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Uniformisation des politiques linguistiques, diversité des

appropriations langagières

Fabienne LECONTE
Université de Rouen, EA 4701 - Dysola

Le point de départ de cette recherche fut d’abord une réflexion sur l’influence des répertoires
langagiers et des habitudes d’apprentissage d’adultes migrants1 engagés dans une formation
linguistique en français dans un contexte de diversification des origines et des parcours ces
dernières décennies (Withol de Wenden, 2013). Nous connaissions bien l’immigration en
provenance d’Afrique noire, de l’Afrique de l’Ouest surtout, pour laquelle il nous semblait
exister une relation spécifique à l’oralité tant dans les usages que dans les modalités
d’apprentissage (Leconte, 1997 et passim). Or, à mesure que les migrations se diversifiaient,
le niveau scolaire des nouveaux entrants augmentait, bousculant des réflexions et des
catégorisations portant sur les dynamiques scolaires et d’apprentissage en fonction des
socialisations premières (Leconte et Mortamet, 2005).
De plus, les premières recherches sur la formation linguistique des migrants (Adami, 2009),
davantage centrées sur les publics nécessitant des actions d’alphabétisation rendaient de plus
en plus imparfaitement compte de la situation des nouveaux entrants pour lesquels le niveau
de littératie est souvent élevé et les répertoires langagiers complexes du fait de la diversité des
situations sociolinguistiques dans les pays de départ. Bien souvent, la ou les langue(s)
parlée(s) au quotidien dans l’environnement sont différentes de la ou des langues de
scolarisation. Au reste, les migrants qui peuvent être demandeurs d’asile arrivent parfois après
un long périple qui peut avoir amené une modification du répertoire 2 , notamment une
importance accrue de langues véhiculaires. À l’inverse de cette diversification des répertoires,
on peut noter que les systèmes scolaires où qu’ils soient s’appuient préférentiellement sur
l’écrit comme mode privilégié d’enseignement et d’apprentissage. Les programmes scolaires
tendent à se rapprocher à mesure que l’on s’élève dans la scolarité, ce qui permet, entre
autres, les programmes d’échange universitaires.
Pour étayer cette réflexion, il a semblé indispensable d’aller interroger et écouter des migrants
adultes engagés dans des actions de formation linguistique et de recueillir les représentations
des langues et de l’apprentissage de certains d’entre eux. En effet, les besoins langagiers et

1
Le terme « migrant » est utilisé ici dans un sens très large proche de celui d’immigré défini
par l’INSEE comme : personne de nationalité étrangère née à l’étranger et résidant en France.
Nous n’excluons pas les personnes qui auraient acquis la nationalité française. Nous ne
2
On pense ainsi à l’importance accrue de l’anglais comme langue véhiculaire et de
communication avec les populations des pays traversés. C’est par exemple la langue de
communication entre des réfugiés syriens ou afghans et des chauffeurs de bus grecs roulant
d’Athènes vers le Nord du pays, selon des observations réalisées durant l’été 2015.
d’apprentissage qu’on leur prête ne sont pas forcément ceux qu’ils expriment3. Certains
stéréotypes continuent de circuler à rebours de la réalité4. La réflexion présentée ici s’inscrit
en outre dans la continuité de recherches concernant l’influence des représentations des
langues et de leurs apprentissages pour leur appropriation (Leconte & Mortamet, 2005 ;
Leconte, 2013, 2014). Toutefois, les dynamiques d’apprentissage et de formation langagières
ne se réalisent pas ex nihilo dans des environnements dénués de toutes contraintes sociales,
économiques, juridiques, politiques, etc. Elles sont fortement marquées par les politiques
publiques concernant les migrants et leur formation linguistique qui ont fait l’objet d’une
inflation législative au cours de la dernière décennie.
Dans un premier temps seront présentées brièvement les politiques linguistiques envers les
migrants à différents échelons territoriaux : le Conseil de l’Europe, l’État français et la région
Haute-Normandie dans laquelle bon nombre de recherches présentées dans cet ouvrage ont
été menées. Les échelons nationaux et territoriaux tendent à réduire la diversité des publics en
préconisant des actions de formation en fonction de critères ciblés (ancienneté du séjour,
nationalité, statut de parent d’élève ou de demandeur d’emploi, niveau de littératie). Nous
verrons dans un second temps dans quelle mesure cette réduction de la diversité correspond à
la réalité des dynamiques d’apprentissage, telle que nous avons pu la saisir à travers des
entretiens. La seconde partie de cette contribution sera donc consacrée aux représentations des
langues et des apprentissages d’adultes en formation linguistique.

1.  Des  glottopolitiques  différentes  selon  l’échelon  territorial  


En France, la formation linguistique des adultes migrants est devenue un enjeu politique et
social à partir des années 2000 lorsque l’État français a progressivement lié le droit à la
nationalité et au séjour à l’obtention d’un niveau de langue selon les échelles du Cadre
Européen Commun de Référence pour les Langues. Cette politique a été approfondie depuis
lors. On est passé d’un droit à la langue, revendiqué dans la décennie précédente, à un devoir
de langue (Étienne, 2007) pour résider sur le sol français lorsque l’on n’est pas citoyen
européen ou pour y obtenir la nationalité. La France a alors emboité le pas des pays européens
les plus restrictifs en matière de droit au séjour et à la nationalité (Extramiana, 2012) liant
ceux-ci à une maitrise effective de la langue du pays d’accueil, évaluée selon différents tests
(voir Huver, ici-même). Or, cette politique d’exclusion semble contradictoire avec les
recommandations du Conseil de l’Europe (Beacco, Little & Hedges, 2014) qui place les droits
de l’homme et la cohésion sociale au centre des politiques migratoires.
Par ailleurs, ce sont bien souvent les régions qui mettent en place les formations linguistiques
par le biais des financements aux associations et organismes. Les régions peuvent recevoir des
subsides européens pour la mise en place des formations sans passage par l’échelon national.
Les politiques linguistiques mises en place peuvent à leur tour varier selon les régions en
fonction des spécificités des populations accueillies, du taux de chômage et des types
d’emploi susceptibles d’être disponibles, de traditions, des acteurs locaux, des priorités qui
leur sont propres, etc. Les départements, en charge de l’aide sociale, de l’autonomie des
personnes et de la solidarité peuvent être amenés à mettre en place des actions de formation

3
Voir ici même les réflexions de Lebreton sur la notion de besoins et sa résurgence actuelle
dans le champ de la formation linguistique des migrants.
4
Par exemple, un migrant sénégalais titulaire du brevet des collèges orienté par un conseiller
de Pôle Emploi en « alphabétisation ». La couleur de peau semble avoir servi de filtre pour
l’appréhension des compétences langagières.
linguistique dans ce cadre (Bruneau, 2015). Enfin, certaines communes mettent en place des
dispositifs à disposition de personnes qui ne peuvent être prises en charge ailleurs (femmes au
foyer, personnes en situation irrégulière ou en France depuis longtemps).
On a donc différentes politiques linguistiques qui peuvent varier en fonction de l’échelon
territorial et qui se conjuguent différemment au quotidien dans la réalité des pratiques de
formation. Dans la mesure où nous souhaitons articuler les politiques linguistiques des
différents échelons territoriaux à la réalité des pratiques des acteurs sur le terrain, nous
reprenons la notion de glottopolitique, telle que définie par Guespin et Marcellesi en 1986 qui
permet de prendre en compte les différentes actions qu’une société a sur le langage, que ces
actions soient ou non le fait d’institutions.
Elle désigne les diverses approches qu’une société a de l’action sur le
langage, qu’elle en soit ou non consciente : aussi bien la langue quand la
société légifère sur les statuts réciproques du français et des langues
minoritaires par exemple ; la parole, quand elle réprime tel emploi chez tel
ou tel ; le discours quand l’école fait de la production de tel type de texte
matière à examen : Glottopolitique est nécessaire pour englober tous les
faits de langage où l’action de la société revêt la forme du politique.
(Guespin & Marcellesi, 1986 : 5)

Cette définition permet d’appréhender les divergences entre les différentes politiques
linguistiques mises en place auxquelles nous adjoignons la réalité des pratiques de terrain et
les demandes et besoins exprimés des formateurs et des apprenants. « Ainsi le fait
glottopolitique va des actes minuscules et familiaux évoqués ci-dessus aux décisions les plus
considérables » (op. cit., 15).

1.1.  Le  Conseil  de  l’Europe,  une  réaffirmation  des  principes  fondamentaux  :  
Droits  de  l’homme  et  cohésion  sociale  
La lecture de trois textes de référence (2008, 2010, 2014 5 ) ne fait pas apparaitre de
changements de fond sur la période. On s’appuiera donc sur le document le plus récent pour
cette courte synthèse. Le Conseil de l’Europe réaffirme les valeurs et les principes communs
qui inspirent ses travaux : les droits de l’homme et la cohésion sociale sont placés au centre
des politiques migratoires (2014 : 5). De plus, en préface du document de 2014, on trouve une
mise en garde concernant le fait que les interventions des États membres ne doivent pas
aboutir à l’exclusion lorsqu’elles sont axées sur des tests de connaissance de la langue du pays
d’accueil. Cette mise en garde dans la publication la plus récente d’un organisme qui n’a pas
vocation à définir la politique des États-membres, mais à émettre des recommandations et des
orientations, est significative de la tendance au durcissement des politiques migratoires. Les
politiques publiques nationales mises en place dans certains pays d’Europe en matière de
formation linguistique des migrants semblent parfois dictées par des considérations de
régulation des flux migratoires ou de politique intérieure, à l’heure où une partie de la
population déboussolée par le chômage et la mondialisation est tentée par le vote populiste.

