La Revisions Des Decisions Penales Definitives

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N°19 © Juillet 2014

La révision des décisions


pénales définitives
Claude Mathon
Claude MATHON, avocat général à la Cour de cassation.

Résumé
Dans cette étude, Claude Mathon, avocat général à la Cour de cassation, replace la procédure
de révision des décisions pénales définitives dans le contexte du principe de l’autorité de la chose
jugée. Au travers d’une analyse minutieuse et exhaustive de l’état du droit et de la jurisprudence,
il vient clarifier les conditions de fond de la révision et de la procédure proprement dite. Il formule
également un certain nombre de propositions originales et novatrices visant à rendre cette voie
de recours extraordinaire plus cohérente et plus effective.

Édité par l’Institut pour la Justice


Claude MATHON, magistrat, est avocat général à la Cour de Cassation. Claude Association loi 1901
Mathon a notamment exercé les fonctions de Procureur de la République près
Contacts :
les TGI de Meaux, Rouen, Pontoise et Lille. Il a également été directeur du Service
central de prévention de la corruption (SCPC). 01 70 38 24 07
[email protected]
La révision des décisions pénales définitives

SOMMAIRE

Première Partie - L’autorité de la chose jugée 5


1. En droit civil 5

2. En procédure pénale 6

Deuxième Partie - La procédure de révision 9


1. Les conditions de fond 9

2. La procédure proprement dite 17

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La révision des décisions pénales définitives

La problématique de la révision des décisions pénales définitives


(II.) se situe dans le contexte du principe de l’autorité de la chose
jugée (I.).

L’autorité de la chose jugée


En matière d’autorité de chose jugée comme de voies de recours,
le juriste est partagé entre deux tendances1 :

• une tendance au perfectionnisme qui implique le souci


d’assurer la meilleure justice possible, dans le respect
scrupuleux du principe du contradictoire ; chaque jugement
sera considéré comme une œuvre perfectible ; il faudra
donc ouvrir assez largement les possibilités de remise en
cause s’il apparaît que la solution retenue n’est pas bonne
ou pourrait être meilleure ;

• une tendance qui tient à l’impératif de sécurité et de


stabilité des situations juridiques : quel est le crédit d’une
justice lorsqu’une situation reconnue est menacée par des
contestations permanentes et renouvelées ?

Contre le risque de mal-jugé, les voies de recours sont organisées


par la loi dans des conditions qui assurent un équilibre entre les deux
tendances : elles permettent de corriger ou d’améliorer ce qui a
été mal ou trop rapidement jugé ; la sécurité n’est pas ignorée pour
autant, puisqu’elles sont enfermées dans de strictes conditions de
délai.

Mais quand le délai est expiré ou qu’une voie de recours a été


exercée sans succès, la tentation est grande pour le plaideur de
recommencer et c’est là qu’intervient l’autorité de la chose jugée,
fin de non-recevoir qui interdit toute remise en question du jugement
ayant mis fin à une contestation.

1. En droit civil

Aux termes de l’article 1351 du code civil, « L’autorité de la chose


jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut
que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée
sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et
formée par elles et contre elles en la même qualité », ce qui a généré
la jurisprudence suivante :

« Le principe de l’autorité de la chose jugée est général et absolu


et s’attache même aux décisions erronées » (Cass. 1e Civ., 22 juillet
1986, Bull. civ. I, n° 225, p. 214) ;

« L’autorité de la chose jugée s’attache aux jugements qui n’ont


fait l’objet d’aucun recours, quels que soient les vices dont ils sont

1 L’étendue de la chose jugée au regard de l’objet et de la cause de la demande


par Vincent Delaporte, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation – BICC
hors-série « La procédure civile » - 23 janvier 2004.

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affectés » (Cass. Com., 14 novembre 1989, Bull. civ. IV, n° 289, p. 195).

L’autorité de la chose jugée répondant à une nécessité


incontournable, plusieurs conceptions s’affrontent :

• si l’on donne à l’autorité de la chose jugée un domaine


large, on admettra rarement les possibilités de revenir sur les
contestations terminées ; l’autorité de la chose explicitement
jugée sera étendue à ce qui ressort implicitement du
jugement, au risque alors de déni de justice, car certaines
possibilités de contestation se trouveront fermées sans avoir
été examinées ; au risque également de méconnaître
le principe de la contradiction, car les parties pourront
se trouver surprises en s’apercevant tardivement, après
l’expiration des délais de recours, qu’une chose qu’elles
n’avaient pas soupçonnée se trouve implicitement jugée,
ou que la chose explicitement jugée a des conséquences
qu’elles n’avaient pas envisagées ;

• si l’on donne à l’autorité de la chose jugée un domaine


étroit, on permettra facilement la remise en cause du
jugement, donc l’amélioration objective de la justice, mais
au prix d’une instabilité permanente qui fera voler en éclats
les restrictions apportées aux voies de recours, en particulier
les délais. Et même la règle de l’irrecevabilité des moyens
nouveaux devant la Cour de cassation sera aisément
contournée si, après avoir essuyé une telle irrecevabilité, le
demandeur au pourvoi peut engager une nouvelle action
sur le même fondement (cf. par exemple : Cass. Com., 9
décembre 1997, SA Tonnelleries Reymond et dans la même
affaire : Cass. Com., 27 février 2001, pourvoi n° Z99-15.414).
Une interprétation étroite de la notion de chose jugée rouvre,
mieux que les différentes voies de recours, des champs
immenses aux manœuvres dilatoires des plaideurs. Et dans
tous les cas, c’est un remède et une prime à la négligence.
Pourquoi s’efforcer de présenter tous les éléments de la
contestation simultanément si en cas d’échec, on pourra
recommencer sur d’autres fondements ?

