11 Social 06

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ISSN 1769 - 4000

N° 11 - SOCIAL n° 6
Sur www.fntp.fr le 29 août 2024 – Abonnez-vous

LOI IMMIGRATION & DÉCRET


D’APPLICATION : PRINCIPALES
MESURES EN DROIT DU
TRAVAIL

L’essentiel

Publiée au Journal Officiel du 27 janvier 2024, la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer
l’intégration (ci-après « loi Immigration ») a notamment pour objectif, selon le Titre II, d’« assurer une meilleure
intégration des étrangers par le travail et la langue ».

A cette fin, le texte met en place diverses mesures :

• Introduction dans le Ceseda (Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile), à titre
expérimental, d’une nouvelle voie d’accès au séjour de l’étranger ayant exercé une activité
professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des
difficultés de recrutement (« liste des métiers en tension ») ;

• Révision des dispositions du Ceseda afférentes aux titres de séjour « passeport talent », afin
d’« accroître la lisibilité, la cohérence et la visibilité » de ce titre de séjour (étude d’impact du projet de
loi).

Ces mesures s’accompagnent également d’une modification des volets pénal et administratif du dispositif
sanctionnant l’emploi d’étrangers non autorisés à travailler.

Un décret du 9 juillet 2024 relatif à l’amende administrative sanctionnant l’emploi de ressortissants non autorisés
à travailler et modifiant les conditions de délivrance des autorisations de travail complète cette loi.

Contact : social@fntp.fr
NOUVELLE VOIE D’ADMISSION EXCEPTIONNELLE AU SÉJOUR
PAR LE TRAVAIL DANS LES MÉTIERS EN TENSION _____________

La loi crée à titre expérimental, jusqu’au 31 décembre 2026, une nouvelle voie d’admission exceptionnelle au
séjour (AES) par le travail au bénéfice des travailleurs sans titre de séjour exerçant une activité professionnelle
salariée figurant sur la liste des métiers et zones géographiques en tension prévue à l’art. L. 414-13 du
Ceseda (ci-après « liste des métiers en tension »).

Pour rappel, la réglementation en vigueur à la date d’entrée en vigueur de la loi permet déjà, sous certaines
conditions, aux travailleurs en situation irrégulière, indépendamment du secteur concerné, d’initier une
procédure de régularisation en vue d’obtenir un titre de séjour temporaire « salarié » ou « travailleur
temporaire » d’une durée maximale d’un an, via le dispositif de l’AES prévu à l’article L.435-1 du Ceseda, et
donc sans visa d’entrée.

La nouvelle AES mise en place par la loi Immigration ne se substitue pas à cette AES par le travail « classique »
mais s’y ajoute, les périmètres d’application de ces deux dispositifs ne coïncidant pas nécessairement.

L’AES par le travail « classique » : rappel

L’AES par le travail « classique » est prévue à l’article L. 435-1 du Ceseda.

Il s’agit d’un dispositif permettant au préfet d’user de son pouvoir discrétionnaire pour décider de régulariser
un travailleur en situation irrégulière après étude de sa situation individuelle, indépendamment du
secteur économique en cause.

Attention : L’article L. 435-1 du Ceseda n’institue pas de droit à une régularisation automatique au
profit du travailleur dont la situation répondrait à des conditions prédéterminées : la décision de
régularisation est laissée à l’appréciation discrétionnaire du préfet.

Les conditions d’examen des demandes d’admission au séjour présentées par les ressortissants
étrangers en situation irrégulière sont précisées à ce jour par la circulaire du 28 novembre 2012 dite
« circulaire Valls ».

L’éligibilité à cette AES suppose notamment, sauf cas particuliers, que le travailleur étranger remplisse une
triple condition de résidence, d’actualité de l’emploi et d’ancienneté professionnelle. Plus précisément, il
appartient au travailleur de justifier :

• d’un contrat de travail ou d’une promesse d’embauche, et de l’engagement de versement de la taxe


versée au profit de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (ci-après Ofii),

• d’une ancienneté de travail de :


• 8 mois, consécutifs ou non, sur les 24 derniers mois,
• ou de 30 mois, consécutifs ou non, sur les 5 dernières années,

• d’une ancienneté de séjour significative, ne pouvant qu’exceptionnellement être inférieure à 5 années


de présence effective en France, avec possibilité toutefois de ramener, dans certains cas, cette
condition d’ancienneté à 3 ans si l’intéressé peut attester d’une activité professionnelle de 24 mois dont
huit, consécutifs ou non, dans les douze derniers mois.

