Democratie
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2024 20:50
© Faculté de droit, Section de droit civil, Université d'Ottawa, 2021 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des
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RÉSUMÉ
Crise d’importance mondiale, la pandémie de COVID-19 a entraîné un ralentissement
des activités de la société civile, de l’économie et de la justice. Face à l’incertitude
générée, les tribunaux ont été ralentis, sinon paralysés, en plus de devoir mettre en
place une justice d’urgence par processus hybrides ou spéciaux. Dans un tel contexte,
la recherche de mesures d’efficacité devient vitale. Le présent article contribue donc
à la réflexion entreprise sur l’efficacité du système judiciaire en temps de pandémie
et de post-pandémie. La crise sanitaire semble avoir encouragé une évolution rapide
de l’organisation des services judiciaires. Cette évolution fera-t-elle place à une trans-
formation durable et profonde de la justice civile? Le présent article fera état de
mesures et de pratiques exemplaires établies au Québec, et ailleurs au Canada et en
Amérique du Nord, visant à promouvoir l’efficacité au chapitre de l’administration de
la justice et l’adjudication des litiges, et à réduire les délais judiciaires. Précisément,
trois catégories de mesures et pratiques seront abordées, soit les mesures de gestion
efficace des instances (Partie I), les modes privés de règlement des différends intégrés
à l’activité des tribunaux étatiques (Partie II) et les mesures technologiques (Partie III).
Nous verrons que chaque système de justice civile recherche le délicat équilibre entre
MOT S - CLÉS :
Procédure civile, preuve civile, accessibilité à la justice, systèmes judiciaires, administration
de la justice, efficacité.
ABSTR AC T
A crisis of global significance, the COVID 19 pandemic has led to a slowdown in civil
society, economic and justice activities. Faced with general uncertainty, courts around
the world have been slowed down, if not paralyzed, in addition to having to establish
emergency justice through hybrid or special processes. In such a context, the search
for effective measures becomes vital. This article therefore contributes to the reflection
undertaken on the effectiveness of the judicial system in times of a pandemic. The
health crisis seems to have encouraged rapid changes in the organization of judicial
services. Will this development give way to a lasting and profound transformation of
civil justice? This article will report on measures and good practices established in
Quebec, and elsewhere in Canada and North America, aimed at promoting the effi-
ciency of the administration of justice and adjudication of disputes, and at reducing
judicial delays. Specifically, three categories of measures and practices will be dis-
cussed: effective case management measures (Part I), private dispute resolution
methods integrated into the activity of state courts (Part II) and technological
measures (Part III). We will see that judicial systems seek a delicate balance between
fundamental procedural guarantees, the quality of justice, and the efficiency of justice.
We will conclude the article by asking what the contours of efficient and accessible
civil justice are.
KE Y-WORDS:
Civil procedure, evidence law, accessibility of justice, judicial systems, administration of
justice, efficiency.
SOMMAIRE
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163
I. Gestion efficace des instances sous l’inspiration des principes
de gestion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166
A. Techniques pour contrôler le flux des dossiers judiciaires
dans le système de justice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168
INTRODUCTION
« This is a time for science and solidarity ».
António Guterres1
1. Secrétaire général des Nations Unies, « Time for Science and Solidarity » (14 avril 2020), en
ligne : Organisation des Nations Unies <www.un.org/en/un-coronavirus-communications-team/
time-science-and-solidarity>.
2. Une crise de la justice civile qui perdure depuis des décennies dans les systèmes con
tradictoires et qui n’est pas en voie d’être réglée, si on en croit les propos d’Adrian Zuckerman
dans son importante étude comparée, Adrian Zuckerman, dir, Civil Justice in Crisis: Comparative
Perspectives of Civil Procedure, Oxford, Oxford University Press, 1999.
3. Mentionnons que certaines portions de la présente étude ont été amorcées dans le cadre
de la réalisation d’un projet pour l’Institut québécois de réforme du droit et de la justice (IQRDJ);
voir Catherine Piché et Shana Chaffai-Parent, « La justice au temps de la COVID-19 — Rapport final »
(15 juin 2020), en ligne : Institut québécois de réforme du droit et de la justice <www.iqrdj.ca/projets/
rapport_projet_2.pdf>.