Cette tentation de recommencer est sévèrement encadrée dans


l’organisation des voies de recours, car les délais de celles-ci, sauf
quelques cas marginaux, ne donnent pas prise à interprétation.

En revanche, l’autorité de la chose jugée est soumise à des


conditions pour le moins brumeuses qui ne sont pas bien éclaircies.
L’autorité de la chose jugée est classée parmi les présomptions
légales. Le jugement ne prétend pas être une vérité absolue : c’est
une vérité par déclaration de la loi.

2. En procédure pénale

Aux termes de l’article 6, alinéa 1, du code de procédure pénale -


parmi les causes d’extinction de l’action publique : « L’action publique
pour l’application de la peine s’éteint par la mort du prévenu, la
prescription, l’amnistie, l’abrogation de la loi pénale et la chose jugée ».

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La révision des décisions pénales définitives

Lorsque la personne poursuivie est jugée par une décision définitive


ayant acquis l’autorité de la force jugée, l’action publique relative à
l’infraction s’éteint. Il n’existe qu’une exception légale, celle résultant
de l’alinéa 2 de l’article 6, visant le cas où le jugement a en réalité été
extorqué par un faux.

En principe, en matière criminelle, une fois l’individu condamné ou


acquitté, il est impossible de le poursuivre une seconde fois à raison des
mêmes faits2. Cette règle, exprimée par l’adage non bis in idem, est
également consacrée par la Convention européenne des droits de
l’homme, à l’article 4 du protocole n° 7. La justice ne doit sévir qu’une
seule fois. Ainsi, une personne acquittée par une cour d’assises ne
peut être poursuivie une seconde fois sous une nouvelle qualification
(article 368 du code pénal). En revanche, une telle disposition n’a
pas d’équivalent en matière de délits et de contraventions. Puisque
le tribunal correctionnel et le tribunal de police ont l’obligation
d’envisager les faits sous toutes leurs qualifications, il serait raisonnable
de penser que le principe émis à l’article 368 soit étendu aux autres
infractions. Cependant, ce n’est pas la solution décidée par la Cour de
cassation qui a donc étendu au maximum le champ de la répression.
Une personne relaxée par un tribunal correctionnel pourra être à
nouveau poursuivie sur le fondement d’une nouvelle qualification si
l’élément matériel ou l’élément moral requis pour la constitution du
délit sont différents. Ainsi, la chambre criminelle a pu décider que des
poursuites pour homicide volontaire pouvaient être engagées après
un acquittement pour homicide involontaire, pour les mêmes faits.
Le fondement invoqué à l’appui de ce raisonnement fut double :
d’une part, selon la Cour de cassation, l’article 368, seule disposition
traitant de cette difficulté, n’était pas applicable (il ne s’agissait pas
d’un procès d’assises). D’autre part, « le crime d’homicide qui se
commet par la détermination de la volonté et le délit d’imprudence
qui l’exclut sont deux infractions distinctes en leurs éléments de fait,
aussi bien qu’en leurs éléments de droit »3. La même solution a été
retenue à propos de l’affaire dite du « sang contaminé », la Cour
de cassation admettant que des poursuites pour empoisonnement
suivent une condamnation pour tromperie. Cependant, dans un arrêt
plus récent, la chambre criminelle semble être revenue à une solution
plus orthodoxe et plus respectueuse des principes fondamentaux et
des règles internationales4.

2 A. Hedabou, « Contribution à l’éclaircissement de "l’unité des faits" en matière


pénale », Rev. pénit., 2008, p. 61.
3 Crim., 19 mai 1983, Bull. n°149 ; D. 1984, p. 51, note Chapar ; JCP 1985, n°20385, note
Jean Didier.
4 Cf. La procédure pénale - Coralie Ambroise-Castérot - Lextenso.

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II. La procédure de révision

Il convient d’étudier les conditions de fond de la révision (A.) mais


aussi la procédure proprement dite telle qu’elle résulte actuellement
du code de procédure pénale (B.).

1. Les conditions de fond

Aux termes de l’article 622 du code de procédure pénale :

« La révision d’une décision pénale définitive peut être


demandée au bénéfice de toute personne reconnue coupable
d’un crime ou d’un délit lorsque :

1. Après une condamnation pour homicide, sont


représentées des pièces propres à faire naître de
suffisants indices sur l’existence de la prétendue victime
de l’homicide ;

2. Après une condamnation pour crime ou délit, un nouvel


arrêt ou jugement a condamné pour le même fait un
autre accusé ou prévenu et que, les deux condamnations
ne pouvant se concilier, leur contradiction est la preuve
de l’innocence de l’un ou de l’autre condamné ;

3. Un des témoins entendus a été, postérieurement à


la condamnation, poursuivi et condamné pour faux
témoignage contre l’accusé ou le prévenu ; le témoin
ainsi condamné ne peut pas être entendu dans les
nouveaux débats ;

4. Après une condamnation, vient à se produire ou à se


révéler un fait nouveau ou un élément inconnu de la
juridiction au jour du procès, de nature à faire naître un
doute sur la culpabilité du condamné. »

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Après une condamnation :

La possibilité d’une révision en cas d’acquittement ou de


relaxe mérite d’être posée. En effet, l‘évolution des techniques
d’identification des auteurs de crimes et délits remet en cause
l’idée selon laquelle on ne peut revenir sur une telle décision pour
des raisons éthiques ou philosophiques. On se reportera à ce qui
a été écrit ci-dessus en ce qui concerne la notion d’autorité de la
chose jugée en matière pénale.

