100titres Jazz
100titres Jazz
sur le JAZZ
À plusieurs époques la France, par sa curiosité et son ouverture à
l’Autre, en l’occurrence les hommes et les musiques de l’Afro-Amérique,
culturesfrance / Vient de paraître / Hors série n°10 / juillet 2007
François lacharme
Après un parcours universitaire d’une décennie comme
spécialiste de l’anglais économique et la traductologie,
François Lacharme a été rédacteur en chef de l’émission
« Capitale Jazz » sur la chaîne Paris Première tout
en réalisant des écrits pour le magazine Jazz Hot.
Il produit par la suite une vingtaine d’albums jazz pour
divers labels à la fin des années 1980. En 1992, il crée
le mensuel Jazzman (dont il est l’éditeur) et devient directeur
artistique de plusieurs clubs de jazz dont Les Alligators
culturesfrance et le Manhattan Jazz Club. Présent depuis 2002 dans
l’émission « Jazz à FIP », il a succédé à Claude Carrière
Ministère des Affaires étrangères comme président de l’Académie du Jazz en 2005
et européennes
et a été nommé directeur de la programmation jazz
Ministère de la Culture du Théâtre du Châtelet en 2006.
et de la Communication
ISBn : 978-2-35476-003-8
Département
des publications
et de l’écrit
Directeur
Jean de Collongue
Directeur adjoint
Paul de Sinety
Rédactrice en chef
Bérénice Guidat
100 Titres… est une publication
hors série de Vient de paraître.
Vient de paraître, publié quatre fois
par an et tiré à 12 500 exemplaires,
est diffusé dans les services
et établissements culturels français
à l’étranger.
Réalisation
culturesfrance
1 bis, avenue de Villars
75007 Paris
[email protected]
Conception graphique
David Poullard et Véronique Tessier
Les textes publiés dans cet ouvrage
Impression et les idées qui peuvent s’y exprimer
Imprimerie Dumas-Titoulet n’engagent que la responsabilité
de leurs auteurs et ne représentent
en aucun cas une position
Achevé d’imprimer à 12 500 exemplaires officielle du ministère des Affaires
en juillet 2007 à Saint-Étienne étrangères.
5 Introduction
7 histoire et légendes
14 toujours en scène
57 INDEX
4
Au début des années 1960, tandis qu’aux États-Unis la société est agitée
par plusieurs mouvements, dont la lutte pour les droits civiques
des Afro-Américains, la jazzosphère aussi est traversée de vagues
libertaires. À cette remise en question intitulée « free jazz », qui excède
le champ strictement « musical », les musiciens français ne pourront
rester indifférents – ne serait-ce que parce que certains vont y percevoir
des possibilités inespérées, des moyens jusqu’alors imprévus d’intégrer,
dans des musiques inspirées en profondeur des formes afro-américaines,
des éléments individuels dont l’addition et l’agencement aboutiront
à l’émergence d’un véritable jazz français, qu’un certain nombre choisira
ensuite d’appeler plutôt « musique improvisée » afin de souligner sa fraîche
autonomie. À partir des premières années 1980, ce développement
d’un jazz hexagonal va être favorisé par des innovations administratives
comparables aux aides jusqu’alors réservées aux domaines classique
et « contemporain » : encouragement de l’enseignement spécialisé, aides
à la création, aux lieux et festivals, institution d’un orchestre national
à direction et personnel renouvelables… et autres actions qui
participent de l’éclosion et de la multiplication des vocations musicales,
mais aussi du déploiement de la mémoire vive, dont notre éventail
« biodiscographique » n’offre évidemment qu’un échantillon. Ces cent
enregistrements (disponibles à ce jour), plus qu’un « reflet » de l’histoire
et de l’actualité des jazzmen français, constituent un tremplin de toutes
les explorations.
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• L’œuvre de ce groupe vocal, fomenté par Mimi • Michel Graillier aurait dû faire la carrière
Perrin – démiurge des sons et des mots – au tournant de Michel Petrucciani. Ce raccourci s’impose à l’écoute
des années 1960, procède à la fois de l’hommage, de cet album-collage qui fut enregistré en 1981,
de l’appropriation et du détournement : hommage aux à la faveur de ces rencontres humaines qui ont
soli des grands jazzmen, scrupuleusement relevés ; toujours été, chez ce pianiste au toucher magnifique,
appropriation de la parole instrumentale par la parole les ressorts de la création. Il y a dans ce CD un culte
tout court, impressionnant champ de correspondances du lyrisme rarissime : les plages en solo, doublées par
euphoniques où l’onomatopée côtoie l’allitération quelques notes de synthétiseur, sont un voyage
et la phrase dadaïste (« Pour vous prouver qu’on n’a pas onirique dont on ne revient qu’à contrecœur. Celles
tort permettez, t’nez bon, pour partir, pas d’Boeing, en duo avec le trompettiste Chet Baker (que le pianiste
prenons plutôt le tapis volant », extrait de Night accompagna longtemps) sont en fait deux voix qui
in Tunisia) ; détournement, car en assignant une voix chantent leur spleen à l’unisson. Celle avec Petrucciani
à un instrument, on introduit une distance ludique – nous y voilà ! – est d’une complicité gémellaire,
ou un élément dramatique qui remet en perspective comme née de la même inspiration. Celles enfin avec
le travail original du musicien. Texte en main, le contrebassiste Jean-François Jenny-Clark ou
l’émerveillement devant ce travail de recréation le batteur Aldo Romano racontent une histoire, grave
et de récréation est total. Et en français s’il vous plaît. ou enjouée, faisant passer une technique pourtant
F. L. remarquable au débit de la seule émotion. C’est l’une
des réussites intemporelles du jazz français.
F. L.
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• La légèreté et la grâce, ce charme bien français qui • Né à Toulouse en 1944, Jean-François « J. F. »
trouve sa racine chez nos mélodistes du début du Jenny-Clark a rejoint en 1998 Jimmy Blanton et Scott
siècle dernier, imprègnent bien sûr le jeu de Grappelli. LaFaro, autres contrebassistes inventeurs de langage
Il y a ce vibrato absolument contrôlé qui est un disparus prématurément. Il aura, entre-temps,
épanchement pudique de l’âme, ces harmoniques qu’il imprégné et soutenu, de son timbre « boisé », de ses
décoche, traces à peine démonstratives de ses élans phrases à la fois élégantes et discrètes et de sa science
virtuoses. Aussi : une sorte de supériorité nonchalante harmonique, les travaux de Jackie McLean, Don Cherry,
dans la construction de ses soli, un art du placement Gato Barbieri, Keith Jarrett, Michel Portal, Anthony
qui se méfie des mesures trop carrées et cette poétique Braxton, Martial Solal, sans oublier le parfait triangle
des fulgurances apprise aux côtés de Django Reinhardt. équilatéral qu’il avait formé avec le pianiste Joachim
Mais le secret bien gardé de ce Toit de Paris, c’est Kühn et le batteur Daniel Humair. Mais la pertinence
peut-être cette définition apaisée de la nostalgie que de sa virtuosité audacieuse en avait fait aussi une « voix »
cache le rare et primesautier Rain Check ouvrant non moins indispensable pour John Cage, Maurizio
le CD. Le Toit de Paris fut enregistré sur le pouce avec Kagel, Stockhausen, Berio ou Boulez… C’est dire que
Raymond Fol au piano – pas le temps de tergiverser « J. F. » était l’homme de toutes les aventures
ni de maquiller un regret : l’artiste ne peut y être autre contemporaines, dont cet étourdissant concert en solo.
chose que ce qu’il est. P. C.
F. L.
10 HISTOIRE ET LÉGENDES
F. L.
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• Rares sont les jazzmen nord-américains qui, à partir • L’absurdité de la vie dépassée par le talent,
de 1947, n’ont pas fait appel à ses services de pianiste voilà qui est commode pour notre bonne conscience.
ou d’arrangeur – à Paris (où il était né en 1927 Mais la fascination pour le phénomène nous ferait-
et où il est mort en 2004) et à New York où il s’était elle insidieusement surévaluer le pianiste ? Non.
brillamment intégré à la « scène » locale en 1956-1957, En écoutant Music, vous savez ce qu’est la virtuosité
avant de s’y installer de 1961 à 1969, puis, à nouveau qui rend heureux. Vous recevez de plein fouet
en France, où il a « animé », en fin de « parcours », un souffle généreux jusqu’à l’excès, une musique
le bar parisien Furstemberg. L’efficacité de son swing, pétrie de toutes les musiques, un chant souvent simple
en solo ou, comme ici, en trio (avec le bassiste comme bonjour. Ce disque contient la clé du succès
Roland Lobligeois et le batteur Oliver Jackson), ou planétaire d’un pianiste dont le lyrisme, la capacité
« de masse » (lorsqu’il écrivait pour grand orchestre), à communiquer directement avec le public, la lisibilité
son sens de l’harmonie, l’étendue de son répertoire diamantine des phrases ont pu aussi conquérir un
et une manière pianistique caractérisée par la virtuosité Charles Lloyd, un Wayne Shorter, une Sarah Vaughan…
de ses « block chords » (blocs d’accords) en avaient ou un Aldo Romano, qui contribua à le faire sortir
fait un modèle, rare en Europe, de propulseur et du magasin d’instruments de musique où se dessinait
catalyseur des vertus dynamiques de cette musique pour lui une modeste carrière de démonstrateur
