Cur 2406 CM 00073

Commentaires © LEXISNEXIS SA - CONSTRUCTION - URBANISME - N° 6 - JUIN 2024
Cession du contrat
RESPONSABILITÉ inopposabilité au cédé, la cour d'appel a violé le texte

susvisé.
73 Contrats et obligations conventionnelles À l'occasion de la réforme du droit des contrats, intervenue en

2016, la cession de contrat, qui jusqu'alors n'était pas traitée par
– Cession du contrat – Sanctions du le Code civil, est désormais régie par les articles 1216 à 1216-3 du
défaut d'accord du cédé Code civil.
L'article 1216 dispose ainsi que :
Solution. – Par application de l'article 1216, alinéa 1, du Un contractant, le cédant, peut céder sa qualité de partie au
Code civil, l'accord du cédé à la cession du contrat peut contrat à un tiers, le cessionnaire, avec l’accord de son
être donné sans forme, pourvu qu'il soit non équivoque, cocontractant, le cédé.
et peut être prouvé par tous moyens. Le défaut d'accord Cet accord peut être donné par avance, notamment dans le
du cédé n'emporte pas la nullité de la cession du contrat conclu entre les futurs cédant et cédé, auquel cas la
contrat, mais son inopposabilité au cédé. cession produit effet à l’égard du cédé lorsque le contrat
Impact. – Dans cet arrêt qui sera publié, la chambre conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou
commerciale de la Cour de cassation confirme qu'à lorsqu’il en prend acte.
l'occasion d'une cession de contrat, l'accord du cédé La cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité.
n'est pas obligatoirement écrit mais peut être tacite. En En application de ces dispositions, la cession de contrat ne
outre, la Cour de cassation se prononce sur la sanction peut intervenir sans l'accord du cédé. Le texte de l'article 1216
du défaut d'accord du cédé en considérant que cette du Code civil n'apporte aucune précision sur la forme que doit
circonstance n'entraîne pas la nullité de la cession du prendre cet accord, ni sur les conséquences du défaut d'accord
contrat, mais seulement son inopposabilité à l'égard du du cédé.
La Cour de cassation se prononce sur ces deux points.
cédé.
Cass. com., 24 avr. 2024, n° 22-15.958, F-B, Sté Mobiyo c/ Sté NS Cards 1. Sur la forme de l'accord du cédé
France : JurisData n° 2024-005838
La justification par écrit de l'accord du cédé n'est pas obliga-
NOTE : La société HIPAY a conclu avec la société NEOSURF un toire : c'est ce que confirme la Cour de cassation en précisant
que l'accord du cédé à la cession du contrat peut être tacite, à
contrat prévoyant que la première proposerait et installerait
condition toutefois qu'il ne soit pas équivoque.
auprès de sites marchands partenaires des solutions de paiement D'un point de vue processuel, la Cour de cassation ajoute que
en ligne fournies par la seconde. À l'occasion d'un apport partiel cet accord peut être prouvé par tous moyens.
d'actifs intervenu le 15 juin 2017, la société HIPAY a cédé son La chambre commerciale de la Cour de cassation l'avait déjà
contrat à la société MOBIYO, et a notifié la cession de ce contrat admis dans un arrêt précédent (Cass. com., 7 janv. 1992, n° 90-
à la société NEOSURF. 14.831 : JurisData n° 1992-000782), caractérisant l'acceptation du
Invoquant des factures impayées, la société MOBIYO a assigné cédé par la poursuite sans réserve de l'exécution du contrat
la société NEOSURF en paiement d'une provision qui a été contes- pendant quelques mois, le règlement de plusieurs factures, et le
tée par la société NEOSURF, qui a remis en cause la régularité de recours aux services du cessionnaire.
la cession du contrat intervenue. Ce principe a également été appliqué par certains juges du
La cour d'appel de Paris, par arrêt rendu le 4 mars 2022 (CA Paris, fond qui ont pu considérer que la poursuite du règlement des
4 mars 2022, n° 19/22412), a débouté la société MOBIYO de sa échéances du contrat au cessionnaire par le cédé vaut accepta-
demande de paiement en retenant la nullité de la cession interve- tion tacite de la cession intervenue (CA Nancy, 2e ch. civ., 28 oct.
nue sur le fondement de l'article 1216, alinéa 3 du Code civil. 2021, n° 21/00195 : JurisData n° 2021-018218. – CA Reims, 1re ch.,
Cette décision a été censurée par la Cour de cassation sur le visa sect. civ., 9 avr. 2024, n° 23/00966).