5
Division des politiques linguistiques (2008). Intégration linguistique des migrants adultes.
Séminaire intergouvernemental, D. Little rapporteur, Strasbourg, 26-27 juin 2008.
Beacco J.-C. (2010). Politiques d’intégration des migrants adultes : principes et mises en
œuvre. Division des Politiques linguistiques. Conseil de l’Europe.
Beacco J.-C., Little D. & Hedges C. (2014). L’intégration linguistique des migrants adultes.
Guide pour l’élaboration et la mise en œuvre des politiques. Strasbourg : Conseil de l’Europe.
Ainsi, on note une baisse généralisée des demandes de regroupement familial dans les pays où
des tests de langue préalables ont été mis en place6.
La réaffirmation des principes d’inclusion sociale et de droits de l’homme (dont celui de vivre
en famille) est aussi présente dans la discussion autour de deux grandes thématiques pouvant
être utilisées dans le sens de l’inclusion comme de l’exclusion : la notion d’intégration
linguistique et les tests de langues. Les présupposés et conceptions de l’évaluation des
compétences linguistiques des migrants sont analysés dans cet ouvrage par E. Huver, nous ne
les commenterons donc pas. En revanche, les récents développements et définitions de la
notion d’intégration linguistique, nous intéressent dans la mesure où ils fournissent une base
conceptuelle clairement définie, ce qui contraste avec certaines publications officielles. Cette
notion est considérée comme suffisamment importante par Beacco, Little et Hedges, auteurs
de L’intégration linguistique des migrants adultes : Guide pour l’élaboration et la mise en
œuvre des politiques (2014) pour faire l’objet du premier chapitre du document. Elle est
définie comme « Une reconfiguration réussie des répertoires linguistiques des migrants
adultes7 » et non comme « l’obligation faite aux migrants d’apprendre la ou les langues de la
société du pays d’accueil (langue(s) nationale(s), officielle(s), majoritaire(s), etc.) pour des
raisons non seulement pratiques mais aussi idéologiques » (2014 : 14). L’intégration
linguistique est aussi définie comme un processus à plusieurs étapes : passive, fonctionnelle,
proactive, qui développe l’identité linguistique (2014 : 15-16). Les langues parlées avant la
migration ne sont pas oubliées dans ce processus et les préconisations du Conseil de l’Europe
continuent à encourager le maintien des langues antérieures à la migration et la transmission
des langues premières aux enfants.
Les auteurs réaffirment aussi la diversité des répertoires et des situations rendant impossible
une solution standard unique à l’intégration linguistique des migrants adultes. Ils insistent
encore sur le fait que l’intégration linguistique se construit durant le séjour au travers de
formations linguistiques mais aussi d’interactions sociales diverses. La maitrise de la langue
ne peut être en aucun cas un préalable à une intégration linguistique ou citoyenne. Ils
rejoignent en cela les recherches qui ont eu lieu sur la question (par exemple Biichlé, 2011). Il
existe souvent une différence entre la perception de la population du pays d’accueil et celle du
migrant : les personnes qui se sentent le plus intégrées, linguistiquement ou non, ne sont pas
forcément celles qui parlent ou écrivent le mieux la langue majoritaire. Nous donnerons
quelques exemples de disjonction des perceptions « d’intégration linguistique » dans la
seconde partie de ce chapitre.
Enfin, les auteurs mettent en garde sur la confusion qu’il y aurait à lier maitrise de la langue
majoritaire du pays de résidence et adhésion à un certain nombre de valeurs fondamentales.
Réciter un catéchisme républicain ou connaître sur le bout des doigts un « livret du citoyen »
n’implique pas d’adhérer au contenu. Les attentats commis à Paris en janvier 2015 ont hélas
montré l’inanité de la conception liant « maitrise linguistique », « adhésion aux valeurs de la
République » et « intégration ».

6
Par exemple l’introduction des tests de langue avant le départ pour les candidats au
regroupement familial a fait baisser le nombre de demandes de 25 % en Allemagne, 27 % en
France dans les six mois suivant la mesure (Beacco, Little & Hedges, 2014 : 40).
7
Les italiques sont le fait des auteurs.
1.2. Raidissement  de  la  glottopolitique  française  
En France, les politiques linguistiques concernant les dispositifs d’apprentissage du français
pour les étrangers sont pris en charge par la DAIC (Direction de l’Accueil, de l’Intégration et
de la Citoyenneté) dépendant du ministère de l’Intérieur. Elles se déclinent actuellement en
quatre dispositifs8 :
1 – Apprentissage du français sous l’égide de l’OFII9.
Il s’agit de formations linguistiques prescrites dans le cadre du Contrat d’Accueil et
d’Intégration mis en place en 2007 pour les migrants non européens. Elles sont gratuites et ne
concernent que les personnes originaires de pays extérieurs à l’Union Européenne dont le
niveau de français est jugé insuffisant. La personne peut bénéficier jusqu’à 400 heures de
cours.
2 – L’apprentissage du français par le biais des ateliers sociolinguistiques
Ces formations sont portées par des associations de proximité et ouvertes aux ressortissants
européens. La pédagogie utilisée est davantage actionnelle, l’espace social y est didactisé.
Dans les faits, ces ateliers sont surtout développés en région Ile-de-France10.
3 – Dispositif « Ouvrir l’école aux parents pour réussir l’intégration ».
Là encore, ces formations ne sont ouvertes qu’aux étrangers non européens, ce qui ne manque
pas d’interroger. En Seine-Maritime, elles ne sont ouvertes qu’aux parents dont les enfants
sont scolarisés en UPE2A11.
4 – L’apprentissage du français en milieu professionnel
Il est ici fait référence à la loi de 2004 reconnaissant la compétence langagière comme une
compétence professionnelle. Suite à cette loi, ont été mises en place de nombreuses actions de
formation continue cherchant à renforcer les compétences linguistiques de personnes,
étrangères ou non éprouvant des difficultés, notamment vis-à-vis du français écrit
(Extramiana, 2012b).

1.2.1.  Le  critère  de  l’appartenance  à  l’UE  


Une des contradictions de la politique linguistique française actuelle est cette scission entre
Européens ou non. Ainsi selon le site du ministère de l’Intérieur (voir note 9) « La
connaissance suffisante du français constitue l’une des bases fondamentales de tout parcours
d’intégration » par exemple pour un Macédonien arrivant en France – i.e. venant d’un pays
extérieur à l’union Européenne – mais ne le serait pas pour un Bulgare, non concerné par une
partie des dispositifs. Pourtant ils résidaient à quelques kilomètres l’un de l’autre et tous deux
parlent une langue très proche. Il en est de même pour le troisième dispositif « Ouvrir l’école
aux parents ». Il semblerait qu’une certaine catégorie de parents seulement ait besoin de
formation linguistique et d’explications sur le fonctionnement du système scolaire pour aider
à la réussite de ses enfants. Ils seraient les seuls à qui l’on doit rappeler « les droits et les

8
http://www.immigration.interieur.gouv.fr/Accueil-et-accompagnement/L-apprentissage-du-
francais [consulté le 24-08-15]. Le site n’est pas paginé.
9
OFII : Office Français de l’Immigration et de l’Intégration.
10
Voir la contribution de De Ferrari et alii dans cet ouvrage.
11
Unité pédagogique pour élèves allophones arrivant. Structures spécifiques pour élèves
allophones mises en place dans les écoles primaires et les collèges.
devoirs des élèves et de leurs parents ». Cette catégorisation, on s’en doutait, ne s’appuie sur
aucune étude scientifique quant aux besoins langagiers ou « d’intégration ». La
différenciation correspond à des catégories juridiques et concerne le droit au séjour. Notons
en outre que les formations linguistiques du dispositif « Ouvrir l’école aux parents pour
réussir l’intégration » bien qu’ayant lieu dans les établissements scolaires et portant sur
l’école sont pilotées par le ministère de l’Intérieur en lien avec les CASNAV12.
Comme souligné plus haut, aucune étude ne montre de lien clair entre langue et intégration,
sachant que « l’intégration » ou le « parcours d’intégration » n’est pas défini. Par exemple,
une étude de l’INSEE datant de 2009 (Monso & Gleizes, 2009 : 1) souligne que « Les
immigrés éprouvent souvent des difficultés avec la langue française, même si cela ne
constitue pas une gêne pour travailler ». Il ne s’agit pas ici de remettre en cause l’intérêt d’une
formation linguistique dans la langue majoritaire du pays de résidence mais de souligner que
ce qui est présenté comme une évidence : « la maitrise de la langue pour s’intégrer » n’est pas
explicité. On ne sait ce qu’il y a derrière le terme « intégration » : emploi ? Logement ?
Assimilation ? Ce flou contraste avec les publications du Conseil de l’Europe où le terme
« intégration linguistique » est clairement défini.
Derrière l’opposition Européens / non Européens i.e. concernés ou non par certains
dispositifs, on voit que les glottopolitiques destinées aux migrants ont aussi comme but plus
ou moins avoué une maitrise des flux. Certains, et c’est tant mieux, bénéficient de la libre
circulation dans l’Union, ils n’ont donc pas à prouver une quelconque maitrise de la langue ou
une connaissance des institutions françaises « pour pouvoir s’intégrer » ou pour que leurs
enfants réussissent à l’école. Au reste une récente circulaire (Valls, mars 2015) prévoit de lier
droit au séjour – pour une carte de cinq ans – et obtention du niveau A2 du CECRL alors que
jusqu’à présent le niveau A1.1 était requis. La France n’échappe donc pas à la tendance
européenne de durcissement des politiques migratoires et des conditions d’accueil et la langue
est devenue un instrument de mesure.
Une des étapes de ce durcissement a été la mise en place du « français langue d’intégration »
à l’automne 2011 en même temps qu’une restriction de l’accès du droit à la nationalité
nécessitant désormais un niveau B1 en français oral. Nous ne reviendrons pas ici sur la
controverse13 qui a suivi la parution du référentiel FLI. Notons que depuis lors, selon le site du
ministère de l’Intérieur, les formations destinées aux migrants doivent être délivrées « sous la
pédagogie français langue d’intégration14 » conçue comme un « label qualité ». De fait, c’est
l’assimilation linguistique et culturelle qui est visée (Bruneau et alii, 2012).

