Final Communication-Gafsa 2023

Télécharger au format docx, pdf ou txt
Télécharger au format docx, pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 22

Nouveaux sites préhistoriques dans le Sahara tunisien

Héla Mekki, Institut National du Patrimoine, Tunisie.


Lotfi Belhouchet, Institut National du Patrimoine, Tunisie.

Résumé

Des prospections archéologiques au niveau de la ceinture septentrionale du Sahara


tunisien ont permis de déceler de nouveaux sites préhistoriques. Le matériel lithique dense et
éparpillé en surface a permis de l’attribuer à plusieurs périodes allant du Pléistocène supérieur
jusqu’à l’Holocène. Certainsassemblages lithiquesont été attribués au Moustérien MSA,
d’autres à l’Atérien. Néanmoins, l’existence dans une rammadiya de lames, de lamelles et
d’outils microlithiquesmeten évidence une occupation épipaléolithiques. Certaines
occupations pourraient être corrélées à des épisodes humides qui ont été marqués par la mise
en place des lacs d’eau douce.

Abstract

Archaeologicalsurveys in the northern part of the Tunisian Sahara have uncovered new
prehistoric sites. The dense and scatteredlithicmaterial on the surface has made it possible to
attributeit to severalperiodsrangingfrom the UpperPleistocene to the Holocene. Somelithic
assemblages have been attributed to the Mousterian MSA, others to the Aterian. However, the
existence in a rammadiya of microlithicblades, flakes and tools highlights an epipaleolithic
occupation of this area, whichiscurrentlydesert.Some
sitescouldbecorrelatedwithwetperiodsmarked by the creation of freshwaterlakes.

1
Introduction

La zone présaharienne et saharienne est pourvue de restes archéologiques


préhistoriques qui témoignent que cette région était favorable à la vie humaine. En effet, cette
zone a connu des changements du milieu suite aux changements variations climatiques qui
ont eu lieu au cours du Pléistocène et de l’Holocène. Les restes lacustres enregistrés dans
plusieurs endroits du Sahara et remontant à des différentes périodes constituent le meilleur
témoin (indicateur) que ces zones désertiques étaient des « Green Sahara »1.

En Afrique du Nord, les prospections et les études effectuées dans des différentes
régions sahariennes ont pu mettre en évidence l’existence des industries lithiques qui
caractérisent différentes cultures :;le Early Stone Age (l’Acheuléen), le Middle Stone Age (le
Moustérien MSA et l’Atérien), l’Epipaléolithique et le Néolithique 2. La continuité
d’occupationdans certains sites est traduite par l’existence de plus qu’une industrie. Cela,
pourrait montrer que ses endroits’ils ont joué le rôle de refuges écologiques au cours des
épisodes arides et que le peuplement du Sahara ne se limiterait pas aux épisodes
humides3.Cela qui induit que certains groupes humains avaient une grande capacité
d’adaptation aux milieux arides, voire hyperarides4.Ces sites, localisés donc dans le Sahara
etles zones désertiques, constituent sans doute des sources primordialesd’informationsqui
pourraient donner des indices clés sur les stratégiesd’adaptation des Homo sapiens face aux
différents environnements affrontés et imposés par la nature.

Malgré que plusieurs zones subsahariennes et sahariennesaient été prospectées au


Maroc, en Algérie, en Libye, en Egypte et, au Soudan, la partie tunisiennereste ambiguë et les
travaux effectués n’ont touché concerné que la zone au de sud des chotts au nord du Grand
Erg Oriental5. Dans le but d’intégrer le Sahara tunisien dans le débat général sur l’évolution et
la mobilité des Homo sapienset leur relation avec le changement climatique et
environnementalau cours du Pléistocène et de l’holocène, nous avons réalisé des prospections
archéologiques au niveau ceinture septentrionale du Sahara tunisien. C’était dans le cadre
d’un projet de documentation de la zone montagneuse Tuniso-Libyenne qui a eu lieu en
2019 et qui a permis la mise au jour de plusieurs sites archéologiques, y parmi des sites

1
Drake 2013, p. 53 ; Castañeda et al. 2009, p.20161 ; Causse et al. 2003 ;Petit-Maire et al. 1991, p. 1665.
2
Cancellieri et al.2016, p.134 ; Hawkins et Kleindienst 2001, p. 23, 27, 45 ; Cremaschi et al. 1998, p. 261, 263 ;
Camps 1981, p.547.
3
Hawkins et Kleindienst 2001, p. 23,27 ; Garcea 2004, p. 42.
4
Larrasoana 2012, p. 19 ; Garcea 2004, p. 42.
5
Cancellieri et al. 2022.

