1 - A Quoi Servent Les Pesticides
1 - A Quoi Servent Les Pesticides
1 - A Quoi Servent Les Pesticides
19/06/2019 21(36
Par Maxime Vaudano • Publié le 27 février 2018 à 10h20 - Mis à jour le 04 septembre 2018 à
09h42
Glyphosate, contamination des fruits et légumes, de l’air, des cours d’eau, menaces pour les abeilles…
Les débats sur les pesticides se concentrent souvent sur les risques qu’ils font peser sur la santé et
l’environnement. Deux tiers des résides présents dans l’alimentation européenne sont le fait de
molécules suspectées d’être des perturbateurs endocriniens, révèle une enquête de l’ONG
Générations futures publiée mardi 4 septembre.
Pourtant, l’utilisation des pesticides perdure. Pour le comprendre, il faut saisir le rôle que jouent ces
produits dans notre agriculture, encore aujourd’hui très dépendante.
A quoi ça sert ?
Egalement appelés « produits phytosanitaires », les pesticides servent à protéger les cultures agricoles
contre différentes menaces, afin de limiter les risques de perte de récoltes et donc d’améliorer le
rendement.
• des herbicides, pour désherber les cultures, afin de lutter contre les mauvaises herbes qui
viennent concurrencer les légumes et les céréales (c’est le type de pesticide le plus utilisé, avec en
moyenne 1,2 à 2,9 doses par hectare) ;
• des insecticides, pour repousser les insectes et parasites qui s’attaquent aux cultures, comme les
mouches qui pondent dans les fruits (entre 0 et 2 doses par hectare) ;
• des fongicides, pour lutter contre les champignons, qui provoquent des maladies sur les plantes
(entre 0 et 1,7 dose par hectare).
Il existe aussi des produits moins populaires pour lutter contre les acariens (acaricides), les oiseaux
(avicides), les escargots et limaces (molluscicides), les vers ronds (nématicide), les rongeurs
(rodenticide) et même les poissons (piscicide). Au total, quelque 4 000 produits phytosanitaires sont
autorisés sur le sol français.
Le type de pesticide utilisé dépend de la nature de la culture et des menaces identifiées par les
agriculteurs. Ainsi, la pomme de terre est très souvent traitée avec des fongicides, car elle est
extrêmement vulnérable au mildiou, un champignon qui la tue.
Pomme de terre
Colza
Betterave sucrière
Blé tendre
Pois protéagineux
Orge
Blé dur
Canne à sucre
Tournesol
Maïs grain
Triticale
Maïs fourrage
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20
Source : Enquête sur les pratiques phytosanitaires en grandes cultures 2014 (Agreste)
Du côté des fruits, la pomme est beaucoup plus traitée que la pêche ou la prune :
Pomme
Pêche
Prune
Abricot
Cerise
Banane
0 5 10 15 20 25 30 35 40
Contrairement à ce que voudrait une idée répandue, l’agriculture biologique peut, elle aussi, recourir
à des pesticides : la moitié des fongicides utilisés chaque année le sont dans des exploitations bio. Si
le soufre et le cuivre sont « sans chimie », ils peuvent quand même avoir des conséquences pour
l’environnement et la santé.
C’est le but du gouvernement français, qui est le seul en Europe à s’être fixé un objectif ambitieux de
réduction de l’utilisation des pesticides : il vise une baisse de 50 % d’ici à 2025 par rapport à 2008. A
en juger par la lenteur de l’évolution des pratiques, la démarche se révèle très compliquée. L’objectif,
initialement fixé à 2018, a d’ailleurs dû être repoussé de sept ans. Il faut dire qu’avec 75 287 tonnes de
produits phytopharmaceutiques, la France est un client particulièrement gourmand, qui se situe au
huitième rang européen par hectare.
Lire (en édition abonnés) : Le plan du gouvernement pour réduire les pesticides
En milliers de tonnes.
Dans certaines exploitations, l’expérience a montré que les pesticides pouvaient être supprimés sans
baisse de rendement – c’est particulièrement vrai pour les désherbants. En s’appuyant sur
l’expérience du réseau de fermes expérimentales Dephy, les auteurs du rapport soulignent que les
agriculteurs peuvent maintenir leur rendement (dans 94 % des cas) et leur revenu (78 %) en utilisant
un tiers de pesticides en moins que la moyenne.
Les auteurs reconnaissent toutefois que la réduction des pesticides peut s’avérer beaucoup plus
difficile pour certaines cultures (le blé, par exemple) et pour faire face à certains risques, comme
l’émergence de nouveaux nuisibles, qui « rend parfois nécessaire le traitement ». En plus de cela,
beaucoup d’agriculteurs vaporisent des insecticides en prévision d’une possible contamination,
comme une « assurance-récolte »… même si cela s’avère in fine inutile dans la plupart des cas. Pour
contrer ce comportement, une solution consisterait à mettre en place de véritables assurances,
comme cela s’est fait en Italie en 2014.
La structure même du marché des pesticides pose aussi problème : beaucoup des coopératives et
entreprises de négoce qui conseillent les agriculteurs sont dans une forme de conflit d’intérêts,
puisqu’ils vendent aussi eux-mêmes des pesticides. Ils ont donc intérêt à les maintenir une
dépendance à ces produits. Pour faire face à ce problème, le gouvernement envisage d’interdire
prochainement la confusion entre ces deux activités.
La clé de la réduction de l’utilisation des pesticides réside toutefois dans la mise au point de solutions
de substitution efficaces. Par exemple, les insecticides chimiques peuvent être remplacés par des
filets de protection, des produits de confusion sexuelle ou des pièges à hormones.
Selon les spécialistes, c’est du côté des désherbants, comme le glyphosate, que l’étendue des
alternatives est aujourd’hui suffisamment crédible pour envisager une réduction drastique de leur
usage. Du grattoir à la désherbeuse mécanique, en passant par la projection de vapeur ou l’usage
d’herbicides naturels, de nombreuses solutions sont déjà utilisées au quotidien par les communes
françaises depuis qu’elles ont cessé d’utiliser du glyphosate, début 2017.
En signe de bonne volonté, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et 35
partenaires ont d’ailleurs annoncé à l’occasion du Salon de l’agriculture 2018 la signature prochaine
d’un « contrat de solutions », qui engagera les agriculteurs participants à trouver des alternatives aux
pesticides grâce à l’aide des chambres d’agriculture, d’incitations financières et d’organismes comme
l’Institut de recherche agronomique (INRA).
L’autre axe consiste à utiliser la contrainte, en interdisant de plus en plus de produits. C’est ce que
recommande le rapport remis au gouvernement à la fin de 2017. Ses auteurs préconisent de se
concentrer sur les pesticides les plus dangereux, en pointant du doigt une vingtaine de substances
autorisées mais très suspectes. A l’heure actuelle, les pesticides classés toxiques, très toxiques,
cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques représentent encore 23 % des ventes.
Maxime Vaudano