Cours Applications Lineaires MRDC

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Lycée national Léon‐M’ba Cours de mathématiques

Libreville, Gabon Applications linéaires


Année scolaire 2023‐2024
Mathématiques supérieures – M.P.S.I.
Marc Roger de Campagnolle Mai 2024

Étant donné un corps — commutatif — (𝐾 , +, ×) et un (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel (𝐸, +, ⋅), on désignera sys‐
tématiquement par : • 0𝐾 et 1𝐾 les éléments neutres additif et multiplicatif du corps (𝐾 , +, ×), respectivement ;
• 𝐾 ∗ ≔ 𝐾 {0𝐾 } l’ensemble des éléments non nuls du corps (𝐾 , +, ×), qui coïncide avec l’ensemble 𝐾 × de ses

éléments inversibles ; • 0𝐸 le vecteur nul de l’espace (𝐸, +, ⋅), élément neutre du groupe (𝐸, +).

1 Définitions & généralités


Définition 1 (Homomorphisme et isomorphisme d’espaces vectoriels, application linéaire) — Soient
(𝐾 , +, ×) un corps et (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) deux (𝐾 , +, ×)‐espaces vectoriels — comme d’habitude, les lois sont
abusivement notées de la même façon.
(i) On appelle homomorphisme de (𝐾 , +, ×)‐espaces vectoriels, application (𝐾 , +, ×)‐linéaire ou, plus simple‐
ment, application linéaire entre les espaces (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) toute application 𝑓 : 𝐸 → 𝐹 compatible avec
les lois de ces espaces, au sens où :
lois de l’espace (𝐸, +, ⋅)
∀(𝑥, 𝑦) ∈ 𝐸2, 𝑓 (𝑥 + 𝑦) = 𝑓 (𝑥) + 𝑓 (𝑦), ∀(𝑥, 𝜆) ∈ 𝐸 × 𝐾 , 𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑥) = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥).
lois de l’espace (𝐹 , +, ⋅)
En fonction du degré de précision recherché, l’ensemble de ces applications peut être noté L(𝐾 ,+,×) (𝐸, +,
⋅ ; 𝐹 , +, ⋅), hom(𝐾 ,+,×) (𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅), L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅), hom(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅), L𝐾 (𝐸, 𝐹 ), hom𝐾 (𝐸, 𝐹 ), L(𝐸, 𝐹 ) ou
hom(𝐸, 𝐹 ) — on rencontre aussi ces notations avec un « ℒ » calligraphique.
(ii) On appelle isomorphisme de (𝐾 , +, ×)‐espaces vectoriels entre les espaces (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) toute application
linéaire bijective entre ces mêmes espaces. L’ensemble de ces isomorphismes est noté iso(𝐾 ,+,×) (𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 ,
+, ⋅), iso(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅), iso𝐾 (𝐸, 𝐹 ) ou iso(𝐸, 𝐹 ).
Définition 2 (Endomorphisme et automorphisme d’espace vectoriel, forme linéaire) — Soient (𝐾 , +, ×)
un corps et (𝐸, +, ⋅) un (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel.
(i) On appelle endomorphisme du (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel (𝐸, +, ⋅) toute application linéaire de l’espace
(𝐸, +, ⋅) vers lui‐même. L’ensemble de ces endomorphismes est noté L(𝐾 ,+,×) (𝐸, +, ⋅), end(𝐾 ,+,×) (𝐸, +, ⋅),
L(𝐸, +, ⋅), end(𝐸, +, ⋅), L𝐾 (𝐸), end𝐾 (𝐸), L(𝐸) ou end(𝐸).
(ii) On appelle automorphisme du (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel (𝐸, +, ⋅) tout isomorphisme de l’espace (𝐸, +, ⋅)
vers lui‐même. L’ensemble de ces automorphismes est noté GL(𝐾 ,+,×) (𝐸, +, ⋅), aut(𝐾 ,+,×) (𝐸, +, ⋅), GL(𝐸, +, ⋅),
aut(𝐸, +, ⋅), GL𝐾 (𝐸), aut𝐾 (𝐸), GL(𝐸) ou aut(𝐸).
(iii) On appelle forme (𝐾 , +, ×)‐linéaire ou simplement forme linéaire du (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel (𝐸, +, ⋅) toute
application linéaire de l’espace (𝐸, +, ⋅) vers l’espace (𝐾 , +, ×). L’ensemble L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐾 , +, ×) de ces formes
linéaires est souvent noté (𝐸, +, ⋅)∗ ou 𝐸 ∗ .
Proposition 3 — Soient (𝐾 , +, ×) un corps et (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) deux (𝐾 , +, ×)‐espaces vectoriels. Toute application
𝑓 : 𝐸 → 𝐹 satisfait aux équivalences et à l’implication suivantes :
𝑓 ∈ L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅) ⇔ (∀(𝑥, 𝑦) ∈ 𝐸 2 , ∀(𝜆, 𝜇) ∈ 𝐾 2 , 𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜇 ⋅ 𝑦) = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥) + 𝜇 ⋅ 𝑓 (𝑦))
⇔ (∀(𝑥, 𝑦) ∈ 𝐸 2 , ∀𝜆 ∈ 𝐾 , 𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝑦) = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥) + 𝑓 (𝑦))
𝑛 𝑛
⇔ (∀𝑛 ∈ ℕ, ∀(𝑥𝑖 )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ ∈ 𝐸 𝑛 , ∀(𝜆𝑖 )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ ∈ 𝐾 𝑛 , 𝑓 (∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑥𝑖 ) = ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑓 (𝑥𝑖 ))
𝑖=1 𝑖=1

⇔ (∀𝐼 , ∀(𝑥𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐸 𝐼 , ∀(𝜆𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐾 (𝐼 ) , 𝑓 (∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑥𝑖 ) = ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑓 (𝑥𝑖 ))


𝑖∈𝐼 𝑖∈𝐼

⇒ (𝑓 (0𝐸 ) = 0𝐹 ∧ (∀𝑥 ∈ 𝐸, 𝑓 (−𝑥) = −𝑓 (𝑥))).

1
Remarque — Une application est donc linéaire si, et seulement si, l’image d’une combinaison linéaire égale
la combinaison linéaire correspondante des images.
Démonstration — Fixons une application 𝑓 ∈ 𝐹 𝐸 et introduisons les notations propositionnelles suivantes :

𝑃 ⋅⇔ 𝑓 ∈ L(𝐸+, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅),
𝑄 ⋅⇔ (∀(𝑥, 𝑦) ∈ 𝐸 2 , ∀(𝜆, 𝜇) ∈ 𝐾 2 , 𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜇 ⋅ 𝑦) = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥) + 𝜇 ⋅ 𝑓 (𝑦)),
𝑅 ⋅⇔ (∀(𝑥, 𝑦) ∈ 𝐸 2 , ∀𝜆 ∈ 𝐾 , 𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝑦) = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥) + 𝑓 (𝑦)),
𝑆 ⋅⇔ (∀𝑛 ∈ ℕ, ∀(𝑥𝑖 )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ ∈ 𝐸 𝑛 , ∀(𝜆𝑖 )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ ∈ 𝐾 𝑛 , 𝑓 (∑𝑛𝑖=1 𝜆𝑖 ⋅ 𝑥𝑖 ) = ∑𝑛𝑖=1 𝜆𝑖 ⋅ 𝑓 (𝑥𝑖 )),
𝑇 ⋅⇔ (∀𝐼 , ∀(𝑥𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐸 𝐼 , ∀(𝜆𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐾 (𝐼 ) , 𝑓 (∑𝑖∈𝐼 𝜆𝑖 ⋅ 𝑥𝑖 ) = ∑𝑖∈𝐼 𝜆𝑖 ⋅ 𝑓 (𝑥𝑖 )).

Nous procédons par implications successives.


Implication 𝑷 ⇒ 𝑸 Si l’application 𝑓 est linéaire, alors sa compatibilité avec les lois des espaces (𝐸, +, ⋅) et
(𝐹 , +, ⋅) permet d’écrire :

∀(𝑥, 𝑦) ∈ 𝐸 2 , ∀(𝜆, 𝜇) ∈ 𝐾 2 , 𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜇 ⋅ 𝑦) = 𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑥) + 𝑓 (𝜇 ⋅ 𝑦) = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥) + 𝜇 ⋅ 𝑓 (𝑦).

Implication 𝑸 ⇒ 𝑷 Supposons la propriété 𝑄 vérifiée. En choisissant 𝜆 = 1𝐾 = 𝜇 et en invoquant, dans


les espaces (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅), la neutralité à gauche de l’élément 1𝐾 pour les lois de multiplication par un
scalaire, on retrouve la compatibilité de l’application 𝑓 avec les lois additives des espaces :

∀(𝑥, 𝑦) ∈ 𝐸 2 , 𝑓 (𝑥 + 𝑦) = 𝑓 (1𝐾 ⋅ 𝑥 + 1𝐾 ⋅ 𝑦) = 1𝐾 ⋅ 𝑓 (𝑥) + 1𝐾 ⋅ 𝑓 (𝑦) = 𝑓 (𝑥) + 𝑓 (𝑦).

En choisissant 𝜇 = 0𝐾 , 𝑦 ∈ 𝐸 quelconque — par exemple 𝑦 = 0𝐸 — et en invoquant la neutralité additive du


vecteur nul d’un espace vectoriel ainsi que les égalités 0𝐾 ⋅ 𝑦 = 0𝐸 et 0𝐾 ⋅ 𝑓 (𝑦) = 0𝐹 , on retrouve également la
compatibilité de l’application 𝑓 avec les lois de multiplication par un scalaire :

∀𝑥 ∈ 𝐸, ∀𝜆 ∈ 𝐾 , 𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑥) = 𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑥 + 0𝐸 ) = 𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑥 + 0𝐾 ⋅ 𝑦) = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥) + 0𝐾 ⋅ 𝑓 (𝑦) = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥) + 0𝐹 = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥).

Implication 𝑷 ⇒ 𝑹 Elle est analogue à la première implication ; si l’application 𝑓 est linéaire, alors :

∀(𝑥, 𝑦) ∈ 𝐸 2 , ∀𝜆 ∈ 𝐾 , 𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝑦) = 𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑥) + 𝑓 (𝑦) = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥) + 𝑓 (𝑦).

Implication 𝑹 ⇒ 𝑷 Supposons la propriété 𝑅 vérifiée. On retrouve la compatibilité de l’application 𝑓 avec


les additions des espaces (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) comme précédemment, en choisissant 𝜆 = 1𝐾 :

∀(𝑥, 𝑦) ∈ 𝐸 2 , 𝑓 (𝑥 + 𝑦) = 𝑓 (1𝐾 ⋅ 𝑥 + 𝑦) = 1𝐾 ⋅ 𝑓 (𝑥) + 𝑓 (𝑦) = 𝑓 (𝑥) + 𝑓 (𝑦).

L’application 𝑓 est donc un homomorphisme de groupes entre les groupes additifs (𝐸, +) et (𝐹 , +) et l’on a
𝑓 (0𝐸 ) = 0𝐹 :
𝑓 (0𝐸 ) = 𝑓 (0𝐸 ) + 0𝐹 = 𝑓 (0𝐸 ) + (𝑓 (0𝐸 ) − 𝑓 (0𝐸 )) = (𝑓 (0𝐸 ) + 𝑓 (0𝐸 )) − 𝑓 (0𝐸 )
= 𝑓 (0𝐸 + 0𝐸 ) − 𝑓 (0𝐸 ) = 𝑓 (0𝐸 ) − 𝑓 (0𝐸 ) = 0𝐹 .
Dès lors, en choisissant désormais 𝑦 = 0𝐸 , on retrouve la compatibilité de l’application 𝑓 avec les lois de
multiplication par un scalaire :

∀𝑥 ∈ 𝐸, ∀𝜆 ∈ 𝐾 , 𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑥) = 𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑥 + 0𝐸 ) = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥) + 𝑓 (0𝐸 ) = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥) + 0𝐹 = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥).

Implication 𝑸 ⇒ 𝑺 Supposons l’identité 𝑄 vérifiée et démontrons la formule 𝑆 par récurrence.


Initialisation On a déjà établi ci‐dessus la compatibilité de l’application 𝑓 avec les lois de multiplication
par un scalaire : c’est la formule au rang 1. En y choisissant le scalaire nul 0𝐾 , on retrouve l’égalité 𝑓 (0𝐸 ) =
0𝐹 : c’est la formule au rang 0. La formule au rang 2 est donnée par l’hypothèse 𝑄. La récurrence est fondée.
Hérédité Soit un nombre 𝑛 ∈ ℕ. Supposons la formule vérifiée au rang 𝑛 — pour tous 𝑛‐uplets de vecteurs
et de scalaires. Au rang 𝑛 + 1, on calcule, pour tous (𝑛 + 1)‐uplets (𝑥𝑖 )𝑖∈⟦1,𝑛+1⟧ ∈ 𝐸 𝑛+1 et (𝜆𝑖 )𝑖∈⟦1,𝑛+1⟧ ∈ 𝐾 𝑛+1 ,

2
𝑛
en posant 𝑥0 ≔ ∑𝑖=1 𝜆𝑖 ⋅ 𝑥𝑖 ∈ 𝐸 et en invoquant notamment la formule aux rangs 2 et 𝑛 :
𝑛+1
𝑓 ( ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑥𝑖 ) = 𝑓 (𝑥0 + 𝜆𝑛+1 ⋅ 𝑥𝑛+1 ) = 𝑓 (1𝐾 ⋅ 𝑥0 + 𝜆𝑛+1 ⋅ 𝑥𝑛+1 ) = 1𝐾 ⋅ 𝑓 (𝑥0 ) + 𝜆𝑛+1 ⋅ 𝑓 (𝑥𝑛+1 )
𝑖=1 𝑛 𝑛 𝑛+1
= 𝑓 (∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑥𝑖 ) + 𝜆𝑛+1 ⋅ 𝑓 (𝑥𝑛+1 ) = ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑓 (𝑥𝑖 ) + 𝜆𝑛+1 ⋅ 𝑓 (𝑥𝑛+1 ) = ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑓 (𝑥𝑖 ).
𝑖=1 𝑖=1 𝑖=1

D’où le résultat escompté et, puisque le nombre 𝑛 est quelconque, l’hérédité de la récurrence.
Conclusion Le principe de récurrence assure la validité universelle de la propriété : la proposition 𝑆 est
effectivement vérifiée.
Implication 𝑺 ⇒ 𝑸 La proposition 𝑄 est un cas particulier de la formule 𝑆 : il suffit de choisir 𝑛 = 2.
Implication 𝑺 ⇒ 𝑻 Supposons la propriété 𝑆 vérifiée. Pour tout ensemble 𝐼 , toute famille de vecteurs
(𝑥𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐸 𝐼 et toute famille de scalaires 𝛬 = (𝜆𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐾 (𝐼 ) à support fini, on calcule, en notant 𝑆 ≔ supp(𝛬) et
𝑛 ≔ card(𝑆) ∈ ℕ puis en considérant une bijection 𝑔 : ⟦1, 𝑛⟧ → 𝑆 :
𝑛 𝑛
𝑓 (∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑥𝑖 ) = 𝑓 (∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑥𝑖 ) = 𝑓 (∑ 𝜆𝑔(𝑗) ⋅ 𝑥𝑔(𝑗) ) = ∑ 𝜆𝑔(𝑗) ⋅ 𝑓 (𝑥𝑔(𝑗) ) = ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑓 (𝑥𝑖 ) = ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑓 (𝑥𝑖 ),
𝑖∈𝐼 𝑖∈𝑆 𝑗 =1 𝑗 =1 𝑖∈𝑆 𝑖∈𝐼

où l’on a procédé à deux réindexations et invoqué l’hypothèse vérifiée par l’application 𝑓 .


Implication 𝑻 ⇒ 𝑺 La proposition 𝑆 découle de la condition 𝑇 en choisissant l’ensemble 𝐼 égal à un intervalle
de l’ensemble ordonné (ℕ, ⩽) de la forme ⟦1, 𝑛⟧, pour 𝑛 ∈ ℕ quelconque.
On a prouvé que : • la proposition 𝑃 est équivalente aux deux conditions 𝑄 et 𝑅 ; • l’assertion 𝑄 équivaut à la
proposition 𝑆 ; • les affirmations 𝑆 et 𝑇 sont équivalentes. En définitive, compte tenu de la commutativité et
de la transitivité du connecteur logique d’équivalence, les cinq propositions 𝑃, 𝑄, 𝑅, 𝑆 et 𝑇 sont deux à deux
équivalentes. Lorsque l’application 𝑓 est linéaire, on a souligné qu’elle est, en particulier, un homomorphisme
de groupes entre les groupes (𝐸, +) et (𝐹 , +) et l’on a redémontré que 𝑓 (0𝐸 ) = 0𝐹 ; la compatibilité avec le
passage à l’opposé est également connue :

∀𝑥 ∈ 𝐸, 𝑓 (−𝑥) = 𝑓 (−𝑥) + 0𝐹 = 𝑓 (−𝑥) + (𝑓 (𝑥) − 𝑓 (𝑥)) = (𝑓 (−𝑥) + 𝑓 (𝑥)) − 𝑓 (𝑥)


= 𝑓 (−𝑥 + 𝑥) − 𝑓 (𝑥) = 𝑓 (0𝐸 ) − 𝑓 (𝑥) = 0𝐹 − 𝑓 (𝑥) = −𝑓 (𝑥).

(On peut aussi choisir le scalaire −1𝐾 dans la propriété de compatibilité avec les lois de multiplication par un
scalaire et invoquer la règle des signes dans chacun des espaces (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅).) □
Corollaire 4 — Soient (𝐾 , +, ×) un corps et (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) deux (𝐾 , +, ×)‐espaces vectoriels. L’application
identiquement nulle 0𝐹 𝐸 : 𝐸 ∋ 𝑥 ↦ 0𝐹 ∈ 𝐹 est linéaire entre les espaces (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) et l’identité id𝐸 : 𝐸 ∋
𝑥 ↦ 𝑥 ∈ 𝐸 est un automorphisme de l’espace (𝐸, +, ⋅) :

0𝐹 𝐸 ∈ L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅), id𝐸 ∈ GL(𝐸, +, ⋅).

Démonstration — On calcule :

∀(𝑥, 𝑦) ∈ 𝐸 2 , ∀(𝜆, 𝜇) ∈ 𝐾 2 , 0𝐹 𝐸 (𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜇 ⋅ 𝑦) = 0𝐹 = 0𝐹 + 0𝐹 = 𝜆 ⋅ 0𝐹 + 𝜇 ⋅ 0𝐹 = 𝜆 ⋅ 0𝐹 𝐸 (𝑥) + 𝜇 ⋅ 0𝐹 𝐸 (𝑦),


id𝐸 (𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜇 ⋅ 𝑦) = 𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜇 ⋅ 𝑦 = 𝜆 ⋅ id𝐸 (𝑥) + 𝜇 ⋅ id𝐸 (𝑦).

L’application id𝐸 est, de plus, évidemment bijective, égale à sa bijection réciproque. □


Corollaire 5 — Soient (𝐾 , +, ×) un corps et (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) deux (𝐾 , +, ×)‐espaces vectoriels. Pour toute forme
linéaire 𝜑 ∈ L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐾 , +, ×) de l’espace (𝐸, +, ⋅) et tout vecteur 𝑦 ∈ 𝐹 , l’application 𝑓 : 𝐸 ∋ 𝑥 ↦ 𝜑(𝑥) ⋅ 𝑦 ∈ 𝐹 est
linéaire entre les espaces (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅), c’est‐à‐dire élément de l’ensemble L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅).
Démonstration — Conservons les notations de l’énoncé. Pour tous couples (𝑥, 𝑥 ′ ) ∈ 𝐸 2 et (𝜆, 𝜆′ ) ∈ 𝐾 2 , on
calcule, en invoquant la linéarité de la forme linéaire 𝜑 ainsi que les règles de calcul dans l’espace (𝐹 , +, ⋅) :

𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜆′ ⋅ 𝑥 ′ ) = 𝜑(𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜆′ ⋅ 𝑥 ′ ) ⋅ 𝑦 = (𝜆 × 𝜑(𝑥) + 𝜆′ × 𝜑(𝑥 ′ )) ⋅ 𝑦 = (𝜆 × 𝜑(𝑥)) ⋅ 𝑦 + (𝜆′ × 𝜑(𝑥 ′ )) ⋅ 𝑦


= 𝜆 ⋅ (𝜑(𝑥) ⋅ 𝑦) + 𝜆′ ⋅ (𝜑(𝑥 ′ ) ⋅ 𝑦) = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥) + 𝜆′ ⋅ 𝑓 (𝑥 ′ ). □

3
Exemple — Le triplet (ℝℝ , +, ⋅), où les lois + et ⋅ sont définies élément par élément à l’aide des lois + et ×
de l’ensemble ℝ, est un (ℝ, +, ×)‐espace vectoriel. On s’intéresse à son sous‐ensemble 𝒟(ℝ, ℝ), constitué des
fonctions dérivables. Les propriétés de la dérivation assurent que :
2
∀(𝑓 , 𝑔) ∈ (𝒟(ℝ, ℝ)) , ∀(𝜆, 𝜇) ∈ ℝ2 , 𝜆 ⋅ 𝑓 + 𝜇 ⋅ 𝑔 ∈ 𝒟(ℝ, ℝ) ∧ (𝜆 ⋅ 𝑓 + 𝜇 ⋅ 𝑔)′ = 𝜆 ⋅ 𝑓 ′ + 𝜇 ⋅ 𝑔 ′ ,

ce qui signifie que : • la partie 𝒟(ℝ, ℝ) — bien sûr non vide car possédant par exemple la fonction identiquement
nulle 0ℝℝ — définit un sous‐espace de l’espace (ℝℝ , +, ⋅) ; • l’opérateur de dérivation 𝒟(ℝ, ℝ) ∋ 𝑓 ↦ 𝑓 ′ ∈ ℝℝ
est linéaire entre les espaces (𝒟(ℝ, ℝ), +, ⋅) et (ℝℝ , +, ⋅).
Exemples — Soient un corps (𝐾 , +, ×) et un nombre 𝑛 ∈ ℕ. On travaille dans le (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel (𝐾 𝑛 ,
+, ⋅), dont les lois sont définies coordonnée par coordonnée à partir des lois du corps. On considère l’application
𝑛
𝑓 : 𝐾 𝑛 → 𝐾 et la famille d’applications (𝑔𝜎 )𝜎 ∈ 𝔖𝑛 ∈ ((𝐾 𝑛 )𝐾 )𝔖𝑛 définies par :

𝐾𝑛 → 𝐾

𝑛
⎞ 𝐾𝑛 → 𝐾𝑛
𝑓:⎜ , ∀𝜎 ∈ 𝔖𝑛 , 𝑔𝜎 : ( ).
⎜(𝑥𝑖 )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ ↦ ∑ 𝑥𝑖 ⎟⎟ (𝑥𝑖 )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ ↦ (𝑥𝜎(𝑖) )𝑖∈⟦1,𝑛⟧
⎝ 𝑖=1 ⎠

On calcule, étant donnés un couple de vecteurs (𝑥, 𝑦) = ((𝑥𝑖 )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ , (𝑦𝑖 )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ ) ∈ (𝐾 𝑛 )2 , un couple de scalaires
(𝜆, 𝜇) ∈ 𝐾 2 et une permutation 𝜎 ∈ 𝔖𝑛 :
𝑛 𝑛 𝑛 𝑛 𝑛
𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜇 ⋅ 𝑦) = 𝑓 ((𝜆𝑥𝑖 + 𝜇𝑦𝑖 )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ ) = ∑(𝜆𝑥𝑖 + 𝜇𝑦𝑖 ) = ∑ 𝜆𝑥𝑖 + ∑ 𝜇𝑦𝑖 = 𝜆 ∑ 𝑥𝑖 + 𝜇 ∑ 𝑦𝑖
𝑖=1 𝑖=1 𝑖=1 𝑖=1 𝑖=1
= 𝜆𝑓 (𝑥) + 𝜇𝑓 (𝑦),
𝑔𝜎 (𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜇 ⋅ 𝑦) = 𝑔𝜎 ((𝜆𝑥𝑖 + 𝜇𝑦𝑖 )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ ) = (𝜆𝑥𝜎(𝑖) + 𝜇𝑦𝜎(𝑖) )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ = (𝜆𝑥𝜎(𝑖) )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ + (𝜇𝑦𝜎(𝑖) )𝑖∈⟦1,𝑛⟧
= 𝜆 ⋅ (𝑥𝜎(𝑖) )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ + 𝜇 ⋅ (𝑦𝜎(𝑖) )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ = 𝜆 ⋅ 𝑔𝜎 (𝑥) + 𝜇 ⋅ 𝑔𝜎 (𝑦),
(𝑔𝜎 −1 ∘ 𝑔𝜎 )(𝑥) = 𝑔𝜎 −1 ((𝑥𝜎(𝑖) )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ ) = (𝑥(𝜎 ∘𝜎 −1 )(𝑖) )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ = (𝑥𝑖 )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ = 𝑥 = id𝐾 𝑛 (𝑥),
(𝑔𝜎 ∘ 𝑔𝜎 −1 )(𝑥) = 𝑔𝜎 ((𝑥𝜎 −1 (𝑖) )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ ) = (𝑥(𝜎 −1 ∘𝜎)(𝑖) )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ = (𝑥𝑖 )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ = 𝑥 = id𝐾 𝑛 (𝑥).

On déduit, les éléments considérés étant quelconques, que l’application 𝑓 est une forme linéaire de l’espace
(𝐾 𝑛 , +, ⋅) tandis que, pour tout 𝜎 ∈ 𝔖𝑛 , l’application 𝑔𝜎 en est un automorphisme, de bijection réciproque égale
à l’application 𝑔𝜎 −1 .
Rappels — Soient un corps (𝐾 , +, ×), un (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel (𝐸, +, ⋅) admettant une base ℬ = (𝑒𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐸 𝐼
indexée par un certain ensemble 𝐼 ainsi que la famille (𝜋𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ (𝐾 ℱ )𝐼 des projections relatives à l’ensemble
ℱ ≔ 𝐾 (𝐼 ) :
𝐾 (𝐼 ) → 𝐾
∀𝑖 ∈ 𝐼 , 𝜋𝑖 : ( ), ∀𝛬 ∈ 𝐾 (𝐼 ) , 𝛬 = (𝜋𝑖 (𝛬))𝑖∈𝐼 .
(𝜆𝑗 )𝑗 ∈𝐼 ↦ 𝜆𝑖

(i) L’application 𝑔 : 𝐾 (𝐼 ) ∋ (𝜆𝑖 )𝑖∈𝐼 ↦ ∑𝑖∈𝐼 𝜆𝑖 ⋅ 𝑒𝑖 ∈ 𝐸 est : • bien définie, par définition d’une combinaison
linéaire ; • injective, par liberté de la famille ℬ dans l’espace (𝐸, +, ⋅) ; • surjective, en vertu du caractère
générateur de la famille ℬ vis‐à‐vis de l’espace (𝐸, +, ⋅) ; • conséquemment bijective.
(ii) La bijection réciproque 𝑓 ≔ 𝑔 −1 : 𝐸 → 𝐾 (𝐼 ) est appelée application des coordonnées dans la base ℬ : à
tout vecteur 𝑥 ∈ 𝐸, elle associe la famille des coordonnées du vecteur 𝑥 dans la base ℬ, unique famille de
scalaires à support fini 𝛬 = (𝜆𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐾 (𝐼 ) telle que 𝑥 = 𝑔(𝛬) = ∑𝑖∈𝐼 𝜆𝑖 ⋅ 𝑒𝑖 .
(iii) Pour tout — éventuel — indice 𝑖 ∈ 𝐼 , on appelle 𝑖‐ième application coordonnée dans la base ℬ l’application
𝜑𝑖 ≔ 𝜋𝑖 ∘ 𝑓 : 𝐸 → 𝐾 . La famille (𝜑𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ (𝐾 𝐸 )𝐼 de ces applications est telle que, pour tout vecteur 𝑥 ∈ 𝐸, la
famille de scalaires (𝜑𝑖 (𝑥))𝑖∈𝐼 = 𝑓 (𝑥) est la famille des coordonnées du vecteur 𝑥 dans la base ℬ.
Proposition 6 — Soient (𝐾 , +, ×) un corps et (𝐸, +, ⋅) un (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel admettant une base ℬ =
(𝑒𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐸 𝐼 indexée par un certain ensemble 𝐼 . On considère : • la bijection 𝑔 : 𝐾 (𝐼 ) ∋ (𝜆𝑖 )𝑖∈𝐼 ↦ ∑𝑖∈𝐼 𝜆𝑖 ⋅ 𝑒𝑖 ∈ 𝐸 ;
• l’application 𝑓 ≔ 𝑔 −1 : 𝐸 → 𝐾 (𝐼 ) des coordonnées dans la base ℬ ; • la famille (𝜑𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ (𝐾 𝐸 )𝐼 des applications
coordonnées dans la base ℬ.
(i) L’application 𝑔 est un isomorphisme de l’espace (𝐾 (𝐼 ) , +, ⋅) vers l’espace (𝐸, +, ⋅).
(ii) L’application des coordonnées 𝑓 est un isomorphisme de l’espace (𝐸, +, ⋅) vers l’espace (𝐾 (𝐼 ) , +, ⋅).