2
préhistoriques et protohistoriques6 (Figure 1). Dans le cadre d’un projet de documentation
de la zone montagneuse Tuniso-Libyenne en 2019 (REF), plusieurs sites archéologiques,
préhistoriques et protohistoriques7 (Figure 1) ont été mis à jour. Ils ont aussi découvert pPlus
deque 200 tumuli, des gîtes de silex et plusieurs sites préhistoriques qui appartenaient auxà
des différentes cultures. ont été découverts lors de ces travaux de prospection. Cinq
rammadiyet ont fait également l’objet d’une découverte, dont trois sont à Jebel Demmer dans
une région actuellement désertique, et deux autres au niveau duJebel Matmata.

Nous avons choisi d’exposer dans ce présent travail trois sites préhistoriques. Ces
derniers qui se situent dans la région de Remada. Nous, et de diffusonser le résultat des études
préliminaires en se basant sur l’analyse des industries lithiques collectées en surface dans les
sites d’El Makhrouga, El Makhrouga 2 et Beni Guendil (Kambout) (Figure 2).

6
Mekki 2021, p. 77.
7
Mekki 2021, p. 77.

3
Fig.1 : sites préhistoriques et protohistoriques découverts en 2019 au Sud tunisien
(d’après Mekki, 2021).

Fig.2 : Localisation (géografique, GPS, google earth ? precise)des trois sites étudiés

El Makhrouga
Le site se situe à l’extrémité nord du Sahara, au niveau du versant méridional du Jebel
Demmer et à, 11 km à partir du point de contrôle de la zone militaire. Il est à environ 50 km
de la frontière tuniso-libyenne. EnA ce point de ramassage, une riche industrie lithique jonche
le sol (Figure 3). L’essentiel de la production lithique semble être produite sur une matière
première siliceuse : le silex de type Abiod, avec ses deux variétés (l’opaque et la translucide).
D’un point de vue technologique, nous avons pu distinguer deux ensembles lithiques :

4
Fig.3 : Le site d’El Makhrouga (fait 2 flèche pour les 2 silex)

- Le premier ensemble est composé essentiellement de nucleus informes, discoïdes et


Levallois de petite et moyenne taille (Figure 4). Mais, on note aussi l’existence des
différents outils tels que les racloirs et les grattoirs (Figure 5). Cet outillage appartient très
probablement au Middle Stone Age et plus précisément au Moustérien MSA vu l’absence
de pièces pédonculées.
- Le deuxième ensemblelithique est riche en grattoirs, racloirs et encoches façonnés sur des
supports de type lames, lamelles ou éclats (Figure 6). Plusieurs lames brutes montrent des
traces des ébréchures d’usures. Cet ensemble renferme un nombre important de nucléus à
lamelles (Figure 7). Les négatifs lamellaires qui figurent sur les nucléus et les lamelles ont
un calibre de 18 à 42 mm de long pour 7 à 9 mm de large. Ils témoignent l’utilisation de la
percussion tendreLotfi STP mentionne ici la probable existence de pression que tu as déjà
mentionné dans la planche de la figure 6. Ce deuxième ensemble a été qualifiée comme
une industrie épipaléolithique d’âge Holocène.

5
Fig.4 : nucléus MSA d’El Makhrouga
1-3 : nucléus Levallois ; 4- : nucléus discoïde, 5-6 : nucléus informes

Fig.5 : outils MSA d’El Makhrouga


1-2 : racloirs simples ; 3 : racloir à retouches alternes ; 4-5 : grattoirs

6
Figure 6 : outils épipaléolithiques d’El Makhrouga
1-6 : grattoirs; 7-8 : éclats laminaires retouchés ; 9 et 10 : lamelles (pression probable) ; 11 et
12 : éclats de ravivage

Fig.7 : nucléus épipaléolithiques d’El Makhrouga.


1-3 : nucléus à lamelles à deux plans de frappe ; 4-8 : nucléus à lamelles à un plan de frappe

El Makhrouga 2
7
Non loin du site d’El Makhrouga, àA quelques centaines de mètres d’El Makhrouga,
nous avons enregistré le deuxième site que nous avons appelée El Mahrouga 2.
La matière première est siliceuse. Elle est marquée par une utilisation primordiale du
silex Abiod opaque et translucide, de couleur marron, beige, caramel et grise. De même,
Nnous avons aussi pu distinguer le silex zébré de la formation Guettar (membre El Guetar)
qui affleure tout le long de la chaine Dahar. Les pièces sont généralement fraiches dont
certaines. qQuelques-unes sont pourvues d’une patine.

