Trouvez Sa Raison D'etre Quand - William Rejault
Trouvez Sa Raison D'etre Quand - William Rejault
Trouvez Sa Raison D'etre Quand - William Rejault
1 - Souvenirs
Jour 1 - Qu'est-ce que j'aimais faire particulièrement en tant qu'enfant ?
Jour 2 - Qui étaient mes héros d'enfance et d'adolescence ?
Jour 3 - Quelle est l'expérience personnelle qui m'a le plus bouleversé(e) ?
En quoi m'a-t-elle influencé(e) ?
Jour 4 - Quel est le projet ou la réalisation dont je suis le ou la plus fier/fière ?
2 - Élans
Jour 5 - Qu'est-ce que j'adore faire aujourd'hui ? Professionnellement ?
Personnellement ?
Jour 6 - Qu'est-ce qui me donne de l'énergie ?
Jour 7 - Quelles sont les causes qui me mobilisent ou déclenchent de la colère
en moi ? Donner un ou des exemples concrets.
Jour 8 - « Quand je suis libre d'être vraiment moi-même, je… » (Terminer
la phrase)
Jour 9 - Quand est-ce que je me sens vivant(e) ?
Jour 10 - Quelles sont les œuvres d'art qui me bouleversent ?
6 - Convictions profondes
Jour 21 - Quelles sont mes trois convictions les plus importantes dans la vie ?
(Trois seulement, il faut choisir.)
Jour 22 - Pour quelles choses est-ce que je dépense mon argent de façon
déraisonnable (selon moi) mais tellement satisfaisante ? Pourquoi ?
7 - Rêves et projections
Jour 23 - Quel est le travail de ma vie ?
Jour 24 - Quel est le top 5 de ma bucket-list (la liste des choses à faire
absolument avant de mourir) ? Qu'est-ce que ça dit de moi ? Quels sont
les points communs de ces rêves ?
Jour 25 - Quelle est ma projection à dix ans, mon futur souhaitable ?
Jour 26 - À quoi ressemble mon moi idéal ? Quelle en est mon image mentale ?
8 - Expériences de pensée
Jour 27 - Si je devais donner un seul conseil à l'ado que j'étais à 15 ans, quel
serait-il ? J'imagine : je me rencontre dans le temps quelques minutes et puis
je repars. Un seul conseil. Il ou elle a confiance en moi, il ou elle m'a reconnu(e)
et sait que je ne mens pas.
Jour 28 - « Si je n'étais pas obligé(e) de travailler, je… » (Terminer la phrase)
Jour 29 - Si j'avais trois mois, dix personnes à mon service et un million d'euros
à dépenser, à quoi les consacrerais-je ?
Jour 30 - Je fais une conférence de 45 minutes devant les Nations unies.
Ils sont obligés de m'écouter. Je leur dis quoi ?
Synthèse
Quelques références
Remerciements
C’est la première fois de ma vie qu’on me dit que je suis trop vieux
pour un job, je le prends à la légère. Quelle idiote, elle ne sait pas ce
qu’elle perd, je fanfaronne, je repousse l’idée noire qui tente de
s’incruster dans mon arrière-plan mental : « Tu es bon à jeter,
désormais. »
Deux semaines plus tard, une vice-présidente d’un grand groupe
m’approche. Elle a entendu parler de moi, elle monte un programme
de reverse mentoring (des jeunes qui forment des vieux), elle réunit
plein de hauts cadres de son grand groupe à la montagne pour « les
former au web » et aimerait que je leade le groupe
« Snapchat / TikTok for brands ». Les doigts dans le nez… Nous
passons soixante-dix minutes au téléphone, elle adore tout ce que je
propose, les ateliers interactifs, les exercices, les slides animées, les
GIF, elle me trouve formidable, elle est enchantée qu’on lui ait donné
mon nom. Elle me googlise, trouve mon site, mes livres et
s’exclame : « Ah ! Mais vous avez une page Wikipedia, William ? La
classe ! »
Et puis, là, silence. Je sens un malaise s’installer.
– « Tout va bien ?
– Mais… Vous avez 45 ans, William ?
– Oui, j’ai 45 ans, mais je sais que je ne les fais pas. » (Sourire.)
Visiblement, si.
La dame me dégage alors en moins de vingt minutes, me proposant
sans vergogne de former en mode intensif sa jeune stagiaire d’une
grande école (pas vraiment intéressée). Une formation qu’elle me
payera rubis sur l’ongle, afin que sa jeunette forme des vieux « de
mon âge » pendant l’événement. Dans la logique du reverse
mentoring, quoi. L’honneur est sauf.
Certes.
INSTRUCTIONS
Ce livre, vous ne devez pas le parcourir en quelques heures. Si vous
essayez de répondre à toutes ces questions en une soirée, vous
aurez la tête bien trop farcie pour accoucher de quelque chose de
correct, et le dévorer ne vous aidera certainement pas à pondre
votre Raison d’Être.
Faites-moi confiance. Ne soyez pas impatient.
(…) Je connais quelqu’un qui, dans sa vie d’adulte, est dans une obsession
de la sécurité, probablement liée dans sa tête à des traumas de la prime
enfance, traumas qu’il a transposés à sa manière actuelle d’agir au monde. À
travers cet exercice, il s’est reconnecté à ses souvenirs d’enfance et il s’est
souvenu qu’il adorait explorer autour de chez lui, être dans une forme
d’héroïsme aventurier. (…) En se reconnectant à cette énergie vitale oubliée,
il a pu prendre conscience de ses besoins d’hypersécurité, et en même
temps, de son besoin d’exploration et de découverte qui ne se traduisait que
par des voyages à l’étranger, de temps en temps. Il a compris qu’il pouvait
explorer le monde d’une tout autre façon.
Martin Serralta, pourquoi cette question ? Ça a été dur, pour moi, d’y
répondre. Qui peut répondre à ça facilement ?
Tout le monde peut répondre à cette question. Je n’ai pas dit que c’était
joyeux, ce questionnaire, ce cheminement. J’ai posé les bases : ces
souvenirs qui remontent, qu’est-ce que ça te donne envie de faire aujourd’hui
et qu’est-ce que tu recherches dans tes interactions avec les autres ? En te
creusant un peu la tête, en remontant dans tes souvenirs, si c’est ça qui
émerge, comment ça se traduit de nos jours dans ta vie quotidienne ? Si tu
as été bouleversé enfant par quelque chose, ton élan vital a été bouleversé
en ricochet et donc forcément, ta quête d’amour, de reconnaissance sera
fortement liée à tes traumas d’enfant.
Je n’en sais rien mais c’est possible. Peut-être que cette rencontre fait que
ça devient possible.
Autre parcours, autre expérience personnelle. En discutant avec
Fabrice, j’ai découvert, chez lui aussi, comment son expérience
personnelle l’avait complètement influencé… mais dans la
« mauvaise » voie, avant de retrouver sur le tard le chemin de
l’équilibre : « Mon père était négociant en vins. Il était également
alcoolique mais il nous le cachait, du moins pendant ma petite
enfance, quand il pouvait encore gérer son addiction. Au départ de
ma mère, lassée de s’en prendre plein la figure à chaque soirée
arrosée, au sens propre comme au sens figuré, mon père a sombré.
Je me suis retrouvé de fait chef de famille à 11 ans, devant
m’occuper de mes frères et sœurs plus jeunes (8, 6 et 5 ans) car
nous avons été totalement abandonnés par notre mère.
« J’ai tout pris sur moi. Je les réveillais le matin, je m’occupais de
leur toilette, de leurs repas, j’allais faire les courses, je surveillais les
devoirs, je lançais les lessives, j’en avais plein le dos – ce qui a
probablement déclenché ou aggravé une scoliose bien gratinée. Je
devais porter un corset en plus du reste ! Et ma mère dans tout ça ?
Ma mère n’a jamais vraiment repris le contact avec nous. Mais c’est
une autre histoire… […]
« J’ai voulu trouver un sens à tout ça, ce qui m’a poussé à faire
médecine pour plein de mauvaises raisons. J’ai coutume de dire que
médecine, ça répondait à mes deux passions : sauver les gens et
m’oublier dans le travail. Je suis devenu addictologue sans trop
réfléchir, comme si ça s’imposait à moi, comme si c’était inévitable
dans mon parcours de vie, c’était mon devoir de fils/chargé de
famille qui se poursuivait. En parallèle, pourtant, mon père avait
retrouvé le chemin d’une certaine sobriété, il refaisait sa vie avec
une nouvelle compagne, ça se tassait petit à petit. Il ne boit plus du
tout à ce jour.
« Mon jeune frère a repris notre domaine avant de tomber dans
l’alcoolisme, lui aussi. Je me suis donc un jour de nouveau retrouvé,
à 36 ans, à gérer la maladie de mon frère, sa femme qui perdait
pied, ses enfants, le domaine en déshérence et ma propre clientèle,
avec mon père qui tentait maladroitement de rattraper les années
mais n’était plus capable de rien ! Je revivais un cycle infernal
entamé deux décennies plus tôt. Je bossais sept jours sur sept. Ça
aurait pu durer des mois encore mais j’ai eu la chance de pouvoir
écouter un ami qui m’a dit : “Mon vieux, la prochaine étape pour toi,
si tu continues comme ça, c’est le cancer…”
« Avant de craquer, in extremis, j’ai demandé à une connaissance de
s’occuper du domaine en intérim, lâché ma belle-sœur la mort dans
l’âme, je suis passé à mi-temps au cabinet quelques semaines, puis
je suis parti méditer dans la Drôme pendant quatre semaines, dans
le silence complet. Interdiction de parler. Emmanuel Carrère en parle
bien dans Yoga1, je trouve.
« L’avant-dernier jour, je croise une femme, Anne-Laure, à
l’infirmerie, alors que les hommes et les femmes vivaient totalement
séparés depuis un mois. C’est le coup de foudre. Nous repartons
tous les deux le surlendemain. Nous ne nous sommes jamais quittés
depuis. […]
« Trois ans plus tard.
« J’ai totalement lâché le cabinet, demandé à la connaissance qui
s’occupait du domaine de me redonner les rênes, et je m’occupe de
tout pour la première fois de ma vie en pleine conscience, avec un
plaisir que je devinais en moi depuis des années mais dont je
m’interdisais la moindre manifestation.
« Que d’interdits et de culpabilité, que de croyances limitantes :
prendre du plaisir au travail ? Prendre du plaisir dans la vente de
vin ? Prendre du plaisir à ne pas savoir comment sera la prochaine
récolte, à vivre dans l’incertitude ? Prendre du plaisir tout court sur
l’exploitation familiale que j’associais uniquement au labeur, au
devoir, à la responsabilité, à la souffrance ? Allons donc !
« Eh bien oui, ça n’arrive pas qu’aux autres d’être heureux ! J’y ai
droit comme tout le monde. Et ça se passe très bien avec Anne-
Laure, aussi !
« Bonus, et non des moindres : je n’ai plus mal au dos depuis
trois ans alors que mon travail est parfois très physique. Dès que j’ai
choisi mon lieu de vie, de travail, presque par magie, je n’ai plus eu
mal au dos.
« J’ai toujours voulu m’occuper du domaine, j’ai toujours rêvé,
enfant, de prendre la place de mon père, mais je me le suis interdit
car ma mère m’avait dit que c’était un boulot maudit, que mon père
sombrait et que je ferais mieux de dégager loin.
« Pour elle, cet endroit portait malheur. J’ai accepté sa vérité, sa
vision du monde.
