Oral en Inter Cours Complet
Oral en Inter Cours Complet
Oral en Inter Cours Complet
2023 / 2024
L'ORAL EN INTERACTION
LFD1C2M1
Laurence Vignes
Ce cours est strictement réservé à l’usage des étudiants inscrits en Enseignement à Distance de l’Université de Rouen et n’est pas destiné à une utilisation
collective (sauf accord explicite). Les personnes qui s’en serviraient à d’autres usages, qui en feraient une reproduction intégrale ou partielle, une
traduction, sans le consentement de son auteur s’exposeraient aux poursuites judiciaires et aux sanctions pénales prévues par la loi.
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UNIVERSITE DE ROUEN - DESCILAC
INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES
Ouvrages de référence :
Geneviève-Dominique DE SALINS, 1993.Une introduction à l'ethnographie de la communication,
pour la formation à l'enseignement du FLE, Didier, Paris.
Élisa RAVAZZOLO, et al. 2015. Interactions, dialogues, conversations : l'oral en FLE, Hachette
FLE. Paris.
INTRODUCTION
-vous sensibiliser à la complexité des situations d'interactions authentiques. Pour ce faire, la pratique
(au moins une fois) du travail de transcription d'oral est nécessaire. Nous vous demandons d'effectuer
une transcription qui sera une partie de votre évaluation (voir ci-dessous). Ce travail peut trouver une
application didactique : il s'avère en effet intéressant de comparer les documents pédagogiques
présentés dans les méthodes (dialogues) à des transcriptions d'oral authentiques pour faire prendre
conscience aux apprenants des différences entre les deux, et mieux les préparer à d'éventuelles
interactions avec des locuteurs L1 du français.
- vous présenter des outils d'analyse de l'oral en situation d'échange. Ces outils ne forment pas
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directement des contenus d'enseignement, comment peuvent l'être les actes de parole (apprendre à
saluer, à se présenter, à protester ...) ou les genres oraux (narratif, explicatif, argumentatif). Ils
permettent plutôt de poser des cadres de compréhension aux situations de communication orales, et
partant, de mieux comprendre le fonctionnement de ces situations, ainsi que de développer des
horizons d'attente.
MODALITES DE L'EXAMEN
2) L'examen proprement dit (il sera évalué sur 14 points) : il s'agira de répondre à des questions
portant sur le cours, de commenter et d'illustrer les points à présenter.
Votre note finale sera donc composée de la somme des points obtenus à la transcription (+ axes) sur
6 points et à l'examen sur 14 points.
Si l’évaluation se compose d’un dossier, il sera évalué sur 20 points (transcription sur 6, analyse sur
14).
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BIBLIOGRAPHIE DÉVELOPPÉE
Guy BARRIER, La communication non verbale, aspects pragmatiques et gestuels des interactions,
ESF éditeurs, collection formation permanente.
Cet ouvrage, au carrefour de la psychosociologie et de l’analyse conversationnelle examine de quelles manières
certaines modalités corporelles (voix, regard, gestes, postures) peuvent renforcer, réguler, compléter ou contredire
le discours.
Margarida CAMBRA GINE, 2003, Une approche ethnographique de la classe de langue, Didier,
Collection LAL.
Une description culturelle de la classe de langue qui s’appuie sur l’observation et l’analyse des actions et propos
des acteurs de la classe.
Francine CICUREL, Violaine BIGOT, 2005. Les interactions en classe de langue, Le français dans
le monde, Recherches et applications.
Francine CICUREL, 2011, Les interactions dans l'enseignement des langues, agir professoral et
pratiques de classe, Didier.
Erving GOFFMAN, 1973. La mise en scène de la vie quotidienne, 1 La présentation de soi, 2 Les
relations en public, Éditions de Minuit.
« Goffman élabore dès La présentation de soi, son premier livre, les instruments conceptuels et techniques à partir
desquels s'engendre une des œuvres les plus fécondes de la sociologie contemporaine (...) en s'accordant pour
tâche de réaliser une ethnographie de la vie quotidienne dans nos sociétés, La présentation de soi peut être tenu pour
un des ouvrages qui sont au fondement du courant interactionniste et, plus généralement, de la nouvelle sociologie
américaine. » (4ème de couverture)
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Claire KRAMSCH, 1991. Interaction et discours dans la classe de langue, Didier LAL.
(Indisponible)
L'ouvrage fait le point sur une approche interactionniste de l'enseignement des langues en milieu
scolaire, et offre une typologie d'activités et de pratiques pédagogiques pour l'apprentissage du
discours interactif.
Élisa RAVAZZOLO, et al. 2015. Interactions, dialogues, conversations : l'oral en FLE, Hachette
FLE. Paris.
Robert VION, (1992 1ère éd.), 2000. La communication verbale. Analyse des interactions, Hachette,
Paris.
Corinne WEBER, 2013, Pour une didactique de l'oralité, Enseigner le français tel qu'il est parlé.
Les Editions Didier, Paris.
Li Hua ZHENG, Les Chinois de Paris et leurs jeux de face, 2000, L'Harmattan.
REFORME DE L'ORTHOGRAPHE
Vous serez peut-être surpris de ne pas trouver d'accent circonflexe sur les lettres "i" et "u". Nous
avons en effet respecté les recommandations proposées par le Conseil supérieur de la langue française
et publiées au Journal Officiel de la République Française du 6 décembre 1990. En vertu desquelles
"l'accent circonflexe disparait sur le "i" et le "u". Sauf dans de rares exceptions : les terminaisons
verbales du passé simple et du subjonctif, ainsi que les homographes : "jeûne", "dû", "mûr" "sûr" et
les formes de croitre qui pourraient être homographes de celles de croire.
Précisons que les autres règles peuvent être consultés dans l'ouvrage de Chantal CONTANT, 2009,
Grand vadémécum de l'orthographe moderne recommandée, cinq millepattes sur un nénufar
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PARTIE 1
LA TRANSCRIPTION
Vous pouvez vous reporter, pour ces questions aux ouvrages suivants :
1 Introduction
Lorsqu'il est question de réaliser une analyse, la mémoire qu'un participant (ou un observateur) peut
avoir d'une interaction est insuffisante. En effet, la mémoire agit comme un filtre, qui ne va conserver
et interpréter que ce qui correspond aux centres d'intérêt de la personne. Un magnétophone ne fait ni
sélection ni synthèse quant au verbal, il permet autant de retours en arrière que nécessaire. S’il
enregistre les éléments vocaux (soupirs, bruits divers) en revanche, il n'enregistre pas les éléments
non sonores (proxémiques, kinésiques, visuels, olfactifs).
Cet enregistrement va devoir ensuite être transcrit. Il s'agit d'une étape essentielle. En effet, on va
passer de l'oral à l'écrit, et donc d'une inscription (celle de la parole) dans le temps, à une
inscription (celle de l'écrit) dans l'espace.
Transcrire, c'est établir, fixer le fait langagier : tout ce qui n'a pas été noté, ou mal noté fera
sens. C'est pourquoi il faut apporter grand soin à cette étape. Transcrire c'est établir un texte.
Il faut alors se situer entre deux pôles et rechercher un équilibre entre la fidélité à ce qui a été dit, et
la lisibilité de la transposition par écrit.
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classiques, signale C. Blanche-Benveniste, (op. cit.) pour disqualifier le parler de certains locuteurs,
enfants, provinciaux ou parlers jugés déviants ou populaires :
Ex. "La fermière qui méditait, reprit :
-Cent francs par mois, c'est point suffisant pour nous priver du p'tit, ça travaillera dans quéqu'zans
ct'éfant ; i nous faut cent vingt francs." Maupassant, « Aux champs ».
Ce n'est pas (seulement ?) par fidélité que Maupassant choisit de transcrire ainsi le parler de la
fermière, il cherche surtout à exhiber (et à stigmatiser) un parler non normé. Le problème du “trucage
orthographique” est donc qu’il fixe ou parfois même projette des stéréotypes sociolinguistiques sur
les données : c’est souvent le cas du transcripteur débutant qui entend des fautes où il n’est question
que de variation de la grammaire de l’oral. On ne peut cependant éviter que les pratiques de
transcription soient “productrices de catégorisation” (Mondada, 2002 : 62). Il s’agira alors de les
prendre en compte au cours des analyses.
-Il n'est pas si facile "d'entendre" la langue parlée, car la perception est modelée par l'interprétation.
Nous choisissons l'interprétation la plus plausible, en fonction du contexte, par ex. entre "l'impression
d'un puits sans fond" ou "d'un puissant fond", "ce qu'il apprit", "ce qu'il a pris".
Lorsqu'il devient difficile de choisir : par ex. "La patrie c'est le pays où l'on est/ où l'on naît", on a
affaire à un calembour, (ils sont le ressort de nombreuses chansons de B. Lapointe, par ex. ! Un petit
exemple, juste pour le plaisir : "ma mère dit la paix niche / la péniche, dans ce mari niais / Ma mère
dit la péniche dans ce marinier"...)
C'est toujours en reconstruisant ce que le locuteur a voulu dire, que nous reconstruisons plus ou moins
bien ce qu'il a dit.
-C'est pourquoi il peut arriver de faire des surinterprétations, de corriger, de faire des lapsus
d'écoute, et ce sans que l'on s'en rende compte ! Il faut alors évaluer soigneusement (transcrire prend
beaucoup de temps !) et ne pas hésiter à faire vérifier la transcription en demandant à un tiers ce qu'il
a entendu. Ceci est particulièrement important lorsque le transcripteur travaille en français langue
étrangère.
3 Conventions de transcription
Nous l'avons dit, transcrire, revient à effectuer des choix, puisque l'on ne peut (sous peine de devenir
illisible) tout transcrire. Ces choix se font en fonction des intérêts et hypothèses du chercheur, selon
ce à quoi il choisit de s'intéresser. Une transcription doit donc révéler l'intérêt de celui qui l'a produite.
C'est pourquoi il faudra, lorsque vous effectuerez des transcriptions, présenter et justifier vos choix.
Nous proposons, à la suite de B. Gardin, d'adopter une transcription orthographique améliorée, qui
note des éléments énonciatifs signifiants tels que les silences, les ratages divers, les hésitations, les
chevauchements dans le dialogue (cf. l'article "Le dire difficile et le devoir dire", B. Gardin, in
DRLAV, n° 39, 1988, "L'usage des mots"). Il parait important d'ajouter des éléments extra-
linguistiques (kinésique et proxémique) lorsqu'ils sont significatifs.
N.B. Les signes de ponctuation usuels, point et virgule ne seront pas employés dans la
transcription.
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Ne pas noter le même phénomène de différentes façons.
Noter systématiquement tous les phénomènes retenus (que l’on a choisi de noter, en fonction de
l’analyse).
1) Identification des tours de parole Les tours de parole doivent être numérotés. Un tour se
distingue par un changement de locuteur, et peut occuper un nombre de lignes très variable. On peut
numéroter les tours de paroles de chacun des locuteurs pour une meilleure lisibilité.
3) Tours
3 1 enchainement immédiat
= indique qu'il n'y a pas de pause entre la fin d'une réplique et le début d'une autre. Les deux
tours de parole s'enchainent immédiatement, sans micro-pause inter-tour.
3 2 silence et pause
/ indique une pause (un petit silence)
// indique une pause plus longue
/// idem
On peut éventuellement mesurer les silences avec un appareil, et s'il est nécessaire, faire figurer cette
mesure dans la transcription. On recourt à ce procédé dans le cas d’interactions qui présentent des
silences longs.
3 3 chevauchement
Le soulignement indique les segments qui se chevauchent dans chacun des tours (dans la présentation,
on essaie de superposer ces segments) :
4) Production de la parole
4 1 Allongement
: indique un allongement de la syllabe
les : : sont répétés en fonction de l’allongement de la syllabe.
4 2 Segments inaudibles
Les segments incompréhensibles sont représentés par des xxx. On note autant de x que de syllabes
repérables, afin de donner une idée de la longueur du segment manquant, cela n'a pas besoin d'être
très précis. Si l’on n’arrive pas à percevoir le nombre de syllabes, on peut indiquer (inaudible)
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Ex. (r) indique que le "r" n'est pas prononcé : ex. "lui prend(re) la main". On ne le fait pas pour le e
muet en fin de mot, car c’est la règle générale.
4 4 Interjections on note le « euh » très fréquent d’hésitation par la lettre e. Pour les autres
interjections, elles peuvent être transcrites avec l’orthographe habituelle : ah, aïe, bah, ben, hum, hm
(régulateur), oh là là, ouais, oh, pff, etc.
4 5 Troncation l’abandon d’un mot en cours de production est noté par – (sans espace ni
avant ni après.
Ex. la prononon- la prononciation
4 7 Expiration, soupir
On peut simplement les noter en commentaire du transcripteur <soupir> ou avec h
P h :: enfin
5) Prosodie
6) Commentaires du transcripteur
Il est souvent utile d’ajouter des informations lorsqu’il est difficile ou impossible de transcrire. Cela
peut concerner des comportement vocaux (tousse, se racle la gorge etc. voix chuchotée…) ou non
verbaux (rire, fou-rire général, se met à crier, parle plus vite, moins vite etc.) ou des événements de
tout type (le téléphone sonne, on frappe à la porte etc.) On essaie d’être le plus objectif possible,
sachant que l’objectivité totale est seulement théorique.
On peut aussi mettre entre crochets (ou parenthèses) une autre interprétation (s'il y a une hésitation
entre deux interprétations) ou une transcription phonétique.
Remarque
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On peut enfin choisir d’indiquer d’autres phénomènes que l’on juge significatifs, par exemple le type
de voix, soufflée, craquée (laryngalisation1) ; la prononciation des e muets, le pataquès etc. Il faut
alors indiquer dans les conventions les signes que l’on adopte pour transcrire ces éléments.
Il faut cependant préserver l’équilibre entre précision et lisibilité. Plus la transcription est chargée,
donc précise, moins elle devient lisible.
3 2 Quelques conseils
-Lorsque vous effectuez une transcription, il faudra expliquer et justifier vos choix : quels sont les
signes que vous utilisez, pour quelles raisons. Il n’y a pas UN système idéal de transcription, mais
des possibilités à retenir ou non en fonction de vos objectifs.
-N'oubliez pas de numéroter les lignes ou/et les tours de parole, afin de citer facilement les éléments
de la transcription dans votre commentaire.
-Un grand nombre d’écoutes, au cours desquelles vous entendrez de plus en plus d’éléments est
nécessaire. Inutile de rappeler l’importance primordiale de la qualité de l’enregistrement sonore.
-Écouter et transcrire à plusieurs est une possibilité intéressante de vérifier ses perceptions et
hypothèses.
-Soignez votre travail, car il s'agit d'une étape essentielle, n'oubliez pas : une transcription est déjà
une analyse.
« La question posée par la transcription n’est donc pas simplement un problème technique visant à
résoudre le problème de comment passer de l’oral à l’écrit ou à optimiser la présentation sérieuse,
convaincante ou adaptée au public des données du chercheur. La question interroge plus radicalement
les modes de disponibilité des phénomènes pour l’analyse, ainsi que la reconnaissabilité par l’analyste
des modes particuliers de descriptibilité (accountability) de ces phénomènes dans les conduites des
participants. »
4 Exemple de transcription (et analyse)
Vous allez lire une transcription, ainsi qu'un plan d'analyse dont la partie 4 est rédigée. Ceci doit vous
donner une idée de ce qu'est un travail d'analyse complet, mais ce n'est pas ce qui vous est demandé
dans l'exercice que vous avez à rédiger, transcription + axes d'analyse. Il est demandé d'effectuer la
transcription, puis d'en indiquer les principaux axes d'analyse (mais vous ne devez pas la réaliser
entièrement). Vous pouvez écouter le document audio tout en lisant la transcription.
Christophe Hondelatte (CH) et une auditrice, Cathy (C), dans le cadre de l’émission "le journal, les
auditeurs ont la parole", sur RTL, enregistrée le mardi 4 juin 2002 à partir de 13.35 h.
1« Il est vrai qu’à ce moment-là, dans une France totalement réhabilitée, eeeuuuhhhh… » cet extrait du sketch de
Gad Elmaleh consacré aux « émissions littéraires qui peuvent vous endormir un petit peu » illustre ce type de
sonorité que les linguistes anglophones appellent vocal fry (« friture vocale ») et les francophones «
laryngalisation »ou « craqué vocal ». Aux Etats-Unis, il se retrouve à l’intérieur des mots. Des actrices et des
chanteuses s’en font une spécialité : Scarlett Johansson, Zooey Deschanel, Britney Spears.
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NB Les convention adoptées ici peuvent différer légèrement de celles qui ont été présentées plus haut.
Comme nous l’avons mentionné, la variation est possible, elle répond aux nécessités (également
variables) de l’analyse. Vous trouverez des différences de conventions dans les transcriptions
analysées dans les différents ouvrages de la bibliographie. Il est cependant indispensable de présenter
en amont de toute transcription les conventions de transcriptions adoptées par le scripteur.
= indique qu'il n'y a pas de pause entre la fin d'une réplique et le début d'une autre. Les deux répliques
s'enchaînent immédiatement
(r) indique que le son entre parenthèses n'est pas prononcé : ex. "lui prend(re) la main"
19 CH et le Clamoxyl
20 C e e j'avais du Dafalgan
TRANSCRIPTION
2 Les majuscules des noms propres sont conservées de manière à faciliter la lecture. Nous avons remarqué que leur
suppression « paris » au lieu de « Paris » pouvait générer une difficulté de lecture.
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généralistes et avec lui on a évoqué le dossier des médicaments génériques : on a e deux appels sur
ce thème-là / Cathy bonjour ↓
2C oui bonjour
4C oui écoutez e : / moi je suis e devenue une HANdicapée / e à cause d'un :: / d'un médicament
e Bayer / 1'Amoxicilline ↓
7 CH oui: (il s'agit d'un oui entre le "oui" et le "ouais", qui est réalisé de la même façon dans tout le
passage.)
8C et la :
9 CH la phar
11 CH oui
12 C et depuis bon bah j'ai / j'ai maigri de 10 kilos / / e : je j'ai fait / de l'allergie ALImentaire
13 CH mhm3
15 CH oui
16 C c'est 1'HOrreur ↓
17 CH (aspiration) mais expliquez-moi / e c(e) que vous savez évidemment du dossier / est-ce que
ces DEUX médicaments l'Amoxicilline et e
18 C e e j'avais ↑
19 CH et le Clamoxyl
20 C e e j'avais du Dafalgan
22 C j'avais du Dafalgan
3 Le transcripteur choisit de traiter ces éléments comme des tours de paroles. Il était également possible de les
considérer comme des régulateurs. Ce point est détaillé au chapitre 6 du cours.
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23CH oui
2.5 CH oui
26 C e anti-douleurs quoi
27 CH oui / et alors i(l) y a eu vous avez / pour vous ça a été : deux médicaments incompatibles ↑28
29 CH mais à votre connaissance est-ce que le Clamoxyl et l'Amoxicilline ne sont pas DEUX
médicaments EXACtement e :
35 CH oui /
38 C non
41 CH e : Cathy / est-ce que vous avez fait faire une expertise pour vérifier que c'est bien CA la source
de votre mal
44 C (soupir court) mais e (soupir court) / / mais comment faire pour e avoir une expertise ↓
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45 CH mais c'est-à-dire une fois que vous avez constaté que vous étiez e / vous étiez malade et que
vous avez attribué ça vous au générique / est-ce que vous êtes allée voir un médecin pour le
VErifier que c'était le générique qui était responsable ↑ /
46 C (court soupir) bah mon médecin le sait le sait mais bon ben=47
CH mm
49 CH j'en / j 'entends que que que vous n'avez pas vérifié grand chose quand même parce que c'est
une accusation grave que vous dites là / / est-ce que vous avez e porté PLAINTe ↑ saisi la justice pour
ça ↓
50 C (long soupir) écoutez les : les personnes qui sont e : : / qui sont décédées ou : e qui qui se
plaignent e par e l'antibiotique e par e : : l'anti e : : mm oh (elle ne trouve pas le mot)
51 CH E le générique ↑
52 C non e :
53 CH oui
54 C diabétique =
55 CH oui =
57 CH ok / Cathy je vous remercie ↑ / j'attire simplement l'attention des auditeurs / que e dans la
mesure où cette auditrice n’a pas e : / e pu vérifier par des e : par des analyses complémentaires la
responsabilité du générique il était / difficile quand même d'impliquer un laboratoire e de
1'importance de Bayer / je le dis parce que parce que : en disant ça / on est passible de : de
procédure et de poursuites / et que donc il faut être extrêmement prudent / Marie-Françoise bonjour
(dans ce dernier tour de parole, le débit est très rapide).
(l'enregistrement s'arrête juste avant la fin du tour, et on entend pas « Marie-Françoise bonjour ».)
PLAN DE DOSSIER
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4 Analyse thématique : le thème s'est dégagé au cours de l'analyse linéaire : qui a fait ressortir des
éléments récurrents, et où une face cachée de l'interaction s‘est révélée (au cours de laquelle les buts
réels se sont montrés, en opposition ou complément des buts officiels).
Nous développons, dans le texte qui suit, l'analyse thématique, en partant de la question suivante : le
témoignage annoncé se transforme en mise en accusation : comment et pourquoi ?
Analyse thématique
1 Évolution du comportement de CH
1 1 Le rôle ambigu de l'animateur : aide au témoignage ou entrave ?
Le fait que l'auditrice ait été sélectionnée (par le standard) pour passer à l'antenne montre que son
témoignage a été jugé recevable, digne d'intérêt. Or très rapidement, CH au lieu d'aider Cathy à
produire son témoignage vient l'entraver, de plusieurs façons.
Il la « bouscule » sous prétexte de l'aider à trouver ses mots, les rythmes de chacun des deux
interlocuteurs est très différent. Cathy hésite, parle lentement, avec des difficultés. En tant que
professionnel de la radio, l'animateur parle avec assurance, de façon beaucoup plus rapide. Dès le
tour de parole 5 la précision "qui est un médicament générique" perturbe Cathy : elle répète un
fragment de 1'énoncé de CH "qui est un", on voit que son vouloir dire "le médecin" se télescope avec
le mot de CH "le médicament", et produit des trébuchements : "e le médi le médi le médecin".
