Etat Des Ressources Génétiques de La Population Locale Du Poulet en Tunisie

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 6

TROPICULTURA, 2003, 21, 4, 167-172

Etat des ressources génétiques de la population locale


du poulet en Tunisie
A. Bessadok1*, Imen Khochlef2 & M. El Gazzah2

Keywords: Farmer- Laying- Genetic resources- Polymorphism

Résumé Summary
Dans ce travail, nous avons essayé de donner un Genetic Resources of the Local Chickens in
aperçu historique sur l’origine du poulet depuis Tunisia
l’époque carthaginoise jusqu’à la nôtre et d’étudier la
The opportunity to develop rural livestock and poultry
structure, les performances et la diversité génétique
genetic resources in Tunisia has been discussed by
de la population locale du poulet en Tunisie.
giving historical rural poultry origins and structures
Les phénotypes des poulets observés dans les régions through trials and sample surveys on their perfor-
de l’Ariana et de Bizerte au nord-est de la Tunisie se mances and polymorphism.
caractérisent par leur grande richesse. Les perfor-
The poultry phenotypes observed in the north-east
mances zootechniques des troupeaux locaux exami-
rural area of Tunisia (i.e. Ariana and Bizerte) are
nés dans le cadre de ce travail ont révélé que la pro-
various and their performances were low and vary a
duction annuelle d’œufs par poule locale est de 127
lot. Local rural hen can produce an average of 127
unités et que les coqs locaux atteignent un poids de
eggs per year and its weight reaches 1.206 kg at age
1,620 kg à l’âge de 18 semaines, alors que, à ce même
18 weeks. While the cocks have a body weight of
âge, les poules locales atteignent un poids de 1,206 kg.
1.620 kg at the same age.
La population locale du poulet en Tunisie arrive à gar-
der, malgré l’érosion génétique qu’elle a subit, une Despite the genetic erosion which they have endured
variabilité suffisamment importante lui permettant non over the centuries, the local chicken populations in
seulement de garantir un niveau minimum de produc- Tunisia succeeded in preserving a sufficiently signifi-
tion d’œufs et de viande d’une qualité très recherchée cant variability; this allows them to guaranty not only a
par les consommateurs, mais aussi de sauvegarder minimum egg production level and a first choice qua-
une réserve de gènes différents (coloration, forme, rus- lity meet, but also to preserve a unique gene reserves
ticité et autres) d’une valeur très précieuse. of various types and characteristics (i.e. colour, form,
rusticity, etc.).
Nous estimons qu’il est encore possible d’entre-
prendre un programme de conservation des res- The wealth of the genetic resources of the poultry rural
sources génétiques de la population locale de poulet population in Tunisia, well identified in this work, makes
en Tunisie dans un contexte de développement us believe that a gene conservation program is highly
durable du secteur avicole traditionnel. recommended to promote Tunisian rural poultry.

Introduction
Les produits avicoles constituent une ressource de L’aviculture traditionnelle, avec son mode extensif et
protéines facilement renouvelables acceptée dans le sa conduite rudimentaire, est répandue dans toutes les
monde entier. C’est la nourriture mondiale par excel- régions rurales. C’est une évidence chez toutes les
lence qui ne fait l’objet d’aucun interdit culturel ou reli- familles rurales qui sans aucun investissement
gieux à travers les siècles. notable, arrivent à satisfaire leurs besoins en produits
avicoles et dégagent parfois des bénéfices respec-
Devant la demande croissante de ces produits, la tueux (15). Ce mode d’élevage est essentiellement
sélection et l’amélioration génétiques des poulets se pratiqué par les femmes rurales qui s’occupent de
sont orientées dans un seul sens, celui de l’améliora- leurs poules comme une tâche principale parmi leurs
tion des performances de production d’œufs et de tâches quotidiennes de ménage. Il constitue un revenu
viande. Ceci est à l’origine de la création du secteur non négligeable pour celles qui ont su le gérer conve-
avicole industriel qui a évolué au dépend du secteur nablement en lui consacrant un moindre savoir-faire
fermier ou traditionnel (13). qu’elles ont acquis de génération en génération (11).