Il s’agit d’une rammadiya où le matériel lithique abonde (Figure 8). Dans cet
assemblage, les nucléus sont rares dont et les négatifs d’enlèvement de la phase de production
montrent un débitage de type lamellaire (Figure 9).L’outillage comprend huit lamelles à bord
abattu, plusieurs grattoirs et lames retouchées (Figure 10).

Fig.8 :Le site d’El Makhrouga 2

8
Fig. 9: El Makhrouga 2 : nucléus à lamelles(un seul plan de frappe)

Fig. 10 : outils épipaléolithiques : 1 à 7 : lamelles à dos ; 11 : lame à dos ; 8 à 10 : grattoirs.

9
Beni Guendil
Ce site se situe dans la région de Remada, à environ 8 km du point de contrôle de la
zone militaire qui se situe au niveau de la limite septentrionale du Sahara (donc à environ 4
km du site d’El Makhrouga). Ici, au niveau d’une pente de colline qui a été dénudée suite à
une pluie torrentielle, plusieurs éclats en silex et ossements ont été dégagés (Figure 11).
Ce site est important par la variabilité typologique des pièces lithiques appartenant à
des différentes périodes. En effet, le tri fondé essentiellement sur l’intensité de la patine, la
technique de débitage et la typologie des supports a permis d’identifier trois ensembles
lithiques allant du MSA jusqu’au Capsien (Rammadiya).

Fig. 11 : Le site de Beni Guendil tu montres quoi avec la fèche ?

Le premier ensemble :comprend une industrie MSA. Les objets lithiques collectés
mettent en évidence l’utilisation de la méthode Levallois pour la taille des supports.
L’examen des nucleus a pu montréer que la chaîne opératoire est dominée par deux
systèmes de débitage : le Levallois récurrent et linéal (Figure 12). En ce qui concerne la
technique de taille, il s’agit de la percussion dure. Les talons des éclats sont souvent
dièdres avec un point d’impact et un bulbe proéminent.
La matière première utilisée semble être locale. Malgré la patine, nous pouvons surtout
distinguer le silex zébré de la formation Guettar (membre El Guetar) qui affleure tout le

10
long de la chaine Dahar. L’existence d’un néocortex sur les nucléus et de certaines pièces
témoignerait de l’utilisation de galets collectés dans les terrasses d’oueds locaux.
La rareté de nucléus, de pièces corticales et l’absence d’éclats de type entame
montrent que le débitage a été rarement effectué in situ, et que certains éclats ont été
ramenés sur site à l’état brut ou retouchés.
De point de vue typologique, l’industrie comprend quelques éclats retouchés,
notammentsurtout des racloirs. Certains outils sont caractérisés par l’existence de
retouches très soignées. Outre les retouches envahissantes et les retouches parallèles, on
note, par la présence de pièces bifaciales, le recours à la retouche bifaciale.
Cet ensemble lithique appartient sans doute à une occupation MSA très probablement
atérienne vu la présence de deux nucléus Levallois de très petite taille et de pièces
bifaciales (Figure 13). Ces dernières qui sont considérées parmi comme dles innovations
technologiques atériennes8 et qui caractérisent l’Atérien le plus évolué 9. Ces pièces sont
considérées comme des indices d’un comportement moderne., Lleur présence dans un site
MSA dépourvu de pièce pédonculée permet de l’attribuer à l’Atérien.Toutefois, dans le
cas de notre site qui contient une industrie mixte MSA et épipaléolithique, l’attribution
des pièces bifaciales restent toujours douteuses, puisque ces dernières font aussi partie de
la boite à outils des groupes humains néolithiques.
Mais le fait le plus important dans cet ensemble lithique MSA est l’existence d’une
pièce similaire à celles exhumées à Taforalt au Maroc (Figure 14). Faisant partie d’une
industrie MSA tardive daté de près de 27 ka10.,sces pièces sont incrustées entre les niveaux
MSA et LSA et le sol encaissant. a été daté de près de 27 ka11.

8
Caton-Thompson, 1946 ; Kozlowski, 1995 ; Bouzouggar, 1997 ; Bouzouggar et Barton, 2012 ; Doerschner et al.,
2016 ; Dibble et al., 2013
9
Balout, 1955
10
Barton et al. 2015, p. 13.
11
Barton et al. 2015, p. 13.

