que (`1 , . . . , `p , c1 , . . . , cn−p ) soit une base de V ∗ . Alors la
base B = (f1 , . . . , fn ) de V dont la base duale est (`1 , . . . , `p , c1 , . . . , cn−p ) est une
base q -orthogonale et on a
p
\
ker q = ker `i = V ect{fp+1 , . . . , fn }.
i=1

D'un autre côté, les nombres réels (a1 , . . . , ap ) sont tous non nuls et peuvent
être distingués selon leurs signes. On pose alors

s = card{ai , ai > 0} et t = card{ai , ai < 0}, (2.14)

où card{ai , ai > 0} désigne le nombre d'éléments de l'ensemble {ai , ai > 0}.


Noter qu'on a aussi

s = card{fi , q(fi ) > 0} et t = card{fi , q(fi ) < 0}, (2.15)

Le couple d'entier (s, t) déni par 2.14 est en fait un invariant de q , c'est-à-dire que,
ne dépend pas de la réduction de Gauss qui a servi à le dénir. Plus précisement,
on a le théorème important suivant.

Théorème 5 (Loi d'inertie de Sylvester) Soit q une forme quadratique sur


un espace vectoriel de dimension nie n. Alors il existe un couple d'entiers (s, t)
vériant :
2.1. RAPPELS DE COURS 27

1. pour toute réduction de Gauss de q donnée par 2.8, on a

s = card{ai , ai > 0} et t = card{ai , ai ) < 0},

2. pour toute base q -orthogonale (e1 , . . . , en ), on a

s = card{ei , q(ei ) > 0} et t = card{ei , q(ei ) < 0},

3. rgq = s + t et dim ker q = n − s − t.

Dénition 9 Le couple d'entier (s, t) déni dans le Théorème 5 est appelé signa-
ture de q .

Exemples -
1. Nous avons vu que l'application det : M2 (R) −→ R est µ une forme
¶ quadra-
a b
tique. Nous allons calculer sa signature. On a, si A = alors
c d
1 1 1 1
det(A) = ad − bc = (a + d)2 − (a − d)2 − (b + c)2 + (b − c)2 .
4 4 4 4
On obtient ainsi une réduction de Gauss de la forme quadratique det et on
déduit que sa signature est (2, 2) et qu'elle est non-dégénérée.
Nous allons maintenant construire une base q -orthogonale de M2 (R). Pour
cela, considérons les formes linéaires qui apparaîssent dans la réduction de
Gauss ci-dessus, soit

`1 (A) = a + d, `2 (A) = a − d, `3 (A) = b + c et `4 (A) = b − c.

(`1 , `2 , `3 , `4 ) est une base de (M2 (R))∗ . La base B1 = (f1 , f2 , f3 , f4 ) de


M2 (R) dont B1∗ = (`1 , `2 , `3 , `4 ) est une base q -orthogonale,
d'après la Propo- 
1 1 0 0
 0 0 1 1 
sition 8. Notons B la base canonique de M2 (R) et soit Q =   0 0 1 −1 

1 −1 0 0
la matrice de passage de B∗ à (`1 , `2 , `3 , `4 ). D'après 1.7, la matrice de pas-
sage P de B à B1 est donnée par P = t Q−1 . Pour calculer Q−1 , nous allons
résoudre le système    0 
a a
 b   b0 
Q  
 c  =  c0  .

d d0
Ce système est équivalent à


 a+b = a0

c+d = b0

 c−d = c0

a−b = d0

La résolution de ce système est aisée et donne


1 0 1 1 1
a= (a + d0 ), b = (a0 − d0 ), c = (b0 + c0 ) et d = (b0 − c0 ).
2 2 2 2
28 CHAPITRE 2. FORMES QUADRATIQUES RÉELLES
 
1 0 0 1
 1 0 0 −1 
Soit Q−1 = 12 
 0
 . Finalement
1 1 0 
0 1 −1 0
½ µ ¶ µ ¶ µ ¶ µ ¶¾
1 1 0 1 1 0 1 0 1 1 0 1
B1 = , , ,
2 0 1 2 0 −1 2 1 0 2 −1 0
est une base q -orthogonale.
Nous allons conclure cette section par un résultat qui exploite tout ce qu'on a
vu pour donner une expression, la plus ne possible, d'une forme quadratique. En
eet, soit q une forme quadratique sur V qu'on suppose de dimension n. Soit (s, t)
la signature de q et
e+
(e e+
1 ,...,e e−
s ,e e−
1 ,...,e
0 0
t , e 1 , . . . , er )

une base q -orthogonale telle que a+ e+


i = q(e

e−
i ) > 0 pour i = 1, . . . , s, ai = q(ei )<0
0
pour i = 1, . . . , t et q(ei ) = 0 pour i = 1, . . . , r. Une telle base existe d'après la
Proposition 8. Posons pour tout i = 1, . . . , s et tout j = 1, . . . , t,
1 + 1
e+
i = q eei et e−
j = q ee−
j .
a+
i −a−
j

Alors B = (e+ + − − 0 0
1 , . . . , es , e1 , . . . , et , e1 , . . . , er ) est une base q -orthogonale de V véri-
ant en outre

q(e+
i ) = 1, i = 1, . . . , s, q(e−
i ) = −1, i = 1, . . . , t et q(e0i ) = 0, i = 1, . . . , r.

Si (x+ + − − 0 0
1 , . . . , xs , x1 , . . . , xt , x1 , . . . , xr ) sont les coordonnées d'un vecteur u dans la
base B alors
X s Xt
q(u) = (x+ 2
i ) − (x− 2
i ) . (2.16)
i=1 i=1
En vertu de ce qui précède, on déduit le théorème suivant.
Théorème 6 Soit q une forme quadratique sur V de dimension n et soit (s, t) la
signature de q . Alors q admet une base q -orthogonale
B = (e+ + − − 0 0
1 , . . . , e s , e 1 , . . . , et , e 1 , . . . , er )

vériant
q(e+
i ) = 1, i = 1, . . . , s, q(e−
i ) = −1, i = 1, . . . , t et q(e0i ) = 0, i = 1, . . . , r.

