Jusqu Ici Tout Allait Bien

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En 1995, internet n’existe pas, Jacques Parizeau lance sa

JUSQU’ICI TOUT
fameuse phrase à la suite de la défaite référendaire et Lux
Éditeur publie son premier ouvrage. C’est également l’année
où le film culte La haine prend l’affiche et marquera les esprit
avec sa réplique d’ouverture : « C’est l’histoire d’un homme qui
tombe d’un immeuble de cinquante étages. Le mec, au fur et
ALLAIT BIEN
à mesure de sa chute, se répète sans cesse pour se rassurer : VINGT-CINQ ANS
“Jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien.” L’important, D’ÉDITION CRITIQUE
c’est pas la chute, c’est l’atterrissage. » Dessins de Samuel Cantin
Vingt-cinq ans plus tard, cette réplique frappe encore par
son actualité. Pour souligner son quart de siècle d’existence,
Lux Éditeur vous offre ces textes d’auteurs et d’autrices
qui abordent avec humour les transformations et les
bouleversements sociaux de 1995 à aujourd’hui.

Textes de Colin Boudrias, Marie-Lise Chouinard, Rébecca


Déraspe, Marie-Christine Lemieux-Couture, Marc-André Piette,
Odrée Rousseau et Christian Vanasse.

978-2-89596-385-1
Licence enqc-142-1157372-PROD1022586278 accordée le 17 novembre 2024 à
dominique hugon

Jusqu’ici tout allait bien couv V7.indd All Pages 2020-11-24 15:30
JUSQU’ICI TOUT ALLAIT BIEN
JUSQU’ICI TOUT
ALLAIT BIEN
VINGT-CINQ ANS D’ÉDITION CRITIQUE
Dessins de Samuel Cantin
© Lux Éditeur, 2020
www.luxediteur.com

Dépôt légal : 4e trimestre 2020


Bibliothèque et Archives Canada
Bibliothèque et Archives nationales du Québec

ISBN : 978-2-89596-385-1
ISBN (epub) : 978-2-89596-386-8
ISBN (pdf) : 978-2-89596-387-5

Ouvrage publié avec le concours du Conseil des arts du Canada,


du Programme de crédit d’impôt du gouvernement du Québec et
de la SODEC. Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement
du Canada pour nos activités d’édition.
L’important,
c’est l’atterrissage
Christian Vanasse

E n 1995, je suis parti de Saint-­Hyacinthe-­la-­


jolie-­un-­choix-­pour-­la-­vie (slogan de l’époque
pour désigner la technopole agroalimentaire du
Québec) pour entamer ma vie professionnelle à
Montréal-­la-­fierté-­a-une-­ville.
Avec deux copains pis ben de la naïveté, on s’était
mis en tête de chercher l’appart de rêve. Beau, grand,
pas cher, bien situé, pas trop loin des services et dans un
quartier l’fun. Pas stressés pour une cenne (on n’avait
aucune idée que ­celle-­ci allait bientôt disparaître, de
même que l’expression qui vient avec), on a ouvert un
journal papier (on ne soupçonnait pas qu’il allait deve­
nir un OSBL numérique), pis on a commencé à cher-
cher… un matin du début juin !
Pis quand je dis début juin, je ne parle pas du 1er
ou même du 2, histoire d’être au moins un mois avant

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Jusqu’ici tout allait bien

le déménagement, non, non… le 9. Tranquille. Avec


l’assurance débonnaire d’un député libéral qui achète
des commandites en 1995, sûr de jamais se faire pogner
les culottes baissées.
Dans cette ère éphémère de marché de locataires,
la procrastination connaissait ses heures de gloire.
L’après-­midi de la même journée, on signait un bail
pour un magnifique 6 ½, 3 cham­bres à coucher, chauffé,
éclairé pour 600 dollars par mois dans Hochelag’.
On ignorait qu’on dirait un jour « HoMa » pis que
des apparts de même, on n’en retrouverait jamais, ni
dans HoMa ni dans nos rêves. Sauf peut-­être à Saint-­
Hyacinthe-­la-­jolie-­un-­choix-­pour-­la-­vie. Pis encore.
En 1995, « gentrification », « crise du logement » ou
« criss de condos, y’en a donc ben partout ! » ne faisaient
pas encore partie de notre vocabulaire. Mais, déjà, on
se doutait que quelque chose se préparait, parce qu’une
série d’incendies louches avaient rasé les taudis du
Plateau de Michel ­Tremblay pour les remplacer par
des chaînes de restaurants-­déjeuners devant lesquels
les gens se sont mis à faire la file le dimanche matin.
Pis naturellement, les condos ont poussé tout autour,
comme des bleuets après les feux de forêt.
À Montréal comme dans tout le Québec, la même
folie immobilière qu’à Toronto pis Van­cou­ver allait

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L’important, c’est l’atterrissage

frapper, les spéculateurs s’enivrant d’une bulle à l’autre.


En fait, on pourrait résumer le dernier quart de siècle
économique par : y s’en est pété de la bulle en bourse !
Technos, immobilier pis subprimes, le système a été
secoué par autant de petits anévrismes annonçant le
gros AVC qui allait nous laisser la yeule toute molle
juste d’un bord d’la face. Au mieux.
Mais on pensait tellement pas à ça. 1995, c’était le
second référendum, avec le love-in des Anglos… Pas
sûr qu’aujourd’hui on remplirait même un minibus pour
aller dire aux Albertains de ne pas s’en aller.
Et puis, la phrase fatale de Jacques Parizeau à
son discours de défaite : « On a perdu, au fond, pour-
quoi ? À cause de l’argent puis des votes ethniques. »
Aujourd’hui, tout ce dont on se souvient de ses qua-
rante ans de carrière politique, c’est cette phrase de
moins de 100 caractères. Le premier drunk tweet !
1995, c’est aussi l’honorable Jean Bienvenue, ancien
ministre libéral devenu juge à la Cour supérieure, qui,
à l’occasion du prononcé de la sentence d’une condam-
née pour meurtre, a déclaré qu’en commettant des actes
violents, la femme s’abaissait « jusqu’à un niveau de
­bassesse que l’homme le plus vil ne saurait ­lui-­même
atteindre ». Et d’ajouter, enfonçant son propre clou
avec son gros marteau de juge : « [M]ême les nazis

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Jusqu’ici tout allait bien

n’ont pas éliminé des millions de Juifs dans la douleur,


ni même dans le sang. » ­Édifiant !
Le bon juge libéral venait de donner un bel exemple
de la loi de Godwin (selon laquelle plus une discussion
en ligne dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver
une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler
s’approche de 1), énoncée quelques années plus tôt par
Michael Godwin, et qui ne devait concerner que l’in-
ternet. Mais on allait vite constater qu’elle s’étendrait à
TOUS les types de conversations, débats ou commen-
taires du Journal de Montréal, et ce, peu importe le sujet.
En 1995, on ne googlait rien. Soit on savait pas, soit
on bullshitait (aujourd’hui, on dirait « mansplainait »),
soit on regardait encore dans le grand livre des records
Guinness. Depuis, on n’a jamais eu accès à autant d’in-
formations, de connaissances et de publications scien-
tifiques, et, pourtant, des Illuminati à la Terre plate
et aux chemtrails en passant par Éric Duhaime qui
regrette la disparition des bûches de Noël, l’autoroute
de l’information est congestionnée par des diplômés de
la vie qui diffusent leurs cours de pensée critique filmés
à la verticale par leur téléphone cellulaire derrière le
volant de leur char. Esti qu’internet était une erreur.
Même moi, je suis rendu à voir un lien entre la
disparition des abeilles pis la montée en popularité de

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L’important, c’est l’atterrissage

Céline Dion. Y’a de quoi là certain, même si j’ai aucune


preuve de ce que j’avance ! Et l’absence de preuves, c’est
LA preuve qu’ILS nous cachent quelque chose….
Enfin, 1995, c’est la sortie du film culte de Mathieu
Kassovitz, La haine, et sa célèbre réplique d’ouverture
suivie d’images d’émeutes sur fond de chanson de Bob
Marley, Burnin’ and Lootin’ : « C’est l’histoire d’un homme
qui tombe d’un immeuble de cinquante étages. Le mec,
au fur et à mesure de sa chute, se répète sans cesse pour
se rassurer : “Jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien.”
L’important, c’est pas la chute, c’est l’atterrissage. »
Force est de constater que vingt-­cinq ans plus tard,
non seulement cette réplique n’a pas pris une ride, mais
elle est même plus que jamais d’actualité. En début
d’année 2020, après que l’Iran et les USofA se furent
envoyés quelques missiles par la tête, le président
Donald Trump tweeta : « So far, so good. »
Jusqu’ici tout va bien.
Les koalas brûlent, mais y’a bien plus d’islamo-­
anxieux que d’éco-­anxieux, la progression de la science
est proportionnelle à notre propre régression, pis on
dirait que la seule théorie solide sur laquelle on puisse
s’appuyer, c’est la collapso­logie.
Jusqu’ici tout va bien. L’important, c’est pas
la chute, c’est l’atterrissage.