1.2.2. Le  critère  de  la  durée  du  séjour  


La circulaire Valls (mars 2015), conçue comme une réponse aux attentats de janvier 2015
propose pour le versant linguistique à destination des migrants de renforcer les dispositifs de
maitrise de la langue française. Sont désormais différenciés les immigrés adultes primo-
arrivants – ceux qui ont moins de cinq ans de présence en France – des personnes arrivées
plus tôt. Pour les primo-arrivants, est alors conçu un parcours linéaire : le niveau A1 doit être
obtenu au terme de la première année, le niveau A2 au terme des cinq ans, les certifications

12
CASNAV : Centre Académique pour la Scolarisation des élèves Nouvellement Arrivés et
des enfants issus de familles itinérantes ou du Voyage.
13
Voir Bretegnier, 2011 ; Bruneau et alii, 2012.
14
http://www.immigration.interieur.gouv.fr/Accueil-et-accompagnement/L-apprentissage-du-
francais [consulté le 24-08-15].
obtenues conditionnant le droit et la durée du séjour. Enfin le niveau B1 serait le saint graal
qui permettrait d’obtenir la nationalité française considérée comme l’aboutissement du
« parcours d’intégration ». Pour les personnes en France depuis plus de cinq ans, les
préconisations sont moins précises. Après cinq ans de séjour, il n’est pas repéré de besoins
spécifiques pour les migrants pour ce qui concerne la maitrise du français. Toutefois la
circulaire préconise « des solutions nouvelles et globales pour lutter contre l’illettrisme et
l’analphabétisme » (2015 : 18). Il semblerait que les personnes n’aient plus besoin de
formation de type français langue étrangère ou langue seconde, seules des difficultés
importantes à l’écrit pouvant dans certains cas être prises en charge. Et encore ! Rappelons
que la définition de l’illettrisme exclut les personnes qui n’ont pas été scolarisées en France.
Cette glottopolitique semble reposer sur une étude ELIPA (Étude Longitudinale sur
l’Intégration des Primo-Arrivants) réalisée entre 2009 et 2013 par le ministère de l’Intérieur
auprès des personnes signataires du Contrat d’Accueil et d’Intégration15 qui stipule qu’« au-
delà de cinq années de présence en France, l’aisance en français tend à se stabiliser au fil du
temps » (DSED, 2014 : 10). Les personnes ont été interrogées sur leur aisance en français.
Cette étude ayant concerné les personnes à qui l’on a prescrit une formation linguistique dans
le cadre du CAI n’a pas confronté le niveau en français ressenti tel que la personne l’estime
elle-même (Le Quentrec-Creven, 2013 : 1) avec un niveau de français attesté. Au reste, les
questions posées sont particulièrement basiques pour les besoins de l’enquête portant sur
différents domaines (langues, logement, emploi) : « Évaluez globalement votre aisance à
l’oral ; votre aisance pour téléphoner pour un rendez-vous ou un renseignement ; pour
demander son chemin ». La question pour l’écrit est « évaluez votre aisance pour écrire une
lettre en français ou remplir un document administratif » (Le Quentrec-Creven, 2011 : 1). En
sociolinguistique et didactique des langues, la différenciation entre « pratiques » et
« représentations » ; « pratiques observées, attestées » et « pratiques déclarées » fait partie des
bases que nous enseignons très tôt aux étudiants ; il n’en est visiblement pas de même dans
d’autres secteurs des sciences humaines, comme le montre l’extrait ci-dessous :
La part des personnes d’aisance faible en français diminue entre 2010 et
2011 de 20 % à 14 % parmi l’ensemble des nouveaux migrants. Cette part
diminue aussi bien chez les hommes que chez les femmes, mais celle des
femmes reste toujours supérieure à celle des hommes quel que soit le
groupe concerné. Cette tendance à l’amélioration de la connaissance du
français s’observe dans tous les groupes. (Le Quentrec-Creven, 2011 : 1)

On voit bien ici le glissement « d’aisance en français » à « connaissance du français ». Le


même glissement se retrouve dans le document DSED (2014 : 10). Ces recherches
s’intéressaient aussi à l’efficacité ressentie des cours donnés dans le cadre du CAI. Compte
tenu du caractère particulièrement basique des questions posées, il semble difficile de tirer des
conclusions sur l’efficacité des cours de français dispensés dans le cadre du CAI qui, nous le
souhaitons, abordent des contenus langagiers plus diversifiés, correspondant à des besoins
langagiers plus variés que les seules questions posées. Pourtant, droit au séjour et à la
nationalité sont de plus en plus basés sur des niveaux de français attestés et non sur l’aisance
affichée, revendiquée des personnes. L’auteure explique en outre que les femmes ont en
général une auto-évaluation de leurs compétences plus faibles que celles des hommes sans
que l’on puisse clairement en déduire que leur niveau est réellement plus faible ; qu’il est
difficile de mesurer l’impact des cours de français car il a été difficile de trouver des

Le Quentrec-Creven G. (2013). « L’impact des cours de français pour les nouveaux


15

migrants ». Infos Migrations n° 55. Ministère de l’Intérieur DSED.


« contrefactuels » avec qui comparer le groupe des formés (2013 : 2)… Si cette étude nous
apporte des renseignements socio-biographiques précieux sur les nouveaux migrants, les
aspects linguistiques et langagiers demandent à être affinés.
Pour terminer sur la circulaire Valls 2015, l’importance accordée à l’illettrisme et à
l’analphabétisme dans la définition d’une nouvelle politique linguistique, puisque telle est
l’ambition de la circulaire, interroge. Ce n’est pas le lieu de développer ici mais nous mettrons
en regard dans la seconde partie de ce chapitre les besoins langagiers exprimés des personnes
et les glottopolitiques actuelles.

1.3. Au  niveau  régional  et  local  :  primo-­‐arrivants  vs  illettrés  ?  


Les actions glottopolitiques préconisées par le ministère de l’Intérieur sont mises en place à
différents échelons territoriaux. Ainsi les formations dans le cadre du CAI sont financées par
l’État via l’OFII mais réalisées dans des organismes de formation labellisés dans les territoires
qui offrent aussi des formations linguistiques à un public non concerné par le CAI.
Ces organismes de formation répondent à des appels d’offre émanant de la Région et de Pôle
Emploi et doivent pour leur survie adhérer à un cahier des charges et obtenir des « labels
qualité » : « qualité FLE » et « qualité FLI ». L’instauration d’une logique de marché a
conduit en outre à faire disparaître beaucoup de petites structures, surtout les plus militantes à
l’origine (Lebreton, 2014). Certaines continuent cependant à accueillir des publics en
situation irrégulière mais il leur est de plus en plus difficile d’obtenir des financements et
donc de maintenir des salariés. Quelques associations en lien avec des municipalités
poursuivent des actions destinées à des femmes en France de longue date mais ayant toujours
besoin d’un perfectionnement linguistique. Enfin, il existe des cours de français dispensés par
des bénévoles pour les demandeurs d’asile dans les CADA 16 et dans des associations
caritatives ou centrées sur l’insertion sociale des personnes ou l’interprétation (secours
catholique, secours populaire, association France-Arménie, femmes inter-association, etc.).
Celles-ci rencontrent les migrants à l’occasion d’autres actions (aide alimentaire, au logement,
besoin d’interprétation, etc.). Les bénévoles peuvent être des enseignants retraités qui n’ont
pas de formation spécifique en didactique des langues étrangères et du FLE mais aussi des
formateurs ou des interprètes. Ce peut être aussi des personnes, souvent retraitées, qui ont
mené une carrière dans des secteurs d’activités très différents. Nous avons pu mesurer
localement le besoin de formation de ces bénévoles lors de rencontres
chercheurs/professionnels que notre équipe a organisées à l’Université de Rouen en 2013-
2014.
Les disparités peuvent en outre être importantes d’une région à l’autre compte tenu de la
spécificité du public migrant et des politiques régionales. Pour ce qui concerne la Région
Haute-Normandie, l’accent est mis sur la formation aux « compétences de base » et aux
« compétences clés ». C’est que le chômage y est légèrement plus important que la moyenne
nationale de même que le nombre de personnes n’ayant aucune qualification. La priorité est
alors de donner une formation et une qualification minimales à tout demandeur d’emploi.
Il semblerait que la politique actuelle de la Région Haute-Normandie17, dans un contexte de
forte contrainte budgétaire, s’oriente vers une minimisation des formations et besoins
spécifiques pour les publics migrants. Ainsi la formation linguistique des migrants occupe une