Or, l’article 188 du code de procédure pénale prévoit que « la


personne mise en examen à l’égard de laquelle le juge d’instruction
a dit n’y avoir lieu à suivre ne peut plus être recherchée à l’occasion
du même fait, à moins qu’il ne survienne de nouvelles charges ».
Il en va de même du classement sans suite qui est une décision
essentiellement provisoire tant que la prescription de l’action
publique n’est pas acquise.

Depuis la loi n° 2002-307 du 4 mars 2002 qui a complété l’article


380-2 du code de procédure pénale, « le procureur général
[près la cour d’appel] peut également faire appel des arrêts
d’acquittement ».

Enfin, il y va de l’intérêt de la victime qui ne comprendrait pas


que l’auteur de l’infraction soit formellement mis en cause sans
que l’on puisse revenir sur la décision d’acquittement ou de relaxe
dont il a bénéficié.

Cette possibilité a d’ailleurs été introduite dans la procédure


pénale de certains pays et même utilisée, comme en Grande
Bretagne. Elle devrait être strictement encadrée et réservée à des
cas incontestables, voire scientifiquement indiscutables.

D’un crime ou d’un délit :

Cela exclut les contraventions.

On peut se poser la question de savoir s’il ne faudrait pas ouvrir


la procédure de révision aux contraventions.

Cela paraît devoir être exclu compte tenu de la nature de


celles-ci (infractions formelles) et de leur nombre, s’agissant du
domaine de prédilection des quérulents, notamment en matière de
circulation routière (stationnement - excès de vitesse). On pourrait
toutefois envisager d’élargir la procédure aux contraventions de
5e classe.

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La révision des décisions pénales définitives

Demandeurs à la révision :

Aux termes de l’article 623 du code de procédure pénale, la


révision peut être demandée notamment par le ministre de la
Justice sans doute en raison de son rôle actif antérieur à la loi du
23 juin 1989. Par ailleurs, celui-ci n’intervenant plus dans les dossiers
individuels, il y aurait lieu de prévoir que la requête pourrait plutôt
être présentée en ses lieu et place par le procureur général près la
Cour de cassation.

En conséquence, il convient de rechercher :

• si un ou plusieurs faits ou éléments invoqués ou apparus lors


de l’instruction d’un recours en révision sont respectivement
nouveaux ou étaient inconnus de la cour d’assises lors du
procès et n’ont justifié aucune investigation au cours de la
procédure d’instruction qui l’a précédé ;

• si ces faits ou éléments sont de nature à faire naître un


doute, même partiellement, sur la culpabilité de la personne
concernée.

C’est l’occasion de préciser qu’il ne peut donc s’agir de porter


une quelconque appréciation sur le procès tel qu’il s’est déroulé et
de le refaire devant la cour de révision des condamnations pénales.

Afin d’apprécier les faits ou éléments qui lui sont soumis, la cour de
révision devra se référer à divers paramètres tenant à l’évolution de
la procédure de révision et à la conception que l’on a de l’autorité
de la chose jugée.

Le quatrième cas d’ouverture à révision, qui est le plus utilisé, est le


dernier à avoir été créé par une loi du 8 juin 1895.

Auparavant, au fil de diverses fluctuations postérieures à la


révolution de 1789, seuls les trois autres cas avaient été prévus par
le code d’instruction criminelle de 1808 et rendaient très restrictive la
procédure de révision, alors limitée à la matière criminelle, en raison
de la nécessité de ne remettre en cause qu’exceptionnellement
l’autorité de la chose jugée au nom de la sécurité juridique et afin de
respecter l’infaillibilité qui était reconnue au jury populaire.

Après une loi du 29 juin 1867 qui a étendu la révision à la matière


correctionnelle et l’a permise à titre posthume en matière criminelle,
la loi du 8 juin 1895 a donc créé le quatrième cas d’ouverture à
révision ainsi libellé :

« [La révision pourra être demandée en matière criminelle ou


correctionnelle]... Lorsque, après une condamnation, un fait
viendra à se produire ou à se révéler, ou lorsque des pièces
inconnues lors des débats seront représentées, de nature à
établir l’innocence du condamné ».

Il ne s’agissait donc pas alors d’un doute sur la culpabilité mais du


caractère certain de l’innocence.

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Il n’y aura pas d’autre réforme de la procédure de révision
pendant 104 ans avant la loi du 23 juin 1989 qui, outre le fait qu’elle
va complètement judiciariser la procédure en créant la commission
de révision des condamnations pénales, ne va en réalité que traduire
dans les textes, la jurisprudence que la Cour de cassation, à travers la
cour de révision, avait développée de façon libérale en introduisant la
notion de « fait nouveau de nature à faire naître un doute sérieux »5 et
parfois seulement « un simple doute sur la culpabilité »6 du demandeur
à la révision. Ce doute n’est pas sans rappeler celui qui doit profiter à
l’accusé... En d’autres termes, il résulte de la jurisprudence de la cour
de révision, transposée dans la loi, que s’il y a un doute, il doit profiter
aussi au condamné ; il faut réviser.