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Jusqu’ici tout allait bien

Ouais. Et comment on occupera notre temps entre


les deux ? Parce que du temps, on en aura peut-­être plus
qu’on pense pour réfléchir à tout ça. À comment on en
est arrivés là. C’était quoi la prémisse ? Et comme on
connaît déjà la chute, pourquoi ne pas en rire tout de
suite ?
La marchandisation
du ressenti
Rébecca Déraspe

J e ne sais pas où j’étais en 2012, mais j’ai appa-


remment raté un tournant important de l’ère
numérique : la naissance de l’humanitaire 2.0 avec
le documentaire Kony 2012. Pendant que je chan-
geais les couches de ma fille, l’Homme blanc d’Amé-
rique tentait de changer le monde. Récit d’un projet
controversé.
L’histoire de Kony 2012 commence en 2003, alors
que l’américain Jason Russell rencontre un enfant
ougandais traumatisé par la mort récente de son
frère, assassiné dans un contexte politique de guerre.
Devant sa lentille pleine d’empathie, Jason promet au
gamin bouleversé de faire arrêter le responsable, le
chef rebelle Joseph Kony. L’homme en question est à
la tête de ­l’Armée de la résistance du Seigneur (Lord’s
Resistance Army, LRA), armée d’enfants qui ont été

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Jusqu’ici tout allait bien

kidnappés, violés, assaillis de toutes parts par l’hor-


reur, l’horrible, l’inhumain. Kony est un vrai de vrai
méchant. Jason pis moi, on est d’accord l­à-­dessus.
Pendant neuf ans, Russell va chercher une façon d’ho-
norer sa promesse. Et c’est cette quête tout américaine
qui va lui donner l’idée du documentaire Kony 2012.
Dans une sorte de « colonialisme de la douleur », Jason
va s’approprier une histoire dont il ne maîtrise rien
d’autre que l’émotion qu’elle lui procure. Comme une
connaissance lointaine qui pleure plus que toi au salon
funéraire quand ta mère meurt. Genre. L’objectif est
noble, pour vrai. Mais Jason s’automanipule pour être à
la hauteur de ce qu’il a promis à cet enfant, pour devenir
son propre héros, en quelque sorte.
Son idée est simple : utiliser les réseaux sociaux
pour attirer l’attention du public sur les atrocités com-
mises là-­bas. Avec l’ONG Invisible Children, Jason
Russell crée un documentaire sensationnaliste dans
lequel le spectateur en apprend autant que toi t’en
apprends quand tu passes à côté d’une scène d’engueu-
lade ; ça crie, ça s’abîme, ça te rend inconfortable. Des
enfants souffrent sur une musique triste. Les images
s’accumulent, les statistiques aussi. Là où le bât blesse,
c’est que le documentaire oublie beaucoup de détails
dans la présentation de la situation. Par exemple, que

18
La marchandisation du ressenti

la LRA n’existe plus, que Joseph Kony a quitté le pays


pour aller se réfugier en République centrafricaine, que
l’armée de l’Ouganda est pas JUSTE GENTILLE non
plus, qu’un mandat d’arrestation international a déjà
été lancé contre Kony. Même les chiffres qu’on nous
présente sont erronés. En gros, il décrit la situation
comme elle était neuf ans auparavant, lorsqu’il a visité
le pays. En plus, Jason Russell met en scène Gavin, son
fils de cinq ans ; sa naïveté joviale et son sentiment d’in-
justice sont contagieux. Son beau petit garçon blond a
de la peine pour les enfants là-­bas.
Devant l’écran de nos ordinateurs, nous, privilé-
giés occidentaux, sommes souvent désarmés face aux
atrocités du monde. Les enfants meu­rent, les arbres
brûlent, les balles sifflent pendant que nos toasters
toastent nos toasts. Madame Culpabilité se tient sur
Facebook, dans sa robe d’émotions à paillettes, elle
attend que quelqu’un la frenche. Pis ça marche. Elle
pogne beaucoup. (Je vais pas faire de slut-­shaming parce
que je suis féministe pis les féministes ont pas le droit
de faire de slut-­shaming. Trois points dans mon cahier
de bonne féministe.) On est souvent fucking impuis-
sants. Et ça, les gens derrière Kony 2012 l’ont compris
et ont su l’utiliser. Ils nous offrent une stratégie clés
en main pour ­sauver le monde : tu peux acheter une

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Jusqu’ici tout allait bien

trousse d ­ ’action, porter un bracelet, distribuer des


dépliants rue Sainte-­Catherine. L’idée derrière cette
commercialisation du drame est étonnante : selon
Invisible Children, il faut que tout le monde connaisse
Joseph Kony pour que l’armée ougandaise réussisse à
l’arrêter. Pardon ? Ils veulent que Kony soit populaire
parce que si je le croise dans la rue, je vais pouvoir le
reconnaître et appeler directement l’Ouganda ? Ça
va se passer comment, la conversation entre moi pis
l’Ouganda ? « Salut, Ouganda ? J’le tiens par la manche,
j’t’attends ! » Bref, on nous donne l’illusion qu’on peut y
faire quelque chose et Invisible Children se fait des mil-
lions de dollars en vendant ces « outils pour une action
concrète ».
Mais cette mise en scène douteuse du Sauveur
blanc d’Amérique ne serait pas que négative. Anthony
Lake, directeur de l’UNICEF, aurait même dit qu’un
phénomène viral de la sorte aurait eu un impact positif
sur le génocide au Rwanda, qu’il aurait aussi pu sauver
des vies au Darfour et au Congo. Même que le docu-
mentaire aurait aidé à faire avancer la cause, selon des
procureurs de la Cour internationale de justice. Et,
surtout, l’explosion de partages et de views a permis
de faire ressortir ce que l’humanité a de plus beau : une
réelle compassion collective.

20
La marchandisation du ressenti

Parce qu’il y a bien eu explosion. C’est d’ailleurs là


où l’histoire devient absolument fascinante. Le docu-
mentaire a été vu plus de 100 millions de fois. 100.
Millions. De. Fois. C’est plus de views que le record
jusque-­là détenu par Susan Boyle. Des vedettes amé-
ricaines de tout acabit, dont Rihanna, Jay-­Z, Justin
Bieber, Bill Gates, sont tombées dans le panneau en
partageant la vidéo. En deux semaines, les internets
ont pété une coche et Jason Russell est devenu une star
de l’activisme numérique.
Mais pendant qu’il s’étourdissait à tourner les coins
ronds, il ne voyait pas le dix roues qui s’apprêtait à lui
rentrer dedans. Quelques jours après que la vidéo fut
mise en ligne, Jason Russell, père de deux enfants,
d’apparence équilibrée, qui fait sûrement du jogging
en mangeant des graines de lin de yoga, s’est désha-
billé intégralement pour aller se balader le zouin-­zouin
libéré dans les rues de sa ville. Les captations qui en ont
été faites sont assez troublantes. Ce n’est pas la nudité
qui me trouble, moi j’ai rien contre ça, « les gens nus »,
mais c’est la détresse, réelle, que cette nudité dévoile.
Il a été arrêté et hospitalisé pour traiter un état avancé
de déshydratation et de malnutrition. Son système ner-
veux a explosé. Il s’est sûrement réveillé avec un gros
gros gros malaise à gérer. Plus que la fois où t’as essayé

21
Jusqu’ici tout allait bien

d’ouvrir ta porte d’entrée avec ton téléphone en vomis-


sant sur ta voisine.
Je peux vraiment comprendre le chemin qui l’a
mené là. Quand un statut Facebook parti­culièrement
bien tourné me mérite 100 likes, ma sérotonine me fait
croire que je suis une p­ ersonne importante. Faudrait
pas que j’en aie 100 millions. Je me jetterais par la
fenêtre, convaincue que je peux voler.
Loin de moi l’idée de lancer la pierre à Jason
Russell, au contraire. Il me touche profondément, cet
homme qui a simplement voulu soulever une montagne
trop haute pour lui. Depuis le christianisme et l’évan-
gélisation, l’Homme blanc d’Amérique veut sauver
le Sauvage pour le prestige. Avant, on l’emmenait en
bateau pour le montrer à la reine, maintenant, suffit de
le filmer. J’exagère, mais pas tant.
En fait, je me demande comment cette anecdote
peut nous éclairer aujourd’hui. Avons-­nous appris de
cette aventure de l’humanitaire 2.0 ? Sommes-­nous
vraiment en mesure de départager le vrai du faux ?
De nuancer le sensible ? De regarder les deux côtés
de la médaille ? C’est d’ailleurs ce que les médias tra-
ditionnels sont censés faire : mettre entre nous et
le sujet un certain filtre objectif. Ce que cette his-
toire nous a appris, c’est que la personnalisation de

22
La marchandisation du ressenti

la violence est souvent plus efficace que l’objectivité


et le général.
Cela dit, bon nombre de mouvements ont vu le jour
justement grâce à ces réseaux sociaux. #MeToo, Black
Lives Matter, le Printemps arabe. Des mouvements qui
ont marqué au fer rouge l’Histoire. Je passerais pour
une matante si je disais que « sur les internets, on se fait
acrère des affaires ». On peut, pour vrai, faire bouger
les choses.
Moi, les émotions et l’empathie, j’ai rien contre
ça. Mais comment les mettre au service du vrai, du
mouvement, sans déformer le réel ? Dans l’histoire de
Kony 2012, les internautes ont senti qu’ils pouvaient
prendre part à quelque chose de plus grand qu’eux,
agir, perdre un peu de cette impuissance culpabilisante.
Peut-­être qu’elle est là, la lumière ?
La pression est forte. Des fois, j’ai juste envie de
former une petite maison avec mon corps pis de mettre
ma fille dedans. La protéger de tout. Les réseaux
sociaux ne nous rendent pas plus intelligents. La toute-­
puissance de l’Opinion nous rend tous à moitié fous.
On se promène sur internet à la recherche d’un temps
que nous p­ erdons tous, que nous n’aurons plus jamais.
L’impuissance et la culpabilité nous font prendre
des raccourcis intellectuels dangereux. Je ne suis pas