4
(iii) Les applications coordonnées 𝜑𝑖 , pour 𝑖 ∈ 𝐼 , sont des formes linéaires de l’espace (𝐸, +, ⋅).
En résumé :

𝑔 ∈ iso(𝐾 (𝐼 ) , +, ⋅ ; 𝐸, +, ⋅), 𝑓 ∈ iso(𝐸, +, ⋅ ; 𝐾 (𝐼 ) , +, ⋅), ∀𝑖 ∈ 𝐼 , 𝜑𝑖 ∈ L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐾 , +, ×).

Démonstration — (i) Soient deux couples (𝛬, 𝛭) = ((𝜆𝑖 )𝑖∈𝐼 , (𝜇𝑖 )𝑖∈𝐼 ) ∈ (𝐾 (𝐼 ) )2 et (𝜆, 𝜇) ∈ 𝐾 2 . Rappelons que
la réunion 𝑆 ∪ 𝑇 des supports finis 𝑆 ≔ supp(𝛬) et 𝑇 ≔ supp(𝛭) est finie et contient chacun des trois
ensembles 𝑆, 𝑇 et 𝑈 ≔ supp(𝜆 ⋅ 𝛬 + 𝜇 ⋅ 𝛭) — ce qui garantit la finitude de l’ensemble 𝑈 et la relation
𝜆 ⋅ 𝛬 + 𝜇 ⋅ 𝛭 ∈ 𝐾 (𝐼 ) . On calcule, en invoquant les règles de calcul dans l’espace (𝐸, +, ⋅) :

𝑔(𝜆 ⋅ 𝛬 + 𝜇 ⋅ 𝛭) = ∑(𝜆𝜆𝑖 + 𝜇𝜇𝑖 ) ⋅ 𝑒𝑖 = ∑ (𝜆𝜆𝑖 + 𝜇𝜇𝑖 ) ⋅ 𝑒𝑖 = ∑ (𝜆𝜆𝑖 ⋅ 𝑒𝑖 + 𝜇𝜇𝑖 ⋅ 𝑒𝑖 )


𝑖∈𝐼 𝑖∈𝑆 ∪𝑇 𝑖∈𝑆 ∪𝑇
= ∑ 𝜆 ⋅ (𝜆𝑖 ⋅ 𝑒𝑖 ) + ∑ 𝜇 ⋅ (𝜇𝑖 ⋅ 𝑒𝑖 ) = 𝜆 ⋅ ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑒𝑖 + 𝜇 ⋅ ∑ 𝜇𝑖 ⋅ 𝑒𝑖
𝑖∈𝑆 ∪𝑇 𝑖∈𝑆 ∪𝑇 𝑖∈𝑆 ∪𝑇 𝑖∈𝑆 ∪𝑇
= 𝜆 ⋅ ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑒𝑖 + 𝜇 ⋅ ∑ 𝜇𝑖 ⋅ 𝑒𝑖 = 𝜆 ⋅ 𝑔(𝛬) + 𝜇 ⋅ 𝑔(𝛭).
𝑖∈𝐼 𝑖∈𝐼

D’où, les éléments considérés étant quelconques, la linéarité de la bijection 𝑔, qui est donc un isomor‐
phisme, élément de l’ensemble iso(𝐾 (𝐼 ) , +, ⋅ ; 𝐸, +, ⋅).
(ii) Pour tous couples (𝑥, 𝑦) ∈ 𝐸 2 et (𝜆, 𝜇) ∈ 𝐾 2 , on calcule, notant (𝛬, 𝛭) ≔ (𝑓 (𝑥), 𝑓 (𝑦)) ∈ (𝐾 (𝐼 ) )2 :

𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜇 ⋅ 𝑦) = 𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑔(𝛬) + 𝜇 ⋅ 𝑔(𝛭)) = 𝑓 (𝑔(𝜆 ⋅ 𝛬 + 𝜇 ⋅ 𝛭)) = (𝑓 ∘ 𝑔)(𝜆 ⋅ 𝛬 + 𝜇 ⋅ 𝛭)


= id𝐾 (𝐼 ) (𝜆 ⋅ 𝛬 + 𝜇 ⋅ 𝛭) = 𝜆 ⋅ 𝛬 + 𝜇 ⋅ 𝛭 = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥) + 𝜇 ⋅ 𝑓 (𝑦).

La bijection 𝑓 est ainsi linéaire : elle est un isomorphisme appartenant à l’ensemble iso(𝐸, +, ⋅ ; 𝐾 (𝐼 ) , +, ⋅).
(iii) On a évidemment, pour tous couples (𝑥, 𝑦) ∈ 𝐸 2 et (𝜆, 𝜇) ∈ 𝐾 2 :

(𝜑𝑖 (𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜇 ⋅ 𝑦))𝑖∈𝐼 = 𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜇 ⋅ 𝑦) = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥) + 𝜇 ⋅ 𝑓 (𝑦)


= 𝜆 ⋅ (𝜑𝑖 (𝑥))𝑖∈𝐼 + 𝜇 ⋅ (𝜑𝑖 (𝑦))𝑖∈𝐼 = (𝜆𝜑𝑖 (𝑥) + 𝜇𝜑𝑖 (𝑦))𝑖∈𝐼
et :
∀𝑖 ∈ 𝐼 , 𝜑𝑖 (𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜇 ⋅ 𝑦) = 𝜆𝜑𝑖 (𝑥) + 𝜇𝜑𝑖 (𝑦).
C’est donc que les applications 𝜑𝑖 , pour 𝑖 ∈ 𝐼 , sont toutes des formes linéaires, éléments de l’ensemble L(𝐸,
+, ⋅ ; 𝐾 , +, ×). □
Définition 7 (Famille duale) — Soient (𝐾 , +, ×) un corps et (𝐸, +, ⋅) un (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel admettant
une base ℬ = (𝑒𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐸 𝐼 indexée par un certain ensemble 𝐼 . On appelle famille duale — ou système dual si
l’ensemble 𝐼 est fini — de la base ℬ et l’on note généralement ℬ∗ = (𝑒𝑖∗ )𝑖∈𝐼 ∈ (L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐾 , +, ×))𝐼 la famille
des formes linéaires coordonnées dans la base ℬ.
Lemme 8 — Soient (𝐾 , +, ×) un corps et (𝐸, +, ⋅) un (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel admettant une base ℬ = (𝑒𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐸 𝐼
indexée par un certain ensemble 𝐼 . Désignant par 𝐼 2 ∋ (𝑖, 𝑗) ↦ δ𝑖,𝑗 ∈ {0𝐾 , 1𝐾 } le symbole de Kronecker relatif à
l’ensemble 𝐼 et au corps (𝐾 , +, ×), la famille duale ℬ∗ = (𝑒𝑖∗ )𝑖∈𝐼 ∈ (L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐾 , +, ×))𝐼 de la base ℬ vérifie :

∀(𝑖, 𝑗) ∈ 𝐼 2 , 𝑒𝑖∗ (𝑒𝑗 ) = δ𝑖,𝑗 .

Démonstration — Pour tout — éventuel — indice 𝑗 ∈ 𝐼 , la famille de scalaires (δ𝑖,𝑗 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐾 𝐼 : • est de support égal
au singleton {𝑗}, fini ; • appartient donc à l’ensemble 𝐾 (𝐼 ) ; • vérifie les égalités ∑𝑖∈𝐼 δ𝑖,𝑗 ⋅ 𝑒𝑖 = δ𝑗,𝑗 ⋅ 𝑒𝑗 = 1𝐾 ⋅ 𝑒𝑗 = 𝑒𝑗 ;
• est conséquemment la famille des coordonnées du vecteur 𝑒𝑗 dans la base ℬ ; • égale dès lors la famille
(𝑒𝑖∗ (𝑒𝑗 ))𝑖∈𝐼 ; • vérifie, pour tout — éventuel — indice 𝑖 ∈ 𝐼 , l’égalité δ𝑖,𝑗 = 𝑒𝑖∗ (𝑒𝑗 ). □
Proposition 9 — Soient un corps (𝐾 , +, ×) et un (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel (𝐸, +, ⋅) admettant deux bases ℬ =
(𝑒𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐸 𝐼 et 𝒞 = (𝑓𝑗 )𝑗 ∈𝐽 ∈ 𝐸 𝐽 respectivement indexées par des ensembles 𝐼 et 𝐽 . On note ℬ∗ = (𝑒𝑖∗ )𝑖∈𝐼 ∈ (L(𝐸, +,
⋅ ; 𝐾 , +, ×))𝐼 et 𝒞 ∗ = (𝑓𝑗∗ )𝑗 ∈𝐽 ∈ (L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐾 , +, ×))𝐽 les familles duales respectives des bases ℬ et 𝒞 . Les égalités
ℬ = 𝒞 et ℬ∗ = 𝒞 ∗ sont équivalentes.

Démonstration — Implication directe Si ℬ = 𝒞 , alors il est immédiat que ℬ∗ = 𝒞 ∗ .

5
Implication réciproque Supposons que ℬ∗ = 𝒞 ∗ . D’une part, les deux ensembles d’indexation — sources —
𝐼 et 𝐽 des familles ℬ∗ et 𝒞 ∗ sont égaux ; d’autre part, lesdites familles ont les mêmes éléments, au sens où :

∀𝑖 ∈ 𝐼 = 𝐽 , 𝑒𝑖∗ = 𝑓𝑖∗ .

Notons 𝐼 2 ∋ (𝑖, 𝑗) ↦ δ𝑖,𝑗 ∈ {0𝐾 , 1𝐾 } le symbole de Kronecker associé à l’ensemble 𝐼 et au corps (𝐾 , +, ×).
Pour tout — éventuel — indice 𝑗 ∈ 𝐼 , les coordonnées du vecteur 𝑒𝑗 dans la base 𝒞 sont données par la famille
(𝑓𝑖∗ (𝑒𝑗 ))𝑖∈𝐼 = (𝑒𝑖∗ (𝑒𝑗 ))𝑖∈𝐼 = (δ𝑖,𝑗 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐾 (𝐼 ) , de support réduit au singleton {𝑗}, et l’on peut donc écrire et calculer :

𝑒𝑗 = ∑ 𝑓𝑖∗ (𝑒𝑗 ) ⋅ 𝑓𝑖 = ∑ 𝑒𝑖∗ (𝑒𝑗 ) ⋅ 𝑓𝑖 = ∑ δ𝑖,𝑗 ⋅ 𝑓𝑖 = ∑ δ𝑖,𝑗 ⋅ 𝑓𝑖 = 1𝐾 ⋅ 𝑓𝑗 = 𝑓𝑗 .


𝑖∈𝐼 𝑖∈𝐼 𝑖∈𝐼 𝑖∈{𝑗}

En définitive, les bases ℬ et 𝒞 : • ont le même ensemble d’indexation — source — 𝐼 = 𝐽 ; • ont le même but 𝐸 ;
• ont les mêmes éléments — au sens où elles coïncident sur l’ensemble 𝐼 — ; • sont conséquemment égales. □
Proposition 10 — Soient (𝐾 , +, ×) un corps et (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) deux (𝐾 , +, ×)‐espaces vectoriels. On suppose
que l’espace (𝐸, +, ⋅) admet une base ℬ = (𝑒𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐸 𝐼 indexée par un certain ensemble 𝐼 . L’on introduit : • la
famille duale ℬ∗ = (𝑒𝑖∗ )𝑖∈𝐼 ∈ (L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐾 , +, ×))𝐼 de la base ℬ ; • une famille de vecteurs 𝒴 = (𝑦𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐹 𝐼 de
l’espace (𝐹 , +, ⋅), elle aussi indexée par l’ensemble 𝐼 . Il existe une unique application linéaire 𝑓 ∈ L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅)
envoyant la base ℬ sur la famille 𝒴 , au sens où 𝑓 ∘ ℬ = 𝒴 — c’est‐à‐dire que (𝑓 (𝑒𝑖 ))𝑖∈𝐼 = (𝑦𝑖 )𝑖∈𝐼 — ; il s’agit de
l’application 𝑓 : 𝐸 ∋ 𝑥 ↦ ∑𝑖∈𝐼 𝑒𝑖∗ (𝑥) ⋅ 𝑦𝑖 ∈ 𝐹 . Formellement, cette application 𝑓 est bien définie et vérifie :

𝑓 ∈ L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅) ∧ (∀𝑔 ∈ L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅), 𝑔 ∘ ℬ = 𝒴 ⇔ 𝑔 = 𝑓 ).

Démonstration — Nous désignerons par 𝐼 2 ∋ (𝑖, 𝑗) ↦ δ𝑖,𝑗 ∈ {0𝐾 , 1𝐾 } le symbole de Kronecker relatif à l’en‐
semble 𝐼 et au corps (𝐾 , +, ×). Raisonnons par analyse‐synthèse.
Analyse Supposons qu’il existe une application linéaire 𝑓 ∈ L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅) telle que 𝑓 ∘ ℬ = 𝒴 . Elle est
alors entièrement et uniquement déterminée car :

∀𝑥 ∈ 𝐸, 𝑥 = ∑ 𝑒𝑖∗ (𝑥) ⋅ 𝑒𝑖 ∧ 𝑓 (𝑥) = 𝑓 (∑ 𝑒𝑖∗ (𝑥) ⋅ 𝑒𝑖 ) = ∑ 𝑒𝑖∗ (𝑥) ⋅ 𝑓 (𝑒𝑖 ) = ∑ 𝑒𝑖∗ (𝑥) ⋅ 𝑦𝑖 .
𝑖∈𝐼 𝑖∈𝐼 𝑖∈𝐼 𝑖∈𝐼

Synthèse Étudions l’application 𝑓 : 𝐸 ∋ 𝑥 ↦ ∑𝑖∈𝐼 𝑒𝑖∗ (𝑥) ⋅ 𝑦𝑖 ∈ 𝐹 .


Bonne définition Pour tout vecteur 𝑥 ∈ 𝐸, la famille de scalaires (𝑒𝑖∗ (𝑥))𝑖∈𝐼 ∈ 𝐾 (𝐼 ) est à support fini et la
combinaison linéaire ∑𝑖∈𝐼 𝑒𝑖∗ (𝑥) ⋅ 𝑦𝑖 est bien définie dans l’espace (𝐹 , +, ⋅).
Linéarité Soient deux couples (𝑥, 𝑥 ′ ) ∈ 𝐸 2 et (𝜆, 𝜆′ ) ∈ 𝐾 2 . Posons 𝑥 ″ ≔ 𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜆′ ⋅ 𝑥 ′ ∈ 𝐸 et notons
respectivement 𝑆, 𝑆 ′ et 𝑆 ″ les supports, finis, des familles (𝑒𝑖∗ (𝑥))𝑖∈𝐼 ∈ 𝐾 (𝐼 ) , (𝑒𝑖∗ (𝑥 ′ ))𝑖∈𝐼 ∈ 𝐾 (𝐼 ) et (𝑒𝑖∗ (𝑥 ″ ))𝑖∈𝐼 ∈
𝐾 (𝐼 ) . Rappelons que : • l’égalité 𝑒 ∗ (𝑥 ″ ) = (𝜆𝑒𝑖∗ (𝑥) + 𝜆′ 𝑒𝑖∗ (𝑥 ′ ))𝑖∈𝐼 est vérifiée ; • les trois ensembles 𝑆, 𝑆 ′ et 𝑆 ″
sont inclus dans la réunion 𝑆 ∪ 𝑆 ′ . On calcule, en invoquant les règles de calcul et les propriétés des sommes
indexées dans l’espace (𝐹 , +, ⋅) :

𝑓 (𝑥 ″ ) = ∑ 𝑒𝑖∗ (𝑥 ″ ) ⋅ 𝑦𝑖 = ∑ (𝜆𝑒𝑖∗ (𝑥) + 𝜆′ 𝑒𝑖∗ (𝑥 ′ )) ⋅ 𝑦𝑖 = ∑ (𝜆𝑒𝑖∗ (𝑥) ⋅ 𝑦𝑖 + 𝜆′ 𝑒𝑖∗ (𝑥 ′ ) ⋅ 𝑦𝑖 )


𝑖∈𝐼 𝑖∈𝑆 ∪𝑆 ′ 𝑖∈𝑆 ∪𝑆 ′
= ∑ 𝜆 ∗
⋅ (𝑒𝑖 (𝑥) ⋅ 𝑦𝑖 ) + ∑ 𝜆′ ⋅ (𝑒𝑖∗ (𝑥 ′ ) ⋅ 𝑦𝑖 ) = 𝜆 ⋅ ∑ 𝑒𝑖∗ (𝑥) ⋅ 𝑦𝑖 + 𝜆′ ⋅ ∑ 𝑒𝑖∗ (𝑥 ′ ) ⋅ 𝑦𝑖
𝑖∈𝑆 ∪𝑆 ′ 𝑖∈𝑆 ∪𝑆 ′ 𝑖∈𝑆 ∪𝑆 ′ 𝑖∈𝑆 ∪𝑆 ′
= 𝜆 ⋅ ∑ 𝑒𝑖∗ (𝑥) ⋅ 𝑦𝑖 + 𝜆′ ⋅ ∑ 𝑒𝑖∗ (𝑥 ′ ) ⋅ 𝑦𝑖 = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥) + 𝜆′ ⋅ 𝑓 (𝑥 ′ ).
𝑖∈𝐼 𝑖∈𝐼

Puisque les éléments considérés sont quelconques, c’est donc que 𝑓 ∈ L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅).
Transformation Enfin, se rappelant que tout — éventuel — indice 𝑗 ∈ 𝐼 est tel que 𝑒 ∗ (𝑒𝑗 ) = (δ𝑖,𝑗 )𝑖∈𝐼 et que
supp(𝑒 ∗ (𝑒𝑗 )) = {𝑗}, on calcule :

∀𝑗 ∈ 𝐼 , 𝑓 (𝑒𝑗 ) = ∑ 𝑒𝑖∗ (𝑒𝑗 ) ⋅ 𝑦𝑖 = ∑ δ𝑖,𝑗 ⋅ 𝑦𝑖 = 1𝐾 ⋅ 𝑦𝑗 = 𝑦𝑗 , 𝑓 ∘ ℬ = (𝑓 (𝑒𝑖 ))𝑖∈𝐼 = (𝑦𝑖 )𝑖∈𝐼 = 𝒴.


𝑖∈𝐼 𝑖∈{𝑗}

Conclusion On a établi l’existence — en synthèse — et l’unicité — en analyse — d’une application 𝑓 ∈ L(𝐸,


+, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅) telle que 𝑓 ∘ ℬ = 𝒴 , à savoir l’application 𝑓 : 𝐸 ∋ 𝑥 ↦ ∑𝑖∈𝐼 𝑒𝑖∗ (𝑥) ⋅ 𝑦𝑖 ∈ 𝐹 . □

6
Corollaire 11 — Soient (𝐾 , +, ×) un corps et (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) deux (𝐾 , +, ×)‐espaces vectoriels. On suppose
que l’espace (𝐸, +, ⋅) admet une base ℬ = (𝑒𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐸 𝐼 indexée par un certain ensemble 𝐼 . On a les équivalences
suivantes, où 0𝐹 𝐸 : 𝐸 ∋ 𝑥 ↦ 0𝐹 ∈ 𝐹 et 0𝐹 𝐼 : 𝐼 ∋ 𝑖 ↦ 0𝐹 ∈ 𝐹 :
2
∀(𝑓 , 𝑔) ∈ (L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅)) , (𝑓 ∘ ℬ = 𝑔 ∘ ℬ ⇔ 𝑓 = 𝑔) ∧ (𝑓 ∘ ℬ = 0𝐹 𝐼 ⇔ 𝑓 = 0𝐹 𝐸 ).
Démonstration — Soit un couple (𝑓 , 𝑔) ∈ (L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅))2 . Établissons la première équivalence.
Implication réciproque Si 𝑓 = 𝑔, alors il est immédiat que 𝑓 ∘ ℬ = 𝑔 ∘ ℬ.
Implication directe Si 𝑓 ∘ ℬ = 𝑔 ∘ ℬ, alors, notant 𝒴 ≔ 𝑓 ∘ ℬ = 𝑔 ∘ ℬ ∈ 𝐹 𝐼 , les égalités 𝑓 ∘ ℬ = 𝒴 = 𝑔 ∘ ℬ
et la propriété d’unicité de la proposition précédente assurent que 𝑓 = 𝑔.
La seconde équivalence se déduit en choisissant 𝑔 = 0𝐹 𝐸 et en remarquant que 0𝐹 𝐸 ∘ ℬ = 0𝐹 𝐼 . □
Corollaire 12 — Soient (𝐾 , +, ×) un corps et (𝐸, +, ⋅) un (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel admettant une base ℬ =
(𝑒𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐸 𝐼 indexée par un certain ensemble 𝐼 . Notons 𝐼 2 ∋ (𝑖, 𝑗) ↦ δ𝑖,𝑗 ∈ {0𝐾 , 1𝐾 } le symbole de Kronecker
associé à l’ensemble 𝐼 et au corps (𝐾 , +, ×). La famille duale ℬ∗ = (𝑒𝑖∗ )𝑖∈𝐼 ∈ (L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐾 , +, ×))𝐼 est l’unique
famille de formes linéaires de l’espace (𝐸, +, ⋅) telle que :
∀(𝑖, 𝑗) ∈ 𝐼 2 , 𝑒𝑖∗ (𝑒𝑗 ) = δ𝑖,𝑗 .
Démonstration — On a vu que la famille duale ℬ∗ satisfait à l’identité ci‐dessus. Toute autre famille 𝒞 =
(𝜑𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ (L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐾 , +, ×))𝐼 vérifiant également cette identité est telle que :
∀𝑖 ∈ 𝐼 , (∀𝑗 ∈ 𝐼 , 𝜑𝑖 (𝑒𝑗 ) = δ𝑖,𝑗 = 𝑒𝑖∗ (𝑒𝑗 )) ∧ 𝜑𝑖 ∘ ℬ = 𝑒𝑖∗ ∘ ℬ ∧ 𝜑𝑖 = 𝑒𝑖∗ , 𝒞 = (𝜑𝑖 )𝑖∈𝐼 = (𝑒𝑖∗ )𝑖∈𝐼 = ℬ∗ . □

2 Opérations sur des applications linéaires & propriétés structurelles


Proposition 13 — Soient (𝐾 , +, ×) un corps et (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) deux (𝐾 , +, ×)‐espaces vectoriels. On désigne
par 𝐿 ≔ L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅) l’ensemble des applications linéaires de l’espace (𝐸, +, ⋅) vers l’espace (𝐹 , +, ⋅). Les appli‐
cations + et ⋅ suivantes — pour lesquelles on adopte une notation infixée — sont bien définies :
𝐿×𝐿→𝐿 𝐾 ×𝐿→𝐿
⎛ ⎞ ⎛ ⎞
+: ⎜ 𝐸→𝐹 ⎟, ⋅:⎜ 𝐸→𝐹 ⎟
⎜(𝑓 , 𝑔) ↦ 𝑓 + 𝑔 : ( )⎟ ⎜(𝜆, 𝑓 ) ↦ 𝜆 ⋅ 𝑓 : ( )⎟
⎝ 𝑥 ↦ 𝑓 (𝑥) + 𝑔(𝑥) ⎠ ⎝ 𝑥 ↦ 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥) ⎠
et constituent respectivement sur l’ensemble 𝐿 une loi de composition interne et une loi de composition externe à
gauche de domaine d’opérateurs 𝐾 . En outre, le triplet (𝐿, +, ⋅) est un (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel et :
• son vecteur nul 0𝐿 égale l’application identiquement nulle 0𝐹 𝐸 : 𝐸 ∋ 𝑥 ↦ 0𝐹 ∈ 𝐹 ;
• l’opposé d’un élément quelconque 𝑓 ∈ 𝐿 est l’application −𝑓 : 𝐸 ∋ 𝑥 ↦ −𝑓 (𝑥) ∈ 𝐹 .
Démonstration — Bonne définition des lois Considérons un couple d’applications linéaires (𝑓 , 𝑔) ∈ 𝐿2
ainsi qu’un scalaire 𝜆 ∈ 𝐾 . Les applications ℎ : 𝐸 ∋ 𝑥 ↦ 𝑓 (𝑥) + 𝑔(𝑥) ∈ 𝐹 et 𝑘 : 𝐸 ∋ 𝑥 ↦ 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥) ∈ 𝐹 sont, sans
difficulté aucune, bien définies ; il s’agit de s’assurer de leur linéarité. On calcule, pour tous couples (𝑥, 𝑦) ∈ 𝐸 2
et (𝛼, 𝛽) ∈ 𝐾 2 :
ℎ(𝛼 ⋅ 𝑥 + 𝛽 ⋅ 𝑦) = 𝑓 (𝛼 ⋅ 𝑥 + 𝛽 ⋅ 𝑦) + 𝑔(𝛼 ⋅ 𝑥 + 𝛽 ⋅ 𝑦) = 𝛼 ⋅ 𝑓 (𝑥) + 𝛽 ⋅ 𝑓 (𝑦) + 𝛼 ⋅ 𝑔(𝑥) + 𝛽 ⋅ 𝑔(𝑦)
= 𝛼 ⋅ 𝑓 (𝑥) + 𝛼 ⋅ 𝑔(𝑥) + 𝛽 ⋅ 𝑓 (𝑦) + 𝛽 ⋅ 𝑔(𝑦) = 𝛼 ⋅ (𝑓 (𝑥) + 𝑔(𝑥)) + 𝛽 ⋅ (𝑓 (𝑦) + 𝑔(𝑦))
= 𝛼 ⋅ ℎ(𝑥) + 𝛽 ⋅ ℎ(𝑦),
𝑘(𝛼 ⋅ 𝑥 + 𝛽 ⋅ 𝑦) = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝛼 ⋅ 𝑥 + 𝛽 ⋅ 𝑦) = 𝜆 ⋅ (𝛼 ⋅ 𝑓 (𝑥) + 𝛽 ⋅ 𝑓 (𝑦)) = 𝜆 ⋅ (𝛼 ⋅ 𝑓 (𝑥)) + 𝜆 ⋅ (𝛽 ⋅ 𝑓 (𝑦))
= (𝜆 × 𝛼) ⋅ 𝑓 (𝑥) + (𝜆 × 𝛽) ⋅ 𝑓 (𝑦) = (𝛼 × 𝜆) ⋅ 𝑓 (𝑥) + (𝛽 × 𝜆) ⋅ 𝑓 (𝑦)
= 𝛼 ⋅ (𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥)) + 𝛽 ⋅ (𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑦)) = 𝛼 ⋅ 𝑘(𝑥) + 𝛽 ⋅ 𝑘(𝑦),
où l’on a invoqué les définitions des applications ℎ et 𝑘, la linéarité des applications 𝑓 et 𝑔 mais aussi les règles
de calcul dans l’espace (𝐹 , +, ⋅) — associativité et commutativité de l’addition +, distributivité à gauche de la
loi ⋅ par rapport à la loi +, associativité mixte de la loi ⋅ relativement à la multiplication × de l’ensemble 𝐾 —
ainsi que la commutativité du corps (𝐾 , +, ×). On peut affirmer qu’on a effectivement (ℎ, 𝑘) ∈ 𝐿2 donc, les
éléments considérés étant quelconques, que les lois + et ⋅ sont bien définies sur l’ensemble 𝐿.