qu’on appelle « jazz ». de claviers ! Un cas rarissime de popularité sans
P. C. compromission.
F. L.
12 HISTOIRE ET LÉGENDES
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• À côté d’une formidable « intégrale » (éditée par • Si le mot « cool », dont on abuse aujourd’hui,
Frémeaux & Associés en vingt boîtiers de deux CD), n’avait pas existé, sans doute aurait-il fallu l’inventer
il n’est pas irrévérencieux d’aborder l’œuvre du génial pour qualifier autant l’homme que le pianiste Henri
et légendaire manouche (1910-1953) à travers ce « best Renaud (1925-2002). Frais au meilleur sens du terme,
of » où sont représentées, à leur apogée, deux phases détendu dans sa manière de swinguer, harmoniste
de son art : à la guitare « acoustique » et, peu de temps raffiné et doté d’un humour des plus charmants, il fut,
avant sa disparition, à la guitare électrique. Au fil outre son talent instrumental, un indispensable
de ses compositions et des formations qui l’entourent, catalyseur de rencontres orchestrales transatlantiques
une maturation, plutôt qu’une évolution, se dessine : et éphémères (ainsi qu’il l’avait démontré en 1953
des bastringues de sa jeunesse et des tsiganeries en organisant avec de jeunes solistes de Lionel Hampton
de ses « racines » vers des domaines moins traditionnels, de mémorables enregistrements clandestins),
où pointent des ambitions d’écriture et des audaces sa connaissance intime de l’histoire et de l’actualité
inspirées par le be-bop. Django Reinhardt, décidément, du jazz lui permettant d’être un interlocuteur
aura été dans l’histoire du jazz le premier non- et un « hôte » parfait pour, comme ici, le saxophoniste
Américain à inventer un langage. Al Cohn, le tromboniste Jay Jay Johnson,le contre-
P. C. bassiste Percy Heath et le vibraphoniste Milt Jackson.
P. C.
#!440014-hdjcae! (!6BD02C-facjif!
• Claude Barthélémy avait 27 ans lorsqu’il enregistra • L’intégrale des enregistrements de Claude Bolling
ce Moderne en compagnie d’improvisateurs aussi en grand orchestre entre 1973 et 1983, soit cinq
« follement » singuliers que son confrère Philippe microsillons. Où l’on s’aperçoit dès les premières
Deschepper et le saxophoniste Jean-Marc Padovani. mesures que le travail au long cours paye puisque,
Depuis cette réjouissante explosion tous azimuts, derrière le classicisme d’apparence (Bolling dit
qui n’a rien perdu de sa puissance d’impact, le guitariste- clairement ses appartenances au camp du swing), il y a
compositeur a dirigé à deux reprises l’Orchestre non seulement un travail d’écriture colossal, mais
national de jazz, concoctant de cette « institution » aussi l’intention très claire de servir les individualités
son avatar le plus ébouriffant, et multiplié les qui lui sont longtemps resté fidèles : Gérard Badini,
entreprises orchestrales ambitieuses, inclassables Jean-Louis Chautemps, Pierre Schirrer, André Villéger.
(quelque part entre un après-Jimi Hendrix et Les trompettes : Fernand Verstraete, Chistian Martinez,
les explorations de la musique « contemporaine ») Guy Bodet, Michel Delakian, Philippe Slominsky…
et imprégnées d’un rigoureux humour, sans jamais Les trombones : Claude Gousset, Benny Vasseur, André
oublier les phases remarquables de la guitare Paquinet… Et des rythmiques que ni le Duke, ni
dans la galaxie « jazz » et alentour. Un itinéraire le Count n’auraient répudiées. Rolling with Bolling ?
exemplaire à force d’ouvertures et d’imprévus calculés. Une tautologie : ça roule tout seul, cette machine !
P. C. Notes de livret éclairantes, voire amusantes, signées
Daniel Nevers.
F. L.
16 Toujours en scène
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• Le fil rouge de ces cinq suites orchestrales que • Cela ressemble à une invitation lancée par un
le contrebassiste/compositeur/arrangeur, aujourd’hui ministère en période préélectorale : John McLaughlin,
cinquantenaire, a sorties de ses tiroirs au nouveau Enrico Pieranunzi, Didier Lockwood, Stefano di
millénaire, c’est l’absence totale de tout procédé. Battista, Sylvain Luc, Biréli Lagrene, Sylvain Beuf,
Aucune orchestration qui ne soit dictée par l’envie Flavio Boltro, Baptiste Trotignon, Eric Légnini,
de faire triompher la musique pour ce qu’elle est : la petite famille d’André lui-même… Mais l’élection
un voyage largement intuitif dans l’art de combiner a eu lieu en deux tours : un CD en studio, ramassé sur
les sons, sans a priori, où les références sont fondues des compositions pour la plupart originales et
comme les tannins d’une bouteille à boire, mais dont quelques standards d’origines diverses. Et un CD
l’étiquette aurait disparu. Oublions donc les quelques enregistré en club, histoire de relâcher le chronomètre
influences naturelles qui affleurent çà et là (on et de laisser s’étirer les solistes. Le premier est à peine
les devine plutôt qu’on ne les reconnaît) et laissons- inférieur au second, trahi par quelques longueurs.
nous envahir par ce fascinant kaléidoscope où Mais d’un bout à l’autre, c’est énergique, enthousiaste
miroitent Caraïbes, swing à géométries variables, et le drumming contrôlé, souverain, de « Dédé » Ceccarelli
incursions abstraites, humour et célébration (homme de scène autant que de studio, garantie du
des timbres. Les pianistes Manuel Rocheman et Alain « zéro défaut » dans l’industrie du tout-terrain musical)
Jean-Marie, le tromboniste Denis Leloup, le tubiste est une leçon à lui seul.
François Thuillier figurent sur la liste du petit F. L.
personnel qui fait ici de grandes choses…
F. L.
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• La culture et le sens de la dérision de ce musicien • Le guitariste vendéen (aujourd’hui âgé de soixante
qui fut longtemps pilier des séances de jazz et ans) a trahi pour la bonne cause : l’appartenance
de variété dans les années 1960 et 1970 font de lui à l’héritage de Django Reinhardt est chez lui débitrice
un cas à part. Cet enregistrement de 1988 éclaire d’une autre allégeance, peut-être plus perceptible
sur l’aspect assez visionnaire du bonhomme, qui encore, qui est celle de la guitare be-bop. Cette double
a fait de l’unique disque sous son nom une somme filiation a des conséquences incalculables sur son
improbable où les influences (d’Alban Berg jeu : si l’on y trouve cette poétique des traits rapides,
au mainstream swingant en passant par quelques ces accords nomades, on goûte aussi la syntaxe
obsessions liées à la composition par ordinateur) se complexe, les phrases acrobatiquement pensées et
fondent en un curieux totem à étages : binaire, les accentuations d’un Jimmy Raney, témoins
ternaire, musique répétitive, atonalité, travail sur les d’un savoir harmonique et rythmique évolué. Cette
ensembles, écriture, expérience sonique, espaces rencontre avec Charlie Haden est un petit bijou ciselé
improvisés, balancement entre concret et abstraction. dans quelque minerai austère : le son du contre-
Si vous parvenez à vous ennuyer, vous pourrez bassiste sort tout droit d’une cathédrale gothique
au moins méditer sur la sonorité du saxophoniste, qui, et la frugalité ingénieuse de ses soli ramène à
de mémoire d’amateur, est la plus proche de Stan Getz une épaisseur terrestre les échappées ailées de Christian
qui soit. Invités de très haut vol (André Ceccarelli, Escoudé. Le répertoire justifie le titre de cet album
Denis Leloup, Martial Solal, Kenny Wheeler…) dont d’un romantisme sombre.
la liste dit le respect que Jean-Louis Chautemps F. L.
inspire à ses pairs de France (et d’ailleurs).
F. L.
18 Toujours en scène
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• Fils du célèbre guitariste Matelo Ferré, Boulou • Son accordéon est le voilier de tous ses voyages
a évité les réflexes endogames de la filiation de Django dans l’espace et le temps, des mondes musicaux
Reinhardt pour ouvrir son esprit à d’autres aventures transatlantiques jusqu’aux be-bops de Thelonious
parmi lesquelles la fusion, la variété et le classique Monk et Oscar Pettiford, nostalgiquement moderne
pour lequel il montre une prédilection à laquelle aucun vers une Crète rêvée par Satie, chaloupé sur des
de ses disques récents n’échappe. Depuis les années rythmes « latins » à mémoire africaine, sans jamais
1970, il a consacré le plus clair de son temps à un duo perdre de vue ses ports d’attache : les classiques
avec son frère Elios, dont le présent opus est une qu’il avait appris à maîtriser au conservatoire
extension avec la présence d’Alain Jean-Marie au piano et ce « new musette » qu’il a inventé en enrichissant
et de Gilles Naturel à la contrebasse. Le répertoire et affinant le langage du « piano du pauvre ».
reflète l’éclectisme des deux frères : de Lennie Tristano Une virtuosité aussi polymorphe devait en faire
à Barbara en passant par Ennio Morricone, ils redéfi- le compagnon parfait de Nougaro, Barbara ou Serge
nissent une poésie de la guitare acoustique pleine Reggiani avant qu’il ne s’impose comme interlocuteur
de générosité et d’inspiration, se démarquant ainsi de Chet Baker, Joe Zawinul, Charlie Haden, Enrico
de leurs amours familiales passées. Rava, Louiss, Petrucciani, Portal ou Solal, jusqu’à cette
F. L. apothéose en public et en Italie, terre des ancêtres
de ce Cannois né en 1950.
P. C.
#!044001-iecccb! &!70AAH9-haadbj!