De plus, si (x+ − −
1 , . . . , xs , x1 , . . . , xt , x1 , . . . , xr ) sont les coordonnées d'un vecteur u
+ 0 0

dans la base B alors


X s Xt
q(u) = (x+i ) −
2
(x−
i )
2

i=1 i=1
et
ker q = vect{e01 , . . . , e0r }.

Dénition 10 Soit q une forme quadratique non-dégénérée. Une base B = (e1 , . . . , en )


est dite q -orthonormale si elle est q -orthogonale et si en plus, pour tout i = 1, . . . , n,
q(ei ) = ² où ² vaut −1 ou 1.
2.1. RAPPELS DE COURS 29

Corollaire 1 Une forme quadratique q sur V de dimension nie n est non-dégénérée


si et seulement s'il existe une base q -orthonormale

B = (e+ + − −
1 , . . . , es , e1 , . . . , en−s )

telle que
Xs n−s
X s
X n−s
X
q( x+ e
i i
+
+ x − −
e
i i ) = (x+ 2
i ) − (x− 2
i ) .
i=1 i=1 i=1 i=1

Dénition 11 1. Une forme quadratique q sur V est positive (resp. négative)


si pour tout u ∈ V q(u) ≥ 0 (resp. q(u) ≤ 0).
2. Une forme quadratique q sur V est dénie si pour tout u ∈ V \ {0} q(u) 6= 0.

Proposition 9 Soit V un espace vectoriel de dimension nie n. Alors les proprié-


tés suivantes sont vériées :
1. Une forme quadratique q sur V est positive (resp. négative) si et seulement
si la signature de q est (s, 0) (resp. (0, t)).
2. Une forme quadratique q sur V est dénie-positive (resp. dénie-négative) si
et seulement si la signature de q est (n, 0) (resp. (0, n)).
3. Une forme quadratique q sur V est non-dégénérée si et seulement si la signa-
ture de q est de la forme (s, n − s).

2.1.3 Orthogonalité, espaces isotropes


Soit q une forme quadratique sur V de forme polaire S .

Dénition 12 1. Deux vecteurs u, v ∈ V sont dits q -orthogonaux si S(u, v) =


0.
2. Soit A ⊂ V non vide. Le q -orthogonal de A est l'ensemble A⊥ déni par
A⊥ = {u ∈ V ; S(u, v) = 0 ∀v ∈ A}.
3. Une partie A de V est dite isotrope si A ∩ A⊥ 6= {0}.
4. Une partie A de V est dite totalement isotrope si A ⊂ A⊥ .
Les propriétés suivantes sont faciles à vérier :
1. {0}⊥ = V et V ⊥ = ker q .
2. Pour toute partie A de V , A⊥ est un sous-espace vectoriel de V et A⊥ =

(V ect(A)) .
3. Si A1 ⊂ A2 ⊂ V alors A⊥ ⊥
2 ⊂ A1 .
4. Pour A ⊂ V , A ∩ A⊥ est totalement isotrope.

Proposition 10 Supposons que V est de dimension nie et que q est non-dégénérée.


Soit U un sous-espace vectoriel de V . Alors les propriétés suivantes sont vériées :
1. (U ⊥ )⊥ = U .
2. dim U + dim U ⊥ = dim V .
3. Si U ∩ U ⊥ = {0} alors V = U ⊕ U ⊥ .
30 CHAPITRE 2. FORMES QUADRATIQUES RÉELLES

2.2 Exercices
Exercice 8 Soit B une forme bilinéaire sur un espace vectoriel V et soit q sa forme
quadratique associée.
1. Montrer l'identité de Cauchy

q (q(u)v − B(u, v)u) = q(u) [q(u)q(v) − B(u, v)B(v, u)] . (2.17)

2. En déduire, si q est positive, l'inégalité de Cauchy-Schwarz

B(u, v)B(v, u) ≤ q(u)q(v). (2.18)

Solution -
1. La formule s'obtient par un calcul direct utilisant la bilinéarité de B . En eet,
on a, pour tous u, v ∈ V ,

q (q(u)v − B(u, v)u) = B(q(u)v − B(u, v)u, q(u)v − B(u, v)u)


= q(u)2 B(v, v) − q(u)B(u, v)B(v, u)
−B(u, v)q(u)B(u, v) + B(u, v)2 B(u, u)
= q(u)2 q(v) − q(u)B(u, v)B(v, u)
−B(u, v)2 q(u) + B(u, v)2 q(u)
= q(u)2 q(v) − q(u)B(u, v)B(v, u)
= q(u) [q(u)q(v) − B(u, v)B(v, u)] .

2. Si q est positive alors le membre de gauche de l'identité de Cauchy est positif


ou nul et donc, pour tout u, v ∈ V , q(u) [q(u)q(v) − B(u, v)B(v, u)] ≥ 0.
Puisque q(u) ≥ 0, on déduit l'inégalité de Cauchy-Schwarz.