de l'article 1216, alinéa 1 du Code civil selon la motivation En l'espèce, la cour d'appel de Paris, dont la décision a été
censurée, semblait requérir l'obligation que l'acceptation du
suivante :
cédé soit constatée par un écrit, en visant l'article 1216, alinéa 3
8. Selon ce texte, un contractant, le cédant, peut céder sa du Code civil.
qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, avec Toutefois, il s'agit d'une confusion entre la cession du contrat
l'accord de son cocontractant, le cédé. qui intervient entre le cédant et le cessionnaire, qui doit
9. Pour rejeter la demande en paiement de la société effectivement être constatée par écrit aux termes de
Mobiyo, l'arrêt, après avoir relevé, par motifs propres et l'article 1216, alinéa 3, et son acceptation par le cédé pour lequel
adoptés, que le contrat conclu le 23 juin 2005 entre la le texte ne prévoit aucune condition de forme.
société Hipay et la société Neosurf avait fait l'objet d'un Par ailleurs, l'accord du cédé à la cession du contrat peut être
traité d'apport partiel d'actifs, retient qu'aucun des donné par avance dès la signature du contrat, et ceci par
échanges de courriels avec la société Neosurf produits par la application de l'article 1216, alinéa 2 du Code civil.
société Mobiyo ne satisfait à la règle de l'article 1216, Dans ce cas, la cession produit effet à l'égard du cédé, dès que
la cession de contrat lui est notifiée ou lorsqu'il en prend acte.
alinéa 3, du code civil, selon laquelle la cession doit être
À défaut de notification, la Cour de cassation a pu juger que le
constatée par écrit, à peine de nullité, et au droit de la
simple fait pour le cédé d'opérer des paiements entre les mains
preuve des actes juridiques régis par l'article 1359 du code du cessionnaire valait prise d'acte de la cession intervenue qui
civil, de sorte que, sans qu'il soit nécessaire de discuter les lui était donc opposable (Cass. com., 9 juin 2022, n° 20-18.490,
moyens tirés de l'exécution de ce contrat, il convient de F-D : JurisData n° 2022-009154 ; Contrats, conc. consom. 2022,
relever la nullité de la cession dudit contrat. comm. 148, note L. Leveneur).
10. En statuant ainsi, alors, d'une part, que l'accord du cédé
à la cession du contrat peut être donné sans forme, pourvu 2. Sur la sanction du défaut de consentement du cédé
qu'il soit non équivoque, et peut être prouvé par tous
moyens, d'autre part, que le défaut d'accord du cédé Si le cédé refuse, de manière expresse, de consentir à la
26 n'emporte pas la nullité de la cession du contrat mais son cession du contrat, ou s'il n'est pas justifié de son accord tacite à
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la cession de celui-ci, quel sera alors le sort de la cession Une solution similaire a été retenue par la cour d'appel de
intervenue ? Lyon, dans une décision du 29 février 2024 (CA Lyon, 6e ch.,
La Cour de cassation rappelle que le défaut d'accord du cédé 29 févr. 2024, n° 21/07668), qui précise que « le défaut d'accord
n'emporte pas la nullité de la cession de contrat, mais sa simple du cédé à la cession a pour seule conséquence de ne pas libérer
inopposabilité au cédé. le cédant de l'exécution du contrat cédé en application de
En d'autres termes, et à moins que l'acte de cession de contrat l'article 1216 du code civil ».
intervenu entre le cédant et le cessionnaire ait été assorti d'une Ces solutions peuvent également s'appuyer sur les termes de
condition suspensive ou d'une condition résolutoire liée au l'article 1216-1 du Code civil, qui dispose que :
consentement du cédé, cet acte continuera à produire ses effets Si le cédé y a expressément consenti, la cession de contrat
entre ses parties. libère le cédant pour l’avenir.
En revanche, il demeurera inopposable au cédé, qui aura le À défaut, et sauf clause contraire, le cédant est tenu
droit de poursuivre l'exécution du contrat auprès du seul solidairement à l’exécution du contrat. Christophe SIZAIRE
cédant. Textes : C. civ., art. 1216 à 1216-3
Servitude de cour commune
OBLIGATION DU PROPRIÉTAIRE DU Les ouvrages attenants à la piscine ont été édifiés à moins de
5 mètres de la limite de la servitude, en contrariété avec le plan
FONDS DOMINANT établi dans le cadre de la demande d'autorisation de travaux.