• Avec une rigueur, une intelligence et une passion • Le rythme dans ses tableaux, le goût des « couleurs »
comparables à celles d’un Pierre Boulez, André Hodeir qui fait son « drumming » aussi varié qu’expressif :
(né en 1921) aura été en France (mais pas seulement) rarement une telle cohérence, un tel jeu de miroirs ont
le premier à vraiment analyser et penser les Hommes pu être observés entre deux activités d’un même
et Problèmes du jazz (titre de son livre paru en 1954). artiste. Parallélisme que soulignent chez ce batteur
C’est d’autant plus impressionnant qu’il devait et peintre (né à Genève en 1938 et intégré à la scène
illustrer son étude des divers constituants de cette française depuis un demi-siècle) un insatiable désir
musique d’œuvres orchestrales dont le charme et de rencontres et d’expériences (ici avec un « all stars »
la vivacité n’ont rien perdu de leur efficacité, servies exemplaire d’une nouvelle génération d’« aventuriers » :
qu’elles étaient par des maîtres tels que Martial Solal, le guitariste Manu Codjia, le contrebassiste Sébastien
Pierre Michelot, Hubert Rostaing, Kenny Clarke, Boisseau, les saxophonistes Matthieu Donarier et
l’exquis paradoxe étant qu’Hodeir, en écrivain amoureux Christophe Monniot) et une sensibilité à toutes formes
du jazz et au risque de contredire une inhérente de modernité. Il n’est pas étonnant que, parmi ses
pulsion de liberté, a inventé et superbement mis en innombrables partenaires, on trouve les noms de Solal,
pratique la notion d’« improvisation simulée ». Portal, Joachim Kühn, Anthony Braxton, Steve Lacy,
P. C. George Lewis, tous interlocuteurs éclairés d’une aussi
ouverte virtuosité.
P. C.
20 Toujours en scène
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• Comment un personnage aussi doux et discret • Homme de rencontres, de défrichages, aussi
se transforme-t-il, confronté à un piano, en un phéno- prompt à déjouer les pièges de la filiation unique
mène d’ébullition mélodico-rythmique ? Manière de (il est autodidacte et inassignable à une école) qu’à
Mister Hyde et Docteur Jekyll, interlocuteur recherché exploiter, si le cœur lui en dit, des formes éprouvées
par les meilleurs improvisateurs et vocalistes par quelques prédécesseurs, François Jeanneau est
américains de passage à Paris, Alain Jean-Marie se l’un des plus juvéniles « seniors » du jazz made-in-France.
distingue par une autre et profonde dualité : extrême Son quartet régulier proposait en 1976 un mixte
connaisseur et pratiquant du piano be-bop, il a d’énergie et de douceur, sur les traces de quelques
toujours entretenu avec les musiques antillaises (il est lyriques d’esprit ouvert (on peut penser à Charles Lloyd).
né à la Guadeloupe en 1945) une relation à la fois Les compositions, souvent modales, permettent à Jean-
amoureuse et d’un professionnalisme aigu, confortée François Jenny-Clark et Michel Graillier d’exploiter
naguère par son travail aux côtés du saxophoniste toute l’étendue de leur imagination, le premier
Robert Mavounzy et du tromboniste Al Lirvat. constellant ses lignes de basse d’accentuations bien
Ici, sans renoncer aux richesses et subtilités du bop, à lui, le second éclairant la séance par le détaché
il inaugurait avec le batteur Serge Marne et le bassiste convaincu de ses notes. Avec Aldo Romano, propulsif
Éric Vinceno une relecture passionnée des classiques et ubiquiste à la batterie, ce Techniques douces sonne
de la biguine. curieusement plus jeune aujourd’hui que naguère.
P. C. F. L.
&!46AFA3-ggbbch! &!83AAB8-gdhcib!
• L’hommage est un piège. Il suffit que l’angélisme • La musique a trouvé en Jean-Loup Longnon un
s’en mêle et la tentation d’imiter conduit au plagiat, bouilleur de crus imaginatif, un épicurien dont
au « chabada-dry ». Didier Lockwood s’en sort bien : la trompette nourrie aux mamelles de Dizzy Gillespie
il y a une bonne dose de charme bien français, mélange et de Clark Terry crapahute sur le versant ensoleillé
de grâce et d’humour, de virtuosité qui ne se prend du jazz. Tous – de Stéphane Grappelli à Michel Legrand
pas au sérieux, il y a une manière de jouer serré, en passant par Henri Dutilleux – ont eu le virus
de tenir en laisse la mélodie, de chercher alentour sans Longnon. Formé de manière autodidacte dans les années
perdre de vue le thème, ce fil d’Ariane. Il y a bien sûr 1970 en s’imposant courtoisement, mais fermement,
un répertoire en partie ancré dans la tradition « cordes pour faire le bœuf à l’heure où les clubs songent
et âmes » évoquant les riches heures du HCF (Nuages, à « faire » la caisse, ce jazzman jusqu’au-boutiste (ce
Minor Swing, I Got Rhythm…). Mais c’est bien n’est pas nécessairement une tautologie) est porteur
du Lockwood qu’on entend : archet très léger, d’un destin au-delà de son credo be-bop. Cyclades
crin frôleur, vibrato contrôlé au quart de millimètre, est un collage audacieux mais étonnamment cohérent :
savoir harmonique qui s’inscrit dans la modernité. be-bop, swing, blues, Brésil, classique contemporain
Et même si l’on retrouve ces harmoniques dans l’aigu cousinent, s’épousent dans une valse inouïe des
« à la Stéphane », il y a une qualité de silence étiquettes. Un orchestre symphonique, les meilleurs
qui se faufile entre quelque escalier de notes bien rythmiciens du pays, une mosaïque d’invités
descendu. Il n’est donc pas innocent de retrouver qui ne sont pas venus cachetonner (Jean-Michel Pilc
le bassiste Niels Henning Ørsted Pedersen, l’un sifflant sur Santorin, c’est épatant…) parachèvent
des deux ou trois monstres de l’instrument et Biréli le tableau.
Lagrène, coup de canif manouche, django-logicien F. L.
capable de génie qui peut ici faire la pompe
à la guitare sans nous faire regretter l’absence
de pianiste et de batteur.
F. L.
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• Par le fond et la forme insécables, ce disque • L’un des charmes de ce fringant septuagénaire
est le manifeste inaugural musical poétique politique basque, c’est qu’il n’est guère possible de l’enfermer
d’un agitateur multi-instrumentiste apparu dans dans un instrument (saxophone, clarinette,
la jazzosphère des années 1960, avec un premier prix bandonéon), une époque ou un style (be-bopper
de conservatoire, percussionniste et vibraphoniste ou « cool » avant-hier et littéralement « contre-
à tout jouer, notamment dans les studios d’enre- chanteur » virtuose aux côtés de Barbara ou Gainsbourg,
gistrement parisiens. Associé à Stan Getz, Michel Portal, hyper free en des temps d’effervescence, tango-isant
Eddy Louiss, entre de nombreux autres, il devait avec Richard Galliano…, sans parler de sa maîtrise
reprendre toutes ses libertés et, à la tête d’une sur le versant classique), voire un orchestre, tant il est
« Compagnie » au personnel variable, allumer dans affamé de rencontres et de surprises, s’entourant,
l’Uzeste de ses ancêtres (où il est né en 1945) en France, des plus remarquables jazzmen des nouvelles
des feux militants où n’ont pas fini de faire merveille générations ou prenant le risque de s’associer, comme
son chant au « scat » gascon bopisant, l’accordéon dans cet album enregistré à Minneapolis, à des
de son enfance, son piano et ses tambours de combat instrumentistes « exotiques » pas forcément informés
chaleureux. de son prestige hexagonal. D’où, presque en toute
P. C. innocence, des échanges d’autant plus libres et inat-
tendus que dénués de préjugés.
P. C.
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• Batteur, mais aussi guitariste, chanteur (de charme • Né en 1935 à Fort-de-France, où il fait ses
swingant évidemment) et surtout élégant ciseleur débuts de pianiste et dirige un grand orchestre, il
de thèmes peu oubliables (notamment pour ses amis s’intègre dès 1956 à la jazzosphère parisienne et
Claude Nougaro ou Michel Portal), le plus « italoparigot » collectionne les engagements avec d’illustres visiteurs
(comme il aime se définir) des « travailleurs immigrés » américains (Don Byas, Sonny Criss, Clark Terry,
de la jazzosphère hexagonale (né en 1941 à Belluno) Johnny Griffin, Dexter Gordon, T-Bone Walker, Chet
ne pouvait qu’être fasciné par les petites formes Baker…). À New York, il enregistre avec les meilleurs
mélodiques sculptées par Ornette Coleman. Imprégné rythmiciens (les bassistes Percy Heath, Richard Davis,
d’un cantabile inévitablement latin, c’est au sein de Ron Carter, et les batteurs Connie Kay, Billy Hart,
son « quartette italien » (Franco d’Andrea au piano, Albert Heath). Mais sa science pianistique, son
Paolo Fresu à la trompette, et Furio di Castri à la basse) élégance et son invention mélodiques, indissociables
qu’il dévoilait sa musicalité dans ce qu’elle a de plus de ce qu’on a appelé son « impertinence » harmonique,
intime, comme s’il avait placé en exergue de son œuvre allaient lui permettre, outre son travail d’artiste,
la devise « la batterie en chantant ». de s’imposer comme pédagogue, histoire de « partager »
P. C. cette virtuosité que soulignent ici la basse de Reggie
Johnson et la batterie de John Betsch.