23
Jusqu’ici tout allait bien

cynique. Je crois profondément en l’Humain. J’ai envie


de dire « je t’aime » plus vite que « va-­t’en ».
Je suis autrice de théâtre. Je ne réfléchis le monde
qu’avec la fiction. Mais je pose quand même la ques-
tion : est-­ce que le réel est suffisant pour nous mettre
en mouvement ?
De façon toute personnelle et émotive, j’ai envie
que le vrai fasse lever les foules. Que la science nous
mobilise. Que le réel soit assez.
Finalement, dans cette histoire de Kony 2012, ce
qu’il y a de plus vrai, de plus profondément humain,
c’est ce formidable pétage de coche de Jason. Il s’est
masturbé en public comme on éclate en sanglots.
Même si c’est laid, même si c’est troublant, ce que Jason
Russell a hurlé à la face du monde était tout de même
sincère.
Marcher sur les œufs
de la masculinité fragile
Marie-­Christine Lemieux-­Couture

I l y a quelque chose de caricatural dans la


vision stéréotypée de la masculinité. La masculinité
prend de la place : elle brasse des grosses affaires avec
des gros bras, des gros moteurs, des gros steaks, des
gros seins affichés sur les murs de gros garages, entre
une grosse tondeuse et un gros VUS. Le patriarcat est
grossier, ses traits ont quelque chose de clownesque.
Ses idées de grandeur l’amènent à se repré­senter gros,
fort, écrasant, pour mieux s’ériger comme le genre
dominant. Ironiquement, cette m ­ asculinité-­
là ne
résiste pas à l’épreuve des faits : elle se casse comme un
orteil sur le coin d’un meuble à la moindre mention de
« non-­mixité » et s’effrite comme un manuscrit datant
du xive siècle à l’air libre devant une toilette mixte.
La force et le pouvoir incarnés par une virilité
brute, pour ne pas dire brutale, se révèlent être à

27
Jusqu’ici tout allait bien

l’image de l’expression « avoir des couilles ». C’est bien


joli de vouloir faire du testicule un synonyme de cou-
rage et de puissance, mais en réalité une pichenotte
suffit à faire chanter aigu l’individu sur lequel elles
s’accrochent. Il paraît même qu’elles sont si sensibles
qu’il est impossible, pour quantité d’hommes cis, de
fermer les jambes lorsqu’ils s’assoient dans les trans-
ports publics. Disons-­le franchement, la masculinité
est aussi fragile qu’une vitrine de banque par un beau
soir de manifestation.
Là où le féminisme s’illumine en toutes lettres
pour briller plus vigoureusement que les paillettes
de Beyoncé, la misogynie n’en continue pas moins de
singer les relents rétrogrades d’un traité de bonne
éducation domestique à l’usage des jeunes filles du
xviie siècle. Au cours des trente dernières années, le
massacre de Polytechnique a fait de multiples rejetons :
Isla Vista (2014), Umpqua (2015), Parkland (2018),
Toronto (2018), Tallahassee (2018), ­Dayton (2019), en
passant par les menaces d’une attaque à la sauce « mas-
sacre de Montréal » pour empêcher la féministe Anita
Sarkeesian de prendre la parole sur le campus de l’uni-
versité de l’Utah.
Pour la droite populiste, les femmes « s’attrapent
par le vagin », sont des filles de joie en tailleur, des

28
Marcher sur les œufs de la masculinité fragile

crottées en coton ouaté et des terroristes en hijab,


et cette droite est de plus en plus partout. Des Incels
(ou involontary celibate) – ces hommes qui se croient
contraints à l’abstinence et qui glorifient les fémini-
cides – aux suprémacistes blancs qui se réjouissent de
happer à mort une manifestante, en passant par les
masculinistes – ces pauvres hommes qui pensent vivre
dans un matriarcat –, les pick up artist – ces revendeurs
de tactiques manipulatrices pour se pogner des filles
et qui vont parfois jusqu’à militer pour la légalisation
du viol sur la propriété privée – et les conservateurs
qui trouvent qu’ils ne peuvent plus rien dire depuis que
le débat sur l’avortement semble clôt, un discours de
plus en plus violent à l’égard des femmes agit comme
le reflux gastrique des avancées en matière de parité.
Si l’on souhaitait cette misogynie recluse aux
oubliettes, comme les bas blancs dans des sandales, elle
ne se faufile pas moins ici et là : des rivières de larmes
chaque fois que Safia Nolin s’habille (ou se déshabille),
des fleuves d’insultes contre les femmes qui jaillissent
sur les réseaux sociaux lorsqu’un artiste chouchou est
accusé d’agression sexuelle ou de violence conjugale
et des humoristes qui hurlent à la censure quand on
leur dit que leurs blagues sont aussi diversifiées qu’un
champ de blé d’Inde.

29
Jusqu’ici tout allait bien

Devant l’aspect protéiforme de la misogynie, il


serait tout à fait compréhensible que la panique monte
à la tête de plus d’un. J’entends d’ici les : « Ciel ! suis-
­je misogyne ou les femmes capotent tellement qu’elles
confondent un inopiné éternuement avec une agression
aérienne ? » Pour répondre à vos inquiétudes, je vous
ai concocté un très scientifique petit test de personna-
lité pour déterminer à quel point votre masculinité se
trouve fragilisée par le fait inusité que les femmes sont,
elles aussi, des êtres humains.

1. Selon toi, que signifie le féminisme ?


a) Une religion qui endoctrine les jeunes filles en
les forçant à arrêter de s’épiler et à se faire tatouer
des vergetures.
b) Un fléau qui vise à promouvoir le décrochage
scolaire chez les garçons, le suicide chez les
hommes et l’avènement de la castration chimique
pour tous.
c) Une doctrine politique qui cherche à détruire
l’ordre naturel du monde en renversant les rôles
traditionnels assignés en fonction des sexes
biologiques.

30
Marcher sur les œufs de la masculinité fragile

d) Une façon pratico-­ pratique de se pogner


des filles, tout en faisant mousser son image de
marque.
e) Un ensemble de théories et de mouvements
dont l’objectif commun est de réaliser l’égalité
entre les hommes et les femmes.

2. Comment réagis-­tu lorsque ton patron


est une femme ?
a) Je me crée un faux compte Twitter et je me
donne de l’importance en lui envoyant de jolies
poses de mon pénis pour égayer ses journées. Chu
tellement un bon gars !
b) Je rumine sur la discrimination positive, cette
calamité qui empêche les hommes d’ac­céder à de
meilleurs postes en formant un plafond de glaire.
c) Je me dis qu’elle a sûrement couché avec la
bonne personne. Suspicieux, je surveille ouverte-
ment ses moindres gestes.
d) Je suis très heureux pour elle et je l’aide en lui
expliquant comment, moi, je ferais sa job.
e) Ça me passe six pieds par-­dessus la tête : un
boss c’t’un boss.

31
Jusqu’ici tout allait bien

3. Lorsque tu es sur Facebook, quelle est


ta ­principale activité ?
a) Je lis avidement la dernière publication de mon
pick up artist préféré et je me plains sur mon groupe
secret Facebook intitulé « Lave-­verges » parce que
les femmes refu­sent de coucher avec moi malgré
tous mes efforts.
b) Je déverse ma haine des féminazis sur mon
groupe secret Facebook « Matriarcaca », et j’envoie
des insultes sexistes en messagerie privée à des
blogueuses qui ont un certain rayonnement public.
c) Je joue à l’avocat du diable sous des statuts un
peu trop radicaux à mon goût.
d) Je fais des statuts féministes et je réclame mes
200 likes en passant go.
e) J’apprends en lisant des articles partagés par
des ami·e·s et prends de leurs nouvelles.

4. Une femme qui te plaît refuse de sortir


avec toi, comment réagis-­tu ?
a) Je m’insurge parce que les femmes préfèrent les
hommes qui les traitent mal, plutôt que moi, un
bon gars, et je redouble de pression pour lui faire
entendre raison.

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dominique hugon
Marcher sur les œufs de la masculinité fragile

b) Je maudis les féministes pour faire croire aux


femmes qu’elles peuvent me résister.
c) Je coupe tout contact avec elle. L’amitié
homme-­femme est une aberration. Si je ne peux
pas coucher avec elle, je n’en veux pas.
d) Je fais mine de m’accommoder de son amitié en
attendant l’arrivée du moment propice où je pour-
rai profiter d’elle.
e) Je suis content de me faire une amie.

5. T’arrive-­t-il de commenter les corps


des femmes ?
a) Tout le temps, les belles autant que les laides.
b) Juste ceux des féministes, ces butchs hirsutes,
frigides et répugnantes.
c) Je complimente les jolies femmes et je les traite
de « mal baisées » si elles ne me sourient pas en
retour.
d) Tout le temps, mais généralement dans ma tête,
sauf si ça peut me servir à justifier des comporte-
ments déplacés.
e) Ça peut m’arriver, mais si on me le fait remar-
quer, je présente des excuses aussitôt.

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Jusqu’ici tout allait bien

Tu as obtenu une majorité de A :


le misogyne notoire
Tu mets de la porno sur tes toasts pour déjeuner, mais
en même temps, tu peines à trouver une partenaire
pour remplacer ta main préférée et tu cultives un res-
sentiment exagéré contre les femmes parce qu’elles
refusent obstinément de s’écarter les jambes à ta vue.
Ta mère te trouvait pourtant beau ! Comment se fait-
­il que les fem­mes ne fassent pas la file pour te sucer ?
Si la miso­gynie pouvait se mesurer en degrés Celsius,
tu ferais fondre le thermomètre, mais y’aurait juste
toi pour penser que c’est hot. Même tes molaires sont
fâchées contre les femmes. Heureusement, tes gènes
sont les moins susceptibles de se r­ eproduire.