Il oriente sa question lorsqu'il la répète : "ne sont pas deux médicaments EXACtement" (adverbe +
insistance). Il s'agit du phénomène de l'induction.
Il met sa parole en doute : "vous êtes sûre de ça ?" (sous-entendu vous pourriez vous tromper).
La « sentence », lors du TP 49 assène un jugement « j'entends que vous n'avez pas vérifié grand-
chose » et annonce la séquence de clôture/condamnation du tour 57. La question : « est-ce que vous
avez porté plainte, saisi la justice pour ça ? » vise non à obtenir une réponse (puisque Cathy a
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demandé de l'aide au tour 45 (« mais comment faire pour obtenir une expertise »), mais à énoncer
ce qui, dans la logique de CH aurait dû être fait.
A ce moment l'auditrice perd totalement pied : non verbal, (long soupir), propos à la limite de
l'incohérence, elle ne trouve plus ses mots.
Le dernier échange TP 50-56 est une caricature d'aide de CH : fausse aide "le générique ?", régulateur
de faux acquiescement.
2 Réactions de Cathy
L'interaction devenant conflictuelle, Cathy abandonne son projet de témoignage : c'est ce qui justifie
le changement de partie dans le découpage linéaire.
Elle devient une accusée chargée de se défendre, la position haute de CH devient écrasante.
2 1 Le témoignage
2 1 1 Dire difficile
ll apparait de plus en plus clairement au long de l'interaction, que conformément à ses dires, Cathy
est malade. Elle cherche ses mots, elle a aussi du mal à enchaîner les idées de manière explicite. Le
paraverbal montre de façon très perceptible qu'elle éprouve de la difficulté : soupirs, hésitations,
reprises, bégaiements.
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Il s'agit de la question centrale du thème abordé, l'identité entre les médicament génériques et
originaux.
Conclusion : L'appel qui suit l'échange entre Cathy et Christophe Hondelatte, (évoqué de manière
liminaire par CH (« on a e deux appels sur ce thème-là ») nous apporte un point de vue élargi, et
révélateur sur la position de l'animateur. L'auditrice suivante, Marie-Françoise, qui arrive à l'extrême
fin du dernier tour de parole se pose elle aussi des questions sur l'équivalence exacte entre
médicaments génériques et spécifiques. Mais elle procède différemment : elle aborde le sujet sur le
plan cognitif et c'est un tiers auditeur, médecin qui lui apporte une réponse, et lui conseille pour finir
de changer de pharmacie, si celle-ci refuse de lui fournir les médicaments spécifiques prescrits. Le
médecin a justifié le fait que "les médicaments génériques ne sont pas identiques aux produits
originaux" par une explication technique : c'est la galénique, c'est à dire l'enveloppe du médicament
qui est différente, et qui peut éventuellement provoquer des allergies. Et l'animateur ne peut
qu'acquiescer.
On voit donc que la position de CH a été générée par la nécessité de préserver sa face, et non par ses
convictions face à cette question. D'autre part, Cathy, qui dit finalement la même chose que le
médecin spécialiste, n'a pas été entendue, et a même été réduite au silence. L'animateur a usé de
moyens verbaux et interactionnels pour invalider son témoignage, et partant sa personne, en mettant
sa parole en doute. Il est évident que les difficultés éprouvées par la locutrice, à s'exprimer et à
présenter son problème ont permis à CH de prendre facilement la position haute, d'amener celle qui
est devenue son adversaire à un KO verbal. On voit alors combien les caractéristiques personnelles,
psychologiques et sociales des interlocuteurs peuvent influer sur le cours de l'interaction, et partant,
du sens qu'elles construisent.
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PARTIE 2
LES INTERACTIONS VERBALES - INTRODUCTION
1 Sens général
Le mot interaction est un mot « à la mode », que l'on entend souvent. Nous allons essayer de le cerner,
et de le définir dans le cadre de la discipline linguistique qui nous occupe.
L’interaction est conçue comme un « événement communicatif mutuellement construit (on dit aussi
co-construit) par les interactants. Nous voyons l'importance de ces termes « influence mutuelles »,
« actions conjointes ».
La plupart des actions humaines sont des actions conjointes, ce sont des interactions donc. On peut
même dire, selon le premier axiome de l’école de Palo Alto que l’ « on ne peut pas ne pas
communiquer », puisque même le refus de communiquer produit du sens. Par exemple, deux
personnes en présence, qui ne se disent rien et ne se regardent pas, partagent le même espace et
communiquent par des comportements non verbaux. Elles sont donc en interaction.
Plus précisément : Il convient alors de distinguer si l'interaction est verbale (si elle contient de la
parole, est essentiellement langagière) ou non. Cependant, cette opposition entre verbal et non verbal
devient moins évidente si l'on se réfère à la fonction symbolique du langage. En effet, même lorsqu'on
ne parle pas, les opérations cognitives mises en œuvre, et l'enchainement des actions laissent supposer
l'existence d'un discours intériorisé que Bakhtine substitue à la notion traditionnelle de conscience. Il
y a donc du langage intériorisé. C'est aussi ce qui explique le fonctionnement du monologue. Quand
on parle seul, on se crée en fait un interlocuteur (une partie de soi), avec qui l'on dialogue.
R. Vion signale toutefois que « les sciences humaines semblent désormais travailler avec un sujet
social et n'opèrent donc plus à partir du sujet "psychologique" individuel". L'interaction constitue dès
lors une dimension permanente de l'humain, de sorte qu’un individu, une institution, une
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communauté, une culture, s'élaborent à travers une interactivité incessante qui, sans s'y limiter,
implique l'ordre du langage » (1992 : 19).
2 Sens spécifique
2 1 Face à face
On ne peut pleinement parler d'interaction, verbale ou non, qu'en face à face, en coprésence,
lorsque les participants partagent le même contexte spatial et temporel. Dans une telle situation, les
participants se perçoivent par tous les sens (c'est la multicanalité). L'émetteur est en même temps
récepteur, et l'émission est contemporaine de la réception. C'est la rétroaction, qui demande une
proximité. Les deux extrêmes sont constitués par le face à face d'une part, et la communication
différée d'autre part. On parle de communication différée lorsque l'émission et la réception ne se
produisent pas dans le même temps, par exemple pour l'écriture, qui est un mode de communication
différée -hormis dans le cas des “chats”-. Signalons que lorsque l'émission et la réception sont
différées, on ne peut plus parler d'interaction, puisque qu'il n'y a pas de face à face. Des expressions
telles que "viens me le dire en face", "j'ai préféré lui écrire plutôt que le lui dire en face" montrent
bien la spécificité du face-à-face, que l'on oppose à la communication différée (comme l'écrit).
Nous joignons une partie de la définition du Petit Robert ("face") pour illustrer notre propos.
Loc. adv. (1534) en face : par-devant. Regarder quelqu'un en face, le fixer des yeux, soutenir
hardiment son regard. — Il le lui a dit en face, directement. — Fig. Regarder le péril, la mort en face,
sans crainte. « Il faut voir les choses en face, sans biaiser, sans chercher à se leurrer. »
Loc. adv. (XVIIe) face à face : les faces tournées l'une vers l'autre, en vis-à-vis. « Les mains dans
les mains restons face à face » (Apollinaire). Il se trouva face à face avec un ancien camarade (cf.
Nez à nez).
Un face-à-face nom masculin, invariable (1965 ; de face à face) : Débat, portant souvent sur un sujet
politique, entre deux personnalités qui représentent des opinions, des milieux, des intérêts différents
ou divergents. Un face-à-face télévisé entre deux candidats aux élections. Organiser un face-à-face et
une table ronde.
Nous définirons plus loin le sens que prend le mot "face" seul, dans des expressions comme "face
work" ou "protéger sa face".
2 2 Multicanalité
Une conséquence directe du face à face (notez qu’il s’agit de la locution adverbiale et non du nom,
il n’y a pas de tirets entre les mots !), c'est le fait de se percevoir mutuellement par tous les sens. On
parle de communication "multicanale". Il y a, dans une communication face à face des messages
kinésiques, proxémiques, visuels, olfactifs, des messages produits par le contexte, et des messages
linguistiques. Entre les deux extrêmes que sont le face à face d'une part et la communication
différée d'autre part, il existe tout un ensemble de situations où une partie seulement des sens est
sollicitée, ces situations peuvent encore être qualifiées d'interactions. On dit alors que la multicanalité
est réduite, puisque certains sens ne peuvent être utilisés.
Dans le cas de la communication téléphonique, par exemple, on perçoit bien sûr le verbal et
le paraverbal, mais non la gestuelle, les postures et les regards (du moins tant que les écrans sur les
portables ne sont pas monnaie courante...)
Dans d'autres situations, les deux participants peuvent ne pas disposer de certains canaux (ce
qui sollicite davantage les autres), lorsqu'ils sont sourds ou aveugles, par exemple.
On peut aussi évoquer des situations dans lesquelles les interactants ne disposent pas à égalité
des canaux de communication : l'un est caché et voit l'autre qui ne le voit pas, l'un n'entend ou ne voit
pas bien, ou a des difficultés à s'exprimer.
19
Nous envisagerons dans le chapitre suivant ce qui relève du non verbal dans la communication, et qui
exclut donc les messages linguistiques.
2 3 Rétroaction
Une autre spécificité du face à face est la simultanéité de l'émission et de la réception (lesquelles sont
différées dans la communication du même nom). Lorsque le locuteur parle, (qu'il émet, donc),il
reçoit en même temps les réactions à son message sur le ou les récepteurs. Nous sommes donc, à tout
moment, émetteur et récepteur, ce que ne montrait pas, rappelons-le, le schéma de la communication
de Jakobson. Le sujet en interaction est à la fois producteur et interprète, il interprète bien entendu
ses propres paroles, mais aussi il anticipe et s’adapte à l’interprétation qu’enfait son allocutaire, lequel
fait de même : il doit se placer dans la perspective du locuteur pour le comprendre. C’est pour cette
raison que les interlocuteurs doivent être considérés comme des coénonciateurs. Ceci influe
naturellement sur la production en continu du message : le locuteur le module en fonction des
réactions de l'allocutaire, et de ce qu'il interprète de ses réactions. Ainsi, par exemple, si un « je »
locuteur observe une attitude de réprobation, il peut essayer de justifier ou d'atténuer ses dires. S'il
s'agit d'incompréhension, il peut expliquer, reprendre, illustrer... ou ne pas tenir compte de ce qu'il
constate.
C'est la raison pour laquelle, même si j'ai parfaitement préparé ce que je voulais dire, ma production
orale sera différente, forcément modulée par l'allocutaire. C'est aussi ce qui fait que l'on ne parle pas
comme l'on écrit : il y a une syntaxe, une organisation propres à l'oral. Et donc une linguistique de
la parole.
Un autre exemple est celui du conte. La nature profondément orale du conte (compris comme "récit
en prose d'événements fictifs transmis oralement") fait que chaque "récitation" (ou "contage") diffère,
en fonction du public, du cadre, du moment. Il n'est pas indifférent de conter pour un public d'enfants
ou d'adultes, féminin ou masculin, rural ou citadin, dans une salle ou au cours d'une randonnée. Ces
paramètres (et d'autres encore) modèlent la façon de dire, laquelle est tributaire dela façon de
recevoir le conte.
La rétroaction (et la part non verbale de l'interaction) fait que l'enregistrement vidéo devient la seule
solution si l'on veut étudier l'interaction dans sa totalité. Mais il pose aussi des problèmes, en effet
l'enregistrement d'une situation n'équivaut pas, loin s'en faut, à la situation enregistrée. Imaginons que
deux interactants soient placée en face à face. Pour que l'on puisse voir les personnesde face, il faudra
que deux caméras filment et retransmettent simultanément les images. Une troisième image
simultanée pourrait, de biais, donner des informations sur la gestuelle et lespostures de l'ensemble
formé par les deux interactants. Le dispositif devient assez complexe, si l'on veut essayer de donner
des images qui se rapprochent au maximum des faits de l'interaction. Dans un second temps, il faut
envisager les difficultés que posent les transcriptions de corpus vidéo.
C'est pourquoi nous nous limiterons, dans le cadre de ce cours aux aspects verbaux de l'interaction,
avec toutefois une exigence importante quant à la transcription.
2 4 Contenu et relation
Bateson4 pose que toute énonciation présente deux aspects. D'une part le contenu, qui est
l'information transmise, d'autre part la relation qui est le cadre des rapports entre les interactants. La
relation est une "métacommunication", elle englobe le premier aspect, le contenu, en indiquant la
4 Gregory Bateson en 1904 à Grantchester, Royaume-Uni – mort en 1980 à San Francisco) est un
anthropologue, psychologue, épistémologue américain. Influencé par la cybernétique, la théorie des groupes et
celle des types logiques, il s'est beaucoup intéressé à la communication (humaine et animale), mais aussi aux
fondements de la connaissance des phénomènes humains. Il est à l'origine de l'école de Palo Alto.
20
manière dont l'énoncé doit être reçu, à un niveau supérieur, donc. Cela souligne cet aspect de la
relation.
Par exemple "Ouvrez la fenêtre !" En donnant cet ordre, j'exprime mon désir de voir la fenêtre ouverte,
c'est le contenu. Mais en même temps, je signifie à l'autre (celui à qui je donne l'ordre) que je suis en
position de lui donner des ordres, donc hiérarchiquement supérieur. Le destinataire de l'ordre, peut
répondre au contenu en effectuant l'action ordonnée, ouvrir la fenêtre, ou réfuter ce contenu en
expliquant pourquoi il ne peut le faire. Il peut aussi s'intéresser à la relation, et la contester : "pour qui
me prends-tu ?" "je n'ai pas d'ordre à recevoir de toi !", ou la souligner ironiquement "à vos ordres,
chef !". Les combinaisons entre l'action induite par le contenu (ouvrir la fenêtre) et la réaction
provoquée par la relation (contester, souligner etc.) peuvent s'effectuerdiversement. Par exemple :
ouvrir la fenêtre en disant "vous pourriez le demander plus poliment !".
Autre exemple (G.D. De Salins, 1992 : 101) deux refus (ayant un même contenu informatif)
peuvent présenter un aspect relation très différents :
- « Quel dommage, j'aurais adoré être avec vous, mais malheureusement... » (regret sincère)
- « Quoi ? Aller diner chez vous, mais vous n'y pensez pas ! J'ai vraiment mieux à faire... » (insulte
voulue).
Contenu et relation peuvent entrer en contradiction, ils se distinguent alors de manière encore plus
nette. Par exemple, si je dis "Sois indépendant", ou "Aime-moi", je place l'allocutaire dans une
situation contradictoire : s'il accède à ma demande, au niveau du contenu, il réalise par là-même une
relation qui vient contredire ce contenu. L'amour ne peut se commander, de même que le fait de
devenir indépendant se réalise en s'affranchissant de l'emprise (des ordres) d'autrui. C'est ce que l'on
appelle le "double-bind", ou "double contrainte".
Pour conclure, on peut rappeler ce que dit P. Watzlawick (Une logique de la communication,
traduction 1972, Seuil) : Plus une relation est saine, plus l'aspect communication passe au second
plan. Inversement, les relations malades se caractérisent par un débat incessant sur la nature de la
relation, et le contenu de la communication finit par perdre toute importance.
21
3 2 Place de l'énoncé dans l'analyse des interactions
Une situation comprenant deux locuteurs A et B, un énoncé émis par A dans une langue L, peut être
analysée selon divers points de vue.
a) On considère que l'énoncé est une fonction de la langue. On va alors l'extraire de son contexte pour
l'étudier formellement, le but recherché est la description de la langue.
b) On considère que l'énoncé est fonction de son émetteur. On valorise alors la fonction expressive
(centrée sur l'émetteur), l'énoncé est un indice de la personnalité de son émetteur. Si l'énoncé est
littéraire, il sera considéré comme reflétant son auteur. L'analyse énonciative adopte la plupart du
temps ce point de vue.
c) On considère que l'énoncé est fonction de l'interlocuteur. C'est alors la fonction conative (centrée
sur le récepteur) qui est activée. L'énoncé est produit en fonction de son interlocuteur, il s'adapte à
lui. Plus précisément, c'est le rapport social locuteur-allocutaire qui détermine l'énoncé. Ce point de
vue est déjà celui de l'interaction.
d) On considère que l'énoncé est coproduit par A et B. C'est la relation entre A et B qui permet la
production de l'énoncé, ce point de vue est pleinement celui de l'interaction.
On dit alors « parler avec » plutôt que « parler à »
-la parole : et non la langue. L'interaction, contrairement au structuralisme, est une linguistique de la
parole.
-une activité : on s'intéresse plus à l'action qu'à l'énoncé produit. L'action qui est une co- production.
Parler ensemble, c'est réaliser une action qui s'appelle un dialogue, une conversation (parler c'est agir,
il s'agit de la dimension pragmatique de la parole).
22
interlocuteur fictif, un "autre soi". Ce dédoublement parait assez commun, bien que la pratique de
parler seul soit socialement sanctionnée, surtout en public. Lorsque ce dédoublement est constant,
qu'il est réel pour la personne concernée, on peut parler de pathologie.
23
PARTIE 3
LA COMMUNICATION NON-VERBALE
Nous avons dit que ce cours se centrait sur les interactions verbales. Toutefois, il faut rappeler que
le langage n'est pas le seul moyen de communication, et même, il arrive qu'il soit tout à fait secondaire
! Par exemple, dans la relation amoureuse, le regard est bien plus important que lesmots. Il arrive
aussi que les gestes contredisent les paroles. Ce chapitre sera donc consacré à la présentation des
éléments de la communication non-verbale. Ils ne pourront pas être pris en compte directement dans
nos analyses, du fait essentiellement du type de corpus (enregistrements audio). Mais il me parait
important que l'on ait tout de même une idée un peu précise du fonctionnement de ces éléments qui
ont une grande importance dans le déroulement des interactions.
Un premier point est que dans la communication orale, le visuel a autant d'importance que le verbal.
La communication orale se présente comme un système organisé où des éléments de nature
hétérogène sont corrélés de manière variée. Ce système fonctionne sur une double structuration
spatiale et temporelle, et les rapports entretenus entre verbal et non verbal s'établissent autour de trois
possibles que sont la redondance, l'opposition, la complémentarité.
-On parle de redondance lorsque les messages circulant sur les différents canaux vont dans le même
sens : par exemple : "je déteste ça" avec le geste de la main qui repousse et la grimace de dégout.
-L'opposition : lorsque les éléments vont dans des sens contraires, ce qui rend le message ambivalent.
Par exemple, je peux employer des termes menaçants avec un ton amical, cordial. Onne sait alors
s'il faut prendre en compte les menaces ou le ton.
-la complémentarité : c'est le cas des illustratifs dans la typologie de Ekman présentée ci-après :
"donne-moi ça !" accompagné d'un geste qui désigne l'objet.
1 Le paraverbal
(Le classement et les exemples sont ceux de C. Kerbrat-Orecchioni, tome 3 des Interactions verbales)
Il est à noter que le paraverbal est tantôt compris comme appartenant aux éléments non-verbaux,
tantôt comme étant à mi-chemin entre le verbal et le non-verbal. Les enregistrements audio rendent
ces éléments. Ils sont donc à considérer avec attention (Cf. la transcription qui précède).
1 Le débit : la vitesse d'élocution varie considérablement d'une société à une autre, d'un individu à
l'autre et aussi d'un sexe à l'autre (une étude sur les conversations en français entre six étudiants a
montré que les filles parlent globalement 3 fois plus vite que les garçons). Il y a toutefois des
moyennes qui permettent d'affirmer que les Italiens parlent plus vite que les Français, lesquels parlent
plus vite que les Suisses.
Les Japonais ont aussi un débit plus lent que les Occidentaux. Il faut bien voir que ces données
factuelles reposent sur des systèmes de valeurs différents. La lenteur, prisée chez les uns comme
marque de sagesse, de pondération, est dépréciée chez d'autres (les Occidentaux) comme signe
d'hésitation et de lourdeur intellectuelle.
Nous reproduisons, à titre d'illustration, un bref article : « L'art de parler vite sans en dire plus »
M le magazine du Monde | 09.11.2012, Jean-Michel Normand
24
« Ce n'est pas qu'une impression : les Espagnols parlent vraiment très vite. Selon une étude du
Laboratoire dynamique du langage de l'Institut des sciences de l'homme, basé à Lyon, ils prononcent
26 % de syllabes en plus par seconde que les Anglais. Et 50 % de plus que ceux qui parlent mandarin.
L'étude – qui s'est intéressée à l'allemand, à l'anglais, à l'espagnol, au français, à l'italien, au japonais
et au mandarin – constate que le nombre de syllabes disponibles varie de 416 (en japonais) à près de
8 000 en anglais. Pourtant "la vitesse de transmission du message" que l'on veut faire passer est "quasi
constante". En effet, nos voisins espagnols ne transmettent pas plus d'informations, car une syllabe
anglaise ou allemande porte davantage de contenu. En clair, "une langue rapide" comme l'espagnol
ou l'italien a recours à davantage de syllabes pour raconter la même histoire. La dimension culturelle
peut également allonger le discours. C'est notamment le cas en japonais, où les formules de politesse,
très codifiées, "font partie de l'information jugée essentielle à transmettre". Et le français ? Il se
situe dans une zone médiane. Débit point tropsoutenu et densité d'information modérément élevée.
Bref, nous parlons en partie pour ne rien dire mais moins que d'autres. » Jean-Michel Normand.
2 L'intensité vocale : On parle plus ou moins fort selon les sociétés : on parle par exemple plus fort
au Maghreb qu'en France.
3 La hauteur de la voix : On trouve en japonais une plus grande différenciation qu'en anglais entre
la hauteur de la voix masculine (registre de basse, voix gutturale à connotation virile) et celle de la
voix féminine (haut perchée, ce qui connote à la fois féminité et politesse). Lorsqu'ils doivent parler
anglais, les Japonais ont des difficultés avec leur registre vocal : les hommes se sentent féminisés s'ils
s'adaptent aux normes de l'anglais, tandis que les femmes ont l'impression d'être grossières. Mais si
elles conservent leur registre suraigu, cela sonne pour des oreilles anglaises, comme une manifestation
infantile, ou très familière, voire racoleuse.