16
Centres d’Accueil pour les Demandeurs d’Asile.
17
Nous n’avons pas d’éléments au moment où nous écrivons ces lignes pour présager de ce
que sera une glottopolitique de la Normandie unifiée à partir de 2016.
faible place dans le programme régional 2015 de formation professionnelle18. Notre équipe a
de plus été sollicitée sur l’opportunité de regrouper les formations linguistiques pour migrants
avec celles de lutte contre l’illettrisme ! On voit là encore la récurrence de certains stéréotypes
et la réduction des besoins langagiers des migrants à ceux des moins qualifiés et moins
diplômés d’entre eux. Des raisons budgétaires étaient invoquées : il fallait former en priorité
les personnes au chômage sans qualification, nombreuses dans la région. Mais surtout l’on
peut y voir l’application de la circulaire de 2015 qui sous-tend qu’il n’y a plus d’autres
difficultés linguistiques pour les personnes arrivées en France depuis plus de cinq ans que
celle liées à une maitrise insuffisante de la littératie. De là à réduire toute formation
linguistique pour les migrants hors CAI à une formation dans le cadre de la lutte contre
l’illettrisme, il n’y a qu’un pas qui n’a pas été franchi mais sondé. Pourtant, les témoignages
venant du terrain nous font part d’un à deux ans d’attente avant de pouvoir entrer dans
certaines formations linguistiques notamment prescrites par Pôle Emploi. Dans ce contexte,
les cinq ans arrivent plus vite. Cette glottopolitique semble en outre calquée sur la politique
nationale menée par la DAIC qui ne prend pas en charge la réalité des besoins tels qu’ils
émanent de la réalité du terrain. L’échelon territorial est pourtant le plus adapté à une
connaissance fine des publics.

1.3.1. Catégorisations  juridico-­‐administratives  et  organisation  des  formations  


La première catégorisation des publics est fonction des contraintes administratives, lesquelles
régissent en partie les financements. On doit donc distinguer dans un premier temps les
formations dans le cadre du CAI financées par l’État via l’OFII. D’autres formations sont
proposées aux personnes en situation régulière financées par les collectivités territoriales et
Pôle Emploi. En Haute-Normandie, les publics sont différenciés selon des critères
correspondant à leurs niveaux de scolarisation : les personnes en situation d’analphabétisme
sont identifiées comme un groupe particulier. Les « alpha » selon le jargon en vigueur sont
différenciés des « FLE », personnes alphabétisées ayant besoin d’une formation linguistique
en français19. En aucun cas les ressortissants de l’Union Européenne ne sont exclus de ces
formations. Ils sont au reste nombreux à être accueillis. Certains jeunes adultes de nationalité
française mais ayant grandi dans des départements ou territoires ultra-marins peuvent aussi y
être accueillis (voir H. Boivin ici-même). Il n’y a pas d’exclusion selon la nationalité.
Jusqu’alors, nous n’avons pas observé d’exclusion de personnes en fonction de leur temps de
présence (+ de cinq ans).
Dans certains organismes, on a réorganisé les cours entre « public FLI » et « public FLE ».
Dans le premier cas, il s’agit d’offrir aux personnes souhaitant obtenir la nationalité française
des cours leur permettant de réussir le test de niveau B1 à l’oral leur permettant l’accès à la
nationalité. Le contenu de la formation est alors orienté vers la réussite à la certification, à
l’exclusion d’autres objectifs qui correspondraient à des besoins langagiers permettant une
meilleure insertion sociale et professionnelle par exemple. À l’inverse, le « public FLE »

18
Seules quelques formations sont proposées après la page 250 du catalogue. Les formations
OFII et CAI sont maintenues. http://www.impression-virtuelle.fr/region-hn/programme-
formations-2015-2016 [consulté le 07-09-15].
19
Le document suivant du Centre de Ressources Emploi FORmation (CREFOR), organisme
régional, explique la manière dont sont différenciées les formations de lutte contre
l’illettrisme, les formations « alpha » et les « FLE ». http://www.crefor-
hn.fr/sites/default/files/dispositifs_formation_2014.pdf [consulté le 07-09-15].
regroupe les personnes voulant perfectionner leur niveau de français, souvent dans le cadre de
formations pour l’accès ou le retour à l’emploi. Pour l’instant, elles ne sont pas orientées
prioritairement vers la réussite d’une certification mais nombre d’organismes de formation
linguistique sont labellisés pour faire passer les certifications du CECRL. Le passage de la
certification correspondant au niveau de français de la personne est souvent proposé. Les
équipes pédagogiques prennent en compte deux critères pour construire avec la personne son
parcours de formation : le niveau de français selon le CECRL (niveau A1.1 à B2 le plus
souvent) et le niveau de scolarisation et de qualification acquis avant l’arrivée en France. Les
qualifications et diplômes acquis, les langues parlées avant la migration et éventuellement les
métiers exercés auparavant servent de socle pour la construction du parcours de formation.
De ce panorama concernant les différents échelons territoriaux, il ressort que l’ensemble du
répertoire langagier des migrants n’est pris en compte positivement qu’aux deux extrêmes : le
Conseil de l’Europe d’une part, les organismes de formation linguistique d’autre part. À
l’inverse, les glottopolitiques nationales puis régionales ne s’intéressent qu’à la maitrise du
français en occultant les autres langues du répertoire. L’objectif du référentiel FLI est du reste
l’assimilation des personnes migrantes (Auboin & North, 2011). Cette absence des langues et
des cultures premières des politiques linguistiques nationales et régionales nous conduit à
nous intéresser à l’influence des socialisations langagières préalables à la migration dans la
reconfiguration des répertoires.

2. Parcours  langagiers  et  représentations  des  apprentissages  de  


stagiaires  en  formation  linguistique  
Après ce long détour présentant les glottopolitiques régissant les formations linguistiques
pour adultes, la deuxième partie de cette contribution sera consacrée à ce qui a été à l’origine
de cette réflexion : une recherche sur l’influence des socialisations langagières et des
habitudes d’apprentissage sur l’appropriation du français. Nous rendons compte ici d’un
certain nombre de recherches de terrain qui ont été effectuées depuis 2011 dans
l’agglomération rouennaise. Il s’agit d’abord d’une première recherche effectuée dans un
organisme de formation linguistique et professionnel20 en 2011 par nos soins auprès d’une
quinzaine d’apprenants adultes de français. Les biographies langagières ont été réunies lors
d’entretiens en tête à tête effectués après des observations de cours. Ces entretiens ont été
complétés par un travail sur l’orthographe mené en commun avec Mortamet. C’est que la
remarque concernant la « difficulté » de l’orthographe du français était récurrente dans les
entretiens. En lien avec l’équipe de formateurs, il nous a semblé intéressant de confronter
pratiques écrites des stagiaires et estimation par eux-mêmes de ces difficultés.
Les personnes avec qui nous avons discuté avaient un niveau de français très hétérogène de
A2 à B1 voire C1 pour ceux qui avaient été scolarisés (partiellement) en français. Dans la
majorité des cas, les personnes ont été orientées par le Pôle Emploi à l’occasion d’une période
de chômage ou de reconversion professionnelle ou, jeunes adultes venant d’arriver, pour
accéder à un premier emploi. Aucun ne suivait des cours dans le cadre du CAI21, la grande

20
Cet organisme est appelé « La Fontaine » dans cet ouvrage. Voir la contribution de
Lebreton pour une présentation plus complète.
21
Dans la mesure où nous voulions mener des entretiens en français, nous avons
volontairement évité ce groupe de stagiaires qui étaient présents dans l’organisme de
formation pendant les enquêtes mais avait un niveau en français plus faible qui ne permettait
pas d’entretien individuel.
majorité avait le statut de stagiaire de la formation professionnelle ce qui leur permettait
d’être rémunérés mais comportait des obligations en terme de présence. Les stagiaires
suivaient par ailleurs des cours liés à la numératie ou/et en lien avec leur formation
professionnelle. La grande majorité était dans une démarche axée sur l’emploi.
Notons que si presque tous les stagiaires ont été volontaires pour l’entretien, contents d’avoir
un espace d’expression individuelle avec une personne extérieure au Centre, trois d’entre eux
ont refusé de venir. Il s’est agi d’une femme russe mariée à un chercheur en poste
provisoirement à l’Université de Rouen. Elle avait un excellent niveau à l’écrit mais
n’intervenait jamais à l’oral spontanément dans les cours et très difficilement quand elle était
sollicitée. Son niveau de français à l’oral était très inférieur à celui qu’elle possédait à l’écrit.
Il semble qu’elle vivait comme un déclassement le fait de prendre des cours de français dans
un organisme qui accueille toutes les nationalités et toutes les catégories sociales. Les deux
autres personnes avaient le profil inverse : Algérienne et Marocaine très peu scolarisées, elles
ne maitrisaient la lecture et l’écriture dans aucune langue. Elles s’exprimaient pourtant à l’oral
en français avec une relative aisance. Il semble que ce sont des raisons liées à l’insécurité
linguistique qui ont abouti au refus d’entretien pour ces trois femmes ; elles ont en revanche
accepté de faire la dictée proposée, ce qui a permis d’évaluer leurs compétences écrites en
français et d’appréhender le décalage entre compétence orale et compétence écrite.
Ce premier recueil d’observables a permis de tisser les premiers liens avec l’équipe de
formateurs. Il a été complété par la suite par des travaux d’étudiants22 inscrits en master 2
diffusion du français à l’Université de Rouen. On s’attachera en outre à prendre en compte
lorsque c’est souhaitable les critères juridico-administratifs (appartenance à l’Union
Européenne, durée du séjour) pour évaluer leur pertinence.
Lors de publications antérieures (Leconte, 2013 ; Leconte, 2014), j’ai retenu quelques critères
qui permettaient une première catégorisation des personnes en fonction de la problématique
retenue : l’influence des socialisations langagières premières et des habitudes d’apprentissage
dans la réorganisation des répertoires. On prendra ici en compte le type de compétence
langagière que la personne souhaite perfectionner en priorité (oral, écrit, production,
compréhension). La première série de critères concerne la socialisation / scolarisation qui peut
avoir eu lieu partiellement en français. La durée et les habitudes d’apprentissage durant la
scolarisation sont des critères qui recoupent partiellement le pays d’origine, comme la
scolarisation partiellement ou entièrement en russe ou en anglais. Nous en donnons ici une
synthèse, la réflexion sur les stratégies d’apprentissage étant menée par Boivin dans cet
ouvrage.