7
Propriétés des lois On a déjà établi la linéarité de l’application identiquement nulle 0𝐹 𝐸 . On vérifie aussi
que, pour toute application linéaire 𝑓 ∈ 𝐿, l’application −𝑓 est également linéaire ; on calcule en effet, pour
tous couples de vecteurs (𝑥, 𝑦) ∈ 𝐸 2 et de scalaires (𝜆, 𝜇) ∈ 𝐾 2 :
(−𝑓 )(𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜇 ⋅ 𝑦) = −𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜇 ⋅ 𝑦) = −(𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥) + 𝜇 ⋅ 𝑓 (𝑦)) = −(𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥)) − (𝜇 ⋅ 𝑓 (𝑦))
= 𝜆 ⋅ (−𝑓 (𝑥)) + 𝜇 ⋅ (−𝑓 (𝑦)) = 𝜆 ⋅ (−𝑓 )(𝑥) + 𝜇 ⋅ (−𝑓 )(𝑦),
en utilisant la définition de l’application −𝑓 , la linéarité de l’application 𝑓 et les règles de calcul dans l’espace
(𝐹 , +, ⋅), notamment la règle des signes. Calculons en outre, pour tout triplet d’applications linéaires (𝑓 , 𝑔, ℎ) ∈
𝐿3 , tout couple de scalaires (𝜆, 𝜇) ∈ 𝐾 2 et tout vecteur 𝑥 ∈ 𝐸 :

((𝑓 + 𝑔) + ℎ)(𝑥) = (𝑓 + 𝑔)(𝑥) + ℎ(𝑥) = (𝑓 (𝑥) + 𝑔(𝑥)) + ℎ(𝑥) = 𝑓 (𝑥) + (𝑔(𝑥) + ℎ(𝑥)) = 𝑓 (𝑥) + (𝑔 + ℎ)(𝑥)
= (𝑓 + (𝑔 + ℎ))(𝑥),
(𝑓 + 𝑔)(𝑥) = 𝑓 (𝑥) + 𝑔(𝑥) = 𝑔(𝑥) + 𝑓 (𝑥) = (𝑔 + 𝑓 )(𝑥),
(𝑓 + 0𝐹 𝐸 )(𝑥) = 𝑓 (𝑥) + 0𝐹 𝐸 (𝑥) = 𝑓 (𝑥) + 0𝐹 = 𝑓 (𝑥) = 0𝐹 + 𝑓 (𝑥) = 0𝐹 𝐸 (𝑥) + 𝑓 (𝑥) = (0𝐹 𝐸 + 𝑓 )(𝑥),
(𝑓 + (−𝑓 ))(𝑥) = 𝑓 (𝑥) + (−𝑓 )(𝑥) = 𝑓 (𝑥) + (−𝑓 (𝑥)) = 𝑓 (𝑥) − 𝑓 (𝑥) = 0𝐹 = 0𝐹 𝐸 (𝑥) = 0𝐹 = −𝑓 (𝑥) + 𝑓 (𝑥)
= (−𝑓 )(𝑥) + 𝑓 (𝑥) = ((−𝑓 ) + 𝑓 )(𝑥),
(𝜆 ⋅ (𝑓 + 𝑔))(𝑥) = 𝜆 ⋅ (𝑓 + 𝑔)(𝑥) = 𝜆 ⋅ (𝑓 (𝑥) + 𝑔(𝑥)) = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥) + 𝜆 ⋅ 𝑔(𝑥) = (𝜆 ⋅ 𝑓 )(𝑥) + (𝜆 ⋅ 𝑔)(𝑥)
= ((𝜆 ⋅ 𝑓 ) + (𝜆 ⋅ 𝑔))(𝑥),
((𝜆 + 𝜇) ⋅ 𝑓 )(𝑥) = (𝜆 + 𝜇) ⋅ 𝑓 (𝑥) = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥) + 𝜇 ⋅ 𝑓 (𝑥) = (𝜆 ⋅ 𝑓 )(𝑥) + (𝜇 ⋅ 𝑓 )(𝑥) = ((𝜆 ⋅ 𝑓 ) + (𝜇 ⋅ 𝑓 ))(𝑥),
(𝜆 ⋅ (𝜇 ⋅ 𝑓 ))(𝑥) = 𝜆 ⋅ (𝜇 ⋅ 𝑓 )(𝑥) = 𝜆 ⋅ (𝜇 ⋅ 𝑓 (𝑥)) = (𝜆 × 𝜇) ⋅ 𝑓 (𝑥) = ((𝜆 × 𝜇) ⋅ 𝑓 )(𝑥),
(1𝐾 ⋅ 𝑓 )(𝑥) = 1𝐾 ⋅ 𝑓 (𝑥) = 𝑓 (𝑥),
où l’on a bien sûr invoqué les définitions des lois + et ⋅ dans l’ensemble 𝐿, l’associativité et la commutativité de
la loi d’addition + dans l’ensemble 𝐹 , la neutralité bilatérale de l’élément 0𝐹 dans le groupe (𝐹 , +), le caractère
symétrique des éléments 𝑓 (𝑥) et −𝑓 (𝑥) de ce groupe, la distributivité de la loi ⋅ de l’ensemble 𝐹 à gauche par
rapport à l’addition + de ce même ensemble et à droite par rapport à l’addition + de l’ensemble 𝐾 relativement
à l’addition + de l’ensemble 𝐹 , l’associativité mixte de la loi ⋅ de l’ensemble 𝐹 relativement à la multiplication
× de l’ensemble 𝐾 ainsi que la neutralité à gauche du scalaire 1𝐾 pour la loi ⋅ de l’ensemble 𝐹 ; puisque les
applications sont toutes de source 𝐸 et de but 𝐹 et que la variable 𝑥 est quelconque, on déduit que :
(𝑓 + 𝑔) + ℎ = 𝑓 + (𝑔 + ℎ), 𝑓 + 𝑔 = 𝑔 + 𝑓, 𝑓 + 0𝐹 𝐸 = 𝑓 = 0𝐹 𝐸 + 𝑓,
𝑓 + (−𝑓 ) = 0𝐹 𝐸 = (−𝑓 ) + 𝑓, 𝜆 ⋅ (𝑓 + 𝑔) = (𝜆 ⋅ 𝑓 ) + (𝜆 ⋅ 𝑔), (𝜆 + 𝜇) ⋅ 𝑓 = (𝜆 ⋅ 𝑓 ) + (𝜇 ⋅ 𝑓 ),
𝜆 ⋅ (𝜇 ⋅ 𝑓 ) = (𝜆 × 𝜇) ⋅ 𝑓, 1𝐾 ⋅ 𝑓 = 𝑓.
Tous les éléments considérés étant quelconques, c’est donc que le triplet (𝐿, +, ⋅) — constitué de l’ensemble 𝐿
et de ses lois + et ⋅ — est un (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel ; en effet : • le magma (𝐿, +) constitue un groupe abélien
car il est : ◦ associatif et commutatif ; ◦ unifère, d’élément neutre bilatère égal à l’application identiquement
nulle 0𝐹 𝐸 ; ◦ symétrisable, tout élément 𝑓 ∈ 𝐿 admettant l’élément −𝑓 ∈ 𝐿 pour symétrique bilatère ; • la loi ⋅ de
l’ensemble 𝐿 : ◦ est distributive à gauche par rapport à la loi + de l’ensemble 𝐿 ; ◦ est distributive à droite par
rapport à la loi + de l’ensemble 𝐾 relativement à la loi + de l’ensemble 𝐿 ; ◦ vérifie une propriété d’associativité
mixte relativement à la loi × de l’ensemble 𝐾 ; ◦ admet l’élément neutre multiplicatif 1𝐾 du corps (𝐾 , +, ×) pour
élément neutre à gauche. □
Proposition 14 — Conservons les notations de la proposition précédente.
(i) Si l’un des espaces (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) est de dimension nulle, alors il en est de même de l’espace (𝐿, +, ⋅).
Supposons désormais que l’espace (𝐸, +, ⋅) admet une base ℬ = (𝑢𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐸 𝐼 indexée par un certain ensemble 𝐼 et
notons ℬ∗ = (𝑢𝑖∗ )𝑖∈𝐼 ∈ (L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐾 , +, ×))𝐼 la famille duale correspondante.
(ii) Étant donnée une famille 𝒱 = (𝑣𝑗 )𝑗 ∈𝐽 ∈ 𝐹 𝐽 indexée par un certain ensemble 𝐽 et libre dans l’espace (𝐹 , +, ⋅),
la famille ℱ = (𝑓𝑖,𝑗 )(𝑖,𝑗)∈𝐼 ×𝐽 ∈ 𝐿𝐼 ×𝐽 définie ci‐dessous est libre dans l’espace (𝐿, +, ⋅).

𝐸→𝐹
∀(𝑖, 𝑗) ∈ 𝐼 × 𝐽 , 𝑓𝑖,𝑗 : ( ). (§)
𝑥 ↦ 𝑢𝑖∗ (𝑥) ⋅ 𝑣𝑗

8
(iii) Si l’espace (𝐸, +, ⋅) est de dimension non nulle et l’espace (𝐹 , +, ⋅) est de dimension infinie, alors l’espace (𝐿, +, ⋅)
est de dimension infinie.
(iv) Supposons que l’espace (𝐸, +, ⋅) est de dimension finie et que l’espace (𝐹 , +, ⋅) admet une base 𝒞 = (𝑣𝑗 )𝑗 ∈𝐽 ∈ 𝐹 𝐽
indexée par un certain ensemble 𝐽 . Notons 𝒞 ∗ = (𝑣𝑗∗ )𝑗 ∈𝐽 ∈ (L(𝐹 , +, ⋅ ; 𝐾 , +, ×))𝐽 la famille duale de la base
𝒞 . La famille 𝒟 = (𝑓𝑖,𝑗 )(𝑖,𝑗)∈𝐼 ×𝐽 ∈ 𝐿𝐼 ×𝐽 définie par la formule (§) constitue une base de l’espace (𝐿, +, ⋅) et sa
famille duale 𝒟∗ = (𝑓𝑖,𝑗∗ )(𝑖,𝑗)∈𝐼 ×𝐽 ∈ (L(𝐿, +, ⋅ ; 𝐾 , +, ×))𝐼 ×𝐽 vérifie :

(𝑓𝑖,𝑗∗ (𝑓 ))(𝑖,𝑗)∈𝐼 ×𝐽 = (𝑣𝑗∗ (𝑓 (𝑢𝑖 )))(𝑖,𝑗)∈𝐼 ×𝐽 ∈ 𝐾 (𝐼 ×𝐽 )


𝐿→𝐾
∀(𝑖, 𝑗) ∈ 𝐼 × 𝐽 , 𝑓𝑖,𝑗∗ : ( ), ∀𝑓 ∈ 𝐿, { .
𝑓 ↦ 𝑣𝑗∗ (𝑓 (𝑢𝑖 )) 𝑓 = ∑ 𝑣𝑗∗ (𝑓 (𝑢𝑖 )) ⋅ 𝑓𝑖,𝑗
(𝑖,𝑗)∈𝐼 ×𝐽

(v) Dans chacun des cas précédents, la dimension — finie ou infinie — de l’espace (𝐿, +, ⋅) est donnée par la formule
suivante dans l’ensemble ℕ ≔ ℕ ∪ {+∞}, où l’on convient que 0 × (+∞) ≔ 0 ≕ (+∞) × 0 :

dim(𝐿, +, ⋅) = dim(𝐸, +, ⋅) × dim(𝐹 , +, ⋅). (★)

Démonstration — Propriété préliminaire Introduisons une famille de scalaires 𝛬 = (𝜆𝑖,𝑗 )(𝑖,𝑗)∈𝐼 ×𝐽 ∈ 𝐾 𝐼 ×𝐽 ,


son support 𝑆 ≔ supp(𝛬) ⊆ 𝐼 ×𝐽 ainsi que les quatre familles (𝑆𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ (𝔓(𝑆))𝐼 , (𝑆 𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ (𝔓(𝑆))𝐼 , (𝛬𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ (𝐾 𝐽 )𝐼
et (𝑇𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ (𝔓(𝐽 ))𝐼 vérifiant, pour tout — éventuel — indice 𝑖 ∈ 𝐼 :

𝑆𝑖 ≔ {(𝑘, 𝑙) ∈ 𝑆 | 𝑘 = 𝑖}, 𝑆 𝑖 ≔ 𝑆 𝑆𝑖 , 𝛬𝑖 ≔ (𝜆𝑖,𝑗 )𝑗 ∈𝐽 , 𝑇𝑖 ≔ supp(𝛬𝑖 ).


Les ensembles 𝑆𝑖 , pour 𝑖 ∈ 𝐼 , « partitionnent » l’ensemble 𝑆 suivant la valeur de la première coordonnée de ses
éléments : ils sont deux à deux disjoints et de réunion égale à l’ensemble 𝑆. De plus, pour tout — éventuel —
indice 𝑖 ∈ 𝐼 , les ensembles 𝑆𝑖 et 𝑇𝑖 satisfont aux équivalences suivantes :

∀(𝑘, 𝑙) ∈ 𝐼 × 𝐽 , (𝑘, 𝑙) ∈ 𝑆𝑖 ⇔ ((𝑘, 𝑙) ∈ 𝑆 ∧ 𝑘 = 𝑖)


⇔ (𝑘 = 𝑖 ∧ 𝜆𝑖,𝑙 ≠ 0𝐾 )
⇔ (𝑘 ∈ {𝑖} ∧ 𝑙 ∈ 𝑇𝑖 )
⇔ (𝑘, 𝑙) ∈ {𝑖} × 𝑇𝑖

donc, par extensionnalité, à l’égalité ensembliste 𝑆𝑖 = {𝑖} × 𝑇𝑖 : ils sont alors évidemment équipotents, les
applications 𝑇𝑖 ∋ 𝑗 ↦ (𝑖, 𝑗) ∈ 𝑆𝑖 et 𝑆𝑖 ∋ (𝑘, 𝑙) ↦ 𝑙 ∈ 𝑇𝑖 étant manifestement bien définies, bijectives et réciproques
l’une de l’autre. Établissons à présent deux implications.
Première implication Supposons que 𝛬 ∈ 𝐾 (𝐼 ) . Alors, pour tout — éventuel — indice 𝑖 ∈ 𝐼 : • les parties
𝑆𝑖 et 𝑆 𝑖 de l’ensemble fini 𝑆 sont elles‐mêmes finies ; • l’ensemble 𝑇𝑖 , équipotent à l’ensemble fini 𝑆𝑖 , est
également fini, si bien que 𝛬𝑖 ∈ 𝐾 (𝐽 ) .
Seconde implication Supposons à présent que l’ensemble 𝐼 est fini et que tout — éventuel — indice 𝑖 ∈ 𝐼
satisfait à la relation 𝛬𝑖 ∈ 𝐾 (𝐽 ) . Alors : • pour tout — éventuel — indice 𝑖 ∈ 𝐼 , l’ensemble 𝑆𝑖 , équipotent à
l’ensemble fini 𝑇𝑖 , est également fini ; • l’ensemble 𝑆 = ⋃𝑖∈𝐼 𝑆𝑖 , réunion finie d’ensembles finis, est lui‐même
fini, de sorte que 𝛬 ∈ 𝐾 (𝐼 ) .
(i) L’application identiquement nulle 0𝐿 = 0𝐹 𝐸 : 𝐸 ∋ 𝑥 ↦ 0𝐹 ∈ 𝐹 est élément de l’ensemble 𝐿 et l’inclusion
{0𝐿 } ⊆ 𝐿 est évidemment vérifiée. Si l’espace (𝐸, +, ⋅) est de dimension nulle, alors : • l’égalité 𝐸 = {0𝐸 }
est vérifiée ; • toute application linéaire 𝑓 ∈ 𝐿 est telle que 𝑓 (0𝐸 ) = 0𝐹 = 0𝐿 (0𝐸 ) et coïncide donc avec
l’application 0𝐿 , si bien que 𝑓 = 0𝐿 ; • on a conséquemment l’inclusion 𝐿 ⊆ {0𝐿 } et, par extensionnalité,
l’égalité 𝐿 = {0𝐿 }. Si l’espace (𝐹 , +, ⋅) est de dimension nulle, alors : • l’égalité 𝐹 = {0𝐹 } est vérifiée ; • toute
application 𝑓 ∈ 𝐹 𝐸 ne prend que la valeur 0𝐹 et égale donc l’application 0𝐹 𝐸 = 0𝐿 ; • en particulier, on a
encore l’inclusion 𝐿 ⊆ {0𝐿 } et, par extensionnalité, l’égalité 𝐿 = {0𝐿 }. Dans chacun de ces deux cas, l’en‐
semble 𝐿 se réduit au singleton {0𝐿 }, c’est‐à‐dire que l’espace (𝐿, +, ⋅) est de dimension nulle : la formule (★)
est vérifiée.
(ii) Reprenons les notations de l’énoncé et de la propriété préliminaire. On notera aussi 𝐼 2 ∋ (𝑖, 𝑗) ↦ δ𝑖,𝑗 ∈
{0𝐾 , 1𝐾 } le symbole de Kronecker relatif à l’ensemble 𝐼 et au corps (𝐾 , +, ×). Observons que, en vertu de
la proposition 10 et du corollaire 5, la famille ℱ est bien définie : les applications 𝑓𝑖,𝑗 , pour (𝑖, 𝑗) ∈ 𝐼 × 𝐽 ,
sont bien définies et effectivement linéaires. Supposons les relations 𝛬 ∈ 𝐾 (𝐼 ×𝐽 ) et ∑(𝑖,𝑗)∈𝐼 ×𝐽 𝜆𝑖,𝑗 ⋅ 𝑓𝑖,𝑗 = 0𝐿

9
vérifiées. Fixons momentanément un indice 𝑘 ∈ 𝐼 — à supposer que 𝐼 ≠ ∅. Les parties 𝑆𝑘 et 𝑆 𝑘 de l’ensemble
fini 𝑆 sont finies et complémentaires dans l’ensemble 𝑆. L’on calcule :
1𝐾 ⋅ 𝑣𝑗 = 𝑣𝑗 si 𝑖 = 𝑘 i. e. (𝑖, 𝑗) ∈ 𝑆𝑘
∀(𝑖, 𝑗) ∈ 𝑆, 𝑓𝑖,𝑗 (𝑢𝑘 ) = 𝑢𝑖∗ (𝑢𝑘 ) ⋅ 𝑣𝑗 = δ𝑖,𝑘 ⋅ 𝑣𝑗 = {
0𝐾 ⋅ 𝑣𝑗 = 0𝐹 si 𝑖 ≠ 𝑘 i. e. (𝑖, 𝑗) ∈ 𝑆 𝑘
puis, en invoquant la définition des lois + et ⋅ de l’ensemble 𝐿 ainsi que les principes de sommation par
paquets et de réindexation — via le changement d’indices 𝑆𝑘 ∋ (𝑖, 𝑗) ↦ 𝑗 ∈ 𝑇𝑘 — :

0𝐹 = 0𝐿 (𝑢𝑘 ) = ( ∑ 𝜆𝑖,𝑗 ⋅ 𝑓𝑖,𝑗 )(𝑢𝑘 ) = ∑ (𝜆𝑖,𝑗 ⋅ 𝑓𝑖,𝑗 )(𝑢𝑘 ) = ∑ 𝜆𝑖,𝑗 ⋅ 𝑓𝑖,𝑗 (𝑢𝑘 )
(𝑖,𝑗)∈𝑆 (𝑖,𝑗)∈𝑆 (𝑖,𝑗)∈𝑆
= ∑ 𝜆𝑖,𝑗 ⋅ 𝑓𝑖,𝑗 (𝑢𝑘 ) + ∑ 𝜆𝑖,𝑗 ⋅ 𝑓𝑖,𝑗 (𝑢𝑘 ) = ∑ 𝜆𝑖,𝑗 ⋅ 𝑣𝑗 + ∑ 𝜆𝑖,𝑗 ⋅ 0𝐹 = ∑ 𝜆𝑘,𝑗 ⋅ 𝑣𝑗 + 0𝐹 = ∑ 𝜆𝑘,𝑗 ⋅ 𝑣𝑗 .
(𝑖,𝑗)∈𝑆𝑘 (𝑖,𝑗)∈𝑆 𝑘 (𝑖,𝑗)∈𝑆𝑘 (𝑖,𝑗)∈𝑆 𝑘 𝑗 ∈𝑇𝑘 𝑗 ∈𝐽

La liberté de la famille 𝒱 dans l’espace (𝐹 , +, ⋅) assure alors que (𝜆𝑘,𝑗 )𝑗 ∈𝐽 = (0𝐾 )𝑗 ∈𝐽 . L’indice 𝑘 étant quel‐
conque, c’est donc que :
∀(𝑖, 𝑗) ∈ 𝐼 × 𝐽 , 𝜆𝑖,𝑗 = 0𝐾 , 𝛬 = (0𝐾 )(𝑖,𝑗)∈𝐼 ×𝐽 .
D’où, la famille de scalaires 𝛬 étant à priori quelconque, la liberté de la famille ℱ dans l’espace (𝐿, +, ⋅).
(iii) Supposons que l’espace (𝐸, +, ⋅) n’est pas de dimension nulle et que l’espace (𝐹 , +, ⋅) est de dimension
infinie. On peut trouver dans ce dernier des systèmes libres de cardinal arbitrairement grand : le point
précédent assure alors que l’espace (𝐿, +, ⋅) possède lui aussi des systèmes libres de cardinal arbitrairement
grand et est donc également de dimension infinie. La formule (★) est vérifiée.
(iv) Conservons les notations et hypothèses de l’énoncé. La base 𝒞 de l’espace (𝐹 , +, ⋅) est libre et génératrice.
Le point (ii) garantit la liberté de la famille 𝒟 dans l’espace (𝐿, +, ⋅). Établissons son caractère générateur.
Considérons une application 𝑓 ∈ 𝐿 et notons 𝒲 = (𝑤𝑖 )𝑖∈𝐼 ≔ 𝑓 ∘ ℬ = (𝑓 (𝑢𝑖 ))𝑖∈𝐼 ∈ 𝐹 𝐼 . Reprenons à nouveau
les notations de la propriété préliminaire, en choisissant ici 𝛬 = (𝜆𝑖,𝑗 )(𝑖,𝑗)∈𝐼 ×𝐽 ≔ (𝑣𝑗∗ (𝑤𝑖 ))(𝑖,𝑗)∈𝐼 ×𝐽 ∈ 𝐾 𝐼 ×𝐽 .
Soulignons que l’ensemble 𝐼 est fini — de cardinal égal à la dimension de l’espace (𝐸, +, ⋅) — et que tout
— éventuel — indice 𝑖 ∈ 𝐼 est tel que 𝛬𝑖 = (𝑣𝑗∗ (𝑤𝑖 ))𝑗 ∈𝐽 ∈ 𝐾 (𝐽 ) . Rappelons que : • les ensembles équipotents
𝑇𝑖 = supp(𝛬𝑖 ) et 𝑆𝑖 = {𝑖}×𝑇𝑖 , pour 𝑖 ∈ 𝐼 , sont finis ; • les ensembles 𝑆𝑖 , pour 𝑖 ∈ 𝐼 , « partitionnent » l’ensemble
𝑆 ; • le support 𝑆 = ⋃𝑖∈𝐼 𝑆𝑖 de la famille 𝛬, réunion finie d’ensembles finis, est fini. Pour tout vecteur
𝑥 ∈ 𝐸, on calcule, en invoquant des décompositions dans les bases ℬ et 𝒞 , la linéarité de l’application 𝑓 ,
les règles de calcul dans l’espace (𝐹 , +, ⋅), les principes de réindexation et de sommation par paquets, la
commutativité du corps (𝐾 , +, ×) ainsi que la définition des lois + et ⋅ de l’ensemble 𝐿 :

𝑓 (𝑥) = 𝑓 (∑ 𝑢𝑘∗ (𝑥) ⋅ 𝑢𝑘 ) = ∑ 𝑢𝑘∗ (𝑥) ⋅ 𝑤𝑘 = ∑ 𝑢𝑘∗ (𝑥) ⋅ ∑ 𝑣𝑙∗ (𝑤𝑘 ) ⋅ 𝑣𝑙 = ∑ 𝑢𝑘∗ (𝑥) ⋅ ∑ 𝜆𝑘,𝑙 ⋅ 𝑣𝑙
𝑘 ∈𝐼 𝑘 ∈𝐼 𝑘 ∈𝐼 𝑙 ∈𝐽 𝑘 ∈𝐼 𝑙 ∈𝑇𝑘
= ∑ ∑ 𝑢𝑘∗ (𝑥) ⋅ (𝜆𝑘,𝑙 ⋅ 𝑣𝑙 ) = ∑ ∑ ∗
(𝑢𝑖 (𝑥)𝜆𝑖,𝑗 ) ⋅ 𝑣𝑗 = ∑ ∗
(𝜆𝑖,𝑗 𝑢𝑖 (𝑥)) ⋅ 𝑣𝑗
𝑘 ∈𝐼 𝑙 ∈𝑇𝑘 𝑘 ∈𝐼 (𝑖,𝑗)∈𝑆𝑘 (𝑖,𝑗)∈⋃𝑘∈𝐼 𝑆𝑘

= ∑ 𝜆𝑖,𝑗 ⋅ (𝑢𝑖∗ (𝑥) ⋅ 𝑣𝑗 ) = ∑ 𝜆𝑖,𝑗 ⋅ 𝑓𝑖,𝑗 (𝑥) = ( ∑ 𝜆𝑖,𝑗 ⋅ 𝑓𝑖,𝑗 )(𝑥) = ( ∑ 𝜆𝑖,𝑗 ⋅ 𝑓𝑖,𝑗 )(𝑥).
(𝑖,𝑗)∈𝑆 (𝑖,𝑗)∈𝑆 (𝑖,𝑗)∈𝑆 (𝑖,𝑗)∈𝐼 ×𝐽
Les deux applications 𝑓 et ∑(𝑖,𝑗)∈𝐼 ×𝐽 𝜆𝑖,𝑗 ⋅ 𝑓𝑖,𝑗 , de même source 𝐸 et même but 𝐹 , coïncident et sont égales :
𝑓 = ∑ 𝜆𝑖,𝑗 ⋅ 𝑓𝑖,𝑗 = ∑ 𝑣𝑗∗ (𝑤𝑖 ) ⋅ 𝑓𝑖,𝑗 = ∑ 𝑣𝑗∗ (𝑓 (𝑢𝑖 )) ⋅ 𝑓𝑖,𝑗 ∈ vect(𝐿,+,⋅) (𝒟).
(𝑖,𝑗)∈𝐼 ×𝐽 (𝑖,𝑗)∈𝐼 ×𝐽 (𝑖,𝑗)∈𝐼 ×𝐽
D’où, l’application 𝑓 étant quelconque, le caractère générateur de la famille 𝒟 dans l’espace (𝐿, +, ⋅). En
définitive, la famille 𝒟, libre et génératrice, constitue une base de l’espace (𝐿, +, ⋅). Les calculs tout juste
menés prouvent que sa famille duale 𝒟∗ = (𝑓𝑖,𝑗∗ )(𝑖,𝑗)∈𝐼 ×𝐽 ∈ (L(𝐿, +, ⋅ ; 𝐾 , +, ×))𝐼 ×𝐽 vérifie :
∀𝑓 ∈ 𝐿, (𝑓𝑖,𝑗∗ (𝑓 ))(𝑖,𝑗)∈𝐼 ×𝐽 = (𝑣𝑗∗ (𝑓 (𝑢𝑖 )))(𝑖,𝑗)∈𝐼 ×𝐽 , ∀(𝑖, 𝑗) ∈ 𝐼 × 𝐽 , ∀𝑓 ∈ 𝐿, 𝑓𝑖,𝑗∗ (𝑓 ) = 𝑣𝑗∗ (𝑓 (𝑢𝑖 )).
En outre, que l’ensemble 𝐽 soit fini ou non, on a :
dim(𝐿, +, ⋅) = card(𝐼 × 𝐽 ) = card(𝐼 ) × card(𝐽 ) = dim(𝐸, +, ⋅) × dim(𝐹 , +, ⋅).
(v) On a vérifié que la formule (★) vaut dans chacun des cas étudiés. □

10
Définition 15 (Espace dual) — Soient (𝐾 , +, ×) un corps et (𝐸, +, ⋅) un (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel. On appelle
espace dual de cet espace et l’on note souvent (𝐸 ∗ , +, ⋅) le (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel (L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐾 , +, ×), +, ⋅) de
ses formes linéaires. Rappelons que :
𝐸 ∗ = L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐾 , +, ×) = {𝜑 ∈ 𝐾 𝐸 | ∀(𝑥, 𝑦) ∈ 𝐸 2 , ∀(𝜆, 𝜇) ∈ 𝐾 2 , 𝜑(𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜇 ⋅ 𝑦) = 𝜆 × 𝜑(𝑥) + 𝜇 × 𝜑(𝑦)},
les lois + et ⋅ sur cet ensemble étant définies élément par élément à partir des lois + et × de l’ensemble 𝐾 :
𝐸∗ × 𝐸∗ → 𝐸∗ 𝐾 × 𝐸∗ → 𝐸∗
⎛ ⎞ ⎛ ⎞
+: ⎜ 𝐸→𝐾 ⎟, ⋅:⎜ 𝐸→𝐾 ⎟.
⎜(𝜑, 𝜒 ) ↦ 𝜑 + 𝜒 : ( )⎟ ⎜(𝜆, 𝜑) ↦ 𝜆 ⋅ 𝜑 : ( )⎟
⎝ 𝑥 ↦ 𝜑(𝑥) + 𝜒 (𝑥) ⎠ ⎝ 𝑥 ↦ 𝜆 × 𝜑(𝑥) ⎠
Définition 16 (Espace bidual) — Soient (𝐾 , +, ×) un corps et (𝐸, +, ⋅) un (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel dont on
note (𝐸 ∗ , +, ⋅) l’espace dual. On appelle espace bidual de l’espace (𝐸, +, ⋅) et l’on note souvent (𝐸 ∗∗ , +, ⋅) l’espace
dual (L(𝐸 ∗ , +, ⋅ ; 𝐾 , +, ×), +, ⋅) de son espace dual (𝐸 ∗ , +, ⋅). Rappelons que :
𝐸 ∗∗ = L(𝐸 ∗ , +, ⋅ ; 𝐾 , +, ×) = L(L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐾 , +, ×), +, ⋅ ; 𝐾 , +, ×)

= {𝛷 ∈ 𝐾 𝐸 | ∀(𝜑, 𝜒 ) ∈ (𝐸 ∗ )2 , ∀(𝜆, 𝜇) ∈ 𝐾 2 , 𝛷(𝜆 ⋅ 𝜑 + 𝜇 ⋅ 𝜒 ) = 𝜆 × 𝛷(𝜑) + 𝜇 × 𝛷(𝜒 )},
les lois + et ⋅ sur cet ensemble étant définies élément par élément à partir des lois + et × de l’ensemble 𝐾 :
𝐸 ∗∗ × 𝐸 ∗∗ → 𝐸 ∗∗ 𝐾 × 𝐸 ∗∗ → 𝐸 ∗∗
⎛ ⎞ ⎛ ⎞
+: ⎜ 𝐸∗ → 𝐾 ⎟, ⋅:⎜ 𝐸∗ → 𝐾 ⎟.
⎜(𝛷, 𝛸 ) ↦ 𝛷 + 𝛸 : ( )⎟ ⎜(𝜆, 𝛷) ↦ 𝜆 ⋅ 𝛷 : ( )⎟
⎝ 𝜑 ↦ 𝛷(𝜑) + 𝛸 (𝜑) ⎠ ⎝ 𝜑 ↦ 𝜆 × 𝛷(𝜑) ⎠