11
Fig. 12 : nucléus Levalloisà réserve corticale (Beni Guendil)

Fig. 13 : pièces bifaciales (Beni Guendil)

12
Fig. 14 : à droite pièce provenant de Taforalt (Barton et al., 2015) ; à gauche, pièce provenant
de Beni Guendil.

Le deuxième ensemble :Il s’agit d’une industrie à lame et lamelle majoritairement patinées.
La matière première comprend surtout le silex Jurassique de la formation Tataouine (J12 du
membre Ghomrassen) et le silex crétacé de la formation Guettar (C14).

Les nucléus présents dans la série mettent en évidence un débitage par percussion
minérale tendre avec une phase de mise en forme sommaire (ouverture d’un plan de frappe).
De ce fait, les nucléus les moins exploités ont conservé encore une plage corticale. Dans
certain cas, des nucléus montrent l’exploitation de plusieurs tables laminaires., §Ccela semble
dépendantre de la qualité de la matière première.

Les supports obtenus peuvent être regroupés en deux catégories :

- Les lames et les lamelles fines produites par percussion tendre minérale, qui ont servi
à la confection de pièces à coches, de lamelles à dos, de denticulés et de perçoirs
(Figure 15).
- Des éclats laminaires plus épais qui ont été transformés en grattoirs.

13
Fig. 15 : Beni Guendil (deuxième ensemble)
1 : nucléus à lamelles à un seul plan de frappe ; 2 : lamelle à coche ; 3 : lamelle à dos ;
4 : denticulé sur lamelle

Le troisième ensemble :
Formé d’une série plus fraiche qui est dépourvue de patine., cetCet ensemble est
caractérisé par un débitage de supports de type laminaire et lamellaire.
La matière première est diversifiée mais toutes locales et sous forme de galets. Il s’agit
d’un silex Jurassique de la formation Tataouine (d’âge oxfordien), le silex Crétacé de la
formation Guettar et le silex Crétacé Sénonien de la formation Abiod. D’autres matières dans
cet ensemble sont indéterminées.
Certains nucléus et lames montrent le recours à la technique de la pression.
Néanmoins, des stigmates de percussion tendre minérale sont aussi décelables. La majorité
des supports estsont bruts, et quelques-uns montrent le pratique de la technique du « coup de
burin »12.
Cet ensemble est riche en pointes de flèche caractérisées par une grande diversité typologique
et pétrologique. Il pourrait provenir du niveau noirâtre, la rammadiya (Figure 16).

Le troisième ensemble de Beni Guendilqui contient des pointes de flèche appartient à la


rammadiya ?? ou le deuxième ensemble appartient à la rammadiya, et le troisième appartient à
une occupation néolithique ??

12
TIXIER, .

14
Fig. 16 : Beni Guendil (troisième ensemble)
1 : lame à retouches marginales ;2 : denticulé sur lamelle ; 3-4 : pointe de flèche ; 5 :nucléus à
lamelles.

Interprétation
Les trois sites étudiés montrent une variabilité chronologique,culturelle, technologique
et typologique.
Le premier ensemble lithique d’El Makhrouga et le premier ensemble lithique de Beni
Guendil ont été identifiés comme des industries duMiddle Stone Age, dont le premier a été
attribué au Moustérien MSA, alors que le deuxième a été attribué, avec précaution, à l’Atérien
suite à l’existence des pièces bifaciales et des foliacées bifaces.
En ce qui concerne le reste des assemblages ; El Makhrouga (deuxième ensemble), El
Makhrouga 2 et Beni Guendil (deuxième et troisième ensemble), ils sont considérés comme
des industries épipaléolithiques d’âge Holocène, dont les objets lithiques d’El
Makhrouga(deuxième ensemble), d’El Makhrouga 2 et de Beni Guendil (troisième ensemble)
provenaient fort probablement de rammadiyet qui juxtaposent les pièces lithiques éparpillés.

La matière première utilisée pour la confection des outils dans les différents sites est
diversifiée. Dans les assemblages MSA, la matière première semble être locale. On note un
emploi primordial du silex sénonien. C’est un silex de type Abiod et de bonne qualité, utilisé
sous ses deux variétés opaque et translucide. L’existence de néocortex et la densité de ce silex

15
laisse supposer que cette matière a été collectée dans les terrasses locales sous forme de
galets.On ajoute aussi l’utilisation du silex zébré de la formation Guettar (membre El Guettar,
C14) qui affleure tout au long de la chaine Dahar.
La matière première enregistrées dans les assemblages épipaléolithiquessemble être
plus diversifiée que celle du MSA mais toujours locale. Elle est basée sur l’utilisation du silex
de type Abiod avec ses deux variétés (opaque et translucide), d’un silex Jurassique de la
formation Tataouine (J12 du membre Ghomrassen et d’âge oxfordien) et du silex crétacé de la
formation Guettar (C14).