« Alors oui, c’est vrai, dans la tête des gens, j’ai fait médecine “pour
rien”. On me le dit de temps en temps. Peut-être que j’ai perdu du
temps. Peut-être que j’aurais dû aller voir un psy avant de
commencer mes études. Mais en vrai, je n’ai aucun regret, car je
suis aujourd’hui là où j’ai toujours rêvé d’être et j’ai même la
certitude d’avoir achevé un cycle long de malheurs. Je pense que j’ai
vécu ma vie d’adulte en premier, et que maintenant, je démarre mon
cycle enfance et adolescence. Je ne suis que dans la joie, les
projets, je me visualise dans cinq ans, je suis totalement indifférent à
tout ce qui est négatif autour de moi, c’est presque irréel, je conçois
chaque difficulté comme une opportunité, alors qu’enfant, la
difficulté, c’était la normalité, c’était ce qui était attendu. “Allez, je me
prépare mentalement pour le prochain emmerdement…” J’ai vécu
trente ans dans cet état d’esprit.
« J’ai même envie d’un enfant avec Anne-Laure. Ça ne me traversait
pas l’esprit avant car je me disais : “Non, tu dois être totalement
disponible au cas où on ait besoin de toi…” »
La Raison d’Être dans mon hypothèse de travail, c’est l’élan vital décrit par
Bergson, la volonté de puissance de Nietzsche, ou ce qui est vraiment à la
source de la joie pour Spinoza. Tout ce qui détermine notre capacité à vivre
dans le flux qui nous entoure, dans l’impermanence permanente, et à ne pas
être limités par nos propres peurs et nos propres représentations (du futur,
mais pas que…).
1. P.O.L., 2020.
JOUR 4
Depuis que j’ai commencé mon travail sur mon Moi, à la lecture
des questions de Martin, se sont succédé plusieurs états.
J’ai ressenti de la colère, de l’agacement, puis un mélange de honte
et de fierté, et puis de la douleur aussi. Tes questions ne m’ont pas
mis en joie, pas souvent en tout cas. J’observe d’ailleurs une amie,
en ce moment, qui tente seule dans son coin de répondre à ton
questionnaire et qui galère pour trouver le mot juste, la sensation
adéquate. Rome ne s’est pas faite en un jour, c’est vrai.
(Re)trouver sa Raison d’Être n’est pas qu’une partie de plaisir. Tu le
précises toi-même, dans les guidelines que tu donnes après le
questionnaire : « Rappelez-vous que cet exercice n’est pas un
exercice de communication mais un exercice pour vous-même. Qu’il
ne doit pas décrire qui vous voudriez être mais ce qui vous met
en mouvement, vous ! En lisant la phrase finale qui découle de tout
votre travail d’introspection et en ouvrant le monde qu’elle évoque
pour vous, vous devez ressentir de la joie, sinon il vous faut
retravailler ! »
Pour le moment, je ne suis pas du tout dans la joie quand je réponds
à ces questions, mais je commence à voir un motif apparaître, et ça,
ça me plaît. Je comprends mieux ta consigne : « À partir de vos
réponses, essayez d’identifier des points communs, des points de
connexion qui vous permettent de clarifier et formaliser votre grand
Pourquoi et votre Comment spécifique – votre préférence profonde
qui vous donne de l’énergie… »
Alors, cette question 7 : « Quelles sont les causes qui me mobilisent
ou déclenchent de la colère en moi ? Donner un ou des exemples
concrets. »
Toutes les causes qui font ressortir l’injustice d’une situation. Quand
l’arbitraire installe son pouvoir totalitaire sur une personne, un lieu,
un conflit. Quand on généralise sur des gens, des nationalités, des
couleurs de peau, des religions ou des métiers, ça me met en
colère. Quand on rase pour le profit bête et méchant une forêt de
chênes centenaires, ça me met dans une rage froide.
Les causes qui déclenchent de la colère en moi ? Le racisme
décomplexé, l’écocide, le sexisme, les abus sexuels. Le patriarcat
bête et crasse qui ne veut pas admettre que le monde avancera
sans lui. Et les sacs à m… qui abandonnent leurs chiens sur des
aires d’autoroute ou frappent des chatons en se filmant sur les
réseaux sociaux. Oui, ça, ça me met vraiment en colère.
Les causes qui me mobilisent ? L’accès pour tous à l’éducation, la
culture et la santé. La croyance tout enfantine que, dans mon pays,
chacun peut, quels que soient son milieu, sa couleur de peau, sa
religion, sa sexualité, son âge, son accent, son handicap, trouver
l’emploi qui lui convient, la place qui est la sienne, le respect qui lui
est dû. Je sais, je suis un peu naïf d’y croire encore. Mais c’est mon
« rêve américain » à moi, cette croyance-là. La France, le pays des
Lumières. Bon, allez, au pire, le pays des bougies chauffe-plats !
Je crois que nous aspirons tous, pour nous et pour nos proches, à
vivre en paix, au milieu des autres. Pour l’immense majorité, en tout
cas. Pour les gens paumés ou calculateurs qui ne pensent pas ça,
qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Prenez votre part de
responsabilité dans vos choix et les conséquences de vos choix.
Pendant les confinements, à ma grande surprise, je me suis rendu
compte que la cause qui me mettait le plus en mouvement était celle
de la culture : je dépérissais totalement de ne plus pouvoir aller au
cinéma, au musée, au concert.
Sabine m’a raconté son histoire : « J’ai été éduquée dans un milieu
breton très catholique, très traditionnel, très bourgeois et j’ai connu
toute la panoplie classique de la petite fille en col Claudine en cours
chez les bonnes sœurs (de vraies pestes !), le scoutisme, les
gâteaux vendus à la sortie de la messe pour récolter quelques sous,
les rallyes, etc.
« J’étais vierge quand je me suis mariée avec un garçon de mon âge
que mes parents adoraient et trouvaient génial. J’aurais dû me
méfier (rires) mais je ne voyais pas le problème. Au contraire, je
recherchais en permanence l’assentiment de mes proches dans
chaque action que je menais. J’étais une semi-esclave d’un système
culturel familial, comme ma sœur aînée d’ailleurs.
« J’ai vécu un mariage, les premiers temps, qui n’était ni
malheureux, ni heureux. Je ne vivais que pour mon époux et mon
foyer. Mon premier enfant est né tout de suite, le second juste après
et j’ai vécu une terrible dépression post-partum qui m’a encore plus
isolée. Je vivais dans les couches, les courses, le ménage, et très,
très rarement, je disais oui à une ancienne copine du lycée pour
accompagner les enfants de mon ancienne école en sortie scolaire.
« Youhouhou, quelle vie trépidante ! Je sais.
« On faisait l’amour avec mon mari tous les vendredis soir. C’était
réglé comme une horloge. Même ma dépression ne m’a pas fait
dévier du schéma. J’étais conçue, éduquée, pucée pour être une
bonne épouse consentante, une maman parfaite et une femme
effacée mais travailleuse. Je précise pour ceux qui auraient des
doutes que mon histoire s’est déroulée dans la France du début des
années 2000, pas dans les années 1950 : oui, ça existe encore !
« C’est la naissance de Noé qui a bouleversé ma vie. Mon troisième
enfant. Noé est né atteint d’une maladie rare qui complique sa
digestion et le tue à petit feu s’il mange des aliments aussi innocents
que des pâtes, des bonbons ou des gâteaux industriels. Il va se
tordre de douleur et peut tomber dans une sorte de semi-coma
diabétique, une léthargie très puissante durant laquelle il peut vomir
et s’étouffer dans son sommeil.
« Nous ne nous en sommes pas rendu compte tout de suite, mais
dès que le diagnostic a été posé, vers l’âge de 2 ans, j’ai dû digérer
(sic) deux nouvelles atroces coup sur coup : Noé ne guérira jamais
et les laboratoires ne cherchent pas réellement de médicament pour
le soigner car il existe moins de trois mille personnes dans le monde
avec sa pathologie.
RENCONTRE AVEC
CHRISTIE VANBREMEERSCH
Interviewer Christie Vanbremeersch, c’est l’assurance de repartir plus ému,
plus sûr de soi et plus confiant pour le reste de sa semaine. Interviewer
Christie, c’est la certitude d’aller boire son eau à la source de la Raison
d’Être, tellement l’autrice de Trouver son ikigaï donne son éclairage, ses
convictions et un peu de son amour pour vous faire avancer dans la bonne
direction : la vôtre. Enfin, interviewer Christie, c’est l’occasion de rigoler un
bon nombre de fois en très peu de temps, et ça, ce n’est jamais perdu.
Bonne lecture. Vous avez de la chance, vous allez pouvoir découvrir cette
interview. Moi, je l’ai entendue de sa bouche même et je me concentrais pour
ne rien rater.
Vers cette même époque, mon père est venu me chercher au bureau pour
déjeuner, il a vu que ça n’allait pas trop, que je ne me sentais pas heureuse
ni valorisée, ni contributrice dans ce travail ; et il m’a dit : « Ne te laisse
imposer que la pression que tu décides de recevoir. » Je venais de me
marier, j’avais pris le nom de Nicolas et j’avais honte de signer de mon nom,
de notre nom, en bas des mails de marketing direct que j’envoyais ; je
voulais avoir un boulot où je pouvais être fière de signer de mon nom.
J’ai entendu parler de l’ikigaï par le biais de l’île dOkinawa où les gens
vieillissent longtemps et en bonne santé. J’avais 37 ans. Ma grand-mère
paternelle est morte à 93 ans après des années très douloureuses dans son
corps, et au moins dix ans très diminuée dans sa vitalité : je voulais terminer
ma vie en meilleure forme, mourir en ayant des projets, en étant, à ma
mesure, au service de ma communauté familiale et locale. Ma grand-mère
maternelle, dont j’étais moins proche, est morte à 88 ans, elle faisait toujours
partie de l’équipe couture de sa paroisse, réparant des vêtements pour les
donner en bon état à des personnes qui en avaient besoin. Et elle marchait
une heure par jour. Cette fin de vie ressemble déjà plus à ce que j’imagine
pour moi.
L’image d’Épinal d’Okiwana décrit une toute dernière partie de vie qui m’a
attirée. Des vieux actifs qui jardinent, qui se marrent avec leurs potes de
toujours, qui font l’amour, qui s’occupent de leurs petits-enfants, qui circulent
à vélo. Des seniors qui participent toujours à la vie de la communauté et qui
ne sont pas relégués, invisibilisés. D’ailleurs, la légende dit qu’en dialecte
okinawais, le mot « retraite » n’existe pas.
D’après les études, elle est liée à des facteurs communs que sont la
présence du soleil, de la mer, à la vie très près de la nature, à une parité plus
importante entre les hommes et les femmes, une vie communautaire forte,
souvent liée à une religion commune, ce qui fait que les gens se réunissent
régulièrement et trouvent plein de prétextes naturels pour être ensemble. Ils
pratiquent également beaucoup d’activités « modérées » tout au long de la
vie : jardinage, vélo, marche. Et enfin, au niveau nutritionnel, ils ont un
régime sain. Sain, ça veut dire que tu manges un tout petit peu en dessous
de ta faim, des aliments à base de plantes et de trucs que tu fais pousser
non loin de chez toi.
Ah oui, c’est vrai, je lis énormément ! Et je n’ai pas l’intention d’arrêter de lire
ni d’apprendre. Apprendre, comprendre, progresser, c’est l’un de mes works
in progress. Le conseil que m’a donné mon père quand j’avais 18 ans,
c’était : « Promets-moi que tu ne t’arrêteras jamais de lire des bouquins de
développement personnel. » Je l’ai écouté. C’est le deuxième meilleur
conseil qu’il m’a donné – le premier étant : « Cultive les amours de la vie… »
Je ne le prends pas du tout comme ça. Tous ces livres ne se valent pas et ils
ne racontent pas tous la même chose. Le tri se fait naturellement, en tout cas
pour moi : est-ce que le sujet répond à l’une des questions que je me pose
de manière brûlante ? Est-ce que le style de l’auteur me donne envie de
dépenser 13, 18, 30 euros ? Et du temps ? Et de lui accorder ma confiance ?
Ça, on peut s’en apercevoir en lisant un paragraphe !