Exercice 9 Soit Rn [X] l'espace vectoriel des polynômes réels de degré inférieur ou
égal à n (n ≥ 1). Pour tout P, Q ∈ Rn [X], on pose
Z 1
B(P, Q) = tP (t)Q0 (t)dt et q(P ) = B(P, P ).
0

1. Montrer que B est une forme bilinéaire. B est-elle symétrique, antisymé-


trique ?
2. Montrer que q est une forme quadratique. La frome q est-elle dénie ? Sinon
exhiber un vecteur isotrope non nul.
3. Calculer la matrice de q dans la base Bn = (1, X, . . . , X n ).
4. Pour n = 2, déterminer la signature de q . La forme q est-elle positive, néga-
tive ?
5. Déterminer une base de R2 [X] qui est q -orthogonale.
2.2. EXERCICES 31

Solution -
1. Pour tous P1 , P2 , Q ∈ Rn [X] et tout a ∈ R, on a
Z 1
B(P1 + aP2 , Q) = t(P1 (t) + aP2 (t))Q0 (t)dt
0
Z 1 Z 1
= tP1 (t)Q0 (t)dt + a tP2 (t)Q0 (t)dt
0 0
= B(P1 , Q) + aB(P2 , Q),
et donc B est linéaire à gauche.
D'un autre côté, pour tous Q1 , Q2 , P ∈ Rn [X] et tout a ∈ R, on a
Z 1
B(P, Q1 + aQ2 ) = tP (t)(Q1 + aQ2 )0 (t)dt
0
Z 1 Z 1
= tP (t)Q01 (t)dt + a tP (t)Q02 (t)dt
0 0
= B(P, Q1 ) + aB(P, Q2 ),
et donc B est linéaire à droite, ce qui achève de montrer que c'est une forme
bilinéaire.
R1 R1
Remarquons que B(1, X) = 0 tdt = 12 , et B(X, 1) = 0 t2 × 0dt = 0 et donc
B n'est ni symétrique ni antisymétrique.
R1
2. Par construction q est une forme quadratique et q(1) = B(1, 1) = 0 t×0dt =
0, et donc 1 est un vecteur isotrope et q n'est pas dénie.
3. Notons que la forme polaire S de q n'est pas B mais sa symétrisée
1
S(P, Q) = (B(P, Q) + B(Q, P )) .
2
Donc la matrice de q dans Bn est la matrice Mn = (mij )1≤i,j≤n+1 avec
1¡ ¢
mij = B(X i−1 , X j−1 ) + B(X j−1 , X i−1 ) .
2
Donc
µ Z 1 Z 1 ¶
1 i+j−2 i+j−2
mij = (j − 1) t dt + (i − 1) t dt
2 0 0
µ ¶
1 j−1 i−1 i+j−2
= + = .
2 i+j−1 i+j−1 2(i + j − 1)
Finalement µ ¶
i+j−2
Mn = . (2.19)
2(i + j − 1) 1≤i,j≤n+1
 1 1

0 4 3
4. D'après 2.19, la matrice de q dans B2 est M2 =  1
4
1
3
3
8
 et donc,
1 3 2
3 8 5
d'après 2.5,
1 2 2 2 1 2 3
q(a + bX + cX 2 ) = b + c + ab + ac + bc.
3 5 2 3 4
32 CHAPITRE 2. FORMES QUADRATIQUES RÉELLES

Nous allons eectuer une réduction de Gauss de q (cf. Théorème 4). On a


µ ¶
2 1 2 3 3 2 2
q(a + bX + cX ) = b + b(a + c) + ac + c2
3 2 2 3 5
1 3 9 2 1 3 9 2 2 2
= (b + a + c) − ( a + c) + ac + c2
3 4 8 3 4 8 3 5
1 3 9 3 27 9 2 2
= (b + a + c)2 − a2 − c2 − ac + ac + c2
3 4 8 16 64 16 3 5
1 3 9 2 7 2 5 3 2
= (b + a + c) − c + ac − a
3 4 8 320 48 16
1 3 9 2 3 2 5 7 2
= (b + a + c) − (a − ac) − c
3 4 8 16 9 320
1 3 9 3 5 25 2 7 2
= (b + a + c)2 − (a − c)2 + c − c
3 4 8 16 18 1728 320
1 3 9 3 5 1 2
= (b + a + c)2 − (a − c)2 − c .
3 4 8 16 18 135
De cette expression, et d'après le Théorème 5, q est de signature (1, 2) et elle
est non-dégénérée. De plus, d'après la Proposition 9, elle n'est ni positive ni
négative.
5. On considère les formes linéaires `1 , `2 , `3 gurant dans la réduction de Gauss
de q obtenue ci-dessus, c'est-à-dire que pour P = a + bX + cX 2 ,
3 9 5
`1 (P ) = b + a + c, `2 (P ) = a − c et `3 (P ) = c.
4 8 18
(`1 , `2 , `3 ) est une base de (R2 [X])∗ et, d'après la Proposition 8, la base
(P1 , P2 , P3 ) dont la base duale est (`1 , `2 , `3 ) est une base q -orthogonale.
 3 
4 1 0
Soit Q =  1 0 0  la matrice de passage de B∗2 à (`1 , `2 , `3 ). D'après
9 5
8 − 18 1
1.7, la matrice de passage de B2 à (P1 , P2 , P3 ) est donnée par  P = t Q
−1
. Pour

a A
calculer Q−1 , nous allons résoudre le système linéaire Q  b  =  B  .
c C
Ce système s'écrit  3
 4a + b = A
a = B
 9 5
8 a − 18 b + c = C
Un calcul aisé donne
  a = B , b = A − 34 B et c = 18
5
B + C , soit Q−1 =
0 1 0
 1 − 3 0  . De la relation P = t Q−1 , on déduit que (X, 1 − 3 X, 5 −
4 4 18
5
18 − 43 1
4 2
3 X + X ) est une base q -orthogonale de R2 [X].