22
Boivin H. (2015). Influence des cultures éducatives sur l’apprentissage du français langue
étrangère par des adultes migrants. Mémoire de master 2 diffusion du français. Rouen :
Université de Rouen. Le travail de Boivin, axé sur les stratégies d’apprentissage des
apprenants, est synthétisé dans cet ouvrage.
Naslin H. (2015). Enseigner l’écrit dans un centre de formation. Quelles marges d’action
pour l’enseignant face à l’hétérogénéité du public ? Mémoire de master 2 diffusion du
français. Rouen : Université de Rouen.
Wu S. (2015). Les besoins langagiers des demandeurs d’asile. Une réalité complexe sur le
terrain du CADA de Rouen. Mémoire de master 2 diffusion du français. Rouen : Université de
Rouen.
2.1. Les  personnes  ayant  été  scolarisées  (partiellement)  en  français  
On regroupera ici les personnes qui ont été en contact avec le français, parce qu’elles ont été
scolarisées au moins partiellement dans cette langue. C’est le cas d’un jeune Sénégalais dont
on présentera l’entretien. C’est aussi le cas de jeunes femmes maghrébines qui ont bénéficié
d’une scolarité pouvant aller jusqu’au baccalauréat ou au brevet des collèges. Enfin, on peut
adjoindre à ce groupe un Marocain d’une bonne quarantaine d’années ayant vécu 20 ans en
Italie. Il a d’abord quitté son pays pour faire des études universitaires en France dans les
années quatre-vingt mais n’a pu s’inscrire à l’université. Il est alors parti travailler en Italie.
Revenu en France avec sa famille plus de 20 ans plus tard, il est orienté vers une formation
linguistique et professionnelle par le Pôle Emploi. Ses besoins sont davantage liés à l’emploi
que linguistiques : il s’est réadapté très vite à la France et a retrouvé son français comme nous
avons pu le constater en entretien.
Les plus jeunes auprès de qui nous avons mené un entretien sont arrivés en France à l’issue de
leurs études, parfois au titre du regroupement familial. Voici quelques renseignements,
regroupés sous forme de tableau des membres de ce groupe avec qui j’ai discuté.

Pseudonyme Nationalité Âge Niveau d’études En France Langues parlées / écrites


depuis

Souleymane sénégalaise 19 Brevet 8 mois soninké, wolof, français


Fadila tunisienne 20 Baccalauréat 18 mois arabe, français
Drifa algérienne 20 Baccalauréat 8 mois arabe, français
Nadia marocaine 22 Terminale 8 mois berbère, arabe, français
Kamel marocaine 47 baccalauréat 1 an berbère, arabe, français,
italien
Tableau 1. Personnes ayant été scolarisées (partiellement) au français

Les stagiaires de ce groupe sont sans surprise originaires d’anciennes colonies françaises et
font partie de groupes culturels et linguistiques nombreux dans la région et implantés de
longue date. Ils ne correspondent donc pas aux « nouvelles migrations » plus diversifiées que
nous abordions en début de chapitre. On note cependant une élévation forte du niveau de
scolarisation des jeunes entrants si on le compare à la situation des années quatre-vingt. C’est
que le niveau de scolarisation, y compris des filles, a beaucoup augmenté au Maghreb et en
Afrique francophone ces dernières décennies, ce qui différencie ces jeunes nouvellement
arrivés de la génération précédente. Ils sont en France depuis peu et ont pu bénéficier d’une
formation linguistique rapidement. Pour tous ceux avec qui nous avons mené un entretien, le
français a été langue de scolarisation, soit exclusive pour Souleymane, soit conjointement
avec l’arabe pour les autres stagiaires. Enfin, on remarque que les femmes sont majoritaires.
Nous commencerons notre présentation de ce groupe par Souleymane. Il a d’abord fréquenté
l’école élémentaire au village, puis le collège à Dakar où il est arrivé à 14 ans. Il y est resté
jusqu’au brevet des collèges. Il parle bien soninké mais aussi le wolof – appris et pratiqué à
Dakar – et le français, langue de scolarisation. Dans son entretien, il n’évoque pas l’arabe
même s’il est probable qu’il ait fréquenté l’école coranique. En France, il a rejoint son père,
qui y travaille depuis trente-deux ans. Ils habitent au foyer El Hadji Omar Tall, qui regroupe
des travailleurs sénégalais et mauritaniens originaires de la région du fleuve Sénégal, presque
tous d’ethnie soninké ou peul. Sa mère, elle, n’a jamais habité en France.
Arrivé en France à l’issue de cette scolarité, il est trop vieux pour être accepté en lycée. On
note au passage deux politiques éducatives différentes. En France, une bonne partie de la
sélection se fait par l’âge, sauter une classe à l’école primaire reste valorisé et on accepte peu
de redoublements, considérés comme des échecs. À l’inverse, au Sénégal, il n’était pas rare,
jusqu’aux années soixante-dix, de donner une date de naissance rajeunie de deux ans aux
enfants afin qu’ils aient plus de chances à « l’école des Blancs » et, parallèlement, qu’ils aient
le temps d’acquérir une authentique éducation africaine. On peut voir dans cette pratique à la
fois une marque du rapport au temps très différent dans chacune des deux cultures et une
forme de résistance culturelle. Ce qui est valorisé, c’est la réussite au diplôme et à l’examen,
quel que soit le temps passé pour l’obtenir. De plus, le brevet en France sanctionne la fin de la
scolarité obligatoire et sa réussite n’a rien d’exceptionnel ; au Sénégal au contraire, son
obtention est réservée à une petite minorité. Ces différences entre les deux systèmes
expliquent que Souleymane a été à la fois déçu et surpris de ne pas avoir été accepté au lycée.
Il a donc dû renoncer à son projet de passer le baccalauréat et de s’inscrire à l’université pour
s’orienter vers une formation de cariste.
Dans l’entretien, Souleymane dit souffrir d’un fort accent sénégalais, qui rend parfois la
communication difficile avec les Français, et complique son intégration, notamment pour
l’accès à un travail.
S : certaines personnes disent que je parle vite / ils n’arrivent pas à me
comprendre / c’est à cause de ça que je suis venu au centre / ma conseillère
[de la mission locale] disait que parfois il me comprend pas ou disait que
parfois je parle vite.