1*C.F.P.A.E.B. 2020 Sidi Thabet Tunisie, tél./Fax: ++ 216 71 55 24 34, GSM: ++ 216 98 66 54 35, E-Mail: [email protected]
b Laboratoire de génétique de la Faculté des Sciences de Tunis, Tunisie, Tél ++ 216 71 87 26 00 / ++ 216 71 87 22 00.
Reçu le 10.01.03. et accepté pour publication le 02.06.03.

167
TROPICULTURA

En Tunisie, l’approvisionnement du pays en produits Les marchands sumériens ont importé les volailles de
avicoles était assuré jusqu’au début des années 1960 la vallée de l’Indus, leur territoire d’origine, vers le
uniquement par l’aviculture traditionnelle (4). Son golfe Persique et le golfe d’Oman. Par la suite, les
importance s’est vue par la suite diminuer d’année en Phéniciens ont dispersé la poule dans le bassin médi-
année, cédant la place au secteur industriel qui s’est terranéen et les Carthaginois prirent le relais pour
développé considérablement et rapidement. Cette commercialiser les volailles en Italie, en Espagne, au
expansion était à la base d’une destruction assez Portugal, puis au-delà des colonnes d’Hercule
sévère de ressources génétiques des poulets locaux. (Gibraltar) jusqu’en Grande-Bretagne (Pays de Galles
Ces derniers, en absence de programme de sauve- et Angleterre) (9).
garde ni de collection, ont dû affronter la concurrence
des souches industrielles importées des Etats-Unis Depuis la civilisation carthaginoise, le poulet s’élevait
d’Amérique et de l’Europe. En effet, ces souches hau- en Tunisie comme source d’alimentation humaine
tement performantes ont envahi tous les marchés et facilement renouvelable et constituait une tradition
se sont infiltrées dans les élevages ruraux pour parti- très lointaine dans les mœurs alimentaires soit dans la
ciper à une érosion génétique d’un ensemble de vie quotidienne, soit dans les fêtes familiales et reli-
caractères qui n’était même pas recensé. gieuses (2).
Malgré la part non négligeable dans la fourniture des
produits avicoles, environ 10% de viande de volaille et
20% d’œufs de consommation (9), peu d’informations Matériel et méthodes
sont disponibles sur l’aviculture traditionnelle. Le
mode d’élevage extensif et l’importance de l’autocon- 1. Matériel animal
sommation rendent ce secteur difficile à cerner. En
effet, aucune action n’a été entreprise pour promou- L’étude a concerné, d’une part, l’enquête sur le poly-
voir le secteur traditionnel de poulet local. morphisme et le mode d’exploitation des poulets
locaux chez des familles rurales des délégations de
L’engouement pour la consommation des produits avi- Kalaât l’Andalous et de Ghar-El Melh, respectivement
coles fermiers risque de faire augmenter les effectifs de des gouvernorats de l’Ariana et de Bizerte, et d’autre
la population locale d’une manière considérable échap- part, l’élevage en claustration complète et le suivi indi-
pant à tout genre de prévisions ou de statistiques. Ces viduel d’un lot de poulets locaux aux poulaillers du
derniers, (Tableau 1) étaient estimés à 4 millions de Centre de Formation Professionnelle Agricole dans le
sujets auto-renouvelables produisant 6.000 tonnes de Secteur Avicole de Sidi Thabet du gouvernorat de
viande et 216 millions d’œufs par an (4, 5). l’Ariana, situé à 24 km de Tunis (Figure 1).