Proposition 17 — Soient (𝐾 , +, ×) un corps et (𝐸, +, ⋅) un (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel dont on note (𝐸 ∗ , +, ⋅) = (L(𝐸,


+, ⋅ ; 𝐾 , +, ×), +, ⋅) l’espace dual et (𝐸 ∗∗ , +, ⋅) = (L(𝐸 ∗ , +, ⋅ ; 𝐾 , +, ×), +, ⋅) l’espace bidual.
(i) La famille duale de toute base de l’espace (𝐸, +, ⋅) est libre dans l’espace dual (𝐸 ∗ , +, ⋅).
(ii) Supposons l’espace (𝐸, +, ⋅) de dimension finie et considérons une base ℬ = (𝑒𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐸 𝐼 de cet espace indexée
par un certain ensemble 𝐼 — de cardinal nécessairement égal au nombre dim(𝐸, +, ⋅) ∈ ℕ. Le système dual
ℬ∗ = (𝑒𝑖∗ )𝑖∈𝐼 ∈ (𝐸 ∗ )𝐼 de la base ℬ constitue une base de l’espace dual (𝐸 ∗ , +, ⋅) et son système dual ℬ∗∗ =
(𝑒𝑖∗∗ )𝑖∈𝐼 ∈ (𝐸 ∗∗ )𝐼 vérifie :
𝐸∗ → 𝐾
∀𝑖 ∈ 𝐼 , 𝑒𝑖∗∗ : ( ), ∀𝜑 ∈ 𝐸 ∗ , (𝑒𝑖∗∗ (𝜑))𝑖∈𝐼 = (𝜑(𝑒𝑖 ))𝑖∈𝐼 ∧ 𝜑 = ∑ 𝜑(𝑒𝑖 ) ⋅ 𝑒𝑖∗ .
𝜑 ↦ 𝜑(𝑒𝑖 ) 𝑖∈𝐼
(iii) Si l’espace (𝐸, +, ⋅) est de dimension infinie, alors aucune famille duale n’est : • génératrice de l’espace dual
(𝐸 ∗ , +, ⋅) ; • une base de l’espace (𝐸 ∗ , +, ⋅).
Démonstration — Le système 𝒞 = (1𝐾 )𝑖∈{1} ∈ 𝐾 1 est la base canonique du (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel (𝐾 , +, ×) ;
son système dual 𝒞 ∗ = (1∗𝐾 )𝑖∈{1} est tel que : • tout élément 𝜆 ∈ 𝐾 vérifie les égalités 1∗𝐾 (𝜆) = 1∗𝐾 (𝜆) × 1𝐾 = 𝜆 =
id𝐾 (𝜆) ; • les applications 1∗𝐾 et id𝐾 , de sources et buts égalant tous l’ensemble 𝐾 , coïncident sur cet ensemble
et sont égales. L’on fait l’hypothèse que l’espace (𝐸, +, ⋅) admet une base ℬ = (𝑒𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐸 𝐼 indexée par un
certain ensemble 𝐼 , l’on note ℬ∗ = (𝑒𝑖∗ )𝑖∈𝐼 ∈ (𝐸 ∗ )𝐼 la famille duale associée et l’on définit la famille 𝒟 =
(𝜑𝑖,𝑗 )(𝑖,𝑗)∈𝐼 ×{1} ∈ (𝐸 ∗ )𝐼 ×{1} par :
𝐸→𝐾
∀(𝑖, 𝑗) ∈ 𝐼 × {1}, 𝜑𝑖,𝑗 : ( ) i. e. ∀(𝑖, 𝑗) ∈ 𝐼 × {1}, 𝜑𝑖,𝑗 = 𝑒𝑖∗ .
𝑥 ↦ 𝑒𝑖 (𝑥) × 1𝐾 = 𝑒𝑖∗ (𝑥)

(i) La proposition précédente assure que la famille 𝒟 = (𝑒𝑖∗ )(𝑖,𝑗)∈𝐼 ×{1} est libre dans l’espace (𝐸 ∗ , +, ⋅). La
famille réindexée (𝑒𝑖∗ )𝑖∈𝐼 = ℬ∗ vérifie la même propriété.
(ii) Supposons l’espace (𝐸, +, ⋅) de dimension finie. (L’hypothèse d’existence d’une base est ici superflue puis‐
qu’un espace de dimension finie admet toujours des bases.) D’après la proposition précédente, le système
∗)
𝒟 est une base de l’espace (𝐸 ∗ , +, ⋅) et son système dual 𝒟∗ = (𝜑𝑖,𝑗 ∗∗ 𝐼 ×{1} vérifie :
(𝑖,𝑗)∈𝐼 ×{1} ∈ (𝐸 )

∗ :(
𝐸∗ → 𝐾
∀(𝑖, 𝑗) ∈ 𝐼 × {1}, 𝜑𝑖,𝑗 ), ∀𝜑 ∈ 𝐸 ∗ , 𝜑 = ∑ 𝜑(𝑒𝑖 ) ⋅ 𝜑𝑖,𝑗 .
𝜑 ↦ 1∗𝐾 (𝜑(𝑒𝑖 )) = 𝜑(𝑒𝑖 ) (𝑖,𝑗)∈𝐼 ×{1}

11
Par réindexation, le système ℬ∗ est aussi une base de l’espace (𝐸 ∗ , +, ⋅) et son système dual ℬ∗∗ = (𝑒𝑖∗∗ )𝑖∈𝐼 ∈
(𝐸 ∗∗ )𝐼 est tel que :
𝐸∗ → 𝐾
∀𝑖 ∈ 𝐼 , 𝑒𝑖∗∗ : ( ), ∀𝜑 ∈ 𝐸 ∗ , 𝜑 = ∑ 𝜑(𝑒𝑖 ) ⋅ 𝑒𝑖∗ .
𝜑 ↦ 𝜑(𝑒𝑖 ) 𝑖∈𝐼

(iii) Supposons l’espace (𝐸, +, ⋅) de dimension infinie. Notons 𝑒 ∗ : 𝐸 ∋ 𝑥 ↦ (𝑒𝑖∗ (𝑥))𝑖∈𝐼 ∈ 𝐾 (𝐼 ) l’application des
coordonnées dans la base ℬ. Introduisons et étudions l’application 𝜑 : 𝐸 ∋ 𝑥 ↦ ∑𝑖∈𝐼 𝑒𝑖∗ (𝑥) ∈ 𝐾 .
Bonne définition Pour tout vecteur 𝑥 ∈ 𝐸, la famille de scalaires 𝑒 ∗ (𝑥) ∈ 𝐾 (𝐼 ) est à support fini et la
somme ∑𝑖∈𝐼 𝑒𝑖∗ (𝑥) = ∑𝑖∈supp (𝑒 ∗ (𝑥)) 𝑒𝑖∗ (𝑥) ∈ 𝐾 est bien définie.
Linéarité Soient deux couples (𝑥, 𝑦) ∈ 𝐸 2 et (𝜆, 𝜇) ∈ 𝐾 2 . Notons 𝑆 ≔ supp(𝑒 ∗ (𝑥)), 𝑇 ≔ supp(𝑒 ∗ (𝑦)) et
𝑈 ≔ supp(𝑒 ∗ (𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜇 ⋅ 𝑦)). La réunion 𝑆 ∪ 𝑇 est finie et contient les trois ensembles 𝑆, 𝑇 et 𝑈 . On calcule :

𝜑(𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜇 ⋅ 𝑦) = ∑ 𝑒𝑖∗ (𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜇 ⋅ 𝑦) = ∑ 𝑒𝑖∗ (𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜇 ⋅ 𝑦) = ∑ (𝜆𝑒𝑖∗ (𝑥) + 𝜇𝑒𝑖∗ (𝑦))


𝑖∈𝐼 𝑖∈𝑆 ∪𝑇 𝑖∈𝑆 ∪𝑇
= 𝜆 ∑ 𝑒𝑖∗ (𝑥) + 𝜇 ∑ 𝑒𝑖∗ (𝑦) = 𝜆 ∑ 𝑒𝑖∗ (𝑥) + 𝜇 ∑ 𝑒𝑖∗ (𝑦) = 𝜆𝜑(𝑥) + 𝜇𝜑(𝑦).
𝑖∈𝑆 ∪𝑇 𝑖∈𝑆 ∪𝑇 𝑖∈𝐼 𝑖∈𝐼

Les éléments considérés étant quelconques, on déduit que l’application 𝜑 est une forme linéaire de l’espace
(𝐸, +, ⋅), c’est‐à‐dire que 𝜑 ∈ 𝐸 ∗ .
Défaut de génération Considérons une forme linéaire 𝜒 ∈ vect(𝐸 ∗ ,+,⋅) (ℬ∗ ) ≕ 𝐿 ⊆ 𝐸 ∗ . Il existe une
famille de scalaires 𝛬 = (𝜆𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐾 (𝐼 ) telle que 𝜒 = ∑𝑖∈𝐼 𝜆𝑖 ⋅ 𝑒𝑖∗ . Le support 𝑆 ≔ supp(𝛬) de la famille 𝛬 est
une partie finie donc stricte de l’ensemble infini 𝐼 : la différence ensembliste 𝐼 𝑆 est non vide — et même


infinie — et l’on peut en considérer un élément 𝑗. Rappelons, notant 𝐼 2 ∋ (𝑖, 𝑗) ↦ δ𝑖,𝑗 ∈ {0𝐾 , 1𝐾 } le symbole
de Kronecker relatif à l’ensemble 𝐼 et au corps (𝐾 , +, ×), que la famille (𝑒𝑖∗ (𝑒𝑗 ))𝑖∈𝐼 ∈ 𝐾 (𝐼 ) égale à la famille
(δ𝑖,𝑗 )𝑖∈𝐼 et est de support réduit au singleton {𝑗}. On calcule alors :

𝜑(𝑒𝑗 ) = ∑ 𝑒𝑖∗ (𝑒𝑗 ) = ∑ δ𝑖,𝑗 = δ𝑗,𝑗 = 1𝐾


𝑖∈𝐼 𝑖∈{𝑗}
≠ 0𝐾 = ∑ 𝜆𝑖 × 0𝐾 = ∑ 𝜆𝑖 δ𝑖,𝑗 = ∑ 𝜆𝑖 𝑒𝑖∗ (𝑒𝑗 ) = (∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑒𝑖∗ )(𝑒𝑗 ) = (∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑒𝑖∗ )(𝑒𝑗 ) = 𝜒 (𝑒𝑗 )
𝑖∈𝑆 𝑖∈𝑆 𝑖∈𝑆 𝑖∈𝑆 𝑖∈𝐼

et l’on observe que les deux formes linéaires 𝜑 et 𝜒 ne coïncident pas et sont distinctes dans l’ensemble
𝐸 ∗ . Puisque la seconde est quelconque, c’est donc que la première n’égale aucun élément de l’ensemble 𝐿
et n’appartient pas à ce dernier. Les relations 𝐸 ∗ ∋ 𝜑 ∉ 𝐿 = vect(𝐸 ∗ ,+,⋅) (ℬ∗ ) prouvent qu’on a l’inclusion
stricte 𝐿 ⊂ 𝐸 ∗ et que la famille ℬ∗ n’engendre pas l’espace (𝐸 ∗ , +, ⋅) ; elle n’en constitue donc pas non plus
une base. Par réindexation, la famille 𝒟 n’engendre pas l’espace (𝐸 ∗ , +, ⋅) et n’en est pas une base. □
Vocabulaire (Base duale) — Soient (𝐾 , +, ×) un corps et (𝐸, +, ⋅) un (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel de dimension
finie. La famille duale ℬ∗ de toute base ℬ de l’espace (𝐸, +, ⋅) est, puisqu’elle est une base de l’espace dual
(𝐸 ∗ , +, ⋅) de l’espace (𝐸, +, ⋅), préférentiellement appelée base duale de la base ℬ.
Remarque — La démonstration précédente prouve que le point (iv) de la proposition 14 ne se généralise pas
lorsque l’espace source (𝐸, +, ⋅) est de dimension infinie.
Proposition 18 — Soient (𝐾 , +, ×) un corps et (𝐸, +, ⋅), (𝐹 , +, ⋅) et (𝐺, +, ⋅) trois (𝐾 , +, ×)‐espaces vectoriels. On a :

∀(𝑓 , 𝑔) ∈ L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅) × L(𝐹 , +, ⋅ ; 𝐺, +, ⋅), 𝑔 ∘ 𝑓 ∈ L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐺, +, ⋅).

Démonstration — Considérons deux applications 𝑓 ∈ L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅) et 𝑔 ∈ L(𝐹 , +, ⋅ ; 𝐺, +, ⋅). La composée


ℎ ≔ 𝑔 ∘ 𝑓 : 𝐸 → 𝐺 est bien définie et, compte tenu de la linéarité des applications 𝑓 et 𝑔, vérifie, pour tous
couples (𝑥, 𝑦) ∈ 𝐸 2 et (𝜆, 𝜇) ∈ 𝐾 2 :

ℎ(𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜇 ⋅ 𝑦) = 𝑔(𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜇 ⋅ 𝑦)) = 𝑔(𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥) + 𝜇 ⋅ 𝑓 (𝑦)) = 𝜆 ⋅ 𝑔(𝑓 (𝑥)) + 𝜇 ⋅ 𝑔(𝑓 (𝑦)) = 𝜆 ⋅ ℎ(𝑥) + 𝜇 ⋅ ℎ(𝑦).

Elle est donc elle‐même linéaire, élément de l’ensemble L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐺, +, ⋅). □


Définition 19 (Application bilinéaire) — Soient un corps (𝐾 , +, ×) et trois (𝐾 , +, ×)‐espaces vectoriels
(𝐸, +, ⋅), (𝐹 , +, ⋅) et (𝐺, +, ⋅). On dit qu’une application 𝑓 : 𝐸 × 𝐹 → 𝐺 est (𝐾 , +, ×)‐bilinéaire ou, simplement,

12
bilinéaire vis‐à‐vis des espaces précédents si elle est linéaire en chacune de ses deux variables, l’autre étant
fixée, ce qui signifie encore que les propriétés de compatibilité suivantes sont vérifiées :
∀(𝑥, 𝑥 ′ ) ∈ 𝐸 2 , ∀(𝑦, 𝑦 ′ ) ∈ 𝐹 2 , ∀𝜆 ∈ 𝐾 , 𝑓 (𝑥 + 𝑥 ′ , 𝑦) = 𝑓 (𝑥, 𝑦) + 𝑓 (𝑥 ′ , 𝑦),
𝑓 (𝑥, 𝑦 + 𝑦 ′ ) = 𝑓 (𝑥, 𝑦) + 𝑓 (𝑥, 𝑦 ′ ),
𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑥, 𝑦) = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥, 𝑦) = 𝑓 (𝑥, 𝜆 ⋅ 𝑦).
Définition 20 (Algèbre) — Soit (𝐾 , +, ×) un corps. On appelle algèbre sur le corps (𝐾 , +, ×) ou (𝐾 , +, ×)‐algèbre
tout quadruplet (𝐴, +, ⋅, ×) où :
• 𝐴 est un ensemble muni de deux lois de composition interne + et × ainsi que d’une loi de composition
externe à gauche ⋅ de domaine d’opérateurs 𝐾 ;
• le triplet (𝐴, +, ⋅) est un (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel ;
• l’opération × : 𝐴×𝐴 → 𝐴 constitue une application bilinéaire vis‐à‐vis de cette structure d’espace vectoriel
— et vérifie donc, en particulier, une propriété de distributivité bilatérale par rapport à la loi +.
Étant donnée une telle algèbre (𝐴, +, ⋅, ×) :
• les éléments des ensembles 𝐴 et 𝐾 sont encore respectivement appelés vecteurs et scalaires ;
• les lois + et ⋅ sont encore respectivement appelées addition et multiplication par un scalaire tandis que la
loi × est dénommée multiplication ;
• on démontre comme pour les pseudo‐anneaux l’absorbance multiplicative bilatérale du vecteur nul 0𝐴 ∈ 𝐴,
élément neutre additif ;
• les notions de combinaison linéaire, famille libre, famille génératrice, base et dimension sont définies pour
l’algèbre relativement à la structure de (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel sous‐jacente du triplet (𝐴, +, ⋅) ;
• la notion de diviseur de zéro — à gauche, à droite ou bilatère — est définie comme pour les pseudo‐anneaux
relativement à la loi multiplicative × et au vecteur nul absorbant 0𝐴 ;
• on dit que l’algèbre est :
◦ unifère ou unitaire si sa loi multiplicative × admet un élément neutre bilatère, souvent noté 1𝐴 ;
◦ intègre ou sans diviseur de zéro si elle n’admet pas de diviseur de zéro, ce qui équivaut à un théorème
du produit nul ;
◦ commutative si sa loi multiplicative × l’est ;
◦ associative si sa loi multiplicative × l’est, c’est‐à‐dire si le triplet (𝐴, +, ×) est en fait un pseudo‐anneau :
dans ce cas, les notions d’unitarité, commutativité, diviseur de zéro (à gauche, à droite ou bilatère) et
intégrité de l’algèbre et du pseudo‐anneau coïncident respectivement et l’on conserve également tout
le reste du vocabulaire des pseudo‐anneaux et, en cas d’unitarité, des anneaux.
Convention — Les conventions d’écriture et de priorité faites pour les pseudo‐anneaux et les espaces vecto‐
riels s’appliquent également aux algèbres.
Proposition 21 — Soient (𝐾 , +, ×) un corps et (𝐸, +, ⋅) un (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel. On désigne par 𝐿 ≔ L(𝐸, +, ⋅)
= L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐸, +, ⋅) l’ensemble des endomorphismes de l’espace (𝐸, +, ⋅).
(i) La composition d’applications ∘ induit sur l’ensemble 𝐿 une loi de composition interne, encore notée ∘.
(ii) Le quadruplet (𝐿, +, ⋅, ∘), où les lois + et ⋅ sont définies élément par élément à partir des lois correspondantes
de l’ensemble 𝐸, constitue une (𝐾 , +, ×)‐algèbre associative et unitaire dont les éléments neutres additif et
multiplicatif 0𝐿 et 1𝐿 égalent respectivement l’application identiquement nulle 0𝐸 𝐸 : 𝐸 ∋ 𝑥 ↦ 0𝐸 ∈ 𝐸 et
l’identité id𝐸 : 𝐸 ∋ 𝑥 ↦ 𝑥 ∈ 𝐸 de l’ensemble 𝐸.
(iii) Si dim(𝐸, +, ⋅) ∈ {0, 1}, alors l’algèbre (𝐿, +, ⋅, ∘) est commutative et intègre.
(iv) Si l’espace (𝐸, +, ⋅) est de dimension supérieure ou égale au nombre 2 — dans l’ensemble ordonné (ℕ, ⩽) — et
admet une base, alors l’algèbre (𝐿, +, ⋅, ∘) n’est ni commutative ni intègre et admet même, pour tout nombre
𝑛 ∈ ℕ ∩ ⟦2, card(𝐼 )⟧, des éléments nilpotents d’indice de nilpotence égal au nombre 𝑛.
Démonstration — (i) La proposition précédente assure que la composée de deux endomorphismes de l’espace
(𝐸, +, ⋅) est encore un endomorphisme de cet espace. L’application 𝐿2 ∋ (𝑓 , 𝑔) ↦ 𝑓 ∘ 𝑔 ∈ 𝐿 est donc bien
définie et constitue une loi de composition interne dans l’ensemble 𝐿.
(ii) Il est connu que : • le triplet (𝐿, +, ⋅) est un (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel de vecteur nul 0𝐿 égal à l’application
identiquement nulle 0𝐸 𝐸 ; • la loi ∘ est associative ; • l’application id𝐸 appartient à l’ensemble 𝐿 et est élément

13
neutre bilatère vis‐à‐vis de la loi ∘ de cet ensemble. Soient un triplet (𝑓 , 𝑔, ℎ) ∈ 𝐿3 et un scalaire 𝜆 ∈ 𝐾 . On
calcule, pour tout vecteur 𝑥 ∈ 𝐸 :
((𝑓 + 𝑔) ∘ ℎ)(𝑥) = (𝑓 + 𝑔)(ℎ(𝑥)) = 𝑓 (ℎ(𝑥)) + 𝑔(ℎ(𝑥)) = (𝑓 ∘ ℎ)(𝑥) + (𝑔 ∘ ℎ)(𝑥) = ((𝑓 ∘ ℎ) + (𝑔 ∘ ℎ))(𝑥),
(𝑓 ∘ (𝑔 + ℎ))(𝑥) = 𝑓 ((𝑔 + ℎ)(𝑥)) = 𝑓 (𝑔(𝑥) + ℎ(𝑥)) = 𝑓 (𝑔(𝑥)) + 𝑓 (ℎ(𝑥)) = (𝑓 ∘ 𝑔)(𝑥) + (𝑓 ∘ ℎ)(𝑥)
= ((𝑓 ∘ 𝑔) + (𝑓 ∘ ℎ))(𝑥),
((𝜆 ⋅ 𝑓 ) ∘ 𝑔)(𝑥) = (𝜆 ⋅ 𝑓 )(𝑔(𝑥)) = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑔(𝑥)) = 𝜆 ⋅ (𝑓 ∘ 𝑔)(𝑥) = (𝜆 ⋅ (𝑓 ∘ 𝑔))(𝑥),
(𝑓 ∘ (𝜆 ⋅ 𝑔))(𝑥) = 𝑓 ((𝜆 ⋅ 𝑔)(𝑥)) = 𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑔(𝑥)) = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑔(𝑥)) = 𝜆 ⋅ (𝑓 ∘ 𝑔)(𝑥) = (𝜆 ⋅ (𝑓 ∘ 𝑔))(𝑥),
où l’on a invoqué la définition des lois + et ⋅ de l’ensemble 𝐿 et la linéarité de l’application 𝑓 . L’on observe
que : • les sources et buts des applications en jeu égalent tous l’ensemble 𝐸 ; • les applications (𝑓 + 𝑔) ∘ ℎ et
(𝑓 ∘ ℎ) + (𝑔 ∘ ℎ) coïncident sur l’ensemble 𝐸 et sont égales ; • les applications 𝑓 ∘ (𝑔 + ℎ) et (𝑓 ∘ 𝑔) + (𝑓 ∘ ℎ)
coïncident sur l’ensemble 𝐸 et sont égales ; • les applications (𝜆 ⋅ 𝑓 )∘, 𝜆 ⋅ (𝑓 ∘ 𝑔) et 𝑓 ∘ (𝜆 ⋅ 𝑔) coïncident sur
l’ensemble 𝐸 et sont égales. En somme :
(𝑓 + 𝑔) ∘ ℎ = (𝑓 ∘ ℎ) + (𝑔 ∘ ℎ), 𝑓 ∘ (𝑔 + ℎ) = (𝑓 ∘ 𝑔) + (𝑓 ∘ ℎ), (𝜆 ⋅ 𝑓 ) ∘ 𝑔 = 𝜆 ⋅ (𝑓 ∘ 𝑔) = 𝑓 ∘ (𝜆 ⋅ 𝑔).
Les éléments considérés étant quelconques, c’est donc que l’opération de composition ∘ est bilinéaire vis‐
à‐vis de la structure de (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel du triplet (𝐿, +, ⋅). À ce stade, on peut affirmer que le
quadruplet (𝐿, +, ⋅, ∘) est une (𝐾 , +, ×)‐algèbre associative et unitaire.
(iii) Dimension nulle Si dim(𝐸, +, ⋅) = 0, alors : • on a vu qu’on a les égalités 𝐸 = {0𝐸 } et 𝐿 = {0𝐿 } ; • la
commutativité et l’intégrité de l’algèbre triviale/nulle (𝐿, +, ⋅, ∘) sont immédiates :
∀(𝑓 , 𝑔) ∈ 𝐿2 , 𝑓 = 0𝐿 = 𝑔 ∧ 𝑓 ∘ 𝑔 = 0𝐿 = 𝑔 ∘ 𝑓 ∧ (𝑓 ∘ 𝑔 = 0𝐿 ⇒ (𝑓 = 0𝐿 ∨ 𝑔 = 0𝐿 )).
Dimension 𝟏 Supposons que dim(𝐸, +, ⋅) = 1. Notons (𝐸 ∗ , +, ⋅) et (𝐿∗ , +, ⋅) les espaces duaux respectifs
des espaces (𝐸, +, ⋅) et (𝐿, +, ⋅). L’espace (𝐸, +, ⋅) admet une base ℬ = (𝑒𝑖 )𝑖∈𝐼 = 𝐸 𝐼 indexée par un singleton 𝐼 .
Notons ℬ∗ = (𝑒 ∗ )𝑖∈𝐼 ∈ (𝐸 ∗ )𝐼 la base duale associée. D’après la proposition 14, le système 𝒞 = (𝑓𝑖,𝑗 )(𝑖,𝑗)∈𝐼 2 ∈
2
𝐿𝐼 défini ci‐dessous est une base de l’espace (𝐿, +, ⋅) :
𝐸→𝐸
∀(𝑖, 𝑗) ∈ 𝐼 2 , 𝑓𝑖,𝑗 : ( )
𝑥 ↦ 𝑒𝑖∗ (𝑥) ⋅ 𝑒𝑗
2
et son système dual 𝒞 ∗ = (𝑓𝑖,𝑗∗ )(𝑖,𝑗)∈𝐼 2 ∈ (𝐿∗ )𝐼 vérifie :

𝐿→𝐾
∀(𝑖, 𝑗) ∈ 𝐼 2 , 𝑓𝑖,𝑗∗ : ( ), ∀𝑓 ∈ 𝐿, 𝑓 = ∑ 𝑒𝑗∗ (𝑓 (𝑒𝑖 )) ⋅ 𝑓𝑖,𝑗 .
𝑓 ↦ 𝑒𝑗∗ (𝑓 (𝑒𝑖 )) (𝑖,𝑗)∈𝐼 2

Notons 𝑖0 ≔ ⋃ 𝐼 ∈ 𝐼 l’unique élément du singleton 𝐼 . L’unique élément du système ℬ est le vecteur


𝑢 ≔ 𝑒𝑖0 ∈ 𝐸. L’unique élément du système ℬ∗ est la forme linéaire 𝑢 ∗ ≔ 𝑒𝑖∗0 ∈ 𝐸 ∗ . L’unique élément
du système 𝒞 est l’endomorphisme 𝑓0 ≔ 𝑓𝑖0 ,𝑖0 ∈ 𝐿, non nul par liberté de la base 𝒞 de l’espace (𝐿, +, ⋅).
L’unique élément du système 𝒞 ∗ est l’opérateur linéaire 𝑓0∗ ≔ 𝑓𝑖∗0 ,𝑖0 ∈ 𝐿∗ . Observons que :

∀𝑥 ∈ 𝐸, 𝑓0 (𝑥) = 𝑢 ∗ (𝑥) ⋅ 𝑢 = 𝑥 = id𝐸 (𝑥), 𝑓0 = id𝐸


et que :
∀𝑓 ∈ 𝐿, 𝑓0∗ (𝑓 ) = 𝑢 ∗ (𝑓 (𝑢)) ∧ 𝑓 = 𝑓0∗ (𝑓 ) ⋅ 𝑓0 = 𝑢 ∗ (𝑓 (𝑢)) ⋅ id𝐸 .
Étant donné un couple (𝑓 , 𝑔) ∈ 𝐿2 , on calcule, notant (𝜆, 𝜇) ≔ (𝑢 ∗ (𝑓 (𝑢)), 𝑢 ∗ (𝑔(𝑢))) ∈ 𝐾 2 :
𝑓 ∘ 𝑔 = (𝜆 ⋅ id𝐸 ) ∘ (𝜇 ⋅ id𝐸 ) = 𝜆 ⋅ (id𝐸 ∘ (𝜇 ⋅ id𝐸 )) = 𝜆 ⋅ (𝜇 ⋅ id𝐸 ) = 𝜆𝜇 ⋅ id𝐸
= 𝜇𝜆 ⋅ id𝐸 = 𝜇 ⋅ (𝜆 ⋅ id𝐸 ) = 𝜇 ⋅ (id𝐸 ∘ (𝜆 ⋅ id𝐸 )) = (𝜇 ⋅ id𝐸 ) ∘ (𝜆 ⋅ id𝐸 ) = 𝑔 ∘ 𝑓
et, puisque id𝐸 ≠ 0𝐿 , on peut écrire les implications suivantes, en invoquant les règles de calcul dans
l’espace (𝐿, +, ⋅) ainsi que l’intégrité du corps (𝐾 , +, ×) :
𝑓 ∘ 𝑔 = 0𝐿 ⇒ 𝜆𝜇 ⋅ id𝐸 = 0𝐿
⇒ 𝜆𝜇 = 0𝐾

14
⇒ (𝜆 = 0𝐾 ∨ 𝜇 = 0𝐾 )
⇒ (𝑓 = 0𝐿 ∨ 𝑔 = 0𝐿 ).

On a ainsi établi la commutativité et l’intégrité de l’algèbre (𝐿, +, ⋅, ∘).