Donc oui, la plupart des livres de développement personnel ne sont pas pour
moi, et tant mieux car j’en achète déjà un sacré paquet, et tous ne sont pas
des chefs-d’œuvre. Mais une fois tous les deux ou trois ans, je « tombe » sur
un livre bon pour moi, et alors là, BINGO !
Je lis énormément de livres, mais je n’en ai pas croisé tant que ça qui ont
une conséquence réelle sur la manière dont je fonctionne. Ce que je lis
vraiment, ce qui me nourrit, je le « fais mien » presque immédiatement. Au
bout d’un paragraphe, je sais, je suis à la maison – oui, un tel livre, c’est
comme une maison. Et ça dépasse la simple lecture, c’est ma vie que je
transforme ou colore très fortement, par l’action que propose l’auteur dans ce
livre. Qui m’accompagne, donc, pour tout le reste de ma vie.
Je ne sais pas s’ils sont si mauvais : certaines personnes les lisent et en sont
contentes, et ça a l’air de les aider ! Je pense qu’il y a beaucoup de lecteurs
qui ont une sensibilité différente, j’écris moi aussi des livres compagnons et je
me rends bien compte que mes livres ne sont pas pour tout le monde,
certains les adorent, d’autres les détestent, c’est parfait ainsi. Je repense
souvent à cette phrase de Christophe André : « Le développement
personnel, c’est super utile, pris dans un ensemble d’actions pour aller
bien. » Je suis pour ma part en double thérapie. J’ai une thérapeute, ma psy,
et j’ai également un superviseur de groupe, pour parler de boulot. Les
bouquins que je lis sont un élément de ma vie, ils s’ajoutent et viennent
nourrir très fort mon travail personnel et celui que je fais avec des
thérapeutes.
Depuis quinze ans que j’écris en ligne, l’attaque qu’on m’a faite le
plus souvent, c’est : « Mais arrête de t’écouter, arrête de te plaindre,
arrête de te poser des questions, arrête de te regarder le nombril et
intéresse-toi à autrui. » Comme si je ne m’intéressais pas à autrui en
me posant des questions sur moi, et comme si je ne cherchais pas à
améliorer ma relation à autrui en cherchant à améliorer ma relation
avec moi-même et mon amour-propre. Ces gens-là arrivent à créer
un doute en moi. Du coup, quand je t’entends, ça me rassure. Il faut
accepter le fait d’être en travail permanent sur soi toute une vie ? Ça
me rend triste et heureux de te voir si entière, je ne me l’explique
pas.
Ma conviction, c’est que j’ai fait moins de conneries avec mes enfants et que
j’ai été une meilleure amoureuse pour Nicolas, parce que je suis en thérapie
et que je suis en recherche permanente de réponses et que je me pose les
bonnes questions. Ma grand-mère me disait que je m’écoutais trop, bon. Les
personnes qui lisent mon blog, elles, ça les accompagne, toutes ces
questions que je me pose. La règle induite, sur mon blog, c’est : personne ne
t’oblige à me lire ! Si tu n’es pas content, si quelque chose ne te plaît pas, tu
n’es pas obligé de me le dire, tu peux aller lire ailleurs : il existe des millions
de pages sur Internet sûrement plus intéressantes ou en tout cas plus
adaptées à ce que tu cherches… Je n’accepte pas de critique de la part
d’inconnus, je refuse tout avis tranchant sur qui je suis. Moi, je ne fais pas de
prisonniers : tu es avec moi ou tu es contre moi (rires) et le reste ne
m’intéresse pas. Je n’ai pas d’états d’âme. J’écoute certaines personnes, et
même beaucoup, beaucoup de monde, mais je ne laisse pas entrer n’importe
qui dans mon enclos. C’est pareil pour les livres, je fais bien attention à qui je
prête mon attention, à qui je fréquente. Néanmoins, une fois qu’on est entré
dans mon enclos, ça peut durer longtemps – et même, toute la vie.
Oui, mais je suis en train de réfléchir à faire un peu machine arrière, enfin, à
changer d’attitude ; je me demande si je ne m’enferme pas trop parfois dans
ma bulle cognitive, amicale. Oui, je crois que mon prochain travail sera de
m’ouvrir à la contradiction.
Mais bon, mon travail quotidien, tu sais, mon ikigaï, c’est de trouver des
livres, des graines, des outils, des propositions qui donnent envie de vivre, de
les expérimenter, de les méditer, puis de les partager avec ceux qui le
veulent, assaisonnés à la petite sauce magique Christie. C’est ça, mon
boulot.
Je suis entièrement d’accord avec ça. Un jour, j’avais deux projets de livres
en même temps, qui s’adressaient à deux éditeurs différents. J’en parle à ma
coach d’alors, Chine Lanzmann. Elle me regarde et me dit : « Quand tu
parles du second, tu es super excitée, tu souris de toutes tes dents. Il me
semble que c’est celui-là que tu dois écrire en premier, celui qui te rend
joyeuse. » Je l’ai écoutée, et j’ai bien fait.
Au pluriel. Mes équilibres. Et j’aime bien mes équilibres. Le seul truc, c’est
qu’ils se remettent en cause tous les quinze jours ! Parce que les situations
évoluent, un projet se termine, le marché bouge, un éditeur change de
maison… Heureusement, je veille à mettre mes œufs dans plusieurs paniers.
Je propose des services payants, comme mes formations, ou écrire des
livres publiés, et j’offre aussi beaucoup de choses gratuitement. C’est ainsi
que je trouve mon équilibre qui va et vient mais qui finit toujours par retomber
sur ses pattes.
J’ai décidé de « méditer » avec les pages du matin (j’écris tous les jours
trois pages, sur un cahier, en me levant) et je recommande à chacun de
trouver le rituel méditatif qui lui convient – c’est-à-dire, qu’il ou elle va pouvoir
tenir dans le temps ! Qui va lui faire du bien ! Et qui va être une pierre
d’ancrage pour ses journées. Comme rituel, j’ai la marche aussi. J’ai la
cuisine. J’ai plein de rituels méditatifs. Chacun peut trouver ses propres
ancrages qui vont le nourrir d’énergie, permettre d’intégrer l’extérieur à
l’intérieur en se demandant : « Qu’est-ce que j’en pense, au fait, moi, de ce
truc ? Qu’est-ce que je vais en faire ? À quoi suis-je appelée aujourd’hui ?
Quel est mon premier petit pas pour avancer vers cette direction qui brille
tellement fort et qui me fait de l’œil ? »
Je ne sais pas. Quand j’avais 17 ans, j’avais un petit copain, Hugues, qui
était très bien dans sa peau. Moi, j’étais quand même assez mal dans la
mienne. Je lui ai demandé : « Mais tu n’as donc pas de problèmes ? » Il me
répondait que non ! Tout allait vraiment bien pour lui et je me disais : « Il est
quand même pas très, très intéressant, ce garçon. » (Rires.) Notre histoire
n’a pas duré longtemps ! En règle générale, j’ai du mal à m’intéresser aux
gens qui ne progressent pas. Une chose qui nous fait progresser, selon moi,
c’est de se poser les bonnes questions. Mon mari par exemple, Nicolas, je ne
sais jamais comment je vais le retrouver le soir. Entre le matin quand il part et
le soir quand il rentre, il a changé – il a lu, il a rencontré, il a observé, il a
réfléchi, il revient avec tout ça et ce n’est plus le même Nicolas, et je me
régale.
Moi, le principal moyen que j’ai trouvé pour progresser, ce sont les questions
que je me pose, au travers de l’écriture, des livres et des rencontres.
La terrible erreur, c’est d’écouter ce qui te renforce dans ton doute, dans ton
mauvais doute. Il y a deux types de petite voix intérieure.
La bonne petite voix, celle qu’on appelle « l’intuition », elle te pose des
questions, elle te donne des indications, et tu te dis : « Mais oui, bien sûr,
c’était ça ! » Et tu repars au galop, encouragé, plus confiant – exactement
comme lorsque tu reçois le conseil d’un ami, d’un mentor, d’un bon livre, qui
veulent te voir en train de créer et au travail.
La mauvaise petite voix, c’est celle qui instille le doute dans ton esprit et qui
t’empêche d’agir : « Mais tu es sûr que tu veux quitter ce job ? Que tu veux
lâcher ses titres-restaurant ? Et tes congés payés ? Tu es fou ? Et ta mère,
elle en pense quoi, ta mère ? » Et cette voix va appuyer pile là où tu n’as pas
besoin qu’on appuie parce que tu sais très bien que ça te fait déjà mal.
Je l’ai déjà entendue plein de fois, cette petite voix qui me dit : « Mais enfin,
Christie, ne serais-tu pas une sous-Julia Cameron ? Es-tu un tant soit peu
capable de créer par toi-même ? As-tu donc toujours besoin des autres pour
t’inspirer et “délivrer” ? » À présent, j’ai appris à lui répondre : « OH DIS, TA
GUEULE, OUI ! Même Van Gogh s’inspirait de paysages déjà existants pour
peindre des chefs-d’œuvre. Fous-moi la paix, j’assume (rires). » Les jours où
je n’ai pas la pêche, je m’autoflagelle : « Oh, là là, c’est vrai que je suis une
sous-merde, je ne sais que pomper le travail des autres, mais qu’est-ce que
j’ai créé, moi ? C’est peut-être bien vrai que je parle trop de Dieu, et c’est vrai
qu’il y a vingt ans, je me disais que j’écrirais bien une saga à la Henri Troyat,
un jour, une super-saga et que j’en vendrais des millions. »
Sauf que je ne sais pas faire ça. Pour le moment, je ne sais pas écrire une
saga. Moi, ce que je sais faire, c’est écrire des livres de développement
personnel, et non seulement je prends beaucoup de plaisir à les concevoir,
mais en plus ils touchent un large public. Je ne laisse personne me
dévaloriser, et même moi, j’essaie de m’encourager du mieux que je peux. Je
me suis engagée auprès de ma créativité, c’est mon premier engagement.
Mon boulot quotidien est de la laisser passer à travers moi, cette créativité.
Elle est plus importante que tout le reste. Enfin presque. Il y a aussi « être la
meilleure personne que je puisse être ».
Quelle est la devise que tu mettrais sur ton drapeau personnel, ton
Fluctuat Nec Mergitur à toi ?
Je crois qu’il faut savoir être heureux seul. Beaucoup de sources de bonheur
nous viennent des autres, et bien sûr qu’on en dépend. Et je fais en sorte
qu’une partie importante de ce qui me rend heureuse ne dépende
principalement que de moi. Mon lien à la nature, mon amour des livres,
marcher, dessiner, écrire, danser… Quand mes enfants vont quitter la
maison par exemple, ou quand je perdrai mon chien, ces pertes seront
douloureuses – et mes passions personnelles, et ma curiosité, m’aideront à
rester debout.
1. https://vanb.typepad.com/maviesansmoi/
2. Éditions de l’Olivier, 1998.
3. Knopf, 2019.
JOUR 8
Ce travail est un outil qui m’y conduit. Mais Rome ne s’est pas bâtie
en un jour.
Je ne me mets pas en valeur quand je vous dis : « Voilà dans quoi je
suis bon » : je vous montre toute l’ambivalence et la complexité de
notre personnalité qui sait, dans le fond, ce qu’elle devrait faire pour
elle (arrêter de fumer, perdre un peu de poids, se mettre à la boxe)
mais qui ne le fait pas. Je veux vous montrer à quel point c’est dur
pour moi de savoir et de ne pas oser le vivre pleinement tout le
temps, à quel point le cheminement est long, à cause de notre
histoire et des contraintes sociétales incompressibles autour de
nous.
Vous qui savez que vous devriez faire autre chose de votre vie, que
vous en avez les moyens intellectuels, la conviction mais pas le
courage : soyez doux avec vous-même en lisant ces lignes. Il ne doit
pas y avoir d’injonction à être qui vous devriez être. Ça passe
d’abord par de la tendresse, par se regarder dans le miroir et aimer
au moins un peu qui vous voyez, qui vous êtes là, tout de suite, puis
la résolution de célébrer aussi tout ce que vous avez déjà accompli.