4 Les intonations (courbes mélodiques, obtenues par la variation de la hauteur de la voix). Elles
peuvent aussi générer des malentendus : par exemple Gumperz raconte que les passagers anglais
natifs trouvaient vulgaire l'énoncé rituel "Exact change, please" ("l'appoint s'il vous plait)" parce que
le chauffeur du bus, d'origine antillaise, calquait sur cette phrase un schéma prosodique issu de sa
langue d'origine ("please prononcé plus fort avec une intonation descendante") (calque prosodique).
2 Introduction à la proxémique
L'importance du spatial est fondamentale, car il est le théâtre des rapports interindividuels chaque
fois que le corps est impliqué. L'homme a fait de l'espace un produit culturel, qui tient compte de la
notion de territoire, propre à l'espèce animale.
La notion de proxémique regroupe tout ce qui appartient à l'organisation de l'espace lors d'une
interaction. Il s'agit essentiellement des variations de distance et de position qui caractérisent les
échanges communicatifs. On sait que les conceptions divergent d'une culture à l'autre, de ce qui
constitue la bonne distance à adopter, dans une situation donnée, vis-à-vis de son partenaire
25
d'interaction, et ces variations peuvent être d'une ampleur considérable. C'est ce qu'ont montré E.T.
Hall et ses collaborateurs.
E T Hall est à l'origine du concept de proxémique, à travers deux ouvrages, largement connus : La
dimension cachée 1966, Au-delà de la culture, 1976. (Disponibles en Points Seuil). Ce docteur en
anthropologie américain a vulgarisé les premiers travaux sur la communication non-linguistique, et
a montré l'importance de l'espace dans les relations humaines. Partant de la notion de territorialité,
propre à l'espèce animale, il montre en particulier sa dimension sociale et culturelle quand elle
s'applique à l'homme civilisé. Il a mis en évidence une première différenciation entre deux types de
structuration opposées :
- L’une caractéristique des Américains et des Européens du nord est fondée sur des mécanismes
visuels,
-l'autre relative aux Arabes est centrée sur les mécanismes olfactifs. Ces différences peuvent générer
des incompréhensions. De nombreux exemples peuvent être trouvés dans les ouvrages cités ci-
dessus. Les espaces sont souvent codés, occuper une place, signifie alors occuper une fonction, par
exemple dans un tribunal, une salle de classe, mais aussi un magasin, un bureau... La signification
de ces positions doit être connue des membres du groupe.
Dans un second temps, Hall divise la structuration occidentale en quatre zones de distances
caractéristiques des rapports interindividuels. Ces distances ont été définies en particulier parrapport
à la voix (lorsqu'il se produit un changement), et également d'autres perceptions, comme la chaleur
corporelle.
Dans la vie quotidienne, nous considérons que l'espace qui nous entoure (Hall le nomme "bulle")
nous appartient, et fait partie de nous-même. Quiconque pénètre cette bulle ne peut le faire de manière
anodine, il est animé d'une volonté de rapport affectif fort, d'amour ou d'agressivité. On dit d'ailleurs,
familièrement, de quelqu'un de trop "envahissant" : "il me pompe d'air", il faut qu'il "me lâche les
baskets", c'est ce que Hall appelle "distance intime". On trouve ensuite la distance personnelle, qui
est par exemple celle des discussions familières, des bavardages. Hall distingue ensuite la distance
sociale, celle des négociations impersonnelles ou des relations professionnelles, et enfin la distance
publique, celle des rapports formels, plus solennelle. Bien que E.T. Hall donne des indications de
mesure précise (par ex. pour la distance publique mode proche de 3,60 à 7,50 m, et mode éloigné plus
de 7,5 m), il n'existe pas de règles explicites qui gère l'utilisation de ces espaces. Les significations
de ces distances sont intériorisées, et lorsqu'ils les mettent en œuvre, les locuteurs ne veulent pas
forcément signifier quelque chose. On peut toujours invoquer le hasard, qui fait que A pénètre dans la
bulle de B. La chose n'est pas rare dans le métro à l'heure de pointe !
Signalons enfin que la dimension de ces espaces varie selon les civilisations, c'est ce que Hall explore
avec de nombreux exemples dans ses ouvrages. Il compare les cultures anglo-saxonne, arabe et
japonaise entre autres, et analyse les malentendus qui peuvent trouver leur origine dans une gestion
de l'espace différente.
3 Les récepteurs
Tous les hommes disposent en principe des mêmes récepteurs, mais ils sont utilisés différemment car
la culture les transforme. Il y a deux grands types de récepteurs
-à distance : les yeux, les oreilles, le nez, qui s'attachent aux objets éloignés. Toutefois, notre sens de
l'odorat étant relativement peu performant (et encore amoindri) est à distance réduite.
-immédiats : le toucher, grâce aux sensations que nous livrent la peau, les muqueuses, les muscles.
Mais la peau permet aussi de percevoir la chaleur, donc c'est aussi un récepteur à distance.
Les yeux sont sans doute des informateurs plus efficaces que les oreilles. Les espaces visuels et
sonores sont donc très différents, (la barrière sonore est au maximum de 4500 mètres), d'où
l'importance de la taille des pièces où l'on parle. Elles ne doivent pas être trop grandes (pièce à temps
de réflexion lent). On apprend aussi à sélectionner les bruits : par exemple passer la nuit dans
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une auberge japonaise quand une fête se déroule dans la chambre voisine... est une expérience
étonnante pour un Occidental, car les murs sont en papier ! Les Allemands au contraire, ont besoin
de murs épais, et de portes doubles pour travailler, ils n'utilisent pas leur pouvoir de concentration
pour se défendre contre le bruit.
3 1 L'odorat
L'espace olfactif : Hall traite les Américains de sous-développés du point de vue de l'usage de
l'appareil olfactif, il dit des USA que c'est un pays "olfactivement neutre et uniforme" et déplore cette
neutralité et uniformité qui vient de l'habitude de désodoriser les lieux publics.
L'odorat est un des modes les plus primitifs et les plus fondamentaux de communication, les
mécanismes en sont de nature chimique. Il permet de différencier les individus, et de déchiffrer leur
état affectif. Chez les animaux l'odorat a un rôle essentiel dans la délimitation du territoire, la
perception de l'ennemi, et parfois même un rôle défensif (le skunk). Il est aussi important dans la
sexualité (par ex. c'est l'odorat qui guide le saumon à travers l'océan durant des milliers de kilomètres
pour le ramener au lieu de la ponte.)
Il y a aussi chez l'homme ce qu'on appelle le "nez sexuel" ou "organe voméronasal", qui serait capable
de détecter les phéromones5, substances qui déclenchent des comportements de manière automatique,
lequel entrerait en ligne de compte dans l'attirance spontanée de certaines personnes entre elles. Les
systèmes de communication chimiques chez l'homme sont très importants et très sophistiqués. Les
incidences dans la communication interindividuelle chez l'homme sontrelativement peu étudiées et
connues, mais Hall cite l'odeur caractéristique des schizophrènes, et aussi le cas d'un psychanalyste
(qui réussissait professionnellement) et qui pouvait détecteur l'odeur de la colère chez ses patients à
deux mètres.
On peut supposer, au vu de la puissance des systèmes de messages chimiques, que certains états
comme la peur, la colère, la panique pourraient agir sur les individus qui en sont témoins (par le biais
du système endocrinien).
Les Français n'utilisent pas l'odorat de manière aussi poussée que les Arabes, (voir exemples chez
Hall) et les normes anglo-saxonnes pour ce qui est de l'haleine, sont partagées (citons, pourexemple,
une publicité récente pour un dentifrice : "dites-lui juste que vous l'aimez", sous-entendu ne lui
racontez pas ce que vous avez mangé). Mais aussi l'utilisation sophistiquée de l'odeur dans les
ambiances : celles du tabac froid ou du chien mouillé ne sont guère appréciées !
Toutefois, il convient de rester prudent, je cite, pour conclure A. Holley, chercheur au CNRS, Dr du
Centre européen des sciences du goût : "Quelle valeur peut bien avoir une version olfactive de monde
environnant pour une civilisation de l'image dans laquelle la vision excelle à démontrer son
formidable potentiel de représentations et sa parfaite adaptation au fonctionnement cognitif des
humains, grâce à une alliance féconde avec le langage par l'écriture ?" Ceci exprime clairement le
statut inférieur que nous accordons à l'odorat, et le primat du visuel.
3 2 La vue
Le sens de la vue est le dernier sens apparu chez l'homme et aussi le plus complexe. La quantité
d'informations fournies par l'œil est en effet bien plus importante que pour le toucher, l'odorat ou
l'ouïe, et selon un débit bien plus rapide. L'œil remplit de nombreuses fonctions chez l'homme :
-identifier les personnes, aliments, obstacles etc.
-se déplacer en évitant les dangers
5Les phéromones sont des substances émises par la plupart des animaux et certains végétaux, et qui agissent comme des
messagers sur des individus de la même espèce. Extrêmement actives, elles agissent en quantités infinitésimales, si bien
qu'elles peuvent être détectées, ou même transportées, à plusieurs kilomètres. Chez les mammifères et les reptiles les
phéromones sont détectées l'organe voméro-nasal, tandis que les insectes utilisent généralement leurs antennes. Elles
jouent un rôle primordial lors des périodes d'accouplement. Par ailleurs, on a longtemps pensé que l'organe voméro- nasal,
très actif chez les animaux, ne fonctionnait pas chez l'homme ; or, plusieurs études ont prouvé le contraire.
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-fabriquer des outils, se soigner, se renseigner sur l'état affectif d'autrui.
Il ne faut toutefois pas oublier que l'homme apprend en voyant, et ce qu'il a appris retentit sur ce qu'il
voit, au point de parfois spécifier terriblement la vision, la perception. L'image rétinienne et la
perception ne sont pas équivalentes. Quand on sait ce que l'on cherche, par exemple, on le trouve plus
facilement. C'est vrai pour les champignons, sans doute, mais aussi lorsque l'on cherche à s'informer
sur l'état de la personne qui est en face de soi.
Le regard exprime beaucoup d'émotions, à condition de les lire. Le regard peut modifier nos relations
sociales. Mentionnons l'expérience de l'étudiante qui a perdu quelque chose. Si ellecherche sans les
regarder, 25% des passants lui proposeront de l'aide. Mais si elle cherche en regardant les gens, alors
cette proportion s'élève à 82%.
En moyenne, dans une conversation, les gens se regardent entre 30 et 60% du temps, si c'est plus,
c'est qu'ils s'intéressent à l'autre personne plutôt qu'à ce qui est dit ! La position des yeux est aussi
chargée de sens, citons simplement, le clin d'œil qui indique la connivence ou le regard en haut à
gauche, qui révèle la nostalgie, le rêve éveillé.
4 Introduction à la kinésique
Ce terme désigne tout ce qui relève de la dynamique du corps lors d'un acte de communication. Il faut
signaler de manière liminaire qu'il existe deux types de gestes.
D'une part ceux qui servent à communiquer volontairement à autrui une signification (par ex. les
emblèmes, ci-dessous). Ces gestes portent une signification reconnue et que l'on met en œuvre de
manière responsable : le salut militaire, le point levé, la poignée de main, le doigt sur la tempe pour
dire "fou" etc.
D'autre part les gestes, mimiques ou postures que nous ne pouvons nous empêcher de produire, (de
façon plus ou moins consciente), et que l'allocutaire interprète, au cours de la communication, et qui
l'informent sur notre état physique, psychologique (fatigue, maladie, colère, émotion, sincérité etc.)
On doit ajouter à cela toutes les transformations que les sociétés imposent au corps pour le faire
signifier : taille des cheveux, soins de la pilosité, maquillage, tatouage, piercing etc. Les vêtements
sont aussi importants, qu'ils soient codés, comme les uniformes, ou organisés de manière à produire
un "look", lequel possède aussi des règles : noms de marques, coupes, couleurs etc. Ces signes sont
décodés et interprétés par autrui. Il est difficile de déterminer la frontière entre les éléments qui
servent à communiquer volontairement, et ceux qui renvoient à un codage plus flou, et que l'on
interprète plutôt comme indices (involontaires). Et ce d'autant que l'on peut jouer de cette
indétermination, en produisant volontairement des indices, en cherchant, en quelque sorte à
fourvoyer autrui, ce qui peut lui faire dire "tu en rajoutes", "tu exagère".
Pour revenir au domaine de la gestuelle, signalons que les recherches dans ce domaine visent à trouver
une classification fonctionnelle de la gestualité communicante (qui est décodée). Il existe plusieurs
typologies, nous présentons brièvement celle d'Ekman, afin de fournir des repères. Elle pose 5
catégories de gestes, à partir de critères distinctifs comme l'usage ou l'origine :
-les emblèmes
-les illustratifs
-les manifestations de l'affect
-les régulateurs
-les adaptateurs
4 1 les emblèmes
Ils sont définis comme des actes non verbaux qui ont une traduction verbale directe, voire une
définition dans le dictionnaire. Leur sens est connu de la majorité des membres d'une communauté
socioculturelle. Ils sont souvent utilisés lorsque l'usage verbal est empêché (bruit, distance,
circonstances particulières...) Leur usage et leur décodage sont intentionnels. Chaque communauté
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socioculturelle en connait entre 150 à 200, et les plus fréquents ont une connotation négative :
haussement d'épaules, se rouler les pouces, soupirer, tirer la langue...
Il y a des gestes/emblèmes qui ont des significations différentes selon les pays où l'on se trouve : par
exemple, le doigt qui tire la paupière vers le bas, signifie :
En France : "je ne te crois pas", "mon œil"
En Italie, "fais attention", "ouvre l'œil"
4 2 les illustratifs
Ils sont constitués par les gestes d'accompagnement du discours verbal et sont en lien direct avec le
contenu de la parole. Ils ont pour fonction d'illustrer ce qui est dit, comme les déictiques qui
permettent de montrer le référent, les kinétographes qui miment une action, (montrer la porte =
"sortez", applaudissements = c'est bien, bravo) ou les pictographes qui représentent les formes. Ils
sont utilisés consciemment par le locuteur et suivent la production verbale à des places ponctuelles.
On cite, de façon classique, la différence entre les gens du nord et ceux du sud. La gestualité co-
verbale est en effet l'objet d'un apprentissage social, comme c'est le cas pour le langage. Elle parait
indispensable, car elle est présente même dans la communication téléphonique, alors que l'allocutaire,
à qui sont théoriquement destinés les gestes, est absent. C'est le type de gestes qui sont travaillés par
les hommes politiques, et qui permettent en théorie d'appuyer leurs dires, de les rendrepersuasifs.
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4 4 Les régulateurs
Ils maintiennent et régulent le suivi de la prise de parole et de l'écoute lors d'une interaction. Ils
interviennent au niveau du flux de la conversation et non en des points ponctuels comme les
illustratifs. Ils sont produits à la limite de l'intentionnalité, et ont un rôle essentiellement interactif.
Hochement de tête, regard, parfois contact physique. Ces éléments sont indispensables à l'interaction.
Des expériences ont montré que leur suppression perturbe gravement l'émetteur et entrave la
communication. Ces phatiques sont donc très importants car ils assurent l'autre de l'écoute. Dans
certaines sociétés, ils ne sont pas uniquement paraverbaux (hum hum, hochements detête).
D'autres signes sont intéressants à décoder, comme par exemple, les détecteurs de mensonge.
Ce sont souvent les signes d'autocontact. L'un des gestes les plus révélateurs est deparler avec
la main devant la bouche, ou un doigt posé sur les lèvres. Se caresser le menton, se toucher le nez ou
se le presser sont les signes les plus courants de détecteur de mensonge, ou du moins d'une pression
que l'on voudrait atténuer.
4 5 Les adaptateurs
Ce sont des gestes que Cosnier classe parmi les "extra-communicatifs". Il s'agit de gestes auto- centrés
que le locuteur effectue au fur et à mesure qu'il parle : grattages, caresses, dessins, manipulations
d'objets. Il s'agit également de gestes qui interviennent avant les prises de parole dans un très grand
nombre de cas, croisements de jambes, de bras, changements de positions, redressement du buste.
Citons pour exemple, les gestes d'autoprotection. Lorsque nous sommes en harmonie avec
l'interlocuteur, les gestes sont en écho : on adopte une attitude similaire. Mais s'il y a un désaccord,
une appréhension, l'attitude se modifie, et l'on parle de gestes autoprotecteurs : on croise bras et
jambes, on plaque le tissu de ses vêtements sur soi, on efface une invisible poussière. On passe un
doigt dans sa cravate, le poignet de son vêtement. On se lisse les cheveux, entortille une mèche,
arrange sa coiffure de manière superflue, caresse le bras ou la jambe, passe un doigt sur les sourcils.
Ces gestes sont en fait rassurants (permettent de vérifier que j'existe bien). Tous ces signes marquent
le malaise, même fugitif. Il est bon de savoir les déceler.
Les postures ont également une grande importance dans la communication et font sens, en particulier
lorsqu'elles changent. Nous citons quelques exemples :
Les bras : lorsqu'ils sont sans contact l'un avec l'autre, cela marque l'ouverture, l'attention, on ne
s'estime pas menacé, ni même incompris. On est à l'aise et ça se voit. Au contraire les bras croisés
sont une barrière entre l'extérieur et ce qui se passe en nous-mêmes, c'est un geste "pare-choc". La
position des mains vient donner des précisions sur la nature du malaise : poings fermés : verrouillage,
mains posées à plat sur les bras : détermination à ne pas se laisser faire, mains à plat contre les flancs
ou ballantes : on est sur ses gardes, mais on laisse aux événements une chance de pouvoir arranger
les choses, lever le malaise. Tout croisement de bras signe une réticence, la personne se méfie, n'est
pas prête à écouter. Il faut intégrer ce message.
Statistiquement les femmes croisent plus souvent les bras, peut-être qu'elles ont plus de raisons de
se sentir menacées... Et aussi elles croisent plus bas que les hommes, pour une raison morphologique,
cette fois !
Conclusion
Peut-on calculer ses gestes ? Il arrive en tous cas que les gestes contredisent ce que l'on est en train
de dire, une étude a par exemple montré que c'était le cas de ceux de Saddam Hussein, pendant la
guerre du Golfe.
30
A cette question, on pourrait répondre qu'il vaut mieux laisser parler le naturel en soi plutôt que de
créer un malaise en faussant l'échange par la tentative de contrôle de ses gestes. On possède une
posture fétiche, en général assez révélatrice de notre personnalité.
Être attentif à l'apparence, la gestuelle, ce qu'elle dégage, plus généralement au non-verbal peut
permettre de comprendre plus précisément, voire d'infirmer les paroles, puisque le verbal peut mentir
plus facilement que le non-verbal. Signalons enfin, qu'au sein d'une même société, donc de
comportements culturels relativement homogènes, les individus fonctionnent différemment, en
particulier au niveau des systèmes de représentations : certains recourent plus fréquemment au visuel,
d'autres à l'auditif, d'autres enfin au kinesthésique. Toutefois, toutes les interactions verbales ne font
pas la même utilisation de la multicanalité. Celle-ci peut être plus ou moins largement présente,
signifiante.
Elle est souvent réglée, dans les interventions télévisées, par exemple, et ces réglages se font en amont
de l'émission. Il faut cependant savoir que la place des participants, dans le cas d'un débat ou d'une
conférence fait l'objet de réflexions, en fonction des contacts que l'on désire favoriser ou non. Il est
plus difficile de parler à quelqu'un qui est éloigné de soi. Raison pour laquelle la forme et la
disposition des tables a aussi son importance. Il en va de même, à une autre échelle pour les diners de
famille !
31
PARTIE 4
TYPOLOGIE DES INTERACTIONS
Nous présentons la liste des critères permettant de caractériser les séquences d'interactions, proposée
par R. Vion.
La relation symétrique se définit par deux positions au même niveau. Dans une interaction en
symétrie, les partenaires adoptent un comportement en miroir. Par exemple à une question répondra
une autre question :
A Tu vas à la fac demain ?
B Pourquoi tu me demandes ça ?
32
La notion de statut renvoie à l’ensemble des positions sociales assumé de façon stable par une
personne dans un champ social donné (âge, sexe, profession, condition familiale, appartenance
culturelle, idéologique etc.) Par exemple, on parle du statut de professeur.
La notion de rôle, elle, représente un aspect plus dynamique dans la mesure où le rôle constitue un
ensemble de comportements, également préétablis et associés à un statut donné. On parle des rôles
d’enseignant, qui ne peuvent exister indépendamment de ceux de l’apprenant. Le terme « rôle »
évoque le travail de l’acteur qui joue un personnage sur une scène, face à un public. Goffman utilise
cette métaphore pour présenter le travail de figuration des humains sur la scène de la vie quotidienne.
Pour lui, le rôle est un modèle d’action préétabli, que l’on développe au fur et à mesure, et qui règle
et facilite l’accomplissement des échanges. R. Vion ajoute que l’on ne peut pas communiquer
autrement qu’en "remplissant" un rôle, en lui donnant de la consistance et du "corps". On ne
communique jamais à partir d’un moi substantiel identique à lui-même en toutes circonstances. Cette
nécessité de passer par une mise en scène, par un jeu, justifie le recours à des concepts comme ceux
de dramaturgie ou de figuration.
Mais signalent Marc et Picard (Vion 1992 : 107), "le rapport de places est aussi déterminé de
l'intérieur même de la relation, par la place subjective que chacun prend par rapport à l'autre
(dominant/dominé, demandeur/conseiller, séducteur/séduit)."
En fait, précisent ces auteurs, toute interaction se caractérise par un double positionnement déterminé
à la fois de l'extérieur (identité, statut et rôle) et de l'intérieur. Ce qui varie, c'est l'importance
quantitative de chacun, en fonction du degré de formalité de l'interaction. On retiendra donc qu'il est
plus juste de décrire le rapport de places comme "un double positionnement réciproque", plutôt qu'en
termes de dichotomie (interne ou externe).