Un doute :

Même si la Cour européenne des droits de l’homme retient la


notion de « doute raisonnable » (cf. par exemple CEDH, 17 janv.
2012, Fidanci c. Turquie, n° 17730/07), il n’apparaît pas possible
d’affecter une échelle de valeur au doute, conformément
d’ailleurs à l’article 623 tel qu’issu de la loi du 23 juin 1989.

D’ailleurs, quand le code de procédure pénale se réfère au doute,


il ne le qualifie pas comme dans l’article 304 qui définit la formule
de prestation de serment des jurés dont l’intime conviction est en
réalité une certitude.

Cela met évidemment à mal, en ce qui concerne les


condamnations criminelles, l’infaillibilité du jury populaire, en ces
temps où la motivation des arrêts rendus par les cours d’assises a fait
son entrée dans le code de procédure pénale. Le rapport annuel de
la Cour de cassation s’en fait systématiquement l’écho comme de la
nécessaire conservation des scellés.

5 Cass. crim., 15 juillet 1899, S. 1901, 1, 541 ; 9 février 1934, Bull. crim., n° 31 ; 27
février1957, Bull. crim., n° 206 ; 24 février 1982, Bull. crim., n° 56 ; 29 mars 1984, Bull.
crim., n° 133.
6 Cass. crim., 14 mai 1927, Bull. crim., n° 114 ; 9 novembre 1955, Bull. crim., n° 474.
Cf. : Révision et réexamen : les condamnations pénales sont de moins en moins
définitives - Marie-Hélène RENAUT - Petites affiches, 18 mars 2003, n° 55, p.6.
La révision des décisions pénales définitives

La motivation des arrêts des cours d’assises :

Aux termes de l’article 365-1 du code de procédure pénale (loi


n°2011-939 du 10 août 2011), « Le président ou l’un des magistrats
assesseurs par lui désigné rédige la motivation de l’arrêt.

En cas de condamnation, la motivation consiste dans l’énoncé


des principaux éléments à charge qui, pour chacun des faits
reprochés à l’accusé, ont convaincu la cour d’assises. Ces éléments
sont ceux qui ont été exposés au cours des délibérations menées
par la cour et le jury en application de l’article 356, préalablement
aux votes sur les questions.

La motivation figure sur un document annexé à la feuille des


questions appelé feuille de motivation, qui est signée conformément
à l’article 364.

Lorsqu’en raison de la particulière complexité de l’affaire, liée au


nombre des accusés ou des crimes qui leur sont reprochés, il n’est
pas possible de rédiger immédiatement la feuille de motivation,
celle-ci doit alors être rédigée, versée au dossier et déposée au
greffe de la cour d’assises au plus tard dans un délai de trois jours à
compter du prononcé de la décision ».

Cette motivation qui paraît peu compatible avec l’intime


conviction, ne peut être qu’imparfaite en raison de la présence des
jurés et du secret du vote. Par ailleurs, la procédure orale devant la
cour d’assises est peu propice aux futurs travaux des instances de
révision, ce qui implique de réfléchir à une reproduction des débats
soit par le greffier, soit par un sténographe, soit de préférence
par l’enregistrement systématique (actuellement facultatif),
tout au moins à la demande des parties, des débats, ce que les
techniques modernes permettent de réaliser à moindres frais par
le biais de fichiers informatiques. L’attention doit tout spécialement
être appelée sur l’article 379 du code de procédure pénale qui
prévoit qu’il n’est fait mention au procès-verbal, ni des réponses des
accusés, ni du contenu des dépositions, sauf décision du président
ou demande du ministère public ou des parties (cf. Crim. 23 octobre
2013, pourvoi n° T 12-87.786).

Enfin le délai de trois jours prévu par le dernier alinéa de l’article


365-1 est beaucoup trop court et doit nécessairement être allongé
pour permettre une motivation sérieuse.

Cette motivation est annexée à la feuille de questions. Il doit


être rappelé qu’aux termes de l’article 349 du code de procédure
pénale, « une question est posée sur chaque fait spécifié dans le
dispositif de la décision de mise en accusation » et que « chaque
circonstance aggravante fait l’objet d’une question distincte ». Il en
résulte que l’on pourrait penser que ces questions préalablement
rédigées ne tiennent pas compte des débats, d’où l’importance,
ainsi que cela est évoqué dans le focus suivant, des questions
supplémentaires, le tout devant être adapté à la complexité de
l’affaire, ce qui exige des questions précises et individualisées (cf.
CEDH, Agnelet c. France, Req. n° 61198/08, § 62).

Études & Analyses Juillet 2014 – Page 13


Études & Analyses

La motivation des arrêts des cours d’assises (suite) :

Le 10 janvier 2013, la Cour européenne des droits de l’homme


a rendu cinq arrêts dont trois de condamnation de la France
(Agnelet c. France, Req. n° 61198/08 - Fraumens c. France, Req. n°
30010/10 - Oulahcene c. France, Req. n° 44446/10).

Dans les deux autres (Legillon c. France, Req. n° 53406/10 - Voica


c. France, Req. n° 60995/09) la Cour a admis que des questions
détaillées et précises peuvent faire office de motivation. Dans
l’arrêt Legillon c. France, elle a observé qu’une série de « douze
questions, composant un ensemble précis et exempt d’ambiguïté
sur ce qui était reproché au requérant, ont été posées » (§ 64). Ainsi,
ces « questions individualisées, en particulier sur les circonstances
aggravantes, ont permis au jury de déterminer individuellement et
avec précision la responsabilité pénale du requérant (§ 66).