Il ne doit pas y avoir d’injonction. C’est un chemin, pas un chemin de
croix.
« Quand je suis libre d’être vraiment moi-même, je… »
J’ai demandé à Jean de finaliser cette phrase à son tour. Jean
m’épate car il a tout lâché, à Paris, il y a cinq ans, pour devenir
lithothérapeute dans le Var (quoi que vous pensiez du pouvoir de
guérison des pierres, là n’est pas le sujet…). Il m’a repris :
« Quand ? Non, moi c’est depuis que je suis libre… ! Depuis que je
suis libre d’être vraiment moi-même, je réalise à quel point je ne
subis plus les barrières des autres, les freins des autres, les peurs
des autres, les besoins des autres, les croyances des autres… et les
autres tout court. J’ai quitté une vie toute tracée de graphiste star en
agence de pub pour rejoindre mon amoureuse, une artiste qui habite
dans l’arrière-pays varois. On s’était rencontrés sur une application
en vacances, ça avait collé de suite entre nous et elle était venue à
la maison pour le week-end, de passage à Paris pour un salon bio.
Elle avait vu tous les livres consacrés aux pierres que j’avais sur
mes étagères. Et toutes mes pierres aussi, d’ailleurs. Mon petit
appartement en était rempli.
« Elle m’avait dit : “Ah, tu soignes les gens comme ça ? C’est un
beau métier. Tu pourrais m’apprendre des trucs…” Mon premier
réflexe avait été de nier, mais j’ai été aspiré dans un grand moment
de vie, une forme d’illumination où j’ai compris en l’espace de
quelques secondes que, oui, je soignais des gens par les pierres,
depuis des années, en plus de mon travail de graphiste, que je ne
faisais payer personne mais que les gens me recommandaient à des
amis à eux, que j’y passais tout mon temps libre et que j’adorais ça.
Tous ces messages en un seul flash (rires) !
« En fait, j’ai compris que si je voulais être libre, il fallait que ma
passion informelle devienne mon activité. J’ai des parents très
pragmatiques qui ont déclaré que ma copine m’avait fait vriller la
tête, qu’ils allaient me déshériter (je suis fils unique), qu’ils avaient
honte de moi et de mes “cailloux à la con” (merci, papa !), mais la
vérité est là.
« Depuis que je suis dans les pierres H24, je me sens totalement
moi, totalement libre et totalement en relation avec les gens qui
viennent me voir. Je me fous de ce que vous pouvez penser de moi.
Je suis libre d’être moi-même et si je m’étais écouté, je serais
devenu libre bien plus tôt. Enfant, j’aimais les silex, les fossiles, les
cailloux, les roches, la géologie. Je suis devenu graphiste parce que
je dessinais très bien et que ça ne me demandait aucun effort. Je
suis resté graphiste parce que j’étais super bien payé pour mon âge
et que ma mère était très fière d’encadrer mes campagnes de pub,
de montrer mes créations à ses sœurs, dans les dîners de famille.
C’est fini, tout ça, mais c’est leur problème. Moi, j’aime ma vie
comme elle est aujourd’hui, même si j’ai divisé mon salaire par trois.
Je me couche tous les soirs heureux. »
1. Source : Wikipédia.
REGARDS EXTERNES
POUR GUIDER
JOUR 14
Du fait de notre imaginaire collectif (et en particulier chez les femmes, plus
oppressées par la société) il existe une très grande difficulté à reconnaître
ses propres qualités. Faire s’exprimer autrui sur mes qualités peut m’aider à
les reconnaître enfin, ainsi que mes propres tensions… Les amis sincères et
même certains collègues bienveillants se prêtent toujours avec grand sérieux
à l’exercice. Ne t’étonne pas de recevoir des mails de trois pages listant tes
qualités et tes limites, écrites avec des mots choisis et très justes.
1. www.16personalities.com/fr
2. TMTC signifie tout simplement « Toi-Même Tu Sais ». Pas la peine
d’être un puriste de la langue française pour constater qu’il y a une
grave atteinte à la langue de Molière dans cette expression : oui, voilà,
j’ai ajouté un point après le C !
JOUR 15
Je me suis rendu compte que les regards externes aident un grand nombre
de personnes dans leur recherche personnelle de la Raison d’Être. Nous
sommes dans une société tellement pudibonde, qui cherche à dévaloriser les
qualités intrinsèques des gens, que passer par mes clients, mon conjoint,
mes amis, etc. aide à se dire « Mais oui, j’ai des qualités… » Si,
fondamentalement, cette question vous énerve, elle est un chemin
néanmoins pratique pour reconnaître sa capacité endogène à assumer ses
qualités…
Bien compris.
Mes clients disent de moi que je comprends des choses sur eux très
vite. Cela me semble évident quand je les écoute, quand je les
entends réfléchir, quand je suis en empathie avec eux, et je ne peux
m’empêcher de leur dire, en miroir, ce que j’ai compris. Attention, je
ne dis pas non plus tout ce qui me passe par la tête, je jauge avant
si mes clients sont en mesure de l’entendre, et surtout si c’est le bon
moment…
Je tente par le questionnement de les emmener à voir eux-mêmes
ce que je vois, mais quand je n’y arrive pas, quand mes questions
ne mènent qu’à du silence (qui est un très bon signe, par moments,
aussi), j’y vais franco :
si nous sommes au cabinet, pour des séances sur le couple, je
tente l’humour ;
si nous sommes en accompagnement de créativité, je vais droit
à l’abordage, sans m’encombrer de précaution ;
si nous sommes en recherche d’une identité ou d’une charte, en
création d’un manifeste ou d’un site Internet, je vais plutôt opter
pour une approche très normée, processée, avec des bullet
points et des solutions, plutôt que de critiquer frontalement.
Martin utilise par exemple le terme de « bienveillance
impitoyable » pour ses feedbacks.
Dans tous les cas, mes clients savent que je veille à effacer mon
jugement pour exprimer mon ressenti, ce qui est très différent.
J’avais d’ailleurs adoré ma formation en Gestalt-thérapie, qui m’a
appris à me servir de mes ressentis. Je parle donc des sensations
que je vis en les écoutant et je leur fais très souvent ce retour :
« Ça ne parle que de moi mais… »
« Ce sont mes mots et pas les vôtres, mais voilà ce que
j’entends… »
« Quand vous me dites ça, je ressens de la tristesse… »
« Si je devais expliquer à votre place les choses, voilà comment
moi je le dirais… Suis-je dans le juste ? »
Je sais, pour l’avoir vécu, que j’arrive à voir ce que beaucoup ne
voient pas, mais que ma vraie valeur ajoutée est dans la
reformulation émotionnelle et pratico-pratique :
1. « J’ai vu/entendu > voilà ce que j’ai compris (Oui ? Non ? J’ai
bon ?). »
2. « Voilà ce que je vous propose pour aller plus loin. »
3. « Voilà comment nous pourrions y aller ensemble, ce que moi je
peux faire et ce que vous, vous devez faire seul de votre côté. »
J’aime énormément cette expression : « C’est ta vie, tu dois passer
d’ouvrier à œuvrier. »
Olga est commerciale dans le médical et le paramédical. C’est une
reconversion qui n’a pas été simple au début : « J’ai été employée
de mairie pendant une vingtaine d’années, quasiment après le bac.
Ça s’est fait comme ça, mon père était lui aussi employé de mairie et
adjoint au maire, il a travaillé toute sa vie pour notre ancien maire, le
père de notre nouveau maire pour qui j’ai travaillé à mon tour. C’est
une mairie communiste de la grande banlieue parisienne, j’ai vu et
entendu beaucoup de choses dans la politique, dans la gestion
d’une commune et dans les comportements des administrés,
beaucoup trop pour une seule personne, je pourrais écrire un livre
(rires)… et personne ne me croirait (rires) ! Mieux vaut ne pas
connaître les cuisines de la politique… Bref !
Les autres, désormais, sont prêts à me payer pour que je gère leur
communication ou que je forme des personnes. Je n’ai passé aucun
diplôme particulier pour cela, j’ai comme seul bagage mon éternel
diplôme d’infirmier. Je suis en revanche passionné par la
transmission et l’échange : je sais tenir un auditoire quand je suis en
public et animer le contenu d’un cours que l’on m’a proposé
d’assurer et que je trouve un peu monotone. Quand je les vois
bâiller, je passe la cinquième. Je salive quand on me propose de
reprendre en main une communication défaillante et je vois
immédiatement ce que l’on pourrait améliorer. Cette communication
peut être celle d’une entreprise, d’un individu ou d’un couple, et dans
ces deux derniers cas, je dépasse le cadre de la communication
pour entrer dans celui du développement personnel. Je me suis
formé pour devenir coach même si je ne me vois pas tenir ce rôle à
plein temps. Plus je vieillis et plus je me définis comme un passeur :
j’aide des personnes à rejoindre un bord qui leur semble
inatteignable.
Philippe a vécu un changement de carrière épique : « J’ai pendant
des années fait du marketing, à La Poste, sans trop me poser de
questions, après un bac et une école de commerce. J’avais comme
seule ambition de monter à Paris, d’y trouver l’amour et d’y acheter
un appartement dans un quartier qui bouge. Ce fut le cas en très
peu de temps, et je ne voyais pas plus loin que le bout de mon nez
car j’étais heureux. Au début des années 2000, Internet est venu
semer un joyeux boxon dans ma vie. J’ai découvert le streaming
illégal qui a fait exploser ma consommation de musique et MySpace
qui répondait à mon besoin sans fin de connaître de nouveaux
artistes et de nouvelles sonorités. J’ai ouvert dans la foulée mon
propre MySpace, puis un blog, et j’ai démarché les maisons de
disques pour interviewer les chanteurs dont j’aimais le travail. J’ai
pas mal galéré au départ car les majors ne voyaient pas l’intérêt de
me confier leurs musiciens : priorité à la presse papier, à la radio et
aux télés. Mais j’ai quand même réussi à me faire un nom en allant à
chaque fin de concert récupérer la setlist pour la mettre en photo en
ligne et poser deux questions au groupe que je venais de voir. Mes
critiques étaient toujours justes et je ne parlais pas des artistes dont
je n’aimais pas le travail.
« Très rapidement, tout s’est enchaîné : je suis devenu
community manager en freelance pour des artistes en
développement, en plus de mon job de cadre à La Poste, et puis
pour des artistes majeurs. Un jour, il a fallu choisir car mes deux
activités devenaient incompatibles : soit je vivais de ma passion et je
prenais un risque, soit je restais cadre très bien payé pour un grand
groupe et je ne me consacrais plus qu’à ça. J’étais en train de
remuer le projet dans tous les sens quand un grand groupe de
média web m’a proposé de devenir rédacteur en chef d’un site
musical pour un très bon salaire. J’ai quitté mon ancien monde pour
le nouveau et je ne le regrette pas. Je suis désormais rédacteur en
chef de plusieurs sites pour ce même média et je nage toute la
journée dans ma passion : la musique, la création, les artistes et le
journalisme. Je n’en reviens pas.