Citons Vion (1992 : 107) pour conclure :
« Dans les situations institutionnelles où le rapport de places "externe" domine, il ne saurait empêcher
l'émergence d'un rapport plus "interne". Réciproquement dans les situations informelles, où le rapport
de places n'est pas fixé a priori, les sujets ne peuvent pas ne pas "contaminer" leur positionnement
réciproque "interne" avec des éléments de leur identité sociale exprimables en termes de statuts et de
rôles »
On peut ajouter qu'il n’y a pas stratégiquement de position meilleure qu’une autre, tout dépend de la
nature de la relation ainsi que des buts (ou finalités) des participants (voir ci-dessous 1 3). De manière
erronée, on pense que le pouvoir réside systématiquement dans la position haute, or, le choix
volontaire de la position basse offre bien souvent des possibilités intéressantes. Jay Haley, membre
de l'École de Palo Alto, rapporte un exemple frappant : un individu qui souhaite se faire porter dans
la rue et ne réussissant pas à convaincre qui que ce soit par un ordre, choisit de faire semblant de
s’évanouir sur le trottoir et arrive ainsi à ses fins. Se placer en position basse à certains moments
permet d’exercer davantage d’influence que de maintenir la position haute, nous en reparlerons dans
le cas de l'interview.
1 2 coopération / compétition
L'idée que la plupart des interactions se déroulent dans une situation de caractère contractuel, est
communément admise, depuis que Grice (1975) a posé le fameux principe de coopération. Chacun
des acteurs d'une interaction donne des marques de bonne volonté, d'entraide et de politesse dans le
cadre d'une tâche commune à effectuer. L'ensemble des participants coopèrent, même dans le cas
d'une dispute, puisqu'ils continuent à user du langage. Toutefois, certaines interactions sont plus
marquées par la coopération, comme la conversation, exemple-type, tandis que d'autres sont orientées
vers la compétition, voire le conflit, comme le débat ou la dispute. Vion (2000 : 125-126) signale
toutefois que cette distinction ne fonctionne pas comme une dichotomie, et que même dans les cas de
coopération les plus marqués, on trouve des enjeux de face, de séduction, et donc de compétitivité.
Tandis qu'inversement, tant qu'il y a échange langagier, même conflictuel, il y a de la coopération (on
construit avec le partenaire une relation, un objet discursif.)
33
Catherine Kerbrat-Orrechioni, signale (Les interactions verbales, tome III, 1998 : 82-88) que les
exigences varient considérablement d'une société à l'autre, quant à la dose d'accord nécessaire entre
interactants pour poursuivre une interaction.
Je vous laisse réfléchir à cette question un instant, avant de reprendre, selon les propos de C. Kerbrat-
Orrechioni qui mentionne plusieurs études portant sur des peuples différents, pour aboutir à la
conclusion suivante.
D'une manière générale, on peut donc opposer :
-les pays d'Asie du sud-est, nordiques et anglo-saxons à éthos plutôt consensuel (Japon, Chine,
Thaïlande, Aborigènes, États-Unis...)
-aux pays germaniques et méditerranéens, à éthos plutôt confrontationnel (Israël, Espagne, Italie,
Allemagne, France...).
Précisons que les études sur lesquelles s’appuient ce classement comparent et opposent souvent les
cultures deux à deux. Il serait sans doute erroné de ne pas voir de différences à l'intérieur de chacun
des deux grands groupes constitués. Je vous encourage à vous reporter à la lecture de l'ouvrage
susmentionné pour plus de précisions.
34
de hiérarchiser les finalités (ou buts) de chacun des interactants. Pour cela, il est utile de préciser si
les finalités sont plus ou moins affirmées dans le discours.
2 Types d'interactions
2 1 1 La consultation
Ce terme regroupe des interactions médicales diverses, des consultations juridiques, toute situation
où un demandeur vient consulter un expert, détenteur d'un savoir ou d'un pouvoir spécialisé,
socialement reconnu. Le consultant prend l'initiative de l'échange, et attend un résultat tangible de la
consultation, guérison, levée d'un obstacle etc. Le spécialiste occupe la position haute, et conduit
l'interaction. À condition toutefois que le consultant accepte de se laisser conduire.
2 1 2 L'enquête
La finalité de l'enquête n'est plus l'action, comme c'était le cas pour la consultation, mais la
connaissance. C'est cette fois le spécialiste qui initie l'interaction, afin de rechercher des informations
auprès de l'enquêté. Ce dernier se trouve donc occuper une position plus élevée que précédemment,
puisqu'il détient des informations précieuses pour l'enquêteur. Toutefois il n'est que partiellement
conscient et/ou informé de l'utilisation qui sera faite de son témoignage. Il arrive également que le
sujet se sente minoré, par exemple dans le cas des enquêtes linguistiques.
Beaud et Weber (Guide de l'enquête de terrain), expliquent, dans le chapitre intitulé « Conduire un
entretien » que lorsque l'enquêté est mal à l'aise, il est essentiel pour l'enquêteur d'essayer de faire
disparaître le sentiment de dépréciation que l'enquêté éprouve en parlant. Il reste délicat, ajoutent-ils
dans le chapitre précédent qu'il est malvenu d'insister lorsque certaines personnes refusent l'entretien,
en donnant l'exemple des personnes SDF, sans domicile fixe, pour qui, ce refus est un des derniers
35
moyens de « revendiquer sa dignité sociale ». Signalons au passage, l'excellente lectureque constitue
l'ouvrage précité pour qui a l'intention de conduire des entretiens d'enquête. Ceci nous permet de faire
la transition avec le type suivant, l'entretien.
2 1 3 L'entretien
Le terme d’entretien est peu précis “la notion est trompeuse, elle suggère qu’on a affaire à un objet
homogène, alors qu’en réalité son domaine comprend des pratiques très diverses” (Kerbrat-
Orecchioni, 1990 : 119)
On pourra distinguer plusieurs sous-types.
-L'entretien ou relation d'aide, qui est à rapprocher de la consultation, par la relation verticale
(positions haute et basse) et le fait que la finalité appartienne au domaine de l'action, laquelle passe
toutefois par le recueil d'informations. L'entretien doit favoriser une parole authentique. Les
techniques d’entretien doivent donc permettre au spécialiste de conduire sans influencer, d’être maître
du jeu sans être à l’initiative. Il convient alors qu'il adopte une attitude neutre d’empathie, évite les
investissements discursifs et utilise au maximum la parole de l’autre. Là encore, il ne faut pas croire
qu’il y ait monogestion de l’interaction, au contraire une coopération est nécessaire.
-L’entretien/ interview, conduit par un journaliste. Dans ce type d'entretiens la position haute est
ambigüe et complexe. Le journaliste est bien en position haute, puisqu’il oriente le débat, prend la
plupart des initiatives, mais il doit laisser parler l’autre, qui est censé fournir l’essentiel de la
matière conversationnelle. Il est donc à la fois dominant et dominé, d’autant que si l'interviewé est
célèbre, ce dernier peut prendre énormément de libertés par rapport au guidage du journaliste. Lequel
peut même se voir confiné dans la situation subalterne du faire-valoir et se retrouver en position basse.
Citons C. Kerbrat-Orecchioni (in Vion 1992 : 133) "Pilote effacé du dialogue, initiateur vite
condamné à un silence relatif, l'interviewer est à la fois dominant, et dominé (ces deux
composantes se dosant diversement selon les interviews)".
2 1 4 La transaction
Ce type regroupe les relations de vente et les relations aux services d'accueil, commençant/client,
chauffeur de taxi/client, administration/administré, garçon de café/client etc. Il est spécifique par la
présence d'un objet extérieur au langage qui doit être échangé, produit. Chacun des protagonistes y
participe à travers un rôle spécialisé, c'est pourquoi, note Charaudeau (1983) le "contrat de parole" y
est limité : on ne pourra parler que d’un nombre restreint de choses. Ceci n'empêche pas cependant
que la transaction puisse alterner avec d'autres séquences (appelées "modules"), comme par exemple
une "conversation". Une transaction, par exemple achat de médicaments dans une pharmacie, peut
être suivie d'une conversation ayant pour thème l'épidémie de grippe du moment.
C'est dans la transaction, remarque R. Vion, que “la complémentarité des places peut le moins
s'exprimer en termes de rapports haut/bas”. Le vendeur s'il délivre le produit, est soumis à l'initiative
et à la décision du client. On observe toutefois que dans certaines administrations, les relations de
domination sont très présentes (administration judiciaire par exemple). Il faut aussi noter
l'importance du contexte commercial : la position du client ne sera pas la même en situationde
pénurie ou de surabondance de biens.
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fonction de la situation objective à laquelle ils sont confrontés, mais à partir des représentations qu'ils
se font de cette situation, Cf. Vion 1992 : 86)
2 2 1 La conversation
Dans son acception restreinte et ordinaire, aucune des composantes de la conversation n’est fixée à
l’avance : le nombre de participants et les thèmes sont très variables, l’alternance des tours de parole,
la durée des échanges sont libres (ou du moins structurés a minima, car les systèmes d’interactions
sont régis par des règles de structuration). Le caractère de la conversation est gratuitet non finalisé
; elle comporte en elle-même sa propre finalité (parler pour parler, par plaisir, jeu, politesse). Plus
précisément sa finalité serait le maintien de rapports sociaux, la reproduction des liens, "réaffirmation
du tissu social et des identités" selon les termes de R. Vion. Elle est “égalitaire”en effet, même s’ils
n’ont pas le même statut, les participants se comportent comme des égaux dans la conversation. Elle
est nettement plus coopérative que compétitive.
Un sous-type : le dialogue : Rappelons que le préfixe n’est pas di/deux, mais dia/ "qui traverse, circule
et s'échange", comme dans “dialyse”.
La différence de sens avec conversation n’est pas facile à cerner, car elle fonctionne surtout par
connotations et emplois réservés. Pour préciser les choses, rappelons que dialogue renvoie à une
certaine artificialité, lorsqu'il signifie propos fabriqué (dialogue de cinéma, de roman), et qu'il est
censé être plus « constructif », dans l'expression « un homme/une femme de dialogue », puisque ce
dernier/ cette dernière, vise à une compréhension, voire un accord mutuel. Remarquons qu'on ne dit
pas « un homme / une femme » de conversation !
Nous citerons, à titre d'exemple, le sens qu'attribuent selon R. Carroll, les français à l'activité de
conversation. Dans Évidences invisibles, américains et français au quotidien (Seuil 1987) cette
ethnologue analyse de façon très intéressante les malentendus interculturels. "Ce qui importe, c'est
d'établir des liens, de créer un réseau si ténu soit-il, entre les conversants (nous emploierions le terme
« interactants ») (en France). La parole que l'on échange au "fil" de la conversation, sert à tisser ces
liens entre les conversants. (...) Ainsi, par exemple, si je fais mes courses dans le quartier, je vais faire
"un petit bout de conversation" avec les commerçants chez qui j'ai l'habitude d'aller. Si je vais
chercher mes enfants à l'école, je ferai de même avec quelques parents dont les enfants sont en classe
avec les miens, avec le maitre ou la maitresse si je les vois." (...)" Elle explique que les Américains
sont étonnés devant le temps que nous passons à bavarder avec l'un et avec l'autre, et trouvent que les
Français parlent souvent pour ne "rien dire". Il apparait donc que les Américains et les Français ne
donnent pas le même sens à l'échange verbal, tout en le supposant identique, puisque le terme est le
même en anglais et en français.
R. Carroll, dans une analyse fine du fonctionnement français de la conversation, remarque que les
liens qu'elle crée "ne sont pas par définition agréables, (...) mais sont essentiels à mon existence
sociale, à mon inscription dans le social."
2 2 2 La discussion
À la différence de la conversation, la discussion comprend des enjeux. Elle peut se produire dans un
cadre interactif complémentaire ou bien symétrique. Elle peut être consensuelle et plutôt coopérative,
ou au contraire conflictuelle et s'orienter vers la compétitivité. Bellenger (1984 : 30) la caractérise
ainsi : "la discussion ne produit rien... si ce n'est l'essentiel : l'expression de la divergence. (...) Dans
la discussion on cherche moins à s'entendre qu'à justifier le bien-fondé de sa thèse par rapport à
l'autre."
2 2 3 Le débat
Il se caractérise par la confrontation, et aura comme dans les compétitions sportives (la boxe, par
exemple) un vainqueur et un vaincu. Du point de vue formel, l'échange est plus organisé, avec un
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cadre préfixé. (Longueur du débat, durée, ordre des interventions, nombre des participants...) Il se
déroule en principe en public, avec un modérateur (un arbitre) et présente un aspect spectaculaire. Ce
public est en fait le véritable enjeu de la compétition, car c'est lui qu'il faudra convaincre.
2 2 4 La dispute
Cette interaction est nettement conflictuelle. Il s'agit de la forme ultime de la discussion avant qu'elle
ne dégénère en violence. Cependant les sujets, pour des questions de faces essaient d'éviter d'atteindre
ce stade, en rompant l'interaction, ou en revenant à la discussion.
2 3 Conclusion
Nous l'avons évoqué à propos de la transaction, il arrive fréquemment que les interactions soient
hétérogènes. Ainsi divers modules peuvent se succéder, une conversation peut être suivie d'un module
de discussion, voire de consultation, et de nouveau d'un module de conversation. Dans cet exemple,
c'est la conversation qui reste le cadre interactif, du point de vue du rapport de places. Lorsque le
cadre interactif se modifie, par exemple avec l'arrivée d'une nouvelle personne, c'est une nouvelle
interaction qui se met en place.
Il ne faut pas confondre cette succession de modules avec les divers moments constitutifs d'une même
interaction. Par exemple dans la consultation, il y aura la présentation du motif de la visite, l'examen,
le diagnostic, la prescription, mais ce sont les différentes phases constitutives d'une mêmeinteraction.
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PARTIE 5
LE CADRE COMMUNICATIF
La description d'une interaction commence par la description de la situation dans laquelle elle se
déroule : les participants, le temps, le lieu, le but. En effet, ces éléments situationnels sont constitutifs
de l'interaction, et pertinents pour son analyse. Dell Hymes a proposé en 19847 un modèle célèbre,
"SPEAKING", acronyme des éléments qu'il juge essentiels pour la maitrise de la compétence
communicationnelle.
1 La scène
Elle est donc composée de deux éléments : le site qui est le cadre spatio-temporel de l’interaction, et
son but.
1 1 Le site
Je peux recourir à de très nombreux critères lorsque je cherche à définir le cadre spatio-temporel d'une
interaction. Par exemple, je dirai qu'il s'agit de la A 210, salle de cours du second étage du bâtiment
A de la Faculté des Lettres, située à Mont-Saint-Aignan, dans la proche banlieue de Rouen, ville
moyenne de l'Ouest de la France, préfecture de la région Normandie, etc. Idem, du point devue
temporel : le jour de la naissance de ma fille, le 21 novembre 1985, la veille de la mort de Nougaro...
Ce qui est difficile, c'est de déterminer les caractères pertinents pour définir le site, pour le décrire,
car l'importance des critères est toujours relative.
1 1 1 Définir le site
1) Je peux recourir à la définition officielle, externe, de certains lieux, lorsque ces derniers en ont
une, par exemple une salle de classe, une église, un tribunal, une mairie... sont des lieux dont la
fonction et la structure existent officiellement. Leur organisation matérielle répond à des règles et à
des besoins explicités. Ce n'est pas le cas de nombreux autres lieux.
2) C'est alors au chercheur qu'il appartient d'estimer la pertinence des critères qu'il retient. Il part,
pour ce faire, de son savoir, de sa théorie sociale, et doit les rendre apparents. Ainsi, selon l'exemple
7 Dans l'ouvrage Vers la compétence de communication, 1984, collection « Langues et apprentissage des langues,
Paris Hatier-Crédif.
39
de B. Gardin, une salle de classe peut être décrite comme un lieu dont la fonction est "l’inculcation
idéologique". Le chercheur, suivant la position de L. Althusser, verra l'école comme un "appareil
idéologique d'état", chargé de la reproduction de l'idéologie dominante et des rapports sociaux. Il aura
une position engagée, refusera les descriptions des non-spécialistes ainsi que celles, institutionnelles,
évoquées en 1), qu'il jugera comme trompeuses. Il considérera, pour poursuivre l'exemple cité, que
le dogme égalitaire de l'école, qui donne une chance égale à tous les enfants, est une mystification, et
qu'elle est au contraire essentiellement reproductrice des rapports sociaux, donc inégalitaire.
Il est à noter que ce type de discours d'opposition traverse aussi le corps social, et trouve des échos
dans les médias, réduisant les deux possibilités précédentes à deux positions contradictoires. Ceci
rend la troisième position d'autant plus intéressante.
3) Dans ce troisième cas, ce sont les participants qui définissent et construisent le site. Ils le font de
différentes façons, soit explicite : ils décrivent des paramètres ; soit implicite : ils font des allusions.
Ils peuvent enfin, par leurs comportements, exprimer leur vécu de cette situation. Cette attitude est
constructiviste. Ils peuvent recourir à la définition "externe" 1), mais c'est une possibilité parmi
d'autres. Les définitions que les participants donnent d'une situation qu'ils vivent sont valides : en
effet, selon l'expression de l'ethnologue français R. Jaulin (1928-1996), "les gens ne sont pas des
"idiots culturels". C'est le choix que fait l'ethnométhodologie. Nous en disons quelques mots.
Le fondateur de cette discipline est Garfinkel, qui publie en 1967 : Studies in ethnomethodology. Pour
l'ethnométhodologie, le travail du sociologue consiste à décrire les méthodes utilisées par les
individus pour réaliser les actions sociales, et donner du sens aux situations qu'ils vivent. Mais le
scientifique ne doit pas imposer aux faits une analyse savante, extérieure. Il lui faut décrire ce que
font les gens, qui ne sont pas des "idiots culturels8", comment ils le font et les méthodes qu'ils
emploient. Il s'agit là du point essentiel : les faits sociaux ne préexistent pas aux membres de la société
(comme dans la sociologie de Durkheim), ils sont construits par eux. Cette construction met en œuvre
des énoncés. L'ethnométhodologie cherche donc d'une part à identifier les catégories que les individus
établissent eux-mêmes dans leur vie sociale. Un second objectif est la mise à jour des implicites
sociaux qui structurent la vie quotidienne. Ceci peut s'effectuer par la provocation expérimentale ou
l'observation (Cf. l'ouvrage cité ci-dessus de R. Carroll).
Les trois modes de description du site que nous venons de présenter sont différents, mais pas
forcément antagonistes. On peut dire que certaines situations sont mieux décrites par l'un ou l'autre
mode. Dans le cas de sites fortement codés dont la structure impose des comportements verbaux et
non verbaux (lesquels sont alors connus et acceptés des participants), il est légitime de recourir à
une description officielle, évoquée en 1), une analyse de type déterministe. Celle-ci peut être
complétée par un point de vue constructif, évoqué en 3) car il est essentiel de voir comment les
participants actualisent, vivent, interprètent ces règles.
1 1 2 Les scripts
Pour la description du site, la notion de script, originaire du domaine de l’intelligence artificielle, est
intéressante. D'autres lieux ont des "scripts" moins stricts. Nous la définissons rapidement.
Un script est un cadre de connaissances (ensemble ordonné d'informations avec des cases vides qui
servent à l'adapter aux différentes situations) utilisé pour comprendre (et par la suite anticiper) des
successions d'événements, sous forme de scènes et d'épisodes. Ces schémas sont complexes car
constitués non seulement d'actions, mais de concepts ou schémas plus généraux. Par exemple, le
8 Cette expression de R. Jaulin permet d'établir l'idée selon laquelle créer du sens est une activité générale et systématique
pour tous les humains. La cible initiale de cette remarque était plus particulièrement la sociologie des années 50/60
et la prétention des sociologues à voir des phénomènes sociaux inaccessibles à ceux qui sontdirectement impliqués
dans ceux-ci.
40
script "visite chez le médecin" renvoie à un schéma général de "consultation", qui comprend la prise
de rendez-vous, le déplacement, la rencontre et le règlement. Chacun de ces éléments peut être
décomposé en sous-programmes. La « consultation », par exemple se décompose en plusieurs
séquences : exposé du problème par le patient, questions/recherches d'informations par le médecin,
examen, diagnostic, puis prescription. La connaissance de ces schémas stéréotypés que sont les
scripts permet de comprendre, puis de prévoir les situations, d'en saisir les éléments implicites, afin
d'adapter son action aux différents types d'environnements, et de s'adapter à leurs variations.
(D’après le Dictionnaire d'analyse du discours, P. Charaudeau, D. Maingueneau, 2002.)
L'interaction utilise la notion de « script » pour structurer le savoir encyclopédique : il est en effet
nécessaire de connaitre des suites d'actions stéréotypées verbales ou non verbales pour pouvoir
interpréter la plupart des énoncés. Autre exemple, le script « prendre l'avion », pour un voyageur va
être : acheter un billet dans une agence ou sur internet, se rendre à l'aéroport, faire enregistrer ses
bagages, présenter son passeport, se rendre dans le terminal etc. Pour comprendre un énoncé tel que
« Je n'ai pas pu prendre l'avion, mon visa était périmé », il faut connaitre ce script, savoir qu'avant
de monter à bord de l'avion on doit faire connaitre son identité à l'aide d'un passeport, dans lequel,
pour certains pays, se trouve un visa, d'une durée limitée, autorisant le voyageur à se rendre dans le
pays concerné. La question qui se pose est alors celle de la quantité d'informations contenues dans
le script.
Encore un exemple, le script du restaurant : j'entre et le garçon me demande combien de personnes
sont prévues, il ne demande plus si l'on est fumeur ou non depuis la loi d'interdiction de fumer dans
les lieux publics, il propose une table, prend éventuellement les manteaux etc. Je peux transgresser le
script, en refusant la table, ou en la choisissant moi-même d'emblée, sans qu'il s'ensuive de sanction
forte et légitimée. Mais l'interaction peut en être modifiée, devenir conflictuelle, tendueetc.