L’affaire Voica avait donné lieu à un arrêt de la chambre


criminelle rendu en formation plénière le 14 octobre 2009 (publié
au bulletin sous le n° 170) qui avait notamment souligné « que sont
reprises dans l’arrêt de condamnation les réponses qu’en leur
intime conviction, magistrats et jurés composant la cour d’assises
d’appel, statuant dans la continuité des débats, à vote secret
et à la majorité qualifiée des deux tiers, ont donné aux questions
sur la culpabilité, les unes, principales, posées conformément au
dispositif de la décision de renvoi, les autres, subsidiaires, soumises
à la discussion des parties ». Pour le surplus la Cour européenne
s’est référée à la procédure française au vu de l’examen conjugué
de l’acte d’accusation et des questions posées au jury ; elle a
estimé que la requérante ne pouvait prétendre ignorer la raison
pour laquelle sa peine, prononcée en fonction des responsabilités
respectives de chacun des coaccusés, a pu être successivement
inférieure (en 1ère instance) et supérieure (en appel) à celle de
son coaccusé.

C’est à ce prix que la Cour européenne admet que « la non-


motivation du verdict d’un jury populaire n’emporte pas en soi
violation du droit de l’accusé à un procès équitable » (cf. CEDH,
Taxquet c. Belgique, 16 novembre 2010, Req. n° 926/05, § 93).

Dans ces deux affaires, la Cour européenne s’est félicitée de la


réforme introduite par la loi du 10 août 2011.

Pour mémoire et pour être complet, une loi du 10 mars 2010 a


légèrement modifié la procédure de révision en ce qu’elle a prévu les
obligations auxquelles peut être soumise la personne dont la peine
est suspendue (article 624 du code de procédure pénale).

On a coutume de dire que pour qu’une révision soit possible, il faut


qu’il y ait un fait nouveau.

C’est oublier qu’aux termes de l’article 622 - 4° du code de procédure


pénale, il convient de rechercher si « un fait nouveau ou un élément
inconnu de la juridiction au jour du procès, de nature à faire naître un doute
sur la culpabilité du condamné » est apparu postérieurement à celui-ci.

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La révision des décisions pénales définitives

Jusqu’à la loi du 23 juin 1989, l’article 622 - 4° du code de procédure


pénale (ancien article 443 - 4° du code d’instruction criminelle) visait
« un fait [qui] viendra à se produire ou à se révéler, ou lorsque des
pièces inconnues lors des débats seront représentées, de nature à
établir l’innocence du condamné ».

Cette loi trouve son origine dans une proposition de loi qui s’est
contentée de reprendre le texte proposé en 1983 par le Garde des
sceaux, ministre de la Justice, dans un projet de loi qui n’a pas abouti
car il était également et essentiellement consacré à la création de
« véritables juridictions de l’application des peines ». Tant l’exposé des
motifs de ce projet de loi que celui de la proposition de loi et les
rapports et débats parlementaires qui ont suivi, n’apportent aucune
indication concernant ces modifications de terminologie. Il en va de
même des différents articles de doctrine consécutifs à la loi de 1989
qui ne retiennent que le remplacement de la notion « d’innocence »
par celle de « doute sur la culpabilité », la judiciarisation complète de
la procédure de révision et la réparation des dommages subis par la
personne condamnée à tort.

Si le mot « fait » a été conservé, le mot « élément » est apparu ;


il ne saurait avoir la même signification que le mot « pièces »
qu’il a remplacé. Si le législateur l’a employé, cela ne peut être
que dans un but bien particulier, à savoir sa volonté d’élargir les
possibilités d’admission des demandes de révision, ce sur quoi tout
le monde s’accorde, rapporteurs de la loi dans les deux assemblées
parlementaires et commentateurs, consacrant ainsi l’interprétation
du « fait [qui] viendra à se produire ou à se révéler » par la cour de
révision, qui de l’avis de tous, était très extensive.

Sauf erreur, la Cour de cassation, à travers la commission et la


cour de révision, et la doctrine ne se sont pas prononcées sur cette
difficulté et donc sur la différence qu’il peut y avoir entre un « fait » et
un « élément ».

Un fait est quantifiable, mesurable, précis. Il se constate et


s’appréhende objectivement. Un élément induit une notion plus
large et subjective, moins précise, une partie d’un ensemble. C’est
pourquoi, en visant un élément, le législateur a incontestablement
voulu étendre le champ de la révision, faire en sorte que s’il y a un
doute, même sur un simple élément, il y ait révision, l’appréciation du
doute étant elle-même éminemment subjective.

S’agissant du fait, il faut qu’il soit nouveau et le mot « nouveau » se


substitue à l’expression antérieurement utilisée, à savoir « [qui] viendra
à se produire ou à se révéler ». En conséquence, dans l’ancien texte,
le fait pouvait donc être antérieur à la décision de condamnation
mais s’être révélé postérieurement à celle-ci. Il en résulte que
désormais le fait « nouveau » doit nécessairement être postérieur à
ladite condamnation.

C’est différent de l’élément qui doit avoir été « inconnu de


la juridiction au jour du procès », ce qui signifie qu’il peut ne pas
être seulement nouveau mais avoir été « révélé », pour reprendre
l’ancienne terminologie concernant le fait, postérieurement à la
condamnation.