« Quand on me demande comment j’ai fait pour en arriver là, je
réponds toujours que j’ai simplement écouté mon cœur et que j’ai
bossé nuit et jour pendant des mois pour concilier ma passion et
mon travail avant de choisir ma passion. Je crois que je travaille
encore plus qu’avant, mais je ne m’en rends même pas compte
tellement j’aime mon job. Être payé pour faire ce que j’adore, je me
pince régulièrement pour y croire et je n’ose pas imaginer ce qui se
passerait si je perdais mon travail. Hors de question que je
redevienne cadre dans un grand groupe, même très bien payé. Je
mourrais d’ennui… »
C’est pour ça que je suis toujours un peu frustrée, quand je parcours cette
littérature spécialisée (comme les Trois Kifs par jour de Florence Servan-
Schreiber3) de ne jamais y retrouver cette notion d’utilité. J’ai beaucoup
travaillé, dans le cadre de mon métier de journaliste, sur les sujets
d’éducation notamment. Cette injonction (le bonheur, la quête du bonheur)
pousse des générations entières d’ados et de jeunes vers le mal-être, car on
leur laisse entendre que l’on aurait chacun en soi une vocation, que nous
aurions tous un petit truc à part qui ne demanderait qu’à se réaliser pour être
heureux. Par conséquent, tous ceux qui n’ont pas trouvé ce fameux truc en
question à l’intérieur d’eux-mêmes sont en permanence en train de se
demander quelle reconversion ils doivent entamer. Ils finissent par devenir
coachs et par s’occuper des reconversions des autres (rires)…
Ah toi, tu n’es pas comme Julien Clerc qui veut « être utile juste à
vivre et à rêver » ! Toi, être utile, ça veut dire utile pour les autres,
c’est ça ?
(Rires.) Figure-toi que je n’avais jamais bien écouté les mots après « utile » !
Bien évidemment qu’il y a des gens qui peuvent trouver leur compte dans la
contemplation. Mais je trouve que l’utilité est un ressort important de
l’épanouissement personnel. Le malaise des bullshit jobs vient de là.
J’avais un père qui travaillait dans les ressources humaines. Il m’a dit très tôt
que les gens qui faisaient des burn-out, ce n’était pas uniquement parce
qu’ils travaillaient trop tard, mais bien souvent parce qu’ils ne connaissaient
plus le sens de leur utilité au travail. Ça m’a énormément éclairée. Le burn-
out arrive à partir du moment où on se sent comme un écureuil dans sa roue,
sans aucune visibilité sur sa direction. Ce n’est pas le nombre de tours de
roues qui fatigue. C’est le fait que la roue n’aille nulle part. […]
J’ai grandi dans un milieu post-68 où il était tabou de projeter ses envies
professionnelles sur ses propres enfants. J’ai donc été totalement libre de
choisir ce que je voulais faire. Et j’ai décidé, au grand désespoir de ma mère,
d’opter pour une école de commerce. Une erreur dont je me suis rendu
compte un peu plus tard.
Fou, je ne sais pas, mais en 1997, l’année de mes 30 ans, je suis descendue
seule, par la route, d’Alaska en Terre de Feu durant une année sabbatique.
J’ai proposé à France Info et Radio France Internationale des chroniques sur
les pays que je traversais.
Si, si (rires). Il faut savoir que dans les pays d’Amérique centrale et dans les
pays d’Amérique du Sud, à chaque fois que tu passes la frontière, il y a
toujours un douanier bienveillant qui te met en garde sur le pays suivant.
« Étrangère, fais attention à toi, le pays suivant, il est vraiment dangereux ! »
Bon, au début, je le croyais.
J’ai compris à quel point je n’étais pas matérialiste. J’ai croisé des dizaines
de personnes qui allaient de la Terre de Feu à l’Amérique du Nord, ou
l’inverse. En fait, c’est très courant comme voyage. Très souvent, elles me
disaient, un peu émues : « Oh, là là, quand je vais retourner chez moi et
retrouver ma cafetière… » Ou d’autres, qu’elles en avaient marre du arroz y
frijoles et qu’il leur tardait de retrouver le petit croissant au bar du coin. Je me
suis rendu compte que je pouvais vivre avec un sac à dos pendant six mois,
et qu’à aucun moment, je ne me disais : « Ah, si seulement j’avais plus de
choses ! » Ces envies me glissaient dessus. Cette indifférence au matériel, et
que j’ai toujours, je la vis comme une force parce que c’est une source de
liberté.
Il y a pas mal de bêtises sur ma fiche Wikipédia. Elle a été créée par un
lecteur qui n’était pas content d’un de mes articles dans Le Monde. Par
exemple, il précise bien que je suis née à Versailles. Ma mère y a seulement
accouché. Je n’ai jamais vécu à Versailles. C’est un détail mis exprès pour
qu’on se dise en le lisant que je suis une « Versaillaise ». Mais pour répondre
à ta question, je me présente comme une journaliste, plus rarement comme
une autrice.
J’aime donc bien les voir, juste pour me rappeler ce qui compte et ce qui était
important. Eva Joly, par exemple. Ce que je trouve formidable chez elle, c’est
que tout le discours qu’elle tient sur la solidarité, l’humanisme, la lutte contre
la corruption, l’environnement, n’est pas un discours de négation. Elle a
également un côté joyeux, aimant la vie, et j’aime le fait que ces
deux aspects puissent cohabiter en harmonie chez une personne. Lorsque
nous prenons un café ensemble, je la vois bouger sa tasse trois fois pour
toujours rester à la meilleure place, face aux rayons du soleil. C’est cette
femme exigeante, perfectionniste du moment présent et qui ne va faire aucun
compromis sur des projets de société auxquels on tient tous. Pour moi, c’est
très inspirant. Elle assume son intentionnalité.
C’est un livre très intéressant, sous son titre plein de -ismes. Grosso modo,
de ce que j’en ai lu et compris, c’est l’idée que nous ne sommes rien de plus
que nos vies. J’aime beaucoup cette manière de voir les choses, à une
époque où on parle toujours du potentiel des gens, « des bonnes choses qui
vont advenir ensuite », principalement dans la deuxième partie de vie,
d’ailleurs.
Beaucoup de gens vivent dans une illusion qu’ils sont en train de préparer
leur vie future heureuse, en étant dans une course à l’argent ou à autre
chose, et qu’après, une fois le premier million sur leur compte en banque, la
vraie vie commencera. « À partir de dix millions, je vais prendre ma retraite et
je serai heureux, je vivrai autrement. » Mais non, c’est une illusion totale.
C’est maintenant que ça se passe. Jean-Paul Sartre dit que ce n’est pas la
peine de demander ce qu’aurait été la Symphonie inachevée si elle avait été
achevée, puisqu’elle est inachevée. Ce livre m’a mis un coup de pied au cul,
m’a poussée à aimer et à vivre le meilleur de chaque étape.
Et d’ailleurs, ça m’a aidée durant le premier confinement, car au lieu de subir,
je me suis dit qu’il fallait inverser le truc. Au lieu de me demander comment
faire pour arriver à vivre « ma vie normale » dans ces conditions, je me suis
demandé comment faire maintenant ce que je ne pourrais jamais faire
normalement, par manque de temps ou de motivation. Et du coup, j’ai enfin
pu lire Les Misérables dans mon jardin. J’en garde un souvenir très fort…
Franchement, Jean Valjean, merci d’exister (rires) !
Mon père souffre de Parkinson. Je pourrais mal le vivre. J’ai opté pour une
autre approche : apprendre à vivre avec la maladie en rejoignant une
association, où je peux apprendre et partager. Je ne dis pas que ça rend la
situation plus joyeuse, mais au moins je ne subis pas les choses. Et c’est
d’ailleurs ce qui s’est passé pour le confinement, avec Les Misérables : en
changeant la manière dont on voit une situation, on en devient acteur et non
plus victime. Ça donne l’impression un peu illusoire qu’on garde la main.
Dans ces moments-là, on se sent alors beaucoup moins contraint.
Guillemette Faure écrit dans Le Monde. Son dernier livre s’intitule Ça peut
toujours servir (Stock, 2018).
Bastien est monteur : « Je suis né avec une caméra dans les mains
ou presque, mon père était grand reporter pour une télévision
nationale et, à son grand désespoir, je n’ai pas marché dans ses
pas. Je me suis tourné vers le cinéma. Au début, je pensais que
j’allais réaliser des films, mais je me suis rendu compte que ça me
gonflait vite de gérer cinquante personnes sur un plateau.
Cinquante egos. Sans compter celui des acteurs, qui compte triple.
« Un peu par hasard, j’ai aidé un pote de pote à monter son film et
j’ai de suite senti que j’étais à ma place en salle de montage. De
l’obscurité, du silence, un travail manuel et sensoriel, des heures
seul ou accompagné d’un réalisateur, faire et défaire pour mieux
refaire, et à la fin de la journée, le sens du devoir accompli. Je suis
un bon petit soldat qui parfois passe général.
« On m’appelle généralement pour venir réparer les mauvais
montages au cinéma, ce qui arrive bien plus souvent qu’on ne le
croit ! Un film, c’est d’abord un scénario, mais si le tournage se
passe mal, rien ne viendra sauver le film au montage. À moins d’un
miracle, mais je ne crois pas en Dieu. Je viens aider quand une
énième version d’un film ne raconte toujours pas la bonne histoire.
Certains monteurs détestent ça, passer après les autres, mais moi,
ça me rassure presque de savoir que je vais avoir le droit de
recommencer quelque chose qui est censé être fini. On me montre
la dernière version, je prends des notes, je suggère deux ou
trois trucs et je reprends tout depuis le début. Je ne suis pas un
magicien, si la scène n’a pas été tournée ou si elle n’est pas bonne,
je ne la sauverai pas. Mais parfois, on peut s’amuser un peu avec.
J’ai remonté entièrement un film qui a fini par gagner quatre César !
Je sais très bien quel a été mon rôle dessus. Mon vrai talent, c’est
d’avoir un regard décalé sur les choses et d’être extrêmement
patient, jusqu’à faire criser tout le monde derrière moi quand je
remonte encore une dernière fois un bout de scène alors que tout le
monde est ravi. Je suis super perfectionniste. […]
« Je passe ma vie dans le noir et j’adore ça. Mon vrai talent, dans le
fond, c’est d’être payé pour fuir la lumière du jour ! »
C’est une phrase énigmatique que voilà et qui peut avoir plusieurs
définitions selon l’état d’esprit dans lequel on se trouve. Au premier
degré, on pourrait estimer qu’elle questionne le job idéal que je
recherche, un peu comme si elle me demandait : « Qui est la femme
de ta vie ? » (Petite parenthèse : je ne crois pas au partenaire parfait
unique, et tant mieux si vous l’avez trouvé. Je crois que nous vivons
de belles histoires d’amour en fonction de notre âge réel, de notre
âge émotionnel et des leçons apprises de la vie que nous ne
souhaitons pas revivre une nouvelle fois. Je crois également qu’on
peut avoir connu l’amour d’une vie mais ne plus être avec, comme
Elizabeth Taylor le disait fort justement : « Je me suis mariée
huit fois avec des hommes dont j’étais très sincèrement amoureuse,
mais le seul homme de ma vie demeure Richard Burton… » Je la
comprends.)
Le travail de ma vie ou le travail d’une vie consiste, je pense, à
dépasser un nœud émotionnel (karmique ?) qui nous attache à une
situation bloquante, récurrente et bien ennuyeuse. Sitôt enfuis, car
parfois nous arrivons à trancher le nœud, nous retombons dans le
même piège, mais sous une autre apparence. Quand nous avons
vécu plusieurs fois le piège ou la situation, c’est que nous avons un
travail sur nous à entamer pour dépasser à jamais cette triste
condition de Sisyphe. Ne nous sommes nous jamais entendu dire :
« Oh, encore un crétin, décidément, j’enquille les patrons nuls » et
de nous voir répondre : « Tu n’as pas de chance, décidément, c’est
le quatrième ou le cinquième, non ? » ?
Je crois que le travail de ma vie consiste à accepter que je suis un
peu hors système, pas assez pour en être totalement détaché, mais
suffisamment pour ne pas être compris quand je parle de ma vie, qui
n’est absolument pas résumable en une phrase quand on me
demande : « Qu’est-ce que vous faites comme métier, William ? »
À l’heure où j’écris ces lignes, je suis prof à Sciences Po (je donne
des cours sur la résilience par l’écriture), je suis formateur pour
Chanel (sur le thème « Cultiver son authenticité »), je suis dircom en
freelance, je reçois des couples une fois par semaine pour équilibrer
leur relation et je coache des personnes qui en ont besoin, dans un
cadre professionnel uniquement. Tout ça en même temps. J’écris
des livres, j’envoie une newsletter hebdo, et c’est à peu près tout.