Il est d’ailleurs surprenant de trouver Souleymane dans des cours de français pour migrants :
il n’a pas de besoin d’apprentissage du français, il a seulement un accent prononcé. Sa
présence dans une formation prescrite par une conseillère de Pôle Emploi est due à un
stéréotype tenace. C’est que la majeure partie des migrants africains originaires d’Afrique de
l’Ouest qui sont venus en France dans les années 60 à 80 étaient analphabètes ou avaient été
scolarisés très peu de temps (Kébé, ici même ; Leconte, 1997, 2014b) ; ils n’avaient donc pas
appris le français. Ce stéréotype demeure dans la société française quand bien même
aujourd’hui un tiers des entrants africains sont diplômés du supérieur, quand bien même la
scolarisation se fait en français dans tous les pays d’Afrique francophone. L’orientation de
Souleymane montre aussi le peu d’ouverture à la diversité francophone d’une partie de la
société française qui réduit la compétence linguistique à la vitesse d’élocution et ne tolère pas
de variation géographique dans l’usage de la langue. Dans la mesure où les personnes sont
orientées vers des formations par des conseillers de Pôle Emploi, on ne peut que souhaiter une
formation de ceux-ci à la diversité francophone.
Du fait de cette erreur d’orientation, Souleymane indique dans son entretien qu’il n’apprend
rien dans cette formation du point de vue de la langue. Il considère que « le niveau est trop
bas » et qu’il a « déjà appris le français beaucoup d’années ». Son seul intérêt au Centre est
pour la bureautique : il maitrise les ordinateurs, mais n’a jamais reçu de cours. Son gout et sa
pratique de l’informatique se retrouvent là encore. Il est inscrit pour passer un test écrit de
sélection pour une formation de cariste. Souleymane passera probablement les épreuves
écrites avec succès, nous avons pu constater ses bonnes compétences à l’écrit lors de la
passation de la dictée. On est un peu à l’opposé des stéréotypes et images de cette population
migrante : ici l’Africain est davantage valorisé dans ses pratiques écrites que dans ses
pratiques orales. C’est à l’oral qu’il veut se perfectionner. Ce n’est pas surprenant dans la
mesure où il a été étiqueté et orienté comme « non francophone » à cause de son accent.
Les autres jeunes venant de pays francophones peuvent être rapprochés de Souleymane.
Ainsi, Drifa et Fadila souhaitent continuer des études universitaires. Une bonne partie de
l’entretien avec chacune d’elles a de fait été consacré aux modalités d’inscription à
l’université. Lors de leur arrivée au Centre, intimidées, elles n’avaient pas osé formuler cette
requête ; elles ont été orientées vers des formations plus réalistes. Quelques semaines plus
tard, la présence d’universitaires leur a permis d’exprimer leur souhait qui sera pris en compte
par l’équipe. L’autre caractéristique commune à ces jeunes francophones est la nécessité
ressentie de se perfectionner à l’oral. Ils ont davantage travaillé l’écrit en français dans leurs
pays d’origine respectifs. Toutefois, au Sénégal les cours se déroulent en français oral, bien
souvent depuis le début de la scolarisation à l’école primaire. Les enseignants ne parlent pas
forcément la langue du village dans lequel ils sont affectés, pour Souleymane le soninké
langue minoritaire à l’échelle du pays. En revanche, au Maghreb, l’arabe dialectal et standard
est utilisé dans les premières années de scolarisation et reste présent à l’oral dans la
scolarisation ultérieure, y compris pour les matières scientifiques enseignées en français. On
retrouve de plus les mêmes souhaits de se perfectionner d’abord à l’oral pour un autre groupe
de jeunes femmes maghrébines scolarisées partiellement en français dans une enquête
ultérieure (Boivin, ici même). Ces souhaits sont dus au décalage entre l’importance de l’écrit
en français dans la scolarisation au Maghreb et son usage oral qui est beaucoup plus limité. Le
répertoire de ces jeunes est donc déséquilibré avec une prédominance de l’écrit pour le
français.
Voici le point de vue de Nadia, ayant été scolarisée au Maroc jusqu’à un baccalauréat en
sciences humaines, baccalauréat auquel elle a échoué. Sa scolarisation a eu lieu en arabe et en
français pour certaines matières. Elle est en France depuis quelques mois et hébergée chez des
membres de la famille avec qui elle parle berbère et arabe ; elle s’oriente vers une formation
d’agent d’entretien dans les hôpitaux. Il y a urgence pour elle à trouver un emploi pour avoir
un logement indépendant. Pour cela, elle souhaite se perfectionner à l’oral, surtout en
production :
N : il faut d’abord apprendre le français pour communiquer avec les gens /
oui pour communiquer / quand : quand quelqu’un il parle / je comprends ce
qu’il dit mais moi pour répondre je sais pas

Toutefois, l’écrit est toujours présent : il sert à la fixation en mémoire.


N : c’est l’oral qui est très difficile // je fais une traduction français arabe
pour connaître les mots que je ne connais pas

F23 : et la traduction français arabe tu la fais comment

N : Non dans l’internet je fais / la traduction français arabe / je clique le


nom français pour avoir la traduction en arabe

F : et tu fais ça ici

N : oui ici sur l’ordinateur / puis j’écris dans le cahier pour que j’oublie
pas.

23
F désigne l’enquêtrice. On a retenu l’initiale des prénoms.
On trouve ici un décalage entre compréhension et production. On imagine qu’au Maroc, en
classe, elle a beaucoup plus écouté le français qu’elle ne l’a parlé. Une meilleure aisance en
français oral est considérée comme un préalable à l’entrée dans l’emploi qu’elle souhaite.
Pourtant l’entretien s’est déroulé sans difficulté majeure, alors qu’elle n’est en France que
depuis quelques mois et au Centre depuis un mois et demi. On voit ici le décalage entre auto-
évaluation et réalité des pratiques. Elle note d’ailleurs des progrès importants depuis le début
des cours. Nadia met en place des stratégies pour améliorer sa compétence orale ; elle dit
préférer la télé en français et écouter la radio en français sur son téléphone portable pour
améliorer ses compétences.
Les besoins langagiers exprimés par les jeunes francophones sont moins fonction de leur
scolarité passée, largement basée sur l’écrit, que de leur expérience depuis leur arrivée en
France. Ils souhaitent une meilleure aisance dans la production orale ou qu’elle soit davantage
conforme à ce qu’attendent les Français. L’importance de l’écrit en français est relativisée,
parce qu’ils en ont une maitrise certaine24. On peut aussi noter qu’ils viennent de pays dans
lesquels l’oralité garde une place importante. Enfin, tous ont un usage important des nouvelles
technologies de la communication et de l’information, pour lesquelles la norme écrite peut
être relativisée. Mais il s’agit davantage d’une variable générationnelle que liée à leur
socialisation partiellement en français.

2.2. Les  personnes  ayant  eu  peu  de  contact  préalable  avec  le  français    
Ce groupe est beaucoup plus hétérogène que le précédent. Le tableau regroupe les personnes
auprès de qui nous avons mené un entretien. On a noté les langues parlées par les personnes
avant l’arrivée en France.

Pseudo Nationalité Âge Niveau En France Langues parlées


d’études depuis

Chantrah thaïlandaise 30-35 Bac + 3 3 ans thaï, anglais


Mekonen somalienne 28 Bac + 5 6 mois somali, arabe, anglais,
français un peu
Rachel nigériane 25 Bac + 2 7 ans ibo, anglais
Milona kosovare 25 Bac 8 ans albanais
Emmy allemande 45 Bac + 5 1 an allemand, russe
Alba portugaise 35-40 Bac 8 mois portugais, anglais
Nazéli arménienne 42 Bac + 2 3 ans arménien, russe, un peu
anglais
Anouch arménienne 47 Bac + 2 2 ans arménien, russe, un peu
d’anglais
Adom arménienne 49 Bac + 2 9 ans arménien, russe, un peu
anglais, allemand
Yazid arménienne 52 Brevet 5 ans yézidi, arménien, russe

Tableau 2. Personnes ayant eu peu de contact avec le français avant la venue en France
24
Rappelons que les deux jeunes femmes très peu scolarisées dans leur pays d’origine n’ont
pas voulu venir en entretien.
La présentation des membres de ce groupe appelle quelques remarques. On note dans un
premier temps la présence de personnes appartenant à l’Union Européenne. On voit bien ici
que leurs besoins langagiers ne sont pas si particuliers. La seconde remarque concerne la
présence plus importante des femmes, comme pour le groupe précédent. De plus, l’âge des
stagiaires est globalement plus élevé dans ce groupe. C’est qu’un certain nombre d’entre eux,
les quatre Arméniens mais aussi Mekonen et Rachel sont arrivés en France dans le cadre
d’une procédure d’asile. De plus, certains membres de ce groupe sont en France depuis plus
de cinq ans, ce qui montre que les difficultés linguistiques sont loin d’être résolues pour tous à
l’issue de cette période. Mais il n’y a rien de surprenant à cela dans la mesure où les
demandeurs d’asile devaient attendre en moyenne deux ans pour être fixés sur leur demande.
Pendant tout ce temps, ils n’ont pas droit à des cours de français pris en charge par des
organismes publics. Les CADA organisent cependant des cours de français assurés par des
bénévoles. Enfin, certains des membres de ce groupe ont déjà bénéficié de formations
linguistiques par le passé mais ont besoin de se perfectionner pour pouvoir entrer en
formation professionnelle qualifiante par exemple, ou encore se voient proposer une
formation linguistique et professionnelle complémentaire lors d’une période de chômage.
L’apprentissage du français est de toute évidence plus difficile pour les personnes qui n’ont
pas été exposées à cette langue durant l’enfance.
Vu la diversité langagière, de parcours, de conditions de vie en France, il est impossible de
regrouper chaque personne dans des catégories et de présenter chacun. On peut néanmoins
dans un premier temps isoler les femmes mariées à un Français. Elles sont deux (Chantrah et
Emmy) et n’ont pas la même urgence à apprendre le français que d’autres, qui doivent très
vite travailler. Elles souhaitent néanmoins retrouver une activité professionnelle. Chantrah,
comptable, opte désormais pour un métier de masseuse et Emmy souhaite retrouver son
métier de graphiste. La langue de communication du couple est l’allemand pour Emmy,
l’anglais pour Chantrah, ce qui ne favorise pas une progression rapide en français. Enfin, lors
de son entretien, Emmy a fait part à plusieurs reprises de son souhait de retrouver, dans les
cours de français, l’expérience qu’elle avait eue de l’apprentissage du russe dans son enfance,
en Allemagne de l’Est. Les cours, selon elle, devraient avoir lieu en allemand, être très
fortement centrés sur la grammaire et chaque item en français devrait être traduit. On
reconnaît là une méthodologie traditionnelle grammaire-traduction, fortement centrée sur
l’écrit. Ici, ce ne sont pas les besoins langagiers ressentis en France qui conditionnent les
souhaits d’apprentissage mais l’apprentissage passé des langues étrangères en contexte
scolaire.