4. « La célérité et l’efficacité de la justice au Québec » (1976) 17 C de D 4, en ligne : <doi.
org/10.7202/042081ar>.
5. PL 75, Loi visant à améliorer l’accessibilité et l’efficacité de la justice, notamment pour répondre
à des conséquences de la pandémie de la COVID-19, 42e lég, 1re sess, Québec, 2020 (sanctionné le
11 décembre 2020).
15. Ibid.
16. Voir Alan Uzelac, « Goals of Civil Justice and Civil Procedure in the Contemporary World »
dans Alan Uzelac, dir, Goals of Civil Justice and Civil Procedure in Contemporary Judicial Systems,
New York, Springer, 2014, 3. Voir aussi Alan Uzelac et Cornelis H Van Rhee, « The Metamorphoses
of Civil Justice and Civil Procedure: The Challenges of New Paradigms — Unity and Diversity »
dans Alan Uzelac et Cornelis H Van Rhee, Transformation of Civil Justice. Unity and Diversity,
New York, Springer, 2018, 3; et Fabien Gélinas, Catherine Piché et al, Foundations of Civil Justice
— Toward a Value-Based Framework for Reform, New York, Springer, 2015.
17. Belley, supra note 6 et Cornelis H Van Rhee, « Dutch Civil Procedure: Reform and Efficiency »
dans Van Rhee et Uzelac, supra note 9 à la p 47. [« Dutch Civil Procedure »].
18. Kiesiläinen, supra note 11.
19. [Notre traduction] Zuckerman, supra note 2. Les recommandations de l’honorable Harry
Woolf se trouvent dans R-U, Lord Chancellor’s Department, Access to Justice: Final Report to the
Lord Chancellor on the Civil Justice System in England and Wales, Harry Woolf, The Stationery Office,
1996.
20. Mockle, « Bon gouvernement », supra note 14.
21. Mockle, ibid. Voir les motifs dans R c Jordan, 2016 CSC 27, [2016] 1 RCS 631. Voir aussi
S téphane Bernatchez, « L’arrêt Jordan, le management de la justice et le droit de la gouvernance »
(2016) 46 RDUS 451.
22. Sur ce débat, voir ibid. Voir également Cornelis H Van Rhee et Alan Uzelac, Truth and
Efficiency in Civil Litigation, Cambridge, Intersentia, 2012.
23. Thomas H Cohen, « Civil Trial Delay in State Courts: The Effect of Case and Litigant Level
Characteristics » (2012) 95:4 Judicature 158. Voir aussi Thomas M Clarke et Victor E Flango, « Case
Triage for the 21st Century, Future Trends in State Courts 2011 » (2011), en ligne : National Center
for State Courts <www.ncsc.org/__data/assets/pdf_file/0017/18161/clarke-and-flango.pdf >.
24. Collins E Ijoma et Giuseppe M Fazari, « Applying the Case Management CourTools: Findings
From an Urban Trial Court » (2012) 4:2 Intl J for Court Administration 21; Jon Gould et al, « Over-
whelming Evidence » (2011) 95:2 Judicature 61; Holly Bakke et Maureen Solomon, « Case Dif
ferentiation: An Approach to Individualized Case Management » (1989) 73:1 Judicature 17.
25. David C Steelman et Marco Fabri, « Can an Italian Court Use the American Approach to
Delay Reduction? » (2008) 29:1 Justice System J 1.
26. Ijoma et Fazari, supra note 24. Voir aussi Gould et al, supra note 24, et Steelman et Fabri,
supra note 25.
27. Bakke et Solomon, supra note 24.
28. Arts 18(2), 19, 148–60 Cpc.
29. Bakke et Solomon, supra note 24.
30. Hannah E M Lieberman et al, « Meeting the Challenges of High-Volume Civil Dockets,
Trends in State Courts » (2016), en ligne : National Center for State Courts <www.ncsc.org/__data/
assets/pdf_file/0027/25578/meeting-the-challenges.pdf>.
31. Agustina Matos, Business Process Reengineering in the Civil Part Division, Institute for Court
Management, Williamsburg (VA), mai 2011.
32. Greg Berman et John Feingblatt, « Problem-Solving Justice: A Quiet Revolution (Con-
tinued) » (2003) 86:4 Judicature 213.