Tableau 1
Importance du secteur traditionnel dans l’évolution des effectifs et des produits du secteur avicole en Tunisie
au cours des 7ième 8ième et 9ième plans
7ième Plan 8ième Plan 9ième Plan
1987-1991 1992-1996 1997-2001*
Effectifs Secteur traditionnel Pondeuses 3926 3527 3410
(en 1000 unités) Poulets de chair – 1900 1690
Secteur industriel Pondeuses 3870 4350 5181
Poulets de chair 30686 35573 48000
Produits Secteur traditionnel œufs 216 216 216
avicoles Viandes 6 6 6
(œufs en million Secteur industriel œufs 999 1065 1245
d’unités et viande Viandes 63 88 101
en mille tonnes)
* Statistiques de l’année 1998

L’objectif de ce travail est de donner un aperçu histo- 2. Enquête en milieu rural


rique sur l’origine du poulet depuis l’époque carthagi- Cette étude a comporté une analyse des phénotypes
noise jusqu’à la nôtre et d’étudier la structure, les per- des poulets rencontrés chez 30 familles rurales éle-
formances et la diversité génétique de la population vant 1559 poulets locaux dans les délégations de
locale du poulet en Tunisie. Kalaât l’Andalous et de Ghar-El Melh. Pour chaque
éleveur visité, nous avons noté la localisation de son
Origines du poulet en Tunisie élevage, des données concernant la personne qui
s’en occupe, sa motivation et les caractéristiques du
La migration de l’espèce Gallus gallus de l’Asie, son mode d’exploitation des poulets locaux. Nous avons
territoire d’origine, vers les pays du bassin méditerra- aussi décrit les phénotypes des poulets élevés chez
néen, s’est déroulé au VIiéme siècle avant J.C. (10). les familles enquêtées.

168
TROPICULTURA

Résultats et discussions
1. Mode d’exploitation des poulets locaux
Les abris utilisés, quoique traditionnel, arrivent à suf-
fire aux besoins des poulets en matière de densité et
d’environnement (1). Ces abris, ainsi que les parcours
qui leurs sont annexes, offrent aux poulets une liberté
d’occupation d’un territoire vaste leur permettant
d’évoluer en absence de captivité stressante. Les
poulets ainsi élevés, possèdent l’avantage d’exprimer
naturellement leurs comportements sans influences ni
pression d’un milieu artificiel. Ces parcours exposent
en revanche les poulets aux attaques des prédateurs
(renards et chiens errants…), qui dans certains cas
représentent des fléaux s’opposant à l’élevage tradi-
tionnel dans sa forme la plus libre.
Le poulet est un animal qui arrive à régler systémati-
quement ses besoins alimentaires en fonction de la
nourriture disponible. En effet, il cherche sa nourriture
dans son milieu en s’alimentant principalement par
des vers de terre, des mollusques, des insectes, des
Figure 1: Carte montrant les délégations de Sidi Thabet, de Kalaât
Landalous et de Ghar ElMelh dans le nord-est de la Tunisie.
cailloux, des herbes et de divers déchets enfuis dans
le sol. Les éleveurs distribuent en plus, des céréales,
(grains ou déchets), des graines de légumineuses, du
3. Poulets locaux expérimentaux pain sec ou mouillé et de reliquat de cuisine.
Nous avons commencé notre travail par la collecte de Cependant, aucune alimentation vitaminique ou miné-
300 œufs à couver dans une population locale de pou- rale complémentaire n’est administrée. L’apport en
lets de la région d’Utique dans le gouvernorat de eau, se fait par de l’eau des puits occasionnellement
Bizerte au nord de la Tunisie. Nous les avons fait, par javellisée ou de l’eau potable.
la suite, incuber artificiellement pour faire éclore un lot Les soins sanitaires et hygiéniques ne sont pris au
de 141 poussins mâles et femelles. La détermination sérieux que lors des passages épidémiques des
du sexe de nos poussins locaux n’a pas été possible maladies virales comme celles de Newcastle, de
au jour de leur éclosion. Ces derniers ne présentaient bronchite infectieuse, de Gumboro et de Marek. La
aucun signe de différentiation sexuelle du fait qu’ils vaccination est très rare et ne se fait que sous forme
n’étaient pas dotés de gènes autosexables. Ce n’est de campagne occasionnelle. Les maladies parasi-
qu’à un âge avancé, à partir de la quatrième semaine, taires et autres, telle que la coccidiose, ne sont pas
lorsque le dimorphisme sexuel est devenu plus pro- pour autant traitées (1). La médication à base d’ail,
noncé, que nous avons procédé à leur identification d’huile d’olive et de quelques médicaments de la phar-
phénotypique et sexuelle. Après quoi, il s’est avéré que macie humaine, guérissent très rarement les infec-
sur les 141 poussins éclos, 48 seraient des coqs, alors tions bénignes. Ces élevages sont très mal protégés
que le reste, soit 93 poussins, seraient des poules. contre les attaques de tout genre d’agents patho-
A la fin de la période de démarrage, nous avons trans- gènes. Les éleveurs semblent compter énormément
féré, dans un poulailler de ponte en cages, les poules sur la rusticité de leurs poules.
locales ainsi qu’un échantillon de poules commer-
ciales sélectionnées pour la ponte, initialement
démarrées dans le même poulailler. Nous avons cal- 2. Polymorphisme des poulets locaux
culé pour chaque lot, depuis l’âge de 20 à 40 La poule commune, qui formait la quasi-totalité du
semaines, le taux hebdomadaire de ponte selon cheptel tunisien, ne présente plus de caractère d’ho-
l’équation suivante: mogénéité en raison de l’introduction de différentes
souches industrielles dans le pays (Tableau 2).
En effet, ces dernières envahissaient progressive-
ment les élevages fermiers et se mélangeaient par
croisements non contrôlés avec les souches locales.
Tels que: THPi: Taux hebdomadaire de ponte de la Ceci est aussi le cas des élevages fermiers de la
semaine i (i=1 , …, 73) majorité des pays de l’Asie du Moyen-Orient et de
l’Afrique qui ont subit le même sort (12, 13, 16).
PJj: Ponte journalière de la journée j
(j=1,..,7) de la semaine i Les phénotypes des poulets observés au cours de
notre enquête ainsi que ceux issus de notre élevage
EPPj: Effectif des poules présentes au se caractérisent par leur grande diversité. Ils offrent
jour j de la semaine i une variété de couleurs dont le hasard des croise-