Études & Analyses Juillet 2014 – Page 15


Études & Analyses

Il s’en déduit que l’élément, moins précis et contraignant que le


fait, peut à la différence de celui-ci n’être pas seulement nouveau.
Il peut l’être mais aussi avoir seulement été révélé postérieurement.

En d’autres termes, l’élément a pris la place du fait.

La référence n’est plus le fait nouveau mais l’élément inconnu,


ce qui devrait donc assouplir considérablement les conditions
d’admission de la révision.

Un fait qui n’est pas nouveau ou inconnu peut se “révéler“


ultérieurement, notamment à l’occasion d’une procédure de révision.

On peut citer des exemples issus d’une affaire récemment soumise


à la cour de révision :

La circonstance que l’ordonnance ou l’arrêt de mise en


accusation devant la cour d’assises contienne des contre-vérités
n’est pas nouvelle mais peut avoir, pour une raison ou une autre, y
compris une défaillance de la défense, été négligée. Il en va ainsi par
exemple quand l’arrêt de mise en accusation devant la cour d’assises
rapporte que l’auteur a reconnu quatre meurtres alors qu’en réalité,
il n’en a reconnu qu’un seul… C’est à l’occasion de la procédure de
révision que ce fait s’est révélé.

L’intéressé peut avoir reconnu ce meurtre au cours de sa garde à


vue, alors que les règles de celle-ci ont évolué vers une plus grande
protection des libertés individuelles (droit de garder le silence et de
ne pas s’auto-incriminer, assistance d’un avocat…), de telle sorte
que la nullité des procès-verbaux ainsi rédigés pourrait désormais être
prononcée. Il en va ainsi lorsque l’intéressé a fini par avouer l’un des
quatre meurtres à la 48e heure de sa garde à vue.

En conséquence, l’article 622-4° du code de procédure pénale


devrait être interprété et de préférence modifié de façon à pouvoir
retenir, même s’ils ne sont pas respectivement nouveaux ou inconnus,
des faits ou des éléments révélés postérieurement au caractère
définitif de la condamnation et permettre ainsi de réviser lorsqu’il
apparaît qu’une personne a été condamnée sur une base fragile.

Cette « révélation » paraît préférable à la notion « d’éléments


non débattus » devant les juridictions de jugement comme certains
ont pu le proposer. En effet, il faut exclure devant les instances de
révision le « mal jugé » qui est et doit impérativement rester du seul
domaine des voies de recours ordinaires.

On pourrait utilement se référer aux dispositions de l’article 84


du Statut de Rome de la Cour pénale internationale qui se réfère,
s’agissant de la révision d’une décision sur la culpabilité ou la peine,
à « un fait nouveau… qui s’il avait été établi lors du procès, aurait
vraisemblablement entraîné un verdict différent » pour retenir la
formule suivante : « un élément qui vient à se révéler et qui, s’il avait
été pris en considération lors du procès, aurait vraisemblablement
entraîné un verdict différent ».

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La révision des décisions pénales définitives

2. La procédure proprement dite


Aux termes de l’article 623 du code de procédure pénale, la
requête en révision est adressée à une commission qui, le cas échéant,
saisit la « chambre criminelle qui statue comme cour de révision ».

2.1. La commission de révision des condamnations pénales

Elle est composée de cinq magistrats de la Cour de cassation,


désignés par l’assemblée générale de cette juridiction et dont
l’un, choisi parmi les membres de la chambre criminelle, en assure
la présidence. Cinq magistrats suppléants sont désignés selon les
mêmes formes. Les fonctions du ministère public sont exercées par le
parquet général de la Cour de cassation (article 623, alinéa 2).

Elle est mal nommée et devrait s’appeler la commission d’instruction


des demandes en révision des condamnations pénales. L’article
623 devrait être modifié en ce sens qu’elle ne saisirait plus la cour
de révision « des demandes qui lui paraissent pouvoir être admises »,
cette formulation étant source de confusion, mais des demandes qui
lui paraissent devoir être « examinées », le mot « admises » évoquant un
jugement de valeur sur le mérite de la requête en révision. Par contre,
la nécessité de séparer les fonctions d’instruction et de jugement
impose son maintien. Ce principe résulte de la jurisprudence même
assouplie relative à l’exigence d’impartialité de la Cour européenne
des droits de l’homme mais aussi de sa valeur constitutionnelle
affirmée par le Conseil constitutionnel à propos de la présidence du
tribunal pour enfants (cf. Décision n° 2011-147 QPC du 8 juillet 2011).

On peut aussi se demander s’il doit être fait appel à des conseillers
ou conseillers référendaires affectés dans les chambres civiles alors
que les conceptions en matière d’autorité de la chose jugée sont,
ainsi qu’il a été expliqué ci-dessus, différentes.

Par ailleurs, si la commission peut procéder, directement ou par


commission rogatoire, à toutes recherches, auditions, confrontations
et vérifications utiles et recueillir les observations écrites ou orales
du requérant ou de son avocat ainsi que celles du ministère public
(article 623, alinéa 3), rien n’est prévu au cas où une personne
reconnaît devant elle avoir commis les faits qui font l’objet de la
révision ou être complice ou coauteur. Elle doit alors interrompre ses
investigations. Une procédure plus adaptée, inspirée de celle utilisée
par les juridictions d’instruction, devrait être définie.