2
Une demande d’autorisation de travail (formulaire Cerfa n°15186*03) signée par l’employeur doit être
jointe par le travailleur à son dossier (art. R435-1 et annexe 10 du Ceseda).

Une fois l’éligibilité caractérisée, les préfectures instruisent la demande d’autorisation de travail en tenant
compte des critères prévus par le Ceseda pour l’instruction des demandes d’autorisation de travail formulées
selon le circuit habituel, à l’exception du critère tenant à la situation de l’emploi, non opposable en
l’occurrence (circulaire Valls).

En cas de réponse favorable à la demande de régularisation, le travailleur étranger se voit accorder :


• une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » pour les contrats de travail d’une durée
supérieure ou égale à 12 mois ;
• une carte de séjour temporaire portant la mention « travailleur temporaire » pour les contrats de travail
d’une durée inférieure à 12 mois.

Nouvelle AES par le travail dans les métiers en tension (dispositif


expérimental)

Présentation du dispositif et principales caractéristiques

Cette nouvelle AES (art. L. 435-4 du Ceseda), entrée en vigueur le 28 janvier 2024, présente beaucoup de
similitudes avec l’AES par le travail « classique » évoquée précédemment. Il s’agit dans les deux cas d’un
dispositif de régularisation discrétionnaire à la main du préfet, permettant au travailleur en situation irrégulière
d’obtenir, sans avoir à justifier d’une entrée régulière sur le territoire français, un titre de séjour temporaire «
travailleur temporaire » ou « salarié » d’une durée d’un an.

Les conditions d’application de l’article L. 435-4 du Ceseda sont précisées par une instruction des ministres
de l’Intérieur et du Travail du 5 février 2024 (ci-après « Instruction du 5 février 2024 »).

L’objet du dispositif instauré par la loi Immigration est d’expérimenter, jusqu’au 31 décembre 2026, une AES
par le travail qui tienne compte de certaines des critiques faites à l’encontre de l’AES par le travail « classique »
(qui demeure applicable).

Est ainsi crée une voie d’accès à la régularisation propre aux travailleurs sans titre de séjour ayant
exercé « une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers et zones géographiques
caractérisés par des difficultés de recrutement définie à l'article L. 414-13 [du Ceseda] » (ci-après « liste
des métiers en tension »).

Les travailleurs étrangers hors métiers en tension pourront toujours requérir leur régularisation via l’AES par le
travail « classique » évoquée plus haut.

Attention : Comme dans l’AES par le travail « classique », l’étranger qui remplit les critères d’éligibilité
à l’AES par le travail « métiers en tension » ne dispose pas d’un droit automatique au titre de séjour «
salarié » ou « travailleur temporaire ».

Ce point a fait l’objet de nombreux débats au parlement lors de la discussion du texte. Le projet de loi
instituait en effet une régularisation de droit du travailleur sans titre de séjour remplissant les conditions
légales. Le texte finalement adopté revient sur l’automaticité de cette régularisation et confère au
préfet un pouvoir d’appréciation discrétionnaire quant à l’issue qu’il entend donner à la procédure
engagée par le salarié.

Le préfet ne peut ainsi se voir opposer les conditions légales prévues à l’article L. 435-4 du Ceseda que
doit remplir le travailleur (art. L. 435-4 Ceseda).

3
Contrairement à l’AES par le travail « classique, le nouveau dispositif d’AES par le travail dans les
métiers en tension relève de la seule initiative du travailleur puisqu’elle n’implique pas de produire une
demande d’autorisation de travail signée de l’employeur.

L’étranger peut donc initier une demande de régularisation via l’AES au titre du travail dans les métiers en
tension sans que son employeur en ait connaissance.
Il n’en demeure pas moins que la preuve de l’emploi dans un métier en tension risque d’être difficile à apporter
si le travailleur ne dispose d’aucun document émanant de son employeur, ce qui peut se produire si l’emploi de
du travailleur non-détenteur d’un titre de séjour se combine avec l’infraction de travail dissimulé.