33. Richard Van Duizend et Kathy Mays Coleman, « Why Not Now? Strategic Planning by Courts
in Challenging Financial Times » (2009), en ligne : National Center for State Courts <ncsc.
contentdm.oclc.org/digital/collection/ctadmin/id/1487/>. Voir aussi : « Remote Court Operations
Incorporating A2J Principles: A Pandemic Resource From NCSC » (2020), en ligne : National Center
for State Courts <ncsc.contentdm.oclc.org/digital/collection/ctadmin/id/2347>.
34. En 2000, c’était plus de 15 États selon une étude du NCST; voir Andreas Lienhard et Daniel
Kettiger, « Caseload Management in the Law Courts: Methodology, Experiences and Results of
the First Swiss Study of Administrative and Social Insurance Courts » (2010) 3:1 Intl J for Court
Administration 31 à la p 33. Voir aussi Erwin J Rooze, « Differentiated Use of Electronic Case
Management Systems » (2010) 3:1 Intl J for Court Administration 51.
35. Bakke et Solomon, supra note 24.
36. Parmi les voies possibles, il y a la voie ordinaire (volume le plus important de dossiers), la
voie rapide (volume important de dossiers simples) ou la voie complexe (faible proportion des
dossiers); Clarke et Flango, supra note 23. Plusieurs tribunaux ont adopté une séparation plus
sophistiquée des voies en fonction de certains besoins précis. On peut donner l’exemple des
State Courts du New Jersey et du Michigan, où les voies procédurales sont gérées grâce à un
système technologique de triage qui soutire certaines données à même des documents déposés
électroniquement; Bakke et Solomon, supra note 24. Voir aussi Paula Hannaford-Agor et Scott
Graves, « Meaningful Criteria for Automated Civil Case Triage » dans Conference CTC 2017, Salt
Lake City, National Center for State Courts, 2017. Voir également Lienhard et Kettiger, supra
note 34.
37. Hannaford-Agor et Graves, supra note 36, et Cohen, supra note 23.
38. Bakke et Solomon, supra note 24.
52. Cette mesure est fréquemment utilisée dans les litiges de masse américains, lorsqu’une
action collective est impossible. Ce fut, notamment, le cas dans l’affaire des travailleurs du chan-
tier de Ground Zero à la suite des attentats terroristes du 11 septembre 2001 à New York, ainsi
que dans une affaire impliquant un grand nombre de demandeurs au prise avec des problèmes
liés à une hanche artificielle défectueuse. Voir à cet égard Zimmerman, supra note 47.
53. Ibid, voir les paragraphes 12 et suivants sur la gestion de l’instance.
54. Ils constituent, au Québec, une des deux causes de la prolongation des coûts et délais
(l’autre étant les expertises); Québec, Ministère de la Justice, Rapport d’évaluation de la Loi portant
réforme du Code de procédure civile, Québec, Publications du Québec, 2006.
55. Paula Hannaford-Agor et al, « New Hampshire: Impact of the Proportional Discovery –
Automatic Disclosure (PAD) Pilot Rules » (19 août 2013) en ligne : National Center for State Courts
<ncsc.contentdm.oclc.org/digital/collection/civil/id/115>.
56. En effet, l’article 20 Cpc mentionne que les parties « se doivent de coopérer notamment
en s’informant mutuellement, en tout temps, des faits et des éléments susceptibles de favoriser
un débat loyal et en s’assurant de préserver les éléments de preuve pertinents », et qu’elles
doivent « s’informer des faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions et des éléments de
preuve qu’elles entendent produire ». D’autres exemples de gestion différenciée ont eu cours
dans les litiges ayant suivi les attentats du 11 septembre 2001 à New York. Voir Zimmerman,
supra note 47.
57. Clarke et Flango, supra note 23, et Lieberman et al, supra note 30.
58. Ibid.
59. Ng, supra note 9.
60. Bakke et Solomon, supra note 24. L’introduction de ces acteurs dans l’équipe de gestion
des litiges peut aussi être avantageuse en ce qui a trait au contact avec les personnes non
représentées. Voir également Lynn Jokela et David F Herr, « Special Masters in State Court
Complex Litigation: An Available and Underused Case Management Tool » (2005) 31:3 William
Mitchell LR 1299.
61. Clarke et Flango, supra note 23.
62. Pour alléger le texte, et parce qu’il n’y a pas de réel équivalent en français, nous utiliserons
uniquement l’expression anglaise special master.