(iv) Supposons que l’espace (𝐸, +, ⋅) admet une base ℬ = (𝑒𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐸 𝐼 indexée par un certain ensemble 𝐼 de
cardinal supérieur ou égal à 2 dans l’ensemble ordonné (ℕ, ⩽). La base ℬ, libre, est injective et ne possède
pas le vecteur nul.
Non‐commutativité On peut considérer un 2‐arrangement (𝑖, 𝑗) ∈ 𝒜2 (𝐼 ). La non‐égalité 𝑖 ≠ 𝑗 et l’in‐
jectivité de la famille ℬ assurent que 𝑒𝑖 ≠ 𝑒𝑗 . La proposition 10 nous assure de l’existence et de l’unicité de
deux endomorphismes 𝑓 ∈ 𝐿 et 𝑔 ∈ 𝐿 tels que :

𝑓 (𝑒𝑖 ) = 𝑒𝑖 − 𝑒𝑗 = −𝑔(𝑒𝑗 ), 𝑔(𝑒𝑖 ) = 𝑒𝑗 = 𝑓 (𝑒𝑗 ), ∀𝑘 ∈ 𝐼 {𝑖, 𝑗}, 𝑓 (𝑒𝑘 ) = 𝑒𝑘 = 𝑔(𝑒𝑘 ).


On calcule :
(𝑔 ∘ 𝑓 )(𝑒𝑖 ) = 𝑔(𝑓 (𝑒𝑖 )) = 𝑔(𝑒𝑖 − 𝑒𝑗 ) = 𝑔(𝑒𝑖 ) − 𝑔(𝑒𝑗 ) = 𝑒𝑗 + 𝑒𝑖 − 𝑒𝑗 = 𝑒𝑖 ,
(𝑓 ∘ 𝑔)(𝑒𝑖 ) = 𝑓 (𝑔(𝑒𝑖 )) = 𝑓 (𝑒𝑗 ) = 𝑒𝑗
et, puisque 𝑒𝑖 ≠ 𝑒𝑗 , l’on observe que les deux endomorphismes composés 𝑔 ∘ 𝑓 et 𝑓 ∘ 𝑔 ne coïncident pas en
le vecteur 𝑒𝑖 et sont donc distincts. C’est donc que les endomorphismes 𝑓 et 𝑔 ne commutent pas vis‐à‐vis
de la loi de composition ∘ : ce contre‐exemple prouve que l’algèbre (𝐿, +, ⋅, ∘) n’est pas commutative.
Non‐intégrité et nilpotence Soit un nombre 𝑛 ∈ ℕ ∩ ⟦2, card(𝐼 )⟧. L’on peut considérer un 𝑛‐arrange‐
ment (𝑖𝑗 )𝑗 ∈⟦1,𝑛⟧ ∈ 𝒜𝑛 (𝐼 ). Introduisons l’ensemble 𝐽 ≔ {𝑖𝑗 , 𝑗 ∈ ⟦1, 𝑛 − 1⟧} ainsi que l’endomorphisme ℎ ∈ 𝐿
défini par :
∀𝑗 ∈ ⟦1, 𝑛 − 1⟧, ℎ(𝑒𝑖𝑗 ) = 𝑒𝑖𝑗+1 , ∀𝑖 ∈ 𝐼 𝐽 , ℎ(𝑒𝑖 ) = 0𝐸 .
Rappelons que, en vertu des règles de calcul dans l’algèbre (𝐿, +, ⋅, ∘), on a : −

∀𝑝 ∈ ℕ, (∃𝑞 ∈ ⟦1, 𝑝⟧ : ℎ𝑞 = 0𝐿 ) ⇒ (∃𝑞 ∈ ⟦1, 𝑝⟧ : ℎ𝑞 = 0𝐿 ∧ ℎ𝑝 = ℎ𝑞 ∘ ℎ𝑝−𝑞 = 0𝐿 ∘ ℎ𝑝−𝑞 = 0𝐿 )


⇒ ℎ𝑝 = 0𝐿 ,
ℎ𝑝 ≠ 0𝐿 ⇒ (∀𝑞 ∈ ⟦1, 𝑝⟧, ℎ𝑝 ≠ 0𝐿 ),

la dernière implication découlant du principe de contraposition et des lois de De Morgan du calcul des
prédicats. Calculons d’abord :

∀𝑖 ∈ 𝐼 𝐽 , (∀𝑘 ∈ ℕ∗ , ℎ𝑘 (𝑒𝑖 ) = (ℎ𝑘 −1 ∘ ℎ)(𝑒𝑖 ) = ℎ𝑘 −1 (ℎ(𝑒𝑖 )) = ℎ𝑘 −1 (0𝐸 ) = 0𝐸 ) ∧ ℎ𝑛 (𝑒𝑖 ) = 0𝐸 . (†)


Par ailleurs, pour tout indice 𝑗 ∈ ⟦1, 𝑛 − 1⟧, une récurrence immédiate prouve que :

∀𝑘 ∈ ⟦0, 𝑛 − 𝑗⟧, ℎ𝑘 (𝑒𝑖𝑗 ) = 𝑒𝑖𝑗+𝑘 ≠ 0𝐸 .

En particulier, les relations ℎ𝑛−1 (𝑒𝑖1 ) = 𝑒𝑖𝑛 ≠ 0𝐸 sont vérifiées et, en invoquant aussi le rappel précédent,
on déduit que :
ℎ𝑛−1 ≠ 0𝐿 , ∀𝑘 ∈ ⟦1, 𝑛 − 1⟧, ℎ𝑘 ≠ 0𝐿 .
Enfin :

∀𝑗 ∈ ⟦1, 𝑛 − 1⟧, ℎ𝑛 (𝑒𝑖𝑗 ) = (ℎ𝑗 −1 ∘ ℎ ∘ ℎ𝑛−𝑗 )(𝑒𝑖𝑗 ) = (ℎ𝑗 −1 ∘ ℎ)(ℎ𝑛−𝑗 (𝑒𝑖𝑗 )) ∀𝑖 ∈ 𝐽 , ℎ𝑛 (𝑒𝑖 ) = 0𝐸 . (‡)
= (ℎ𝑗 −1 ∘ ℎ)(𝑒𝑖𝑛 ) = ℎ𝑗 −1 (ℎ(𝑒𝑖𝑛 )) = ℎ𝑗 −1 (0𝐸 ) = 0𝐸 ,

En combinant les relations (†) et (‡), on obtient :

∀𝑖 ∈ 𝐼 , ℎ𝑛 (𝑒𝑖 ) = 0𝐸 .

On peut écrire les égalités ℎ𝑛 ∘ ℬ = (0𝐸 )𝑖∈𝐼 = 0𝐿 ∘ ℬ et, par unicité, déduire que ℎ𝑛 = 0𝐿 . En défintive,
on a prouvé que l’endomorphisme ℎ est nilpotent, d’indice de nilpotence égal au nombre 𝑛. En particulier,
l’algèbre (𝐿, +, ⋅, ∘) n’est pas intègre : la composée ℎ ∘ ℎ𝑛−1 = ℎ𝑛 y est nulle sans qu’aucun des facteurs ℎ et
ℎ𝑛−1 ne le soit. □

15
Remarque — Avec les mêmes notations, on pourra appliquer dans l’algèbre associative et unitaire (𝐿, +, ⋅, ∘)
des identités remarquables et la formule du binôme de Newton à des endomorphismes commutant vis‐à‐vis
de la loi de composition ∘.
Proposition 22 — Soient (𝐾 , +, ×) un corps et (𝐸, +, ⋅), (𝐹 , +, ⋅) et (𝐺, +, ⋅) trois (𝐾 , +, ×)‐espaces vectoriels. On a :

∀(𝑓 , 𝑔) ∈ iso(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅) × iso(𝐹 , +, ⋅ ; 𝐺, +, ⋅), 𝑓 −1 ∈ iso(𝐹 , +, ⋅ ; 𝐸, +, ⋅) ∧ 𝑔 ∘ 𝑓 ∈ iso(𝐸, +, ⋅ ; 𝐺, +, ⋅).

Démonstration — Fixons un couple (𝑓 , 𝑔) ∈ iso(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅) × iso(𝐸, +, ⋅ ; 𝐺, +, ⋅) : • l’application 𝑓 : 𝐸 → 𝐹 est


un isomorphisme — linéaire et bijectif — de l’espace (𝐸, +, ⋅) vers l’espace (𝐹 , +, ⋅) ; • l’application 𝑔 : 𝐹 → 𝐺
est un isomorphisme de l’espace (𝐹 , +, ⋅) vers l’espace (𝐺, +, ⋅).
Premier point La composée 𝑔 ∘ 𝑓 : 𝐸 → 𝐺 des applications linéaires et bijectives 𝑓 et 𝑔 est : • linéaire ;
• bijective ; • un isomorphisme de l’espace (𝐸, +, ⋅) vers l’espace (𝐺, +, ⋅) ; • dans l’ensemble iso(𝐸, +, ⋅ ; 𝐺, +, ⋅).
Second point La bijection réciproque 𝑓 −1 : 𝐹 → 𝐸 de l’application 𝑓 est bien sûr bijective. Pour tout couple
de vecteurs (𝑢, 𝑣) ∈ 𝐹 2 et tout couple de scalaires (𝜆, 𝜇) ∈ 𝐾 2 , on calcule, en invoquant la linéarité de l’appli‐
cation 𝑓 ainsi que les identités 𝑓 ∘ 𝑓 −1 = id𝐹 et 𝑓 −1 ∘ 𝑓 = id𝐸 :

𝑓 −1 (𝜆 ⋅ 𝑢 + 𝜇 ⋅ 𝑣) = 𝑓 −1 (𝜆 ⋅ id𝐹 (𝑢) + 𝜇 ⋅ id𝐹 (𝑣)) = 𝑓 −1 (𝜆 ⋅ (𝑓 ∘ 𝑓 −1 )(𝑢) + 𝜇 ⋅ (𝑓 ∘ 𝑓 −1 )(𝑣))


= 𝑓 −1 (𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑓 −1 (𝑢)) + 𝜇 ⋅ 𝑓 (𝑓 −1 (𝑣))) = 𝑓 −1 (𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑓 −1 (𝑢) + 𝜇 ⋅ 𝑓 −1 (𝑣)))
= (𝑓 −1 ∘ 𝑓 )(𝜆 ⋅ 𝑓 −1 (𝑢) + 𝜇 ⋅ 𝑓 −1 (𝑣)) = id𝐸 (𝜆 ⋅ 𝑓 −1 (𝑢) + 𝜇 ⋅ 𝑓 −1 (𝑣)) = 𝜆 ⋅ 𝑓 −1 (𝑢) + 𝜇 ⋅ 𝑓 −1 (𝑣).

L’application 𝑓 −1 est donc linéaire. Il s’agit bien, en définitive, d’un isomorphisme de l’espace (𝐹 , +, ⋅) vers
l’espace (𝐸, +, ⋅), c’est‐à‐dire d’un élément de l’ensemble iso(𝐹 , +, ⋅ ; 𝐸, +, ⋅). □
Corollaire 23 — Soient (𝐾 , +, ×) un corps et (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) deux (𝐾 , +, ×)‐espaces vectoriels. Il existe un
isomorphisme de l’espace (𝐸, +, ⋅) vers l’espace (𝐹 , +, ⋅) si, et seulement si, il en existe un de l’espace (𝐹 , +, ⋅) vers
l’espace (𝐸, +, ⋅) :
iso(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅) ≠ ∅ ⇔ iso(𝐹 , +, ⋅ ; 𝐸, +, ⋅) ≠ ∅.
Définition 24 (Espaces vectoriels isomorphes) — Deux espaces vectoriels sur un même corps sont dits
isomorphes s’il existe un isomorphisme de l’un vers l’autre.
Proposition 25 — Soient (𝐾 , +, ×) un corps et (𝐸, +, ⋅) un (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel. On note (𝐿, +, ⋅, ∘) l’algèbre
des endomorphismes de l’espace (𝐸, +, ⋅) et 𝐺 ≔ GL(𝐸, +, ⋅) l’ensemble des automorphismes de ce même espace.
(i) La composition d’applications ∘ induit sur l’ensemble 𝐺 une loi de composition interne, encore notée ∘.
(ii) Le couple (𝐺, ∘) constitue un sous‐groupe du groupe symétrique (𝔖(𝐸), ∘) de l’ensemble 𝐸 : c’est le groupe des
unités de l’algèbre associative et unitaire (𝐿, +, ⋅, ∘).
(iii) Si dim(𝐸, +, ⋅) ∈ {0, 1}, alors le groupe (𝐺, ∘) est abélien.
(iv) Si l’espace (𝐸, +, ⋅) admet une base de cardinal supérieur ou égal à 2 — dans l’ensemble ℕ —, alors le groupe
(𝐺, ∘) n’est pas abélien.
Vocabulaire (Groupe général linéaire) — Avec les mêmes notations, le groupe (𝐺, ∘) est appelé groupe
général linéaire ou simplement groupe linéaire du (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel (𝐸, +, ⋅).
Démonstration — (i) Pour tout couple (𝑓 , 𝑔) ∈ 𝐺 2 , les automorphismes 𝑓 et 𝑔 sont des endomorphismes bijec‐
tifs de l’espace (𝐸, +, ⋅) et la composée 𝑓 ∘ 𝑔 : 𝐸 → 𝐸 est : • bien définie ; • bijective ; • un endomorphisme de
l’espace (𝐸, +, ⋅) ; • donc un automorphisme de cet espace, c’est‐à‐dire un élément de l’ensemble 𝐺. L’ap‐
plication 𝐺 2 ∋ (𝑓 , 𝑔) ↦ 𝑓 ∘ 𝑔 ∈ 𝐺 est donc bien définie et constitue une loi de composition interne dans
l’ensemble 𝐺.
(ii) L’égalité 𝐺 = 𝐿 ∩ 𝔖(𝐸) est immédiate puisque l’ensemble 𝐺 est constitué des applications 𝑓 ∈ 𝐸 𝐸 si‐
multanément : • linéaires de l’espace (𝐸, +, ⋅) vers lui‐même, c’est‐à‐dire appartenant à l’ensemble 𝐿 des
endomorphismes de cet espace ; • et bijectives, c’est‐à‐dire éléments de l’ensemble bij(𝐸, 𝐸) = 𝔖(𝐸) des
permutations de l’ensemble 𝐸. On a déjà vu que id𝐸 ∈ 𝐺 ≠ ∅ et le point précédent assure que l’en‐
semble 𝐺 est stable par la loi du groupe (𝔖(𝐸), ∘). Enfin, cet ensemble est également stable par passage
au symétrique vis‐à‐vis de cette même loi, c’est‐à‐dire par passage à la bijection réciproque, car, pour tout

16
automorphisme 𝑓 ∈ 𝐺, la bijection réciproque 𝑓 −1 de l’application 𝑓 est : • bijective ; • un endomorphisme
de l’espace (𝐸, +, ⋅) ; • conséquemment un automorphisme de ce même espace, c’est‐à‐dire un élément
de l’ensemble 𝐺. À ce stade, on peut affirmer que la partie 𝐺 ⊆ 𝔖(𝐸) définit un sous‐groupe du groupe
(𝔖(𝐸), ∘). Prouvons qu’elle égale la partie 𝐿∘ constituée des unités de l’algèbre associative et unitaire (𝐿,
+, ⋅, ∘) — c’est‐à‐dire des unités de l’anneau (𝐿, +, ∘).
Inclusion directe La bijection réciproque 𝑓 −1 de tout automorphisme 𝑓 ∈ 𝐺 ⊆ 𝐿 appartient à l’en‐
semble 𝐺 ⊆ 𝐿 et vérifie les relations 𝑓 −1 ∈ 𝐺 ⊆ 𝐿 et 𝑓 −1 ∘ 𝑓 = id𝐸 = 𝑓 ∘ 𝑓 −1 , de sorte que l’application 𝑓
est inversible dans l’anneau (𝐿, +, ∘) et appartient à l’ensemble 𝐿∘ . D’où l’inclusion 𝐺 ⊆ 𝐿∘ .
Inclusion réciproque Tout endomorphisme 𝑓 ∈ 𝐿∘ appartient à l’ensemble 𝐿 et admet un inverse 𝑔 ∈ 𝐿,
tel que 𝑔 ∘ 𝑓 = id𝐸 = 𝑓 ∘ 𝑔, si bien que : • les applications 𝑓 et 𝑔 sont bijectives et réciproques l’une de
l’autre ; • l’application 𝑓 est un automorphisme de l’espace (𝐸, +, ⋅), c’est‐à‐dire un élément de l’ensemble
𝐺. C’est donc que 𝐿∘ ⊆ 𝐺.
On a établi la double inclusion 𝐺 ⊆ 𝐿∘ ⊆ 𝐺, c’est‐à‐dire, par extensionnalité, l’égalité 𝐺 = 𝐿∘ escomptée. In
fine, le couple (𝐺, ∘) est un groupe : • en tant que sous‐groupe du groupe (𝔖(𝐸), ∘) ; • ou bien parce qu’il
se confond avec le groupe des unités (𝐿∘ , ∘) de l’anneau (𝐿, +, ∘).
(iii) Lorsque dim(𝐸, +, ⋅) ∈ {0, 1}, la commutativité de l’algèbre (𝐿, +, ⋅, ∘) se transmet évidemment au groupe
(𝐺, ∘).
(iv) Supposons que l’espace (𝐸, +, ⋅) admet une base ℬ = (𝑒𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐸 𝐼 indexée par un certain ensemble 𝐼 de
cardinal supérieur ou égal à 2 — dans l’ensemble ℕ. Reprenons le contre‐exemple présenté lors de l’étude
de l’algèbre (𝐿, +, ⋅, ∘) et considérons un couple (𝑖, 𝑗) ∈ 𝒜2 (𝐼 ) ainsi que les deux endomorphismes 𝑓 ∈ 𝐿 et
𝑔 ∈ 𝐿 caractérisés par les relations suivantes :

𝑓 (𝑒𝑖 ) = 𝑒𝑖 − 𝑒𝑗 = −𝑔(𝑒𝑗 ), 𝑔(𝑒𝑖 ) = 𝑒𝑗 = 𝑓 (𝑒𝑗 ), ∀𝑘 ∈ 𝐼 {𝑖, 𝑗}, 𝑓 (𝑒𝑘 ) = 𝑒𝑘 = 𝑔(𝑒𝑘 ).



Prouvons qu’il s’agit en fait d’automorphismes. Introduisons, pour ce faire, les endomorphismes 𝑢 ∈ 𝐿 et
𝑣 ∈ 𝐿 définis par :

𝑢(𝑒𝑖 ) = 𝑒𝑖 + 𝑒𝑗 , 𝑢(𝑒𝑗 ) = 𝑒𝑗 , 𝑣(𝑒𝑖 ) = 𝑒𝑖 − 𝑒𝑗 , 𝑣(𝑒𝑗 ) = 𝑒𝑖 , ∀𝑘 ∈ 𝐼 {𝑖, 𝑗}, 𝑢(𝑒𝑘 ) = 𝑒𝑘 = 𝑣(𝑒𝑘 ).


On calcule, en invoquant la définition et la linéarité des applications 𝑓 , 𝑔, 𝑢 et 𝑣 :

(𝑢 ∘ 𝑓 )(𝑒𝑖 ) = 𝑢(𝑓 (𝑒𝑖 )) = 𝑢(𝑒𝑖 − 𝑒𝑗 ) = 𝑢(𝑒𝑖 ) − 𝑢(𝑒𝑗 ) = 𝑒𝑖 + 𝑒𝑗 − 𝑒𝑗 = 𝑒𝑖 ,


(𝑢 ∘ 𝑓 )(𝑒𝑗 ) = 𝑢(𝑓 (𝑒𝑗 )) = 𝑢(𝑒𝑗 ) = 𝑒𝑗 ,
(𝑓 ∘ 𝑢)(𝑒𝑖 ) = 𝑓 (𝑢(𝑒𝑖 )) = 𝑓 (𝑒𝑖 + 𝑒𝑗 ) = 𝑓 (𝑒𝑖 ) + 𝑓 (𝑒𝑗 ) = 𝑒𝑖 − 𝑒𝑗 + 𝑒𝑗 = 𝑒𝑖 ,
(𝑓 ∘ 𝑢)(𝑒𝑗 ) = 𝑓 (𝑢(𝑒𝑗 )) = 𝑓 (𝑒𝑗 ) = 𝑒𝑗 ,
(𝑣 ∘ 𝑔)(𝑒𝑖 ) = 𝑣(𝑔(𝑒𝑖 )) = 𝑣(𝑒𝑗 ) = 𝑒𝑖 ,
(𝑣 ∘ 𝑔)(𝑒𝑗 ) = 𝑣(𝑔(𝑒𝑗 )) = 𝑣(𝑒𝑗 − 𝑒𝑖 ) = 𝑣(𝑒𝑗 ) − 𝑣(𝑒𝑖 ) = 𝑒𝑖 − (𝑒𝑖 − 𝑒𝑗 ) = 𝑒𝑗 ,
(𝑔 ∘ 𝑣)(𝑒𝑖 ) = 𝑔(𝑣(𝑒𝑖 )) = 𝑔(𝑒𝑖 − 𝑒𝑗 ) = 𝑔(𝑒𝑖 ) − 𝑔(𝑒𝑗 ) = 𝑒𝑗 + 𝑒𝑖 − 𝑒𝑗 = 𝑒𝑖 ,
(𝑔 ∘ 𝑣)(𝑒𝑗 ) = 𝑔(𝑣(𝑒𝑗 )) = 𝑔(𝑒𝑖 ) = 𝑒𝑗 ,
ainsi que :
∀(𝑠, 𝑡) ∈ {𝑓 , 𝑔, 𝑢, 𝑣}2 , ∀𝑘 ∈ 𝐼 {𝑖, 𝑗}, (𝑡 ∘ 𝑠)(𝑒𝑘 ) = 𝑡(𝑠(𝑒𝑘 )) = 𝑡(𝑒𝑘 ) = 𝑒𝑘 .

L’on observe que :


∀𝑘 ∈ 𝐼 , (𝑢 ∘ 𝑓 )(𝑒𝑘 ) = (𝑓 ∘ 𝑢)(𝑒𝑘 ) = (𝑣 ∘ 𝑔)(𝑒𝑘 ) = (𝑔 ∘ 𝑣)(𝑒𝑘 ) = 𝑒𝑘 ,
𝑢 ∘ 𝑓 ∘ ℬ = 𝑓 ∘ 𝑢 ∘ ℬ = 𝑣 ∘ 𝑔 ∘ ℬ = 𝑔 ∘ 𝑣 ∘ ℬ = ℬ = id𝐸 ∘ ℬ.
Les cinq endomorphismes 𝑢 ∘ 𝑓 , 𝑓 ∘ 𝑢, 𝑣 ∘ 𝑔, 𝑔 ∘ 𝑣 et id𝐸 laissent la base ℬ fixe ; par unicité, ils sont égaux :

𝑢 ∘ 𝑓 = 𝑓 ∘ 𝑢 = 𝑣 ∘ 𝑔 = 𝑔 ∘ 𝑣 = id𝐸 .

C’est donc que : • les endomorphismes 𝑓 et 𝑢 sont bijectifs et réciproques l’un de l’autre ; • les endomor‐
phismes 𝑔 et 𝑣 sont bijectifs et réciproques l’un de l’autre. En particulier, on a (𝑓 , 𝑔) ∈ 𝐺 2 . Par ailleurs,
on a déjà vu que 𝑔 ∘ 𝑓 ≠ 𝑓 ∘ 𝑔. Les automorphismes 𝑓 et 𝑔 ne commutent pas : le groupe (𝐺, ∘) n’est pas
abélien. □

17
3 Applications linéaires & sous‐espaces : noyau, image, théorème du rang
Proposition 26 — Soient un corps (𝐾 , +, ×), deux (𝐾 , +, ×)‐espaces vectoriels (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) ainsi qu’une
application linéaire 𝑓 ∈ L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅).
(i) L’ensemble image directe 𝑓 [𝐴] ⊆ 𝐹 par l’application 𝑓 de toute partie 𝐴 ⊆ 𝐸 définissant un sous‐espace de
l’espace (𝐸, +, ⋅) définit un sous‐espace vectoriel de l’espace (𝐹 , +, ⋅).
(ii) L’ensemble image réciproque 𝑓 −1 [𝐵] ⊆ 𝐸 par l’application 𝑓 de toute partie 𝐵 ⊆ 𝐹 définissant un sous‐espace
de l’espace (𝐹 , +, ⋅) définit un sous‐espace vectoriel de l’espace (𝐸, +, ⋅).
Démonstration — (i) Soit une partie 𝐴 ⊆ 𝐸 définissant un sous‐espace de l’espace (𝐸, +, ⋅) : elle possède le
vecteur nul 0𝐸 et est stable par combinaison linéaire. Étudions la partie 𝑓 [𝐴] ≔ {𝑓 (𝑥), 𝑥 ∈ 𝐴} = {𝑦 ∈ 𝐹 |
∃𝑥 ∈ 𝐴 : 𝑦 = 𝑓 (𝑥)} ⊆ 𝐹 .
Vecteur nul On a 0𝐸 ∈ 𝐴 et l’on peut écrire les relations 0𝐹 = 𝑓 (0𝐸 ) ∈ 𝑓 [𝐴] ≠ ∅.
Stabilité par combinaison linéaire Pour tous couples (𝑦, 𝑧) ∈ (𝑓 [𝐴])2 et (𝜆, 𝜇) ∈ 𝐾 2 , il existe un
couple (𝑥, 𝑡) ∈ 𝐴2 tel que (𝑦, 𝑧) = (𝑓 (𝑥), 𝑓 (𝑡)) et l’on peut écrire :

𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜇 ⋅ 𝑡 ∈ 𝐴, 𝜆 ⋅ 𝑦 + 𝜇 ⋅ 𝑧 = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥) + 𝜇 ⋅ 𝑓 (𝑡) = 𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜇 ⋅ 𝑡) ∈ 𝑓 [𝐴].

Conclusion La partie 𝑓 [𝐴] ⊆ 𝐹 est donc non vide et stable par combinaison linéaire dans l’espace
(𝐹 , +, ⋅) : elle définit un sous‐espace de ce dernier.
(ii) Soit une partie 𝐵 ⊆ 𝐹 définissant un sous‐espace de l’espace (𝐹 , +, ⋅) : elle possède le vecteur nul 0𝐹 et est
stable par combinaison linéaire. Étudions la partie 𝑓 −1 [𝐵] ≔ {𝑥 ∈ 𝐸 | 𝑓 (𝑥) ∈ 𝐵} ⊆ 𝐸.
Vecteur nul Les relations 𝑓 (0𝐸 ) = 0𝐹 ∈ 𝐵 assurent que 0𝐸 ∈ 𝑓 −1 [𝐵] ≠ ∅.
Stabilité par combinaison linéaire Pour tous couples (𝑥, 𝑦) ∈ (𝑓 −1 [𝐵])2 et (𝜆, 𝜇) ∈ 𝐾 2 , on a :

(𝑓 (𝑥), 𝑓 (𝑦)) ∈ 𝐵2 , 𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜇 ⋅ 𝑦) = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑥) + 𝜇 ⋅ 𝑓 (𝑦) ∈ 𝐵, 𝜆 ⋅ 𝑥 + 𝜇 ⋅ 𝑦 ∈ 𝑓 −1 [𝐵].

Conclusion Ainsi la partie 𝑓 −1 [𝐵] ⊆ 𝐸 est‐elle non vide et stable par combinaison linéaire dans l’espace
(𝐸, +, ⋅) : elle définit un sous‐espace de ce dernier. □
Rappels (Noyau, image) — Soient un corps (𝐾 , +, ×), deux (𝐾 , +, ×)‐espaces vectoriels (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅)
ainsi qu’une application linéaire 𝑓 ∈ L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅).
(i) L’application 𝑓 est, en particulier, un homomorphisme de groupes du groupe (𝐸, +) vers le groupe (𝐹 , +)
et l’on peut donc considérer son noyau ker(𝐹 ,+) (𝑓 ) = ker0𝐹 (𝑓 ) ≔ 𝑓 −1 [{0𝐹 }] = {𝑥 ∈ 𝐸 | 𝑓 (𝑥) = 0𝐹 } ⊆ 𝐸,
également noté ker(𝑓 ) en l’absence d’ambiguïté vis‐à‐vis de la structure dont est muni l’ensemble 𝐹 .
(ii) L’ensemble image de l’application 𝑓 est, indépendamment des structures sur les ensembles 𝐸 et 𝐹 , toujours
im(𝑓 ) ≔ 𝑓 [𝐸] = {𝑓 (𝑥), 𝑥 ∈ 𝐸} = {𝑦 ∈ 𝐹 | ∃𝑥 ∈ 𝐸 : 𝑦 = 𝑓 (𝑥)} ⊆ 𝐹 .
Proposition 27 — Soient (𝐾 , +, ×) un corps, (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) deux (𝐾 , +, ×)‐espaces vectoriels ainsi qu’une
application linéaire 𝑓 ∈ L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅).
(i) Le noyau ker(𝑓 ) de l’application linéaire 𝑓 définit un sous‐espace vectoriel de l’espace (𝐸, +, ⋅).
(ii) L’application 𝑓 est injective si, et seulement si ker(𝑓 ) = {0𝐸 }, ce qui équivaut encore à la seule inclusion
ker(𝑓 ) ⊆ {0𝐸 }.
(iii) L’ensemble image im(𝑓 ) de l’application linéaire 𝑓 définit un sous‐espace vectoriel de l’espace (𝐹 , +, ⋅).
(iv) L’application 𝑓 est surjective si, et seulement si, im(𝑓 ) = 𝐹 , ce qui équivaut encore à la seule inclusion
𝐹 ⊆ im(𝑓 ).
(v) Toute famille de vecteurs 𝒳 = (𝑥𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐸 𝐼 indexée par un certain ensemble 𝐼 et génératrice de l’espace (𝐸, +, ⋅)
est telle que la famille 𝒴 = (𝑦𝑖 )𝑖∈𝐼 ≔ 𝑓 ∘ 𝒳 = (𝑓 (𝑥𝑖 ))𝑖∈𝐼 ∈ (im(𝑓 ))𝐼 engendre le sous‐espace vectoriel
(im(𝑓 ), +, ⋅) de l’espace (𝐹 , +, ⋅).
Démonstration — (i) La partie {0𝐹 } ⊆ 𝐹 définit un sous‐espace vectoriel de l’espace (𝐹 , +, ⋅). La proposition
précédente assure que la partie 𝑓 −1 [{0𝐹 }] = ker(𝑓 ) ⊆ 𝐸 définit un sous‐espace vectoriel de l’espace (𝐸, +, ⋅).
(ii) Ce point découle des propriétés du noyau d’un homomorphisme de groupes.
(iii) La partie 𝐸 ⊆ 𝐸 définit un sous‐espace vectoriel de l’espace (𝐸, +, ⋅), D’après la proposition précédente, la
partie 𝑓 [𝐸] = im(𝑓 ) ⊆ 𝐹 définit un sous‐espace vectoriel de l’espace (𝐹 , +, ⋅).