Critères d’éligibilité

Il résulte de la combinaison du Ceseda (art. L. 435-4) et de l’Instruction du 5 février 2024 susmentionnée que le
travailleur, pour être susceptible d’être régularisé, doit démontrer satisfaire aux critères ci-dessous.

Critères d’expérience professionnelle et d’emploi dans un métier en tension

• Avoir exercé une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers en tension durant
au moins 12 mois, consécutifs ou non, au cours des 24 derniers mois.
Il est tenu compte de la liste des métiers en tension applicable au jour de l’activité déclarée par le
demandeur.

• Occuper, à la date de la décision de la préfecture, un emploi relevant de ces métiers et zones en


tension, ce qui peut être établi par tout moyen (contrat de travail notamment). Il est tenu compte de la
liste des métiers en tension en vigueur à la date de la décision du préfet. En cas d’actualisation de la
liste pendant la période d’instruction du dossier, la liste la plus favorable doit être appliquée au
demandeur.

Critère de résidence
Le travailleur doit justifier d’une période de résidence ininterrompue d’au moins 3 ans en France durant les
trois années précédant la date de la décision du préfet.

Critère de l’intégration
L’art. L. 435-4 du Ceseda impose aux préfets de tenir compte de l’insertion sociale et familiale du demandeur,
de son respect de l’ordre public, de son intégration à la société française ainsi que de son adhésion aux modes
de vie et aux valeurs de celle-ci ainsi qu’aux principes de la République mentionnés à l’article L. 412-7 du
Ceseda.

Critère de l’absence de mention d’une condamnation, d’une incapacité ou d’une déchéance au bulletin
n°2 du casier judiciaire
L’AES par le travail dans les métiers en tension est conditionnée à l’absence de mention d’une condamnation,
d’une incapacité ou d’une déchéance au bulletin n°2 du casier judiciaire (art. L. 435-4 Ceseda).
Il revient en conséquence aux Préfectures de consulter systématiquement le casier judiciaire du demandeur .

Procédure

Pour rappel, à la différence de l’AES « classique », l’AES « métiers en tension » relève de la seule initiative
du travailleur et ne nécessite pas d’intervention de l’employeur. Cette différence majeure par comparaison
avec l’AES « classique » illustre la spécificité du dispositif temporaire de l’accès à l’AES « métiers en tension ».

4
L’Instruction du 5 février 2024 renvoie s’agissant des règles d’instruction et de vérification des dossiers à la
procédure d’AES « classique » explicitée par la circulaire Valls.

Si le dossier déposé par le travailleur est complet, un récépissé l’autorisant à travailler lui est délivré.

Lorsque la Préfecture a vérifié « la réalité de l’activité alléguée », la délivrance de la carte de séjour vaut
autorisation de travail d’une durée égale à la durée de validité du titre de séjour délivré.

L’Instruction du 5 février 2024 précise en outre que, après avoir examiné l’éligibilité du demandeur à l’AES au
titre d’un emploi dans un métier en tension, la préfecture transmet à la plateforme de main d’oeuvre étrangère
(PFMOE) un formulaire rempli par l’intéressé qui liste les activités professionnelles exercées au titre d’un métier
en tension, ainsi que les éléments propres à l’emploi qu’il occupe actuellement, ce aux fins d’instruction de
l’autorisation de travail.

Les PFMOE ont notamment pour consigne de porter attention au contrôle des critères prévus par
l’article R. 5221-20 du Code du travail pour l’instruction des demandes d’autorisation de travail faites
dans le cadre du circuit classique.
Les préfectures contrôlent notamment dans cette hypothèse, en application de l’art. R.5221-20 du Code du
travail. dans sa version à venir au 1er septembre 2024 (et issue du décret du 9 juillet 2024) :

