Intoduction À L'interculturel (PR Hajji)

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Abdelouahed Hajji

Professeur de l’enseignement supérieur assistant à l’Université Moulay Ismaïl de Meknès

Module : Introduction à l’interculturel

Semestre 3

Objectifs du cours

L’étudiant sera en mesure de s’ouvrir sur l’autre et de l’accepter dans sa différence.

Ce cours permettra à l’étudiant de réfléchir sur l’interculturel à partir d’un ensemble de


questions relatives à l’ouverture sur la culture de l’autre.

L’étudiant sera en mesure d’accepter la culture de l’autre tout en valorisant sa propre culture.
Identité, altérité et interculturalité seront longuement interrogées dans ce cours.

Bibliographie sélective

Jean Baudrillard et Marc Guillaume, Figures de l’altérité, éd. Descartes et Cie, Paris, 1994.

Salhia Ben-Messahel, Des frontières de l’interculturalité, éd. Presses Universitaires de


Septentrion, 2009.

Raymond Curie, Interculturalité et citoyenneté à l’épreuve de la globalisation, éd.


L’Harmattan, Paris, 2006.

Geneviève Gobillot, Monde de l’Islam et Occident. Les voies de l’interculturalité, E.M.E. et


Intercommunication, Sprl, 2010.

Violaine Lemag et Frederic Darbellay, L’interdisciplinarité racontée. Chercher hors frontières,


vivre l’interculturalité, Peter Lang SA, Éditions Scientifiques Internationales, Berne, 2014

Régis Debray, Éloge des frontières, éd. Gallimard, Paris, 2010

Julia Kristeva, Étrangers à nous-mêmes, éd. Arthème Fayard, Paris, 1988

Amin Maalouf, Les identités meurtrières, éd. Grasset, Paris, 1998

Tzvetan Todorov, La Signature humaine, éd. Seuil, Paris, 2009


Préliminaires

Est-il possible d’interroger l’interculturel dans un monde en mutation mutuelle ? Que se


passe-t-il dans un monde dominé par les clivages économiques et par les tensions culturelles ?
De quelle manière l’interculturel doit-il être conçu et pratiqué pour qu’il devienne un outil de
complémentarité entre les imaginaires humains ?

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L’interculturel ‒ sujet d’actualité ‒ n’est pas seulement une rencontre des cultures, mais une
mise en œuvre de la différence. Dans une société spectrale, l’autre est un numéro avec qui on
se côtoie sans se voir, sans se rencontrer, sans s’affronter. De ce fait, le dialogue des langues-
cultures invite les cultures du monde au dialogue et à la rencontre interculturelle. Cette
rencontre commence dès qu’il y a la reconnaissance profonde de la trace culturelle de l’autre.
Ce qui crée une hospitalité de l’étranger. La différence et le divers sont l’une des plus grandes
nourritures du dialogue des cultures, en ce sens qu’ils créent un vivre-ensemble. La rencontre,
selon Julia Kristeva, « équilibre l’errance » et contrôle la dose d’intolérance de chaque
individu/culture. C’est une écoute active de l’autre à travers la rupture avec le sens absolu/
culture absolue. Toute culture est d’abord une mosaïque de cultures. Le monde serait morne
sans sa pluralité et ses différentes couleurs. La différence est une dimension indispensable à
toute vie.

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Actuellement, l’interculturel n’est pas en bonne santé à cause des idéologies et des litiges
religieux et culturels : le conflit plane sur la surface à cause de la nature complexe de la culture.
Chaque culture rejette une autre culture, ce qui confirme l’absence d’un dialogue réel entre les
entités qui fondent l’existence de dialogue interculturel. Penser le dialogue interculturel revient
à critiquer les pulsions de la culture/identité et à investir les points positifs. La culture n’est pas
certes neutre, mais elle peut intégrer la différence et la pluralité. Les conflits culturels ne
peuvent se résoudre ni par les armes ni par l’argent mais par une éducation à la paix. La
Méditerranée, à titre d’exemple, est un berceau des civilisations où des langues se sont créées,
côtoyées et mélangées.

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La reconnaissance de l’autre passe par le respect de l’opacité de chaque culture. Toute culture
a droit à l’opacité : il s’agit du côté irréductible de la culture, signe de sa particularité. Respecter
cette opacité est un pas vers un monde multiculturel. L’interculturel est une mise à distance de
l’autre. En outre, il s’agit de savoir respecter cette distance à l’égard de la culture de l’autre.
L’inter, c’est surtout ériger un barrage à la barbarie et à la discrimination.

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L’ouverture d’une culture est un signe de développement intellectuel et culturel de ses porteurs,
tandis que le repli sur soi ouvre la voie sur l’intégrisme et le chauvinisme culturel. Faut-il
préciser que l’inter ne dévalorise aucune culture lors de la rencontre mais il suscite en elle la
vitalité et la compréhension de l’autre : l’interculturel vitalise la culture dans une zone
interstitielle qui n’est pas de gauche ni de droite puisqu’il est un tiers-espace, un trait d’union
entre les traces culturelles.