½µ ¶ ¾ µ ¶
a b 1 1
Exercice 10 Soit V = ∈ M2 (R); a − d = 0 et soit J = .
c d 1 −1
On dénit l'application B : V × V −→ R en posant, pour tous M, N ∈ M2 (R),
B(M, N ) = Tr(M JN ).
2.2. EXERCICES 33

1. Montrer que B est une forme bilinéaire. B est-elle symétrique, antisymé-


trique ?
µµ ¶ µ ¶ µ ¶¶
1 0 0 1 0 0
2. Montrer que B = , , est une base de V .
0 1 0 0 1 0
3. Déterminer la matrice dans la base B de la forme quadratique q dénie en
posant, pour tous M ∈ M2 (R), q(M ) = B(M, M ).
4. Déterminer la signature de q , son rang et son noyau. La forme q est-elle
dénie, positive, négative ?
½µ ¶ ¾
a 0
5. Déterminer F ⊥ (q -orthogonal de F ) où F = ∈ M2 (R); a − d = 0 .
0 d

Solution -
1. Pour tous M1 , M2 , N ∈ V et tout a ∈ R, on a
B(M1 + aM2 , N ) = Tr((M1 + aM2 )JN )
= Tr(M1 JN + aM2 JN ) = Tr(M1 JN ) + aTr(M2 JN )
= B(M1 , N ) + aB(M2 , N ),
et donc B est linéaire à gauche.
D'un autre côté, pour tous N1 , N2 , M ∈ V et tout a ∈ R, on a
B(M, N1 + aN2 ) = Tr(M J(N1 + aN2 ))
= Tr(M JN1 + aM JN2 ) = Tr(M JN1 ) + aTr(M JN2 )
= B(M, N1 ) + aB(M, N2 ),
et donc B est linéaire à droite ; ceci achève de montrer que B est une forme
bilinéaire. µ ¶
a b
2. Pour tout ∈ V , on a
c a
µ ¶ µ ¶ µ ¶ µ ¶
a b 1 0 0 1 0 0
=a +b +c
c a 0 1 0 0 1 0
et donc B engendre V . D'un autre côté,
µ ¶ µ ¶ µ ¶ µ ¶
0 0 1 0 0 1 0 0
=a +b +c
0 0 0 1 0 0 1 0
équivaut à a = b = c = 0 et donc B est libre. Ainsi B est une base de V .
µ ¶
a b
3. Soit M = ∈ V . On a
c a
µµ ¶µ ¶µ ¶¶
a b 1 1 a b
q(M ) = Tr
c a 1 −1 c a
µµ ¶µ ¶¶
a+b a−b a b
= Tr
c+a c−a c a
µµ ¶¶
a(a + b) + c(a − b) b(a + b) + a(a − b)
= Tr
a(c + a) + c(c − a) b(c + a) + a(c − a)
= a(a + b) + c(a − b) + b(c + a) + a(c − a) = 2(ab + ca).
34 CHAPITRE 2. FORMES QUADRATIQUES RÉELLES

Soit
q(M ) = 2(ab + ca). (2.20)
 
0 1 1
En vertu de la Proposition 7, la matrice de q dans B est M =  1 0 0 .
1 0 0
µ ¶
a b
4. Eectuons une réduction de Gauss de q (cf. Théorème 4). Soit M = ∈
c a
V . On a, d'après 2.20,
1 1
q(M ) = 2a(b + c) = (a + b + c)2 − (a − b − c)2 .
2 2
D'après cette expression et d'après le Théorème 5, q est de signature (1, 1),
elle est dégénérée et rgq = 2. De plus, d'après la Proposition 9, elle n'est ni
positive ni négative et donc non dénie. µ ¶
a b
De cette expression, on déduit aussi, en vertu de la Proposition 8, que ∈
c a
ker q si ½µ
et seulement¶si a + b +
¾ c = a − b − c = 0, soit a = 0 et b = −c. Ainsi
0 a
ker q = , a∈R .
−a 0
5. µ
F est une¶ droite vectorielle engendrée par la matrice identité I3 . Ainsi M =
a b
∈ F ⊥ si et seulement si S(M, I3 ) = 0 où S est la forme polaire de
c a
q . La forme polaire S de q est la symétrisée de B , c'est-à-dire,
1
S(M, N ) = (Tr(M JN ) + Tr(N JM )) .
2
Donc
µµ ¶µ ¶¶ µµ ¶µ ¶¶
1 a b 1 1 1 1 1 a b
S(M, I3 ) = Tr + Tr
2 c a 1 −1 2 1 −1 c a
µµ ¶µ ¶¶ µµ ¶¶
a b 1 1 a+b a−b
= Tr = Tr
c a 1 −1 c+a c−a
= b + c.
½µ ¶ ¾
a b
Ainsi F ⊥ = , a, b ∈ R .
−b a

Exercice 11 Eectuer une réduction de Gauss et déterminer le noyau, le rang et


la signature des formes quadratiques suivantes :
1. q : R3 −→ R, q(x, y, z) = 2x2 + y 2 − z 2 + 3xy − 4xz.
2. q : R3 −→ R, q(x, y, z) = x2 + y 2 − az 2 + 3xy − bxz + yz. (Discuter suivant
les valeurs de a, b ∈ R).
3. q : R4 −→ R,
q(x, y, z, t) = x2 + (1 + 2λ − µ)y 2 + (1 + λ)z 2 + (1 + 2λ + µ)t2
+2xy + 2xz − 2xt + 2(1 − λ)yz − 2(1 + λ)yt + 2(λ − 1)zt.
(Discuter suivant les valeurs de λ, µ ∈ R).
2.2. EXERCICES 35

4. q : R5 −→ R, q(x, y, z, t, s) = xy − xt + yz − yt + ys + zt − zs + 2st.