Tu as obtenu une majorité de B :


le misogyne de circonstances
Tu penses que tu ne hais pas toutes les femmes parce
que tu hais seulement les féministes, mais toutes
les femmes sont féministes sauf ta mère pis ta fille,
dont tu as perdu les droits de garde parce que ton
ex est féministe. Tu cries au sexisme inversé chaque
fois qu’il y a plus de toilettes pour femmes que d’uri-
noirs dans un bar ou que tu dois céder ton siège à une
madame en marchette. Chaque matin, tu te réveilles

34
Marcher sur les œufs de la masculinité fragile

dans le matriarcat parce que « banane » est un mot


FÉMININ, malgré sa forme phallique évidente. Tu
lis religieusement Le Journal de Montréal et tu as une
tendance incontrôlable à grimper sur les ponts pour
revendiquer des droits que tu as déjà.

Tu as obtenu une majorité de C :


le misogyne politique
Armé de ton petit catéchisme, tu rêves plus ou moins
secrètement de retourner à l’époque, pas si lointaine,
où les femmes s’épanouissaient à la vue d’un plumeau
et d’une liste de tâches ménagères. Tu te soucies
beaucoup du sort des humains, mais juste quand ils
ne sont pas encore nés. Tu n’as vraiment rien contre
les femmes, tu penses d’ailleurs qu’elles devraient
être traitées équitablement… entre elles. Tu penses
que l’égalité est déjà acquise : l’écart de salaire entre
les hommes et les femmes, c’est juste une question de
biologie.

Tu as obtenu une majorité de D :


le misogyne mystère
Tu peux citer par cœur Virginie Despentes ou
Chimamanda Ngozi Adichie, selon la situation et qui
tu veux séduire, mais c’est comme un filtre Instagram :

35
Jusqu’ici tout allait bien

c’est pas pour vrai. Tu portes ton féminisme comme


un masque, et les bonbons que tu reçois en retour
te rendent heureux comme un enfant un jour d’Hal-
loween. Ton féminisme est aussi utile pour la condi-
tion féminine que la loi fédérale sur l’interdiction des
pailles en plastique pour l’environnement. Tu traites
les femmes comme du papier-­cul : tu les flushes une
fois qu’elles t’ont torché. Supermilitant en public, tu
t’assois sur les lauriers de tes privilèges en privé.

Tu as obtenu une majorité de E :


le degré zéro de l’humain décent
Bonne nouvelle ! Tu n’es pas misogyne, du moins
en apparence, parce qu’il y a de fortes chances
que tu savais quoi répondre pour te donner bonne
conscience. De toute façon, ne t’attends pas à des
félicitations de ma part pour le simple fait d’être un
humain décent.
Globaux et globuleux :
médias et dictature
de l’opinion
Colin Boudrias

F élicitations ! Vous venez d’acheter l’équivalent


gauchiste des chroniques du Journal de Montréal.
Un recueil où l’on renie la rigueur et les compétences
pour un ramassis de commentaires éditoriaux pondus
par des ignares qui compensent leur manque d’exper-
tise par de la colère. L’opinion, c’est ça qui pogne !
Lux va même encore plus loin que Québecor dans
le racolage, ils demandent des textes d’humoristes.
« Tasse-­toé Alain Deneault, faut qu’on vende. On va
publier des coups de gueule d’égocentriques sous-­
éduqués surestimés. » Ils nous uti­lisent pour vendre
des recueils comme on utilise des femmes en bikini
pour vendre des chars. Nous sommes des poules de
Lux. Venez rencontrer Christian Vanasse en Speedo
au kiosque pen­dant le prochain Salon du livre !

39
Jusqu’ici tout allait bien

Lux, qui était pour moi un éditeur de réflexions


politiques rigoureuses, vient clairement de jeter la ser-
viette. Ce que vous tenez entre les mains veut célébrer
les 25 ans de la maison, mais ça ressemble plus à un
constat d’échec de 104 pages ! Vingt-­cinq ans de travail
pour finalement publier de l’infotainment… Bonne fête
la gang !
Les éditeurs auraient aussi bien pu célébrer en fou-
tant le feu à leurs bureaux, en plus ça aurait brûlé vite
avec toutes les boîtes de livres invendus.
Invendus, mais au moins pertinents. Celui-­ci va
peut-­être s’écouler, mais à quel prix ? Demander à des
humoristes d’écrire un ouvrage sociopolitique, c’est
comme mettre un monocle à un orang-­outang et lui
demander de vous composer une symphonie. C’est
quoi la prochaine étape, une réflexion sur le néolibéra-
lisme par Sébastien Benoît ? Si vous voulez vendre à ce
point-­là, éditez donc des livres de cuisine. 12 recettes de
kale avec Naomi Klein, Les meilleurs cupcakes de Francis
Dupuis-­Déri, Manger mou avec Noam Chomsky !
Le plus ironique là-­dedans, c’est que je me retrouve,
moi, un comique sans aucune connaissance en journa-
lisme ou en communication, à devoir m’exprimer sur « la
dictature de l’opinion dans les médias ». Je suis ici pour
critiquer un phénomène en ayant les deux pieds dedans.

40
Globaux et globuleux : médias et dictature de l’opinion

C’est une mise en abyme d’insignifiance. Je prêche par


l’exemple en écrivant un texte futile sur le manque de
rigueur des médias d’information avant de retourner
peaufiner des blagues de prostate et des anecdotes de
camping. Ce texte aurait été une excellente occasion de
faire appel à des experts. Vous devriez avoir droit à une
réflexion éclairée, qui va enfin plus loin que l’opinion
personnelle, mais Lux considère que vous ne méritez
rien de mieux qu’un humoriste qui vient de lire la page
Wikipédia de La société du spectacle dans une tentative
désespérée de se trouver une conclusion. À votre place,
je serais vexé.
Ce recueil suit tout à fait la tendance des dernières
années : demander à un nombre de plus en plus grand de
chroniqueurs (idéalement masculins et blancs, comme
bibi) de partager leurs opinions sans se bâdrer des
faits ou de la recherche. Payer des hommes pour qu’ils
s’expriment sans expertise, quel gaspillage d’argent.
Suivez-­nous sur les réseaux sociaux, on passe déjà nos
journées à faire ça gratis.
La distinction entre les médias traditionnels et les
réseaux sociaux est de plus en plus vague. Les enquêtes
journalistiques sont remplacées par des textes d’hu-
meur, on n’est plus jamais très loin des posts en Caps
Lock ! Ce que D ­ enise B ­ ombardier écrit dans le

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Jusqu’ici tout allait bien

journal, elle pourrait très bien le vomir directement


sur Facebook si elle comprenait comment se connec-
ter. On veut des chroniques-­chocs. Courtes, punchées.
On pour­rait aussi bien publier des tweets. Au moins, ça
forcerait Mathieu Bock-­Côté à arrêter de pondre des
phrases de 200 mots. Le Balzac de la paranoïa identi-
taire, il me perd complètement dans ses longues tirades
alambiquées. Honnêtement, une chance qu’il répète
toujours la même chose, sinon je n’aurais aucune idée
de quoi il parle.
Et comme si les médias d’information n’étaient
pas déjà assez légers comme ça, ils font de plus en plus
appel à des « humeuristes ». Mais on perd sur toute la
ligne quand on essaye de divertir le public avec de l’hu-
mour engagé, parce que l’humour engagé, ça n’amuse
personne. Je le sais, j’en fais. Le but de ce type d’hu-
mour n’est pas de divertir, c’est de se donner bonne
conscience. Si je vais voir un show de Louis T, est-ce
que c’est vraiment pour rire ou c’est plutôt parce que je
culpabilise ? Parce que j’ai trop pris l’avion cette année
et que je cherche à me racheter. L’humour engagé, c’est
l’équivalent des crédits carbone du milieu de la culture.
Ça nous permet de nous sentir mieux sans avoir à
changer nos comportements, comme un organisme de
charité. En fait, la seule différence entre aller voir un

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Globaux et globuleux : médias et dictature de l’opinion

show de Louis T ou donner à la fondation de Véronique


Cloutier pour les autistes, c’est que dans le premier cas,
on est certain que notre argent va vraiment dans les
poches d’un autiste.
Je suis fatigué de donner mon opinion, je ne suis
plus capable de m’entendre moi-­même. Je n’ai pas une
plateforme particulièrement grande, mais elle sera
toujours démesurée par rapport à ce que j’ai à dire. J’ai
été sollicité comme chroniqueur à quelques occasions,
et j’ai réalisé qu’en l’espace de quelques semaines, j’ai
fini par m’exprimer sans savoir ce que je pensais. Être
chroniqueur, c’est avoir un talent pour ne pas réfléchir
à ses prises de position. J’improvise mes convictions, je
forme mes opinions selon les deadlines qu’on me donne.
Moins j’ai de temps, plus je suis fâché ! Et plus je suis
fâché, moins j’agis. À force d’être constamment scan-
dalisé, tout devient révoltant de façon égale : l’écologie,
le système de santé, les nids de poule… Je nourris une
colère constante, diffuse et inutile…
Je vous l’ai dit que l’humour engagé, c’est pas drôle.
J’ai beaucoup de compassion pour les polémistes
qui doivent produire sept papiers par semaine. Si j’avais
à faire la même chose, j­ ’oublierais complètement qui je
suis. Un chroniqueur finit inévitablement par écrire
n’importe quoi. Plus tu te prononces souvent, plus tu