63. Jokela et Herr, supra note 60.
64. Ibid; Richard Lee, « Appointing a Discovery Referee in California State Court », LA Lawyers
27:9 (décembre 2004) 10, en ligne : <www.lacba.org/docs/default-source/lal-back-issues/2004-
issues/december-2004.pdf>; Cary Ichter et S Paul Smith, « Special Masters: Mastering the Pre-
trial Discovery Process », Georgia Bar Journal 12:6 (avril 2007) 22, en ligne : <www.gabar.org/
newsandpublications/georgiabarjournal/loader.cfm?csModule=security/getfile&pageID=4646>;
Howard R Marsee, « Utilizing Special Masters in Florida, Unaswered Questions, Practical Con-
siderations and the Order of Appointment », Florida Bar Journal 81:9 (octobre 2007) 12, en ligne :
<www.floridabar.org/the-florida-bar-journal/utilizing-special-masters-in-florida-unanswered-
questions-practical-considerations-and-the-order-of-appointment/>; Ron Kilgard, « Discovery
Masters: When They Help—and When They Don’t », Arizona Attorney 40:8 (avril 2004) 30.
65. Clarke et Flango, supra note 23, et Zimmerman, supra note 47.
66. JAMS, « Using Special Masters and Referees Effectively », Academy of Court-Appointed
Masters, en ligne : <www.courtappointedmasters.org/acam/assets/file/public/resources/Using-
Special-Masters-and-Referees.pdf>.
67. McGovern, supra note 46.
68. Jokela et Herr, supra note 60; Lee, supra note 64; Ichter et al, supra note 64; Marsee, supra
note 64.
69. Dans certains cas, selon le mandat du special master, la décision de l’arbitre ne sera
contraignante que si les parties ne s’y opposent pas dans un délai donné. Elle deviendra alors
exécutoire. S’il y a opposition, la recommandation du special master sera soumise au juge pour
être tranchée.
70. Jokela et Herr, supra note 60; Lee, supra note 64; Ichter et al, supra note 64.
71. McGovern, supra note 46.
72. Ibid.
73. Justice John G Farrell, « Administrative Alternatives to Judicial Branch Congestion » (2007)
27:1 J. Nat’l Ass’n Admin L Judiciary 1.
74. C’est un constat qui semble généralisé tant aux États-Unis qu’en Europe; voir à ce sujet
Pim Albers, « Judicial Systems in Europe Compared » dans Van Rhee et Uzelac, supra note 9 à la
p 9, qui cite les travaux de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ), ainsi
que ceux de la National Association for Court Management in America. Nous citerons également
les travaux importants du National Center for State Courts
75. Interrelation décrite dans Ng, supra note 9.
84. Voir à ce sujet ibid, ainsi que Belley, supra note 6, qui aborde la question en vue d’une
réforme potentielle.
85. Excluant ainsi les modes privés auxquels le recours ou le déroulement n’implique aucune
participation des tribunaux judiciaires, comme la négociation, la médiation ou la conciliation
privées et l’arbitrage privé.
86. Van Rhee, « Dutch Civil Procedure », supra note 7.
87. Voir les propos théoriques dans Alan Uzelac, « Reforming Mediterranean Civil Procedure:
Is There a Need for Shock Therapy? » dans Van Rhee et Uzelac, supra note 9, 71.
88. Tania Sourdin et Naomi Burstyner, « Australia’s Civil Justice System: Developing a Multi-
Option Response » dans Trends in State Courts (2003), en ligne : National Center for State Courts
<ncsc.contentdm.oclc.org/cdm/ref/collection/civil/id/106>.
89. Voir, notamment : Louis Marquis, Droit de la prévention et du règlement des différends (PRD),
principes et fondements : une analyse dans la perspective du nouveau Code de procédure civile du
Québec, Sherbrooke, Éd Revue de droit de l’Université de Sherbrooke, 2015. Voir aussi Comité
d’action sur l’accès à la justice en matière civile et familiale, L’accès à la justice en matière civile et
familiale : une feuille de route pour le changement, Ottawa, 2013; Hon Guy Gagnon, Le « Pre-Action
Protocol » fait-il partie de la solution?, Cour du Québec, mars 2009; Trevor Farrow et al, Addressing
the Needs of Self-Represented Litigants in the Canadian Justice System, Livre blanc préparé pour
l’Association of Canadian Court Administrators, Toronto et Edmonton, 2012.