Solution -
1. On a

q(x, y, z) = 2x2 + y 2 − z 2 + 3xy − 4xz


1
= 2(x2 + x(3y − 4z)) + y 2 − z 2
2
3 3
= 2(x + y − z)2 − 2( y − z)2 + y 2 − z 2
4 4
3 1 2
= 2(x + y − z) − y + 3yz − 3z 2
2
4 8
3 1
= 2(x + y − z) − (y 2 − 24yz) − 3z 2
2
4 8
3 1
= 2(x + y − z) − (y − 12z)2 + 15z 2 .
2
4 8
En vertu du Théorème 5, la signature de q est (2, 1), rgq = 3 et donc ker q =
{0}.
2. On a

q(x, y, z) = x2 + y 2 − az 2 + 3xy − bxz + yz


= x2 + x(3y − bz) + y 2 − az 2 + yz
3 b 9 b2 3b
= (x + y − z)2 − y 2 − z 2 + yz + y 2 − az 2 + yz
2 2 4 4 2
=
3 b 2 5 2 2(2 + 3b) b2
= (x + y − z) − (y − yz) − (a + )z 2
2 2 4 5 4
3 b 2 5 2 + 3b 2 b2 (2 + 3b)2 2
= (x + y − z) − (y − z) − (a + − )z
2 2 4 5 4 20
3 b 2 5 2 + 3b 2 1 2
= (x + y − z) − (y − z) + (b + 3b − 5a + 1)z 2 .
2 2 4 5 5
D'abord, en vertu du Théorème 5, q dégénére si et seulement si (b2 + 3b −
5a + 1) = 0. Si c'est le cas, d'après la Proposition 8, (x, y, z) ∈ ker q si et
seulement si
3 b 2 + 3b
x+ y− z =y− z = 0.
2 2 5
En conclusion, si q dégénére alors ker q = R(− 3+2b 2+3b
5 , 5 , 1).
D'un autre côté, la signature de q dépend du signe de b2 + 3b − 5a + 1. Consi-
dérons cette quantité comme un polynôme en b de degré 2. Son discriminant
est ∆ = 9 −√4(−5a + 1) = 20a√+ 5 = 5(4a + 1) et ses racines, quand ∆ ≥ 0,
3 + 20a + 5 3 − 20a + 5
sont − et − .
2 2
En résumé, on a :
(a) si a < − 14 et b ∈ R, la signature est égale à (2, 1) , le rang est égal à 3
et ker q = {0} ;
36 CHAPITRE 2. FORMES QUADRATIQUES RÉELLES
√ √
/ − 3+ 20a+5
(b) si a > − 14 , b ∈] 2 , − 3− 20a+5
2 [, la signature est égale à (2, 1)
, le rang est égal à 3 et ker q = {0} ;
√ √
(c) si a > − 14 , bin] − 3+ 20a+5
2 , − 3− 20a+5
2 [, la signature est égale à (1, 2)
, le rang est égal à 3 et ker q = {0} ;
√ √
(d) si a > − 14 et b = − 3+ 20a+5
2 ou b = − 3− 20a+5
2 , la signature est égale
à (1, 1) , le rang est égal à 2 et ker q = R(− 3+2b
5 , 2+3b
5 , 1) ;

(e) si a = − 41 et b 6= − 32 , la signature est égale à (2, 1) , le rang est égal à


3 et ker q = {0} ;
(f) si a = − 41 et b = − 32 , la signature est égale à (1, 1) , le rang est égal à
2 et ker q = R(− 3+2b 2+3b
5 , 5 , 1).

3. On a, si u = (x, y, z, t),

q(u) = x2 + (1 + 2λ − µ)y 2 + (1 + λ)z 2 + (1 + 2λ + µ)t2


+2xy + 2xz − 2xt + 2(1 − λ)yz − 2(1 + λ)yt + 2(λ − 1)zt
= x2 + 2x(y + z − t) + (1 + 2λ − µ)y 2 + (1 + λ)z 2
+(1 + 2λ + µ)t2 + 2(1 − λ)yz − 2(1 + λ)yt + 2(λ − 1)zt
= (x + y + z − t)2 − (y + z − t)2 + (1 + 2λ − µ)y 2 + (1 + λ)z 2
+(1 + 2λ + µ)t2 + 2(1 − λ)yz − 2(1 + λ)yt + 2(λ − 1)zt
= (x + y + z − t)2 + (2λ − µ)y 2 + λz 2 + (2λ + µ)t2
−2λyz − 2λyt + 2λzt
= (x + y + z − t)2 + λ(z 2 + 2z(t − y)) + (2λ − µ)y 2
+(2λ + µ)t2 − 2λyt
= (x + y + z − t)2 + λ(z + t − y)2 − λ(y − t)2 + (2λ − µ)y 2
+(2λ + µ)t2 − 2λyt
= (x + y + z − t)2 + λ(z + t − y)2 + (λ − µ)y 2 + (λ + µ)t2 .

En vertu de tous ces calculs et en utilisant le Théorème 5, la signature de q ,


son noyau et son rang sont par :
(a) si λ = µ = 0, la signature de q est égale à (1, 0), le rang est égale à 1 et
ker q = {(x, y, z, t) ∈ R4 , x + y + z − t = 0} ;
(b) si λ = 0 et µ 6= 0, la signature de q est égale à (2, 1), le rang est égale
à 3 et ker q = R(1, 0, −1, 0) ;
(c) si λ > 0 et µ = 0, la signature de q est égale à (4, 0), le rang est égale
à 4 et ker q = {0} ;
(d) si λ < 0 et µ = 0, la signature de q est égale à (0, 4), le rang est égale
à 4 et ker q = {0} ;
(e) si λ 6= 0 et µ 6= 0, la signature de q est égale à (1 + p+ , p−), le rang est
égale à 4 et ker q = {0}, où p± = σ ± (λ) + σ ± (λ − µ) + σ ± (λ + µ) avec
σ ± : R∗ −→ {0, 1} qui vaut 1 sur R∗± et 0 sur R∗∓ .
2.2. EXERCICES 37

4. On a, si u = (x, y, z, t, s),

q(u) = xy − xt + y(z − t + s) + zt − zs + 2st


= (x + z − t + s)(y − t) + t(z − t + s) + zt − zs + 2st
= (x + z − t + s)(y − t) − t2 + 2zt + 3st − zs
3
= (x + z − t + s)(y − t) − (t2 − 2t(z + s)) − zs
2
3 3
= (x + z − t + s)(y − t) − (t − z − s)2 + (z + s)2 − zs
2 2
3 2 9
= (x + z − t + s)(y − t) − (t − z − s) + z 2 + 2zs + s2
2 4
1 1 3
= (x + y + z − 2t + s)2 − (x − y + z + s)2 − (t − z − s)2
4 4 2
5
+(z + s)2 + s2 .
4

En vertu du Théorème 5, la signature de q est (3, 2), rgq = 5 et donc q est


non dégénérée.