18
(iv) Ce point procède des propriétés de l’ensemble image d’une application quelconque.
(v) Conservons les notations de l’énoncé. Les éléments de la famille 𝒴 sont des vecteurs de l’espace (im(𝑓 ), +, ⋅)
et l’inclusion vect(im(𝑓 ),+,⋅) (𝒴 ) ⊆ im(𝑓 ) est immédiate. Réciproquement, pour tout vecteur 𝑦 ∈ im(𝑓 ) : • il
existe un vecteur 𝑥 ∈ 𝐸 tel que 𝑦 = 𝑓 (𝑥) ; • puisque la famille 𝒳 engendre l’espace (𝐸, +, ⋅), il existe une
famille de scalaires 𝛬 = (𝜆𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐾 (𝐼 ) telle que 𝑥 = ∑𝑖∈𝐼 𝜆𝑖 ⋅ 𝑥𝑖 ; • l’on peut écrire et calculer :

𝑦 = 𝑓 (𝑥) = 𝑓 (∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑥𝑖 ) = ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑓 (𝑥𝑖 ) = ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑦𝑖 ∈ vect(im(𝑓 ),+,⋅) (𝒴 ).


𝑖∈𝐼 𝑖∈𝐼 𝑖∈𝐼

D’où l’inclusion im(𝑓 ) ⊆ vect(im(𝑓 ),+,⋅) (𝒴 ) : la famille 𝒴 est génératrice de l’espace (im(𝑓 ), +, ⋅). □
Proposition 28 — Soient (𝐾 , +, ×) un corps, (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) deux (𝐾 , +, ×)‐espaces vectoriels ainsi qu’une
application linéaire 𝑓 ∈ L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅). On a :

∀𝑦 ∈ im(𝑓 ), ∀𝑥 ∈ 𝑓 −1 [{𝑦}], 𝑓 −1 [{𝑦}] = 𝑥 + ker(𝑓 ) ≔ {𝑥 + 𝑡, 𝑡 ∈ ker(𝑓 )} = {𝑢 ∈ 𝐸 | ∃𝑡 ∈ ker(𝑓 ) : 𝑢 = 𝑥 + 𝑡}.

Vocabulaire — Avec les mêmes notations, étant donné un vecteur 𝑦 ∈ im(𝑓 ), on dit que la partie 𝑓 −1 [{𝑦}] ⊆ 𝐸
définit un espace affine de direction ker(𝑓 ).
Démonstration — Fixons une image 𝑦 ∈ im(𝑓 ) de l’application 𝑓 et considérons‐en un antécédent 𝑥 ∈ 𝑓 −1 [{𝑦}].
Inclusion directe Pour tout antécédent 𝑢 du vecteur 𝑦 par l’application 𝑓 , on a, notant 𝑡 ≔ 𝑢 − 𝑥 ∈ 𝐸 :

𝑓 (𝑡) = 𝑓 (𝑢 − 𝑥) = 𝑓 (𝑢) − 𝑓 (𝑥) = 𝑦 − 𝑦 = 0𝐹 , 𝑡 ∈ ker(𝑓 ),


𝑢 = 𝑢 + 0𝐸 = 𝑢 + 𝑥 − 𝑥 = 𝑥 + 𝑢 − 𝑥 = 𝑥 + 𝑡 ∈ 𝑥 + ker(𝑓 ).

Inclusion réciproque Tout élément 𝑢 ∈ 𝑥 + ker(𝑓 ) s’écrit 𝑢 = 𝑥 + 𝑡 pour un certain vecteur 𝑡 ∈ ker(𝑓 ) et
vérifie :
𝑓 (𝑢) = 𝑓 (𝑥 + 𝑡) = 𝑓 (𝑥) + 𝑓 (𝑡) = 𝑦 + 0𝐹 = 𝑦, 𝑢 ∈ 𝑓 −1 [{𝑦}].
Conclusion Par extensionnalité, l’égalité 𝑓 −1 [{𝑦}] = 𝑥 + ker(𝑓 ) est effectivement vérifiée. □
Définition 29 (Rang) — Soient (𝐾 , +, ×) un corps et (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) deux (𝐾 , +, ×)‐espaces vectoriels. On
appelle rang — vis‐à‐vis des espaces (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) — d’une application linéaire 𝑓 ∈ L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅) et l’on
note rg(𝐸,+,⋅ ;𝐹 ,+,⋅) (𝑓 ) ∈ ℕ ou, en l’absence d’ambiguïté vis‐à‐vis des structures, rg(𝑓 ) la dimension — finie ou
infinie — du sous‐espace vectoriel de l’espace (𝐹 , +, ⋅) défini par l’ensemble image im(𝑓 ) de l’application 𝑓 :

rg(𝐸,+,⋅ ;𝐹 ,+,⋅) (𝑓 ) ≔ dim(im(𝑓 ), +, ⋅).

Proposition 30 — Soient (𝐾 , +, ×) un corps, (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) deux (𝐾 , +, ×)‐espaces vectoriels ainsi qu’une


application linéaire 𝑓 ∈ L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅). L’inégalité suivante vaut dans l’ensemble ordonné (ℕ, ⩽) :

rg(𝐸,+,⋅ ;𝐹 ,+,⋅) (𝑓 ) ⩽ min(dim(𝐸, +, ⋅), dim(𝐹 , +, ⋅)).

Démonstration — Notons 𝑛 ≔ dim(𝐸, +, ⋅) ∈ ℕ, 𝑝 ≔ dim(𝐹 , +, ⋅) ∈ ℕ et 𝑟 ≔ rg(𝐸,+,⋅ ;𝐹 ,+,⋅) (𝑓 ) ∈ ℕ. Il s’agit


d’établir les deux inégalités 𝑟 ⩽ 𝑛 et 𝑟 ⩽ 𝑝.
Première inégalité Si 𝑛 = +∞, alors l’inégalité 𝑟 ⩽ 𝑛 est évidemment vérifiée. Supposons désormais que
𝑛 ∈ ℕ et considérons une base ℬ = (𝑒𝑖 )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ ∈ 𝐸 𝑛 de l’espace (𝐸, +, ⋅). La proposition 27 garantit que le
système 𝒞 = (𝑓 (𝑒𝑖 ))𝑖∈⟦1,𝑛⟧ ∈ (im(𝑓 ))𝑛 ⊆ 𝐹 𝑛 est générateur du sous‐espace (im(𝑓 ), +, ⋅) de l’espace (𝐹 , +, ⋅).
Ledit sous‐espace est donc de dimension finie, inférieure ou égale au cardinal 𝑛 du système générateur 𝒞 .
L’inégalité 𝑟 ⩽ 𝑛 est toujours vérifiée.
Seconde inégalité À nouveau, si 𝑝 = +∞, alors l’inégalité 𝑟 ⩽ 𝑝 est immédiate. Considérons à présent le
cas où 𝑝 ∈ ℕ. L’espace (𝐹 , +, ⋅) est de dimension finie 𝑝 et tous ses sous‐espaces sont également de dimension
finie, inférieure ou égale au nombre 𝑝 : c’est, en particulier, le cas du sous‐espace (im(𝑓 ), +, ⋅). On a donc, dans
tous les cas, l’inégalité 𝑟 ⩽ 𝑝. □
Exemple — On travaille dans le corps (ℝ, +, ×) des nombres réels et dans les (ℝ, +, ×)‐espaces vectoriels
(ℝ2 , +, ⋅) et (ℝ3 , +, ⋅), dont : • les lois d’addition et de multiplication par un scalaire sont définies coordon‐
née par coordonnée à partir des lois + et × de l’ensemble ℝ ; • les vecteurs nuls respectifs 0ℝ2 et 0ℝ3 égalent

19
les uplets (0, 0) et (0, 0, 0). On considère l’application suivante :

ℝ3 → ℝ 2
𝑓:( ).
(𝑥, 𝑦, 𝑧) ↦ (2𝑥 + 𝑦 − 3𝑧, −𝑥 + 𝑧)

Elle est linéaire ; on calcule en effet, pour tous couples (𝑠, 𝑡) = ((𝑥, 𝑦, 𝑧), (𝑢, 𝑣, 𝑤)) ∈ (ℝ3 )2 et (𝜆, 𝜇) ∈ ℝ2 :

𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑠 + 𝜇 ⋅ 𝑡) = 𝑓 ((𝜆𝑥, 𝜆𝑦, 𝜆𝑧) + (𝜇𝑢, 𝜇𝑣, 𝜇𝑤)) = 𝑓 ((𝜆𝑥 + 𝜇𝑢, 𝜆𝑦 + 𝜇𝑣, 𝜆𝑧 + 𝜇𝑤))
= (2(𝜆𝑥 + 𝜇𝑢) + (𝜆𝑦 + 𝜇𝑣) − 3(𝜆𝑧 + 𝜇𝑤), −(𝜆𝑥 + 𝜇𝑢) + (𝜆𝑧 + 𝜇𝑤))
= (2𝜆𝑥 + 2𝜇𝑢 + 𝜆𝑦 + 𝜇𝑣 − 3𝜆𝑧 − 3𝜇𝑤, −𝜆𝑥 − 𝜇𝑢 + 𝜆𝑧 + 𝜇𝑤)
= (𝜆(2𝑥 + 𝑦 − 3𝑧) + 𝜇(2𝑢 + 𝑣 − 3𝑤), 𝜆(−𝑥 + 𝑧) + 𝜇(−𝑢 + 𝑤))
= (𝜆(2𝑥 + 𝑦 − 3𝑧), 𝜆(−𝑥 + 𝑧)) + (𝜇(2𝑢 + 𝑣 − 3𝑤), 𝜇(−𝑢 + 𝑤))
= 𝜆 ⋅ (2𝑥 + 𝑦 − 3𝑧, −𝑥 + 𝑧) + 𝜇 ⋅ (2𝑢 + 𝑣 − 3𝑤, −𝑢 + 𝑤) = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑠) + 𝜇 ⋅ 𝑓 (𝑡).

Déterminons son noyau et son image. Fixons un instant deux vecteurs 𝑠 = (𝑥, 𝑦, 𝑧) ∈ ℝ3 et 𝑡 = (𝑢, 𝑣) ∈ ℝ2 . On
a les équivalences suivantes :

𝑠 ∈ 𝑓 −1 [{𝑡}] ⇔ 𝑓 (𝑠) = 𝑡
⇔ (2𝑥 + 𝑦 − 3𝑧, −𝑥 + 𝑧) = (𝑢, 𝑣)
⇔ (2𝑥 + 𝑦 − 3𝑧 = 𝑢 ∧ −𝑥 + 𝑧 = 𝑣)
⇔ (𝑥 = −𝑣 + 𝑧 ∧ 𝑦 = 𝑢 − 2𝑥 + 3𝑧 = 𝑢 + 2𝑣 − 2𝑧 + 3𝑧 = 𝑢 + 2𝑣 + 𝑧)
⇔ 𝑠 = (−𝑣 + 𝑧, 𝑢 + 2𝑣 + 𝑧, 𝑧) = (−𝑣, 𝑢 + 2𝑣, 0) + (𝑧, 𝑧, 𝑧) = (−𝑣, 𝑢 + 2𝑣, 0) + 𝑧 ⋅ (1, 1, 1)
⇔ 𝑠 ∈ (−𝑣, 𝑢 + 2𝑣, 0) + ℝ ⋅ (1, 1, 1) = {(−𝑣, 𝑢 + 2𝑣, 0) + 𝜆 ⋅ (1, 1, 1), 𝜆 ∈ ℝ}.

La dernière implication réciproque vient de ce que, si 𝑠 ∈ (−𝑣, 𝑢 + 2𝑣, 0) + ℝ ⋅ (1, 1, 1), alors il existe un scalaire
𝜆 ∈ ℝ tel que 𝑠 = (−𝑣, 𝑢 + 2𝑣, 0) + 𝜆 ⋅ (1, 1, 1) = (−𝑣 + 𝜆, 𝑢 + 2𝑣 + 𝜆, 𝜆) et, par identification des coordonnées,
on a nécessairement 𝜆 = 𝑧. En définitive : • puisque le vecteur 𝑠 est quelconque, on déduit par extensionnalité
que l’égalité ensembliste 𝑓 −1 [{𝑡}] = (−𝑣, 𝑢 + 2𝑣, 0) + ℝ ⋅ (1, 1, 1) est vérifiée et l’on peut aussi remarquer que
l’application ℝ ∋ 𝜆 ↦ (−𝑣 + 𝜆, 𝑢 + 2𝑣 + 𝜆, 𝜆) ∈ 𝑓 −1 [{𝑡}] est bien définie et bijective ; • le vecteur 𝑡 vérifie, en
particulier, les relations 𝑡 = 𝑓 (−𝑣, 𝑢 + 2𝑣, 0) ∈ im(𝑓 ) ; • puisque le vecteur 𝑡 est quelconque, c’est donc que
l’application 𝑓 est surjective, si bien que les égalités im(𝑓 ) = ℝ2 et rg(𝑓 ) = 2 sont vérifiées ; • en choisissant
𝑡 = (0, 0), on observe que ker(𝑓 ) = ℝ ⋅ (1, 1, 1) ≠ {0ℝ3 } et que l’application 𝑓 n’est pas injective.
Exemple (Interpolation de Lagrange) — Soit (𝐾 , +, ×) un corps dont on note 𝑛 ≔ card(𝐾 ) ∈ ⟦2, +∞⟧ le
cardinal. On notera aussi ℕ2 ∋ (𝑖, 𝑗) ↦ δ𝑖,𝑗 ∈ {0𝐾 , 1𝐾 } le symbole de Kronecker associé à l’ensemble ℕ des
nombres entiers naturels et à ce corps. On travaille sur le (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel (𝐾 𝐾 , +, ⋅) des applications
de source 𝐾 et de but 𝐾 , dont les lois + et ⋅ sont définies élément par élément à partir des lois + et × de
l’ensemble 𝐾 . Nous invoquerons continuellement, de façon implicite, le fait que deux applications de source
𝐾 et de but 𝐾 sont égales si, et seulement si, elles coïncident sur l’ensemble 𝐾 . Pour tout nombre 𝑝 ∈ ℕ :
• on désigne par 𝒫𝑝 le sous‐ensemble de l’ensemble 𝐾 𝐾 constitué des applications polynomiales de degré
inférieur ou égal au nombre 𝑝 :
𝑝
𝒫𝑝 ≔ {𝑃 ∈ 𝐾 𝐾 | ∃(𝑎𝑘 )𝑘 ∈⟦0,𝑝⟧ ∈ 𝐾 𝑝+1 : ∀𝑥 ∈ 𝐾 , 𝑃(𝑥) = ∑𝑘 =0 𝑎𝑘 𝑥 𝑘 } ;

• on considère la surjection 𝑓𝑝 : 𝐾 𝑝+1 → 𝒫𝑝 définie ci‐dessous — sa bonne définition et sa surjectivité


découlant de la définition même de l’ensemble 𝒫𝑝 — :
𝐾 →𝐾
⎛ ⎞
𝑝+1 𝑝
∀𝑎 = (𝑎𝑘 )𝑘 ∈⟦0,𝑝⟧ ∈ 𝐾 , 𝑓𝑝 (𝑎) = 𝑃𝑎 : ⎜ ⎟;
⎜𝑥 ↦ ∑ 𝑎𝑘 𝑥 𝑘 ⎟
⎝ 𝑘 =0 ⎠
• on travaillera dans le (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel (𝐾 𝑝+1 , +, ⋅), dont : ◦ les éléments seront préférentiellement
indexés par l’intervalle ⟦0, 𝑝⟧ de l’ensemble ordonné (ℕ, ⩽) ; ◦ les lois + et ⋅ sont définies coordonnée par
coordonnée à partir des lois + et × de l’ensemble 𝐾 ; ◦ le vecteur nul 0𝐾 𝑝+1 égale l’uplet nul (0𝐾 )𝑘 ∈⟦0,𝑝⟧ ;

20
• étant donnée une application polynomiale 𝑃 ∈ 𝒫𝑝 , on appelle (𝑝 + 1)‐uplet de coefficients de l’application
𝑃 tout uplet 𝑎 ∈ 𝐾 𝑝+1 tel que 𝑃 = 𝑃𝑎 — en général, l’unicité n’est pas assurée !
Sous‐espace & linéarité Soit un nombre 𝑝 ∈ ℕ. Par absorbance multiplicative et neutralité additive de
l’élément 0𝐾 dans le corps (𝐾 , +, ×), on a :
𝑝
𝑘
∀𝑥 ∈ 𝐾 , 𝑃0
𝐾 𝑝+1 (𝑥) = ∑ 0𝐾 𝑥 = 0𝐾 = 0𝐾 𝐾 (𝑥), 𝒫𝑝 ∋ 𝑃0 𝑝+1 = 0𝐾 𝐾 .
𝐾
𝑘 =0

De plus, pour tous couples (𝑎, 𝑏) = ((𝑎𝑘 )𝑘 ∈⟦0,𝑝⟧ , (𝑏𝑘 )𝑘 ∈⟦0,𝑝⟧ ) ∈ (𝐾 𝑝+1 )2 et (𝜆, 𝜇) ∈ 𝐾 2 , on calcule, en invoquant
les définitions des lois des espaces (𝐾 𝑝+1 , +, ⋅) et (𝐾 𝐾 , +, ⋅) ainsi que les règles de calcul et les propriétés des
sommes indexées dans le corps (𝐾 , +, ×) :

𝜆 ⋅ 𝑎 + 𝜇 ⋅ 𝑏 = (𝜆𝑎𝑘 + 𝜇𝑏𝑘 )𝑘 ∈⟦0,𝑝⟧ ,


𝑝 𝑝 𝑝
∀𝑥 ∈ 𝐾 , 𝑓𝑝 (𝜆 ⋅ 𝑎 + 𝜇 ⋅ 𝑏)(𝑥) = 𝑃𝜆⋅𝑎+𝜇⋅𝑏 (𝑥) = ∑ (𝜆𝑎𝑘 + 𝜇𝑏𝑘 )𝑥 𝑘 = 𝜆 ∑ 𝑎𝑘 𝑥𝑘 + 𝜇 ∑ 𝑏𝑘 𝑥 𝑘 = 𝜆𝑃𝑎 (𝑥) + 𝜇𝑃𝑏 (𝑥)
𝑘 =0 𝑘 =0 𝑘 =0
= (𝜆 ⋅ 𝑃𝑎 + 𝜇 ⋅ 𝑃𝑏 )(𝑥) = (𝜆 ⋅ 𝑓𝑝 (𝑎) + 𝜇 ⋅ 𝑓𝑝 (𝑏))(𝑥),
𝑓𝑝 (𝜆 ⋅ 𝑎 + 𝜇 ⋅ 𝑏) = 𝑃𝜆⋅𝑎+𝜇⋅𝑏 = 𝜆 ⋅ 𝑃𝑎 + 𝜇 ⋅ 𝑃𝑏 = 𝜆 ⋅ 𝑓𝑝 (𝑎) + 𝜇 ⋅ 𝑓𝑝 (𝑏).

Pour tous couples (𝑃, 𝑄) ∈ 𝒫𝑝2 et (𝜆, 𝜇) ∈ 𝐾 2 , il existe un couple (𝑎, 𝑏) ∈ (𝐾 𝑝+1 )2 tel que (𝑃, 𝑄) = (𝑃𝑎 , 𝑃𝑏 ) et l’on
a 𝜆 ⋅ 𝑃 + 𝜇 ⋅ 𝑄 = 𝜆 ⋅ 𝑃𝑎 + 𝜇 ⋅ 𝑃𝑏 = 𝑃𝜆⋅𝑎+𝜇⋅𝑏 ∈ 𝒫𝑝 . Résumons : • la partie 𝒫𝑝 est non vide et stable par combinaison
linéaire dans l’espace (𝐾 𝐾 , +, ⋅) : elle définit conséquemment un sous‐espace de cet espace ; • l’application 𝑓𝑝
est linéaire, élément de l’ensemble L(𝐾 𝑝+1 , +, ⋅ ; 𝒫𝑝 , +, ⋅).
Propriétés préliminaires Compte tenu des règles de calcul et des propriétés des sommes et produits in‐
dexés dans le corps (𝐾 , +, ×), de l’intégrité de ce même corps et du principe de récurrence, on démontre
successivement, comme dans les corps (ℝ, +, ×) et (ℂ, +, ×), que :
• pour tout nombre 𝑝 ∈ ℕ∗ , tout uplet 𝑎 = (𝑎𝑘 )𝑘 ∈⟦0,𝑝⟧ ∈ 𝐾 𝑝+1 et tout élément 𝛼 ∈ 𝐾 , on a :

𝑃𝑎 (𝛼) = 0𝐾 ⇒ (∃𝑏 = (𝑏𝑙 )𝑙 ∈⟦0,𝑝−1⟧ ∈ 𝐾 𝑝 : 𝑏𝑝−1 = 𝑎𝑝 ∧ (∀𝑥 ∈ 𝐾 , 𝑃𝑎 (𝑥) = 𝑃𝑏 (𝑥)(𝑥 − 𝛼))) ;

• pour tout nombre 𝑝 ∈ ℕ, tout uplet 𝑎 = (𝑎𝑘 )𝑘 ∈⟦0,𝑝⟧ ∈ 𝐾 𝑝+1 , tout nombre 𝑞 ∈ ⟦0, 𝑝⟧, toute partie 𝐴 ∈ 𝔓𝑞 (𝐾 )
et toute énumération (𝛼𝑖 )𝑖∈⟦1,𝑞⟧ ∈ 𝐴𝑞 des éléments de l’ensemble 𝐴, on a :

𝑃𝑎 [𝐴] ⊆ {0𝐾 }
𝑟
⇒ (∀𝑟 ∈ ⟦0, 𝑞⟧, ∃𝑏 = (𝑏𝑙 )𝑙 ∈⟦0,𝑝−𝑟⟧ ∈ 𝐾 𝑝−𝑟 +1 : 𝑏𝑝−𝑟 = 𝑎𝑝 ∧ (∀𝑥 ∈ 𝐾 , 𝑃𝑎 (𝑥) = 𝑃𝑏 (𝑥) ∏(𝑥 − 𝛼𝑖 )))
𝑖=1

⇒ (∃𝑏 = (𝑏𝑙 )𝑙 ∈⟦0,𝑝−𝑞⟧ ∈ 𝐾 𝑝−𝑞+1 : 𝑏𝑝−𝑞 = 𝑎𝑝 ∧ (∀𝑥 ∈ 𝐾 , 𝑃𝑎 (𝑥) = 𝑃𝑏 (𝑥) ∏ (𝑥 − 𝛼)))


𝛼 ∈𝐴

• pour tout nombre 𝑝 ∈ ℕ, tout uplet 𝑎 = (𝑎𝑘 )𝑘 ∈⟦0,𝑝⟧ ∈ 𝐾 𝑝+1 et toute partie 𝐴 ∈ 𝔓𝑝 (𝐾 ), on a :

𝑃𝑎 [𝐴] ⊆ {0𝐾 } ⇒ (∀𝑥 ∈ 𝐾 , 𝑃𝑎 (𝑥) = 𝑎𝑝 ∏ (𝑥 − 𝛼)) ;


𝛼 ∈𝐴

• pour tout nombre 𝑝 ∈ ℕ et tout uplet 𝑎 = (𝑎𝑘 )𝑘 ∈⟦0,𝑝⟧ ∈ 𝐾 𝑝+1 , on a :

(∃𝐴 ∈ 𝔓(𝐾 ) : card(𝐴) > 𝑝 ∧ 𝑃𝑎 [𝐴] ⊆ {0𝐾 }) ⇒ 𝑎𝑝 = 0𝐾 ;

• pour tout nombre 𝑝 ∈ ℕ et tout uplet 𝑎 = (𝑎𝑘 )𝑘 ∈⟦0,𝑝⟧ ∈ 𝐾 𝑝+1 , on a :

(∃𝐴 ∈ 𝔓(𝐾 ) : card(𝐴) > 𝑝 ∧ 𝑃𝑎 [𝐴] ⊆ {0𝐾 }) ⇒ (∀𝑞 ∈ ⟦0, 𝑝⟧, ∀𝑙 ∈ ⟦𝑝 − 𝑞, 𝑝⟧, 𝑎𝑙 = 0𝐾 )
⇒ 𝑎 = 0𝐾 𝑝+1
⇒ 𝑃𝑎 = 0𝐾 𝐾 ;

21
• par soustraction, on a, pour tout nombre 𝑝 ∈ ℕ et tout couple d’uplets (𝑎, 𝑏) ∈ (𝐾 𝑝+1 )2 :

(∃𝐴 ∈ 𝔓(𝐾 ) : card(𝐴) > 𝑝 ∧ 𝑃𝑎 |𝐴 = 𝑃𝑏 |𝐴 ) ⇒ 𝑎 = 𝑏


⇒ 𝑃𝑎 = 𝑃𝑏 ;

• par implications circulaires, tout nombre 𝑝 ∈ ⟦0, 𝑛⟦ = {𝑞 ∈ ℕ | 𝑞 < 𝑛} et tout couple d’uplets (𝑎, 𝑏) ∈
(𝐾 𝑝+1 )2 vérifient :
(∃𝐴 ∈ 𝔓(𝐾 ) : card(𝐴) > 𝑝 ∧ 𝑃𝑎 |𝐴 = 𝑃𝑏 |𝐴 ) ⇔ 𝑎 = 𝑏
⇔ 𝑃𝑎 = 𝑃𝑏 .
Étant donné un nombre 𝑝 ∈ ⟦0, 𝑛⟦ = {𝑞 ∈ ℕ | 𝑞 < 𝑛} :
• ce qui précède juste garantit l’injectivité de l’application 𝑓𝑝 ;
• l’application 𝑓𝑝 est donc un isomorphisme de l’espace (𝐾 𝑝+1 , +, ⋅) vers l’espace (𝒫𝑝 , +, ⋅), c’est‐à‐dire un
élément de l’ensemble iso(𝐾 𝑝+1 , +, ⋅ ; 𝒫𝑝 , +, ⋅) ;
• la propriété d’existence et d’unicité suivante est dès lors vérifiée :

∀𝑃 ∈ 𝒫𝑝 , ∃!𝑎 ∈ 𝐾 𝑝+1 : 𝑃 = 𝑃𝑎 = 𝑓𝑝 (𝑎) ; (¶)

• l’on pourra donc parler du (𝑝 +1)‐uplet des coefficients d’une application polynomiale 𝑃 ∈ 𝒫𝑝 quelconque.
Enfin, pour tout ensemble fini 𝐼 de cardinal noté 𝑝 ≔ card(𝐼 ) ∈ ℕ et toute famille (𝛼𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐾 𝐼 :
• toute partie 𝐽 ⊆ 𝐼 est finie et telle que card(𝐽 ) ∈ ⟦0, 𝑝⟧ ;
• toute partie 𝐽 ⊆ 𝐼 est telle que card(𝐼 𝐽 ) = 𝑝 − card(𝐽 ) ∈ ⟦0, 𝑝⟧ ;

• l’ensemble 𝔓(𝐼 ) est fini, égal à la réunion des ensembles finis et deux à deux disjoints 𝔓𝑘 (𝐼 ) = {𝐽 ∈ 𝔓(𝐼 ) |
card(𝐽 ) = 𝑘}, pour 𝑘 ∈ ⟦0, 𝑝⟧ ;
• l’uplet (𝜎𝑘 )𝑘 ∈⟦0,𝑝⟧ ∈ 𝐾 𝑝+1 des polynômes symétriques élémentaires d’ordres successifs associés à la famille
(𝛼𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐾 𝐼 est défini par :
∀𝑘 ∈ ⟦0, 𝑝⟧, 𝜎𝑘 ≔ ∑ ∏ 𝛼𝑖 ;
𝐽 ∈ 𝔓𝑘 (𝐼 ) 𝑖∈𝐽
• les points précédents, une formule de développement et les règles de calcul dans le corps (𝐾 , +, ×) — dont
les principes de sommation par paquets et de réindexation — permettent de calculer :