P. C.
26 Toujours en scène
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• À l’instar d’un Pierre Boulez, Martial Solal est • Comme son ami Louis Sclavis (son partenaire dans
allergique aux banalités, redites et pléonasmes, mais le « trio africain »), Henri Texier ne craint pas
à la différence de son aîné (de deux ans), c’est sa d’associer sa musique à de grandes et justes causes ;
passion du jazz et de l’improvisation qui lui dicte ce comme Don Cherry, qu’il accompagna jadis, il est
goût de la singularité et de la surprise permanente. passionné par les mélodies du monde ; et, comme
« Cristal Solal » avait écrit le poète Jacques Réda pour le batteur du « trio africain », Aldo Romano, avec qui il
offrir une métaphore à la pure et lumineuse géométrie chanta naguère au sein du groupe Total Issue, il semble
de ce demi-siècle d’invention pianistique et/ou construire son œuvre autour d’un axe qui serait
orchestrale, art du zigzag mélodique et de l’autorité le « chant » de sa contrebasse, des instruments dont
rythmique qui, dans un format quasi concertant, il l’entoure et des peuples qui inspirent son lyrisme.
s’épanouit ici en une manière d’apothéose, cinq cuivres Né à Paris en 1945, il a affiné le sien aux côtés de Chet
aiguisés et la voix-instrument de Claudia Solal (fille Baker, Bud Powell, Donald Byrd, Steve Lacy, Barney
du maestro) participant du flux en fusion swingante Wilen, Michel Portal (ici son invité au bandonéon),
des six compositions, aussi « incoercibles » que le titre Dexter Gordon, Phil Woods, avant de créer toutes
inaugural. Sans Solal, de ses solos à ce « tentette » sortes de formations formidables, capables de porter,
en passant par ses divers trios, le jazz hexagonal, prolonger et amplifier ses constats et exhortations.
décidément, se sentirait bien seul. P. C.
P. C.
&!34BDE8-aegdgf! &!44IJG1-abbacj!
• Aventure polyphonique concoctée autour d’un texte • Oubliez l’image du moustachu aux lunettes d’écaille
de Francis Ponge par un ensemble « freedadasur- et au galurin tweed, dont la supplique Tu veux ou
réaliste » où, autour de la voix de Françoise Achard, tu veux pas ? fit un tube au tournant des années 1970 :
Jouk Minor (anches et instruments « bizarres »), Marcel Zanini est un vrai de vrai, un saxophoniste
François Tusques, le contrebassiste « Beb » Guérin, qui peut en remontrer à beaucoup question sonorité
le compositeur Jean Guérin et le trompettiste et lyrisme et dont l’articulation – ce déploiement
(violoniste, corniste, pianiste, vibraphoniste) Bernard intelligible des idées musicales – peut servir de modèle.
Vitet inventaient un objet sonore insituable qui Au ténor, Zanini réussit la synthèse entre les saxo-
annonçait un drame musical instantané, trio extensible phonistes basiens (type Erschel Evans ou Buddy Tate)
d’un « théâtre » de sons et de mots créé en 1976 par caractérisés par leur swing calorifère, et Lester Young
Vitet avec Jean-Jacques Birgé et Francis Gorgé. Né (basien lui aussi, mais atypique et, disons, nuageux)
à Paris en 1934, le trompettiste, d’abord impressionné avec lequel il partage l’art de la ballade. Avec Milt
par Miles Davis puis Chet Baker, avait activement Buckner à l’orgue ou au piano, sécurisé par la paire
traversé les phases les plus vives de l’après be-bop, Michel Gaudry/Sam Woodyard, nimbé d’un vibraphone
jusqu’au-delà du « free », en des zones qui, si élégant, Zanini se hisse sans difficulté au sommet
l’étiquette n’était pas « réservée », participeraient d’un mainstream relax et finement swingant.
littéralement de la « musique contemporaine ». F. L.
[http://futuramarge.free.fr]
P. C.
30 C’est déjà demain
*!0I8F7J-iebcba! +!2G5JG0-aebedi!
• Entre Björk et Billie Holiday, ce qui laisse beaucoup • Comme beaucoup de musiciens à peine trentenaires,
de place à l’imagination, la chanteuse Mina Agossi cette ex-clarinettiste issue du classique a la nostalgie
continue de tracer sa route zigzagante. C’est une enfant d’une époque qu’elle n’a pas connue : celle des grands
turbulente, une globe-trotteuse qui goûte l’émotion chambardements fusion des années 1970, « ondés »
directe et les couleurs saturées. Toujours inclassable, par les trémolos du piano électrique Fender, structurés
naviguant entre interprétations outrées (le thème- par des rythmes binaires, inspirés par des génies
titre ou Clopin-Clopant…) et petits délires de « libre de l’écriture (Herbie Hancock, Wayne Shorter, pour
chanteuse », elle fait le choix de l’actrice qui vit son aller vite…). Cet album – son dernier en date – témoigne
texte à la manière d’une brûleuse de planches : même de ces envies, avec une approche parfois volontairement
en disque, elle est sur scène. Trompette, percussions, « sale » du son, un côté modérément rebelle, même
guitare apportent quelques couleurs à son univers si Sophie Alour n’a pas abandonné sur certaines
décalé (les mauvaises langues diront déjanté) parfois compositions ce lyrisme direct, qui se projette avec
brut de pomme, mais où l’on sent nettement poindre noblesse dans une sonorité « tapis de billard » héritée
une artiste qui va au bout de ses convictions, quitte de Joe Henderson. Son entourage (avec le très ouvert
à rendre monotone le choix de l’extrémité. Laurent Coq au clavier) résume bien où en est le jazz
F. L. français aujourd’hui : techniquement parfait, désinhibé,
et qui a trouvé son public rétif aux a priori.
F. L.
+!2G5JG0-adjbhg! #!826596-aadfci!
• Ceux qui reprochent à Antoine Hervé sa dispersion • Pour un tel jazzman à tout jouer (du dixieland
artistique et quelques silences de carrière en des Haricots Rouges au reggae et aux grands
seront pour leurs frais : en effet, il faut avoir du génie orchestres de variétés en passant par l’ellingtonisme
pour accoucher d’un jazz qui réconcilie à ce point d’un Raymond Fol et l’accompagnement de chanteurs),
les contraires (écriture ferme, libre-pensée ; souci de cet « hommage » à Leon « Bix » Beiderbecke,
la forme, ouverture du terrain improvisé ; relatif trompettiste à la carrière météorique et légendaire,
classicisme des solutions ; innovations timbrales…) aura été son premier disque en tant que leader –
en provoquant chez l’auditeur un appétit curieux pour jusqu’alors, Artero (né en 1950 au Vietnam) avait
la mesure qui va suivre. Le travail au long cours avec voyagé à travers toutes les musiques, offrant à
François Moutin et le trompettiste Markus Stockhausen ses « employeurs » sa ductile virtuosité et sa sonorité
apporte le tour de main, et l’intuition sur les invités chaleureuse, aventure formatrice mais frustrante
(Michel Portal, Stéphane Guillaume aux anches) scelle au terme de trente-cinq ans de « métier ». Aussi le défi
la réussite de ce disque protéiforme et prométhéen d’un tel projet était-il double : outre la difficulté
auquel se joignent un quatuor à cordes, une bombarde, de rester fidèle à l’esprit, au style presque baroque
un vibraphone et une cornemuse selon les désirs de Bix, admirateur d’Armstrong fasciné par Debussy,
souverains et admirablement maîtrisés du leader. il lui fallait s’imposer en tant que voix singulière
Lequel signe aussi de grands moments au piano. et résolument moderne. Soit un superbe acte de
F. L. (re)naissance pour Patrick Artero.
P. C.
32 C’est déjà demain
&!46AFA3-ggjace! &!70AAH7-gdafbj!
• Chaque nouvel album du pianiste « découvert » • Stéphane et Lionel Belmondo auraient pu se contenter
par Michel Petrucciani marque un détachement d’être deux artisans très compétents du post-bop
de ses maîtres (entre autres Bud Powell) pour rallier hexagonal, mais leur instinct de musiciens les a exhortés
l’artiste intime. Plutôt que de considérer le piano solo à remonter la généalogie de la musique française
comme une performance, le pianiste a choisi du xxe siècle, en se penchant plus particulièrement sur
de se laisser aller à sa pente naturelle qui est celle l’apport de la météoritique Lili Boulanger, sœur de
d’un lyrique imaginatif. Ce sont deux mains joueuses la grande pédagogue Nadia, dont les choix harmoniques
et savantes qui nous redonnent l’envie du piano tel ont préfiguré ceux de certains jazzmen (John Coltrane,
qu’il devrait être : un orchestre en puissance qu’il faut Bill Evans, Herbie Hancock…). Cet album, ultra-
s’inventer sur mesure pour raconter son histoire. médaillé par la critique, est donc une nouvelle tentative
Technique, idées, sensibilité : chez Franck Avitabile, de concilier l’univers du classique et celui du jazz.
le tout est enfin supérieur à la somme des parties. L’instrumentation et les orchestrations relèvent
Ces miniatures en prose créent de subtils jeux de miroirs d’un néo-impressionnisme aménagé pour l’improvisation.
qui évoquent Schumann, Debussy, le Bill Evans en Ces progressions souvent lentes, ces scintillements
solo des années 1970 et parfois Martial Solal, ce qui discrets, recèlent de nombreuses beautés en demi-
ne les empêche pas d’être tonifiées par une vraie teintes. Fauré, Ravel et Duruflé achèvent de donner
conception rythmique où les moyens déployés (pédales, à cette visite au patrimoine, façon « crossover »,
ostinatos…) sont suffisamment variés pour échapper un charme tenace.
à la prévisibilité. C’est ce qu’il a fait de mieux dans F. L.
un genre inclassable et sobrement romantique.
F. L.
+!2G5JG0-aeaeei! &!07FBE0-aifcah!