• que l’employeur et, le cas échéant, le donneur d'ordre, l'entreprise utilisatrice ou l'entreprise
d'accueil respectent les obligations sociales liées à leur statut ou à leur activité,
• que l’employeur et, le cas échéant, le donneur d'ordre, l'entreprise utilisatrice ou l'entreprise d'accueil
n’ont pas fait l’objet de condamnations pénales ou de sanctions administratives pour des infractions
relevant du travail illégal au sens du code du travail, pour des infractions aux règles de santé et de
sécurité au travail, pour aide à l'entrée et au séjour irrégulier en France en application du Ceseda, ou
pour méconnaissance des règles relatives au détachement temporaire de salariés, et que
l'administration n'a pas relevé de manquement grave de leur part en ces matières,
• que l'employeur et le salarié ainsi que, le cas échéant, le donneur d'ordre, l'entreprise utilisatrice ou
l'entreprise d'accueil satisfont aux conditions réglementaires d'exercice de l'activité considérée, quand
de telles conditions sont exigées,
• que la rémunération proposée est conforme aux dispositions du présent code sur le salaire minimum
de croissance ou à la rémunération minimale prévue par la convention collective applicable à
l'employeur ou l'entreprise d'accueil.

Attention :

Si l’Instruction du 5 février 2024 précise que le non-respect des conditions tenant à l’employeur et à la
rémunération ne sont pas opposables au demandeur, c’est-à-dire au travailleur sans titre de séjour, elle
précise également que « les données collectées en matière de non-respect des obligations relevant
de l’employeur pourront être communiquées aux corps de contrôle dans un objectif de lutte
contre le travail illégal. »
Des employeurs pourraient donc être sanctionnés si l’instruction du dossier du travailleur d’AES
permettait de révéler des manquements de leur part aux prescriptions légales sur la lutte contre
le travail illégal.

L’autorisation de travail est matérialisée par un document sécurisé (art. L. 435-4 Ceseda et L. 5221-5 C. trav.).

En cas de changement d’employeur ou de conclusion d’un nouveau contrat de travail par l’étranger,
l’autorisation de travail demeure valable pendant toute la durée de validité du titre de séjour uniquement pour
l’exercice d’un métier figurant sur la liste des métiers en tension.

5
Actualisation annuelle de la liste des métiers en tension par l’autorité administrative

La liste des métiers et zones géographiques caractérisées par des difficultés de recrutement (« liste des métiers
en tension ») à laquelle renvoie l’article L. 435-4 du Ceseda sur l’AES par le travail « métiers en tension » est
celle au regard de laquelle il est déterminé si la situation du marché de l’emploi est opposable à l’employeur à
l’origine d’une demande d’autorisation de travail.

Pour rappel, lorsque l’embauche d’un salarié étranger est conditionnée à l’obtention préalable d’une autorisation
de travail, l’employeur, pour obtenir cette autorisation :
• doit avoir préalablement publié, pendant un délai de trois semaines, une offre d’emploi auprès des
organismes concourant au service public de l’emploi,
• qui n’a pu être satisfaite par aucune candidature répondant aux caractéristiques du poste de travail
proposé (art. R. 5221-20 C. trav.).

L’employeur est toutefois exempté de cette démarche si l’emploi proposé correspond à un métier inscrit sur la
liste des métiers en tension (art. R. 5221-20 C. trav.).

Cette liste est établie par l’autorité administrative après consultation des organisations syndicales
représentatives d'employeurs et de salariés (art. L. 414-13 Ceseda). Elle inclut des tableaux de familles
professionnelles, définies par régions, listant les métiers concernés par un besoin de recrutement.

Sa dernière actualisation remonte au 1er avril 2021.

La loi Immigration ne vient pas modifier le cadre juridique qui lui est applicable si ce n’est qu’elle prévoit
désormais l’obligation de l’autorité administrative d’actualiser cette liste au moins une fois par an
(article L. 414-13 Ceseda). L’objectif est que cette liste demeure à jour des évolutions des tensions sur
le marché de l’emploi.
L’article L.414-13 Ceseda modifié est entré en vigueur le 28 janvier 2024.

CARTES DE SÉJOUR « PASSEPORT TALENT » : NOUVELLE


DÉNOMINATION ET FUSION DE CERTAINS TITRES EN UN
TITRE UNIQUE « TALENT – SALARIÉ
QUALIFIÉ ____________________________________________________

Les cartes de séjour « passeport talent » deviennent cartes de séjour


« talent »

La mention « passeport » est retirée de l’intitulé du titre de jour pour l’ensemble des cartes de séjour
pluriannuelles « passeport talent ». Les titres de séjour « passeport talent » sont désormais dénommés «
talent » (articles 30 de la loi Immigration).