Dans un dossier très récent, au terme d’investigations déterminantes,


elle a de façon tout à fait prétorienne, saisi un procureur général
de faits nouveaux ou d’éléments inconnus. Celui-ci a transmis des
instructions écrites au procureur de la République compétent pour lui
demander d’ouvrir une information.

Enfin, il conviendrait de prévoir, à l’instar ce qui est prévu devant la


cour de révision, que la partie civile puisse présenter des observations
avant la clôture des travaux de la commission.

De même, il serait expédient de créer une procédure de

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Études & Analyses

recours concernant les décisions en matière de détention prises en


application de l’article 624 du code de procédure pénale au profit,
selon le sens de celle-ci, du demandeur en révision ou du parquet
général. Ce recours pourrait être soumis à une formation spécifique
de la chambre criminelle composée de trois magistrats qui seraient
désignés par exemple au début de chaque année.

2.2. La cour de révision des condamnations pénales

Comme il vient d’être écrit, la chambre criminelle quand elle est


saisie par la commission, statue comme cour de révision.

Rien n’est prévu pour fixer la composition de la chambre criminelle.

On pourrait logiquement penser qu’il s’agit de sa formation plénière


mais dans la pratique, il s’agit le plus souvent d’une émanation de
celle-ci dont la composition n’est fixée par aucune règle objective ;
elle dépend en conséquence de la conscience, certes au-dessus de
tout soupçon, de son président, ce qui paraît néanmoins fragile au
regard des exigences de la Convention européenne des droits de
l’homme.

Dans l’affaire Leprince, la cour de révision était ainsi


composée outre du président de la chambre criminelle, des quatre
doyens des sections, de deux conseillers par section et d’un conseiller
référendaire par section, soit de dix-sept magistrats.

La Cour européenne des droits de l’homme a jugé que le « droit


à un tribunal » comprend d’une part, le droit à ce qu’un tribunal
connaisse de toute contestation relative aux droits et obligations
du justiciable, et d’autre part, « des garanties prescrites par l’article
6§1 quant à l’organisation et à la composition du tribunal et quant
au déroulement de l’instance » (CEDH, Golder c/ Royaume-Uni, 21
février 1975, req. n°4451/70). Selon elle, il résulte de ce principe qu’
« un organe n’ayant pas été établi conformément à la volonté du
législateur serait nécessairement dépourvu de la légitimité requise
dans une société démocratique pour entendre la cause des
particuliers » (CEDH, Lavents c/ Lettonie, 28 novembre 2002, req.
n°18390/91).

En conséquence, l’alternative pourrait être la suivante :

• ou la cour de révision serait la formation plénière de la


chambre criminelle, hormis évidemment les magistrats
siégeant à la commission de révision ainsi que ceux ayant
eu à connaître d’un recours relatif à la détention, ou d’un
certain nombre de magistrats par sections désignés en
début d’année, outre les doyens de ces sections ;

• ou la cour de révision pourrait être composée selon les


mêmes principes que les formations désignées pour statuer
en matière de réexamen après condamnation de la France
par la Cour européenne des droits de l’homme. Les deux
procédures étant de nature différente ne sauraient toutefois
être réunies, celle de réexamen impliquant nécessairement

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La révision des décisions pénales définitives

et uniquement une méconnaissance des garanties résultant


de l’application de la Convention européenne des droits de
l’homme.

Il y aurait alors lieu de s’inspirer des dispositions du code de


procédure pénale relatives à cette procédure ainsi rédigées :

Article 626-3 : « La demande en réexamen est adressée à


une commission composée de sept magistrats de la Cour
de cassation, désignés par l’assemblée générale de cette
juridiction ; chacune des chambres est représentée par un de
ses membres, à l’exception de la chambre criminelle qui est
représentée par deux magistrats, l’un d’entre eux assurant la
présidence de la commission. Sept magistrats suppléants sont
désignés dans les mêmes conditions. Les fonctions du ministère
public sont exercées par le parquet général de la Cour de
cassation ».

Il conviendrait de prendre parti sur la présence en son sein de


magistrats issus des chambres civiles. Dans l’affirmative, on pourrait
imaginer que pourraient siéger à la cour de révision, après désignation
par l’assemblée générale, deux conseillers par chambre, soit douze
conseillers, la présidence étant assurée par le président de la chambre
criminelle, ce qui aurait pour conséquence de permettre à celle-ci,
intéressée au premier chef par les affaires pénales, d’être représentée
par trois magistrats (au lieu de deux pour les autres chambres).

Enfin, bien que la situation des greffes des juridictions nécessite


la restitution ou la destruction des pièces à conviction, l’attention
des parquets devrait être fermement appelée sur la nécessité de
procéder à ces opérations avec plus de discernement.

Très souvent, dans son rapport annuel, la Cour de cassation appelle


l’attention de la chancellerie sur cette problématique en ces termes :

« La troisième suggestion porte sur la durée de conservation des


scellés.

Les articles 21 à 24 de la loi du 23 juin 1999 ont apporté des


modifications substantielles au régime de conservation des
objets placés sous main de justice, notamment, quant à la
durée de cette conservation.

L’article 41-4 du code de procédure pénale prévoit, dans son


dernier alinéa, que si la restitution n’a pas été demandée ou
décidée dans le délai de six mois à compter de la décision de
classement ou de la décision par laquelle la dernière juridiction
a épuisé sa compétence, les objets non restitués deviennent
propriété de l’État. Le délai, qui était de trois ans jusqu’à
cette réforme, a été considérablement raccourci, et ce, dans
le but, d’évacuer des greffes les nombreux scellés qui y sont
entreposés.