• Assumant jusqu’au bout son appartenance • Encore un musicien qui ne s’est pas contenté
à la génération fascinée par le Herbie Hancock de faire le « métier », avec la déperdition identitaire
ou le Chick Corea des claviers électriques, que cette démarche utilitariste induit. Saxophoniste
Pierre de Bethmann n’utilise que le Fender Rhodes respecté et demandé dès la seconde moitié des
dans cet enregistrement mettant en scène ceux qui années 1980, Sylvain Beuf a été l’invité presque obligé
font le jazz français d’aujourd’hui dans sa version de nombreux projets discographiques, mais sa volonté
« lyrico-rythmique » : non que la musique soit marquée d’explorer le saxophone et une remise en question
par des mélodies très marquées, mais elle se situe systématique de ses acquis l’ont emporté sur les
dans un domaine harmonique « tonal évolué », certitudes routinières. Prenant le risque du trio sans
avec une signature rythmique particulière. piano, il met ici les saxophones ténor et soprano
Les unissons ou contrepoints voix/souffleurs au pied du mur : exploration du son, des rythmes,
apportent une couleur aérienne à l’ensemble qui peut de la dynamique, du supplément de liberté qu’octroie
conduire à une impression d’uniformité dans le mystère l’absence d’instrument harmonique. C’est aussi
entretenu qu’ils dégagent. Il y a là une volonté sa façon d’éprouver le jeu de ping-pong permanent
de chercher affichée, mais tout est cadré, balisé, qu’autorise la formule avec les deux rythmiciens que
soucieux de présentabilité : du sérieux qu’on pourrait sont Diego Imbert et Franck Agulhon. Voilà un jazz
écouter un verre à la main. affûté, swingant, et finalement plus chaleureux que ne
F. L. le laisse supposer l’exposé de ces thèmes s’adressant
à notre intellect sans doute plus qu’à notre cœur. C’est
un grand disque de saxophone.
F. L.
34 C’est déjà demain
%!98EJ8A-ajbbib! *!2F0J5C-ajfcgc!
• Au fond, tous les musiciens tendent vers ça : trouver • Ce trompettiste quinquagénaire tomba à la fin
l’essence de la mélodie, se l’approprier, n’y mettre des années 1980 dans les oreilles de Chet Baker, qui vit
que les notes qui comptent. Emmanuel Bex est un franc- en lui un frère d’esprit (et avec lequel il partage
tireur du jazz français : il ne connaît pas l’inflation une qualité d’expression lyrique, sans effets). Resté
discographique et n’enregistre que lorsqu’il est prêt. à l’écart de l’ébullition parisienne pour enseigner
Son style à l’orgue Hammond est hérité pour partie au conservatoire de Nice, il a poursuivi une carrière
de celui d’Eddy Louiss, c’est-à-dire lyrique, dansant, mais discrète, mais dont chaque jalon discographique nous
harmoniquement évolué. Comme pour la plupart fait mesurer son apport élégant aux prolongements
des organistes qui s’essayent au piano, sa phrase est contemporains du be-bop : il est l’homme des phrases
comme hypnotisée par cette tenue, ce prolongement architecturalement parfaites, du son sans scories,
du son que permet l’instrument hérité de l’harmo- légèrement mat, de la virtuosité contenue (à mi-chemin
nium d’église. Sur les traces d’un Bill Evans, qui entre les illustres Booker Little et Kenny Dorham).
se confrontait à lui-même dans ses « conversations » Ce CD, enregistré pour un label suisse, le met en présence
par la magie du re-recording, le musicien a choisi de camarades du Sud (Fred d’œlsnitz au piano,
de faire se répondre orgue Hammond et piano. Fabrice Bistoni à la contrebasse et Yoann Serra
Compositions alliant simplicité et lyrisme, swing qui à la batterie) avec lesquels il a su construire un vrai
n’a pas besoin d’arriver masqué, arc-en-ciel groupe qui s’écoute et sait écrire.
d’émotions : pari gagné. F. L.
F. L.
&!76AAA2-bdaahb! &!70AGG6-bghiai!
• Le pianiste Guillaume de Chassy et le bassiste • Depuis une douzaine d’années, il est celui qui
Daniel Yvinec sont passés maîtres dans l’art bouscule et illumine la jazzosphère hexagonale (dont
de déconstruire des chansons d’hier et d’avant-hier deux éditions de l’Orchestre national de jazz, sous
pour en révéler des beautés, voire des drames la direction de Paolo Damiani puis Claude Barthélémy,
insoupçonnés – ici Le Petit Vin blanc se transforme les groupes de Laurent Dehors, Sclavis, Emler et autres
en une marche, funèbre ou de combat. Grâce à demandeurs d’imprévu). Amoureux fou des « cuivres »
la précision chaleureuse du chanteur André Minvielle, qu’il n’en finit pas de sculpter, ce trompettiste virtuose
connu jusqu’alors pour ses collaborations avec (né en 1970 dans les Ardennes) s’est attaqué, pour
Bernard Lubat, Michel Portal, et son acrobatique « scat son premier opus personnel, à un monument créé en
rap gascon », ils donnent à des rengaines célèbres 1936, qu’ont « visité » quasiment tous les jazzmen.
ou oubliées comme une « autre » jeunesse, ce que Dont Miles Davis à qui l’effervescent Collignon rend
Patrick Modiano décrit comme « une transparence un hommage moins irrespectueux qu’on aurait pu
émouvante : quand le présent et le passé se confondent ». s’y attendre quand on sait les gaies turbulences dont il
Une telle gageure n’était envisageable que pour est capable : un coup de maître en forme de concerto
des instrumentistes à la virtuosité harmonique aussi pour cornet, bugle et voix.
vive que la sensibilité et le pouvoir d’invention, P. C.
ou quand « relire » et improviser s’imposent comme
mode de création.
P. C.
36 C’est déjà demain
*!9E8I1I-ebccga! &!42CFH0-baicea!
• Ce pianiste né en 1970 s’est formé au conservatoire • Depuis ses débuts en autodidacte jusqu’à
et a connu la transhumance des musiciens français sa participation à l’inclassable et polycéphale Ursus
à New York : Mulgrew Miller, John Hicks et Bruce Barth Minor (patchwork de jazz libre, blues et rap), en
l’ont pris sous leur aile. Mais la grande différence passant par des musiques de fanfares, de bal et de
d’avec ses coreligionnaires, c’est que son jeu ne scène, le saxophoniste François Corneloup (né
ressemble à aucun autre, hormis une dette presque en 1963) n’a cessé de conjuguer l’art et les manières
apurée à Jarrett, à Monk, à Andrew Hill aussi. Il a fondu d’improviser, hors tout académisme (même be-bop)
ces influences pour créer un jeu de piano où la main et au gré de nombreux orchestres peu ordinaires
gauche occupe une place prépondérante et où il (la Compagnie de Bernard Lubat, les collectifs Incidences,
ne s’interdit aucun moyen, que ce soit block chords, Calligraphes, Babel Bal, un trio de barytons avec
arpèges serrés, ostinatos, dissonances finement Daunik Lazro…) et d’expériences avec des amateurs
introduites, etc. Le tout servi par une curiosité pour (comme l’école Bruit-sonnière), tout en affinant
les autres instruments qui explique en partie cette son propre travail au soprano et surtout au baryton au
différence marquée. Ce CD le met en présence de deux sein de quartettes ou de ce trio, magnifiquement
souffleurs (David El-Malek au sax ténor et Olivier Zanot complété par Claude Tchamitchian et le batteur Éric
au sax alto), ce qui l’oblige à penser contrepoint, Echampard, où peut s’épanouir sa maîtrise du paroxysme.
unissons, bref, petits arrangements entre amis. C’est P. C.
frais, original, et profond avec la participation
de la chanteuse Laurence Allison, fan de la première
heure…
F. L.
#!440013-jjacce! &!70AAH9-haacjg!
• À la tête de l’Orchestre national de jazz, • Alternant ou entrelaçant mémoire de conservatoire
le claviériste et arrangeur a laissé un souvenir discret (premier prix de musique de chambre et de piano)
mais tenace : expert en alliages de timbres dans et aventures libertaires (au contact de, entre
le sillage de Gil Evans, son idole, sagacité dans le choix de nombreux autres, Steve Lacy, Lubat, Evan Parker…),
des musiciens pour servir ses ambitions. Libre de ses cette pianiste s’est ouvert une voie paradoxale
obligations « nationales » depuis une bonne décennie, où elle affine l’art de prendre son temps, jusque dans
il semble encore avoir franchi une étape dans les architectures d’un Orchestre national de jazz
l’équilibre souverain qui caractérise ses entreprises. comme celui de Didier Levallet (1999-2000). Compo-
Ce « paysage personnel », enregistré en 2000, sitrice de « rêves » aux amples mouvements, presque
est à l’image de Laurent Cugny : derrière une façade solennels, elle décline son goût d’une lenteur
austère, ce que l’on peut appeler un métier achevé, énergique au gré de duos, trios ou d’un quintette en
ce qui chez lui ne déprécie pas la charge créative. Ce CD forme d’all stars avec les cuivres de Jean-Luc Cappozzo
est aussi une déclaration d’amour à quelques œuvres et Michel Marre, la contrebasse de Claude Tchamitchian
rares du répertoire (pas que jazz, si l’on en croit et la constante et stimulante complicité du batteur
le Fields of Gold en ouverture, signé Sting). Un régal Simon Goubert.
de sophistication et de lisibilité pour une formation P. C.
sans piano mais dont le rendu textural est un
enchantement. En invité David Linx, un roman
dans la voix.
F. L.
38 C’est déjà demain
#!794881-hdcbci! #!826596-aaebaf!
• Il est venu assez tard au saxophone, ce qui lui • Entre savant fou et génie malicieux, mémoire
(et nous) a épargné les errements mimétiques (hormis, du meilleur rock et curiosité « contemporaine »,
inévitablement, la volubilité acérée d’un Michael ce pianiste, né en 1958, est, depuis plus de trois
Brecker, et, parfois, le lyrisme pensif de Wayne décennies, au-delà d’une jubilatoire maîtrise
Shorter). Les grandes influences sont donc chez lui instrumentale, un remarquable catalyseur d’explosions
comme « fondues-enchaînées » dans un jeu très contrôlées et d’enthousiasmes collectifs, le plus
articulé, au détaché parfait, à la sonorité à la fois souvent en compagnie d’un octette aux possibilités
tendue et épanouie. On prend beaucoup de plaisir multipliées et diversifiées par le pluri-instrumentisme
à entendre ses improvisations intenses et architectura- des virtuoses qui le composent, son plus récent
lement impeccables sur un répertoire d’originaux. avatar réunissant notamment les anches de Laurent
Les progressions harmoniques ou les jeux de mise en Dehors, Guillaume Orti et Thomas de Pourquery
place pourraient, avec d’autres musiciens, passer et les « voix » de Collignon. Aussi est-il logique que
au-dessus de nos têtes. Pourtant, si on fait les comptes, ses aînés les plus prestigieux et exigeants, François
il y a de la vraie bonne musique, qui comblera celui Jeanneau (du temps qu’il dirigeait le premier ONJ)
qui saura s’immiscer dans ce hard bop contemporain, et plus récemment Michel Portal, aient sollicité son
où cérébralité et huile de coude font bon ménage. intarissable imagination, au piano et/ou comme
La rythmique, emmenée par le pianiste Pierre organisateur de sons.
de Bethmann aux côtés de Rémi Vignolo et Franck P. C.