∀𝑥 ∈ 𝐾 , ∏(𝑥 − 𝛼𝑖 ) = ∑ (∏(−𝛼𝑖 ))( ∏ 𝑥) = ∑ (−1𝐾 )card(𝐽 ) (∏ 𝛼𝑖 )𝑥 card(𝐼 𝐽)


𝑖∈𝐼 𝐽 ∈ 𝔓(𝐼 ) 𝑖∈𝐽 𝑖∈𝐼 𝐽 𝐽 ∈ 𝔓(𝐼 ) 𝑖∈𝐽


𝑝
= ∑ (−1𝐾 )card(𝐽 ) (∏ 𝛼𝑖 )𝑥 𝑝−card(𝐽 ) = ∑ ∑ (−1𝐾 )𝑘 (∏ 𝛼𝑖 )𝑥 𝑝−𝑘
𝑝 𝑖∈𝐽 𝑘 =0 𝐽 ∈ 𝔓𝑘 (𝐼 ) 𝑖∈𝐽
𝐽 ∈⋃𝑘=0 𝔓𝑘 (𝐼 )
𝑝 𝑝 𝑝
= ∑ (−1𝐾 )𝑘 ( ∑ ∏ 𝛼𝑖 )𝑥 𝑝−𝑘 = ∑ (−1𝐾 )𝑘 𝜎𝑘 𝑥 𝑝−𝑘 = ∑(−1𝐾 )𝑝−𝑙 𝜎𝑝−𝑙 𝑥 𝑙 = 𝑃𝑎 (𝑥),
𝑘 =0 𝐽 ∈ 𝔓𝑘 (𝐼 ) 𝑖∈𝐽 𝑘 =0 𝑙 =0

où l’on définit l’uplet 𝑎 ≔ ((−1𝐾 )𝑝−𝑘 𝜎𝑝−𝑘 )𝑘 ∈⟦0,𝑝⟧ ∈ 𝐾 𝑝+1 ;


• en définitive, on observe que l’application 𝐾 ∋ 𝑥 ↦ ∏𝑖∈𝐼 (𝑥 − 𝛼𝑖 ) ∈ 𝐾 égale l’application polynomiale
𝑃𝑎 ∈ 𝒫𝑝 et est élément de l’ensemble 𝒫𝑝 .
Dans toute la suite de cet exemple : • on fixe un nombre 𝑝 ∈ ⟦0, 𝑛⟦ ; • on définit le segment 𝐼 ≔ ⟦0, 𝑝⟧ de
l’ensemble ordonné (ℕ, ⩽) ; • on considère un (𝑝 +1)‐arrangement (𝑥𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝒜𝑝+1 (𝐾 ) et la partie 𝐴 ≔ {𝑥𝑖 , 𝑖 ∈ 𝐼 }
𝑝+1
⊆ 𝐾 ; • on introduit le système ℬ = (𝐸𝑘 )𝑘 ∈𝐼 ∈ 𝒫𝑝 et l’application 𝑓𝑝 : 𝒫𝑝 → 𝐾 𝑝+1 définies par :

𝐾 →𝐾

𝑝
⎞ 𝒫𝑝 → 𝐾 𝑝+1
∀𝑘 ∈ 𝐼 , 𝐸𝑘 : ⎜ ⎟, 𝑔𝑝 : ( ).
⎜𝑥 ↦ 𝑥 𝑘 = ∑ δ𝑘,𝑙 𝑥 𝑙 ⎟ 𝑃 ↦ (𝑃(𝑥𝑖 ))𝑖∈𝐼
⎝ 𝑙 =0 ⎠

L’application 𝜑 : 𝐼 ∋ 𝑖 ↦ 𝑥𝑖 ∈ 𝐴 est bien définie et bijective, de sorte que 𝐴 ∈ 𝔓𝑝+1 (𝐾 )

22
Linéarité, base canonique & dimension Par définition des lois des espaces (𝒫𝑝 , +, ⋅) et (𝐾 𝑝+1 , +, ⋅), on a :
𝑝 𝑝 𝑝 𝑝
∀𝑎 = (𝑎𝑘 )𝑘 ∈𝐼 ∈ 𝐾 𝑝+1 , ∀𝑥 ∈ 𝐾 , (( ∑ 𝑎𝑘 ⋅ 𝐸𝑘 )(𝑥) = ∑ 𝑎𝑘 𝐸𝑘 (𝑥) = ∑ 𝑎𝑘 𝑥 𝑘 = 𝑃𝑎 (𝑥)) ∧ ∑ 𝑎𝑘 ⋅ 𝐸𝑘 = 𝑃𝑎
𝑘 =0 𝑘 =0 𝑘 =0 𝑘 =0

et, pour tous couples (𝑃, 𝑄) ∈ 𝒫𝑝2 et (𝜆, 𝜇) ∈ 𝐾 2 :


𝑓𝑝 (𝜆 ⋅ 𝑃 + 𝜇 ⋅ 𝑄) = ((𝜆 ⋅ 𝑃 + 𝜇 ⋅ 𝑄)(𝑥𝑖 ))𝑖∈𝐼 = (𝜆𝑃(𝑥𝑖 ) + 𝜇𝑄(𝑥𝑖 ))𝑖∈𝐼
= 𝜆 ⋅ (𝑃(𝑥𝑖 ))𝑖∈𝐼 + 𝜇 ⋅ (𝑄(𝑥𝑖 ))𝑖∈𝐼 = 𝜆 ⋅ 𝑓𝑝 (𝑃) + 𝜇 ⋅ 𝑓𝑝 (𝑄).
C’est donc, d’une part, que 𝑔𝑝 ∈ L(𝒫𝑝 , +, ⋅ ; 𝐾 𝑝+1 , +, ⋅) et, d’autre part, que la propriété (¶) se réécrit :
𝑝
∀𝑃 ∈ 𝒫𝑝 , ∃!(𝑎𝑘 )𝑘 ∈𝐼 ∈ 𝐾 𝑝+1 : 𝑃 = ∑ 𝑎𝑘 ⋅ 𝐸𝑘 ,
𝑘 =0
ce qui signifie précisément que le système ℬ constitue une base de l’espace (𝒫𝑝 , +, ⋅) : on l’appelle base cano‐
nique de cet espace. En particulier, ledit espace est de dimension finie, égale au nombre card(𝐼 ) = 𝑝 + 1.
Noyau de 𝒈𝒑 Toute application polynomiale 𝑃 appartenant au noyau ker(𝑔𝑝 ) de l’application 𝑔𝑝 vérifie :
(𝑃(𝑥𝑖 ))𝑖∈𝐼 = 𝑔𝑝 (𝑃) = 0𝐾 𝑝+1 = (0𝐾 )𝑖∈𝐼 , ∀𝑖 ∈ 𝐼 , 𝑃(𝑥𝑖 ) = 0𝐾 , 𝑃[𝐴] ⊆ {0𝐾 }
et les résultats préliminaires assurent que 𝑃 = 0𝐾 𝐾 . D’où l’inclusion ker(𝑓𝑝 ) ⊆ {0𝐾 𝐾 } et l’injectivité de l’appli‐
cation 𝑔𝑝 .
𝑝+1
Système de Lagrange Démontrons l’existence et l’unicité d’un système ℒ = (𝐿𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝒫𝑝 tel que :
∀(𝑖, 𝑗) ∈ 𝐼 2 , 𝐿𝑖 (𝑥𝑗 ) = δ𝑖,𝑗 . (⁋)
Introduisons les familles (𝐼𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ (𝔓𝑝 (𝐼 ))𝑝+1 , (𝐴𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ (𝔓(𝐾 ))𝑝+1 et (𝜋𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐾 𝐼 définies par :
∀𝑖 ∈ 𝐼 , 𝐼𝑖 ≔ 𝐼 {𝑖}, ∀𝑖 ∈ 𝐼 , 𝐴𝑖 ≔ {𝑥𝑗 , 𝑗 ∈ 𝐼𝑖 }, ∀𝑖 ∈ 𝐼 , 𝜋𝑖 ≔ ∏(𝑥𝑖 − 𝑥𝑗 ).

𝑗 ∈𝐼𝑖
Observons que, en vertu de la bijectivité de l’application 𝜑, tout indice 𝑖 ∈ 𝐼 est tel que : • la restriction‐
corestriction 𝐼𝑖 ∋ 𝑗 ↦ 𝑥𝑗 ∈ 𝐴𝑖 de la bijection 𝜑 est bien définie et demeure bijective ; • les relations 𝔓𝑝 (𝐾 ) ∋ 𝐴𝑖 =
𝐴 {𝑥𝑖 } sont vérifiées. Raisonnons par analyse‐synthèse.

𝑝+1
Analyse Soit un système ℒ = (𝐿𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝒫𝑝 satisfaisant à la condition (⁋) — à supposer, à ce stade,
qu’il en existe. Fixons momentanément un indice 𝑖 ∈ 𝐼 . Par hypothèse, on a l’inclusion 𝐿𝑖 [𝐴𝑖 ] ⊆ {0𝐾 }. Les
propriétés préliminaires assurent alors qu’il existe un scalaire 𝑎 ∈ 𝐾 tel que :
∀𝑥 ∈ 𝐾 , 𝐿𝑖 (𝑥) = 𝑎 ∏ (𝑥 − 𝛼) = 𝑎 ∏(𝑥 − 𝑥𝑗 ).
𝛼 ∈𝐴𝑖 𝑗 ∈𝐼𝑖
La condition de normalisation 𝐿𝑖 (𝑥𝑖 ) = 1𝐾 s’écrit 𝑎𝜋𝑖 = 1𝐾 et assure que les éléments 𝑎 et 𝜋𝑖 sont inversibles
et inverses l’un de l’autre dans le corps (𝐾 , +, ×). On déduit dès lors que : • l’égalité 𝑎 = 𝜋𝑖−1 est vérifiée ;
• l’application 𝐿𝑖 est entièrement et uniquement déterminée. Puisque l’indice 𝑖 est quelconque, le système
ℒ est donc lui‐même entièrement et uniquement déterminé.
Synthèse Notons que, pour tout indice 𝑖 ∈ 𝐼 : • l’injectivité de l’application 𝜑 garantit les relations
𝑥𝑖 ≠ 𝑥𝑗 et 𝑥𝑖 − 𝑥𝑗 ≠ 0𝐾 pour tout — éventuel — indice 𝑗 ∈ 𝐼𝑖 ; • par intégrité du corps (𝐾 , +, ×), on a aussi
∏𝑗 ∈𝐼𝑖 (𝑥𝑖 − 𝑥𝑗 ) ≠ 0𝐾 ; • le produit ∏𝑗 ∈𝐼𝑖 (𝑥𝑖 − 𝑥𝑗 ) = 𝜋𝑖 est dès lors inversible dans le corps (𝐾 , +, ×). • l’appli‐
cation 𝐿𝑖 ∋ 𝐾 ↦ 𝜋𝑖−1 ∏𝑗 ∈𝐼𝑖 (𝑥 − 𝑥𝑗 ) ∈ 𝐾 est bien définie ; • puisque card(𝐼𝑖 ) = 𝑝, les propriétés préliminaires
et la stabilité de l’ensemble 𝒫𝑝 par multiplication par un scalaire assurent que 𝐿𝑖 ∈ 𝒫𝑝 . L’on peut dès lors
𝑝+1
constituer le système ℒ = (𝐿𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝒫𝑝 ; il vérifie effectivement la condition (⁋) car :
𝜋 −1 (𝑥𝑗 − 𝑥𝑗 ) ∏𝑘 ∈𝐼𝑖 {𝑗} (𝑥𝑗 − 𝑥𝑘 ) = 0𝐾 = δ𝑖,𝑗 si 𝑗 ≠ 𝑖
∀(𝑖, 𝑗) ∈ 𝐼 2 , 𝐿𝑖 (𝑥𝑗 ) = 𝜋𝑖−1 ∏(𝑥𝑗 − 𝑥𝑘 ) = { 𝑖−1

𝑘 ∈𝐼𝑖 𝜋𝑖 𝜋𝑖 = 1𝐾 = δ𝑖,𝑖 = δ𝑖,𝑗 si 𝑗 = 𝑖


= δ𝑖,𝑗 .
Nous avons prouvé l’existence — en synthèse — et l’unicité — en analyse — d’un système satisfaisant à la
condition (⁋) ; nous avons en outre obtenu une écriture explicite de ce système, qu’on appelle système de
𝑝+1
Lagrange associé à l’arrangement (𝑥𝑖 )𝑖∈𝐼 . Dans la suite, on le notera encore ℒ = (𝐿𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝒫𝑝 .

23
Liberté Le système ℒ est libre dans l’espace (𝒫𝑝 , +, ⋅) puisque tout uplet de scalaires (𝜆𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐾 𝑝+1 tel que
𝑝
∑𝑖=0 𝜆𝑖 ⋅ 𝐿𝑖 = 0𝐾 𝐾 vérifie :
𝑝 𝑝 𝑝
∀𝑗 ∈ 𝐼 , 0𝐾 = 0𝐾 𝐾 (𝑥𝑗 ) = (∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝐿𝑖 )(𝑥𝑗 ) = ∑ 𝜆𝑖 𝐿𝑖 (𝑥𝑗 ) = ∑ 𝜆𝑖 δ𝑖,𝑗 = 𝜆𝑗 , (𝜆𝑖 )𝑖∈𝐼 = 0𝐾 𝑝+1 .
𝑖=0 𝑖=0 𝑖=0
𝑝
Caractère générateur Pour toute application 𝑃 ∈ 𝒫𝑝 , la combinaison linéaire 𝑄 ≔ ∑𝑖=0 𝑃(𝑥𝑖 ) ⋅ 𝐿𝑖 ∈
vect(𝒫𝑝 ,+,⋅) (ℒ ) ⊆ 𝒫𝑝 vérifie :
𝑝 𝑝
∀𝑗 ∈ 𝐼 , 𝑄(𝑥𝑗 ) = ∑ 𝑃(𝑥𝑖 )𝐿𝑖 (𝑥𝑗 ) = ∑ 𝑃(𝑥𝑖 )δ𝑖,𝑗 = 𝑃(𝑥𝑗 ), ∀𝛼 ∈ 𝐴, 𝑃(𝛼) = 𝑄(𝛼), 𝑃|𝐴 = 𝑄|𝐴
𝑖=0 𝑖=0

et, puisque card(𝐴) = 𝑝 + 1 > 𝑝, les propriétés préliminaires assurent que 𝑃 = 𝑄. D’où l’inclusion 𝒫𝑝 ⊆
vect(𝒫𝑝 ,+,⋅) (ℒ ) : le système ℒ engendre l’espace (𝒫𝑝 , +, ⋅).
Base de Lagrange Libre et générateur, le système ℒ est donc une base de l’espace (𝒫𝑝 , +, ⋅). On l’appelle
base de Lagrange associée à l’arrangement (𝑥𝑖 )𝑖∈𝐼 .
Image de 𝒈𝒑 Fort de cette étude, on peut désormais établir sans difficulté la surjectivité de l’application 𝑔𝑝 .
𝑝
En effet, pour tout uplet (𝑦𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐾 𝑝+1 , l’application polynomiale 𝑃 ≔ ∑𝑖=0 𝑦𝑖 ⋅ 𝐿𝑖 ∈ 𝒫𝑝 vérifie :
𝑝 𝑝
im(𝑔𝑝 ) ∋ 𝑔𝑝 (𝑃) = (𝑃(𝑥𝑗 ))𝑗 ∈𝐼 = (∑ 𝑦𝑖 𝐿𝑖 (𝑥𝑗 )) = (∑ 𝑦𝑖 δ𝑖,𝑗 ) = (𝑦𝑗 )𝑗 ∈𝐼
𝑖=0 𝑗 ∈𝐼 𝑖=0 𝑗 ∈𝐼

et il s’agit même de l’unique antécédent de l’uplet (𝑦𝑖 )𝑖∈𝐼 par l’injection 𝑔𝑝 : on l’appelle application polynomiale
interpolatrice de Lagrange associée à l’uplet ((𝑥𝑖 , 𝑦𝑖 ))𝑖∈𝐼 ∈ (𝐾 2 )𝑝+1 .
Conclusion Les applications 𝑓𝑝 et 𝑔𝑝 sont deux isomorphismes appartenant respectivement aux ensembles
iso(𝐾 𝑝+1 , +, ⋅ ; 𝒫𝑝 , +, ⋅) et iso(𝒫𝑝 , +, ⋅ ; 𝐾 𝑝+1 , +, ⋅). Les égalités im(𝑓𝑝 ) = 𝒫𝑝 et im(𝑔𝑝 ) = 𝐾 𝑝+1 sont, en particu‐
lier, vérifiées ; les isomorphismes 𝑓𝑝 et 𝑔𝑝 sont donc de rang égal au nombre 𝑝 + 1 :

rg(𝑓𝑝 ) = dim(im(𝑓𝑝 ), +, ⋅) = dim(𝒫𝑝 , +, ⋅) = 𝑝 + 1 = dim(𝐾 𝑝+1 , +, ⋅) = dim(im(𝑔𝑝 ), +, ⋅) = rg(𝑔𝑝 ).

Théorème 31 (Rang) — Soient (𝐾 , +, ×) un corps, (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) deux (𝐾 , +, ×)‐espaces vectoriels ainsi


qu’une application linéaire 𝑓 ∈ L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅). On suppose l’espace (𝐸, +, ⋅) de dimension finie. Alors :
• les sous‐espaces respectifs des espaces (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) définis par le noyau ker(𝑓 ) et l’image im(𝑓 ) de
l’application 𝑓 sont de dimension finie, inférieure ou égale à la dimension de l’espace (𝐸, +, ⋅) ;
• la somme de leurs dimensions égale précisément la dimension de l’espace (𝐸, +, ⋅) :

dim(ker(𝑓 ), +, ⋅) + dim(im(𝑓 ), +, ⋅) = dim(𝐸, +, ⋅) = dim(ker(𝑓 ), +, ⋅) + rg(𝑓 ).

Démonstration — L’espace (𝐸, +, ⋅) est de dimension finie donc : • son sous‐espace (ker(𝑓 ), +, ⋅) est lui‐même de
dimension finie, moindre ; • d’après la proposition 30, l’application linéaire 𝑓 est de rang fini, inférieur ou égal
au nombre dim(𝐸, +, ⋅), c’est‐à‐dire que le sous‐espace (im(𝑓 ), +, ⋅) de l’espace (𝐹 , +, ⋅) est de dimension finie,
inférieure ou égale à celle de l’espace (𝐸, +, ⋅). Notons 𝑛 ≔ dim(𝐸, +, ⋅) ∈ ℕ, 𝑝 ≔ dim(ker(𝑓 ), +, ⋅) ∈ ⟦0, 𝑛⟧ et
𝑟 ≔ rg(𝑓 ) = dim(im(𝑓 ), +, ⋅) ∈ ⟦0, 𝑛⟧. L’on peut considérer une base 𝒞 = (𝑢𝑖 )𝑖∈⟦1,𝑝⟧ ∈ (ker(𝑓 ))𝑝 de l’espace
(ker(𝑓 ), +, ⋅). Ce système est libre dans l’espace (ker(𝑓 ), +, ⋅) ; le système coprolongé 𝒞|𝐸 demeure libre dans
l’espace (𝐸, +, ⋅). Le théorème de la base incomplète assure qu’il est possible de compléter le système libre
𝒞|𝐸 en une base ℬ = (𝑢𝑖 )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ ∈ 𝐸 𝑛 de l’espace (𝐸, +, ⋅). Démontrons que le système 𝒟 = (𝑣𝑖 )𝑖∈⟦𝑝+1,𝑛⟧ ≔
(𝑓 (𝑢𝑖 ))𝑖∈⟦𝑝+1,𝑛⟧ ∈ (im(𝑓 ))𝑛−𝑝 constitue alors une base de l’espace (im(𝑓 ), +, ⋅).
𝑛
Liberté Soit un système de scalaires (𝜆𝑖 )𝑖∈⟦𝑝+1,𝑛⟧ ∈ 𝐾 𝑛−𝑝 . Supposons que ∑𝑖=𝑝+1 𝜆𝑖 ⋅ 𝑣𝑖 = 0𝐹 . On a :
𝑛 𝑛 𝑛 𝑛
0𝐹 = ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑣𝑖 = ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑓 (𝑢𝑖 ) = 𝑓 ( ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑢𝑖 ), ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑢𝑖 ∈ ker(𝑓 ).
𝑖=𝑝+1 𝑖=𝑝+1 𝑖=𝑝+1 𝑖=𝑝+1
𝑛
Décomposons le vecteur ∑𝑖=𝑝+1 𝜆𝑖 ⋅ 𝑢𝑖 ∈ ker(𝑓 ) dans la base 𝒞 de l’espace (ker(𝑓 ), +, ⋅) et notons (𝜆𝑖 )𝑖∈⟦1,𝑝⟧ ∈
𝐾 𝑝 l’uplet de ses coordonnées. On peut écrire, en invoquant, comme d’habitude, les règles de calcul dans

24
l’espace (𝐸, +, ⋅) :
𝑛 𝑝 𝑝 𝑛 𝑛
∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑢𝑖 = ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑢𝑖 , 0𝐹 = − ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑢𝑖 + ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑢𝑖 = ∑ 𝜇𝑖 ⋅ 𝑢𝑖 ,
𝑖=𝑝+1 𝑖=1 𝑖=1 𝑖=𝑝+1 𝑖=1

où l’on définit le 𝑛‐uplet de scalaires (𝜇𝑖 )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ ∈ 𝐾 𝑛 par :

−𝜆𝑖 si 𝑖 ⩽ 𝑝
∀𝑖 ∈ ⟦1, 𝑛⟧, 𝜇𝑖 ≔ { .
𝜆𝑖 si 𝑖 > 𝑝

Par liberté de la base ℬ dans l’espace (𝐸, +, ⋅), on déduit que (𝜇𝑖 )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ = (0𝐾 )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ et que (𝜆𝑖 )𝑖∈⟦𝑝+1,𝑛⟧ =
(0𝐾 )𝑖∈⟦𝑝+1,𝑛⟧ . D’où, l’uplet de scalaires considéré étant à priori quelconque, la liberté du système de vecteurs
𝒟 dans l’espace (im(𝑓 ), +, ⋅).
Caractère générateur Soit un vecteur 𝑦 ∈ im(𝑓 ). Il existe un vecteur 𝑥 ∈ 𝐸 tel que 𝑦 = 𝑓 (𝑥). Décomposons
le vecteur 𝑥 dans la base ℬ de l’espace (𝐸, +, ⋅) et notons (𝜆𝑖 )𝑖∈⟦1,𝑛⟧ ∈ 𝐾 𝑛 l’uplet de ses coordonnées. On calcule :

𝑛 𝑛 𝑝 𝑛 𝑝 𝑛
𝑦 = 𝑓 (∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑢𝑖 ) = ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑓 (𝑢𝑖 ) = ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑓 (𝑢𝑖 ) + ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑓 (𝑢𝑖 ) = ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 0𝐹 + ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑣𝑖
𝑖=1 𝑖=1 𝑖=1 𝑖=𝑝+1 𝑖=1 𝑖=𝑝+1
𝑛 𝑛
= 0𝐹 + ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑣𝑖 = ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑣𝑖 ∈ vect(im(𝑓 ),+,⋅) (𝒟).
𝑖=𝑝+1 𝑖=𝑝+1

Puisque le vecteur 𝑦 est quelconque, c’est donc que im(𝑓 ) ⊆ vect(im(𝑓 ),+,⋅) (𝒟), c’est‐à‐dire que le système 𝒟
engendre l’espace (im(𝑓 ), +, ⋅).
Conclusion Libre et générateur, le système 𝒟 est effectivement une base de l’espace (im(𝑓 ), +, ⋅). La di‐
mension 𝑟 de cet espace égale le cardinal 𝑛 − 𝑝 dudit système ; c’est exactement la formule du rang annoncée :

𝑟 =𝑛−𝑝 i. e. 𝑝 + 𝑟 = 𝑛. □

Corollaire 32 — Soient (𝐾 , +, ×) un corps, (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) deux (𝐾 , +, ×)‐espaces vectoriels ainsi qu’une ap‐
plication linéaire 𝑓 ∈ L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅). On suppose que les espaces (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) sont tous deux de dimension
finie et que leurs dimensions sont égales. Alors les trois assertions suivantes sont équivalentes :
(i) l’application 𝑓 est injective ; (ii) l’application 𝑓 est surjective ; (iii) l’application 𝑓 est bijective.
Démonstration — Posons 𝑛 ≔ dim(𝐸, +, ⋅) = dim(𝐹 , +, ⋅) ∈ ℕ, 𝑝 ≔ dim(ker(𝑓 ), +, ⋅) ∈ ⟦0, 𝑛⟧ et 𝑟 ≔ rg(𝑓 ) =
dim(im(𝑓 ), +, ⋅) ∈ ⟦0, 𝑛⟧. Le théorème du rang assure que 𝑝 + 𝑟 = 𝑛. Raisonnons par équivalences successives :
• l’injectivité de l’application linéaire 𝑓 équivaut à l’égalité ensembliste ker(𝑓 ) = {0𝐸 } ;
• de par la caractérisation d’un espace réduit au singleton constitué de son seul vecteur nul, cette égalité est
elle‐même équivalente à l’égalité 𝑝 = 0 ;
• la formule du rang assure que les relations 𝑝 = 0 et 𝑟 = 𝑛 sont équivalentes ;
• la caractérisation de l’égalité d’un espace de dimension finie et de l’un, quelconque, de ses sous‐espaces
assure que les égalités 𝑟 = 𝑛 et im(𝑓 ) = 𝐹 sont équivalentes ;
• la surjectivité de l’application 𝑓 se traduit par l’égalité im(𝑓 ) = 𝐹 .
Par transitivité du connecteur logique d’équivalence, on déduit que l’injectivité et la surjectivité de l’appli‐
cation 𝑓 sont équivalentes, c’est‐à‐dire que l’équivalence (i) ⇔ (ii) est vérifiée. Ainsi, si 𝑓 satisfait à l’une de
ces propriétés, elle satisfait aussi automatiquement à l’autre et est donc en fait bijective ; la réciproque étant
immédiate, c’est donc que les équivalences (i) ⇔ (iii) et (ii) ⇔ (iii) sont elles aussi vérifiées. □
Contre‐exemple — Le corollaire précédent n’est, en général, plus valable en dimension infinie. Donnons un
contre‐exemple. Travaillons dans le (ℝ, +, ×)‐espace vectoriel (ℝℝ , +, ⋅), dont les lois + et ⋅ sont définies élément
par élément à partir des lois + et × de l’ensemble ℝ. Notons 𝒫 le sous‐ensemble — strict — de l’ensemble ℝℝ
constitué des fonctions polynomiales :

𝒫 ≔ {𝑃 ∈ ℝℝ | ∃𝑛 ∈ ℕ : ∃(𝑎𝑘 )𝑘 ∈⟦0,𝑛⟧ ∈ ℝ𝑛+1 : ∀𝑥 ∈ ℝ, 𝑃(𝑥) = ∑𝑛𝑘 =0 𝑎𝑘 𝑥 𝑘 }.