90. Sourdin et Burstyner, supra note 88.
91. Richard Rogers a qualifié le Civil Resolution Tribunal de « système public de résolution des
litiges en ligne le plus connu et le plus avancé au monde »; en ligne : <www.cyberjustice.
ca/2020/04/27/crtwebinar/>.
92. L’ensemble de l’information sur le CRT a été obtenue dans le cadre du webinaire Improving
Access to Justice Through User-Focused ODR, organisé par le Laboratoire de cyberjustice de l’Uni-
versité de Montréal avec Richard Rogers, directeur exécutif et registraire du CRT, le 20 mai 2020,
en ligne : <www.cyberjustice.ca/2020/04/27/crtwebinar/>.
93. Civil Resolution Tribunal, en ligne : <civilresolutionbc.ca/>.
94. Sourdin et Burstyner, supra note 88.
95. Les données utilisées ont été recueillies du 1er avril 2019 au 31 mars 2020.
96. Lafond, supra note 77. Voir également les propos théoriques dans Van Rhee, « Dutch Civil
Procedure », supra note 7.
97. Art 161 Cpc. Voir également Jean-François Roberge et Elvis Grahovic, « L’accès à la justice
et le succès en conférence de règlement à l’amiable : mythes et réalités » (2014) 73 R du B 439.
98. Soulignons d’emblée que l’étude effectuée s’est limitée aux exemples de modes de règle-
ment des différends qui ont un point de contact avec les activités institutionnelles du système
de justice. Elle n’inclut donc pas les modes qui ne concernent que l’action privée des parties,
comme la négociation, la conciliation ou la médiation privée.
affaire. Cette simulation sera suivie par un avis non contraignant sur
l’issue potentielle d’un procès. Les parties, à l’aide ou non du tiers
neutre, pourront subséquemment tenter de négocier un règlement à
l’amiable106. Cette méthode, surtout utilisée dans le cadre d’actions
complexes sur le plan factuel107, bien qu’elle soit généralement choisie
à l’initiative privée des parties ou à la demande du tribunal, peut être
employée dans le contexte judiciaire, avec certaines variantes. Par
exemple, la Court of Queen’s Bench albertaine offre informellement et
gratuitement la tenue de mini-procès aux parties, le juge agissant infor-
mellement comme tiers neutre et, au besoin, comme médiateur108.
La Superior Court of California a intégré un processus d’arbitrage
judiciaire à mi-chemin entre le mini-procès et l’arbitrage109, par lequel
les parties présentent d’abord leur théorie de la cause et les principaux
éléments de leur preuve à un arbitre qui est un avocat expérimenté
ou un juge à la retraite. La décision rendue par l’arbitre n’est ni con
traignante ni finale pour les parties, lesquelles peuvent s’y opposer
dans les 30 jours suivant son dépôt au dossier. En l’absence d’opposi-
tion, la décision sera considérée comme exécutoire et sans appel. S’il
y a opposition, une date de procès sera fixée. Fait important, le tribunal
couvre l’équivalent des cinq premières heures des frais de l’arbitre110.
124. Au sujet de ces besoins, voir notamment Jean-François Roberge, « Sense of Access to
Justice as a Framework for Civil Procedure Justice Reform » (2016) 17:2 Cardozo J Conflict &
Resolution 323. Voir aussi Guillemard et Menétrey, supra note 120.
125. Richard Susskind, « The Future of Courts » (août 2020), en ligne : The Practice <thepractice.
law.harvard.edu/article/the-future-of-courts/>; et Richard Susskind, Online Courts and the Future
of Justice, Oxford, Oxford University Press, 2019.
126. Il s’agit bien souvent de cas où les technologies sont utilisées comme des initiatives
individuelles ou pour des raisons d’efficacité, et moins parce qu’une utilisation est exigée par
la loi ou effectuée systématiquement, ce qui nous intéresse davantage dans le cadre de la
présente recension. Voir la recension de Jane Bailey, « Digitization of Court Processes in Canada »
(2012) Laboratoire de cyberjustice document de travail no 2, en ligne : <www.cyberjustice.ca/
publications/digitization-of-court-processes-in-canada/>.