2.2.1.  Les  personnes  scolarisées  partiellement  en  russe  


La même centration sur la grammaire, l’écrit, la norme est très présente chez les quatre
Arméniens qui ont migré à l’âge adulte. Tous les quatre ont été scolarisés en arménien et en
russe et ont travaillé dans ces deux langues ; certains ont appris des langues étrangères
(anglais et/ou allemand) dans leur scolarité. Au vu de leurs compétences plurilingues avant
leur venue en France, on s’attendrait à ce que l’apprentissage d’une quatrième ou d’une
cinquième langue ne soit pas insurmontable. Pourtant, tous soulignent les difficultés qu’ils ont
à apprendre le français, notamment celles que leur procure l’orthographe. On peut retenir le
cas d’Adom par exemple, pour qui sa connaissance de quatre langues préalablement au
français lui permet de hiérarchiser la difficulté éprouvée à apprendre chacune d’entre elles.
Adom se présente d’abord comme relativement expert dans l’apprentissage des langues
étrangères grâce à son expérience. Il a été scolarisé en arménien et en russe, a appris
l’allemand puis l’anglais durant son parcours scolaire et universitaire.
A : si tu connais pas quelques langues pour toi c’est difficile bien sûr c’est
normal mais si tu connais deux / trois / quatre langues /// tu comprends
quelle plus difficile quelle plus facile il y a différence par exemple allemand
/ anglais / français / français c’est trop difficile.

Remarquons que l’arménien et le russe maitrisés depuis l’enfance n’interviennent pas dans le
classement des langues difficiles et que l’anglais est considéré comme plus difficile que
l’allemand. Mais le français représente le summum de la difficulté bien qu’Adom soit en
France depuis neuf ans. Son classement révèle surtout l’ordre dans lequel les langues ont été
apprises : elles sont d’autant plus faciles qu’elles ont été apprises tôt. La durée du séjour en
France n’a pas permis une aisance dans cette langue.
On retrouve un classement assez similaire chez son compatriote de langue première yézidie.
Lui aussi est arrivé comme demandeur d’asile et a été scolarisé en arménien et en russe, il n’a
pas eu accès à la forme écrite de la langue de son groupe, langue première et familiale qu’il
n’écrit pas. Yazid classe ses langues en deux groupes distincts : « yézidi, russe, arménien,
c’est même » nous a-t-il dit à plusieurs reprises. Dans ses propos, il veut souligner que pour
lui, l’aisance est équivalente dans ses langues apprises dans l’enfance et ce, bien qu’il ne
connaisse pas la forme écrite du yézidi. Le français est classé à part comme langue difficile
bien qu’il soit en France depuis cinq ans. Il réfute aussi qu’il puisse améliorer ses
compétences au quotidien dans des situations de travail.
Un point commun aux personnes scolarisées en russe à l’époque soviétique concerne
l’importance accordée à l’écrit, à la traduction, à la grammaire. On l’a vu avec l’exemple
d’Emmy scolarisée en Allemagne de l’Est avant la chute du mur. Il en est de même pour les
quatre Arméniens de ce groupe25. Ainsi, un peu plus tard dans l’entretien, Adom nous
expliquera que la « difficulté » du français vient de l’absence de correspondance entre graphie
et son. Pour apprendre une langue, il considère qu’il doit passer par la traduction et les
explications grammaticales, de la même façon qu’il a appris les langues étrangères dans son
enfance à l’école arménienne et russe. Il utilise les dictionnaires électroniques indifféremment
en russe ou en arménien, langues dont il revendique une connaissance équivalente. Toutefois,
cette traduction est parfois impossible parce qu’il n’a pas accès à la graphie des mots à partir
de l’oral. Ce qui le gêne c’est l’absence de correspondance graphie/ son en français. Il a été en
outre particulièrement actif pendant la dictée, a souhaité que nous expliquions chaque graphie.
On voit ici une réelle focalisation sur l’écrit pour l’accès au sens. Il faut noter que la même
remarque sur l’absence de correspondance graphie/ son a été faite par Yazid.
Quant aux deux femmes arméniennes avec qui nous avons discuté, Nazéli a commencé
l’entretien en nous disant Qu’est-ce qu’elle est difficile cette langue et Anouch a expliqué
qu’elle éprouvait davantage de difficultés à l’oral qu’à l’écrit. Répondre au téléphone lui
posait particulièrement problème. Toutes les deux étaient inscrites à la bibliothèque, pour y
rechercher entre autres des manuels de FLE. L’une d’elles travaillait avec le manuel de FLE
de son fils qui prenait des cours au centre de langues de l’Université de Rouen. On voit
clairement la trace dans les quatre entretiens des habitudes d’apprentissage passés des
apprenants qui ont été scolarisés à l’époque soviétique : une langue s’apprend à l’écrit, avec
des livres et des dictionnaires ; il faut passer par la traduction pour comprendre chaque mot, la
grammaire est importante. Ces représentations de l’apprentissage rendent l’acquisition du
français particulièrement éprouvante : la « difficulté » est telle que l’on ne sait pas quelle
stratégie mettre en place pour accéder à une maitrise de la langue. Les stratégies éprouvées

25
Wu a fait les mêmes constats auprès d’une demandeuse d’asile arménienne lors de son stage
au CADA de Rouen en 2015.
lors des apprentissages langagiers ultérieurs ne fonctionnent plus ou mal ou sont impossibles
dans le contexte (la traduction systématique). Cette situation provoque une réelle souffrance,
dans la mesure où la maîtrise du français est considérée comme la clé permettant l’accès au
marché du travail : en France on demande un diplôme pour n’importe quel métier, y compris
des métiers qu’ils considèrent dévalorisés, comme peintre en bâtiment ou auxiliaire de vie.
Les habitudes d’apprentissage acquises durant la scolarisation sont à l’évidence
particulièrement prégnantes pour ces personnes arrivées en France dans des conditions
souvent difficiles, autour de quarante ans. Toutefois, l’importance de la norme écrite dans la
société française vient renforcer les représentations premières. L’accès à des formations
professionnelles qualifiantes par exemple se fait sur la base de tests écrits où c’est le français
écrit dans ses aspects les plus normés qui est évalué (orthographe, grammaire, conjugaison).
Or, l’accès à une formation professionnelle qualifiante est considéré comme la porte d’accès à
l’emploi.

2.2.2. Limites  de  la  catégorisation  


À ce niveau de l’analyse, on peut dégager deux groupes qui seraient nettement séparés quant
aux besoins langagiers ressentis : les personnes ayant étudié le français à l’école
souhaiteraient s’améliorer à l’oral et mettent en place des stratégies qui font peu de place à
l’écrit (écoute de la radio, télé, etc.), alors que les personnes ayant eu l’expérience de
l’apprentissage des langues étrangères avec des procédés classiques grammaire-traduction
souhaitent le voir reproduire en France. Mais dans un premier cas, nous avons des jeunes,
dans l’autre des personnes âgées de quarante ans et plus. Les personnes scolarisées en partie
en russe forment un groupe relativement homogène auquel on ne peut pas adjoindre les
personnes originaires d’Afrique non francophone, d’Europe latine ou d’Asie.
L’expérience de Milona, jeune kosovare, vient nuancer cette bipartition et nous permet
d’appréhender plus finement ce qui relève de la variable générationnelle et ce qui relève des
habitudes d’apprentissage. Milona est originaire du Kosovo et a été scolarisée uniquement en
albanais. Elle n’a pas ou peu suivi de cours de langue étrangère, faute d’enseignants. On voit
ici une rupture générationnelle nette : son père a par exemple été scolarisé en russe et en
serbe. Le père de Milona avait certainement un profil langagier beaucoup plus proche des
Arméniens que nous avons rencontrés. À son arrivée en France, il y a 8 ans, Milona a suivi
des cours de langue et une formation d’hôtesse de caisse, qui lui a permis d’obtenir un CDI.
Aujourd’hui, elle souhaite se perfectionner en français et changer de métier pour devenir
esthéticienne. Elle habite avec sa mère – avec qui elle parle exclusivement albanais – et avec
sa sœur, avec qui elle parle albanais et français. En outre, elle n’a que très peu utilisé de
dictionnaire bilingue albanais-français électronique ou papier, y compris lorsqu’elle est
arrivée. C’est que la variété d’albanais du Kosovo diffère de celle parlée en Albanie. Les
supports permettant de traduire de sa langue première vers le français sont difficilement
accessibles. Au Centre, elle déclare préférer les cours d’interculturel dans lesquels chaque
stagiaire présente son pays d’origine : ces cours lui donnent de meilleures connaissances sur
le monde et les personnes qu’elle côtoie au centre. Mais en second choix, ce sont les dictées.
Il est vrai que ses bonnes compétences orales contrastent avec de fortes difficultés à l’écrit.
Elle a conscience de ses difficultés, qu’elle n’imagine pas régler toute seule : elle n’imagine
qu’un apprentissage guidé et explicite de l’écrit. Elle nous a même déclaré qu’elle rêv[ait] de
faire des dictées en faisant référence à la dictée la veille de l’entretien proposée par les
chercheures. Malgré sa grande aisance à l’oral, Milona a éprouvé de grandes difficultés pour
cet exercice écrit, notamment en orthographe grammaticale, mais aussi en orthographe
lexicale. Sa performance est très en deçà de celle des quatre Arméniens par exemple. Cette
focalisation sur la norme écrite peut apparaître paradoxale lorsque l’on connaît le parcours
professionnel de Milona qui veut désormais suivre une formation d’esthéticienne. Dans ce
métier, les besoins langagiers sont nettement centrés sur l’oral. Mais Milona a bien compris
l’importance de la maitrise de la norme écrite dans la société française. Elle craint d’envoyer
des mails à ses amis français, de peur des railleries : j’ai peur qu’ils rigolent avec moi. De
plus, elle s’apprête à changer de région pour se marier avec un Français. La maitrise de
l’orthographe du français lui permettra une intégration complète dans sa nouvelle vie.