Enfin signalons que certains lieux sont presque totalement dépourvus de scripts, par exemple, si je
rencontre ma voisine ou mon dentiste à la plage. C'est alors aux participants d'inventer leurs
comportements. Je pourrais parler à mon dentiste (alors que les rapports sont habituellement
restreints), lui dire simplement "bonjour", voire l'ignorer... En fait, ce sont surtout les rapports que les
participants entretiennent avec les lieux plutôt que les lieux eux-mêmes, qui sont à prendre en compte.
Quelqu'un qui n'est jamais allé au restaurant ne saura pas s'y comporter de manièreattendue.
Il est important de préciser également que les sites avec leurs caractéristiques n'ont de valeur qu'à
l'intérieur d'une culture, ou d'un groupe, au sens large. Par exemple, les normes de comportement à
table sont variables d'une famille à l'autre. Les enfants pourront se servir eux-mêmes ou non, auront
la permission de se lever ou non, pourront participer à la conversation des adultes ou non. La
télévision sera allumée pendant le repas ou non etc. Autre exemple : on ne se comportera pas de la
même façon au restaurant en Chine ou en France. L'organisation des plats sera différente, les couverts
également, la façon de se servir, l'appréciation des mets, le fait de rester à table ou non une fois le
repas fini, tout ceci sera sujet à variation.
1 2 Les buts
Nous l'avons évoqué dans la typologie : toutes les actions sont orientées par des finalités.
Dans le schéma ici présenté, le but se trouve intégré à la scène, et associé au site, puisque chaque site
présente une finalité intrinsèque (CKO, IV, t2 : 79). Cependant, les lieux peuvent être utilisés de
différentes façons. Par exemple, lorsque des étudiants déjeunent dans une salle de cours (en principe
destinée à l’enseignement) à l’université, ou que des ouvriers réparant une église (dédiée au culte)
discutent entre eux. Le but de l’interaction se localise donc entre la destination propre au site, et les
objectifs des participants. On peut distinguer différents niveaux des buts. Un but plus général, qui
41
peut être identique pour chaque participant, et connu de tous (réaliser une tâche, un travail, gagner un
match...) ou des buts complémentaires différents pour chaque participant, mais liés entre eux
(vendre/acheter, demander conseil/conseiller …) et des buts secondaires, liés aux actes de langage
mis en œuvre pour atteindre le but général.
Parmi les nombreuses distinctions opérées par les différents auteurs, on retiendra la différenciation
entre les buts externes, lorsqu'il y a production ou transfert d'un objet non langagier, du réel, par
exemple l’achat, l’obtention de renseignement, de soin etc. Et les buts internes, sans incidence directe
dans le réel, plus gratuits en apparence, comme dans la conversation, par exemple, dont nous avons
dit qu'elle avait pour finalité globale la reproduction du lien social. Le détail des buts peutêtre
complexe, surtout si l'on différencie les buts affichés (perceptibles plus ou moins explicitement dans
l'interaction), et les buts dissimulés, qui correspondent à certaines motivations des interactants. Ces
différents types de buts peuvent être en contradiction les uns avec les autres. Signalons enfin avec
Goffman, qu’un des buts qui semble sous-tendre toute interaction sociale est la présentation mutuelle
de soi.
2 Le cadre participatif
42
présence (par exemple, les autres passagers proches dans le cas d'un dilogue dans un transport en
commun). Cette situation est fréquente dans les lieux publics. Et, d'autre part, les intrus, qui
surprennent son message à l'insu de l'émetteur (une conversation qu'un intrus écoute à la porte). Ils
surprennent à l’insu du locuteur un message qui ne leur est pas destiné.
Rappelons que ce schéma n'est pas figé, que les participants à l'interaction, comme nous l’avons
mentionné, peuvent changer de rôle.
2 2 L'adresse indirecte
Lorsque la véritable cible du discours est indirecte, on a affaire à ce que C. Kerbrat-Orecchioni
qualifie de trope communicationnel (1990 : 92), lorsque s'opère, sous la pression du contexte, un
renversement de la hiérarchie normale des destinataires. C'est à dire que celui qui, en vertu des indices
d'allocution fait figure de destinataire direct ne constitue en fait qu'un destinataire secondaire, tandis
que le véritable allocutaire est celui qui a en apparence le statut de destinataire indirect. C'est fréquent
au théâtre, lorsque les énoncés sont trop osés ou menaçants. Mais plus largement, on peut dire que le
discours de la pièce de théâtre fonctionne dans sa globalité sur le mode du trope communicationnel,
tout comme celui des interviews et débats médiatique de télévision ou radiophoniques.
La parole y est en effet bi-adressée, à deux niveaux de destinataires :
1) L’un "direct" en apparence : les débatteurs qui font comme s'ils ne parlaient qu'entre eux.
2) Celui des auditeurs/téléspectateurs, en apparence "indirect", qui est en fait le principal, puisque
l'interaction lui est en totalité destinée.
La hiérarchie effective des destinataires peut d'ailleurs varier au cours de l'émission. En témoigne
cette citation : « Les animateurs doivent faire "comme si" ils ignoraient tout de leurs interviewés,
alors que c'est justement parce qu'ils sont parfaitement au courant de leurs "exploits" qu'ils peuvent
poser des questions pertinentes ! Ce "faire semblant" est une caractéristique du genre radiophonique
ou télévisuel » (de Salins, 1988).
On peut donc dire, en conclusion, que les schémas d'interlocution sont par essence flous.
Il conviendra toutefois, lors de l'analyse, de distinguer :
-le format de production, et d'étudier le rôle que jouent les participants en tant qu'émetteurs de
messages : celui de président dans une discussion, de modérateur dans une dispute...
-le format de réception, où l'on observera les rôles joués par les participants en tant que récepteurs.
Il faudra distinguer entre les récepteurs ratifiés et les témoins, ainsi que préciser le fonctionnement
de la parole bi-adressée, lorsqu'elle se produit.
43
de comprendre ce qui se passe, de répondre à cette question que chacun se pose de manière explicite
ou non dans une situation : « que se passe-t-il ? ».
Les éléments de base qui permettent à l’individu de reconnaître un événement puis d’adapter sa
conduite forment ce que l’auteur nomme des « cadres ». Dans la première partie de l'ouvrage, Erving
Goffman soutient que la culture d’un groupe social est constituée, pour une large part, d’un ensemble
de cadres primaires. Ceux-ci permettent à l’individu d’accorder du sens, une signification à une
séquence qui, autrement, en serait privée. C’est en classant, en indexant les expériences nouvelles aux
expériences passées que nous sommes ainsi capables de nous retrouver parmi le nombre infini
d’occurrences qui rythment la vie quotidienne. Une distinction fondamentaleest ensuite introduite par
l’auteur entre les cadres dits naturels et d’autres dits sociaux (1991 : 30).
3 2 1 La modalisation
Il s'agit de transformer le cadre primaire en une autre activité, différente, mais qui prend la première
pour modèle. Cette nouvelle activité sera alors pourvue d'une strate profonde, son sens primaire, et
d'une strate externe, son statut dans la réalité, issu de la transformation. On peut modaliser de cinq
façons différentes :
1) Le "faire semblant", il s'agit de toutes les imitations, qu'elles soient formelles, comme une pièce
de théâtre réaliste, ou moins formelles, comme les jeux d'enfants. Par exemple, explique Goffman,
quand des enfants s’amusent aux cow-boys et aux indiens, ils jouent à la guerre -ils prennent modèle
sur la guerre- mais en abandonnent la plupart des attributs et des caractéristiques. Il ne viendrait pas
à l’idée de l’un d’entre eux de s’en prendre gravement à un camarade ; tout comme il ne viendrait pas
à l’idée d’un parent, observateur du jeu, de s’inquiéter pour la santé de son enfant : il sait qu’ils « ne
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font que jouer ». Les parents appliquent à un contenu déjà signifiant -le cadre primaire- un schéma
d’interprétation partagé qui donne son sens à la modalisation.
2) Les rencontres sportives, modalisent le cadre primaire de la bagarre, du combat, mais dans un
cadre sportif. L'agressivité y est canalisée, et graduée par un ensemble de règles (1991 : 65).
3) Les réitérations techniques : ce sont les répétitions de tous ordres, entrainement à des gestes
professionnels (médicaux, pilotage...), jeux de rôles, examen blanc... Ces répétitions d'activités sont
effectuées, pour diverses raisons en dehors de leur contexte ordinaire.
4) Les cérémonies : les mariages, funérailles, investitures sont des exemples de rituels sociaux. Ces
cérémonies modalisent des événements, qui en général, ont pour les participants une importance
capitale dans leur existence. Les participants à une cérémonie incarnent des rôles sociaux (époux,
parent, représentant de la nation...), à la différence du comédien, qui lui, ne fait qu'emprunter les traits
de son personnage.
5) Les détournements : ce sont les cas dans lesquels l'exécution d'une activité pour des raisons
radicalement différentes de celles qui animent habituellement ses participants ; par exemple
lorsqu'une dame riche se transforme en vendeuse pour une vente de charité.
3 2 2 La fabrication
Dans la modalisation, l'ensemble des participants partage le même point de vue. Au contraire, la
fabrication est fondée sur une différence de points de vue, écrit Goffman (1991 : 94). Celui qui est à
l'origine de la fabrication va volontairement désorienter les autres en faussant leurs convictions, en
les trompant. On aura donc d'une part des manipulateurs, des imposteurs (les auteurs de la duperie)
et d'autre part, ceux qui sont tombés dans le piège de la manipulation : les dupes, les victimes.
Les fabrications sont vulnérables au discrédit : une fois découvert, ce qui passait pour la réalité
l'instant d'avant, devient une tromperie.
On va distinguer :
1) Les fabrications bénignes ce sont les farces, tours, blagues, machinations sans mauvaises
intentions. Elles prétendent « servir les intérêts de la personne qui se fait manœuvrer, ou du
moins, de pas lui nuire ». E. Goffman écrit, au sujet des tours, que leur but est en général de
s'amuser, en prenant une ou plusieurs personnes pour cible et que ces divertissements
typiquement brefs se veulent inoffensifs. On présuppose que la victime, rapidement mise au
courant, prendra la blague du bon côté, et se montrera « beau joueur ». Elle se joindra aux
farceurs pour rire avec eux, du rôle dont elle vient de se défaire. Les canulars sont des
manœuvres plus complexes. Ils ont souvent une visée plus vaste, et peuvent s'adresser à
l'opinion publique dans son ensemble. Pour la cible principale et immédiate, il peut parfois
être jugé de mauvais goût. Voici un exemple de canular fameux de grande envergure, mené
par O. Welles, raconté dans cet article du Monde.
http://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2005/07/15/orson-welles-le-genie-mysticateur-par-michel-
braudeau_672792_3208.html
2) Les fabrications abusives : escroqueries, il y a alors une vraie victime qui subit un dommage.
Les fabrications abusives différent des manipulations bénignes en ce que l'on escompte qu'une
instance légale ou légitime interviendra pour y mettre un terme. Ce sont par exemple les
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publicités mensongères, tromperies sur la marchandises ou tricheries aux cartes (1991 : 113).
Lorsque Romain Gary, écrivain connu, prix Goncourt pour Les racines du ciel (1956) décide de
publier sous le nom d'Emile Ajar, pour relancer sa carrière, et qu'il envoie son beau-frère Paul
Pavlowitch recevoir le prix Goncourt pour La vie devant soi (1975) on peut dire qu'il s'agit d'une
fabrication abusive. Il réussit, chose théoriquement interdite, à obtenir deux fois le prix Goncourt.
Mais cette escroquerie finit mal : Romain Gary se suicide en 1980, laissant P. Pavlowitch, selon ses
propres mots « comme un pantin sans maitre ».
« Scier une bûche est un acte instrumental non transformé. Qu’un magicien s’adonne au même
travail sur le corps d’une femme devant des spectateurs, on a alors une fabrication. Et lorsqu’il
essaie un nouveau matériel avant le spectacle, il modalise une fabrication. »
Une émission comme "Loft story" est également difficile à analyser : c'est un spectacle, annoncé
comme tel, il y a des caméras dans toutes les pièces. Il s'agit d'une modalisation. Mais les "acteurs"
n'en sont pas, ce sont des personnes ordinaires (cependant sélectionnées strictement sur des critères
précis). Elles ne sont censées jouer aucun rôle, sinon celui de la vie courante dans un appartement.
Peut-on toutefois se comporter tout à fait normalement sous l’œil de la caméra ? D'autre part, on a
su qu'il y avait quand même un scénario (lequel s'est retrouvé à l'identique dans des émissions du
même type aux Pays Bas, par exemple). Cette modalisation se transforme alors en fabrication.
Nous l'avons dit, ces cadres sont des constructions, et en tant que telles, ils sont vulnérables, car nous
avons parfois du mal à définir certaines situations. On hésite à savoir si tel propos est une plaisanterie
ou non, s'il s'agit d'une allusion qui nous est destinée etc. Ces expériences sont parfois désagréables.
Les cadres peuvent également s'enchainer de manière impromptue : un jeu dégénère en bagarre, une
bagarre en scène amoureuse etc.
Je cite, pour ouvrir la réflexion, deux fragments extraits de « L'empire des médias » (Manière de voir
n° 63, mai-juin 2002, Le Monde diplomatique.) au sujet des premières émissions de télé réalité.
1) "Big Brother", I. Ramonet, p. 33 : "Ce qui passionne le public sans qu'il en ait forcément
conscience, c'est la métamorphose qui s'opère sous ses yeux et qui transforme par la magie du direct
et du continu des personnes somme toute ordinaires, prélevées dans la vie réelle, en personnages, en
acteurs d'une histoire, d'un récit, d'un scénario qui ressemble à un feuilleton, à une fiction. Aziz,
Loana, Julie et les autres sont à la fois eux-mêmes et plus tout à fait eux-mêmes puisque, en se donnant
en spectacle ils finissent par devenir les protagonistes, les stars d'une fiction filmée". L'auteur de
l'article explique ensuite que la célébrité ainsi rapidement et facilement acquise n'est
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qu'un leurre, car elle est finalement "jetable", comme tout ce que fabrique le système médiatique en
pleine "guerre concurrentielle."
NB (Avec le recul, il me semble que ces propos se sont vérifiés...)
2) "Le stade de l'écran", par Marc Augé, p. 53 : "Loft Story" condense tous les traits marquants de
l'idéologie dans laquelle nous vivons, l'idéologie du présent dont le jeu est l'instrument qui se traduit
par la confusion entre personnes, acteurs et personnages. Comme toute idéologie, elle est commune
aux manipulateurs et aux manipulés, aux exploiteurs et aux exploités. La nouveauté n'est pas là.
Elle serait plutôt du côté de la distinction que faisait Freud entre l'enfant et l'adolescent. L'enfant
disait-il ne confond pas le monde de ses jeux avec la réalité, à la différence de l'adolescent qui croit
à ses fantasmes. On pourrait conclure que si l'humanité, aujourd'hui ne retombe pas en enfance, elle
peine à sortir de l'adolescence."
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PARTIE 6
1 La règle d'alternance
Toute interaction verbale se présente comme une succession de "tours de parole". Le tour de parole
est une unité interactionnelle qui se termine par la transition de la parole d’un locuteur à l’autre. Il
correspond à une réplique au théâtre et se définit comme la contribution d'un locuteur donné à un
moment donné de la conversation. Les règles de base en ont été définies en 1974 par H. Sacks,
E. Schegloff et G. Jefferson dans un article fondateur A Simplest Systematics for the Organisation
of Turn-taking for Conversation.
Pour qu'il y ait dialogue, il faut que la parole soit prise à tour de rôle soit par les deux interlocuteurs
dans le cas du dilogue, soit par l'ensemble des participants dans le cas des interactions à plusieurs.
L'alternance des tours de parole est constitutive du dialogue, c'est une des grandes règles qui
régissent les interactions verbales.
La conséquence immédiate de cette grande règle, est que la position de locuteur doit être occupée
successivement par différents acteurs. Ce qui ne signifie pas toutefois que ces acteurs doivent tenir
la position de locuteur à égalité, mais que les participants sont soumis à un ensemble de droits et de
devoirs :
-pour le locuteur en place : il a le droit de garder la parole un certain temps, mais aussi le devoir de
la céder à un moment donné.
-pour le "successeur" potentiel, il a le devoir de laisser parler et d'écouter le locuteur en place pendant
qu'il parle. Il a aussi le droit de réclamer la parole au bout d'un certain temps, et le devoirde la
prendre lorsqu'on la lui cède.
Une remarque relative à la longueur des tours : la pratique du monologue est en principe
exceptionnelle dans la conversation entre Français, (Anglais ou Américains) pour qui la balle doit
changer de camp assez rapidement. Mais c'est différent dans les sociétés à forte tradition orale
(chez les Zoulous, par exemple).
2 1 Les régulateurs
Ce sont des éléments du comportement non-verbal et verbal qui montrent que l'allocutaire est bien
présent, impliqué dans l'interaction et/ou intéressé par ce que dit l'autre, qu'il joue, enfait,
son rôle de coénonciateur.
Le terme de régulateur désigne l'activité verbale, vocale et mimogestuelle par laquelle des
auditeurs soutiennent la production du tour de parole d'un locuteur. (Traduction de l'anglais
back-channel de V. Yngve, 1970).
48
distance entre les propos tenus et son oreille. Au contraire, lorsque son intérêt s'émousse, il recule
instinctivement le buste, comme pour prendre de la distance par rapport à ce qui est dit, sedésinvestir.
Remarquons que le régulateur non verbal principal est le hochement de tête vertical de bas en haut
(le "nod"), mais dans certaines régions de l'Inde, par exemple, ce peut être un mouvement latéral de
gauche à droite et de droite à gauche.
Ces régulateurs sont par exemple (signale E. T. Hall) très visuels pour les Anglais : "L'Anglais a
appris à accorder toute son attention à son interlocuteur et à l'écouter avec soin : la politesse l'exige
et n'admet aucune barrière protectrice. Ce n'est ni en hochant la tête, ni en émettant des grognements
qu'il indiquera qu'il a saisi votre discours, mais en clignant des yeux. L'éducation des Américains en
revanche, leur a appris à ne jamais regarder fixement. Au cours d'une conversation,le regard d'un
Américain vagabonde d'un œil à l'autre de son interlocuteur dont il peut même abandonner le visage
pour un bon moment. En pareil cas, au contraire, pour l'Anglais bien élevé, la marque de l'attention
consistera à immobiliser l’œil à la distance sociale (1,20m), de telle sorte que quel que soit l’œil fixé
par l'interlocuteur, celui-ci aura toujours l'impression d'être regardé en face."Ceci explique certains
malentendus !
2 1 2 Régulateurs verbaux
Les régulateurs peuvent prendre la forme de signaux sonores d'écoute tels que « hum hum, ah,
oh », ce sont des régulateurs vocaux, ou régulateurs verbaux, identifiables comme des unités du
langage, « oui, ouais, ok, ah bon, tiens tiens, d’accord, voilà » On peut aussi trouver des reprises des
mots du discours de l'autre.
Selon M. de Gaulmyn9 dans son article « les régulateurs verbaux : le contrôle des récepteurs », la
fonction des régulateurs verbaux est triple :
1) Être de simple continueurs : ils signifient alors : je t'écoute, je te suis, je comprends. On les
appelle aussi « accusés de réception », il s’agit d’enregistrer le fait que le locuteur parle. Ils ont
alors une valeur phatique et visent la poursuite de tour du locuteur, ils peuvent aussi préparer une
transition.
2) Exprimer plus fortement l'accord sur le contenu, approuver l’énoncé ou l’énonciation qui le
soutient, par exemple « c’est sûr, tout à fait, parfaitement, exactement etc. ». Ils peuvent alors viser
une prise de tour, en marquant la fin d’un thème, ou au contraire encourager l'autre à continuer. Cette
polysémie peut, elle aussi, générer des malentendus. Par exemple, « oui » peut signifier
« je t'écoute, continue » ou un accord « oui (je pense comme toi) ».
La valeur peut être également « commentative » : « incroyable, ça alors, mince... »
Là encore, la variation culturelle est omniprésente : on régule plus ou moins d'une culture à
l'autre. Certains produisent peu de signaux d'écoute, par exemple, les Apaches, qui interprètent les
"uh uhm" de leurs interlocuteurs comme des demandes de répétition. Les Occidentaux régulent plus
que les Apaches, mais bien moins que les Japonais. Ces derniers sont particulièrement prodigues de
régulateurs (en moyenne trois fois plus que les Américains, selon plusieurs études). C'est pour une
question de politesse envers autrui, pour marquer son désir de coopération ou d'empathie, que l'on
régule si frénétiquement en japonais. Mais pour les Occidentaux, cela peut produire l'effet contraire,
49
un effet paralysant, alors même que les interlocuteurs japonais seront gênés par l'insuffisance de
régulateurs occidentaux.
Pour conclure sur ce point, signalons que plus que les formes elles-mêmes, ce sont leur
emplacement dans le tour du locuteur, et leur fonctionnement qui leur donnent leur valeur. Par
ailleurs, les régulateurs sont une marque des plus communes de la co-construction de l’interaction.
Enfin, les régulateurs sont indispensables au déroulement de l'interaction. En leur absence, le
locuteur peut avoir l'impression de ne pas être écouté, et en faire reproche à l’allocutaire : "je te
parle !" "tu m'écoutes ?"
1) Une conception extensive du tour consiste à y assimiler toute production verbale continue
d'un seul et même participant ; verbale et même vocale, puisqu'un tour peut, pour Goodwin, prendre
la forme d'une amorce de mot, d'un petit rire ou d'une simple aspiration. (Sans parler des tours réalisés
uniquement à l'aide de moyens mimo-gestuels, entièrement dépourvus de matériel verbal).
2) Une conception plus restrictive, partagée par de nombreux spécialistes des conversations (dont
Goffman) consiste à considérer que les émissions régulatrices ne constituent pas de véritables
tours de parole, mais des "faux tours". Il s’agit dans ce cas de se poser de nouveau la question de la
définition du tour de parole. Le problème étant qu'aucun des critères proposés, que ce soit le
chevauchement, le critère phonétique (les régulateurs seraient émis avec une intensité vocale plus
faible) ou celui de la longueur de la contribution pour distinguer vrai et faux tour ne paraitsatisfaisant.