L’objet de cette modification de forme est de lever toute ambiguïté sur la nature du document. En effet,
l’appellation « passeport » était considérée comme source de confusion sur la nature du document délivré, tant
pour le public cible que pour les entreprises qui les recrutent.

Les articles du Ceseda modifiés en conséquence sont entrés en vigueur le 28 janvier 2024.

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Fusion de trois anciens titres de séjour « talent » en un titre unique « talent
-salarié qualifié »

Préalablement à l’entrée en vigueur de la loi Immigration, le Ceseda prévoyait 11 catégories de titre « passeport
talent ».

Parmi ces 11 catégories de titres, trois étaient plus particulièrement destinés aux salariés qualifiés :
• jeunes diplômés qualifiés salariés (art. L. 421-9 anc. Ceseda),
• salariés recrutés par une jeune entreprise innovante (art. L. 421-10 anc. Ceseda)
• salariés en mission (art. L. 421-13 anc. Ceseda)

Ces trois situations donnaient lieu à la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle « passeport talent » d’une
durée maximale de 4 ans, sous réserve de justifier du respect d’un seuil de rémunération fixé par décret en
Conseil d’Etat.

Bien que la durée maximale de validité de ces titres et les droits associés fussent identiques, le « passeport
talent » destiné aux jeunes diplômés qualifiés salariés, celui dédié aux salariés d’une jeune entreprise innovante
et celui prévu pour les salariés en mission étaient envisagés dans des articles distincts du Ceseda.

L’article 30 de la loi Immigration, afin d’améliorer la lisibilité du dispositif, fusionne ces trois titres sous un
unique titre « talent- salarié qualifié » désormais régi par l’article L. 421-9 du Ceseda, entré en vigueur dans
sa version modifiée le 28 janvier 2024.

RÉVISION DU DISPOSITIF R ÉPRESSIF DU TRAVAIL IRRÉGULIER

L’article 34 de la loi Immigration renforce les sanctions administratives et double le plafond des amendes
pénales.

Son entrée en vigueur était conditionnée à la parution d’un décret, lequel a été publié au JO du 16 juillet 2024
(Décret n° 2024-814 du 9 juillet 2024 relatif à l'amende administrative sanctionnant l'emploi de ressortissants
étrangers non autorisés à travailler et modifiant les conditions de délivrance des autorisations de travail – ci-
après « décret du 9 juillet 2024 »).

Ces modifications sont donc entrées en vigueur le 17 juillet 2024, et s’appliquent également aux procédures de
sanction relatives à des faits commis antérieurement à leur entrée en vigueur.

Modification du régime des sanctions administratives pécuniaires

Jusqu’au 16 juillet 2024, deux amendes administratives étaient susceptibles de sanctionner l’employeur d’un
étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France :

• Paiement d’une contribution spéciale à l’Ofii (art. L. 8253-1 C. trav. anc.),


• Paiement d’une contribution forfaitaire au Trésor public représentative des frais de réacheminement de
l’étranger dans son pays d’origine s’il ne disposait pas non plus de titre de séjour, (art. L. 822-2 Ceseda
anc.).

Ces contributions étaient collectées au profit de l’Ofii dont elles constituaient l’une des ressources (art. R. 121-
28 Ceseda anc.).

La loi Immigration fusionne ces deux contributions en une amende administrative unique.

7
Champ d’application de l’amende administrative

La nouvelle amende administrative a un périmètre d’application plus large que la contribution spécifique
qu’elle remplace.

L’ancienne contribution spéciale sanctionnait exclusivement le fait d’embaucher, de conserver à son service ou
d’employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité
salariée en France (art. L. 8251-1 al. 1 C. trav.).

Le champ d’application de l’amende administrative est étendu aux situations dans lesquelles :

• un employeur engage ou conserve à son service un étranger dans une catégorie professionnelle, une
profession ou une zone géographique autres que celles mentionnées sur son titre l’autorisant à travailler
(art. L. 8251-1 al. 2 C. trav.),
• une personne recourt sciemment aux services d’un employeur d’un étranger non autorisé à travailler
(L. 8251-2 C. trav.).