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L’interculturel a de particulier de remettre en question la notion d’identité pure. L’identité, mot-
valise, ne peut pas être réduite à un seul registre mais une mille-feuille. L’on sait bien que
l’identité est un héritage composé de plusieurs facteurs. L’identité est composée de « l’ipséité
» et de « l’idem », c’est-à-dire de la dimension personnelle et de celle collective. Dans ce cas,
Paul Ricœur nous assure sur le fait que les deux aspects de l’identité intègrent la différence.
L’être humain a besoin de vivre avec les autres afin de se réaliser existentiellement et
sociologiquement.

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Le dialogue des cultures est une manière d’inviter l’humanité au croisement des langues et des
cultures. Ce croisement réel entre les identités crée un monde harmonieux et réalise ce
qu’Abdelkébir Khatibi appelle « la paix linguistique » qui se fait à travers la reconnaissance des
langues constituant le paysage culturel d’une telle nation. Edouard Glissant écrit qu’il « parle
en la présence de toutes les langues. » Il ne s’agit pas d’une maîtrise linguistique de toutes les
langues, mais manière d’habiter l’imaginaire humain. L’interculturel est alors ces langues-
cultures qui se dialoguent et se comprennent sans aucune intention de domination ni
d’assimilation. Toute langue, toute culture, toute religion ne sont jamais uniques, mais des
pratiques parmi d’autres, des langues, des cultures, des religions parmi d’autres. Il s’agit de
reconnaître à l’autre son statut de Sujet et de le comprendre tel qu’il est sans chercher à lui faire
perdre sa différence.

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Cependant, l’interculturel est en péril à cause de l’idéologie nationaliste qui cherche à
homogénéiser des idées et des formes de vie au nom d’un universalisme abstrait.
L’anthropologue Jacques Demorgon fait remarquer dans Critique de l’interculturel1 que
lorsqu’on aborde l’interculturel, on désigne « l’occidentalisation et l’américanisation du monde
». De ce fait, l’interculturel serait un universalisme abstrait à soumettre les cultures à l’image
façonnée par les grandes puissances mondiales : cela fleurit désormais la violence et le
déséquilibre quasi-constant entre les sociétés. La montée de courants xénophobes a fait de
l’interculturel une doléance urgente.

***
Demorgon pointe le côté paradoxal de la culture : d’une part, elle n’est pas neutre, de l’autre,
sa nature est hétérogène et peut approprier la différence. « Critique de l’interculturel », note J.
Demorgon, « est une manière d’affirmer la difficulté d’harmoniser le monde.» Cette difficulté
émane-t-elle des déséquilibrations économiques et démographiques ? L’économie et la culture
de web mettent la culture en crise : ces deux éléments chassent désormais la (vraie) culture au
détriment de la culture numérique. L’économique et l’usage abusif de la technologie créent un
clivage culturel puisqu’ils ne tolèrent pas les relations interhumaines et interculturelles fondées
sur l’échange constructif. L’inégale distribution des ressources matérielles a entraîné
d’énormes vagues migratoires du Sud vers le Nord. Face au tragique et face au rejet de l’autre,
J. Demorgon insiste sur le fait de promouvoir le vrai sens de l’interculturel à travers une
reconnaissance profonde de l’autre et à travers un enseignement de la paix.

***
Le dialogue des cultures stipule qu’on définit l’identité comme étant un puzzle où chacun ajoute
son élément : l’identité doit être obligatoirement en devenir pour permettre au même d’accepter
inconditionnellement la culture de l’autre. En outre, l’identité doit être assumée dans ses
différentes facettes afin de donner un sens au dialogue des cultures. Penser la rencontre, penser
le dialogue des cultures sont une nécessité pour concrétiser une cohabitation entre les
différentes cultures. Toutes les cultures, sous l’angle de l’interculturel, sont égales. Il s’agit de
compléter l’autre, de vivre avec lui dans une paix culturelle. L’interculturel cherche à édifier
des passerelles entre les différentes cultures en mettant l’accent sur la notion d’échange et de
partage. Il est une déconstruction de la culture en vue de remettre en question le mythe de la
grandeur et de la pureté identitaire et culturelle. C’est le moment de faire appel à une «
pédagogie interculturelle » qui devrait être inculquée depuis les apprentissages à l'école. L’élève

1
DEMORGON, Jacques, Critique de l’interculturel. L’horizon de la sociologie, Paris, Economica,
« anthropologie », 2005.
devrait être mené à une réflexion lui permettant de relativiser ses connaissances et son système
de référence. Cela permet de critiquer le stéréotype comme hyper-généralisation des jugements.
Le concept de l’identité narrative est fort intéressant. Il part du constat selon lequel l’identité
est liée à une continuité dans le temps. C’est dire qu’elle se fonde sur le principe narratif, à
savoir la capacité de raconter des histoires.

***
Penser la rencontre des cultures, c’est surtout être conscient des conséquences affreuses de
l’intégrisme qui asphyxient notre monde. Ce même monde a besoin de l’humanisme et de
l’amour de toutes les traces. La littérature est un lieu emblématique de l’interculturel.» De par
son statut polysémique, le texte littéraire permet au lecteur de se distancier et de se méfier des
évidences. L'intégration des cultures est un bien à défendre parce qu'elle unifie un monde déjà
bien trop divisé par les croyances et les limites géographiques.

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