On utilisera alors pour transcrire un « faux tour », la convention d’insertion dans le tour du locuteur,
en mettant le régulateur entre étoiles, sans lui accorder de numéro de tour.
Exemple (deux locuteurs, A et J)
J 5 hein c'est un emmerdeur / *A oui* un emmerdeur / mais on va / on dira pas quel emmerdeur exact
il s'agit *A oui* parce que ça serait / eee donner le dénouement du livre *A oui* il s'appelle TEXTOR
/ TEXEL / / *A TEX* bizarre ce nom
On voit alors que les régulateurs restent foncièrement flous, et que c'est sur un mixage des
critères évoqués précédemment que l'on peut poser en contexte une différence entre régulateur
et tour de parole bref.
2 3 Le chevauchement
La règle « une seule personne parle à la fois » est contredite par un phénomène très fréquent en
français, le chevauchement de parole (ou overlap) qui se produit lorsque plusieurs participants
parlent en même temps. On le qualifie parfois de « raté » du système des tours de parole, cependant
ce dernier peut également l’expliquer. De plus les chevauchements sont inhérents à la mise en œuvre
du système des tours.
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Les chevauchements de parole sont fréquents dans certains cas, mais ils doivent s'arrêter assez vite,
pour que le dialogue puisse continuer. Ils peuvent se produire dans les configurations suivantes :
-lorsque plusieurs personnes prennent la parole en même temps en auto-sélection (voir ci-après). Dans
un tel cas, c’est celui qui a commencé le premier qui continue. Il « acquiert les droits sur le tour »
(Traverso, 2016 : 56).
-lorsque le locuteur suivant potentiel anticipe une possibilité de prendre la parole (pause intra tour,
voir ci-après). Il chevauche alors sur la dernière syllabe du tour du locuteur en place.
-après la formulation d’un thème (objet de discours) par le locuteur en place, les locuteurs potentiels
peuvent manifester leur reconnaissance, leur accord ou désaccord.
La résolution : elle se produit sous forme d’une négociation dont le but est de laisser la place à l'un
des locuteurs seulement. Cette négociation peut être courtoise ou agressive, implicite ou explicite.
C'est le cas lorsqu'on recourt à un énoncé métacommunicatif : je n’’ai pas fini", "laissez-moi terminer
ce que j'ai à dire", "excuse-moi", "je vous en prie, allez-y" etc. Sur le mode implicite, c'est un peu la
"loi du plus fort", c'est celui qui continue le plus longtemps, répète ou parle le plus fort qui
gardera (ou essaiera de reprendre) le tour de parole. On peut noter que les jeunes enfants, qui
n'ont pas encore acquis les règles parlent en même temps sans s'écouter.
Quant aux paroles qui ont été interrompues ou non entendues à cause du chevauchement, elles
peuvent être répétées. Mais les locuteurs peuvent aussi poursuivre sans y revenir.
C. Kerbrat-Orecchioni signale, dans le tome III des Interactions verbales que les Français sont
connus pour se couper sans cesse la parole, et parler tous en même temps. C'est vrai de
l'ensemble des peuples méditerranéens. C'est au contraire l'évitement de chevauchement qui
est la règle dans les sociétés anglo-saxonne, germanique ou scandinave. Ces différences sont à
l'origine de conflits interculturels entre latins et anglo-saxons. Pour les Français, les interruptions
permettent d'accélérer le tempo des conversations, ce qui donne un effet de chaleur et de vivacité
à la conversation (c'est le signe d'une conversation, alerte, animée, où l'on ne s'ennuie pas). Pour les
locuteurs allemands ou américains, c'est vécu très différemment : se couper la parole est une
marque d'agressivité, et la conversation devient confuse, anarchique. On sait que dans la
comparaison interculturelle, c'est d'une part le comportement, mais surtout son interprétation
et la valeur qui lui est attachée qui varie.
Voici un autre exemple rapporté par R. Carroll (1987 : 44) "Des Américains se sont souvent étonnés
en ma présence de ce que les Français, "qui se disent si respectueux des règles de politesse" soient
eux-mêmes si grossiers (rude) : "ils vous interrompent tout le temps dans une conversation", "ils
terminent vos phrases pour vous", "ils vous posent des questions et n'écoutent jamais la réponse"
etc. Les Français en revanche, se plaignent souvent de ce que les conversations américaines soient
"ennuyeuses", que les "Américains répondent à la moindre question par une conférence", qu'ils
"remontent à Adam et Eve", et qu'ils "ignorent tout de l'art de la conversation." R. Carroll explique
ensuite que bien que les deux peuples pratiquent la conversation (et le terme « conversation » est
identique dans les deux langues), elle signifie des choses différentes pour chacun. Tandis que les
Français y voient essentiellement un moyen d'exprimer la relation, de "tisser un lien social", les
51
Américains s'en servent plutôt pour mieux connaitre l'autre. "Mais seulement dans le présent, dans
les limites définies par le contexte, et sans que cela nous (Américains) engage à maintenir la relation,
puisque la conversation n'est pas un commentaire sur notre relation, mais plutôt une exploration. La
conversation américaine ressemble plus à une randonnée à deux ou plusieurs en terrain inconnu qu'à
un jeu en terrain familier." (p. 59)
3 1 Les phatiques
La personne qui parle doit elle aussi manifester son engagement dans l'interaction de manière non-
verbale et verbale, par ce que C. Kerbrat appelle les phatiques, qui désignent "l'ensemble des
procédés dont use le parleur pour s'assurer l'écoute de son destinataire" : « hein, tu vois, n'est-
ce pas ? tu comprends, euh, disons, j'dirais, j'veux dire, n'est-ce pas, si vous voulez, comment dirais-
je» etc. Les phatiques sont le pendant des régulateurs pour le coénonciateur. Attention, le sens du mot
"phatique", dans la fonction phatique du schéma de la communication de Jakobson, est un peu
différent. Ils sont aussi importants, car sans eux, l'interlocuteur peut avoir l'impression d'une
communication impersonnelle, que ce n'est pas à lui que l'on s'adresse.
Ces phatiques servent à certains orateurs à remplir les périodes de latence cognitive, cependant
nécessaires à l'énonciation (il s'agit du temps nécessaire à l'accès sémantique ou grammatical), car
le moindre temps mort les insécurise (Barrier 1999 : 25). Ce besoin de sécurité consiste à remplir
les blancs acoustiques par des demandes d'accusé de réception (hein ? OK ? D'accord ?) ou par
des phonèmes sans signifié que l'on appelle des pauses sonores (ben, euh). Ces phases d'hésitation
sonore sont accompagnées de diverses manifestations corporelles qui servent à réguler les tensions
(mouvements des jambes, mains, tête...).
Sans pour autant être normatif, on peut suggérer que l'abus des « euh » (notés e en transcription), dans
certaines situations, et à partir d'une certaine fréquence devraient faire l'objet d'une attention
particulière. En effet, cet « excès d'hésitation » peut révéler un manque de résolution et peuvent
incommoder l'auditoire. Des exercices en binôme ou d'enregistrement peuvent aider à la prise de
conscience de ces éléments. (Barrier, 1999 : 26)
L'observation d'interviews télévisées montre que les professionnels du discours ont des techniques
permettant d'éviter les pauses silencieuses, ou les phatiques qui servent à les remplir. En effet,
l'exposition médiatique contraint ces locuteurs à un minimum de latence verbale ; leur propos pouvant
être repris et diffusés. Il a été montré également que les hésitations retentissent sur le degré de
crédibilité accordé à l'orateur. Ces procédés peuvent être des ralentissements, répétitions de mots
(pour ce / pour ce problème), des prolongations de la dernière voyelle (le :: problème), des raclements
de gorge ou encore des phrases stéréotypes d'introduction (vous savez, écoutez, j(e)crois que).
Les liaisons inter-mots superflues de J. Chirac sont également analysées comme telles par G. Barrier
qui le cite : « On a fait des progrès, mais on peuT (un léger silence sépare le T du motqui suit) encore
en faire, notammenT par l'interdiction officielle ... ».
Il faut enfin noter que plus le locuteur utilise de pauses sonores, moins il a besoin de pauses
silencieuses (intra tour) pour formuler sa pensée. Ces deux phénomènes sont interdépendants.
52
notamment par le fait qu’elle est le reflet à la fois du mouvement respiratoire mais aussi d’une activité
cognitive importante (dans ce cas, le rôle est comparable à celui des phatiques). En effet, la pause
permet au locuteur de reprendre son souffle mais aussi de planifier le contenu de son message pour
structurer son énoncé et le mettre en scène, comme dans le cas des discours politiques par exemple
(Duez, 1999).
Mais la pause est également l’un des éléments révélant la fin d’un tour du parole et le signal du début
de la prise de parole pour l’interlocuteur (Sacks et al., 1974). Ces silences ou pauses, doivent, dans
la langue-culture française, être courts. On observe à ce sujet d'importantes variations
culturelles. En effet, les intervalles entre les tours sont variables selon les cultures. C. Kerbrat-
Orecchioni signale que la durée minimale de la pause entre les tours de parole, d’un interlocuteur à
l’autre donc, est fort courte en France, 3/10èmes de seconde, alors par exemple qu’elle est de
5/10ème aux États Unis. De ce fait viendrait l’impression de l’Américain, quand il parle avec un
Français, d’être sans cesse interrompu... Ou encore le fait que dans une discussion l’Américain se
fasse facilement "doubler" par un Français. Dans d’autres sociétés, le silence peut s’étendre sur
plusieurs minutes, sans que cela soit problématique (exemple, pour les Lapons du nord de la Suède,
mais aussi les Japonais ou les Amérindiens).
C. Kerbrat propose l'exemple suivant : des Lapons autour d’une table : offre - silence - acceptation
de l’offre - grand silence - question - silence - réponse – grand silence etc.) Soit en tout 5 ou 6
échanges minimaux pour une rencontre d’une heure environ. Donc, on constate des différences, et
l’on voit que le “remplissage par un flot continu de parole” n’est pas universel, mais plutôt une
question de culture.
4 Le réglage de l'alternance
La question est à présent celle du passage d'un interlocuteur à l'autre. Quels sont les mécanismes
qui permettent au locuteur de céder la parole au locuteur suivant, le successeur potentiel (ou next
speaker) sans difficulté ? C’est-à-dire sans trop de chevauchements ni de grand silence, comme
l’indique la formule de Sacks et al., « minimize gap and overlap » (minimisation des pauses entre
les tours et des chevauchements de parole). Nous retrouvons le phénomène de la coopération
conversationnelle.
Le locuteur doit donc, à un moment (variable) s'arrêter pour laisser la parole et permettre aux autres
de parler. Ceci peut s'effectuer de diverses manières.
Le cas le plus simple est celui d'un réglage externe. En effet, le temps de parole peut être, dans
certaines situations réglé de l'extérieur. C'est le cas des débats politiques télévisés, dans lesquels
l'animateur tient le compte des temps de parole et le rappelle aux intervenants, "il ne vous reste plus
que X minutes de parole", "il faut maintenant passer la parole à M. Z". Dans une soutenance de thèse,
l'impétrant dispose d'un temps limité pour présenter son travail, et les membres du jury ont la même
contrainte pour effectuer leurs commentaires. Il arrive fréquemment qu'ils débordent dutemps
imparti, ou qu'ils prennent le prétexte de ce temps pour limiter leurs commentaires. La réaction du
président de jury est alors variable : il peut faire comme si de rien n'était, rappeler à l'ordre
relativement strictement, être compréhensif, ou dominé par la personnalité (et/ou la notoriété) de l'un
des membres du jury. Le statut des personnes est un élément essentiel pour la compréhension de ces
variations, nous l'avons évoqué en traitant de la question du rapport de places. Il s'agit là de cas
particuliers, la plupart du temps, les changements de tours sont négociés par les participants
eux-mêmes, de manière implicite. C'est le cas dans les conversations quotidiennes.
4 1 Le changement de tour
Il s'agit de savoir quand se produit le changement de tour, et comment.
53
Le locuteur peut, c'est fréquent, disposer dans son énoncé des signes que l'on appelle places
transitionnelles (ou point de transition) que l'interlocuteur peut utiliser pour se mettre à parler.
Il s'agit souvent de brefs silences intra-tours, sans qu'il se produise réellement d'interruption. Si
l'interlocuteur ne profite pas de cette place transitionnelle, le premier locuteur (locuteur en place)
continue à parler.
Le locuteur peut aussi indiquer nettement qu'il a fini, il produit alors un énoncé syntaxiquement
complet, et sélectionne le locuteur suivant, par le regard, ou directement en l'interpellant. (« qu’est-
ce que tu as fait, toi, Camille, aujourd’hui ? ») Il y a trois types de signaux de fin de tour.
1) Des signaux de nature verbale marquant la clôture, comme "voilà", "bon", ou encore des
expressions phatiques comme "non ?", "hein ?" qui ont une valeur interrogative (Cf. C.
Kerbrat-Orecchioni, tome 1, 1990 : 165)
2) Il y a également des indices non verbaux qui marquent l'intention de clore le tour de
parole : le ralentissement du débit, le regard porté de manière marquée sur le destinataire,
une modification de la posture (par ex. appui sur le dossier de la chaise).
4 2 La nature du successeur
Dans les dilogues, le problème du choix du successeur ne se pose pas, par contre, on peut
rappeler à un locuteur qu'il abuse du temps de parole "alors, ça vient ? accouche !", lui dit-on
vulgairement, ou au contraire le prier de continuer, "vas-y, continue, c'est intéressant". Le locuteur
peut se justifier d'être prolixe : "je vais être un peu long, mais il faut que je m'explique sur les
circonstances...", ou négocier la continuation du tour de parole : "un mot encore et j'en aurais fini..."
Il s'agit là de la question de la durée du tour de parole.
Lorsque l'interaction comprend plus de deux locuteurs, on distingue deux façons de sélectionner le
successeur.
4 2 1 Hétéro-sélection
L1 sélectionne L2, à l'aide des signaux que nous venons d'étudier en 4 1, nomination explicite,
signaux non-verbaux ou/et verbaux. Le bénéficiaire d'une hétéro-sélection peut souligner le fait :
"puisqu'on me demande mon avis...", "je remercie X de m'avoir donné la parole." L'hétéro-sélection
peut s'effectuer par L1 (auto-stop), mais il arrive que l'un des participants intervienne en faveur de L2
: "laisse parler ton frère".
Lorsque ce procédé n'a pas lieu, il se produit une auto-sélection.
4 2 2 auto-sélection
C'est le premier locuteur qui va enchainer sur les propos de L1 qui va prendre le tour de parole.
Il peut profiter pour cela d'une place transitionnelle. S'il se produit un auto-stop et qu'aucun candidat
ne se présente, il s'ensuit un silence plus ou moins prolongé. Le locuteur peut alors reprendre la parole
(minimize gap) Au contraire, si plusieurs candidats prennent la parole en même temps, on a un
chevauchement. Le premier, nous l’avons dit, acquiert les droits sur le tour et les autres écoutent
(minimize overlap).
L'auto-sélection peut être explicitement légitimée :
54
-par auto-valorisation de l'interrupteur, qui va évoquer son statut, l'intérêt qu'il porte au thème, la
connaissance qu'il en a.
-par dévalorisation de L1 et de ses propos : "on en peut pas laisser dire cela, vous vous trompez
lourdement" etc.
-par référence aux règles de la conversation : c'est à moi de parler, je voudrais intervenir. Ces dernières
légitimations interviennent plus fréquemment dans le cas d'interruptions ou d'intrusions (voir infra).
1) Le locuteur L1 abandonne la parole après avoir signalé (par divers indices) la fin de son tour
de parole.
Lorsque cela se passe autrement, des ratés se produisent. Ils sont fréquents, et peuvent être de
deux types :
-les ratés involontaires, qui proviennent d'une méprise d'interprétation des règles de l'alternance.
-les violations des règles, résultant d'un désaccord entre les participants à l'interaction (par ex. une
personne désire intervenir alors que c'est une autre qui aura été sélectionnée par L1).
Ces ratés ont pour conséquence les phénomènes suivants :
5 2 L'interruption
Lorsque L2 prend la parole avant que L1 ait fini son tour, il y a interruption. Lorsque l'on coupe la
parole à quelqu'un, on lèse son territoire, on menace sa face.
55
5 2 1 Rappel la notion de face
La notion de face a été introduite par Goffman (1974), puis reformulée par Brown et Levinson (1978).
À leur suite, on a coutume de distinguer deux faces, indissociables chez tout individu :
-la face négative, qui correspond aux territoires du "moi", territoire corporel (la "bulle"), spatial
(bureau, chambre), biens personnels (voiture, objets), savoirs secrets... Mais aussi sa propre parole,
qu'autrui ne doit pas interrompre.
-la face positive, qui correspond au narcissisme, à l'ensemble des images valorisantes que les
interlocuteurs se fabriquent et tentent d'imposer d'eux-mêmes dans l'interaction.
Donc lorsqu'on a une conversation à deux participants, ce sont quatre faces qui se trouvent en
présence. Et tout au long de l'échange, une bonne partie des actes et des paroles (voire la totalité ?)
constituent des menaces potentielles pour l'une ou l'autre de ces quatre faces : ces menaces, on les
appelle des "Face Threatening Acts" (Brown et Levinson) "actes menaçants pour les faces" (FTA).
Dans cette perspective, les actes de parole se répartissent en 4 catégories.
1 Les actes menaçants pour la face négative (le "territoire") de celui qui les accomplit : C'est le cas
de l'offre, de la promesse par lesquelles on s'engage à effectuer dans un proche avenir un acte
susceptible de léser son territoire, son "moi ». (La proposition de prêter sa voiture par ex.)
2 Les actes menaçants pour la face positive de celui qui les accomplit : par lesquels on
"s'autodégrade" : aveu, autocritique, excuse : "j'ai eu tort", "c'est moi qui ai fini les bonbons" etc.
3 Les actes menaçants pour la face positive de celui qui les subit : C'est-à-dire ceux qui mettent
en péril le narcissisme d'autrui, comme la critique, le reproche, l'injure, l'insulte, le sarcasme ou la
moquerie.
4 Les actes menaçants pour la face négative de l'interlocuteur (celui qui les subit) : par exemple
les violations territoriales de nature non verbale : agressions proxémiques (quand on se trouve trop
près de quelqu'un ; contacts corporel indus, par exemple dans le métro etc.)
Les agressions visuelles, sonores, olfactives, sur les biens d'autrui en font partie. Mais aussi verbales,
il y a des actes de parole qui dérangent, les questions intimes, "indiscrètes", ou encore les actes de
parole directifs : "ordre", "interdiction" "requête" ou "conseil".
Ces deux dernières catégories, qui concernent celui qui subit sont particulièrement importantes :
comment faire passer une demande, une question délicate, un conseil, voire une critique ? C'est là
qu'interviennent les manifestations linguistiques de la politesse.
Il n'y a pas que les FTA : sinon, on aurait une conception un peu "paranoïde" des relations humaines
: on passerait son temps à monter la garde autour de son territoire et de sa face (encore que cela puisse
être le cas de certaines personnes, sans doute plus encore dans les situations d'insécurité). Onpose
alors l'existence d'anti-FTA : les FFA, (Actes valorisants pour la face) qui sont par exemple le
compliment, le remerciement, et qui sont essentiellement positifs, alors que les FTA sont
essentiellement négatifs. (par ex. l'ordre ou la critique).
De même, il existe des interruptions positives, qui fonctionnent comme des FFA, par exemple comme
marque d'implication intense dans la conversation.
56
5 2 2 interruption et interculturel
L'interruption s'effectue selon des manières variables en fonction des sociétés. Les Anglais ont
une "méthode douce", ils débutent par un morphème introductif : "Well", suivi d'un énoncé
confirmatif. Les italiens ont un comportement d'apparence plus brutale, puisqu’ils coupent par un
"ma" à valeur adversative. Les Français débutent souvent leurs interruptions par un "mais"
comparable, ou par "oui, mais..."
Nous avons déjà évoqué la tolérance des Français pour le phénomène de l'interruption. R. Carroll la
commente de façon intéressante, toujours dans une optique interculturelle : (1987 : 62-63)
« Plus encore que les questions qui n'exigent pas de réponse véritable, ce sont les « interruptions
continues » de la conversation française qui déroutent les Américains. Mais, comme on devrait s'y
attendre maintenant, ce que l'Américain prend pour une interruption n'en est pas vraiment une, et joue
un tout autre rôle dans la conversation française. Vus de l'extérieur, des Français en conversation
semblent, en effet, passer leur temps à s'interrompre l'un l'autre. La conversation parait cependant
agréable, et les participants ne donnent aucun signe d'être vexés, frustrés ou impatients (pour
l'observateur français s'entend). Au contraire, l'interruption semble être un principe moteur de la
conversation. Il est donc permis, à certains moments et non à d'autres d'interrompre sans être grossier.
Pour savoir quels sont ces moments, il suffit de considérer cette « interruption » comme un signe de
ponctuation. Il ne s'agit surtout pas de couper la parole à quelqu'un, au milieu d'un mot ou d'une
phrase, mais de saisir la pause10, si brève soit-elle, pour réagir. Je ne fais pas cela pour attirer
l'attention sur moi, ou prendre la parole, mais pour manifester l'intérêt qu'a provoqué en moi la
réplique de l'autre11. Réplique qui mérite, qui appelle un commentaire, un mot d'appréciation, des
dénégations, des protestations, du rire, bref une réaction sans laquelle elle « tomberait à plat ». La
balle est lancée pour être justement rattrapée et relancée. Quand il n'y a aucune « interruption », que
chacun parle posément à son tour (comme dans la conversation américaine selon les Français), la
conversation ne « décolle » pas, elle reste polie, mondaine, froide, et autres qualificatifs de ce genre,
tous négatifs.