A noter : Les maîtres d’ouvrage et donneurs d’ordre qui recourent sciemment aux services d’un
employeur méconnaissant les règles sur l’emploi d’étrangers non autorisés à travailler pourront donc être
directement sanctionnés sur le plan administratif (art. L. 8253-1 C. trav.).

Cela soulève la question de l’articulation entre l’application de l’amende administrative et le principe de


solidarité financière, l’amende administrative faisant partie des éléments sur lesquels a vocation à jouer
la solidarité financière employeur/donneur d’ordre (article L. 8254-2 C. trav.).

L’amende est due pour chaque travailleur étranger employé en méconnaissance de ces dispositions légales
(art. R.8253-1 C. trav.), comme cela était déjà le cas de l’ancienne contribution spéciale.

L’élément déclencheur de la procédure susceptible d’aboutir au prononcé de la sanction administrative demeure


la transmission, par les agents de contrôle compétents en matière de lutte contre l’emploi d’étrangers non
autorisés à travailler (listés à l’art. L. 8271-17 C. trav.), des procès-verbaux constatant l’infraction, auxquels la
loi Immigration est venue ajouter les « rapports » établis par ces mêmes agents de contrôle (art. L. 8253-
1 C. trav.). La mention, par la loi Immigration, de ces rapports comme faits déclencheurs de la procédure vise
à permettre un prononcé plus rapide de l’amende.

En revanche, alors qu’il revenait auparavant à l’Ofii, au regard des procès-verbaux transmis, de constater
l’applicabilité de la contribution spéciale et d’en fixer le montant, pour le compte de l’Etat, cette compétence est
désormais dévolue au Ministre chargé de l’immigration, rendu destinataire des procès-verbaux (et rapports)
relatifs à ces infractions (articles L.8253-1 et L. 8271-17 C. trav.).

L’objet de cette révision est de permettre un prononcé plus rapide, par le préfet, de la sanction administrative à
laquelle s’exposent les employeurs de travailleurs sans-papiers (débats parlementaires).

Comme par le passé, les procès-verbaux demeurent directement transmis au procureur de la République (art.
L. 8271-17 C. trav.), et le prononcé de l’amende administrative n’exclut pas les poursuites judiciaires (et donc
pénales) contre l’auteur du manquement (art. L. 8253-1 C. trav.).

8
Notification de l’amende administrative

La procédure de notification de l’amende administrative fait l’objet de quelques ajustements par le décret du 9
juillet 2024 :

• l’obligation d’informer l’auteur du manquement qu’une amende pénale est susceptible de lui être infligée
et la faculté pour l’auteur du manquement de présenter ses observations dans un délai de 15 jours
demeurent inchangées (art. R. 8253-3 C. trav.).
En revanche, il est désormais prévu que l’auteur du manquement doit être informé de son droit de
demander une copie du procès-verbal d’infraction ou du rapport sur la base duquel ont été
établis les manquements reprochés (art. R. 8253-4 C. trav.). Si l’auteur du manquement fait usage
de ce droit, c’est la réception du procès-verbal qui fait courir le délai de 15 jours qui lui est imparti pour
présenter ses observations (art. R. 8253-3 C. trav.)

• La décision définitive quant au prononcé de l’amende demeure prise à l’issue du délai de 15 jours
susmentionné par le ministre chargé de l’immigration (par le Directeur Général de l’Ofii par le passé)
(art. R. 82534 C. trav.). L’article R. 8253-4 du Code du travail dans sa version issue du décret du 9 juillet
2024 prévoit que le ministre chargé de l’immigration « notifie sa décision motivée à l’intéressé ».

Le Ministère chargé de l’immigration, pour les faits constatés à compter du 17 juillet 2024, est tenu de ces
mêmes obligations vis-à-vis du donneur d’ordre à l’encontre duquel il entend faire jouer la solidarité financière
prévue par les dispositions sur l’emploi d’étrangers non autorisés à travailler (art. R. 8254-7 à R. 8254-9 C. trav.,
art. 6 III du décret du 9 juillet 2024).