127. Art 26 Cpc.
128. Colin Rule et Mark James Wilson, « Online Resolution and Citizen Empowerment: Tax
Appeals and Court Resolutions in North America » dans Sam B Edwards III et Diogo Santos, Digital
Transformation and Its Role in Progressing the Relationship Between States and Their Citizens, Her-
shey, IGI Global, 2020, 94.
129. Fabien Gélinas, Clément Camion et Karine Bates, « Forme et légitimité de la justice —
Regard sur le rôle de l’architecture et des rituels judiciaires » (2014) 73:2 RIÉJ 37.
130. L’annonce en a été faite en juin 2020. Le GNJQ est accessible en ligne au : <gnjq.justice.
gouv.qc.ca/>.
131. Ronald W Staudt, « Self-Represented Litigants and Electronic Filing », 8th National Court
Technology Conference, présentée à Kansas City, Missouri, octobre 2003. Voir également Roger
Winters, « Controversy and Compromise on the Way to Electronic Filing », dans Future Trends
in State Courts, National Center for State Courts, États-Unis, 2005, 127, en ligne : <cdm16501.
contentdm.oclc.org/cdm/ref/collection/tech/id/586>.
132. Cela inclut plusieurs possibilités, de l’envoi de procédures par courriel à des plateformes
plus sophistiquées; voir Nicolas Vermeys et Emmanuelle Amar, « Le dépôt technologique des
documents », Étude préparée à la demande du ministère de la Justice du Québec (mars 2016),
en ligne : Laboratoire de cyberjustice <www.cyberjustice.ca/files/sites/102/WP15-1.pdf>.
133. British Columbia, Court Services Online, en ligne : <justice.gov.bc.ca/cso/index.do>.
134. Heather Douglas, « Why the Saskatchewan Court of Appeal Has Barely Missed a Beat During
the Pandemic » (22 avril 2020), en ligne : Slaw <www.slaw.ca/2020/04/22/why-the-
saskatchewan-court-of-appeal-has-barely-missed-a-beat-during-the-pandemic/>.
147. Amy Salyzyn, « A New Lens: Reframing the Conversation About the Use of Video Confer-
encing in Civil Trials in Ontario » (2012) 50:2 Osgoode LJ 429.
148. Voir Burkell et di Valentino, supra note 146. Voir également Penelope Gibbs, « Defendants
on Video — Conveyor Belt Justice or a Revolution in Access? » (2017), en ligne : Transform Justice
<www.transformjustice.org.uk/wp-content/uploads/2017/10/Disconnected-Thumbnail-2.pdf>.
149. Cette définition est inspirée de la définition donnée dans 1159465 Alberta Ltd v Adwood
Manufacturing Ltd, 2010 ABQB 133 [Atwood Manufacturing].
150. Kate Gower, « National “Model PD” on Technology in Civil Litigation » (13 mars 2019), en
ligne (blogue) : Gower Modern Law <gowermodernlaw.com/2019/03/technology-civil-litigation/>.
Voir également le texte détaillé de William G MacLeod, Electronic Trials—Counsel’s Perspective
After a Trial With CaseLines, Pacific Legal Technology Conference, 15 novembre 2019. Un exemple
d’un tel tribunal est le Laboratoire de cyberjustice de l’Université de Montréal, en ligne : <www.
cyberjustice.ca/>.
151. Atwood Manufacturing, supra note 149.
158. Andra Leigh Nenstiel, « Online Dispute Resolution: A Canada-United States Initiative »
(2006) 32 Can-US LJ 313. Voir aussi Nicolas Vermeys, « Les modes privés de prévention et de
règlement des différends en ligne », dans Lafond, supra note 77, 309.
159. Ce mécanisme nécessite l’utilisation d’une plateforme particulière, par laquelle on
demande aux parties d’indiquer confidentiellement le montant qu’elles espèrent obtenir dans
le cadre du règlement. Si ces montants sont identiques, les parties seront notifiées, et une
entente standardisée pourra même être produite à même la plateforme. Sinon, les parties seront
invitées à soumettre un second montant, jusqu’à ce qu’elles s’entendent. Voir à ce sujet Nicolas
Vermeys dans Lafond, supra note 77, 309.