169
TROPICULTURA

Tableau 2 Tableau 3

Souches industrielles importées en Tunisie Exemple de gènes à effets visibles recensés


dans les régions du nord de la Tunisie
1. Reproducteurs chair Effectif souche/effectif
national Effet sur Expression Gènes*
total chair ou ponte La vitesse d’emplumement rapide K+
1.1. Souches lourdes (donnant des poulets blancs) lent K
HYBRO 30,6% extrêmement lent Kn
ARBOR ACRES 8,5 % La longueur des plumes huppe Cr
LOHMAN 3,1 % barbe et favoris Mb
COBB 1,4 %
La structure des plumes frisé F
SHAVER STARBRO 12,3 %
soyeux h
1.2. Souches lourdes (donnant du poulet fermier)
La répartition des plumes cou nu Na
SASSO 0,4%
tarses emplumés Pti
1.3. Souches naines (donnant des poulets blancs) La forme de la crête rosacée R
VEDETTE 40,8 % rosacée hérissée R et He+
1.4. Souches naines (donnant des poulets roux) rosacée lisse R et heI
SHAVER REDBRO 2,9% en pois P
en noix R et P
2. Reproducteurs ponte double Dv
2.1. Souches produisant des œufs blancs La couleur des pattes pigment jaune w
BABCOCK B300 32 % et de la peau de l’épiderme
SHAVER 2.000 49 % pigment noir du derme id+
pattes noires MI et E
2.2. Souches produisant des œufs roux fibro-mélanose (nègre) Fm et id+
HISSEX ROUSSE 19 %
Le squelette polydactylie Po
Source GIPA (2000) normal Dw+
nain à pattes courtes dw
nain dwB
ments entremêle les différentes teintes des plumage. La couleur du plumage tout noir E
Les plumes de ces volailles étaient soit unicolores soit noir étendu ER
multicolores réalisant des schémas très irréguliers ou type perdrix eb
pouvant aussi former des dessins parfaitement régu- type sauvage e+
liers (plumage barré). La diversification des volailles a noir restreint ewh
porté également sur plusieurs autres caractères tels type sauvage co+
que la taille (normale ou naine), la nature de la crête restriction du noir Co
(simple, double, rosacée, en pois et en noix) et la noircit certaines zones MI
structure du plumage (lisse et frisé) (Tableau 3). de plumage
argenté S
doré s+
3. Engraissement et croissance pondérale albinisme imparfait sal
blanc récessif c
Le mode d’exploitation de cette population locale est inhibe le noir I
plutôt orienté vers la production d’œufs. L’engraisse- inhibe le doré ig
ment n’est pas pratiqué par les éleveurs traditionnels barrure liée au sexe B
du fait de l’exigence énorme des animaux d’engrais- plumage caillouté mopi
sement en alimentation équilibrée et à forte teneur dilution du noir en gris lav
énergétique et protéique. clair et du rouge en jaune