Exercice 12 Soit Rn [X] l'espace vectoriel des polynômes réels de degré inférieur
ou égal à n (n ≥ 1) et soit d un entier tel que 1 ≤ d ≤ n. Pour tout P ∈ Rn [X], on
pose
q(P ) = (P 2 )(d) (0)
où P (d) est le polynôme dérivée à l'ordre d de P .
1. Montrer que q est une forme quadratique sur Rn [X] et déterminer sa matrice
dans la base B = {1, X, . . . , X n }.
2. Déterminer la signature de q , son rang et son noyau.
Indication : On pourra utiliser les formules de Leibniz et Taylor
d degP
X X P (k) (0) k
(P Q)(d) = Cdk P (k) Q(d−k) et P = X .
k!
k=0 k=0

3. On suppose dans cette question que n = d = 2m + 1 et on note P =


V ect{X, X 3 , . . . , X 2m+1 }.

(a) Montrer que q est non dégénérée et donner une base q -orthonormale de
Rn [X].
(b) Déterminer le q -orthogonal de P et montrer que P est un sous-espace
vectoriel totalement isotrope.

Solution -
1. On considère l'application S : Rn [X] × Rn [X] −→ R dénie par

S(P, Q) = (P Q)(d) (0).


38 CHAPITRE 2. FORMES QUADRATIQUES RÉELLES

Nous allons montrer que S est une forme bilinéaire sur Rn [X]. En eet, pour
tous P1 , P2 , Q ∈ Rn [X] et tout a ∈ R, on a
(d) (d)
S(P1 + aP2 , Q) = ((P1 + aP2 )Q) (0) = (P1 Q + aP2 Q) (0)
= (P1 Q)(d) (0) + a(P2 Q)(d) (0) = S(P1 , Q) + aS(P2 , Q),
et donc S est linéaire à gauche et, puisque S(P, Q) = S(Q, P ), elle est linéaire
à droite. En conclusion, S est une forme bilinéaire symétrique sur Rn [X].
Maintenant, puisque q(P ) = S(P, P ), q est une forme quadratique et S est
sa forme polaire.
La matrice M = (mij )1≤i,j≤n+1 de q est donnée par
¡ ¢(d)
mij = S(X i−1 , X j−1 ) = X i+j−2 (0).
La formule suivante est facile à vérier : pour tous p, q ∈ N, on a
½
p! si p = q,
(X p )(q) (0) = (2.21)
0 si p 6= q.
On en déduit l'expression de mij :
½
(i + j − 2)! si i + j − 2 = d,
mij =
0 si i + j − 2 6= d.

2. En utilisant la formule de Leibniz, on obtient pour tout P ∈ Rn [X],


d
X
q(P ) = Cdk P (k) (0)P (d−k) (0). (2.22)
k=0

On distingue deux cas :


(a) l'entier d est paire, posons d = 2m. Nous allons eectuer une réduction
de Gauss de q (cf. Théorème 4). On a
2m
X
k
q(P ) = C2m P (k) (0)P (2m−k) (0)
k=0
2m
X
m
= C2m (P (m) (0))2 + k
C2m P (k) (0)P (2m−k) (0)
k=0,k6=m
m−1
X
(a) m
= C2m (P (m) (0))2 + 2 k
C2m P (k) (0)P (2m−k) (0)
k=0

1 X k ³ (k) ´2
m−1
m
= C2m (P (m) (0))2 + C2m P (0) + P (2m−k) (0)
2
k=0

1
m−1
X ³ ´2
k
− C2m P (k) (0) − P (2m−k) (0) .
2
k=0

Noter que dans (a) nous avons utilisé la relation


m−1
X 2m
X
k
C2m P (k) (0)P (2m−k) (0) = k
C2m P (k) (0)P (2m−k) (0)
k=0 k=m+1
2.2. EXERCICES 39

k 2m−k
qui est une conséquence de la formule C2m = C2m .
On considère les formes linéaires `0 , . . . , `m , 0 , . . . , b̀m−1 dénies sur

Rn [X] par

`k (P ) = P (k) (0) + P (2m−k) (0), k = 0, . . . , m,


b̀k (P ) = P (k) (0) − P (2m−k) (0), k = 0, . . . , m − 1.

On a alors
m m−1
1X k 1 X k b̀
q(P ) = C2m `k (P )2 − C2m k (P )2 . (2.23)
2 2
k=0 k=0

Pour que 2.23 soit une réduction de Gauss de q , il sut que `0 , . . . , `m , b̀0 , . . . , b̀m−1
soient linéairement indépendantes (cf. Théorème 4). Vérions qu'elles
b0 , . . . , λ
le sont. Soient λ0 , . . . , λm , λ bm−1 des réels tels que, pour tout
P ∈ Rn [X],

b0 b̀0 (P ) + . . . + λ
λ0 `0 (P ) + . . . + λm `m (P ) + λ bm−1 b̀m−1 (P ) = 0. (2.24)

Nous allons montrer, par récurrence, que pour tout 0 ≤ k ≤ m − 1,


λk = λbk = 0.
Prenons dans 2.24, respectivement, P = 1 et P = X 2m . On obtient
alors, en utilisant 2.21,
³ ´
λ0 + λb0 = 0 et (2m!) λ0 − λ
b0 = 0,

ce qui entraîne que λ0 = λc0 = 0.. Supposons que λr = λ br = 0, pour


tout 0 ≤ r ≤ k − 1. En prenant dans 2.24, respectivement, P = X k et
P = X 2m−k et en utilisant l'hypothèse de récurrence et 2.21, on obtient
³ ´ ³ ´
bk = 0 et (2m − k)! λk − λ
k! λk + λ bk = 0,

ce qui entraîne que λk = λ ck = 0 et achève la preuve par récurrence.