43
Jusqu’ici tout allait bien

risques de dire de la merde. On appelle ça la « règle des


radios de Québec ». Personne ne peut faire des heures
de radio live quotidiennement et rester pertinent. Je
suis sûr qu’après deux heures de micro, même David
Suzuki nous commanderait d’acheter un F-150 pour
écraser des cyclistes.
Comment en est-­on arrivé là ? Si on veut réellement
comprendre d’où vient la fascination québécoise pour
le « journalisme » d’opinion controversé, il faut poser
la question à Jean-­Luc Mongrain. Et on devrait faire ça
vite avant que l’anévrisme qu’on voit venir depuis vingt
ans le foudroie. Il a été le premier à transformer l’infor-
mation en quelque chose de burlesque. Il a su captiver
le public, nous maintenir sur le bord de notre chaise à
se demander si ses yeux exorbités allaient popper out et
blesser un technicien. Ça garde en haleine !
Le problème, c’est que Mongrain a établi un nou-
veau standard auquel même Lux finit par se plier. Une
nouvelle information distrayante, proche du « vrai »
monde, réconfortante, qui feel moins « salle de presse »,
et plus « party de Noël au Saguenay ». Du bon pâté à’
viande d’actualités. Depuis que j’ai été exposé au spec-
tacle de l’information, le journalisme rigoureux n’a
plus aucune saveur, ça goûte comme une gorgée d’eau
qu’Éric Lapointe boit par erreur. Je suis incapable

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Globaux et globuleux : médias et dictature de l’opinion

d’écouter quelqu’un me parler d’un scoop s’il ne pos-


tillonne pas en même temps. Si tu veux me captiver, il
faut que je puisse voir les veines te péter dans l’front.
L’information est condamnée à devenir toujours plus
divertissante pour nous garder captivés. À quand le
show Mongrain 3D, en réalité virtuelle ? Là, ses gros
yeux vont être impressionnants, on va vraiment avoir
l’impression de pouvoir les toucher.

Nous ne voulons plus travailler au spectacle de la fin


du monde, mais à la fin du monde du spectacle.
Guy Debord, La société du spectacle, Wikipédia,
consulté le 21 novembre 2019
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L’épaississement général
Marie-­Lise Chouinard

Q uand j’étais petite, je pleurais tout le temps.


Tout me faisait peur : les bibittes, Freddy
Krueger, les fatalities de Mortal Kombat, les pochettes
de disque inquiétantes (genre celle de Peter Gabriel où
il a la moitié de la face fondue), l’ostie de peau brune
dégueulasse de E.T. et j’en passe (parce que si je conti-
nuais, ça prendrait toutes les pages du livre super cool
que vous venez d’acheter et il n’y aurait plus de place
pour le beau texte de Colin Boudrias !).
Bref, j’avais peur de plein de choses ! Mais s’il
y en avait une qui me faisait plus peur que toutes les
autres, c’était bien la technologie. Quand mon grand
frère a parlé pour la première fois de s’acheter un Super
Nintendo, j’ai pleuré. Je mangeais de la soupe Lipton et
j’ai versé une larme sur une nouille. Car je savais ce que
ça voulait dire.
Ça voulait dire qu’après le Super Nintendo, il y
aurait le Super Duper Nintendo, et après le Méga Giga

47
Jusqu’ici tout allait bien

Super Nintendo, suivi du Super Bronto Énorme Câlisse


de Nintendo et qu’après, on vivrait entourés de robots
et on se parlerait à travers des écrans, comme dans tous
les films futuristes qui passaient à TQS (ça aussi ça me
faisait peur, la programmation de TQS).
Finalement, ma famille n’a jamais acheté le Super
Nintendo à cause de ma phobie d’enfant. Et je tiens
à la remercier. Mes frères et sœurs se contentaient
d’aller jouer à Mario chez des amis, et moi je pouvais
rester tranquille à colorier des pouliches dans le sous-­
sol sans angoisser toutes les cinq secondes à l’idée que
l’intelligence artificielle finirait un jour par régner sur
le monde.
Aujourd’hui, je suis une adulte. J’ai 33 ans et je
peux vous confirmer que mes phobies d’enfant étaient
fondées.
La petite mottée aux cheveux grichoux qui brail-
lait tout le temps a eu raison de verser une larme sur sa
nouille… le jour où Facebook est arrivé.
Aujourd’hui, n’importe quelle épaisse qui a un
ordinateur peut se bâtir une communauté d’épais qui
la suivent à cause de sa façon d’agencer des couleurs
fluo sur ses grosses paupières d’épaisse. N’importe
quel épais peut se partir un fan base d’épais qui adorent
sa façon de parler du fait que la Terre est plate. C’est

48
L’épaississement général

ça, l’horreur. C’est ça qui fait peur… L’épaississement


général.
En 2003, Mark Zuckerberg a lancé un site super
weird, FaceMash ! Une belle plateforme de cinglés sur
laquelle les étudiants de son université pouvaient se
coter par rapport à leur apparence physique. Wow !
Esti de beau concept ! Les laites ont 2 % pis les hots
ont 100 %. Pis c’est ce gars-­là aujourd’hui qui mène le
monde : un bully !
Quelques années plus tard, Marky Mark a eu la
bonne idée de créer Facebook. Déjà moins dégueu-
lasse comme concept. (Pensions-­nous à l’époque !) Des
amis peuvent se contacter et partager des photos de
moments qu’ils ont passés ensemble. Maintenant, tout
le monde peut voir que t’étais avec Steve Grenier au
Grand Prix en 2004 ! Wow ! Maintenant, tout le monde
peut avoir l’air d’un loser en manque d’attention sans se
faire juger !
Mais c’est quand Zuckerberg a inventé le fil d’ac-
tualité que notre société a commencé à prendre le che-
min de la dompe. Depuis ce moment-­là, on peut non
seulement dévoiler au grand jour nos moments les
plus insignifiants, mais en plus, on peut les mettre sur
la grande ligne du temps qui nous sert aujourd’hui de
bulletin de nouvelles.

49
Jusqu’ici tout allait bien

Pourquoi perdre mon temps à m’informer de ce


qui se passe dans la bande de Gaza quand je peux m’in-
former sur la face de mon cousin tellement déformée
depuis qu’il s’est fait manger par des mouches noires
l’autre jour en quatre roues ?
Et, chers amis… c’est au moment précis de la
création de ce fil maudit que j’ai recommencé à pleu-
rer comme quand j’étais petite… Mes visions post-­
apocalyptiques prenaient forme sous mes yeux.
L’humain, contrairement à ce que je souhaitais, n’a
pas eu à développer des zones inexplorées de son cer-
veau pour lire dans les pensées des autres… Pas besoin !
Tout le monde partage ses pensées les plus secrètes sur
fuckin’ Facebook ! Malédiction !
Maintenant, je sais que le gars « ben smat » à qui
je parlais la veille est un raciste misogyne ! Il vient de
m’ajouter comme amie et je peux lire toutes ses pensées
de babouin de Beloeil ! J’ai peur ! Hier, il était si gen-
til… Aujourd’hui, je sais qu’il passe le plus clair de son
temps à partager des commentaires qui stigmatisent
les musulmans… En plus, y’a l’air de passer beaucoup de
temps à prendre des photos de son écran de télé quand
y’a une belle fille qui apporte une valise au Banquier !
Ciboère ! Donnez-­moi une strap que je lui fouette le
cortex frontal !

50
L’épaississement général

Quand le fil d’actualité est arrivé dans nos vies, j’ai


dû me rendre à l’évidence : je ne vis pas dans une belle
communauté qui lit des passages de Rostand avant de
se coucher. Non. Je vis dans une société qui tripe sur
des photos de chiens qui portent une tuque ! Dans une
société de vantards qui cherchent à être plus cools que
le voisin qu’ils n’ont jamais vu.
« Regardez-­moi tout le monde ! Je vais au mariage
d’une fille dont vous vous sacrez ben raide ! Et je me suis
mis sur mon 31 pour l’occasion ! Je vous partage avec géné-
rosité ce gros plan de mes seins dans une robe mauve-­lilas !
Esti que je suis belle ! ! ! Body positive, tout le monde ! » OK,
cool. Body positive. Mais il est où, le cerveau positive ?
Bon, ça fait pleurer, mais ça reste dans les limites
de l’acceptable…
Là où c’est devenu complètement OUT OF
CONTROL, c’est quand les gorilles à lunettes de la
Silicon Valley ont décidé d’inventer le like.
Depuis, l’introspection n’existe plus. Maintenant,
ce qui est trendy, c’est l’out-­trospection ! On s’analyse
de l’extérieur !
Le cerveau humain fonctionne maintenant ainsi :
— Est-­ce que je suis une bonne mère ? Hum…
Je sais pas… Attends une minute. Je vais demander à
3 500 débiles.