Les poulets à haut potentiel d’engraissement ne sont La coloration de l’œuf inhibe la coloration isp
pas représentés dans les populations locales. Ces de la coquille
derniers sont très rapidement consommés avant leur
* Nomenclature des gènes d’aprés BITGOOD, SOMES ., 1990 in (4).
reproduction. D’ailleurs, les poules lourdes sont de
très mauvaises productrices d’œufs et les coqs lourds
sont de très mauvais géniteurs justifiant ainsi la déci-
sion de leur réforme précoce. Ces résultats sont supérieurs à ceux trouvés par
Nwosu (14) qui a obtenu avec des poulets locaux éle-
Le troupeau de poulets locaux élevés au CFPASA de vés en milieu fermier un poids moyen de 355 g à 10
Sidi Thabet dans des conditions améliorées et nourris semaines d’âge. Nous estimons que l’alimentation
par une alimentation correcte, a enregistré à l’âge de équilibrée, consommée par les poulets locaux élevés
56 jours, des poids de 550 g pour les poules et 580 g au CFPASA de Sidi Thabet, leur a permis d’avoir des
pour les coqs (Tableau 4). performances meilleures que celles réalisées par les

170
TROPICULTURA

Tableau 4
Croissance pondérale des poulets locaux sexes séparés et différentiés par couleur d’emplumement
depuis leur 32ième au 126ième jour d’âge
Sexe Couleur Age en jours
32 42 49 56 63 70 77 84 91 98 105 112 119 126
Males Acajou (ebs+) 191 281 358 505 583 658 785 868 965 1055 1133 1170 1325 1403
Gris Barré (Sewhco+) 205 306 383 553 638 748 890 965 1103 1123 1240 1330 1509 1570
Rouge (e+s+) 222 328 420 580 610 770 890 729 1130 1220 1330 1410 1560 1620
Noir (E) 202 313 433 567 633 717 900 983 867 1117 1200 1300 1400 1617
Femelles Acajou (ebs+) 166 243 302 449 501 579 679 766 820 879 958 1003 1051 1096
Gris Barré (Sewhco+) 165 254 319 472 516 569 700 835 820 854 921 969 1054 1100
Rouge (e+s+) 201 296 378 517 550 644 750 833 889 872 933 1094 1150 1206
Noir (E) 195 289 339 500 550 617 728 811 844 911 967 975 1063 1119

poulets élevés en milieu rural. Ceci est en accord avec


la valeur élevée du coefficient d’héritabilité de ce
caractère (aptitude à l’engraissement) qui est de
l’ordre de 50% (18). Nous signalons aussi que l’apti-
Cumule nombre d’œufs
tude à l’engraissement de la population locale reste
tout de même très faible par rapport à celle des
Poids en grammes

Age en jours

Figure 3: Evolution du cumul du nombre d’œufs par poule d’un trou-


peau de poules locales comparée à celles des lots de
poules des souches légères et mi-lourdes élevées dans
les mêmes conditions.