Ainsi 2.24 s'écrit λm `m (P ) = 0 ce qui entraîne que λm = 0. Nous
avons montré que la famille (`0 , . . . , `m , b̀0 , . . . , b̀m−1 ) est libre et donc,
en vertu du Théorème 4, 2.23 est une réduction de Gauss de q . En
utilisant Théorème 5, on déduit que la signature de q est (m + 1, m),
rgq = 2m + 1 = d + 1 et que le noyau de q est donné par (cf. 2.13)

ker q = {P ∈ Rn [X], `0 (P ) = . . . = `m (P ) = b̀0 (P ) = . . . = b̀m−1 (P ) = 0}.

Or, le système `0 (P ) = . . . = `m (P ) = b̀0 (P ) = . . . = b̀m−1 (P ) = 0


est équivalent à P (0) = P (1) (0) = . . . = P (2m) (0) = 0. En utilisant la
formule de Taylor
Xn
P (k) (0) k
P = X , (2.25)
k!
k=0

on déduit que ker q est un sous-espace vectoriel de dimension n − d et


que (X d+1 , . . . , X n ) est une base de ker q .
40 CHAPITRE 2. FORMES QUADRATIQUES RÉELLES

(b) l'entier d est impaire, posons d = 2m + 1. On procéde comme dans le


cas paire. On a
2m+1
X
k
q(P ) = C2m+1 P (k) (0)P (2m+1−k) (0)
k=0
m
X
k
= 2 C2m+1 P (k) (0)P (2m+1−k) (0)
k=0

1
m
X ³ ´2
k
= C2m+1 P (k) (0) + P (2m−k) (0)
2
k=0
m
1X k ³ ´2
− C2m+1 P (k) (0) − P (2m−k) (0) .
2
k=0

On considère les formes linéaires `0 , . . . , `m , b̀0 , . . . , b̀m dénies sur Rn [X]


par

`k (P ) = P (k) (0) + P (2m+1−k) (0), k = 0, . . . , m,


b̀k (P ) = P (k) (0) − P (2m+1−k) (0), k = 0, . . . , m. (2.26)

On a alors
m m
1 X 2m+1 1 X 2m+1 b̀
q(P ) = Ck `k (P )2 − Ck 2
k (P ) . (2.27)
2 2
k=0 k=0

Comme dans le cas paire, on montre que cette expression est une réduc-
tion de Gauss de q et on déduit que la signature de q est (m + 1, m + 1),
rgq = 2m + 2 = d + 1, ker q est un sous-espace vectoriel de dimension
n − d et (X d+1 , . . . , X n ) est une base de ker q .
Le tableau suivant résume tout ce qui précéde.

Conditions sur d et n Signature de q Rang de q ker q

d = 2m et 1 ≤ d ≤ n (m + 1, m) d+1 V ect{X d+1 , . . . , X n }

d = 2m + 1 et 1 ≤ d ≤ n (m + 1, m + 1) d+1 V ect{X d+1 , . . . , X n }

3. (a) D'après le tableau ci-dessus, rgq = d + 1 = 2m + 2 = dim R2m+1 [X] et


donc q est non dégénérée. On considère la réduction de Gauss de q don-
née par 2.27. D'après la Proposition 8, la base B1 = (P0 , . . . , Pm , Pb0 , . . . , Pbm )
de R2m+1 [X] dont la base duale est

(`0 , . . . , `m , b̀0 , . . . , b̀m )

est une base q -orthogonale (`i et b̀i sont dénies dans 2.26). Nous allons
déterminer B1 .
2.2. EXERCICES 41

Pour tout 0 ≤ i ≤ m, le polynôme Pi vérie, en vertu de la dualité,

`j (Pi ) = δij et b̀j (Pi ) = 0 pour tout j = 0, . . . , m,

où δij est le symbole de Chroneker valant 1 si i = j et 0 sinon. On a


donc, en vertu de 2.26, pour tout j = 0, . . . , m,
(
(j) (2m+1−j)
Pi (0) + Pi (0) = δij
(j) (2m+1−j)
Pi (0) − Pi (0) = 0
(j) (2m+1−j) (i)
On obtient donc, pour j 6= i, Pi (0) = Pi (0) = 0 et Pi (0) =
(2m+1−i)
Pi (0) = 21 . En utilisant la formule de Taylor 2.25, on obtient
µ ¶
1 1 i 1
Pi = X + X 2m+1−i .
2 i! (2m + 1 − i)!
Un calcul analogue donne
µ ¶
1 1 i 1
Pbi = X − X 2m+1−i .
2 i! (2m + 1 − i)!
Maintenant, pour obtenir une base q -orthonormale, nous allons norma-
liser les Pi et les Pbi . En vertu de 2.27, on a q(Pi ) = −q(Pbi ) = 12 C2m+1
i
.
On pose alors
√ µ ¶
+ 2 1 i 1 2m+1−i
Pi = q X + X ,
i
2 C2m+1 i! (2m + 1 − i)!
√ µ ¶
b − 2 1 i 1 2m+1−i
Pi = q X − X .
i
2 C2m+1 i! (2m + 1 − i)!