Montant de l’amende administrative

Le montant de l’amende administrative rénovée, comme celui de l’ancienne contribution spéciale, est plafonné
à:

• 5000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu par le Code du travail (art. L. 3231-12 C. trav.) à
la date de constatation de l’infraction, soit 20 750 euros depuis le 1er janvier 2024.

Ce plafond est triplé (soit 62 250 euros depuis le 1er janvier 2024) en cas de réitération.
Comme par le passé, la réitération est caractérisée lorsque l'auteur de l'infraction a fait l'objet de
l'amende administrative dans les cinq ans précédant la constatation de l'infraction (article R. 8253-2 C.
trav.).

Ce plafond est réduit à 2000 fois le taux horaire du minimum garanti (soit 8300 euros depuis le 1er
janvier 2024) en cas de paiement spontané par l’employeur des salaires et de l’indemnité forfaitaire dus
au salarié étranger au titre de la période d’emploi illicite, dans un délai de 30 jours à compter de la
constatation de l’infraction.

A noter : N’a pas été reprise, dans le décret, la minoration du montant de l’amende à 1 000 fois le taux
horaire du minimum garanti dont pouvait auparavant bénéficier l’employeur lorsque les deux conditions
cumulatives suivantes étaient remplies :

• paiement spontané par l’employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger,
• mention dans le procès-verbal d’infraction d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une
activité salariée en France.

Par ailleurs, le non-cumul d’infraction n’est plus une cause de réduction du plafond de l’amende.

9
Pour fixer le montant de l’amende, l’article L. 8253-1 du Code du travail prévoit que le Ministre chargé de
l’immigration tient compte :

• des capacités financières de l’auteur du manquement,


• du degré d’intentionnalité,
• du degré de gravité de la négligence commise,
• et des frais d’éloignement du territoire français du ressortissant étranger en situation irrégulière.

Cette précision, insérée à l’article L. 8253-1 du Code du travail par la loi Immigration, tend à assurer l’effectivité
du principe de proportionnalité des peines (applicable aux sanctions administratives), lequel « implique que la
sanction infligée soit adaptée, au vu des circonstances propres à chaque espèce, à la gravité du manquement
» (étude d’impact du projet de loi).

Le montant des frais d’éloignement susmentionnés est, comme antérieurement, fixé par arrêté du ministre
chargé de l'immigration et du ministre chargé du budget, en fonction du coût moyen des opérations
d'éloignement vers la zone géographique à destination desquelles les étrangers peuvent être éloignés (art. R.
8253-2 C. trav. et art. 822-3 anc. Ceseda).

Doublement du plafond des amendes pénales

En premier lieu, la loi Immigration vient préciser que lorsque sont prononcées, à l’encontre d’une même
personne, une amende administrative et une sanction pénale à raison des mêmes faits, le montant global des
amendes prononcées ne peut excéder le maximum légal le plus élevé des sanctions encourues (art. L. 8253-1
nouveau du Ceseda). Cette règle vient traduire le principe à valeur constitutionnelle « non bis in idem » selon
lequel une même personne ne peut être punie deux fois pour les mêmes faits.

Par ailleurs le plafond des amendes pénales est relevé afin de « permettre l’application effective, actuellement
limitée en raison du dépassement des plafonds des sanctions pénales » (exposé de l’amendement n°588 ayant
augmenté de plafond de l’amende pénale).

Ainsi, le plafond de l’amende pénale venant sanctionner :

• l’emploi d’un étranger sans titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France, et le fait de
recourir sciemment, directement ou indirectement, aux services d’un employeur d’un étranger non
autorisé à travailler en France

est porté à 30 000 euros (contre 15 000 euros auparavant).

Lorsque l’infraction est commise en bande organisée, le plafond est relevé de 100 000 à 200 000 euros.

___________________________________________________________________________________
TEXTES DE RÉFÉRENCE :
Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, JO du 27 Janvier 2024
Décret n° 2024-814 du 9 juillet 2024 relatif à l'amende administrative sanctionnant l'emploi de ressortissants
étrangers non autorisés à travailler et modifiant les conditions de délivrance des autorisations de travail, JO du
16 juillet 2024

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