Agulhon, sait montrer ses nerfs autant que ses biceps.
F. L.
40 C’est déjà demain
*!6A1A6A-hbbgeb! &!70ACC6-eabcfa!
• Ce multi-anchiste appartient à la génération • On peut dire de ce pianiste et compositeur qu’il est
trentenaire qui a appris, en vingt ans de moins que un repenti : comme si l’exaltation des aventures
ses aînés, non seulement une famille entière fusion et jazz rock dont il a été l’un des artisans dans
d’instruments, mais aussi toutes les subtilités du jazz les années 1970 n’avait pas éteint en lui la conviction
comme musique d’improvisation et de dialogue. que les acquis du be-bop, sa culture sous-jacente,
Comme beaucoup, il s’est frotté à la discipline des big seuls permettaient de dépasser les couches superfi-
bands ; comme peu, il s’est extrait de l’ornière cielles de l’inspiration. Ce disque illustre idéalement
du pupitre pour écrire sa propre histoire. Ce qu’il sa maturité inventive et sereine tant dans les
a fait de cette belle culture est contenu dans ce CD où compositions qu’au plan instrumental, alliage rare
l’on retrouve quelques réminiscences d’un Joe Lovano, d’un swing à la Wynton Kelly, d’une capacité à faire
d’un Wayne Shorter ou d’un Chris Potter, mais au respirer sensuellement la phrase, d’un sens du
service d’une musique bien écrite (évoquant parfois placement exceptionnel (on peut ici penser à Ahmad
le Quintet de Dave Holland) avec un guitariste Jamal) et d’un savoir harmonique pointu qui traduit
remarquable, Frédéric Favarel, et une rythmique une connaissance intime de l’après Bill Evans.
qui lui va très bien. Pointu, mais jamais abstrait. Enregistré en trio avec Thomas Bramerie à la contre-
Érudit, mais jamais scolaire. basse et Bruce Cox à la batterie, ce CD fait honneur
F. L. à un musicien qui n’a pas hésité à accompagner
pendant des années les solistes américains « de passage »
alors que son bagage lui eût autorisé un itinéraire
d’étoile.
F. L.
&!44IJG0-cehfci! #!825696-adbadf!
• Pluri-instrumentiste à l’instar de Portal et Sclavis, • Il arrive, en jazz, que la valeur attende le nombre
Sylvain Kassap (né en 1956) s’affirme, dans le domaine des années. Olivier Ker Ourio a plus de vingt ans
de la musique improvisée, comme « plus clarinettiste » lorsqu’il décide de se consacrer à la musique, qui plus
et de moins en moins saxophoniste, explorant ici est en corsant la difficulté puisque c’est avec
toute la famille et tous les registres des clarinettes au l’harmonica chromatique (instrument réputé intou-
gré d’un « dialogue » élargi d’anches et de cordes chable depuis Toots Thielemans) qu’il a fait son chemin
avec, invitées ou arbitres, les percussions d’Edward franco-américain, dispensant une sonorité distinguée,
Perraud, tandis que le violoncelle de Didier Petit s’allie un sens du phrasé qui le situent loin des clichés
à la contrebasse d’Hélène Labarrière. Soit une excitante mièvres que son illustre prédécesseur a su presque
séance d’illustration organologique et de « dégus- toujours esquiver.
tation » sonore, dans la mesure où une parfaite Olivier Ker Ourio est un peintre à fois paysagiste
lisibilité permet d’apprécier chaque ligne instrumentale et urbaniste : sa poésie naturelle ne s’alanguit
et l’éventail des musiques participant de l’univers jamais et possède un tour tonique qu’il aime occasion-
du souffleur : des plus « archaïques » aux plus actuelles. nellement cultiver sur des rythmes bien cambrés.
P. C. Cet album « cordes + vent » le met en compagnie
régalienne avec, en particulier, le guitariste
acoustique Ralph Towner, valeur sûre du catalogue
ECM, et le contrebassiste Heiri Kaenzig (Art Farmer,
Vienna Art Orchestra, Charlie Mariano…).
D’une nostalgique fraîcheur.
F. L.
42 C’est déjà demain
+!2G5JG0-adifgi! +!2G5JG0-aebiba!
• L’art de prendre son temps : le mûrissement de • Malgré l’apparition de jeunes souffleurs exfiltrés
cette chanteuse – dont un premier disque oublié fleurit de nos grands orchestres français, Éric Le Lann reste
dans les bacs au début des années 1990 – s’est fait le trompettiste français des vingt-cinq dernières
dans la durée. Trait distinctif : la présence manifeste années, celui dont la quête identitaire s’est le mieux
de Sarah Vaughan (la divine des années 1970, que affirmée (au prix parfois d’une incompréhension
beaucoup récusent à tort) dans le timbre, la façon sur ses choix musicaux). Curieusement, sa personnalité
de phraser et de moduler. Mais il est vrai qu’elle sait musicale s’est forgée dans l’ombre portée de Miles
faire oublier cette ombre tutélaire par un sens Davis, dont il est esthétiquement et philosophi-
de l’abandon parfois proche des litanies ascensionnelles quement proche : il possède cette sonorité ambrée,
que d’autres ont faites bien plus mal qu’elle… parfois friable, et dans tous les cas intense, qui
Ce Waitin’ for Spring fait la part discrète aux invités s’affranchit des phrases culturistes. Ce dernier CD
(John Scofield à la guitare et Sam Newsome au sax renoue avec des grooves que nos années ont su
soprano) et remet en selle quelques thèmes qu’elle réhabiliter, mais enchâssés dans les sons de basse
charge de nouvelles émotions (Sunny, The Good de Jannick Top (symbole de ces années justement)
life), les compositions de la chanteuse comportant et quelques montages électroniques qui jamais
la dimension incantatoire susvisée, où elle trouve ne dégradent cet enregistrement dont le caractère
son originalité. On peut occasionnellement discuter « mode » n’enlève rien à la substance.
sur la justesse, mais le talent est indéniable. F. L.
F. L.
*!9E8I1G-hdecba! &!46AFA3-ggaech!
• Par rapport à ses premières expérimentations • Une manière de dépasser la virtuosité pure (et ce
« électro-groove », c’était pour ce saxophoniste disque n’en manque pas) pour atteindre l’inconscience
un retour à l’acoustique, à une certaine frugalité dans heureuse des jeux de bac à sable : des notes, oui,
le rapport à l’instrument. L’ouverture aux rythmes mais gaies, faciles, pas imbues d’elles-mêmes. Sylvain
latins, aux muscs entêtants du boléro, à la typicité Luc et Biréli Lagrène peuvent tout faire, y compris
d’un pas de danse, ne l’empêche pas d’explorer reprendre quelque sirène populaire pour la hisser au
concurremment quelques ritournelles slaves. rang de morceau de bravoure. Inutile de détailler
En exergue, le contrebassiste Henri Texier, le flûtiste les mérites du gitan ou ceux du basque : le premier,
Magic Malik, le pianiste Bojan Z et le batteur Ari comme joué par ses renversantes estafilades
Hoenig… et une brochette de musiciens argentins guitaristiques, peut nous faire douter qu’un Django
rencontrés à la faveur de projets-étapes. Pourtant, on eût vraiment existé avant lui ; il interpelle le second –
est loin de la quincaillerie vaguement tiers-mondiste : tout aussi « facile », mais chez qui ont filtré d’autres
le projet est intégré, cohérent, limpide dans son références que celles de la manoucherie en cour –,
cheminement mélodique. Cette world qui est avant tandis que ce dernier l’éclaire, l’allume, l’illumine. Mais
tout son monde, et non le fantasme d’un zappeur aucun ne s’y brûle les doigts. C’est un duo de guitares
planétaire qui tremperait son sax dans tous les brouets comme on n’osait même plus y penser, célébrant
indigènes, marque une nouvelle maturité dans le jazz en tête à tête ce passé des cordes à la française qui
que produit notre vieille Europe. n’a jamais eu autant d’avenir.
F. L. F. L.
#!794801-hhaecb! )!0CEJ83-dcbbfe!
• Sur les traces des compositeurs espagnols comme • Depuis que le tango et les milongas argentins
de Falla ou Albeniz, le pianiste explore ses racines font partie des états d’âme musicaux du public
andalouses avec un sextette cosmopolite où français, l’accordéon a délaissé son unique attirance
le tromboniste Gary Valente, expressif au possible, pour les fesses frôleuses du Balajo et autres origines
et le trompettiste allemand Claus Stötter émergent balochardes. Sans quitter son ancrage populaire,
nettement. Il ne s’agit pas ici de faire dans il compose aujourd’hui avec la musique « sérieuse ».
l’espagnolade, mais bien de s’inspirer de certains Il y a souvent chez l’accordéoniste une dimension
modes ou, plus simplement, d’un tempérament, nostalgique et Daniel Mille incarne sans doute mieux
pour aboutir à ce jazz expressif où fierté et poésie qu’aucun autre cet étirement de l’âme qui se retrouve
des contrastes apportent un éclairage tranché dans celui du soufflet de son instrument. Ici, les
aux compositions du leader. Lequel confirme ici qu’il invités participent à l’écriture de cette prose poétique
reste une valeur sûre lorsqu’il s’agit d’explorer avec marquée – en teints pastel – par de superbes lignes
la liberté du jazzman les cultures musicales ibères, mélodiques. Et c’est l’occasion de retrouver comme
dans une veine mélodique ouverte… arrangeur paysagiste des cordes un grand sensible des
F. L. musiques sans frontières : Khalil Chahine.
F. L.
46 C’est déjà demain
&!14JAC5-aibhbb! &!07FBE5-gbecbb!