Tableau 5
Variation du pourcentage de ponte en fonction du nombre
de poules locales des familles rurales enquêtées dans
Age en jours
les régions du Ghar-El-Melh et Kalaât-Landalous
Figure 2: Croissance pondérales des poulets locaux par comparai- du nord-est de la Tunisie (moyenne de la période
son à celles des reproducteurs commerciaux de souche allant du mois de février au mois du juin)
shaver.
Nombre de poules 9 10 10 11 14 15 15
souches sélectionnées qui réalisent un poids moyen Oeufs par semaine 26 32 32 35 43 46 41
de 2.500 g à un âge de 8 semaines (3) (Figure 2). Pourcentage
moyen de ponte 41% 45% 45% 45% 43% 43% 39%
4. Production d’œufs
Les performances de ponte sont, en l’occurrence, plus Cette production s’étale sur une période de 22 semai-
satisfaisantes que celles de l’engraissement. Les nes du fin de l’hiver au début de l’été (février-juin).
poules locales élevées au CFPASA de Sidi Thabet La production des œufs diminue pendant les périodes
n’ont pas dépassé, durant 45 semaines de production, estivales et automnales et ne commence à reprendre
un taux hebdomadaire de ponte de 40%. Sur cette parfaitement qu’à la fin de l’hiver. Sur cette période de
base, nous avons estimée leur production totale 30 semaines la production, que nous qualifions «pro-
annuelle à 127 œufs par poule locale et par cycle de duction contre saison», est estimée à un taux hebdo-
52 semaines de ponte (Figure 3). madaire de 30%.
Le suivi de la production d’œufs que nous avons effec- La production annuelle moyenne de ces troupeaux
tué chez les familles enquêtées dans les régions de peut atteindre alors 130 œufs par poule locale. Alors
Ghar-El-Melh et de Kalaât-Landalous a montré que la que les travaux de Benabdeljelil (7) à la région de
production moyenne, que nous qualifions «production Khenifra du Maroc ont montré qu’une poule locale
de saison», par poule et par semaine était de 3,03 œufs produit 78 œufs par an. Cette variabilité pourrait être
(Tableau 5), soit un taux hebdomadaire de 43,36%. expliqué par des différences dans le mode et la

171
TROPICULTURA

conduite de l’élevage et aussi par la variabilité géné- Nous estimons qu’il est encore possible d’entre-
tique des populations de poulets ruraux issus des dif- prendre un programme de conservation des res-
férents croisements comme expliqué dans les travaux sources génétiques de la population locale de poulet
de Singh (17). en Tunisie dans un contexte de développement
durable du secteur avicole traditionnel et ce par :
Les méthodes statistiques, appliquées depuis 1976
dans les estimations des effectifs des poules locales 1) La standardisation de l’élevage fermier du poulet
en Tunisie, semblent «fixer» le nombre d’œufs pondus local sous une forme d’appellation d’origine
à environ 55 œufs par poule locale et par an soit 4 mil- contrôlée tout en gardant son mode d’élevage
lions de poules locales produisant depuis très long- extensif avec amélioration de la qualité hygié-
temps 216 millions d’œufs (4). nique et organoleptique de ces productions.
2) Le recensement des caractères génétiques spéci-
Conclusion fiques des races de terroir de la population locale
de poulet.
Le polymorphisme des poulets locaux recensés par 3) Le maintien des collections de poulets à carac-
ce travail témoigne de l’originalité des ressources tères morphologiques différentiés dans un centre
génétiques de la population locale qui laisse supposer spécialisé et chez des collectionneurs. Ces col-
que la Tunisie n’était pas uniquement sur le chemin de lections constitueront une banque de gènes ser-
la migration de l’espèce Gallus de l’Asie son territoire vant à proposer des alternatives et des complé-
d’origine vers l’Europe, mais était aussi sa destination. ments aux méthodes de gestion et d’amélioration
Les performances de ponte des troupeaux locaux exa- génétique des poulets.
minées dans le cadre de ce travail ont révélé que la
production annuelle d’œufs par poule locale a passé de
55 unités en 1976 à 127 unités en l’an 2000. Ces nou- Remerciements
velles performances de ponte permettront de rectifier
les estimations de la contribution de la population locale Nos remerciements s’adressent aux familles enquê-
des poules pondeuses dans les produits avicoles. tées des délégations de Kalaât l’Andalous et Ghar-El
Melh pour leur hospitalité et l’esprit coopératif qu’il
Quant à l’aptitude à l’engraissement des poulets nous ont accordé durant notre travail. Nos remercie-
locaux étudiés, elle reste très faible. A l’âge de 126 ments s’adressent aussi à tout le personnel du
jours, les coqs atteignent un poids de 1,620 kg, alors CFPASA de Sidi Thabet pour leur disponibilité de
que les poules atteignent un poids de 1,206 kg. conduire dans leurs locaux notre partie expérimentale.