160. Danielle Linneman, « Online Dispute Resolution for Divorce Cases in Missouri: A Remedy
for the Justice Gap » (2018) 2018-1 J Dispute Resolution 281.
161. Ilona Bois-Drivet, Paul Embley et Catherine Lawrence, « Justice and Fast Technological
Shift — Canada and USA Situation », conférence virtuelle, Laboratoire de cyberjustice, Université
de Montréal, 21 mai 2020, en ligne : <www.ajcact.org/en/publications/justice-and-fast-
technological-shift-canada-and-usa-situation/>.
162. Melisse Stiglich et al, « Online Dispute Resolution and the Courts » dans Conference
CTC 2017, Salt Lake City, National Center for State Courts, 2017. Voir aussi Melisse Stiglich, Utah
Online Dispute Resolution Pilot Project, Technical Assistance Grant: Final Report, National Center for
State Courts, décembre 2017.
163. Le développement technologique de la plateforme a coûté 13,5 millions de dollars, sans
compter les coûts annuels de licence et de stockage infonuagique, selon l’information fournie
par Rogers, supra note 92. Les détails quant au montage financier complet n’ont toutefois pas
été divulgués. Pour plus d’information sur les coûts de fonctionnement du CRT, voir Civil Reso-
lution Tribunal supra note 93.
181. Michel Morin, Introduction historique au droit romain, au droit français et au droit anglais,
Montréal, Thémis, 2004.
182. Byrom et al, supra note 146.
183. Ibid. Il faut toutefois noter que d’autres auteurs concluent autrement et mentionnent que
les justiciables questionnés dans le cadre de leurs travaux ont fort apprécié l’expérience des
audiences à distance, ces justiciables étant cependant des entreprises; voir Douglas-Henry et
Sanderson, supra note 146.
184. Paula Hannaford-Agor, « Civil Justice Initiative: A Guide to Building Civil Case Management
Teams » (2017), en ligne : National Center for State Courts et State Justice Institute <ncsc.contentdm.
oclc.org/cdm/ref/collection/civil/id/141>. Voir aussi Douglas, supra note 134.
CONCLUSION
Nous avons fait état de bon nombre de moyens utilisés par diffé-
rentes juridictions nord-américaines pour promouvoir l’efficacité dans
l’administration de la justice et l’adjudication des litiges, ainsi que pour
réduire les délais judiciaires. Par l’entremise de différents agencements
de moyens, chaque juridiction cherche à créer des trajectoires au sein
desquelles les justiciables pourront régler leurs conflits grâce à des
méthodes de résolution variées et, surtout, en faisant usage de diverses
plateformes numériques. Plus encore, chaque juridiction recherche, à
sa manière, le délicat équilibre entre les garanties procédurales fonda-
mentales que sont la qualité de la justice et son efficacité. Il demeure
difficile de déterminer si leur implantation a pris ces paramètres en
compte, en plus des considérations relatives à l’accessibilité de la jus-
tice, au traitement des justiciables vulnérables et des parties non repré-
sentées, ainsi qu’aux limites budgétaires à court, moyen et long terme.
Certaines des mesures répertoriées se situent loin des traditions
judiciaires fortement implantées et souvent ritualisées. Ainsi, en réac-
tion au changement, plusieurs observateurs ont encensé ou critiqué
cette poursuite de l’efficacité en justice. Nous sommes d’avis que les
différents moyens répertoriés favorisent, du moins en apparence, un
règlement plus rapide et efficace des litiges, tout en réduisant le far-
deau des systèmes de justice. Permettent-ils toutefois l’atteinte des
objectifs fondamentaux de la justice civile? Sont-ils appropriés pour
conduire à l’accomplissement d’une justice de qualité et équitable?
Les principaux efforts de recherche d’efficacité dans la justice qué-
bécoise semblent avoir principalement été orientés vers la réforme du
cadre législatif, plus particulièrement celle du Code de procédure civile
et, tout dernièrement, le projet de loi 75185. Vraisemblablement, ces
changements législatifs, s’ils ne sont pas combinés avec des mesures
administratives adéquates, voire drastiques, ne seront pas nécessaire-
ment suffisants pour réaliser les objectifs d’efficacité annoncés186.
L’implantation d’un système visant à mesurer empiriquement la per-
formance des tribunaux constituerait, notamment, une avancée impor-