• Avant ses récentes retrouvailles avec Claude • Sous la houlette de deux « metteurs en énergie »
Barthélémy au sein du quartette Distances, doublés d’instrumentistes confirmés (Pierre Bertrand,
les paysages où aimait se lover le saxophone (ténor, saxophoniste, et Nicolas Folmer, trompettiste)
alto ou soprano) de Jean-Marc Padovani (né en ce big band s’est trouvé une personnalité où se lit
1956 à Villeneuve-lès-Avignon) se distinguaient par en filigrane l’héritage de Thad Jones et Mel Lewis,
une chaleur expressive et une constante référence mais aussi de Bob Mintzer ou Vince Mendoza. Conçu
à des thématiques et des univers méridionaux comme un immense appareil modulaire adaptant
imprégnés de passion. Dans cet album relativement telle section au climat d’une composition, il vrombit,
plus « frais », les Sud qui inspirent et nourrissent son papillonne et respire en se permettant bien des
lyrisme sont plutôt indéfinis et presque sublimés, prouesses arrangées. Sur une thématique méditerra-
striés d’échos de flamenco et de corrida ou d’Orient néenne (flamenco, valse et modes divers…) et en
(soulignés ici par le zarb de Keyvan Chemirani présence d’invités de haut vol (Richard Galliano, Louis
et le ney de Kudsi Erguner) ou colorés d’un accordéon Winsberg, André Ceccarelli, Denis Leloup…) qui en
langoureux (Richard Galliano), comme si les spirales dit long sur la crédibilité de cet orchestre, il nous
et ascensions du chant collectif s’inventaient sous donne une leçon de modernité swingante, lyrique, au
un soleil de minuit. rendu textural superbe (l’occasion de rendre leurs
P. C. lauriers à des musiciens de pupitre qui ont déjà eu
la capacité de sortir des rangs, comme le flûtiste
et saxophoniste Hervé Meschinet ou le trompettiste
Tony Russo).
F. L.
P. C.
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• Ce n’était pas la première fois que ce tromboniste • Auréolé de ses leçons avec Martial Solal, Manuel
et compositeur (né à Chamalières en 1958) participait Rocheman a rapidement conquis les observateurs
à une production aussi composite : on avait pu du jazz par des moyens techniques considérables (aunés
le rencontrer au sein d’Un Drame Musical Instantané, aux runs ébouriffants d’Oscar Peterson) et un goût
de la compagnie Lubat, de la lyonnaise Marmite pour la pensée érudite, voire abstraite, appliquée au
Infernale ou interprète du compositeur Heiner Goebbels, piano. Depuis la fin des années 1980, où il s’est fait
toutes entreprises qui font la part belle à la parole. connaître avec le batteur Simon Goubert et le bassiste
Ici, sous le même intitulé que le film de Marcel François Moutin, son jeu a évolué vers plus de chair,
L’Herbier (1928), Yves Robert a mis son humour et son avec toujours un attachement aux fondamentaux
imagination au service d’une construction quasiment du swing, un lyrisme comme dégrisé par son goût pour
didactique, avec les percussions de Cyril Atef, les réharmonisations, et l’introduction de métriques
les basses de Jean-Philippe Morel, la voix d’Élise Caron, inusitées. Questionné, épaulé par deux rythmiciens
son trombone volubile et, ingrédients décisifs, très en vue de la scène new-yorkaise (Scott Colley
les propos d’un psychanalyste, d’un philosophe, d’une et Antonio Sanchez), le pianiste revisite quelques
économiste et d’un analyste financier. D’où une œuvre classiques de Cole Porter à Michel Legrand et donne
intimidante et fascinante. à entendre ses nouvelles compositions : il y a là
P. C. un idéal de la modernité virtuose au piano.
F. L.
52 C’est déjà demain
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• Une bonne idée : revisiter les compositions • À la différence de nombreux « créateurs », le saxo-
de Django en leur donnant un tour actuel, avec une phoniste et clarinettiste Louis Sclavis, né à Lyon
instrumentation qui n’entre pas nécessairement en 1953 et « découvert » sur la scène nationale du jazz
dans l’évangile manouche. L’orgue Hammond de Benoît au sein du Free Jazz Worshop (pilier fondateur de
Sourisse et la guitare de Romane rivalisent d’ingénio- l’Association à la recherche d’un folklore imaginaire),
sité sur un contrepoint, quand ils ne scellent pas leur n’a jamais envisagé son travail hors de la société
destin virtuose sur un unisson (cf. : Rythme futur), où il se construit, abordant chacun de ses nombreux
alors que la batterie d’André Charlier et la basse « projets » en écho ou reflet de contextes et propos
de Marc-Michel Le Bévillon tiennent la maison (en précis et mettant sa maîtrise pluri-instrumentale
apportant grâce à ce dernier plus d’épaisseur dans et une sonorité aussi limpide que contrastée au service
les graves). Très beau disque et, naturellement, d’un « message » sans complaisance, comme ici, avec
la preuve que ce guitariste élégant et intuitif Médéric Collignon, le violoncelliste Vincent Courtois
a suffisamment pensé le sujet pour ne pas susciter et le guitariste Hasse Poulsen, dans des « paysages »
de regrets sur ce parricide éclairé. d’une Naples nullement touristique, dont il serait,
F. L. pour reprendre le titre d’une de ses compositions,
le « Guetteur d’inaperçu ».
P. C.
P. C.
54 C’est déjà demain
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• Né en 1963 d’un père musicien amateur, ce • Il est intéressant de réécouter le premier CD
Bourguignon bardé de prix de conservatoire, notamment du pianiste que les observateurs ont rapidement fait
de percussion, et à qui l’on doit la création il y a crouler sous les médailles (Django d’Or, Victoire
vingt ans d’un festival de jazz à Couches, a fait montre de la Musique… et autres récompenses.) Son trio
d’une efficace et éclectique frénésie en tant que possédait déjà cette malléabilité que beaucoup
vibraphoniste et inventeur de « projets » : de ses ne voient jamais venir (le contrebassiste Clovis Nicolas
œuvres en trio, dont un émouvant hommage à Jacques et le batteur Tony Rabeson ne sont pas des virtuoses
Tati, à la direction, à partir de 2005, de l’Orchestre expansifs mais tout leur art se lit entre les lignes, dans
national de jazz, occasion d’enrichir les « cépages » cette manière légère d’être sur le qui-vive pour leurs
du jazz d’éléments de rock (empruntés au répertoire partenaires). Quant à Baptiste, il joue entre virtuosité
de Led Zeppelin) ou, comme ici, de piments et et visite adroite, indétectable, à la généalogie
exhausteurs du « trafic électronique », sans oublier son du piano contemporain (Martial Solal, Kenny Werner,
talent de soliste, qui lui permet de faire merveille Herbie Hancock à peine) avec un bagage classique
aussi bien avec le Vienna Art Orchestra que lorsque qui aide forcément à délier ses doigts. C’est brillant,
le son de son vibraphone aromatise l’écrin orchestral enjoué, et il ne fallait pas grand-chose pour que
d’une voix. ça émeuve… Aujourd’hui, il en est capable.
P. C. F. L.
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• C’est le prolongement de son précédent CD, tout • Pianiste encadré d’une contrebasse et d’une
aussi convaincant d’ailleurs : le trompettiste, loin batterie, il avait commencé de s’imposer en 1987
de ses premiers ébats qui le situaient dans la galaxie (ce Français né à Washington avait alors vingt-sept ans)
d’un post-bop contemporain, creuse son nouveau sillon : comme l’un des plus prometteurs dépoussiéreurs
actualisation des climats électro-acoustiques de be-bop, idiome qu’il connaît en profondeur à force
mi-groove, mi-funk et autres mystères modaux en de l’avoir pratiqué en compagnie des meilleurs jazzmen
vogue au début des années 1970 (un autre trompettiste, nord-américains lors d’une carrière d’abord new-
Eddie Henderson, y laissa des traces dans une veine yorkaise. Soucieux de développer son discours au-delà
parfois « spatialisée »). Le bonheur musical naît ici de cette « tradition moderne », il a ensuite exploré
de la redécouverte de ces timbres uniques (le clavier les possibilités « électro » et informatiques tout
Fender Rhodes en particulier) et de la lisibilité des en cultivant une excitante surenchère rythmique. Ici,
motifs rythmiques restylés drum’n bass, occasion pour de retour à ses premières amours pianistiques, il
Erik Truffaz de se glisser élégamment dans les oripeaux intègre à une palette de plus en plus ample aussi bien
de Miles Davis. Question musique, il s’agit plus l’ellingtonienne « Fleurette Africaine » qu’un « Quiet –
de moments que de phrases à proprement parler, Not Quite » qui se mue en torrent hyperromantique ou
le parler – justement – étant dévolu au rappeur Nya… en un blues à valeur de mot de la fin emblématique.
Effet de mode qui ne change rien à l’affaire : c’est P. C.
une remise au goût du jour, mais c’est fait avec un vrai
talent et un penchant d’esthète pour l’ellipse.
F. L.
56 C’est déjà demain
Z Bojan
Xenophonia [2005]
[Label Bleu/Harmonia Mundi, 2006, 1 CD.]