51
Jusqu’ici tout allait bien

Pis on publie une photo accompagnée d’un mes-


sage plein de fautes. Ça prend deux minutes et on a
réponse à nos questions.
— Eille ! J’ai fait des biscuits en forme de lapin !
J’ai mis du caramel dans ses oreilles en pâte de gruau !
Suis-­je une bonne maman ou quoi ? ? ? Haha !
Deux heures plus tard, la réponse apparaît ! Une
réponse précise comme celle qui sort de la boule noire
qui dit yes ou maybe quand on la brasse.
Quarante-­trois likes !
La bonne mère de famille peut dormir sur ses deux
oreilles. Quarante-­trois personnes la trouvent super
adorable. Les 43 personnes qui ne l’ont pas vue garro-
cher une assiette dans le mur à matin trouvent qu’elle
fait très bien ça, élever des enfants sans leur créer de
trouble de l’attachement !
Et c’est ainsi que notre tissu social s’est transformé
en vieux linge à Swiffer plein de poils de chat ! Grâce à
Mark Zuckerberg !
Quand j’étais petite, je pleurais souvent, mais je ne
riais de personne à l’école. J’étais l’amie de tout le monde.
Aujourd’hui, je pleure moins souvent, mais une chose est
sûre, je veux être l’amie de moins en moins de monde !
Et je continue d’avoir peur de l’évolution techno-
logique. J’ai peur qu’un jour, un enfant me dise qu’il

52
L’épaississement général

joue au parc tous les jours dans sa Bronto Xbox avec


un masque dans’ face pis des souliers aux semelles vir-
tuelles qui imitent le feeling du sable. Ou pire, qu’une
fille me dise qu’elle vit le miracle de la maternité en réa-
lité virtuelle, dans le confort de son 4 ½, grâce à sa PS8.
Les gladiateurs
Marc-­André Piette

J e suis un gars qui s’intéresse autant aux


places qu’aux patentes. On peut faire certaines
patentes à certaines places, mais certaines places ne
nous permettent pas nécessairement de faire toutes
les patentes qu’on voudrait.
Histoire de s’amuser, associons « écouter de la
musique » à « patente », et « dans le métro » à « place ».
Avez-­vous déjà écouté de la musique dans le métro ?
Moi, oui. Il s’agit là d’un comportement somme toute
toléré et banal. Mais l’équation « patente-­place » se
complexifie solide quand on y ajoute la variable « qui ».
Mon rêve, étant enfant, était que le monde se
résume uniquement à cette équation « patente-­place-­
qui ». C’était une façon simple d’analyser le monde et
de se demander si l’on faisait la bonne patente dans la
bonne place.
Considérons que le « qui » est moi : Piette écoute
du Meshuggah dans le métro. C’est sim­ple, ça passe

55
Jusqu’ici tout allait bien

assez bien. Imaginez maintenant que le « qui », ce n’est


pas moi, mais un astronaute-­ministre des Transports.
Remplacez ensuite « dans le métro » par « en point de
presse pour dire que les couteaux de moins de six cen-
timètres sont maintenant autorisés dans les avions ».
Vous conviendrez que ce n’est pas nécessairement la
place pour écouter du Meshuggah, aussi fan de beats
pas poignables ce ministre soit-­il.
Ça, mes amis, ce n’est que le premier niveau. Car
tenez-­vous bien : il est possible de faire plusieurs choses
en même temps, et ce, dans une même place, et ces
choses feront également varier le degré d’acceptation
des témoins en fonction du « qui ». OSTI.
Les combinaisons sont infinies. Vincent Marissal
qui se starte une game d’Ocarina of Time sous le nom
de « Vomi » dans un condo à un million, Pénélope
McQuade qui fume un carton d’indiennes sur la car-
casse du vieux pont Champlain, Debbie Lynch-­White
qui répond à toutes les questions de Patrice Bélanger
par : « J’ai toujours secrètement voulu chier dans mon
compost » sur le plateau de Sucré Salé… Exit L’os­ti d’jeu,
voici comment passer une belle soirée en se clenchant
des shooters à la P’tite Grenouille.
Beaucoup de « qui » ont fait des « patentes » dans
des « places » ces dernières années. Patrice Roy a

56
Les gladiateurs

éprouvé de la sympathie envers des sinistrés dans l’eau


sale de la rivière Richelieu, Éric Salvail a « joué » dans
Hot-­Dog, Catherine Dorion a parlé de son polyamour
sur un plateau de V, un client insatisfait a déclaré qu’il
avait une bombe au IKEA de Boucherville… Dans quels
cas peut-­on affirmer que les règles de bienséance en
société sont respectées ? Grosse question. Qu’en aurait-
­il été si Patrice Roy avait joué dans Hot-­Dog ou que
Catherine Dorion avait crié à la bombe dans un IKEA ?
Je m’intéresse ici à la notion de décorum, soit « l’en-
semble des règles à observer pour tenir son rang dans
une bonne société ». Un mot dégueulé à répétition par
moult analystes en cette époque de t-­shirts de poètes
et bottes de punk à l’Assemblée nationale. Je ne ferai
pas le procès vestimentaire de Catherine Dorion, car
entre vous et moi, je me torche bien qu’elle soit guenil-
lée d’un t-­shirt ou d’un moumou. À la limite, je regarde-
rais beaucoup plus la Chaîne parlementaire si François
Legault portait la camisole Under Armour qu’il arbore
pour faire cuire ses fameux roteux-­sauce-­François sur
le barbecue. C’est juste que j’ai le sourcil qui retrousse
quand je vois une députée en fonction (qui) parler de
son polyamour (patente) sur un plateau de télévision
mainstream (place). Ou avoir une tribune radiopho-
nique dans une radio privée. Ce n’est pas illégal, mais

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Jusqu’ici tout allait bien

dans ces moments-­là, je me dis qu’un manque de déco-


rum, ce n’est pas juste le port de Crocs en public.
Je ne m’acharnerai pas non plus sur les Solidaires
ou le discours despotique d’un ancien chroniqueur
de La Presse proclamant son immortalité devant des
Rosemontois (devenus Rosepatriens, mille excuses).
Non. En fait, un de mes « patente-­place-­qui » préférés
des dernières années a eu lieu lors du festival d’humour
Zoofest en juillet 2018, lorsque Philippe Couillard
a été interviewé par une humoriste pendant soixante
minutes afin que l’on découvre l’« homme » derrière le
politicien. Ça, c’était malade ! Phil va à la pêche, boit
du vin, dit « aimer le café » en arabe (il a appris ça en
Arabie saoudite)… Plusieurs affirment que ce genre de
propagande bon enfant à la veille d’une élection, c’est
dangereux, ça rend sympathique une figure détestable
aux yeux de certaines gens moins « politiques », ça
passe à côté de l’essentiel, blablabla… Dans mon cas,
j’agite le drapeau jaune pisse du manque de décorum,
non parce que c’est dangereux, mais parce que c’est
plate en tabarnik.
Tout le monde fait des affaires en dehors de ses
fonctions. Charles Tisseyre se fait des toasts de temps
en temps, j’suis pas mal sûr. Martin Carli fait la vaisselle
et sacre après son chien. Jonathan Painchaud oublie de

58
Les gladiateurs

payer les articles qui se trouvent dans la partie infé-


rieure de son panier au IGA… Pourquoi pensez-­vous
que Charles ne dit jamais : « Ce soir, à Découverte, je me
suis crossé avec du son pendant que ma conjointe était
partie » en commençant le show ? Fascinant ! Ou que
Martin ne crie pas des insultes à un colley pendant les
segments « expériences » de Génial ? Pourquoi ? Parce
qu’eux, ils ont compris ce que c’est, le décorum : selon
ton « qui », tu ne peux pas faire certaines « patentes »
dans des « places ». Et un « qui » public ne peut pas être
plate. Je ne veux pas voir quelqu’un comme moi à la
télé, quessé ça ? Je désire encore moins être représenté
par un ou une politicienne qui me ressemble ! What the
fuck ?! Si les politiciens me ressemblaient, y’aurait tel-
lement de fumée de cigarette dans l’salon bleu qu’les
députés r’trouveraient même pus leu’ bière.
Quand est-­ce que tout ça a commencé ? Quand
est-­ce que c’est devenu « acceptable » de faire n’importe
quoi, n’importe où, malgré ton « qui » ? Quand Parizeau
s’est bourré de cognac avant son discours postréféren-
daire en 1995 ? Avait-­il raison, avait-­il tort ? Était-­il
saoul ? Qu’importe ! Est-­ce plutôt le fat Jean Chrétien
qui, en 1996, s’est laissé tenter par la strangulation
d’un manifestant opposé à sa réforme de l’assurance-­
chômage ? La Shawinigan Handshake, qui fut saluée par

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Jusqu’ici tout allait bien

le très civilisé Don Cherry, aurait-­elle parti le bal ? Le


coup de pied qu’a administré Trudeau père au Festival
des films du monde à Montréal en 1992 aurait-­il eu le
même impact s’il avait ciblé autre chose que les gosses
de ­Raymond Beaudoin ?
En 1995, j’avais cinq ans. Je me souviens vague-
ment de Lucien Bouchard, mais davantage de Patrick
Roy. C’était mon idole (j’ai toujours mon chandail du
Canadien identifié « Marc-­André » avec le numéro 33).
Un fameux soir de décembre, alors qu’il jouait sa pire
game avec le CH, se faisant scorer aux deux minutes, il
a finalement réussi un arrêt, avant de lever les bras dans
les airs avec sa baveuse fierté. « That’s not the thing to
do », déclarait le commentateur. Est-­ce réellement ça qui
a changé la donne ? Je sais pas. Ce que je sais, c’est qu’un
ramassis de cochonneries, pendant vingt-­cinq ans, ça
grossit, ça s’entasse, pis ça devient un pain à’ marde.
Peut-­on tout de même parler de décorum dans ces
cas-­ci ? Je crois que oui. Un « patente-­place-­qui », aussi
plate soit-­il, est insignifiant en soi. Toutefois, l’accu-
mulation de « patente-­place-­qui » dont je me trouve
affligé ces derniers temps ignore l’ensemble des règles
s’appliquant au bon divertissement, du moins, tel que
je le conçois. N’est-­ce pas là le but ultime : être diverti ?
Je veux rêver, je veux voir des collecteurs de fonds du