« Après six ans sur place, mes enfants et ma femme parlent mieux
que moi. Mais ce n’est pas grave, je me rattrape ailleurs. Non, je ne
suis pas inquiet pour mes enfants, ils vont bien, et j’ai vu
énormément de parents souffrir, parfois même jusqu’au deuil, sans
que cela entame ma détermination. Je suis là pour ça. J’aime ce que
je fais. Je le fais bien. Il fallait bien quelqu’un pour opérer et je fais
partie de l’équipe, c’est moi et c’est comme ça que ça devait se
passer. Pourquoi chercher midi à quatorze heures ? Je ne ferais
autre chose pour rien au monde… »
Et vous, qu’est-ce que ça éveille en vous, cette question ?
JOUR 24
Si on approfondit un peu cette question qui semble tirée d’un magazine qu’on
lirait sur la plage l’été entre deux siestes, on trouve des éléments profonds
qui sont les marqueurs de notre quille. La quille de notre bateau.
Ce que je veux cacher aux autres mais qui me donne de la stabilité, ce qui
nourrit ma sécurité. Et puis on trouve aussi des marqueurs de mes voiles, ce
à quoi j’aspire profondément, ce que je suis prêt à montrer aux autres mais
que je ne mets pas en branle parce que ma quille n’est pas remplie… La
question semble anodine mais la réponse ne le sera pas…
Laissez-moi vous raconter une scène étonnante à laquelle j’ai
assisté la semaine dernière.
Invité à l’anniversaire d’une amie, je me retrouve dans la cour d’un
immeuble, accueilli par une sono qui déverse de la pop à en faire
trembler tout le quartier et une trentaine de personnes complètement
pompettes, verre de champagne à la main. Je ne bois pas d’alcool,
je reste donc un peu de marbre, et puis, souffrant d’hyperacousie, le
bruit assourdissant m’est très pénible. J’adore danser. Mais quand il
faut hurler pour se faire entendre, c’est qu’il y a un problème.
Je suis néanmoins fasciné par ce que je vois. Le fils d’une de mes
amies, âgé de 9 ans, attire l’attention de tout le monde.
Comme vous pouvez le voir, mes cinq rêves n’ont pas grand-chose
à voir avec le milieu pro, mais – je le redis – la Raison d’Être n’est
pas toujours forcément liée à un job. Je ne vois pas trop le point
commun de ces rêves, mais j’imagine aisément que si vous êtes
malheureux dans votre vie pro, vous le trouverez plus aisément que
moi quand vous ferez votre liste à vous. Je suis plutôt heureux dans
ma vie pro, je fais ce qui me plaît, au rythme qui me plaît, je suis
entouré de gens passionnés et je passe mon temps libre à créer des
bouquins qui se vendent plutôt bien. Pas trop de regrets à ce niveau.
Quand j’avais 15 ans, je rêvais de « vivre en ville », je rêvais d’être
un peu connu, je rêvais de rencontrer des stars, que des journalistes
me posent des questions, je rêvais de vivre en couple, de voyager
beaucoup, je rêvais de vivre ma vie telle que je souhaitais la vivre.
Je n’ai pas trop eu à me plaindre, même si j’ai hérité de plus de
bosses que prévu. Tout le monde porte un bagage plus ou moins
lourd. L’essentiel, c’est d’avancer et de vouloir aller mieux. Parfois,
j’y arrive. Parfois, j’ai envie de me pendre. Parfois, je trouve que la
vie est simple. Parfois, je la trouve cruelle. J’ai des semaines avec et
des journées sans. J’éprouve régulièrement de la honte quand je
m’entends me plaindre, mais je me sens parfois réellement triste et
abattu. Le souci, c’est que je n’arrive pas à jouir des choses
positives quand elles m’arrivent. Je suis toujours dans le « coup
d’après »…
Une bucket-list, c’est bien beau, mais dans ma vraie bucket-list,
j’aimerais plutôt écrire :
je veux pouvoir jouir des choses positives ;
je veux pouvoir me débarrasser de mon addiction ;
je veux travailler uniquement pour des gens que je respecte ;
je veux pouvoir vivre uniquement de ce que mon cerveau crée ;
je rêve d’un cabinet climatisé et cosy sous les toits où je
pourrais recevoir les couples qui cherchent un thérapeute de
couple, où j’enchaînerais les rendez-vous du matin au soir sans
regarder la pendule.
Allez, une dernière :
j’aimerais pouvoir exhiber des muscles et des abdos parfaits,
juste pour le plaisir un peu vain d’être aimé uniquement pour
mon corps et pas pour mes facultés intellectuelles.
J’avais écrit ce texte début 2021 et je l’avais envoyé dans ma
newsletter. Comme j’écris une fois par semaine, je finis par oublier
ce que je raconte, ça me permet de passer à autre chose quand
c’est triste ou d’envoyer une lettre au Divin qui la reçoit et la lit. Je
crois à ce genre de choses.
J’ai longtemps souffert du syndrome de l’imposteur. Je me suis fait
tout seul. Il y a une dizaine d’années, je suis sorti avec un garçon
nommé Pierre-Henri. Il était brillant, surdoué, généreux. Il m’avait
justement offert un livre sur les surdoués que j’avais soigneusement
mis au fond de la bibliothèque, ne me sentant pas concerné par le
sujet. Pierre-Henri avait fait Sciences Po et j’étais admiratif. Un soir,
j’avais tâté le terrain : « Crois-tu que je pourrais aller à la banque et
emprunter de quoi me payer un master dans ton ancienne école ?
Je suis sûr que si j’ajoutais sur LinkedIn que j’ai un MBA de
Sciences Po, je me sentirais enfin légitime ! » Il avait souri : « Tu
devrais plutôt enseigner à Sciences Po. Tu n’as pas grand-chose à y
apprendre… »
J’avais levé les yeux au ciel, n’en croyant pas un mot. Mais j’avais
gardé dans un coin de ma tête ce Graal-là, cet Himalaya, cette folle
proposition ressemblant étrangement à un des cinq éléments de ma
bucket-list. Les années ont défilé, j’ai quitté Pierre-Henri, je suis parti
bosser à droite et à gauche, mais j’ai souvent ressorti cette phrase,
généralement avant l’été, quand je devais me décider pour
reprendre des études en empruntant un gros paquet d’argent. J’y
renonçais à chaque fois. Je trouvais toujours une excuse pour ne
pas m’engager dans cette voie. Pour ne pas valider mes acquis.
Pour rester à la fois confortablement et douloureusement un
imposteur.
Un an plus tard, je suis devenu enseignant par un étrange concours
de circonstances. Ce qui doit se faire se fera, ce qui doit arriver
arrivera. Pour la première fois de ma vie, je coche une case, et pas
une petite.
Je n’ai jamais savouré certaines étapes précédentes que d’aucuns
auraient considérées comme importantes : découvrir son premier
livre en librairie ; retrouver l’amour après l’avoir perdu ; être
embauché par une radio nationale pour tenir une émission. Ce
n’étaient pas mes désirs, ce ne furent donc pas mes joies. Ce
n’étaient pas mes buts, le trajet ne m’intéressait pas, et l’arrivée ne
me sembla donc pas compliquée.
Mais pour mon premier cours sur le campus, je suis arrivé bien en
avance. Je suis entré dans la salle vide. J’ai pris une photo. Je l’ai
envoyée à mon amoureux et, pour la première fois depuis des
années, pour la première fois tout court, peut-être, je me suis dit que
la Vie était belle et que je serais bien triste si on m’enlevait ça.
La mort d’un enfant, l’amour qui s’en va en claquant la porte, le temps qui
passe. Des questions, des réponses, un moment volé à nos deux vies, parce
que Christie l’avait suggéré et parce que je ne savais rien de lui (pour de
vrai !) quelques minutes avant de commencer l’entretien, histoire de rester en
zone d’inconfort pendant l’échange…
Je crois d’ailleurs que je ne connais pas de vrai athée. Je crois que rien n’est
plus difficile que d’être athée. C’est d’une exigence considérable. Je n’ai pas
totalement renoncé à l’idée qu’il y a de la transcendance derrière tout ça,
c’est-à-dire qu’en dépit de l’absence de sens, je suis face à quelque chose
de plus grand que moi. Je me souviens d’une petite phrase qui a longtemps
résonné en moi, quand j’avais monté l’Observatoire des Passions, au Centre
Pompidou, en voulant savoir si la Foi était une passion. J’avais invité un
chrétien, un juif, un bouddhiste, une musulmane. Le juif, qui était philosophe,
quand je lui avais demandé s’il croyait en Dieu, m’avait répondu : « Je crois
dans la succession des générations. »
Je n’ai jamais entendu depuis, formulé de manière plus claire, ce que moi
j’appelle « la transcendance ». Ce qu’il y a de plus grand que moi, c’est que
d’autres vont venir après moi comme moi je suis venu après d’autres. Ça
engage quelque chose de ma présence ici-bas, indépendamment de
l’urgence de vivre une vie joyeuse, indépendamment de la responsabilité qu’il
y a à vivre auprès des autres, moi je me sens de prendre en charge la
succession des générations. Je n’ai pas eu d’enfants, mais je suis prof. Une
autre manière de prendre en charge la succession des générations est d’être
écologiste, par exemple. On peut aussi s’intéresser autant aux traces que
d’autres ont laissées. J’ai la conviction que ceux qui viennent seront plus
malins que nous et que nous devons faire en sorte de ne pas leur gâcher le
terrain.
Vous avez vu mourir des gens très jeunes, dans les années 1990,
des garçons qui auraient votre âge ou qui seraient plus âgés que
vous, aujourd’hui. Cela n’a donc aucun sens, ces morts-là ?
Aucun. C’est un pur scandale. Après, on négocie comme on peut avec ça. Je
leur en veux énormément d’être partis, énormément. Je leur en veux d’autant
plus qu’ils sont encore là, qu’ils ne sont pas complètement partis, je vis avec
leurs fantômes, j’ai fait une analyse pour ça. C’est très pénible, ils sont morts
mais ils sont là. Cela n’a aucun sens, mais cela a contribué, sans doute, à
aggraver ma mélancolie.
Pas spécialement. C’est La Rochefoucauld qui disait que nos vertus ne sont,
le plus souvent, que des vices déguisés. Je crois que l’on n’arrive jamais à
s’aimer et que c’est comme ça, c’est pas très grave. C’est ainsi. On peut pas
vraiment voir sa gueule en peinture, on essaie, on tente des trucs, moi
j’utilise Instagram, une certaine pratique égotiste de l’outil, je tente
d’approcher la bête, de la styliser un peu, de l’apprivoiser.
Non, ce n’est pas dur d’aimer. C’est plus exigeant. Être aimé, ça ne demande
pas grand-chose : un peu de coquetterie, être charmant, voilà, quoi. Dans
mon boulot de prof de lettres, je suis régulièrement confronté à ce qui a
fasciné le XVIIe siècle : le pur Amour. Le pur Amour est la version profane de
l’Amour de Dieu, le pur Amour est l’expérience de l’amour sans espoir de
retour.
Étant donné son âge – et il déteste que je dise ça –, je sais qu’il rencontrera
quelqu’un d’autre après moi. Il est d’une génération qui se voit avec des
enfants. Il va vivre sa vie d’homme, longtemps. Ce que j’exige de moi, c’est
de continuer de l’aimer quoi qu’il arrive.
Comment faire pour que l’amour dure ? Pas le leur : ça, vous l’avez
dit, on s’en fiche un peu ; non, le nôtre…
Je vais vous raconter une histoire drôle. Alors voilà, je me fais plaquer (rires).
Par un homme avec qui j’ai vécu pendant neuf années. La seule fois de ma
vie où un amour fou s’est pensé comme une histoire de couple. Je n’arrivais
pas à articuler les deux, de manière générale. Et puis un jour, il est parti, ça
m’a stupéfait. Je n’ai rien vu venir, rien. J’étais très abîmé.