De point de vue technologique, les occupations MSA ont montré l’utilisation de la


percussion directe dure.Pour ce qui est des méthodes de taille, nous avons pu enregistrer
plusieurs. Ledébitage Levallois est omniprésent, dont la chaîne opératoire est dominée par
deux systèmes de débitage récurrent et linéal. Les nucléus montrent clairement la
dominance du débitage Levallois récurrent centripète, dans une moindre mesure du débitage
linéal.
Le débitage discoïde a été également enregistré dans l’assemblage MSA d’El
Makhrouga. Ajoutons enfin qu’un débitage informe a été rarement détecté dans les collections
MSA.

Pour ce qui est desindustries lithiques épipaléolithiques, toutes les collectionsont


montré l’utilisation de la percussiontendre minérale. Toutefois, les stigmates et les négatifs
des enlèvements apparents sur quelques nucléus, lames et lamelles dans les assemblages
lithiques d’El Makhrouga et de Beni Guendil (troisième ensemble)ont mis en évidence le
recours à la technique de la pression.

De point de vue typologique, les sites MSA sont dominés parles racloirs et caractérisés
par l’existence des pièces bifaciales et des retouches très soignées. En ce qui concerne les
outils épipaléolithiques,le matériel est dominé par les supports de type lamelles même si le
matériel de Beni Guendil semble néolithique (présence de pointes de flèche).

La localisation de ces sites dans une zone sub-saharienne, à l’extrémité septentrionale


du Sahara, semble être le fait le plus intéressant. Au début, l’idée que les groupes humains
occupaient les zones désertiques était rejetée et la présence d’industrie dans le Sahara a été
considérée comme un témoignage de leurs fréquentations sporadiques de ces lieux afin de
pratiquer la chasse ou pour l’approvisionnement en matière première. Mais, la découverte

16
deplusieurs sites stratifiés dans le Sahara a confirmé le peuplement deces zones 13.Citons
comme exemple les sites MSA de UanTabu et UanAfuda à TadrartAcacus, deux sites dans le
Sahara libyen datés entre 60 ka et 90 ka 14 et ont été localisés aux abords d’un paléolac daté
entre 90 et 65 ka15. Plus vers l’Est, les sites atériens de Bir Sahara et BirTarfawi en Egypte,
datés de 60 ka16ont été enregistrés dans des dépôts lacustres 17. De même pour les
sitesdeDakhleh et Kharga oasis18.En Tunisie,le site de Nefta daté entre 70 ka et 100 ka a été
localisé aux abords d’un paléolac mis en place au début du Pléistocène supérieur 19.Ajoutons
enfin le site de Lazalimqui se situe à l’extrémité septentrionaledu Grand Erg Oriental au
niveau des rives d’oued Lazalim qui était actif d’une manière discontinue au cours du
Pléistocène20. Pour ce qui est des sites épipaléolithiques, plusieurs ont été repérés dans le
Sahara, y parmi ceux qui se situe vers l’ouest, au nord du Grand Erg Oriental 21. Mais aussi,
plusieurs autres ont été aussi repérés au sud-est de nos sites, au niveau de la partie tripolitaine
de la Jeffara22

Les sites étudiés et récemment découvertsau sud tunisien ne sont pas datés. Néanmoins, nous
pourrions suggérer du moins qu’ils se sont synchronisés avec les améliorations climatiques
qui ont été enregistrés dans le Sahara d’Afrique du Nord. En effet, lesétudes de Drake et ses
collaborateurs (2013) qui ont touché plusieurs zones du Sahara y parmi la zone où se sont
localisés nos sites, ont mis en évidence l’existence de plusieurs épisodes humidesvers 29 ka,
44 ka, 70 ka, 100-120 ka et 180 ka. Ce qui pourrait suggérer que nos sites pourraient
synchroniser avec au moins l’une de ces épisodes humides. Nous pouvons ici attirer
l’attention que le plus récent épisode humide enregistrée vers 29 kaest très proche de la
datation de l’industrie du MSA final de Taforaltdaté de 27 ka et que nous l’avons rapproché
du site de Beni Guendil. Ce qui pourrait suggérer que notre site appartiendrait au MSA final et
daterait du MIS3. Toutefois, nous ne pourrions jamais confirmer cette hypothèse en l’absence
de datation, et nous gardons aussi l’hypothèse qu’il pourrait appartenir à l’optimum
climatique du MIS 5.