Au contraire, les interruptions-ponctuation sont une preuve de spontanéité, d'enthousiasme et de
chaleur, une source d'imprévu, d'intérêt et de stimulation, un appel à la participation et au plaisir.
(...) Pour un Américain non averti, la rapidité de l'échange peut être interprétée comme une série
d'interruptions (et donc une expression d'agressivité) et le ton de la voix comme une expression de
colère (quand ma fille était toute petite, elle m'a demandé un jour pourquoi je me disputais toujours
avec mes amis français qui venaient à la maison, et jamais avec mes amis américains ; c'est
probablement ce jour-là que j'ai commencé mes analyses culturelles …)"
5 3 L'intrusion
L'intrusion ne concerne plus le moment de la succession, mais la nature du successeur. Elle se
produit lorsqu'un locuteur illégitime s'empare de la parole et vient parasiter le circuit
interlocutif. Ce peut être un locuteur non sélectionné par L1, une personne qui n'a pas à participer à
la conversation (un domestique dans une pièce de Molière), ou une personne extérieure au groupe.
L'intrusion peut être légitimée (C.F. en 4 2 l'autosélection). Et elle donne souvent lieu à des
réparations :
-juste un mot, je serai bref, qui équivalent à des minorations de l'intervention.
-je vous prie de m'excuser, mais... qui répare par l'excuse.
R. Carroll compare le comportement des gens lorsqu'ils font la queue dans un supermarché. Elle
explique que contrairement à ce qui se passe en France (où les gens râlent, se replient sur eux-
10 pause intra-tour, transitionnelle.
11 c'est l'interruption positive, dont nous venons de parler.
57
mêmes, ou s'isolent dans la lecture d'un journal) les Américains n'hésitent pas, lorsqu'ils attendent à
la caisse, à converser de façon conviviale pour passer le temps, à échanger, dans la mesure où la
conversation n'engage pas l'autre, ils acceptent facilement d'entrer en contact. L'intrusion est moins
problématique que l'interruption.
Citons enfin, dans la liste des dysfonctionnements, le chevauchement que nous avons évoqué en 22.
6 Conclusion
L'alternance des tours de parole est un phénomène social par excellence, puisque les
participants fabriquent eux-mêmes l'ordre de l'interaction.
Il n'est pas encore acquis par les jeunes enfants qui s'empêchent mutuellement de parler.
Il est endogène dans le cas d'adultes en situation de dialogue : ils créent eux-mêmes un ordre avec
ses règles ponctuelles, variables en fonction des groupes.
Il peut enfin être exogène, lors d'interactions formelles : séance au parlement, soutenance de thèse,
les participants doivent se soumettre à des règles, qui sont parfois vécues comme contraignantes.
Le fonctionnement de l’alternance (Traverso, 2016 : 54) est essentiel, car il montre comment les
participants organisent leurs prises de parole, sans avoir besoin d’expliciter les modalités qu’ils
mettent en œuvre. Pour cette raison, ce système peut être considéré comme un exemple d’organisation
sociale à petite échelle.
La règle de l'alternance des tours de parole s'applique quel que soit le statut des participants,
elle est fondamentalement égalitaire, et fondée sur la réciprocité (comme sont égalitaires la
réciprocité de "je" et "tu"). Mais la réalisation de cette règle, n'est pas seulement fonction de
l'interaction. Les règles sociales des structures vont ou non permettre l'existence du face à face. Il y
a des gens qui ne peuvent pas se rencontrer parce qu'ils appartiennent à des groupes sociaux éloignés.
Il existe aussi des règles sociales qui ne permettent pas à certaines personnes de communiquer : les
belligérants communiqueront par le biais d'intermédiaires, le Président de la République en France
ne peut pas, par la Constitution s'adresser directement aux députés : il devra leur faire lire ses
messages par un ministre. Enfin, les statuts des uns et des autres ont, nous l'avons vu, une
importance déterminante dans la durée des tours... Il reste que des négociations sont souvent
possibles, d'autant que les violations des règles interactionnellessont fréquentes, et la plupart du
temps bien tolérées, lorsqu'elles ne sont pas trop importantes.
58
PARTIE 7
LES UNITÉS STRUCTURELLES DES INTERACTIONS
VERBALES
1 introduction
La règle d'alternance des tours que nous venons d'étudier suffit à structurer des conversations telles
que celles que l'on trouve dans la Cantatrice chauve, il y a bien alternance des tours, chacun des
locuteurs parle à son tour, mais les thèmes passent du coq à l'âne, sont décousus12.
Ceci n'est pas perçu comme une conversation, ou alors nous essayons de fabriquer du sens, de
construire une certaine cohérence dans cette suite d'énoncés, pourtant conçue sans liens.
Dire que les interactions sont structurées, cela signifie qu'il y a, en plus de la règle constitutive de
l'alternance des tours de parole, des règles portant sur le contenu de la conversation. Celle-ci est donc
organisée, du point de vue syntaxique, pragmatique, sémantique, et même phonétique. Le discours
alterné (non monologique) obéit à certaines règles de cohérence interne, qui lui sont plusou moins
spécifiques.
Nos habitudes de conversation font que nous appliquons ces règles conversationnelles. Par exemple,
si je suis une jeune fille célibataire française, et qu'un collègue de travail (d'âge et de situation
équivalents) me demande "qu'est-ce que tu fais ce soir ?" je sais que si je réponds que je suis libre,
cela m'engagera à accepter la proposition qui va suivre. Il faut donc que je construise ma réponse non
en fonction de cette première question, mais plutôt par rapport à l'invitation qui viendra par la suite.
On pourrait avoir les deux dialogues possibles suivants :
12 CF pour cette partie, le chapitre 4 du tome 1 de l’ouvrage Les interactions verbales, C. Kerbrat-Orecchioni, A.
Colin, 1990.
59
Il s'agit là des deux versions d'une sorte de partition, jouée par A et B. Celle du refus permet de ne
pas porter atteinte à la face positive de B, car comme l'invitation n'est pas formulée (elle est énoncée
comme une possibilité abandonnée, "je pensais"), il n'y a pas de refus, ce qui serait blessant. Dans
cette interaction, il y a donc des règles implicites (ne pas dire qu'on ne fait rien si l'on a l'intention
de refuser l'invitation qui peut suivre). Mais ces règles peuvent être transgressées, sans que l'on
sorte de la langue (au contraire si j'omets le subjonctif après "je veux", je sors de la langue : *je veux
que tu viens). Ce que l'on risque en transgressant une règle conversationnelle, c'est de passer pour un
goujat, une "allumeuse", quelqu'un de mal éduqué.
2 Ponctuation
Pour poursuivre la réflexion sur l'exemple qui précède, nous devons introduire la notion de
ponctuation. La nature d'une relation dépend de la ponctuation des séquences de communication entre
les partenaires. C'est-à-dire, nous venons de le voir, que nous n'interprétons jamais les messages de
façon isolée, nous les relions toujours à d'autres. Mais ces liaisons ne sont pas imposées par une
"réalité objective", elle sont le fait de chaque partenaire, et le reflètent, en ce qu'elles expriment sa
"lecture", sa compréhension des événements, de la relation. Des lectures différentes sont bien entendu
cause de malentendu.
Autre exemple, dans une relation à deux, l'un peut expliquer que s'il est "renfermé sur lui-même",
c'est à cause de « l'agressivité » de l'autre. Lequel peut expliquer son "agressivité" par le silence de
son partenaire, vécu comme un refus de communiquer. On dira que chacun ponctue différemment :
ce qui est vécu comme une cause pour l'un sera une conséquence pour l'autre.
B s'est senti "agressé" par la question de A, comme si A cherchait à l'espionner. Cette attitude est
certainement en relation avec des scènes antérieures, lors desquelles le comportement de A a été vécu
comme tentatives d'intrusions dans la vie privée de B.
A a ponctué différemment, et posait sa question en vue d'un message à suivre : est-ce que je peux
utiliser la voiture demain ?
Notons que l'exemple, qui ne donne que la face verbale de l'échange, ne permet pas de savoir si la
ponctuation de A était vraiment celle avancée en A2 ou si, devant la réaction agressive de B, A a
"réorienté" sa ponctuation, de manière à apaiser B, ou à le mettre en tort. Dans ce dernier cas,
l'intention de A, en A1 aurait vraiment été d'"espionner" B.
Il s'agira alors de dégager des unités, et leurs règles d'enchainement, comme on le fait dans d'autres
domaines d'analyse.
Nous suivrons pour cela le découpage effectué par C. Kerbrat-Orecchioni.
60
celui opéré par la linguistique structuraliste, (et bien connu des étudiants!) des phrases qui se
décomposent en syntagmes, eux-mêmes décomposés en mots, lesquels se décomposent à leur tour
enmorphèmes puis en phonèmes. Pour les conversations, il existe quelques différences entre le
nombre de rangs, et leurs noms. Le modèle présente par C. Kerbrat Orecchioni possède 5 rangs.
3 1 L'interaction
C'est l'unité d'analyse la plus élevée d'une conversation, l'ensemble des échanges effectués par des
participants dans un contexte donné. Mais cette définition minimale doit être complétée, en précisant
les limites d'une telle unité. Une modification du cadre, des participants, ou du thème de la
conversation suffit-elle à changer d’interaction ou non ?
C. Kerbrat écrit (1990 : 216) « pour que l'on ait affaire à une seule et même interaction, il faut et il
suffit que l'on ait un groupe de participants modifiable, mais sans rupture qui, dans un cadre spatio-
temporel modifiable mais sans rupture, parlent d'un objet modifiable, mais sans rupture. » Il
conviendra alors de déterminer ce qu'est une rupture.
-l'analyste peut déterminer de manière externe à l'interaction si tel ou tel événement constitue une
rupture, par exemple le départ ou l'arrivée d'un participant.
-il peut se fonder sur les évaluations internes des participants à l'interaction. Si un départ passe
inaperçu, il n'est pas pris en compte. Au contraire s'il donne lieu à des commentaires, du type "quel
dommage que X vienne de nous quitter", ou "ouf, bon débarras", il sera pris en compte.
-L'analyste peut utiliser le script comme unité de cohérence, ainsi que les ruptures qu'il peut
comporter.
L'analyste ne peut donc pas échapper à un certain arbitraire, lorsqu'il délimite une interaction. Il
convient cependant de le limiter au maximum, en particulier en justifiant les découpages qu'il
effectue.
Il vous faudra utiliser ces informations lorsque vous devez "découper" l'interaction que vous
transcrirez.
3 2 La séquence
L'unité de rang immédiatement inférieur à l'interaction est la séquence. C. Kerbrat Orecchioni la
définit comme "un bloc d'échanges reliés par un fort degré de cohérence sémantique et/ ou
pragmatique" (1990 : 218), tandis que R. Vion, lui, parle de modules. Par exemple, lors d'une
consultation, la séquence "investigation verbale par le médecin" est suivie de la séquence "examen".
Au restaurant, la séquence "prise de la commande", est suivie par la séquence "repas". Les séquences
les plus ritualisées sont celles d'ouverture et de fermeture d'une conversation. En effet, les échanges
ont une forte cohérence thématique, mais aussi pragmatique. Par exemple, lors d'une ouverture, on
parle du temps qu'il fait, on demande des nouvelles de la famille (cohérence thématique), dans le but
d'entrer en contact avec la personne de manière polie, d'engager une conversation (cohérence
pragmatique).
3 3 L'échange
Le troisième niveau d'analyse de l'interaction est l'échange. C'est la plus petite unité dialogale (car la
suivante n'appartiendra pas au dialogue, même si sa nature l'y rattache). L'échange comporte donc
au moins deux interventions.
61
2) L'échange peut être tronqué :
A Bonjour, tu as vu Maël ?
B non
L'échange de salutations est tronqué puisque B ne répond pas au salut de A. Il s'agirait d'une ellipse.
On peut également considérer que B refuse l'échange de salutations initié par A.
3 4 L'intervention
C'est l'unité minimale. On passe de l’unité dialogale à l’unité monologale, émise en principe par un
seul locuteur. L’intervention est la contribution d’un locuteur particulier à un échange particulier. Elle
ne recoupe pas forcément un tour de parole, lequel peut contenir une ou plusieurs interventions.
Celles-ci vont ainsi lancer un ou plusieurs échanges.
Dans cet exemple, l'échange demande/réponse est enchâssé dans l'échange de salutations. Un même
tour de parole comporte alors deux interventions, que l'on peut décomposer ainsi :
A x salut
A y tu as mon livre
B y' non
B x' mais bonjour quand même
62
Les échanges sont ici sur l'ordre :
x salut
y tu as mon livre ?
x' bonjour
y' non je l'ai oublié
A où vas-tu ?
B' je t'en pose des questions ? (réplique).
3 5 L'acte de langage
Cette unité, issue de la philosophie du langage, a été cataloguée par les pragmaticiens (Austin, Searle,
Fraser…), ainsi que par les linguistes de l’interaction. Il reste cependant difficile à découper
strictement, même en tant que « segment discursif associé à un seul contenu propositionnel »
(Moeschler, 1985), en particulier du fait des problèmes posés par les actes de langage indirects.
Conclusion
Nous arrivons à la fin de la présentation (brève nécessairement) de ces éléments théoriques, et vous
devez à présent avoir une idée assez précise des outils qu'offrent les interactions verbales pour
l'analyse des échanges langagiers.
Il convient maintenant -et c'est la partie la plus délicate- de vous approprier ces outils en les faisant
fonctionner. C'est la raison pour laquelle je vous demande de réaliser une transcription accompagnée
d'axes d'analyse (voir ci-après activité personnelle).
Les deux dernières parties du cours concernent les interactions dans le cadre de la didactique du FLE.
La partie 8 constitue une introduction aux spécificités des interactions verbales dans la classe de
langue, et la partie 9 traite de la 5ème compétence du CECR, soit la compétence interactionnelle.
63
PARTIE 8
LES SPÉCIFICITÉS DES INTERACTIONS EN CLASSE DE
LANGUE ÉTRANGERE
Introduction
Cette partie du cours est tirée du chapitre 3 : « L’interaction dans la classe de langue » de l’ouvrage
de M. Cambra Giné intitulé Une approche ethnographique de la classe de langue (Didier LAL, 2011).
Nous le mettons en relation avec les différents chapitres de notre cours sur les Interactions verbales,
ce qui vous permettra de réviser certains concepts et notions, et de les intégrer plus efficacement.
Les études montrent qu’il y a des régularités au sein de la grande variété des cours et des classes,qui
permettent de caractériser la classe de langue prototypique du point de vue des interactions. Le
premier point concernant l’interaction en classe de langue, est qu’elle est constitutive de l’acquisition.
La langue s’acquiert dans des pratiques telles que la négociation de la relation avec le partenaire,
l’ajustement à la parole de l’autre, au cadre communicationnel, à la tâche à faire etc.
Il est important de souligner que l’interaction n’est pas un simple cadre pour présenter des
échantillons de langue, mais un facteur fondamental qui structure le processus cognitif.
Second point, la communication est à la fois verbale et non verbale, et se réalise dans le face à face
(P3), les interactants étant en principe des coénonciateurs.
64
même qu’ils se sentent, sur le plan social sur une position parfois aussi haute que celle de l’enseignant.
Cela peut provoquer des stratégies de séduction et de dédramatisation de la part de l’enseignant
(utilisation du rire), aboutissant parfois à des conflits lorsque l’apprenant se bloque et refuse le jeu.
Plus généralement, les FTA sont nombreux dans la classe de langue : critique, évaluation, correction
en premier lieu. Mais d’autres actes plus spécifiques peuvent être des FTA : ne pas répondre à une
question, ne pas tenir compte d’un commentaire, ne pas reconnaître une erreur, ou que l’on est
inattentif. Les enseignants sont en général experts dans la gestion et le ménagement des faces. Par
exemple, en évitant d’employer directement « non » lors des corrections, au profit de l’autocorrection,
de la suggestion, de l’indirection. Goffman signale la vocation de séducteur du conférencier comme
de l’enseignant, et l’importance de ces phénomènes de figuration.
2 Complexité énonciative
En classe de LE l’hétérogénéité est un trait saillant du discours, contrairement à ceux qui se tiennent
dans les classes d’autres disciplines. Le fait que l’on communique pour apprendre à communiquer
produit une grande hétérogénéité discursive, perceptible par des phénomènes tels que les reprises,
reformulations, réparations, dé- et recontextualisations, et le discours rapporté. C’est cet objectif
particulier, consistant à utiliser la langue afin de l’apprendre qui produit cette hétérogénéité
permanente de l’interaction en classe de langue. Des auteurs tels que L. Gajo ou L. Mondada appellent
ce phénomène « double réseau énonciatif ». Le réseau métalinguistique (objectif d’apprentissage) se
superpose au réseau linguistique (pratique de la langue). C’est le dédoublement des rôles, spécifique
à la classe de langue qui est responsable de cette double énonciation permanente. La complexité du
discours produit (répétitions, interrogations, doutes, explications sur son propre discours, références
aux discours déjà tenus etc.) ne déroute pas les apprenants qui connaissent déjà les règles et les
implicites du jeu métalangagier, appris très tôt en milieu scolaire avec la L1, et qui font partie du
contrat d’apprentissage.
A cette complexité énonciative de la classe de langue s’ajoute le fait que le jeu et la simulation
occupent une place centrale en classe de LE. Il ne s’agit pas seulement des activités de jeu de rôle
ou théâtrales, mais surtout du fait que l’apprenant joue le rôle du locuteur L1 de la langue apprise, il
joue à être francophone, hispanophone, anglophone etc. Pour cela, il agit en tant qu’acteur d’une
situation fictive, et produit des discours dont il n’est pas le véritable énonciateur, discours qui sont
souvent simplement répétés. Trévise a montré depuis la fin des années 1970 que l’énonciation
didactique se caractérise par la présence simultanée de deux énonciations : une première où les
apprenants et l’enseignant sont les véritables énonciateurs, et une seconde, qui se greffe sur la
première où ils sont des simulateurs. Même lorsque l’élève parle de son moi, ici et maintenant, il le
fait en s’adressant à l’enseignant, qui fait comme si la situation était naturelle, alors qu’elle est
simulée.
3 Le cadre participatif
Nous avons vu que le statut inégal des participants et les rôles interactionnels établis
institutionnellement déterminent un type d’interaction spécialisé, asymétrique et complémentaire.
65
Si l’on élimine les cours particuliers et les séances de tutorat, la présence de nombreux acteurs dans
la classe produit un polylogue. Cependant, dans le cas où le professeur joue un rôle dominant, on peut
considérer que l’on a affaire à un dialogue particulier, avec deux catégories de participants
(partie 5, le cadre participatif) : le professeur d’un côté, une entité collective de l’autre, le groupe
d’apprenants, pris comme un auditoire. On constate en effet souvent qu’il se produit des relations
avec le groupe entier, auquel le professeur s’adresse. Ce dernier joue le rôle de locuteur prioritaire,
qui initie les prises de parole, et alloue les tours de parole. Lorsque les élèves sont mis ensituation de
locuteurs, les interventions peuvent se chevaucher, ou être de nature chorale (importance du travail
choral dans de nombreuses cultures scolaires). La « constellation » des participants varie en
permanence, dans un tel polylogue. D’autre part, il se produit de nombreux apartés, comme dans toute
situation publique et plurilogale.
Plus le nombre d’élèves est important, plus la relation est inégale, puisque les possibilités de
participation individuelle sont réduites. La disposition spatiale est une autre contrainte importante. La
« scène » que constitue l’espace occupé par le professeur, espace muni du tableau ou de l’écran
d’ordinateur, concentre la direction des regards et des échanges, et renforce la hiérarchie des relations.
La proxémique, on le sait, conditionne fortement les formats d’interaction. L’auteure note finalement
qu’« on ne peut que constater une inertie frappante des espaces de classe, surtout en milieu scolaire. »
( Cambra Giné, 2003 : 74) (Partie 3 du cours).
Au sujet des récepteurs, on note la présence possible de tropes, lorsque le professeur s’adresse à toute
la classe pour un propos négatif, alors qu’un seul élève est « visé ». Il s’agit d’adoucir des propos
menaçants dans l’anonymat du collectif.
Enfin, les signes non verbaux utilisés, et en particulier le regard, pour désigner les allocutaires, sont
très variables et mouvants lorsque le professeur s’adresse à l’ensemble du groupe.
66
(n’ayant pas levé la main) sont fréquentes. Cependant, de manière générale, le pouvoir d’initiative
des apprenants demeure très restreint globalement.
Les signes d’écoute (régulateurs) s’adressent au professeur car c’est à lui qu’il faut montrer que l’on
suit les règles. Comme c’est ce dernier qui alloue les tours de parole, les apprenants ont tendance à
ne pas s’écouter entre eux, ce qui augmente la verticalité des interactions. L’expérience montre qu’il
faut apprendre aux élèves à s’écouter entre eux.
Lorsque l’organisation de la classe se fait non plus autour de l’enseignant mais en sous-groupes, avec
une présence itinérante et moindre de l’enseignant, le système de prise de parole est bien entendu tout
différent. Ce sont les apprenants eux-mêmes qui agissent comme des modérateurs, des négociateurs
ou des experts, et la répartition des tours de parole peut être plus équilibrée (en fonction des
particularités des élèves locuteurs). Ce type d’organisation, plus égalitaire, est d’autant plus
intéressant qu’il permet d’augmenter le temps de parole des apprenants de la LE. Et l’on sait qu’il est
inversement proportionnel à celui du professeur !
En second lieu, on trouve un contrat didactique, dans une situation exolingue : le natif doit aider
l’alloglotte qui doit manifester, malgré ses difficultés, la volonté de communiquer. Cette fonction
enseignante du natif (ou du spécialiste de la LE qu’est l’enseignant) s’exerce sans poser de problèmes
de figuration, elle consiste à maximiser les possibilités d’acquisition de la langue (activités
métalinguistiques, corrections, réparations etc.), en laissant de côté la communication.