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• Chez Bojan Z, pianiste d’origine yougoslave,
l’expérimentation présente l’avantage de se matéria-
liser par des musiques écoutables, ce qui ne leur ôte
rien de leur aspect prospectif. Prétexte à quelques
trouvailles sonores, sa mise au point du « xénophone »
(instrument au nom malheureux dont le son tient
à la fois du piano électrique Wurlitzer et, assez
curieusement, du cymbalum, qui nous renvoie donc
aux timbres centre-européens) est le pilier de cet
album où se mêlent blues, mélodies balkaniques,
jazz et improvisation libre. Tout cela pourrait vite
susciter un bâillement poli, mais ce diable de pianiste
est fait pour nous communiquer cette énergie
pluriculturelle dont il est pétri. Omniprésents
dans son jeu : la danse, les détournements ludiques,
un ancrage rythmique permanent, et une capacité
d’écoute hors pair. Même sa version de Ashes
to Ashes, tube de David Bowie, semble naturellement
trouver sa place au milieu de ce CD surprenant
de A à… Z.
F. L.
A
30 AGOSSI Mina Well You Needn’t [2005]
30 ALOUR Sophie Uncaged [2006]
31 ANTOINE Hervé Road Movie [2005]
14 ARFI L’Arfi, Maison fondée en 1977 [2007]
31 ARTERO Patrick 2 Bix But Not Too Bix [2004]
7 ARVANITAS Georges [Trio] In Concert [1970-1969]
32 AVITABILE Frank Short Stories [2006]
B
14 BADINI Gérard Scriabin’s Groove [2005]
15 BARTHéLéMY Claude Moderne [1983]
32 BELMONDO Lionel Hymne au soleil [2002]
43 BÉNITA Michel, Lê N’Guyên et ERSKINE Peter ELB [2000]
33 BETHMANN Pierre (de) Oui [2006]
33 BEUF Stéphane Another Building [2003]
34 BEX Emmanuel Conversing with Melody [2003]
15 BOLLING Claude Rolling with Bolling [1973-1983]
10 BOUSSAGUET Pierre et LAFITTE Guy Crossings [1997]
7 BRUN Philippe, COMBELLE Alix et EKYAN André Intégrale Django Reinhardt Vol. 9 [1939-1940]
29 BUCKNER Milt et ZANINI Marcel Blues & Bounce [1976]
C
16 CARATINI Jazz Ensemble From the Ground [2003]
16 CECCARELLI André Carte Blanche [2003]
34 Chassagnite François Un Poco Loco [1999]
35 CHASSY Guillaume (de) et YVINEC Daniel Chansons sous les bombes [2004]
17 CHAUTEMPS Jean-Louis 06 [1988]
35 COLLIGNON Médéric Jus de bocse – Porgy and Bess [2004]
7 COMBELLE Alix, BRUN Philippe et EKYAN André Intégrale Django Reinhardt Vol. 9 [1939-1940]
36 COQ Laurent [Blowing Trio] The Thing to Share [2006]
36 CORNELOUP François Jardins ouvriers [1998]
37 CUGNY Laurent A personal Landscape [2000]
58 index
D
37 DOMANCICH Sophia Pentacle [2002]
8 DOUBLE SIX Double Six [début des années 1960]
38 DUCRET Marc Qui parle ? [2003]
38 Ducros Anne Close your Eyes [2003]
E
7 EKYAN André, COMBELLE Alix et BRUN Philippe Intégrale Django Reinhardt Vol. 9 [1939-1940]
39 El-Malek David Talking Cure [2003]
39 EMLER Andy MegaOctet : West in Peace [2007]
43 ERSKINE Peter, BÉNITA Michel et Lê n’guyên ELB [2000]
17 ESCOUDÉ Christian et HADEN Charlie Gitane [1978]
F
18 FERRÉ Boulou et Elios The Rainbow of Life [2003]
43 FLEISCHER Zool et LELOUP Denis Zooloup [2003]
G
18 GALLIANO Richard [New York Trio] Ruby my dear [2004]
8 GRAILLIER Michel Dream Drops [1981]
9 GRAPPELLI Stéphane Le Toit de Paris [1969]
40 GUILLAUME Stéphane Intra-Muros [2006]
H
17 HADEN Charlie et ESCOUDÉ Christian Gitane [1978]
19 HODEIR André Jazz & Jazz [1956]
19 HUMAIR Daniel Baby Boom [2003]
28 HUMAIR Daniel, MICHELOT Pierre HUM (Humair Urtreger Michelot) [1999]
et URTREGER René
40 HUTMAN Olivier Five in Green [2003]
J
20 JEAN-MARIE Alain Biguine Reflections [1992]
20 JEANNEAU François Techniques douces [1976]
9 JENNY-CLARK Jean-François Solo [1994]
K
41 KASSAP Sylvain Boîtes [2005]
41 KER OURIO Olivier Siroko [2005]
42 KONTOMANOU Elisabeth Waitin’ for Spring [2005]
L
10 LAFITTE Guy et BOUSSAGUET Pierre Crossings [1997]
44 LAGRÈNE Biréli et LUC Sylvain Duet [2000]
21 LAZRO Daunik Outlaws in Jazz [1993]
21 LEGRAND Michel Legrand Jazz (avec Miles Davis) [1958]
42 LE LANN Éric et TOP Jannick Le Lann « Top » [2006]
43 Lê N’Guyên, ERSKINE Peter et BÉNITA Michel ELB [2000]
43 LELOUP Denis et FLEISCHER Zool Zooloup [2003]
22 LOCKWOOD Didier Tribute to Stéphane Grappelli [2000]
22 LONGNON Jean-Loup Cyclades [1992]
23 LOUISS Eddy Sang mêlé [1987]
23 LOUISS Eddy, LUBAT Bernard, TRUSSARDI Luigi ô Toulouse, Live at FIP [2005]
et VANDER Maurice
44 LOURAU Julien The Rise [2001]
24 LUBAT Bernard Scatrap Jazzcogne [1994]
23 LUBAT Bernard, LOUISS Eddy et TRUSSARDI Luigi ô Toulouse, Live at FIP [2005]
et VANDER Maurice
44 LUC Sylvain et LAGRÈNE Biréli Duet [2000]
M
45 MACHADO Jean-Marie Andaloucia [2005]
28 MICHELOT Pierre, HUMAIR Daniel HUM (Humair Urtreger Michelot) [1999]
et URTREGER René
60 index
N, O
47 OLIVA Stephan et RAULIN François Tristano [1999]
47 OLIVIER Isabelle Island # 41 [2005]
54 l’ONJ et TORTILLER Franck Électrique [2007]
P
48 PADOVANI Jean-Marc Nocturne [1993]
48 PARIS JAZZ BIG BAND Mediterraneo [2001]
49 PEDRON Pierrick Deep in a Dream [2005]
10 PEIFFER Bernard [Trio] Plays Standards [1954]
11 PERSIANI André The Real Me [1970]
11 PETRUCCIANI Michel Music [1988]
49 PIFARELY Dominique et SCLAVIS Louis Acoustic Quartet [1994]
50 PILC Jean-Michel Together – Live at Sweet Basil [1999]
24 PORTAL Michel Birdwatcher [2006]
R
47 RAULIN François et OLIVA Stephan Tristano [1999]
12 REINHARDT Django Pêche à la mouche [1947-1953]
12 RENAUD Henri All Stars [1954]
50 RICHARDEAU Xavier Everlastin’ Waltz [2004]
51 ROBERT Yves L’Argent [2005]
51 ROCHEMAN Manuel Cactus Dance [2006]
52 ROMANE Djangovision [2003]
25 ROMANO Aldo To be Ornette to be [1989]
S
25 SARDABY Michel [Trio] Night in Paris live [2005]
52 SCLAVIS Louis Napoli’s Walls [2002]
49 SCLAVIS Louis et PIFARELY Dominique Acoustic Quartet [1994]
26 SOLAL Martial Exposition sans tableau [2005]
46 SPÁNYI Emil et MONNIOT Christophe Ozone [2005]
T
53 TCHAMITCHIAN Claude New Lousadzak : Human Songs [2006]
53 TERRASSON Jacky Smile [2002]
26 TEXIER Henri An Indian’s Week [1993]
27 THOLLOT Jacques Quand le son devient aigu, jeter la girafe à la mer [1971]
27 TISSENDIER Claude Ellington Moods [1999]
42 TOP Jannick et LE LANN Éric Le Lann « Top » [2006]
54 TORTILLER Franck et l’ONJ Électrique [2007]
54 TROTIGNON Baptiste Fluide [1999]
55 TRUFFAZ Erik Bending New Corners [1999]
23 TRUSSARDI Luigi, LOUISS Eddy, LUBAT Bernard ô Toulouse, Live at FIP [2005]
et VANDER Maurice
28 TUSQUES François Free jazz [1965]
U, V
28 URTREGER René, MICHELOT Pierre HUM (Humair Urtreger Michelot) [1999]
et HUMAIR Daniel
23 VANDER Maurice, LOUISS Eddy, LUBAT Bernard ô Toulouse, Live at FIP [2005]
et TRUSSARDI Luigi
13 VILLERS Michel (de) Danse à Saint-Germain-des-Prés [1958]
29 VITET Bernard La Guêpe [1971]
W, Y, Z
55 WILDE Laurent (de) The Present [2006]
13 WILEN Barney Jazz sur Seine [1958]
35 YVINEC Daniel et CHASSY Guillaume (de) Chansons sous les bombes [2004]
29 ZANINI Marcel et BUCKNER Milt Blues & Bounce ! [1976]
56 Z Bojan Xenophonia [2005]
62
culturesfrance et le jazz
La France bénéficie dans le domaine du jazz d’une offre de très haut niveau.
culturesfrance propose un nouveau programme, Jazz Primeur, destiné
à promouvoir la génération montante.