+ b−
Finalement, (P0+ , . . . , Pm , P0 , . . . , Pbm

) est une base q -orthonormale de
R2m+1 [X].
(2m+1)
(b) Rappelons que la forme polaire de q est donnée par S(P, Q) = (P Q) (0).
P ∈ P ⊥ si et seulement si, pour tout 0 ≤ j ≤ m, S(X 2j+1 , P ) = 0. Or,
¡ ¢(2m+1)
S(X 2j+1 , P ) = X 2j+1 P (0)
2m+1
X
k
= C2m+1 (X 2j+1 )(k) (0)P (2m+1−k) (0)
k=0
2.21 2j+1
= C2m+1 (2j + 1)!P (2(m−j)) (0).

On déduit donc que P ⊥ = {P ∈ Rn [X], P (0) (0) = P (2) (0) = . . . =


P (2m) (0) = 0}. En utilisant 2.25, on déduit que

P ⊥ = V ect{X, X 3 , . . . , X 2m+1 } = P

et donc P est totalement isotrope.


42 CHAPITRE 2. FORMES QUADRATIQUES RÉELLES

Exercice 13 On note Sn (R) (resp. An (R)) le sous-espace vectoriel de Mn (R)


formé de matrices symétriques (resp. antisymétriques). Soient

q1 , q2 : Mn (R) −→ R

dénies en posant, pour tout M ∈ Mn (R),

q1 (M ) = Tr(M 2 ) et q2 (M ) = Tr(M 2 ) + (Tr(M ))2 .

1. Montrer que Mn (R) = Sn (R) ⊕ An (R).


2. Montrer que q1 et q2 sont deux formes quadratiques sur Mn (R).
3. Pour i = 1, 2, montrer que la restriction de qi à Sn (R) (resp. An (R)) est
dénie-positive (resp. dénie-négative).
4. Pour i = 1, 2, montrer que si M ∈ Sn (R) et N ∈ An (R) alors M et N sont
qi -orthogonales.
5. Déduire de ce qui précéde la signature, le rang et le noyau de qi pour i = 1, 2.

Solution -
1. Soit M ∈ Mn (R). On a M = M + + M − où M + = 12 (M + t M ) et M − =
1 t
2 (M − M ). Or M
t +
= 12 (t M + t (t M )) = M + et donc M + est symétrique et
de la même manière on vérie que M − est antisymétrique. Ainsi Mn (R) =
Sn (R) + An (R). Cette somme est directe car une matrice qui est à la fois
symétrique et antisymétrique est nulle.
2. On considère S1 et S2 dénies sur Mn (R) × Mn (R) par

S1 (M, N ) = Tr(M N ) et S2 (M, N ) = Tr(M N ) + Tr(M )Tr(N ).

On dénit ainsi deux formes bilinéaires symétriques sur Mn (R) et on a


qi (M ) = Si (M, M ) pour i = 1, 2 ; ceci montre que qi est une forme qua-
dratique sur Mn (R).
3. Soient M = (Mij )1≤i,j≤n et N = (Nij )1≤i,j≤n . Les coecients diagonaux de
Xn
M N sont donnés par aii = Mij Nji . On déduit que
j=1

n X
X n
S1 (M, N ) = Mij Nji ,
i=1 j=1
X
S2 (M, N ) = Mij Nji
1≤i,j≤n
+(M11 + . . . + Mnn )(N11 + . . . + Nnn ). (2.28)

Si M est symétrique alors Mij = Mji pour tous i, j et donc


X X
2 2
q1 (M ) = 2 Mij e q2 (M ) = 2 Mij + (M11 + . . . + Mnn )2 .
1≤i<j≤n 1≤i<j≤n

De ces expressions, on déduit que, pour toute matrice symétrique non nulle
M , qi (M ) > 0. Ainsi la restriction de qi à Sn (R) est dénie-positive.
2.2. EXERCICES 43

Si M est antisymétrique alors Mij = −Mji pour tous i, j et, en particulier,


Mii = 0. Donc X
2
q1 (M ) = q2 (M ) = −2 Mij .
1≤i<j≤n

On déduit que, pour toute matrice antisymétrique non nulle M , qi (M ) < 0.


Ainsi la restriction de qi à An (R) est dénie-négative.
4. Pour tout M ∈ Sn (R) et tout N ∈ An (R), on a

Tr(M N ) = Tr(t (M N )) = Tr(t N t M )


= −Tr(N M ) = −Tr(M N ),

ce qui implique que Tr(M N ) = 0. D'un autre côté, on a Tr(N ) = 0, donc


S1 (M, N ) = S2 (M, N ) = 0 et M et N sont qi -orthogonales.
5. Noter que dim Sn (R) = n(n+1)
2 et dim An (R) = n(n−1) 2 .
D'après 3., la restriction de q1 à Sn (R) est dénie-positive et, en vertu du
Théorème 6, il existe une base q1 -orthogonale (e1 , . . . , e n(n+1) ) de Sn (R) véri-
2

ant q1 (ei ) = 1, pour tout i = 1, . . . , n(n+1)


2 . Pour les mêmes raisons, il existe
une base q1 -orthogonale (f1 , . . . , f n(n−1) ) de An (R) vériant q1 (fi ) = −1,
2

pour tout i = 1, . . . , n(n−1)


2 . Puisque

Mn (R) = Sn (R) ⊕ An (R),

(e1 , . . . , e n(n+1) , f1 , . . . , f n(n−1) ) est une base de Mn (R) et elle est q1 -orthogonale
2 2
puisque (e1 , . . . , e n(n+1) ) et (f1 , . . . , f n(n−1) ) le sont et, en vertu de 4., pour
2 2
tout i, j , S1 (ei , fj ) = 0. D'après le Théorème 5, q1 est une forme quadratique
non dégénérée de signature ( n(n+1) 2 , n(n−1)
2 ).
De la même manière, on montre que q2 est une forme quadratique non dégé-
nérée de signature ( n(n+1) 2 , n(n−1)
2 ).

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