Les propriétaires du fonds servant ont assigné leurs voisins en
74 Servitude de « cour commune » : démolition de la plage de la piscine et du local technique.
Par arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le
sanctions du non-respect des limites de 9 décembre 2021 (CA Aix-en Provence, 9 déc. 2021, n° 19/02225), la
la construction édifiée cour a prononcé la condamnation à démolir la partie de la plage
de la piscine située à moins de 5 mètres de la limite de la servitude
Solution. – Lorsqu'un propriétaire consent, en applica- de « cour commune » et à déplacer le local technique implanté à
tion de l'article L. 471-1, alinéa 1er du Code de l'urba- moins de 5 mètres de cette limite.
nisme, à grever son fonds d'une servitude dite de « cour Le pourvoi engagé à l'encontre de cet arrêt par M. et Mme [S] a
commune », pour permettre au propriétaire du fonds été rejeté selon la motivation suivante :
voisin d'obtenir une autorisation d'urbanisme pour l'édi- 5. Aux termes de l'article L. 471-1, alinéa 1er, du code de
fication d'un ouvrage à proximité de la limite séparative, l'urbanisme, lorsqu'en application des dispositions d'urba-
en assurant le respect des distances réglementaires nisme la délivrance du permis de construire est subordon-
applicables, le propriétaire du fonds dominant s'oblige, née, en ce qui concerne les distances qui doivent séparer les
réciproquement, à respecter l'emplacement convenu de constructions, à la création sur un terrain voisin, de servi-
la construction, dont dépend la délimitation de la zone tudes de ne pas bâtir ou de ne pas dépasser une certaine
frappée d'interdiction de bâtir grevant le fonds servant. hauteur en construisant, ces servitudes dites de « cours
L'inexécution de cette obligation est de nature à justifier communes » peuvent, à défaut d'accord amiable entre les
la démolition de l'ouvrage dans la mesure nécessaire au propriétaires intéressés, être imposées par la voie judiciaire
respect de la convention des parties. dans des conditions définies par décret.
Impact. – Dans cet arrêt publié, la 3e chambre civile de la 6. Aux termes de l'article 1134, alinéa 1er, du code civil,
Cour de cassation consacre le caractère réciproque des dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance
engagements résultant de la mise en place d'une servi- n° 2016-131 du 10 février 2016, les conventions légale-
tude de « cour commune » entre le propriétaire du fonds ment formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
dominant et le propriétaire du fonds servant. Elle en 7. lorsqu'un propriétaire consent, en application du premier
conclut que le propriétaire du fonds dominant doit de ces textes, à grever son fonds d'une servitude dite de
réaliser la construction dans l'emprise prévue et que le « cour commune » pour permettre au propriétaire du fonds
non-respect de l'emplacement convenu peut conduire à voisin d'obtenir une autorisation d'urbanisme pour l'édifica-
une démolition de l'ouvrage. Toutefois, à l'occasion de tion d'un ouvrage à proximité de la limite séparative, en
cette décision, la Cour de cassation réaffirme que le assurant le respect des distances réglementaires applicables,
choix des sanctions, applicables en cas de non-respect le propriétaire du fonds dominant s'oblige, réciproquement,
d'une servitude, y compris lorsque celle-ci a une origine à respecter l'emplacement convenu de la construction, dont
légale, est soumis à un contrôle de proportionnalité par dépend la délimitation de la zone frappée d'interdiction de
le juge. bâtir grevant le fonds servant.
8. L'inexécution de cette obligation est de nature à justifier
Cass. 3e civ., 28 mars 2024, n° 22-13.993, FS-B : JurisData n° 2024- la démolition de l'ouvrage, dans la mesure nécessaire au
004294 respect de la convention des parties.
9. La cour d'appel a relevé que la servitude litigieuse était
NOTE : En l'espèce, une société civile immobilière et des parti- définie dans l'acte du 5 septembre 2003 comme une
culiers ont conclu une convention de « cour commune », afin de interdiction de bâtir sur une bande de terrain de la propriété
permettre à ces derniers de construire une piscine à proximité de de la SCI, d'une largeur de trois mètres et d'une superficie de
la limite séparative des deux fonds, dans le respect des disposi- vingt-cinq mètres carrés, puis que cette convention avait été
tions réglementaires applicables fixant la distance minimale entre conclue pour répondre à une condition posée par l'autorité
les constructions. administrative pour autoriser la construction d'une piscine à
l'emplacement envisagé, la zone frappée d'interdiction de
construction permettant le respect de la distance minimale 27

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