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Les gladiateurs

PLQ et des PDG de la Société immobilière du Québec


fourrer l’État, des chroniqueurs du Washington Post se
faire tuer au Moyen-­Orient ! Ça, c’est du décorum, mes
amis. Ces « qui » publics savent nous en donner pour
notre argent, ils ont compris les règles.
Les Romains l’avaient déjà compris, eux. César
envoyait des gladiateurs s’entretuer devant les foules,
il ne demandait pas à Maripier Morin d’aller chauffer
un Buick Encore dans le sable du Colisée en disant
que c’est donc bien élégant, un osti d’Buick Encore.
Décorum ! On a des pau­vres à divertir.
Avec ce qu’on nous vend comme divertissement,
j’en veux d’autant plus à ce qu’on nous vend comme
scandale : une grosse chanteuse toute nue dans un
champ, un t-­shirt à l’Assemblée, un Bock-­Côté qui
écrit (encore) quelque chose, une ancienne d’Occupa-
tion double qui s’enfarge dans ses rallonges de cheveux,
un chat qui vomit sur un chien… Alors que tout ça,
c’est foncièrement et câlissement plate. C’est l’anti-
thèse du décorum que je désire pour mon ­Québec, c’est
ennuyant, c’est du human interest, et comme le confiait
Michel Chartrand à B ­ ernard Derome en 1998 : « Le
human interest, ça me fait chier. »
Vivement Catherine Dorion déclamant que les
Bosniaques méritaient leur génocide, Patrice Roy

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Jusqu’ici tout allait bien

devenant porte-­parole de Fathers4Justice et menaçant


de se crisser dans le fleuve. Vincent Marissal pourrait-­il
se tirer une balle en ondes pour prouver son immorta-
lité et qu’on passe à autre chose ?
D’ici là, je (qui), vais aller écouter du Meshuggah
(patente) dans le métro (place).
Chronique d’une sportive
de salon
Odrée Rousseau

L e soccer est le seul sport organisé auquel


j’ai participé. Et le mot « participer » prend ici vrai-
ment tout son sens. Parce que j’ai rapidement compris
que ma participation aux Olympiques se résumerait à
de simples mais sincères encouragements, bien éva-
chée sur mon sofa. Et honnêtement, ça me va parfai-
tement ! J’assume mon statut de sportive de salon. Par
contre, pour les femmes qui, elles, ont choisi de prati-
quer sérieusement un sport de compétition, les pers-
pectives d’avenir ne sont vraiment pas reluisantes : on
est encore bien loin d’une égalité entre les hommes et
les femmes. Et dans un domaine aussi compétitif que
le sport, ça ralentit le groupe !
Prenons, par exemple, la visibilité dans les médias.
Selon une étude américaine, la couverture des sports
féminins a atteint un sommet entre 1989 et 1999, soit

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Jusqu’ici tout allait bien

5 % de l’ensemble de la couverture des médias sportifs.


S’il s’agissait d’une augmentation de loyer, ce serait
beaucoup. Mais quand ces médias parlent davantage
du bas du corps de Carey Price que des activités de
TOUTES les sportives confondues, on est très loin
de l’avantage numérique. Même après plusieurs com-
motions cérébrales, on peut voir que quelque chose
cloche ! Et, en passant, ce 5 %, c’était un pointage
record. En 2009, on est descendu à 1,6 %. Comble de
l’insulte, ce chiffre déjà famélique comprend les clichés
habituels du « Swimsuit Issue » publiés par le magazine
Sports Illustrated, la couverture exhaustive du compte
Instagram d’Eugenie Bouchard ou encore la vie amou-
reuse des athlètes… et même celle de la sœur d’Eugenie
Bouchard. Dans le même genre, on préfère discuter du
couple P.K. Subban et Lindsey Vonn plutôt que parler
de ses records, à elle, en Coupe du monde de ski.
Les femmes dans le sport sont toujours perdantes.
On les sexualise dans les tenues légères que certaines
disciplines exigent (même si, mystérieusement, cette
exigence ne s’applique pas à leurs homologues mascu-
lins), et après on les slutshame à cause de ces mêmes
tenues. Et si elles ont le malheur de pratiquer un sport
traditionnellement masculin, on les critique parce
qu’elles ne mettent pas en valeur leur féminité. On

66
Chronique d’une sportive de salon

se sou­viendra de Michel Villeneuve, cet animateur


de radio de la Mauricie qui s’était insurgé contre les
boxeuses, affirmant que les « femmes, c’est pas fait pour
se battre en public », mais plutôt pour chanter et dan-
ser. Le genre de commentaire qui mérite un uppercut !
Le sexisme touche aussi les femmes qui cou­vrent
le sport dans les médias. Déjà, ces journalistes y sont
moins nombreuses que les hommes. Au Québec, sur
122 experts, chroniqueurs et commentateurs, seu-
lement 5 % sont des femmes. Tsé, quand tu peux les
compter sur tes doigts, c’est qu’il n’y en a vraiment pas
beaucoup. Et trop souvent, on les confine derrière un
iPad pour qu’elles commentent l’actualité sportive à tra-
vers les tweets et les commentaires de « Steve 6969 » et
de « Danyboiii19 » qui, eux, savent tellement comment
aurait dû se dérouler le repêchage. Ironiquement, ce
sont souvent ces mêmes Steve et Dany qui les traînent
ensuite dans la boue en les traitant de tous les noms.
Bon, je ne répéterai pas ici toutes les bêtises qu’elles
reçoivent – ce n’est pas très édifiant, c’est bourré de
fautes et c’est même assez déprimant –, mais la critique
qui revient le plus souvent, c’est que les femmes qui
commentent tel ou tel sport ne l’ont pas elles-­mêmes
pratiqué. Pourtant, 40 % des commentateurs ne sont
pas non plus d’anciens athlètes, par contre il est très

67
Jusqu’ici tout allait bien

rare que ce reproche leur soit lancé. Dans un domaine


où les formulations et jeux de mots boiteux sont mon-
naie courante, les commentatrices sportives n’ont pas
droit à l’erreur. Suffit qu’elles hésitent une seule fois
en prononçant le nom d’un joueur de troisième trio de
la KHL pour qu’on les accuse de ne rien connaître au
sport ! Et ce phénomène touche aussi les amatrices de
sports. La preuve, j’abuse ici moi-­même de faits et de
statistiques sportives pour que personne ne m’écrive
en privé : « DEKOI TU PARLE ? TU CONNÈ RIEN
A SA ! »
Mais une des injustices qui résiste encore et tou-
jours à l’envahisseur reste bien évidemment… (roule-
ment de tambour)… le salaire ! Et pourquoi sont-­elles
moins payées que les hommes ? Parce que leurs perfor-
mances sportives seraient moins impressionnantes que
celles de leurs homologues masculins. En tout cas, c’est
l’ultime argument des détracteurs des sports que pra-
tiquent les femmes.
Ainsi, un sondage qui a circulé sur internet nous
révélait qu’un homme sur huit au Royaume-­Uni croit
qu’il serait capable de marquer un point contre Serena
Williams. LA Serena W ­ illiams, gagnante de 23 chelems
et véritable légende du tennis. Imaginez-­vous le culot
qu’il faut pour penser qu’on pourrait la déjouer ? Ses

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Chronique d’une sportive de salon

services atteignent en moyenne plus de 170 kilomètres


par heure. Même après une méchante brosse ou à son
retour de congé de maternité, elle va vous démolir… Et
puis, si un gars a le temps de remplir des sondages, ça
ne doit pas être un grand athlète !
Les joueuses de l’équipe nationale américaine de
soccer, elles, ont décidé de prendre les choses en main
et de se battre pour obtenir de meilleu­res conditions
salariales, d’entraînement et de voyages. Ces athlètes
ont remporté quatre médail­les d’or et trois titres en
Coupe du monde depuis 1995. Mais lorsqu’elles ont
remporté la Coupe du monde en 2019, elles ont gagné
moins d’ar­gent que n’en avaient reçu les joueurs de
l’équipe masculine pour un match de qualification, ces
mêmes joueurs qui n’avaient pourtant jamais remporté
de titre en Coupe du monde et qui peinent même à se
qualifier aux Olympiques !
Les joueuses de la WNBA ont elles aussi entamé
des procédures auprès de leur ligue pour avoir de meil-
leures conditions salariales. Elles ne demandent pas
des sommes astronomiques, comme LeBron James des
Lakers de Los Angeles qui a gagné 35,65 millions de
dollars américains en 2018, elles veulent simplement
que leur revienne un plus grand pourcentage des pro-
fits de cette ligue qui vit grâce à ELLES. Alors que

69
Jusqu’ici tout allait bien

les joueurs de la NBA se partagent environ 50 % des


revenus de leur ligue, ce pourcentage plonge à moins
de 2 % pour les femmes. Je n’ai peut-­être pas mes
maths 436, mais il me semble que quel­que chose cloche
dans cette équation. Même les arbitres de la NBA sont
payés davantage que les joueuses de la WNBA !
L’intérêt pour le basketball féminin est pourtant
bien réel. Le marché européen, après chaque saison,
recrute des joueuses américaines. Alors que le salaire
médian est de 50 000 dollars dans la WNBA, la ligue
européenne, elle, offre environ 100 000 dollars. Dire
que dans les années 1980, c’étaient les athlètes russes
qui cherchaient à rejoindre l’Amérique du Nord pour
vivre leur passion ! Maintenant, c’est l’inverse. Ce n’est
pas le genre de retour de balancier qu’on aurait espéré…
Lorsqu’on laisse une chance aux femmes de briller
dans un sport, les répercussions se font sentir rapide-
ment. Prenons l’exemple du hockey féminin, apparu
pour la première fois aux Jeux olympiques de Nagano
en 1998. L’année suivante, le nombre de filles inscrites
dans des programmes de hockey a grimpé en flèche.
Pourtant, même si le public est chaque fois au rendez-­
vous, les joueuses de hockey professionnelles peinent à
jouer entre les Olympiques. Après la finale de la coupe
Clarkson en 2019, la LCHF, ligue dans laquelle les

70
Chronique d’une sportive de salon

Canadiennes de Montréal évoluaient, a été dissoute.