13
Alimen, 1966; Garcea, 2001, 2010.
14
Cremaschiet al.1998, p. 281.
15
Fontes et Gasse 1991 ; Szabo et al. 1995.
16
Cremaschiet al. 1998.
17
Wendorf 2005.
18
Hawlins2001, 2004.
19
Drake et al., en cours.
20
Cancellieri et al. 2022, p. 3.
21
Cancellieri et Ben Nasr 2019, p. 42 ; di Lernia et al. 2017, p. 12.
22
Barich et al. 2015, p. 149.

17
En ce qui concerneles sites épipaléolithiques d’âge Holocène découvert au niveau de
la ceinture septentrionale du Sahara tunisien, nous pourrions les corréler aux phases lacustres
qui ont été enregistrées notamment vers le début de l’Holocène. En réalité, des séries de lacs
ont été formées dans le Sahara et parfois attachées formant un paléolac. De même, des rivières
et des différents réseaux hydrauliques se sont installées 23. Une étude a été menée dans la
même région où nous avons découverts les sites épipaléolithiques, précisément au niveau des
oueds Abdallah et el Makhrougaqui descendaient du Dahar, et a permis de repérer des
coquilles deGastéropodes aquatiques qui ont été datées entre8000 et 6000ansau moins, et
confirment l’existence d’un ruissellement important à l’Holocène ancien alimentant des lacs à
cardiums.Puis, et à partir de 6000 ans environ, il a eu une évolution vers l’aridité 24. Nous
pourrions donc suggérer que l’installation des sites épipaléolithiques s’est synchronisée avec
la mise en place de ces lacs.

La localisation des trois sites étudiés à partir des photos satellitaires a permis de
remarquer qu’ils sont installés actuellement au niveau des rives d’oued (figure 17) qui était
probablement actif du moins au cours de l’Holocène. En effet, cette région est pourvue d’un
réseau hydrographique fortement ramifié et creusant parfois de longues dépressions 25.Nous
avons essayé de mesurer les niveaux des dénivelés aux environs des sites et nous avons pu
distinguer une dépression interdunaireentre d’El Makhrouga et El Makhrouga 2. Ce qui
pourrait suggérer que les groupes humains, notamment ceux del’épipaléolithique, se sont
installés au cours des phases lacustres de l’Holocène au bord d’un lac d’eau douce. Ceci est
soutenue par l’analyse des cardiums qui ont mis en évidence l’existence des d’espèces d’eau
douce26.

La corrélation des données a permis donc de supposer que le peuplement de cette


région subsaharienne a eu lieu au cours des épisodes humides du Pléistocène supérieur et de
l’Holocène. Elle a été donc soit abandonnée pendant les périodes arides, soit occupée par des
groupes humains qui avaient une grande capacité d’adaptation et pouvaient s’adapter dans les
conditions arides et même hyperarides. Néanmoins, des hiatus montrant des phases d’abandon
ont été enregistrés au niveau des séquences stratigraphiques de quelques sites qui se trouvent
actuellement dans le Sahara, notamment entre les occupations MSA et les occupations

23
Drake et al. 2011, p. 458.
24
Petit-Maire et al. 1991, p. 1662.
25
Metit-Maire et al. 1991, p. 1663.
26
Metit-Maire et al. 1991, p. 1663.

18
holocènes27. Notons comme exemple le hiatus enregistré à UanTabu et UanAfuda à
TadrartAcacus et qui coïncide avec une période marquée par une forte aridité enregistrée au
Pléistocène final28.

Fig. 17 : Photo satellitaire de l’emplacement des sites.

Ces sites récemment découverts dans l’extrême Sud tunisien et appartenant à


différentes périodes permettent d’établir une continuité avec des sitesd’Afrique du Nord.Si
nous intégrons les sites MSA dans un contexte général, nous pouvons remarquer qu’ilssont
placés dans un alignement d’occupations atériennes. Citons au Nord, les sites d’Oued el Khil
et de Metamer29. Au sud, au niveau de la partie tripolitaine de la Jeffara, particulièrement à
Jebel Gharbi, une vingtaine des sites atériens tel que Shakshouk et Wadi sel ont été répertoriés
lors des prospections geoarchéologiques. Ces sites montrent, de point de vue technologique,
une grande affinité avec l’Atérien marocain, et avec d’autres sites MSA remontant à cette
même période tels que le Taramsa en Egypte et d’autres assemblages lithiques au Levant 30. Or
le site de Lazalimau nord du Sahara tunisien a également montré des affinités avec les

27
Hawkins et Kleindienst2001, p. 23 ; Cremaschi et al. 1998, p. 273.
28
Cremaschi et al., 1998, p281.
29
Ben Fraj 2012.
30
Spinapolice et Garcea 2013, p. 169 ; Garcea et Giraudi2006.