Toutefois, cette mesure n’est pas sans présenter de très graves


inconvénients à l’égard de la procédure de révision des
condamnations pénales. En effet, l’instruction des demandes
de révision peut nécessiter l’examen des objets ou documents

Études & Analyses Juillet 2014 – Page 19


Études & Analyses

placés sous scellés, notamment aux fins d’expertises, de


recherche d’ADN, de comparaison balistique, etc. La
destruction rapide de ces scellés risque de faire obstacle, de
façon irrémédiable, à de telles investigations dont la nécessité
a été avérée dans des affaires récentes telles :

• l’affaire SEZNEC qui a donné lieu à de nouvelles expertises


des documents saisis, qui constituaient la base de
l’accusation ;

• l’affaire DILLS, dans laquelle, en revanche la destruction


des scellés a entravé l’instruction de la requête ;

• l’affaire RADDAD, dans laquelle les portes placées sous


scellés auraient pu être détruites ;

• l’affaire LEPRINCE, dans laquelle tous les scellés, sauf un,


transmis aux laboratoires, ont été détruits.

Ainsi des requêtes ne pourront être instruites complètement en


raison de la disparition des pièces à conviction.

S’il est, à l’évidence, nécessaire de statuer sur la restitution


du maximum des objets placés sous scellés, il apparaît que le
raccourcissement du délai, qui a pour but de désencombrer les
greffes, présente de sérieux inconvénients :

• d’une part, il incite encore moins les juridictions et les


parquets à restituer, ce au préjudice des personnes
concernées par les saisies ;

• d’autre part, il entrave l’action de la justice, en cas


de demande de révision, et également, en cas de
réouverture d’une information pour charges nouvelles,
de réexamen d’une décision pénale définitive (articles
626-1 et suivants), dans tous les cas où une affaire peut
être rejugée.

Aussi, il apparaît souhaitable qu’une disposition législative


permette, en matière criminelle, au condamné de demander au
ministère public la conservation des scellés. En cas d’opposition
de ce dernier, la question serait tranchée par la chambre de
l’instruction.

Le directeur des affaires criminelles a indiqué que l’adoption


de cette proposition, à laquelle il se montre favorable, pourrait
trouver sa place dans un futur projet de réforme de la procédure
pénale ».

Force est de constater que cette situation n’a pourtant pas évolué.

Il conviendrait d’imposer la conservation des scellés suffisamment


longtemps pour permettre leur utilisation en cas de procédure
ultérieure de révision. La durée de ce délai n’est pas facile à
déterminer.

Dans l’affaire Leprince, les faits ont été commis en septembre

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La révision des décisions pénales définitives

1994, le pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’assises a été


rejeté le 17 mars 1999, les scellés ont été détruits en juillet 2001 et la
demande en révision a été introduite le 31 octobre 2005.

Un délai de cinq ans comme cela a pu être proposé est donc


insuffisant, à moins d’être renouvelé régulièrement, par exemple tous
les cinq ans selon une procédure contradictoire entre le parquet et le
condamné, voire la partie civile, notamment quand les faits ont été
niés.

Il est à noter que s’agissant des scellés relatifs aux traces et


échantillons biologiques, le délai de conservation est de vingt cinq
ou quarante ans selon les cas (articles R53-10, R53-14 et R53-20 du
code de procédure pénale).

Études & Analyses Juillet 2014 – Page 21


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N°5 Le crime incestueux : Une spécificité à identifier et à reconnaître


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N°6 Proposition de réforme de l’expertise psychiatrique et de l’expertise psychologique


judiciaires
par Jean-Pierre Bouchard, psychologue et criminologue

N°7 L’inexécution des peines de prison : Pourquoi tant de peines inexécutées ?


Quelles solutions ?
par Xavier Bebin, criminologue, délégué général de l’Institut pour la Justice

N°8 Le coût du crime et de la délinquance


par Jacques Bichot, économiste, professeur émérite de l’Université Lyon III Jean Moulin

N°10 Le droit d’appel de la victime en matière pénale


Rapport du groupe de réflexion institué par l’Institut pour la Justice

N°11 Maladie mentale, troubles de la personnalité et dangerosité


par Xavier Bebin, criminologue, délégué général de l’Institut pour la Justice

N°12 Evaluation et prise en charge des délinquants et criminels sexuels


par le Dr Alexandre Baratta, psychiatre, expert auprès de la cour d’appel de Metz

N°13 Plaidoyer pour la participation de la victime dans la procédure d’application des peines
par Stéphane Maitre, avocat au barreau de Paris

N°14 Prise en charge des patients psychiatriques dangereux


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N°15 L’exigence du droit d’appel de la partie civile en cas d’acquittement ou de relaxe


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N°16 Le coût du crime et de la délinquance (actualisé)


par Jacques Bichot, économiste, professeur émérite de l’Université Lyon III Jean Moulin

N°17 L’action pénale de la victime


 ar Philippe Bonfils, Agrégé des Facultés de droit, Professeur de l’Université Paul Cézanne
p
Aix-Marseille III, Avocat au barreau de Marseille

N°18 Exécution des peines et morts violentes :les leçons de la criminologie comparée
par Maurice Cusson, criminologue, est professeur à l’Université de Montréal

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