Non par manque d’intérêt – la finale a été vue par plus
de 175 000 téléspectateurs –, mais parce que, selon
la ligue, « même si le hockey est de grande qualité, le
modèle d’affaires n’est pas viable économiquement ».
Franchement, c’est plutôt la carrière des joueuses
des Canadiennes qui n’était pas « viable économique-
ment », elles qui ont travaillé d’arrache-­pied pour jouer
du hockey compétitif avec des salaires de misère, tout
en occupant des emplois à temps plein. On ne verra
jamais Kotkaniemi en policier ou Shea Weber vendre
des maisons entre les ­pratiques pour arriver à payer
leurs voyages d’équipe ! Qu’à cela ne tienne, les joueuses
se sont retroussé les manches, et elles ont entamé des
démarches pour établir une ligue viable où les joueuses
de hockey de demain pourront vivre de leur passion,
sans avoir à déménager en ­Russie.
Enfin, au sein même du sport féminin, certaines
femmes font face à une double d ­ iscrimination. Les
femmes musulmanes doivent se battre pour se frayer
un chemin dans les compétitions de haut niveau tout
en respectant leurs principes religieux. Il faudra
attendre les Olympiques de 2012 pour qu’enfin aucun
pays participant n’interdise à des femmes d’y prendre
part. L’Arabie saoudite et le Qatar inclus ! Certaines

71
Jusqu’ici tout allait bien

athlètes ne pouvaient peut-­être pas se rendre au stade


en voiture, mais c’était quand même un début. Et que
dire des femmes trans qui, lorsqu’elles participent à des
compétitions, sont menacées d’exclusion en raison de
leur prise d’hormones qui serait soi-­disant un avantage.
On ignore à longueur d’année les performances des
sportives cisgenres, mais on s’empresse de voler à leur
secours lorsqu’une femme trans veut compétitionner.
Si vous avez envie de « voler au secours » des sportives
en détresse, mettons qu’il y a d’autres priorités. Et si
vous ne savez pas lesquelles, je vous invite à relire ce
texte… attentivement cette fois !
Toutes les sportives qui ont pris la parole ces
dernières années défendent leur droit à l’équité pour
que les prochaines générations puissent per­former
et repousser les limites du sport qu’elles adorent. On
peut dire qu’elles facilitent la vie des femmes qui vien-
dront sûrement pulvériser leurs records. Et ça, c’est du
dévouement ! Quant à moi, je les applaudirai, encore et
toujours évachée sur mon sofa.
Les auteurs et autrices

Après des études en scénarisation et en psychologie,


Colin Boudrias prend un peu de repos en travail-
lant comme intervenant auprès de personnes sui-
cidaires et psychotiques. Trouvant que cet emploi,
bien qu’enrichissant, ne nourrit pas suffisamment
son amour-­propre, il s’inscrit à l’École nationale de
l’humour (ÉNH) et obtient son diplôme en 2016.
Depuis, il fait de la scène et des chroniques humoris-
tiques pour diverses émissions sur ICI Première. Son
premier spectacle, Chevalier blanc, a été présenté au
Dr. Mobilo Aquafest et au Zoofest en 2019. Le second,
Un câlisse de rayon de soleil, sera présenté à l’été 2020.
Marie-­Lise Chouinard est une fidèle collabora-
trice de l’émission Plus on est de fous, plus on lit sur
ICI Première. Elle est l’une des créatrices du sitcom
jeunesse Les Sapiens et la cheffe de troupe du Théâtre
du bas de la ville.

75
Jusqu’ici tout allait bien

Rébecca Déraspe a complété le programme


d’écriture dramatique de l’École nationale de théâtre
(ÉNT) en mai 2010. Elle est l’autrice de plusieurs pièces
jouées et traduites à travers le monde. Elle a remporté le
Prix de la critique meilleur spectacle jeune public 2018
et le prix Louise-­Lahaye pour sa pièce Je suis William, le
Prix de la critique meilleur texte dramatique Mont­réal
2017 pour sa pièce Gamètes, le prix BMO auteur dra-
matique 2010 pour sa pièce Deux ans de votre vie. Elle
est aussi autrice en résidence au théâtre La Licorne et
anime et écrit Le lexique de la polémique, série diffusée
à Savoir Média.
Marie-­Christine Lemieux-Couture est titu-
laire d’une maîtrise en création littéraire de l’Univer-
sité du Québec à Montréal (UQAM) et candidate au
doctorat en sémiologie. Elle se spécialise en matière
de choses qui n’exis­tent pas (encore). Néantologue che-
vronnée, elle pratique le très douteux et peu convenable
métier d’écrire des livres.
Autrefois poissonnier, Marc-­André Piette s’est
réorienté vers l’écriture après avoir refusé de ramasser
un rat mort « gros d’même » entre deux poubelles rem-
plies de carcasses de saumon. Il a un œil moins bon que
l’autre et sa chatte se nomme Épaisse.

76
Les auteurs et autrices

Avec un prénom dont l’orthographe est une mau-


vaise blague, Odrée Rousseau était destinée à la
comédie. Depuis sa sortie de l’ÉNH, elle prête sa plume
à plusieurs humoristes et collabore aux textes d’émis-
sions de télévision, de séries web et de podcasts. Elle
est féministe et fan de football, même si ça peut parfois
sembler contradictoire.
Membre de la Ligue nationale d’improvisation
(LNI) depuis 1995, Christian Vanasse joue ce qu’il
écrit et écrit ce qu’il joue. Cofondateur du collec-
tif humoristique Les Zapartistes et croyant plus que
jamais en leur devise que Le rire est une si jolie façon
de montrer les dents, il continue sur scène, en solo, en
duo ou en groupe, de sévir et de protester. Enseignant à
l’ÉNH et chroniqueur à ses heures, il a même tâté de la
politique fédérale comme candidat rhinocéros indépen-
dant (en rupture avec le parti Rhinocéros officiel, trop
modéré selon lui) dans le comté de Saint-­Hyacinthe—
Bagot, où il a perdu par une confortable marge. Il a déjà
été gérant d’un magasin de chaussures, mascotte dans
un tournoi pee-­wee et cueilleur de concombres, mais
ça fait vraiment longtemps et il n’aime pas trop s’en
souvenir.

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Table

L’important, c’est l’atterrissage 9


Christian Vanasse

La marchandisation du ressenti 17
Rébecca Déraspe

Marcher sur les œufs de la masculinité fragile 27


Marie-­Christine Lemieux-­Couture

Globaux et globuleux : médias et dictature


de l’opinion 39
Colin Boudrias

L’épaississement général 47
Marie-­Lise Chouinard

Les gladiateurs 55
Marc-­André Piette

Chronique d’une sportive de salon 65


Odrée Rousseau

Les auteurs et autrices 75

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cet ouvrage a été imprimé en décembre
2020 sur les presses des ateliers de
l’imprimerie gauvin pour le compte de
lux, éditeur à l’enseigne d’un chien d’or
de légende dessiné par robert lapalme

La mise en page
est de Jolin Masson

La révision du texte
est de Laurence Jourde

Lux Éditeur
C.P. 60191
Montréal, Qc H2J 4E1

Diffusion et distribution
Au Canada : Flammarion

Imprimé au Québec
sur papier recyclé 100 % postconsommation
En 1995, internet n’existe pas, Jacques Parizeau lance sa

JUSQU’ICI TOUT
fameuse phrase à la suite de la défaite référendaire et Lux
Éditeur publie son premier ouvrage. C’est également l’année
où le film culte La haine prend l’affiche et marquera les esprit
avec sa réplique d’ouverture : « C’est l’histoire d’un homme qui
tombe d’un immeuble de cinquante étages. Le mec, au fur et
ALLAIT BIEN
à mesure de sa chute, se répète sans cesse pour se rassurer : VINGT-CINQ ANS
“Jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien.” L’important, D’ÉDITION CRITIQUE
c’est pas la chute, c’est l’atterrissage. » Dessins de Samuel Cantin
Vingt-cinq ans plus tard, cette réplique frappe encore par
son actualité. Pour souligner son quart de siècle d’existence,
Lux Éditeur vous offre ces textes d’auteurs et d’autrices
qui abordent avec humour les transformations et les
bouleversements sociaux de 1995 à aujourd’hui.

Textes de Colin Boudrias, Marie-Lise Chouinard, Rébecca


Déraspe, Marie-Christine Lemieux-Couture, Marc-André Piette,
Odrée Rousseau et Christian Vanasse.

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2020-11-24 15:30

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