19
technocomplexesSangoen/Lupembien31. Le site de Beni Guendil a également montré des
affinités avec le site de Taforalt.

Ces traits communs observés entre ces différents sites pourraient mettre en évidence
un contact entre les différents groupes et offrent la possibilité de mieux cerner la mobilité des
Homo sapiens depuis le Pléistocène supérieur.

En ce qui concerne les sites épipaléolithiques,ces rammadiyetrécemment découverts dans la


ceinture septentrionale du Saharatunisien font partie des rammadiyet les plus méridionales en
Tunisie.Au sud de ces sites, plusieurs autres occupations préhistoriques holocènes ont été
aussi enregistrés à Jebel Gharbi en Libye32.

Conclusion

Les sites étudiés dérivent leur importance de leur position géographique stratégique
entre le Sahara et la Méditerranée, et offre la possibilité d’être dans un carrefour des voies de
migration des populations qui a eu lieu au cours du Pléistocène supérieur et de l’Holocène.
Les sites MSA enregistrés au sud tunisien et aux environs tels que Jebel Gharbi, présentent
des affinités avec d’autres sites marocains et égyptiens. Ces sites pourraient donc donner une
idée sur la mobilité et le contact entre les différents groupes humains.Comme ils peuvent
fournir davantage données et indices sur l’évolution comportementale des hominines et le rôle
du climat dans ce processus complexe d’évolution, qui semble y jouer un rôle primordial et a
stimulé le déclenchement des modifications graduelles que ce soit comportementales,
technologiques, sociales et économiques.D’où l’intérêt d’une fouille stratigraphique et
minutieuse dans les sites découverts et cités dans ce travail afin de fournir de nouvelles
données qui contribueraient à une meilleure compréhension du comportement des différents
groupes humains au cours du Pléistocène supérieur et de l’Holocène.

Bibliographie

31
Cancellieri et al. 2022, p. 9.
32
Barich et al. 2015, p. 146.

20
Alimen, H. 1966. Atlas de préhistoire Tome II, Préhistoire de l’Afrique, Edition N. Boubée et C
Paris VI. 93 p.

Hawkins, A. L., &Kleindienst, M. R. 2001. The Aterian. In P. N. Peregrine & M. Ember (Eds.),
Encyclopedia of prehistory1 :Africa, New York : Kluwer Academic/Plenum Publishers, p. 23–45.

Castañeda, S.,Mulitza, S., Schefu, E. A. Lopes dos Santos, R., SinningheDamsté, J., Schouten, S.
2009. Wet phases in the Sahara/Sahel region and human migration patterns in North Africa.
Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America; 106 (48):
20159–20163.

Cremaschi, M., and di Lernia, S. 1998. The geoarchaeologicalsurvey in the central TadrartAcacus
and surrounding (Libyan Sahara). Environment and cultures. In M. Cremaschi and S. Di Lernia
(eds.), Wadi Teshuinat. Palaeoenvironment and prehistory in south-western Fezzan (Libyan
Sahara). Milano: CNR: 243-296.

Drake, N.A., Breeze, P., Parker, A. 2013. Palaeoclimate in the Saharan and ArabianDesertsduring
the Middle Palaeolithic and the potential for hominin dispersals. Quaternary International 300:
48-61.
Drake, N.A., Blench, R.M., Armitage, S.J., Bristow, C.S., White, K.H. 2011. Ancient watercourses
and biogeography of the Sahara explain the peopling of the desert. Proceedings of the National
Academy of Sciences 108, 458-462.

Garcea, E.A.A., 2004. Crossingdeserts and avoidingseas:Aterian North AfricanEuropean relations. J.


Anthropol. Res. 60: 27-53.

Garcea, E.A.A., Giraudi, C. 2006. LateQuaternaryhumansettlementpatterning in the Jebel Gharbi.