J’ai trouvé cette formule : le chagrin va durer toujours. Mais l’amour doit durer
toujours aussi. Donc il faut que je trouve le point où je suis reconnaissant à
ce garçon de m’avoir plaqué. Et en y regardant de plus près, alors que je
pensais que tout allait mal sauf mon couple, c’était précisément l’inverse :
tout allait bien sauf mon couple. J’avais, comme beaucoup de couples,
fabriqué un Fort Alamo contre le monde, tissé de mille petits cancers atroces,
pour me protéger de la violence qui nous entourait, alors que la violence était
à l’intérieur. Et ça m’a aidé. J’ai retrouvé ce point de gratitude perdu et je l’ai
remercié, car il m’avait rendu vivant. On se revoit encore, j’aime beaucoup
son mec. Pour vous répondre, on fait durer l’amour en trouvant des points de
gratitude. Et des points d’admiration.
Je reviens à la mort du fils de mon amie. Ce jeune homme était l’un de mes
filleuls. Les conditions de son décès sont terribles : il marchait en Italie, il a
glissé dans un ravin, il a téléphoné pour appeler au secours mais les secours
ont mis dix jours pour retrouver son cadavre, dix jours où nous ne savions
pas s’il était vivant ou s’il était mort. La tragédie s’est ajoutée au fait-divers.
Je suis sidéré que Delphine, sa mère, survive à ce drame. Elle le fait avec
une vigueur qui m’éblouit. Elle a créé une association des amis de Simon,
elle a acheté une maison avec son argent, maison qu’elle a offerte à des
jeunes gens qui ont besoin d’aide. C’est sa manière à elle de s’occuper des
générations futures. Quand je regarde Delphine, comme tant d’autres avant
elle qui ont résisté et tenu bon, j’ai l’image de la « mauvaise herbe ». Un peu
comme moi.
Notre rencontre, ce sont deux mauvaises herbes qui poussent non loin et
décident de croître ensemble et séparément. Je sens qu’il y a en moi,
comme en elle, en matière de survie, une puissance de Vie qui l’emporte sur
toute espèce de narcissisme. Delphine se laisse traverser par la Vie. Je crois
que l’on peut survivre en laissant passer la Vie en soi. Rien n’a de sens, tout
cela est totalement absurde : laissez passer la vie, c’est la seule chose qui
compte. C’est ça, être une mauvaise herbe. Ce n’est pas aussi beau qu’une
orchidée, ça pousse dans un fossé en bord de nationale, personne n’y tient,
mais ça grandit anarchiquement dans tous les interstices.
C’est pour ça que j’aime tellement Naples : je sens que tout le monde est une
mauvaise herbe en puissance (rires). Je peux me poser n’importe où, boire
un café, regarder passer les gens, et la Vie passera. La Vie passe partout où
elle veut : ouvrez le journal, regardez les camps de réfugiés, la Vie y passe,
sans arrêt, même dans les conditions les plus atroces.
Oui, oui, bien sûr, on a tous besoin de nos petites addictions (rires). Je vis
avec des médicaments, à cause du VIH. La clope, c’est compliqué. J’ai
arrêté de fumer pendant dix ans entre 40 et 50 ans, et je m’y suis remis le
jour de mes 50 ans, pour une décennie, si Dieu me prête vie. Je vais être
franc : je m’aime bien quand je fume, j’aime bien quand j’ai une clope à la
main, voilà. Je trouve ça sexy. L’amitié, ça me soigne pas mal, aussi. J’ai peu
de camarades.
Non. Mais je signale quand même plus ou moins discrètement que c’est mon
anniversaire, parce qu’on a beau dire qu’on s’en fout, rien n’est pire que
quand tout le monde oublie de vous le souhaiter. Je le fête avec mes parents.
Je me souviens de mon âge. Je ne recalcule jamais mon âge – je connais
des gens qui le font sans cesse, avec sincérité, qui oublient quel âge ils ont,
de manière très simple –, je sais très bien que j’ai 56 ans.
Je dois vous confier quelque chose. J’ai longtemps cru que j’avais
très peur de mourir, ayant découvert ma sexualité en plein dans les
années Sida. J’ai été très marqué par cette hécatombe, plus que je
ne l’ai admis à l’époque. Et puis je me suis rendu compte, il y a peu,
que j’avais surtout très peur de vivre. Que je m’interdisais même de
vivre certains trucs. Un paquet de trucs. J’accueille depuis quelques
semaines à peine mes émotions positives. Vous le comprenez ?
Oui, bien sûr, c’est une chose très commune, pardon de vous dire ça (rires).
La peur de mourir est très souvent le nom que l’on donne à la peur de vivre.
La peur de mourir est souvent la peur de mourir sans avoir vécu. L’intuition
que l’on mourra sans avoir vécu. Mais la peur de mourir est aussi un
excellent principe de précaution contre lequel je n’ai rien à opposer. Je pense
que beaucoup de gens cèdent sur leurs désirs par peur de vivre. « La
psychanalyse, ça apprend à ne pas céder sur son désir », à ne pas le lâcher,
c’est Lacan qui dit ça.
Moi, je me dis que je n’ai pas peur de mourir, mais le temps venu, je pense
que je serai terrorisé. Pendant les années les plus dures du Sida, et j’ai été
séropo très tôt, début 1986, à 21 ans, je me disais que rien de tout cela
n’était vrai. Ça me paraissait hautement improbable, que je meure… En
revanche, j’avais peur de la mort des autres.
Pas du tout ! C’est bien plus profond que ça. Si je me projette à dix ans et
que je me dis : dans une décennie, je serai le Directeur Général de la filiale
de ma banque, par exemple… Est-ce que ça sera mon futur souhaitable,
celui que je veux réellement pour moi ou est-ce que ça sera mon futur
confortable, sur des rails, le futur tendanciel qui se passe bien, qui arrive de
toute façon si je ne touche à aucun réglage actuel de ma vie ?
Plus j’ai d’argent, plus j’ai de reconnaissance sociale, plus j’ai soigné mon
apparence physique et plus j’en veux. Je deviens un éternel insatisfait.
Regarde ce qui se passe après une première intervention de chirurgie
esthétique, bien souvent…
C’est prouvé par toutes les études de psychologie sur la satisfaction et la vie
dont une étude de Harvard qui a suivi pendant 75 ans des individus1…
Je conseille fortement la lecture des ouvrages de Daniel Pink et notamment
La vérité sur ce qui nous motive qui démontre que l’incitatif financier ne
fonctionne pas pour te faire performer efficacement à partir du moment où ce
n’est pas une tâche répétitive (ratisser une cour, transporter des cartons, oui,
ça va te motiver à gagner plus) mais si il y a un enjeu cognitif où tu devras
réfléchir plus, mettre en œuvre plus de créativité, te donner plus d’argent ne
te fera pas performer plus. Pire, c’est probablement un inhibiteur de la
performance !
Les seules choses qui sont des sources de joie profonde, des sources de
satisfaction dans la vie, qui permettent d’accéder à la joie Spinozienne ou au
bonheur selon Alain, c’est la qualité des relations sociales proches (pas
forcément nombreuses), le fait d’apprendre des choses nouvelles, de
développer des compétences (je nourris un Élan) et enfin, de te connecter à
des choses qui te dépassent.
Ça te rendra plus heureux d’aller nettoyer une forêt ou une plage pleine de
déchets plastiques, de vivre une forme de vie spirituelle. Ça te dépasse.
C’est une des raisons du succès des religions. S’occuper de ses enfants, de
la communauté, jardiner, mobiliser les autres sur des projets d’écologie
durable. Voilà des tâches qui rendent heureux…
Expiration.
« Quand je me projette à dix ans, quel est mon futur souhaitable ? »
Dans dix ans, j’aurai 58 ans. C’est un chiffre que j’associe à mon
grand-père.
Dans dix ans, nous aurons connu deux présidents de plus
(normalement). Et dans dix ans, j’espère que ce covid sera un
lointain souvenir – mais je n’y crois pas vraiment.
Je me projette, allez.
Charline me parle de son moi idéal : « Mon moi idéal, je le vis depuis
deux ans et il m’a coûté très cher, mais je ne regrette rien. J’ai laissé
derrière moi ma famille, ma sœur, mon ex et tous mes amis pour
partir bosser dans les jeux vidéo à Londres, ce qui n’est absolument
pas ma passion. Mais le poste était fantastique sur le papier et il l’est
encore plus en vrai ! Je suis très très bien payée pour encadrer nos
équipes dans le monde entier, m’assurer des bonnes relations avec
les studios de cinéma pour nos franchises, et voyager entre
Lausanne, Londres et Paris régulièrement pour assurer des réunions
d’information. J’ai toujours aimé voyager, il faut que ça bouge, je
déteste m’ennuyer, je ne tiens pas en place ; on m’a détecté un
trouble de l’attention et je vis bien avec. Faire du sport dans un hôtel
inconnu au petit matin ? Ça me va ! Être à Londres le matin, à Paris
le midi et à Lausanne le soir ? Ça me va !
« Ma famille vit assez mal que je vive loin d’elle, mais ils ne font
aucun effort pour s’intégrer à ma vie. Ils ne sont pas venus me voir
une seule fois à Londres alors que j’ai deux grandes chambres. Ma
sœur fait passer son couple avant moi. OK. Et mes amis vivent leur
vie à Bordeaux, ils se marient, font des enfants et m’oublient petit à
petit. Alors oui, le sacrifice est grand, mais je ne le regrette pas car
j’adore ce que je fais, j’adore ma vie et je la gère comme je
l’entends, du soir au matin. Je pars danser si ça me chante avec ma
coloc, en milieu de semaine, je regarde des séries en continu sans
sortir de mon lit pendant tout un week-end, ou je me paye un petit
week-end thalasso en Bretagne comme je veux. Je rêvais de mener
la vie que je mène. Tout a un prix… »
« Fais du sport ! », c’est nul comme conseil. Cet ado a déjà cinquante
personnes autour de lui qui peuvent lui dire. Et même l’y forcer. Réfléchis.
Quelle est la chose que tu aurais aimé savoir à quinze ans et qui t’aurait
vraiment aidé ?
« Il faut en moyenne sept tentatives à une femme sous emprise
pour quitter son compagnon abusif. » (Maid, Netflix.)
Ma mère m’a appelé hier soir. Karine a rechuté, une nouvelle fois.
Les pompiers l’ont accompagnée à la clinique. Elle a interdiction de
parler à qui que ce soit.
Ils ont trouvé plus d’une cinquantaine de bouteilles dans la maison
déserte, vides pour la plupart, de l’herbe et des cartouches de
cigarettes espagnoles plein les placards. La dernière fois que je
l’avais croisée, elle m’avait avoué carburer également aux
antidépresseurs, aux anxiolytiques, aux somnifères et au Red Bull
car elle détestait le café (« qui gâte les dents »).
Ils n’ont jamais pu avoir d’enfants et je pense que les brimades puis
les coups ont commencé à cette époque. La drogue est arrivée peu
après pour lui, quand l’alcool ne faisait plus oublier la tristesse et
l’amertume d’être tous les deux dans cette grande baraque vide au
milieu des champs et des vaches.
Elle m’avait trouvé en ville, un jour, un matin, tôt, elle sortait de chez
le médecin, il devait être 10 heures, elle m’avait tanné pour me
payer un verre et avait commandé du champagne, hagarde,
faussement enjouée, me reprochant de ne pas vouloir boire avec
elle et usant de tous ses anciens trucs culpabilisateurs pour me faire
picoler avec elle. Mais le charme ne prenait plus et j’ai fini par
m’enfuir, trouvant tout cela sordide. Et angoissant.