En troisième lieu, il existe en classe de LE un contrat de parole spécifique qui régit les conditions de
réalisation des échanges. Ce contrat affirme de façon implicite « nous sommes là pour nous
comprendre et nous allons le faire de telle et telle façon. » Il donne un certain sens illocutoire aux
actes de parole, des normes discursives particulière, des rôles spécifiques. Par exemple, dans une
classe de primaire en Catalogne (exemple analysé par M. Cambra Giné p. 86), la maitresse annonce
à la classe que c’est l’anniversaire d’une élève, et demande quel âge aura-t-elle ? » et la classe, en
chœur, de répondre « un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept ! ». Les élèves ont bien compris que la
67
question de la maitresse était une sollicitation à montrer leur compétence à compter. En effet, l’enjeu
en classe de LE est de produire pour pratiquer.
Cette notion de contrat, dans sa triple dimension permet d’interpréter les comportements interactifs
spécifiques des classes de LE. Elle met en œuvre des systèmes de valeurs activés par des règles, qui
forment les aspects culturels des classes.
Conclusion
Dans le bilan de son étude ethnographique de la classe de langue, M. Cambra Giné constate que « la
reproduction des schémas classiques sécurisants permet sans doute aux participants de conduire une
classe à sa fin de façon acceptable ». Il semble que l’innovation, consistant, nous l’avons vu, à
organiser la classe en sous-groupes, de manière à rendre les relations plus égalitaires, est fortement
souhaitée, mais difficile à mettre en œuvre dans certains contextes. Les pratiques communicatives
scolaires restent souvent trop reproductives et insuffisamment diversifiées. Pourtant, uneorganisation
moins centrée sur le professeur, tend à améliorer les conditions et l’efficacité de l’apprentissage. Une
explication à cette inertie pourrait être le manque de collaboration entrechercheurs et enseignants, et
partant, une certaine méconnaissance des résultats des recherches des sciences du langage sur le
fonctionnement de la communication, de la part de ces derniers.
Il s’agirait en particulier de sortir du schéma limité « question-réponse », et des injonctions de
l’enseignant, pour viser de véritables compétences communicationnelles, telles que « prendre, garder,
céder ou voler la parole, s’adapter au contexte, répondre en montrant que l’on se situe face à ce que
l’on vient de dire, raconter, exposer son point de vue, réagir à ceux des autres, négocier les thèmes
etc. » (Cambra Giné, 2011 : 279-280) Plus globalement, il s’avère réellement nécessaire de travailler
sur la gestion de l’asymétrie, en repensant les rôles des participants. Sur ce point, un travail sur la
formation et les représentations des enseignants a toute sa place.
68
PARTIE 9
La cinquième compétence
Le point de différence essentiel résidant dans le fait que les locuteurs impliqués dans une interaction
verbale en face à face exercent une influence mutuelle : selon la formule de C. Kerbrat-Orecchioni
: « parler, c'est échanger, et c'est changer en échangeant ». Ou, pour le dire selon E. Goffman
(1973 trad. Française) : « une interaction entre deux ou plusieurs locuteurs engagés dans l'échange
est un événement de communication constitué par ce jeu d'influence des paroles et des actes sur
les paroles et les actes des locuteurs. »
De plus, les descripteurs du CECR13 se fondent sur la perspective actionnelle : nous passons de
« parler » à « interagir oralement », c’est-à-dire à une conception pragmatique de la rencontre
langagière. Il ne s’agit nullement ici d’un simple changement de terminologie : mais bien d’une autre
conception de cette forme de la communication (Béacco, 2007). Cette nouvelle démarche didactique
considère avant tout les usagers et les apprenants d’une langue comme des acteurs sociaux ayant à
accomplir des tâches dans des circonstances et un environnement donné, à l’intérieur d’un domaine
d’action particulier. Si les actes de parole se réalisent dans des actions langagières, celles-ci
s’inscrivent elles-mêmes à l’intérieur d’actions en contexte social qui seules leur donnent leur pleine
signification. (CECR, 2001 : 15).
Certains pourraient rétorquer en disant que des situations dites authentiques mettent les apprenants
dans une posture d’échange avec leurs camarades et/ou avec leur professeur au sein de la classe.
Cependant, cette communication « domestique » (inhérente à la situation de classe) manque
d’efficacité lorsque les étudiants de la LE sont confrontés à de « vraies » interactions authentiques
qui posent des défis de nature complètement différente de ceux en jeu dans la classe : nécessité
de comprendre plus rapidement pour « survivre », temps de réponse plus court, capacité à utiliser
différentes formes de communication (verbale, paraverbale, prosodie, etc.), nécessité de mener de
front l’expression et la compréhension, etc.
69
2 Construire une progression dans l'acquisition d'une compétence
d'interaction
Les caractéristiques des interactions sont à prendre à compte dans la mise en place d'une progression
des activités d'enseignement. Par exemple, dans le cadre d’un échange en face à face, pour les niveaux
Al et A2, on pourrait tendre à privilégier :
- Les dialogues aux conversations à 3 ou 4, parce que la prise de la parole y est moins complexe ;
- Les interactions à script prévisible, qui permettent d'en prévoir le déroulement. Les interactions
de service, par exemple, le sont particulièrement.
-les interactions impliquant des interlocuteurs à statut de parité, ce qui implique moins de surveillance
verbale ;
-les interactions dont les finalités et le script présentent des équivalents connus de l'apprenant dans
sa propre communauté de communication.
Exemples d'activités : les apprenants pourront en petits groupes reconstituer des tours de parole
fournis à l’écrit et dans le désordre. Ensuite, lors de la mise en commun, ils pourront justifier et
expliquer leurs choix avant l’étape de l’écoute. Ils pourront également écouter un tour pris isolément
et deviner le contenu du tour précédent et suivant.
Autre exemple, pour le niveau B2 (utilisateur indépendant), on considère que dans une interaction
orale, l'utilisateur/apprenant pourra :
-adresser la parole à une personne inconnue (dans la rue, un magasin ou sur son lieu de travail)
-prendre la parole dans une discussion, interrompre, entrer dans une discussion
-indiquer la fin de son tour de parole
-marquer son approbation ou son désaccord
-marquer son attention à la parole de l'autre (régulateur, feed back)
-adapter son intervention en fonction du degré de formalité
-faire répéter ou gloser ce qu'il n'a pas compris (en particulier au niveau lexique)
-demander des précisions ou explications
-utiliser et interpréter certains gestes, mimiques
Ces stratégies s'enseignent en tant que telles à partir d'exercices.
70
verbale/s créée/s ad hoc par l'interactant, au-delà des formulations stéréotypées, figées ou prévisibles.
On passera :
-de genres discursifs utilisés dans la culture communicative de l'apprenant, connus de lui (l’interview
peut être un genre plus ou moins universel), à des genres discursifs (en langue cible) peu ou non
connus de lui (par exemple, le débat politique du moins tel qu’il se déroule dans les médias en
France);
-d'actes de langage utilisés dans la culture communicative de l'apprenant ou avec lesquels il a
pu se familiariser au cours de l'apprentissage de la langue maternelle ou de référence (défendre un
point de vue personnel par exemple) à des réalisations verbales (en langue cible) moins connues de
lui ( défendre l’action politique d’un gouvernement dans un pays démocratique).
Dans cette perspective, le recours à des échantillons d’interactions (enregistrements de débats par
exemple) pourraient servir de support à l'enseignement. Ceux-ci doivent être dans la mesure du
possible authentiques pour permettre une actualisation et une objectivation des phénomènes verbaux
et paraverbaux constitutifs des interactions verbales au sein de la langue culture cible.
71
Ils ont globalement les caractéristiques de l'écrit et ne prennent en compte que de façon limitée les
caractéristiques de l'oralité. Le registre de langue et la syntaxe de l'écrit (et non orale) le montrent.
De plus, les documents sonores de méthodes sont souvent lus, sur le modèle des chroniques
radiophoniques. Ils sont donc plus monologiques que dialogiques, forme plus proche de l'écrit, et
plus facile à travailler. Et pourtant les méthodes qui les présentent se réclament de l'approche
communicative.
En conclusion, il faut essayer de confronter les apprenants à une gamme étendue d'interactions, tout
en gardant en conscience les éléments liés à la progression que nous avons évoqués précédemment.
On peut travailler explicitement sur des éléments tels que les glissements thématiques, l'implicite.
1) Compétence pragmatique :
-Qui sont les protagonistes de l'action ? Quelle part y prennent-ils ? Que veulent-ils faire ?
-Comment nommer les actions dont il est question dans l'échange, et quel sont les actes de paroles
auxquels elle donne lieu ?
Nous complétons cette proposition avec des éléments issus de la terminologie de notre cours et
l'expérience de l'analyse d'interactions authentiques.
2) Compétence interactionnelle :
-Cadre participatif : participants (ratifiés ou non), format de réception, statut des locuteurs, type
de relation (égalitaire ou asymétrique), Lieu : public, privé, disposition spatiale, proxémique
-Buts des participants, y-a-t-il plusieurs niveaux de buts (institutionnels, réels, affichés,
dissimulés…)
-Thèmes : Comment le thème est-il introduit, maintenu ? Quelles sont les traces lexicales du sujet
dont on parle ? (quel est « l'univers de référence », est-il identique, qui arrive à imposer le sien
?)
72
-Type d'interaction : négociation, conversation, confidence etc. Il est important de sensibiliser les
étudiants aux types les plus courants dans la langue et dans la culture françaises (ou d’un autre pays
francophone). Il est important que les documents proposés soient des exemples vraisemblables de
la communication telle qu'elle se pratique en France, qu'ils aient une véritable valeur culturelle.
-Système des places : est-ce qu'il dépend de facteurs externes (statut, âge, hiérarchie), ou/etinternes
(les positions haute et basse font l'objet d'une compétition ou d'un ajustement). Comment évolue-t-il
au cours de l'interaction ?
-Tours de parole : le passage de la parole est-il formel ou non, observe-t-on des ratés :
chevauchements, silences, interruptions... Est-ce que l'on trouve des marques de rétroaction, des
régulateurs et des phatiques (ce que l'on qualifie parfois de « scories »)
« oui dans cet atelier je pensais avant que c’est très difficile de communiquer avec des natifs des
français, ils parlent rapidement, ils parlent d’une façon complètement différente de ma langue en
ce qui concerne la langue française, je parle la langue française d’une manière complètement
73
différente des français, je pense que c’est miracle de faire une conversation avec des natifs et je
pense que je ne peux pas faire que des petites choses mais de communiquer discuter avec des
natifs donner des arguments, ça fait beaucoup de choses qui m’intéressent beaucoup e quelque fois
je pense que je parle comme un natif dans quelques mots en plus, je peux j’essaye d’utiliser des
gestes comme les natifs quelquefois je parle comme eux quelquefois j’utilise des expressions comme
eux et ça me donne l’impression que je peux un jour parler comme les français ».
Pour approfondir la réflexion, je vous renvoie à la lecture des articles mis en ligne sur le thème de
la 5ème compétence.
74
ACTIVITÉ PERSONNELLE
La transcription
Elle est obligatoire, et évaluée sur 6 points, note incluse dans votre contrôle terminal. C'est à vous
d'enregistrer l'interaction à transcrire. Ce peut être une émission de radio, de télé, ou une interaction
authentique (par exemple une conversation, un fragment de cours, d'enquête etc.), en français ou
essentiellement en français. En effet, les interactions en langue/culture étrangère posent des
problèmes de transcription et d'analyse spécifiques, et les outils dont vous disposez concernent le
français. L'émission que vous choisirez, si vous optez pour cette solution, sera récente. N’oubliez pas
d’indiquer le lien de l’émission, avec le minutage de la partie transcrite (par exemple : la transcription
commence à 7’50 et se termine à 12’15.) ou, à défaut l’enregistrement (par ex. MP3 si c’est un
enregistrement personnel).
La transcription ne durera que quelques minutes (autour de 5', en fonction du rythme plus ou moins
rapide de l'interaction). Mais je vous demande de me fournir l'enregistrement (ou le lien) de la totalité
de l'émission ou de la conversation (ou d'une grande partie du moins), car c'est important d'avoir le
contexte, pour vérifier ou infirmer des hypothèses d'analyse. Vous préciserez bien à quel moment
(minutage) se situe l'interaction. Il vous appartient de sélectionner un fragment particulièrement
significatif et intéressant. (Ceci dit, l'ouverture est toujours intéressante à analyser, car elle pose le
cadre de ce qui va suivre.)
Pour le travail de transcription, reportez-vous à la partie 1, en ayant à l'esprit que c'est un travail
long et minutieux, qu'il convient de lui apporter beaucoup de soin et d'attention. Vous avez vu
l'importance de la notation des éléments paraverbaux et de la précision de la transcription.
2) Indiquer quels sont les éléments intéressants à analyser, sous forme de plan bref. En réalisant
la transcription, vous prendrez conscience des spécificités de l'interaction, de ses
caractéristiques récurrentes. Il faudra alors imaginer ce que vous analyseriez si vous faisiez
un dossier. Attention, je ne vous demande pas de faire un dossier, ni de réaliser une analyse
linéaire. Je vous demande seulement d'indiquer les points intéressants à analyser sous forme
de plan, de 2/3 pages environ.
Vous déposerez ce travail sous format numérique dans l’espace dédié sur l’espace de cours de la
plateforme Universitice. Si vous avez un problème ponctuel (de transcription ou d'analyse), vous
pouvez me contacter sur mon mél, et je vous répondrai individuellement. Si les examens ont lieu à
distance, comme cela s’est produit en 2020 et 2021, l’évaluation peut être modifiée.
Il me reste à vous souhaiter bon courage pour la préparation de l'examen, en espérant que ce cours
vous ait intéressé. Je serai heureuse d'avoir vos remarques sur sa forme et son contenu, si vous
souhaitez m'en informer, n'hésitez pas à me contacter :
[email protected]
Bien cordialement.
75
SUJET D'EXAMEN POUR ENTRAINEMENT
Ceci est un sujet « authentique », qui a été proposé. Cependant, pour cet entrainement, vous ne
devez pas rendre la question 1. En effet, vous devez déposer votre transcription sous format
numérique dans l’espace de dépôt ouvert à cet effet sur la plateforme Universitice. La date
limite pour le dépôt est la veille de votre examen.
Université de Rouen
UFR de Lettres et Sciences Humaines
DESCILAC - EAD
L'oral en interaction
L. Vignes
1) Vous n'oublierez pas de joindre à votre copie la transcription + axes d'analyse, réalisée au cours
de l'année (CF p. 3 du cours de TE). Celle-ci doit être accompagnée du lien internet ou de la copie
(clé USB) du document audio. (6 points). Votre travail doit rester anonyme.
2) Questions
b) Donnez des exemples d'actes menaçants pour la face positive de celui qui les subit (selon la
typologie de Brown et Levinson) dans votre langue/culture, expliquez. (5 points)
76
Table des matières
Master Français Langue Étrangère, 2ème année ................................................................... 1
INTRODUCTION ........................................................................................................................... 2
MODALITES DE L'EXAMEN ...................................................................................................... 3
BIBLIOGRAPHIE DÉVELOPPÉE ................................................................................................ 3
REFORME DE L'ORTHOGRAPHE .............................................................................................. 5
PARTIE 1............................................................................................................................................. 6
LA TRANSCRIPTION ........................................................................................................................ 6
1 Introduction ....................................................................................................................................... 6
2 Une transcription orthographique ..................................................................................................... 6
3 conventions de transcription ............................................................................................................. 7
3 1 Présentation des conventions de transcription (orthographique) .............................................. 7
3 2 Quelques conseils .................................................................................................................... 10
4 Exemple de transcription (et analyse) ............................................................................................. 10
Analyse thématique .................................................................................................................. 15
PARTIE 2........................................................................................................................................... 18
LES INTERACTIONS VERBALES INTRODUCTION.................................................................. 18
1 Sens général .................................................................................................................................... 18
2 Sens spécifique................................................................................................................................ 19
2 1 Face à face ............................................................................................................................... 19
2 2 Multicanalité............................................................................................................................ 19
2 3 Rétroaction .............................................................................................................................. 20
2 4 Contenu et relation .................................................................................................................. 20
3 L'interaction comme objet d'analyse scientifique ........................................................................... 21
3 1 Les interactions verbales suivent des règles préférentielles .................................................... 21
3 2 Place de l'énoncé dans l'analyse des interactions .................................................................... 22
Conclusion : la parole est une activité sociale qui s'effectue à plusieurs ...................................... 22
PARTIE 3........................................................................................................................................... 24
LA COMMUNICATION NON-VERBALE ..................................................................................... 24
1 Le paraverbal................................................................................................................................... 24
2 Introduction à la proxémique .......................................................................................................... 25
3 Les récepteurs ................................................................................................................................. 26
3 1 L'odorat ................................................................................................................................... 27
3 2 La vue ...................................................................................................................................... 27
4 Introduction à la kinésique .............................................................................................................. 28
4 1 les emblèmes ........................................................................................................................... 28
4 2 les illustratifs ........................................................................................................................... 29
4 3 Les manifestations de l'affect .................................................................................................. 29
4 4 Les régulateurs ........................................................................................................................ 30
4 5 Les adaptateurs ........................................................................................................................ 30
Conclusion..................................................................................................................................... 30
PARTIE 4........................................................................................................................................... 32
TYPOLOGIE DES INTERACTIONS............................................................................................... 32
1 caractères généraux des interactions ............................................................................................... 32
1 1 Symétrie / complémentarité .................................................................................................... 32
1 1 1 Définitions .................................................................................................................. 32
1 1 2 Rapports de place, statuts et rôles ............................................................................... 32
1 2 coopération / compétition ........................................................................................................ 33
1 3 Nature des finalités (ou buts) .................................................................................................. 34
77
1 4 Caractère formel / informel ..................................................................................................... 35
2 Types d'interactions......................................................................................................................... 35
2 1 Les interactions complémentaires ........................................................................................... 35
2 1 1 La consultation ............................................................................................................ 35
2 1 2 L'enquête ..................................................................................................................... 35
2 1 3 L'entretien ................................................................................................................... 36
2 1 4 La transaction .............................................................................................................. 36
2 2 Les interactions symétriques ................................................................................................... 36
2 2 1 La conversation ........................................................................................................... 37
2 2 2 La discussion............................................................................................................... 37
2 2 3 Le débat....................................................................................................................... 37
2 2 4 La dispute .................................................................................................................... 38
2 3 Conclusion............................................................................................................................... 38
PARTIE 5........................................................................................................................................... 39
LE CADRE COMMUNICATIF ........................................................................................................ 39
1 La scène........................................................................................................................................... 39
1 1 Le site ...................................................................................................................................... 39
1 1 1 Définir le site .............................................................................................................. 39
1 1 2 Les scripts ................................................................................................................... 40
1 2 Les buts ................................................................................................................................... 41
2 Le cadre participatif ........................................................................................................................ 42
2 1 Goffman et le format de réception .......................................................................................... 42
2 2 L'adresse indirecte ................................................................................................................... 43
3 Les cadres de l'expérience ............................................................................................................... 43
3 1 Les actions naturelles (non pilotées) ....................................................................................... 44
3 2 Les cadres sociaux (ou actions pilotées) et ses modalisations ................................................ 44
PARTIE 6........................................................................................................................................... 48
L'ALTERNANCE DES TOURS DE PAROLE ................................................................................ 48
1 La règle d'alternance ....................................................................................................................... 48
2 Une seule personne parle à la fois ................................................................................................... 48
2 1 Les régulateurs ........................................................................................................................ 48
2 2 Tour de parole ou régulateur ? ................................................................................................ 50
2 3 Le chevauchement ................................................................................................................... 50
3 Il y a toujours une personne qui parle ............................................................................................. 52
3 1 Les phatiques ........................................................................................................................... 52
3 2 Les gaps ou pauses .................................................................................................................. 52
4 Le réglage de l'alternance................................................................................................................ 53
4 1 Le changement de tour ............................................................................................................ 53
4 2 La nature du successeur .......................................................................................................... 54
5 Les "ratés" du système des tours ..................................................................................................... 55
5 1 Silence prolongé entre deux tours ........................................................................................... 55
5 2 L'interruption ........................................................................................................................... 55
5 2 1 Rappel la notion de face .................................................................................................. 56
5 2 2 interruption et interculturel .............................................................................................. 57
5 3 L'intrusion ............................................................................................................................... 57
6 Conclusion ...................................................................................................................................... 58
PARTIE 7........................................................................................................................................... 59
LES UNITÉS STRUCTURELLES DES INTERACTIONS VERBALES ....................................... 59
1 introduction ..................................................................................................................................... 59
2 ponctuation ...................................................................................................................................... 60
78
3 Classement des interactions ............................................................................................................ 60
3 1 l'interaction .............................................................................................................................. 61
3 2 La séquence ............................................................................................................................. 61
3 3 L'échange................................................................................................................................. 61
3 4 L'intervention .......................................................................................................................... 62
3 5 L'acte de langage ..................................................................................................................... 63
Conclusion..................................................................................................................................... 63
PARTIE 8........................................................................................................................................... 64
LES SPÉCIFICITÉS DES INTERACTIONS EN CLASSE DE LANGUE ÉTRANGERE ............. 64
Introduction ................................................................................................................................... 64
1 L’interaction en classe de LE : typologie et spécificités ................................................................. 64
2 Complexité énonciative .................................................................................................................. 65
3 Le cadre participatif ........................................................................................................................ 65
4 Les tours de parole .......................................................................................................................... 66
5 Contrats de parole en situation de classe ........................................................................................ 67
Conclusion..................................................................................................................................... 68
PARTIE 9........................................................................................................................................... 69
La cinquième compétence .................................................................................................................. 69
1 Les interactions verbales dans le CECR ......................................................................................... 69
2 Construire une progression dans l'acquisition d'une compétence d'interaction .............................. 70
3 Dialogues de méthodes et interactions authentiques ...................................................................... 71
3 1 Description .............................................................................................................................. 71
3 2 Comment exploiter les dialogues de méthodes ? .................................................................... 72
3 3 Une expérience de dialogue en situation authentique ............................................................. 73
ACTIVITÉ PERSONNELLE ....................................................................................................... 75
La transcription ............................................................................................................................. 75
SUJET D'EXAMEN POUR ENTRAINEMENT .......................................................................... 76
79