Journal of Human Evolution 51 (4): 411-421.
Mekki, H. 2021. Documentation et gestion du patrimoine archéologique de la chaîne montagneuse
tuniso-libyenne via l’utilisation des nouvelles technologies : résultats préliminaires. LibyanStudies,
Volume 52, pp. 71-86.

Lahr, MM and Foley, R. 1998. Towards a Theory of Modern Human Origins : Geography,
Demography, and Diversity in Recent Human Evolution. Yearbook of Physical Anthropology41 : 137-
176.

Barich, E. Barbara., Lucarini, Giulio &Mutri, Giuseppina. 2015. Libyan-Italian Joint Mission in the
Jebel Gharbi (Tripolitania). The Holocenesequence of the Jifarah plain. LIBYA ANTIQUA, VOLUME
VIII, p. 145-159.

Barich, E. Barbara., Garcea, Elena A.A. &Giraudi, Carlo. 2006. Between the Mediterranean and
theSahara :geoarchaeologicalreconnaissance in the Jebel Gharbi,Libya. antiquity 80, p: 567–582.

Spinapolice, E.E., Garcea, E.A.A. 2013. The Aterianfrom the Jebel Gharbi (Libya): new technological
perspectives from North Africa. AfricanArchaeologicalReview30 (2): 169-194.

Petit-Maire, N., Burollet, P.F., Ballais, J-L., Fontugne, M., Rosso, J-C., Lazaar, A. 1991. Paléoclimats
holocènes du Sahara septentrional. Dépôts lacustres et terrasses alluviales en bordure du Grand Erg
Oriental à l’extrême-Sud de la Tunisie. C.R. Acad. Sci. T. 312, série II. p1661-1666.

Cancellieri, E., Bel Hadj Brahim, H., Ben Nasr, J., Ben Fraj, T., Boussoffara, R., Di Matteo, M.,
Mercier, N., Marnaoui, M., Monaco, A., Richard, M., S. Mariani, G., Scancarello, O., Zerboni, A & di
Lernia, S. 2022. A late Middle Pleistocene Middle Stone Age sequenceidentified at Wadi Lazalim in
southernTunisia, Scientific Reports 12.3996, p1-12.

21
Cancellieri E., Cremaschi M., Zerboni A. and di Lernia S. (2016) Climate, Environment,and Population
Dynamics in Pleistocene Sahara, in Jones C. Sacha and Stewart A.Brian (eds.), Africafrom MIS 6-2: Population
Dynamics and Paleoenvironments, SpringerNetherlands, Dordrecht, p. 123-145.

Lahr, MM and Foley, R. 1998. Towards a Theory of Modern Human Origins : Geography,
Demography, and Diversity in Recent Human Evolution. Yearbook of Physical Anthropology41 :
137-176.

Larrasoaña, J. C. 2012. A NortheastSaharan Perspective on EnvironmentalVariability in North


Africa and its Implications for Modern Human Origins. VertebratePaleobiology and
Paleoanthropology, 10.100: 19-34.

Ben Fraj, T. 2012. Proposition d’un schéma chronostratigraphique des héritages quaternaires
continentaux de la Jefara septentrionale et de la partie Nord-orientale du plateau de Dahar-
Matmata (Sud-est tunisien). Quaternaire 23 (2) :187-204.

Causse, C. et al. 2003. Humidity changes in southernTunisiaduring the LatePleistoceneinferredfrom U-Th dating
of molluscshells.Appl. Geochem. 18, 1691–1703.

Emanuele Cancellieri, Jâafar Ben Nasr. 2019. Archaeologicalresearch in northern Sahara. Thoughts on the
experience of a Tunisian-Italianresearch program(2014-2017) in post-revolutionaryTunisia, Arid Zone
ArchaeologyMonographs 8, pp. 37-45.

diLernia S., Anagnostou P., Ben Fraj T., Ben Nasr J., Boukhchim N., Boussoffara R., BelHaj
Brahim H.,Cancellieri E., Carpentieri M., Castorina F., DestroBisol G., Lucci E.,Manzi G.,
Marnaoui M., Monaco A., Ouaja M., Jaouadi S. and Tafuri M.A. (2017) Firstarchaeological
investigations in the Chott el Jerid area, SouthernTunisia, Scienzedell’Antichità, 23 (1): 3-
19.

Camps, G. 1981. Origines de la domestication en Afrique du Nord et au Sahara. In : 2000 ans


d’histoire africaine. Le sol, la parole et l’écrit. Mélanges en hommage à Raymond Maury. Tome
II. Paris : Société française d’histoire des outre-mers, p.547-560 ;

22

Vous aimerez peut-être aussi