J’avais vraiment essayé plusieurs fois de l’aider, et plusieurs fois j’y
avais cru, mais les addictions étaient plus fortes que le peu d’espoir
restant. Et puis, à 40 ans passés, elle savait qu’elle n’aurait jamais
d’enfant, et que les dernières amies restantes ne lui faisaient plus
confiance quand elle proposait de les garder, les gosses, même
quelques heures, c’était un « non » ferme et moralisateur, ce qui la
faisait pleurer car elle se serait tenue à carreaux, j’en suis sûr, le
temps d’une après-midi.
Tout le monde l’évitait. La jeune fêtarde était devenue une alcoolique
triste, tombée dans une solitude d’une noirceur absolue. Elle
essayait régulièrement de rompre l’isolement en revenant provoquer
Benoît qui avait refait sa vie ailleurs, et parfois ça marchait : les deux
passaient le week-end dans la défonce, le vin et le reste, puis elle
finissait par appeler les gendarmes quand il se défoulait sur elle,
ressassant toutes les vieilles histoires et les vieux reproches. Elle
rentrait alors seule chez elle, dans la maison de ses parents qui
étaient morts depuis longtemps, maintenant. Son seul bien.
Je ne réponds presque plus à ses rares appels qui tombent souvent
mal. Elle appelle en fin de nuit ou les jours de fête. Elle veut
entendre des voix du passé le jour de Noël, mais à une heure du
matin, je dors, et puis le passé, c’est le passé ; je ne vis plus depuis
bien longtemps au temps du collège, qui a été si dur pour moi.
Je ne sais plus quoi lui dire ou quoi faire. Je sais juste que, face à
nos addictions, nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes et la
durée d’« une journée à la fois » pour tenter d’être sobre. Je l’ai
appris seul, dans mon coin, en écoutant les autres dans une
fraternité d’anonymes.
UN JOUR À LA FOIS.
« Si je devais donner UN SEUL conseil à l’ado que j’étais à 15 ans,
quel serait-il ? J’imagine : je me rencontre dans le temps quelques
minutes et puis je repars. Un seul conseil. Il ou elle a confiance en
moi, il ou elle m’a reconnu(e) et sait que je ne mens pas. »
J’avais pensé à un truc tout bête comme : « Fais plus de sport, de
grâce ! » Mais mon moi de 15 ans, en regardant ma silhouette
arrondie, va me rire au nez. « Ça va aller… Tu vas tomber
amoureux… Ne t’en fais pas… » me semblait pas mal, mais, à bien
y réfléchir, va susciter plus de questions et d’attente qu’un ado
pourrait le supporter.
Alors j’ai opté pour : « Demande à faire une école de journalisme, à
Lille… Tu gagneras du temps. »
Et comme j’ai remonté le temps et que j’ai droit à quelques secondes
de rab’, je sais que Karine ne traîne jamais loin de moi, puisque j’ai
15 ans et que c’est ma meilleure amie de l’époque, mon garde du
corps, qui me protège des salauds qui veulent me frapper et me
traitent de sale pédé, je lui glisserais : « Et toi, ne va pas taquiner le
diable et jouer les sauveuses. C’est toi, l’ange, pas lui. On continue
les études, et on ne boira jamais une seule goutte d’alcool, tu peux y
arriver si je m’y tiens avec toi… »
Je sais que Karine ne lit pas ce livre – et puis, elle ne s’appelle pas
vraiment Karine. Mais si je pouvais retrouver mon amie et le goût de
nos 15 ans, quand nous étions des âmes sœurs déjà abîmées qui
voulions juste un peu de soleil, d’amour et quelques couchers de
soleil sur les montagnes basques, je passerais mieux le cap de ma
deuxième partie de vie.
Je l’évite lâchement car je sais que je pourrais m’y brûler. Je me
tiens désormais à l’écart : je sens que son gouffre se repaît
uniquement de forces obscures que j’ai déjà bien du mal à étouffer
en moi quand elles cherchent une justification à leur existence. Je
veux bien me noyer mais seul, et je n’ai pas besoin d’aide pour me
laisser glisser au fond de l’eau noire. Clairement pas.
Quand j’ai commencé mon travail sur la Raison d’Être, j’étais sûr
qu’en retrouvant mon ikigaï, ma vie serait plus simple.
Retrouver, oui, souvenez-vous. Car on ne trouve pas son ikigaï : on
le re-trouve. Notre Raison d’Être est en nous, depuis notre enfance,
nous la connaissons, mais elle a été peu à peu enterrée sous des
couches d’obligations sociales, de devoirs familiaux, d’angoisses
maternelles, de contraintes dynastiques, etc. Un enfant sait ce qu’il
aimerait faire, ce qui le met en joie, ce qu’il délivre naturellement et
avec créativité. Ce sont les adultes angoissés qui le font renoncer à
une carrière de fleuriste, de clown ou d’aide-soignant.
Ma Raison d’Être, je l’ai finalement délimitée à défaut de l’avoir
définie, après bien des errances, et je tâche désormais de l’appliquer
à ma vie quotidienne, mais ce n’est ni aisé, ni fluide. Non pas parce
que je vis à l’opposé de ce que je devrais être, mais parce que je
n’assume pas encore ce que j’ai compris de moi et de ce qui me met
en joie quand je l’applique.
Je l’ai pourtant énoncée plusieurs fois devant la glace, à voix haute,
ma Raison d’Être, et même à quelques personnes, au travail. La Vie
est bien faite : j’ai été promptement contacté pour des jobs collant
pile-poil à ce que je suis censé faire sur Terre. Les Dieux ont de
l’humour et ne lâchent rien.
Quant à moi… Pareil ! Je ne lâche rien non plus, et au lieu de bâtir
mon bonheur, je m’évertue encore et toujours à trouver un
CDI + titres-restaurant, à bosser pour un patron avec qui ça se
passera forcément mal au bout d’un moment. Je vous ai déjà
expliqué le truc : je suis un triangle dans un monde de cercles. J’ai
l’air sexy. On m’embauche pour mes petites pointes, et puis on
cherche ensuite à les gommer car elles percent les ronds des
autres.
Je cherche également la sécurité de la routine alors que j’ai besoin
de créer et de pousser les autres à créer. Il y a comme un malaise.
M’enfin, comme dirait l’autre en grillant sa quinzième clope du jour :
ça occupe bien les heures, de se faire du mal. On passera à la
caisse plus tard.
Et cette terrible question, aujourd’hui : « Si je n’étais pas obligé de
travailler, je… » (Terminer la phrase.)
C’est une phrase de comédie romantique, de conte de fées, une
phrase cinéma, un pur exercice de style. Non mais l’hallu, là ! Cette
question, j’ai eu beau la tourner et la retourner dans tous les sens, je
ne suis pas arrivé à trouver une réponse correcte :
d’abord parce que je me définis (hélas et comme beaucoup) par
mon travail, mes jobs passés et ceux à venir. M’enlever mon
travail, c’est tout m’enlever ;
ensuite parce que je déteste ne pas travailler, je m’ennuie très
vite, et généralement, après dix petits jours de vacances, faut
que j’y retourne ;
enfin parce que le travail, je n’ai jamais vécu ça comme une
obligation, sauf quand je bossais de nuit en blouse blanche
parce que c’était le seul job correctement payé que j’avais
trouvé. Un cauchemar. J’étais crevé tout le temps, je ne dormais
presque pas en journée, j’avais froid, j’avais faim, tout mon
corps souffrait de cette position debout à 4 heures du matin. J’ai
tenté ça pendant six mois : plus jamais.
Si je n’étais pas obligé de travailler, je crois que je passerais mes
journées à aller voir des expositions, à interviewer des gens qui ont
bien vécu et n’ont pas de promo à dérouler, à faire du vélo, à me
faire masser, à aller au cinéma, à découvrir des restaurants et à faire
tenir tout ça dans une newsletter bi-hebdomadaire où je raconterais
tout ce que j’ai vu, tout ce que j’ai entendu et tout ce que je
comprends des rencontres sur mon chemin. Tout ce que je conseille
pour aller mieux, pour trouver l’équilibre et pour se faire du bien.
Ce serait un journal de bord public et interactif, pour garder une
trace, pour tisser des liens, éclairer le travail des gens que j’aime,
pour donner à réfléchir et continuer à creuser ce que je comprends
du sens de la Vie. Voilà ce que je ferais si je n’étais pas obligé de
travailler.
Pas besoin d’avoir fait l’ENA pour trouver ça ridicule, dans une petite
ville touristique de Bretagne, à deux pas de boulangeries qui
vendaient déjà plein de cochonneries bourrées de gluten à des
touristes ravis. Ou de commerçants qui vendaient des crêpes,
encore plus simplement…
L’été d’avant le covid, je me suis décidé à visiter le Morbihan, et
l’avant-dernier jour, je me suis souvenu qu’Hélène habitait dans le
coin. Par curiosité autant que pour lui claquer la bise, je suis allé
frapper à la porte de son magasin.
Premier choc : c’était beaucoup plus beau en vrai que sur les
photos.
Second choc : toute sa production était magnifique, faite maison et
complètement inspirée des recettes locales et des visuels de la
région, mais, hypermaligne, en les retwistant à sa sauce. Le
cupcake kouign-amann ou presque, ce genre d’idée marrante.
C’était beau, malin et traditionnel à la fois.
Elle m’avait alors répondu d’une voix douce mais très, très
fermement :
– « Mais je fais EXACTEMENT ce que JE VEUX, là. J’EN AI TOUJOURS RÊVÉ.
C’est fou comme ça semble gêner tout le monde. C’est pour ça
qu’on est venus s’installer ici. Est-ce que je vous juge, moi ? Je t’ai
jugé d’avoir dépensé des dizaines de milliers d’euros en voyage
pendant dix ans alors que tu n’avais jamais un rond de côté pour
acheter ton appartement à toi ? Ça a toujours été mon rêve d’être
commerçante, dans mon magasin à moi, que j’ouvre et que je ferme
toute seule, d’être au contact des clients et de vendre ma
production. Je suis heureuse quand je vois les habitués revenir et
quand je crée des commandes spéciales pour mes clients. Ça n’était
même pas censé me rapporter de l’argent, et pourtant ça marche. Je
vais pas me priver de mon bonheur pour vous faire plaisir, quand
même, non ? Tu sais quoi ? Je vais même ouvrir une
deuxième boutique à Vannes et embaucher deux personnes…
Pourquoi vous ne pouvez pas juste être contents pour moi ? »
Elle avait raison, bien sûr. Ça m’a pris quelques secondes et
l’émotion a remplacé la gêne (ou la bêtise) : je me suis réjoui, de
manière authentique, et elle l’a senti, mais nous avons perdu ce jour-
là un peu de notre amitié et, si elle me le lit, j’aimerais m’excuser et
lui dire que je la soutiens à 100 %.
J’ai pensé à elle et j’ai eu envie de raconter notre histoire commune,
en découvrant la question 29 : « Si j’avais trois mois, dix personnes
à mon service et un million d’euros à dépenser, à quoi les
consacrerais-je ? »
À:
Martin Serralta, mentor, chercheur, ami. Martin est la pierre
angulaire de ce livre et de tellement de choses dans ma vie. Nous
nous voyons trop peu à mon goût. Merci pour ce que tu donnes
aux autres sans attendre de retour, et merci pour ta
« bienveillance impitoyable » (sic).
Alexis, le plus beau.
Laetitia A.-L., amie fidèle.
Jessica J., source de rires et de joie.
Christophe S.
Antoine, Victoire et Blanche, la team au complet.
Nora H., toujours là.
Celia G., la fée de Reims.
Stéphanie S.
Benjamin Biolay, Keren Ann, Françoise Hardy, la bande-son des
heures passées à écrire et relire.
Sandrine Navarro, mon éditrice ultra-conciliante, et Karine Bailly,
ma super-éditrice en chef, pour l’idée du livre.
Et tous les abonnés à ma newsletter « Deuxième Partie de Vie1 »
qui y ont cru dès le premier jour.
Merci…
1. https://deuxiemepartiedevie.substack.com/
Des livres pour mieux vivre !