2.2.3. La  maitrise  de  l’anglais  


On peut aussi regrouper les anglophones (Afrique anglophone, Asie) qui semblent avoir des
caractéristiques sociolinguistiques communes. Nous serons relativement brève sur cette
question dans la mesure où J. Gonac’h ici même analyse finement le rôle de l’anglais dans des
cours de français pour demandeurs d’asile. Il nous a semblé lors de ces premières enquêtes
qu’une compétence élevée en anglais était un rempart contre l’insécurité linguistique quand
tout ou partie de la scolarisation s’est faite dans cette langue. L’anglais peut servir de langue-
pivot (Castellotti, 2001 ; Bono, 2008), de langue à partir de laquelle les apprentissages
ultérieurs vont s’organiser.
Les personnes avec qui nous nous sommes entretenue sont d’origines diverses (Nigeria,
Somalie, Thaïlande), venues à titre individuel, pour des raisons familiales (mariage avec un
Français) ou politiques (réfugiés ayant obtenu ou non le statut). De ce fait, elles
n’appartiennent pas à des communautés linguistiques importantes dans la région. Leur niveau
de compétence en anglais va de pair avec un niveau de scolarisation au moins jusqu’au
baccalauréat. L’anglais est utilisé pour traduire le français, souvent sur Internet, il peut être
aussi la langue de communication familiale avec le mari ou avec les enfants. Pour Rachel,
femme nigériane élevant seule ses deux filles, l’anglais est la langue de communication
familiale mais aussi une langue identitaire. Il permet de mettre en avant une identité
linguistique plus valorisante que celle de l’ibo, alors que cette femme diplômée du supérieur a
fait toutes ses études en anglais. Le statut de langue hypercentrale (Calvet, 1999) de l’anglais
semble rejaillir sur ses locuteurs qui, bien qu’en cours d’apprentissage du français, trouvent
une valorisation dans la maitrise et l’écriture de cette langue. Au reste la présence de l’anglais
sur la toile est sans commune mesure avec celle des langues premières ou de première
scolarisation (ibo, somali, thaï).
Par ailleurs, on peut interpréter les demandes récurrentes du stagiaire somalien26, Mekonen, à
utiliser l’anglais pour accéder au sens d’énoncés français ou obtenir des explications
métalinguistiques comme un signe de la position hypercentrale de l’anglais : on n’imagine pas
qu’un stagiaire arabophone, lusophone ou russophone tente la même chose avec le même
aplomb. La personne serait vite suspectée d’avoir des comportements mettant en avant son
identité ethnique. Dans les cours, seul le français était toléré27 afin de construire une identité
de groupe alors que les stagiaires venaient d’origines diverses voire de pays en conflit (Russie

26
Cet apprenant, réfugié politique statutaire, a commencé à apprendre le français à Chypre où
il a obtenu l’asile pour l’Europe avant d’être accueilli en France. À Chypre, l’anglais était
utilisé en cours comme langue de communication, langue d’enseignement avec les apprenants
pendant les cours de français. Mekonen a été scolarisé en somali, en arabe (école coranique)
et en anglais. Il a utilisé toutes ses langues au cours de son long périple de Somalie vers
Chypre en passant entre autres par le Soudan, l’Égypte et la Lybie.
27
La position sur la présence des langues d’appui (anglais, arabe, russe) dans les cours a
évolué. Leur emploi dépend aussi de la composition des groupes (originaires de pays en
conflit ou non).
et Tchétchénie). On voit là une limite très nette de la prise en compte des compétences
langagières et des qualifications professionnelles antérieures à l’arrivée en France. Du point
de vue des apprentissages, les anglophones nous ont tous dit passer préférentiellement par
l’anglais pour des traductions au détriment de leur langue première. D’un point de vue
sociolinguistique, l’absence de communauté linguistique dans la région dans les langues
premières renforce l’importance de l’anglais pour ces locuteurs.
La tentative ci-dessus de regrouper les stagiaires en fonction de leur socialisation langagière
montre ses limites. On trouve effectivement des caractéristiques communes aux jeunes
maghrébines ayant été scolarisées partiellement en français : elles cherchent à se perfectionner
d’abord à l’oral pour rééquilibrer leur compétence en français. Toutefois, c’est le déséquilibre
inverse qui prévaut pour les deux jeunes femmes en situation d’analphabétisme qui n’ont pas
osé venir en entretien. On pourrait faire la même remarque pour les personnes originaires de
l’ex bloc de l’Est. Cette fois, c’est la variable générationnelle qui est saillante. On peut retenir
de ce tour d’horizon la grande variété des parcours langagiers des personnes et la nécessité
d’élaborer des parcours de formation individualisés. Toutefois, un détour par l’histoire – des
personnes mais aussi des systèmes scolaires et des pays d’origine – permet d’appréhender la
diversité des attentes et certaines résistances face à des méthodologies communicatives ou
actionnelles.
Enfin, lorsque la durée du séjour s’accroit, au-delà de cinq ans, les besoins langagiers loin de
disparaître sont surtout exprimés pour l’écrit. Ils vont bien au-delà de ce qui est estimé dans
les enquêtes ELIPA : « écrire une lettre ou remplir un document administratif ». Il ne s’agit
pas ici de situations d’analphabétisme ou d’illettrisme. Les personnes en France depuis
plusieurs années ont bien conscience de l’importance de la norme écrite dans la société
française qui joue le rôle de filtre pour l’entrée dans les formations professionnelles
qualifiantes par exemple. Ainsi lors d’enquêtes ultérieures, notre équipe a rencontré une
stagiaire, diplômée à bac + 4 en Irak en comptabilité, qui a été recalée pour entrer dans une
formation professionnelle qualifiante de … comptable. Cela lui aurait permis de faire valoir
ses compétences et son métier passé. Selon ses dires, elle a échoué aux tests parce qu’elle ne
maitrisait pas le passé simple ! (Leconte & Lebreton, 2015).

3.  Conclusion  
L’analyse des glottopolitiques envers les migrants exposée en première partie montre que le
Conseil de l’Europe prend en compte positivement l’ensemble des langues et qualifications
obtenues avant la migration, ce qui n’est le cas ni de l’échelon national ni de l’échelon
régional où seules les compétences en français importent. À l’autre bout de la chaine, les
organismes de formation linguistique construisent avec les personnes un projet professionnel
et d’insertion prenant en compte diplômes et qualifications obtenues au pays d’origine et les
métiers éventuellement exercés. Toutefois, les langues acquises avant l’arrivée en France,
langues premières, langues de scolarisation ou langues véhiculaires employées pendant l’exil
sont peu prises en compte d’un point de vue didactique, seul le français est langue
d’enseignement. De plus, la prise en compte s’arrête dès que l’on sort des structures où le
personnel est formé pour travailler auprès des migrants, comme le montrent quelques
exemples développés ici : celui du jeune sénégalais titulaire du brevet orienté en FLE par Pôle
Emploi ou celui de la comptable irakienne n’ayant pu accéder à une formation de comptable
de l’AFPA, faute de maitriser le passé simple. La maitrise du français sous son aspect le plus
normé semble être le sésame pour accéder à l’emploi surtout qualifié.
Par ailleurs, les catégories juridico-administratives qui organisent la formation linguistique
des migrants au niveau national sont peu opérationnelles sur le terrain. Les membres de
l’Union Européenne peuvent avoir des besoins langagiers équivalents à ceux de non membres
et des habitudes d’apprentissage similaires. Il est regrettable qu’ils soient exclus de certaines
formations linguistiques. De plus, la durée de séjour, si elle influe positivement sur l’aisance
en français à l’oral, ne fait pas disparaître les besoins langagiers à l’écrit. Ceux-ci sont
d’autant plus importants quand les personnes veulent accéder à l’emploi qualifié et sont donc
obligés de se soumettre à des tests écrits qui font la part belle aux aspects les plus formels de
la langue. La durée du séjour permet en outre une appréhension plus fine du rapport de la
société française à la norme et des sanctions sociales encourues pour ceux qui ne la maitrisent
pas. Le parcours langagier des personnes ne s’arrête pas au bout de cinq ans. Les personnes
souhaitent continuer à se perfectionner, y compris pour des objectifs personnels. On est
proche alors ici de la dernière phase du processus d’intégration linguistique : « qui développe
l’identité linguistique », telle qu’elle est définie par Beacco, Little et Hedges (2014 : 16).
Enfin l’analyse des entretiens montre des tendances repérables en fonction des
caractéristiques sociales, des socialisations langagières et des habitudes d’apprentissage pour
ce qui concerne le rapport à la norme, la demande d’un enseignement scolaire type
grammaire-traduction ou, à l’inverse, un investissement préférentiel vers la communication
orale. Toutefois ces grandes tendances sont autant le fait des besoins langagiers ressentis en
France que d’une socialisation première dans les pays d’origine. Ces grandes tendances sont à
manier avec prudence, chaque parcours est individuel, chaque projet de vie aussi.

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