Références bibliographiques
1. Anonyme, 1993, Etude de la situation de l’élevage avicole fermier dans 11. Mary Ann P., 1993, Small livestock husbandry development: large-scale
les gouvernorats de Jendouba et de Médenine au nord et sud de la vs small scale. Proceeding of the refresher course on appropriate tech-
Tunisie. Rapport de visite du mois de juin 1993. CPRA de Sidi Thabet nology option for small livestock husbandry. IPC Barneveld College
1993. (Editor) Bangkok 1993. Pp. 22-24.
2. Anonyme, 1998, Tunisia crossroads of civilizations. Agence Nationale du 12. Moreki J.C., 1997, Small-scale poultry production systems in Serowe-
Patrimoine. Institut National d’Archéologie et d’Arts (Editeur). Facing Palapye Sub district (Botswana). Master of Applied Science in Agriculture
Cocks p. 248. de l’Université de Melbourne, en Australie.
3. Anonyme, 1999, Guide d’élevage des reproducteurs Starbro. Shaver (Editeur)
13. Mukherjee T.K., 1992, Usefulness of indigenous breeds and imported
4. Anonyme, 1999, Importance du secteur avicole en Tunisie. Edition GIPA 1999. stocks for poultry production in hot climates. Proceedings world’s poultry
congress. Amsterdam, The Netherlands. Pp. 31-37.
5. Anonyme, 2001, Le neuvième plan (1997-2001). Ministère de
l’Agriculture (Editeur). 14. Nwosu C.C., 1992, Genetics of local chickens and its implication for poul-
6. Bassirou B., 1997, Enhancing Rural Capacities through Livestock try breeding. Proceedings world’s poultry congress. Amsterdam, The
Development. Thèse de Doctorat de 3ème Cycle de biologie animale. Netherlands. Pp. 38-42.
Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Sénégal.
15. Reddy C.V., 1997, Support for rural poultry. Poultry International, March
7. Benabdeljelil K. & Arfaoui T., 2001, Characterization of Beldi chiken and 1997. Pp. 38-44.
turkeys in rural poultry flocks of Morrocco. Animal Genetic Resources
Information. No 31 pp 87-95. Rome, Italy FAO (2001). 16. Sarakby T., 1995, Some ideas to enhance poultry production in Yemen.
Poultry middle east & North Africa n° 123 July-August 1995. Pp. 10-13.
8. Bouzgaya H., 2000, Etude nationale de la diversité biologique de la
Tunisie (Monographie). Animaux domestique, Ministère de l’Environ- 17. Singh V.K., Mani M., Verma S.B., Mandal K.G. & Singh D.P., 2001,
nement et de l’aménagement du territoire- PNUE. Tome II. Pp. 174-175. Genetic effect on egg production in pure and crossed chickens. Indian
9. Coquerelle G., 2000, Les poules diversité génétique visible. Edition INRA Journal of Veterinary Research 10, 1, pp 28-33. Bareilly, India.
2000.
18. Steverink J., 1993, Appropriate option for the genetic improvement of
10. Darwin C., 1868, The variations of animals and plants under domestica- laying hens. Proceeding of the refresher course on appropriate techno-
tion, vol. 1, chapter 7: Fowls. Rééd. 1998, The Johns Hopkins University logy option for small livestock husbandry. IPC Barneveld College.
press, London, pp. 236-289. Bangkok 1993. Pp. 76-86

A. Bessadok, Tunisien, C.E.P.A.E.B., 2020 Sidi Thabet, Tunisie.


Imen Khochlef, Tunisienne, Laboratoire de génétique de la Faculté des Sciences de Tunis, Tunisie.
M. El Gazzah, Tunisien, Laboratoire de génétique de la Faculté des Sciences de Tunis, Tunisie.

172

Vous aimerez peut-être aussi