25
Nous introduisons aussi la famille ℬ = (𝐸𝑘 )𝑘 ∈ℕ ∈ 𝒫ℕ définie par :

ℝ→ℝ
⎛ ⎞
∀𝑘 ∈ ℕ, 𝐸𝑘 : ⎜ 𝑘 ⎟.
⎜𝑥 ↦ 𝑥 𝑘 = ∑ δ𝑘,𝑙 𝑥 𝑙 ⎟
⎝ 𝑙 =0 ⎠

Non‐vacuité L’ensemble 𝒫 possède évidemment la fonction identiquement nulle 0ℝℝ : ℝ ∋ 𝑥 ↦ 0 =


0
∑𝑘 =0 0𝑥 𝑘 ∈ ℝ.
Stabilité par combinaison linéaire Soient deux couples (𝑃, 𝑄) ∈ 𝒫2 et (𝜆, 𝜇) ∈ ℝ2 . Il existe deux couples
𝑛
(𝑛, 𝑝) ∈ ℕ2 et (𝑎, 𝑏) = ((𝑎𝑘 )𝑘 ∈⟦0,𝑛⟧ , (𝑏𝑙 )𝑙 ∈⟦0,𝑝⟧ ) ∈ ℝ𝑛 × ℝ𝑝 tels que 𝑃 : ℝ ∋ 𝑥 ↦ ∑𝑘 =0 𝑎𝑘 𝑥 𝑘 et 𝑄 : ℝ ∋ 𝑥 ↦
𝑝
∑𝑙 =0 𝑏𝑙 𝑥 𝑙 ∈ ℝ. Posons 𝑚 ≔ max(𝑛, 𝑝) ∈ {𝑛, 𝑝} ⊂ ℕ et prolongeons, si nécessaire — c’est‐à‐dire si 𝑛 ≠ 𝑝 —,
l’un — au plus — des uplets 𝑎 et 𝑏 en posant (𝑎𝑘 )𝑘 ∈⟦𝑛+1,𝑚⟧ ≔ (0𝐾 )𝑘 ∈⟦𝑛+1,𝑚⟧ ∈ ℝ𝑚−𝑛 et (𝑏𝑙 )𝑙 ∈⟦𝑝+1,𝑚⟧ ≔
(0𝐾 )𝑙 ∈⟦𝑝+1,𝑚⟧ ∈ ℝ𝑚−𝑝 . Le nombre 𝑚 ∈ ℕ et l’uplet (𝑐𝑘 )𝑘 ∈⟦0,𝑚⟧ ≔ (𝜆𝑎𝑘 + 𝜇𝑏𝑘 )𝑘 ∈⟦0,𝑚⟧ ∈ ℝ𝑚+1 vérifient :
𝑛 𝑝 𝑚 𝑚 𝑚
∀𝑥 ∈ ℝ, (𝜆 ⋅ 𝑃 + 𝜇 ⋅ 𝑄)(𝑥) = 𝜆𝑃(𝑥) + 𝜇𝑄(𝑥) = 𝜆 ∑ 𝑎𝑘 𝑥𝑘 + 𝜇 ∑ 𝑏𝑙 𝑥 𝑙 = 𝜆 ∑ 𝑎𝑘 𝑥 𝑘 + 𝜇 ∑ 𝑏𝑙 𝑥 𝑙 = ∑ 𝑐𝑘 𝑥 𝑘 ,
𝑘 =0 𝑙 =0 𝑘 =0 𝑙 =0 𝑘 =0

de sorte que 𝜆 ⋅ 𝑃 + 𝜇 ⋅ 𝑄 ∈ 𝒫. Puisque les éléments considérés sont quelconques, c’est donc que la partie
𝒫 ⊂ ℝℝ est stable par les lois de l’espace (ℝℝ , +, ⋅).
Sous‐espace La partie 𝒫 ⊂ ℝℝ , non vide et stable par combinaison linéaire, définit un sous‐espace vectoriel
de l’espace (ℝℝ , +, ⋅).
Liberté Soit une suite 𝛬 = (𝜆𝑘 )𝑘 ∈ℕ ∈ ℝ(ℕ) telle que ∑𝑘 ∈ℕ 𝜆𝑘 ⋅ 𝐸𝑘 = 0ℝℝ . Le support 𝑆 ≔ supp(𝛬) est une
partie finie donc majorée de l’ensemble ordonné (ℕ, ⩽). Considérons un majorant 𝑛 ∈ ℕ de l’ensemble 𝑆.
L’inclusion 𝑆 ⊆ ⟦0, 𝑛⟧ est vérifiée. D’une part :

∀𝑘 ∈ ⟦𝑛 + 1, +∞⟦, ℕ ∋ 𝑘 > 𝑛 ∧ 𝑘 ∉ 𝑆 ∧ 𝜆𝑘 = 0 ;
d’autre part :
𝑛 𝑛 𝑛
∀𝑥 ∈ ℝ, 0 = 0ℝℝ (𝑥) = ( ∑ 𝜆𝑘 ⋅ 𝐸𝑘 )(𝑥) = ∑ 𝜆𝑘 𝐸𝑘 (𝑥) = ∑ 𝜆𝑘 𝑥 𝑘 ,
𝑘 =0 𝑘 =0 𝑘 =0
𝑛
et : • l’application polynomiale ℝ ∋ 𝑥 ↦ ∑𝑘 =0 𝜆𝑘 𝑥 𝑘 ∈ ℝ est identiquement nulle et admet, en particulier,
strictement plus de 𝑛 racines — par exemple les nombres 𝑘, pour 𝑘 ∈ ⟦0, 𝑛⟧ — ; • tous les coefficients 𝜆𝑘 , pour
𝑘 ∈ ⟦0, 𝑛⟧, sont donc nuls, en vertu d’une propriété déjà rappelée dans un exemple précédent. En définitive,
par une disjonction de cas immédiate, tous les nombres 𝜆𝑘 , pour 𝑘 ∈ ℕ, sont nuls. La suite 𝛬 considérée étant
à priori quelconque, c’est que la famille ℬ est libre dans l’espace (𝒫, +, ⋅).
Caractère générateur Soit une fonction polynomiale 𝑃 ∈ 𝒫. Il existe un nombre 𝑛 ∈ ℕ et un uplet
𝑛
(𝑎𝑘 )𝑘 ∈⟦0,𝑛⟧ ∈ ℝ𝑛+1 tels que 𝑃 : ℝ ∋ 𝑥 ↦ ∑𝑘 =0 𝑎𝑘 𝑥 𝑘 ∈ ℝ. Posons (𝑎𝑘 )𝑘 ∈⟦𝑛+1,+∞⟦ ≔ (0)𝑘 ∈⟦𝑛+1,+∞⟦ . Le sup‐
port de la suite (𝑎𝑘 )𝑘 ∈ℕ ∈ ℝℕ est manifestement inclus dans le segment — fini — ⟦0, 𝑛⟧ de l’ensemble ordonné
(ℕ, ⩽) donc fini. On calcule :
𝑛 𝑛 𝑛
∀𝑥 ∈ ℝ, 𝑃(𝑥) = ∑ 𝑎𝑘 𝑥 𝑘 = ∑ 𝑎𝑘 𝐸𝑘 (𝑥) = ( ∑ 𝑎𝑘 ⋅ 𝐸𝑘 )(𝑥) = ( ∑ 𝑎𝑘 ⋅ 𝐸𝑘 )(𝑥)
𝑘 =0 𝑘 =0 𝑘 =0 𝑘 ∈ℕ
et l’on déduit que :
𝑃 = ∑ 𝑎𝑘 ⋅ 𝐸𝑘 ∈ vect(𝒫,+,⋅) (ℬ).
𝑘 ∈ℕ
Puisque la fonction 𝑃 est quelconque, c’est donc que la famille ℬ engendre l’espace (𝒫, +, ⋅).
Base & dimension Libre et génératrice, la famille ℬ constitue une base de l’espace (𝒫, +, ⋅) : on l’appelle
base canonique de cet espace. Elle est indexée par l’ensemble infini ℕ, si bien que l’espace (𝒫, +, ⋅) est de
dimension infinie.
On note désormais (𝒫∗ , +, ⋅) l’espace dual de l’espace (𝒫, +, ⋅) et ℬ∗ = (𝐸𝑘∗ )𝑘 ∈ℕ ∈ (𝒫∗ )ℕ la famille duale de
la base ℬ. On étudie l’opérateur de dérivation 𝑓 : 𝒫 ∋ 𝑃 ↦ 𝑃 ′ ∈ 𝒫 sur l’ensemble 𝒫.

26
Bonne définition Rappelons que pour tout nombre 𝑘 ∈ ℕ, la fonction 𝐸𝑘 ∈ 𝒫 est dérivable et que sa
fonction dérivée 𝐸𝑘′ vérifie :
0 ℝ∈𝒫 si 𝑘 = 0
𝐸𝑘′ = { ℝ .
𝑘 ⋅ 𝐸𝑘 −1 ∈ 𝒫 si 𝑘 > 0

Considérons une fonction polynomiale 𝑃 ∈ 𝒫 et notons 𝑎 = (𝑎𝑘 )𝑘 ∈ℕ ≔ (𝐸𝑘∗ (𝑃))𝑘 ∈ℕ ∈ ℝ(ℕ) la suite de ses
coordonnées dans la base ℬ. Le support 𝑆 ≔ supp(𝑎) ⊂ ℕ, fini, admet un majorant 𝑛 ∈ ℕ dans l’ensemble
𝑛
ordonné (ℕ, ⩽). L’on a l’inclusion 𝑆 ⊆ ⟦0, 𝑛⟧ et l’égalité 𝑃 = ∑𝑘 =0 𝑎𝑘 ⋅ 𝐸𝑘 . La fonction 𝑃, combinaison linéaire
de fonctions dérivables, est dérivable et, en vertu des formules de dérivation, sa fonction dérivée 𝑃 ′ : ℝ → ℝ
vérifie :
𝑛 𝑛 𝑛−1
𝑃′ = ∑ 𝑎𝑘 ⋅ 𝐸𝑘′ = ∑ 𝑘𝑎𝑘 ⋅ 𝐸𝑘 −1 = ∑ (𝑙 + 1)𝑎𝑙 +1 ⋅ 𝐸𝑙 ∈ 𝒫.
𝑘 =0 𝑘 =1 𝑙 =0
Il est même immédiat que la suite ((𝑘 + 1)𝑎𝑘 +1 )𝑘 ∈ℕ ∈ ℝℕ :
• stationne en le nombre 0 dès le rang 𝑛 ; • est de
support inclus dans le segment — fini — ⟦0, 𝑛 − 1⟧ donc fini ; • appartient à l’ensemble ℝ(ℕ) . Ainsi, on peut
écrire :
𝑛−1
∑ (𝑘 + 1)𝑎𝑘 +1 ⋅ 𝐸𝑘 = ∑ (𝑘 + 1)𝑎𝑘 +1 ⋅ 𝐸𝑘 = 𝑃 ′ , (𝐸𝑘∗ (𝑃 ′ ))𝑘 ∈ℕ = ((𝑘 + 1)𝑎𝑘 +1 )𝑘 ∈ℕ = ((𝑘 + 1)𝐸𝑘∗+1 (𝑃))𝑘 ∈ℕ .
𝑘 ∈ℕ 𝑘 =0

D’où, l’élément 𝑃 considéré étant quelconque, la bonne définition de l’application 𝑓 .


Linéarité L’application 𝑓 est évidemment linéaire, en vertu des propriétés de l’opérateur de dérivation :

∀(𝑃, 𝑄) ∈ 𝒫2 , ∀(𝜆, 𝜇) ∈ 𝐾 2 , 𝑓 (𝜆 ⋅ 𝑃 + 𝜇 ⋅ 𝑄) = (𝜆 ⋅ 𝑃 + 𝜇 ⋅ 𝑄)′ = 𝜆 ⋅ 𝑃 ′ + 𝜇 ⋅ 𝑄 ′ = 𝜆 ⋅ 𝑓 (𝑃) + 𝜇 ⋅ 𝑓 (𝑄).

Elle constitue donc un endomorphisme de l’espace (𝒫, +, ⋅) et appartient à l’ensemble L(𝒫, +, ⋅).
Noyau Le noyau ker(𝑓 ) de l’endomorphisme 𝑓 vérifie :

ker(𝑓 ) = 𝑓 −1 [{0ℝℝ }] = {𝑃 ∈ 𝒫 | 𝑓 (𝑃) = 0ℝ𝑅 } = {𝑃 ∈ 𝒫 | 𝑃 ′ ≡ 0} = {𝑃 ∈ 𝒫 | ∃𝑐 ∈ ℝ : 𝑃 ≡ 𝑐}


= {𝑃 ∈ 𝒫 | ∃𝑐 ∈ ℝ : 𝑃 = 𝑐 ⋅ 𝐸0 } = vect(𝒫,+,⋅) (𝐸0 ),

où l’on a notamment invoqué le théorème de caractérisation des fonctions — à valeurs réelles — constantes
sur un intervalle non trivial de l’ensemble ordonné (ℝ, ⩽) — corollaire du théorème des accroissements finis.
En particulier, on observe que 𝐸0 ∈ ker(𝑓 ) ≠ {0ℝℝ } et l’on déduit que l’application 𝑓 n’est pas injective.
Image Soit une fonction 𝑃 ∈ 𝒫. Posons (𝑎𝑘 )𝑘 ∈ℕ ≔ (𝐸𝑘∗ (𝑃))𝑘 ∈ℕ ∈ ℝ(ℕ) . Comme précédemment, le support
de cette suite est fini et admet un majorant 𝑛 ∈ ℕ.
Analyse Soit une fonction 𝑄 ∈ 𝒫 telle que 𝑃 = 𝑓 (𝑄) — à supposer, à ce stade, qu’il en existe. Notons
(𝑏𝑘 )𝑘 ∈ℕ ≔ (𝐸𝑘∗ (𝑄))𝑙 ∈ℕ ∈ ℝ(ℕ) . Compte tenu de l’égalité 𝑃 = 𝑄 ′ et de calculs précédents, on a (𝑎𝑘 )𝑘 ∈ℕ =
((𝑘 + 1)𝑏𝑘 +1 )𝑘 ∈ℕ . Par translation et division, cette identité se réécrit (𝑏𝑘 )𝑘 ∈ℕ∗ = (𝑎𝑘 −1/𝑘)𝑘 ∈ℕ∗ . Seul le
coefficient 𝑏0 demeure indéterminé.
Synthèse Définissons la suite (𝑏𝑘 )𝑘 ∈ℕ ∈ ℝℕ par :
𝑎𝑘 −1
𝑏0 ≔ 0, ∀𝑘 ∈ ℕ∗ , 𝑏𝑘 ≔ .
𝑘
Cette suite : • stationne en le nombre 0 dès le rang 𝑛 + 2 ; • est de support inclus dans le segment ⟦0, 𝑛 + 1⟧ de
l’ensemble ordonné (ℕ, ⩽) ; • est de support fini ; • appartient à l’ensemble ℝ(ℕ) . Des calculs précédemment
menés assurent que la fonction polynomiale 𝑄 ≔ ∑𝑘 ∈ℕ 𝑏𝑘 ⋅ 𝐸𝑘 ∈ 𝒫 vérifie :
𝑛+1−1 𝑛 𝑛
𝑎𝑘 +1−1
𝑓 (𝑄) = ∑ (𝑘 + 1)𝑏𝑘 +1 ⋅ 𝐸𝑘 = ∑ (𝑘 + 1) ⋅ 𝐸𝑘 = ∑ 𝑎𝑘 ⋅ 𝐸𝑘 = ∑ 𝑎𝑘 ⋅ 𝐸𝑘 = 𝑃, 𝑃 = 𝑓 (𝑄) ∈ im(𝑓 ).
𝑘 =0 𝑘 =0
𝑘+1 𝑘 =0 𝑘 ∈ℕ

D’où, l’élément 𝑃 considéré étant quelconque, la surjectivité de l’application 𝑓 et l’égalité im(𝑓 ) = 𝒫.


Conclusion L’endomorphisme 𝑓 est surjectif mais non injectif.

27
4 Transformation d’une famille de vecteurs par une application linéaire
Notations — Dans cette section, étant donnés un corps (𝐾 , +, ×), un (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel (𝐸, +, ⋅) et un
ensemble 𝐼 , on désigne par :
• 0𝐾 𝐼 ≔ (0𝐾 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐾 (𝐼 ) la famille de scalaires indexée par l’ensemble 𝐼 et identiquement nulle — c’est‐à‐dire
de support vide — ;
• lib𝐼 (𝐸, +, ⋅) l’ensemble des familles de vecteurs indexées par l’ensemble 𝐼 et libres dans l’espace (𝐸, +, ⋅) :
lib𝐼 (𝐸, +, ⋅) ≔ {(𝑥𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐸 𝐼 | ∀𝛬 = (𝜆𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐾 (𝐼 ) , ∑𝑖∈𝐼 𝜆𝑖 ⋅ 𝑥𝑖 = 0𝐸 ⇒ 𝛬 = 0𝐾 𝐼 } ;
• gen𝐼 (𝐸, +, ⋅) l’ensemble des familles de vecteurs indexées par l’ensemble 𝐼 et engendrant l’espace (𝐸, +, ⋅) :
gen𝐼 (𝐸, +, ⋅) ≔ {𝒳 ∈ 𝐸 𝐼 | 𝐸 = vect(𝐸,+,⋅) (𝒳 )} = {(𝑥𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐸 𝐼 | ∀𝑥 ∈ 𝐸, ∃(𝜆𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐾 (𝐼 ) : 𝑥 = ∑𝑖∈𝐼 𝜆𝑖 ⋅ 𝑥𝑖 } ;
• base𝐼 (𝐸, +, ⋅) l’ensemble des bases de l’espace (𝐸, +, ⋅) indexées par l’ensemble 𝐼 :
base𝐼 (𝐸, +, ⋅) ≔ lib𝐼 (𝐸, +, ⋅) ∩ gen𝐼 (𝐸, +, ⋅) = {(𝑒𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐸 𝐼 | ∀𝑥 ∈ 𝐸, ∃!(𝜆𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐾 (𝐼 ) : 𝑥 = ∑𝑖∈𝐼 𝜆𝑖 ⋅ 𝑒𝑖 }.
Lemme 33 — Soient un corps (𝐾 , +, ×), un (𝐾 , +, ×)‐espace vectoriel (𝐸, +, ⋅) et un vecteur 𝑥 ∈ 𝐸. On a les
équivalences suivantes :
𝑥 ≠ 0𝐸 ⇔ (∀𝐼 , card(𝐼 ) = 1 ⇒ (𝑥)𝑖∈𝐼 ∈ lib𝐼 (𝐸, +, ⋅))
⇔ (∃𝐼 : card(𝐼 ) = 1 ∧ (𝑥)𝑖∈𝐼 ∈ lib𝐼 (𝐸, +, ⋅)).
Démonstration — On raisonne par implications circulaires.
Première implication Supposons que 𝑥 ≠ 0𝐸 . Considérons un singleton 𝐼 et notons 𝑖 ≔ ⋃ 𝐼 ∈ 𝐼 son unique
élément. Posons aussi 𝑥𝑖 ≔ 𝑥. Le système 𝒳 ≔ (𝑥)𝑗 ∈{𝑖} = (𝑥𝑗 )𝑗 ∈𝐼 ∈ 𝐸 𝐼 est bien défini et, en vertu des règles de
calcul dans l’espace (𝐸, +, ⋅), tout système 𝛬 = (𝜆𝑗 )𝑗 ∈𝐼 = (𝜆𝑖 )𝑗 ∈{𝑖} ∈ 𝐾 𝐼 tel que ∑𝑗 ∈𝐼 𝜆𝑗 ⋅ 𝑥𝑗 = 0𝐸 vérifie :

0𝐸 = ∑ 𝜆𝑗 ⋅ 𝑥𝑗 = 𝜆𝑖 ⋅ 𝑥𝑖 = 𝜆𝑖 ⋅ 𝑥, 𝜆𝑖 = 0𝐾 ∨ 𝑥 = 0𝐸 , 𝜆𝑖 = 0 𝐾 , 𝛬 = 0𝐾 𝐼 .
𝑗 ∈𝐼

C’est donc que la famille 𝒳 est libre, élément de l’ensemble lib𝐼 (𝐸, +, ⋅).
Deuxième implication Si tout singleton 𝐼 est tel que (𝑥)𝑖∈𝐼 ∈ lib𝐼 (𝐸, +, ⋅), alors c’est en particulier le cas
du singleton {1}.
Troisième implication Supposons qu’il existe un singleton 𝐼 tel que 𝒳 ≔ (𝑥)𝑖∈𝐼 ∈ lib𝐼 (𝐸, +, ⋅). L’ensemble
𝐼 , possédant un unique élément, est non vide : le vecteur 𝑥 apparaît effectivement au sein de la famille libre
𝒳 . Se rappelant qu’aucun vecteur d’une famille libre n’est nul, on conclut que 𝑥 ≠ 0𝐸 . □
Proposition 34 — Soient (𝐾 , +, ×) un corps, (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) deux (𝐾 , +, ×)‐espaces vectoriels ainsi qu’une
application linéaire 𝑓 ∈ L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅). Les assertions suivantes sont équivalentes :
(i) l’application 𝑓 est injective ;
(ii) l’application 𝑓 envoie toute famille libre dans l’espace (𝐸, +, ⋅) sur une famille libre dans l’espace (𝐹 , +, ⋅) :
∀𝐼 , ∀𝒳 ∈ lib𝐼 (𝐸, +, ⋅), 𝑓 ∘ 𝒳 ∈ lib𝐼 (𝐹 , +, ⋅) ;
(iii) il existe un singleton 𝐼 tel que tout système indexé par ce singleton et libre dans l’espace (𝐸, +, ⋅) est envoyé
sur un système libre dans l’espace (𝐹 , +, ⋅) :
∃𝐼 : card(𝐼 ) = 1 ∧ (∀𝒳 ∈ lib𝐼 (𝐸, +, ⋅), 𝑓 ∘ 𝒳 ∈ lib𝐼 (𝐹 , +, ⋅)).
Démonstration — On procède par implications circulaires. Définissons un prédicat unaire 𝑃 par :
∀𝐼 , 𝑃(𝐼 ) ⋅⇔ (∀𝒳 ∈ lib𝐼 (𝐸, +, ⋅), 𝑓 ∘ 𝒳 ∈ lib𝐼 (𝐹 , +, ⋅)).
Première implication Supposons l’application 𝑓 injective. Son noyau ker(𝑓 ) se réduit au singleton {0𝐸 }.
Considérons un ensemble 𝐼 et une famille 𝒳 = (𝑥𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ lib𝐼 (𝐸, +, ⋅) — à supposer que lib𝐼 (𝐸, +, ⋅) ≠ ∅. Pour
toute famille de scalaires 𝛬 = (𝜆𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐾 (𝐼 ) telle que ∑𝑖∈𝐼 𝜆𝑖 ⋅ 𝑓 (𝑥𝑖 ) = 0𝐹 , l’on a :

0𝐹 = ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑓 (𝑥𝑖 ) = 𝑓 (∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑓𝑖 ), ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑥𝑖 ∈ ker(𝑓 ) = {0𝐸 }, ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑥𝑖 = 0𝐸


𝑖∈𝐼 𝑖∈𝐼 𝑖∈𝐼 𝑖∈𝐼

28
et la liberté de la famille 𝒳 dans l’espace (𝐸, +, ⋅) assure que 𝛬 = 0𝐾 𝐼 . On déduit que la famille (𝑓 (𝑥𝑖 ))𝑖∈𝐼 =
𝑓 ∘ 𝒳 ∈ 𝐹 𝐼 est libre dans l’espace (𝐹 , +, ⋅), c’est‐à‐dire que 𝑓 ∘ 𝒳 ∈ lib𝐼 (𝐹 , +, ⋅). Puisque l’ensemble 𝐼 et la famille
𝒳 sont quelconques, c’est donc que l’application 𝑓 envoie toute famille libre dans l’espace (𝐸, +, ⋅) sur une
famille libre dans l’espace (𝐹 , +, ⋅). Le prédicat 𝑃 est universellement valide.
Deuxième implication Si le prédicat 𝑃 est universellement valide, alors la propriété 𝑃(𝐼 ) est évidemment
vérifiée pour tout singleton 𝐼 , par exemple le singleton {1}.
Troisième implication Supposons qu’il existe un singleton 𝐼 pour lequel la propriété 𝑃(𝐼 ) est vérifiée.
Pour tout — éventuel — vecteur 𝑥 ∈ 𝐸 tel que 𝑥 ≠ 0𝐸 : • la famille 𝒳 ≔ (𝑥)𝑖∈𝐼 ∈ 𝐸 𝐼 est libre dans l’espace
(𝐸, +, ⋅), en vertu du lemme précédent ; • la famille 𝑓 ∘ 𝒳 = (𝑓 (𝑥))𝑖∈𝐼 ∈ 𝐹 𝐼 est alors libre dans l’espace (𝐹 , +, ⋅),
compte tenu de la propriété 𝑃(𝐼 ) ; • une nouvelle application du lemme permet de déduire que 𝑓 (𝑥) ≠ 0𝐹 . On
a ainsi prouvé que :
∀𝑥 ∈ 𝐸, 𝑥 ≠ 0𝐸 ⇒ 𝑓 (𝑥) ≠ 0𝐹 , ∀𝑥 ∈ 𝐸, 𝑓 (𝑥) = 0𝐹 ⇒ 𝑥 = 0𝐸 , ker(𝑓 ) ⊆ {0𝐸 },
où l’on a également invoqué les principes de contraposition et de double négation. On retrouve l’injectivité
de l’application linéaire 𝑓 . □
Proposition 35 — Soient (𝐾 , +, ×) un corps, (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) deux (𝐾 , +, ×)‐espaces vectoriels ainsi qu’une
application linéaire 𝑓 ∈ L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅). Les assertions suivantes sont équivalentes :
(i) l’application 𝑓 est surjective ;
(ii) l’application 𝑓 envoie toute famille génératrice de l’espace (𝐸, +, ⋅) sur une famille génératrice de l’espace
(𝐹 , +, ⋅) :
∀𝐼 , ∀𝒳 ∈ gen𝐼 (𝐸, +, ⋅), 𝑓 ∘ 𝒳 ∈ gen𝐼 (𝐹 , +, ⋅) ;
(iii) il existe une famille génératrice de l’espace (𝐸, +, ⋅) envoyée par l’application 𝑓 sur une famille génératrice de
l’espace (𝐹 , +, ⋅) :
∃𝐼 : ∃𝒳 ∈ gen𝐼 (𝐸, +, ⋅) : 𝑓 ∘ 𝒳 ∈ gen𝐼 (𝐹 , +, ⋅).
Démonstration — On raisonne par implications circulaires.
Première implication Si l’application 𝑓 est surjective, alors l’égalité im(𝑓 ) = 𝐹 est vérifiée et, d’après la
proposition 27, toute famille de vecteurs 𝒳 ∈ 𝐸 𝐼 indexée par un certain ensemble 𝐼 et génératrice de l’espace
(𝐸, +, ⋅) est telle que la famille 𝑓 ∘ 𝒳 ∈ 𝐹 𝐼 engendre l’espace (im(𝑓 ), +, ⋅) = (𝐹 , +, ⋅).
Deuxième implication Si toute famille génératrice de l’espace (𝐸, +, ⋅) est envoyée par l’application 𝑓 sur
une famille génératrice de l’espace (𝐹 , +, ⋅), alors c’est en particulier le cas de l’identité id𝐸 = (𝑥)𝑥 ∈𝐸 ∈ 𝐸 𝐸 .
Troisième implication Supposons qu’il existe une famille 𝒳 = (𝑥𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐸 𝐼 : • indexée par un certain
ensemble 𝐼 ; • génératrice de l’espace (𝐸, +, ⋅) ; • telle que la famille 𝑓 ∘ 𝒳 = (𝑓 (𝑥𝑖 ))𝑖∈𝐼 ∈ 𝐹 𝐼 engendre l’espace
(𝐹 , +, ⋅). Tout vecteur 𝑦 ∈ 𝐹 = vect(𝐹 ,+,⋅) (𝑓 ∘ 𝒳 ) s’écrit 𝑦 = ∑𝑖∈𝐼 𝜆𝑖 ⋅ 𝑓 (𝑥𝑖 ) pour une certaine famille de scalaires
(𝜆𝑖 )𝑖∈𝐼 ∈ 𝐾 (𝐼 ) et vérifie :

𝑦 = ∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑓 (𝑥𝑖 ) = 𝑓 (∑ 𝜆𝑖 ⋅ 𝑥𝑖 ) ∈ im(𝑓 ).
𝑖∈𝐼 𝑖∈𝐼
C’est donc que 𝐹 ⊆ im(𝑓 ) et que l’application 𝑓 est surjective. □
Proposition 36 — Soient (𝐾 , +, ×) un corps, (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) deux (𝐾 , +, ×)‐espaces vectoriels ainsi qu’une
application linéaire 𝑓 ∈ L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅).
(i) S’il existe une base de l’espace (𝐸, +, ⋅) envoyée par l’application 𝑓 sur une base de l’espace (𝐹 , +, ⋅), alors cette
application est bijective :

(∃𝐼 : ∃ℬ ∈ base𝐼 (𝐸, +, ⋅) : 𝑓 ∘ ℬ ∈ base𝐼 (𝐹 , +, ⋅)) ⇒ 𝑓 ∈ iso(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅).


(ii) Si l’application 𝑓 est bijective, alors toute base de l’espace (𝐸, +, ⋅) est envoyée par cette application sur une
base de l’espace (𝐹 , +, ⋅) :
𝑓 ∈ iso(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅) ⇒ (∀𝐼 , ∀ℬ ∈ base𝐼 (𝐸, +, ⋅), 𝑓 ∘ ℬ ∈ base𝐼 (𝐹 , +, ⋅)).
(iii) Si l’espace (𝐸, +, ⋅) admet une base — par exemple s’il est de dimension finie —, alors les réciproques des
implications ci‐dessus sont vraies et l’on a en fait des équivalences.

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Démonstration — Première implication Supposons qu’il existe une base ℬ ∈ base𝐼 (𝐸, +, ⋅) indexée par un
certain ensemble 𝐼 et telle que 𝒞 ≔ 𝑓 ∘ ℬ ∈ base𝐼 (𝐹 , +, ⋅). Notons 𝑔 ∈ L(𝐹 , +, ⋅ ; 𝐸, +, ⋅) l’unique application
linéaire telle que 𝑔 ∘ 𝒞 = ℬ. Les applications composées 𝑔 ∘ 𝑓 : 𝐸 → 𝐸 et 𝑓 ∘ 𝑔 : 𝐹 → 𝐹 sont bien définies et
linéaires, de sorte que (𝑔∘𝑓 , 𝑓 ∘𝑔) ∈ L(𝐸, +, ⋅)×L(𝐹 , +, ⋅). En outre, en invoquant l’associativité de la composition
d’applications ∘, on peut écrire les identités 𝑔 ∘ 𝑓 ∘ ℬ = 𝑔 ∘ 𝒞 = ℬ = id𝐸 ∘ ℬ et 𝑓 ∘ 𝑔 ∘ 𝒞 = 𝑓 ∘ ℬ = 𝒞 = id𝐹 ∘ 𝒞
puis, par unicité, déduire que 𝑔 ∘ 𝑓 = id𝐸 et 𝑓 ∘ 𝑔 = id𝐹 , c’est‐à‐dire que les applications 𝑓 et 𝑔 sont bijectives
et réciproques l’une de l’autre. C’est donc que 𝑓 ∈ iso(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅).
Seconde implication Supposons que 𝑓 ∈ iso(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅). L’application 𝑓 est conjointement injective et
surjective. Toute — éventuelle — base ℬ ∈ base𝐼 (𝐸, +, ⋅), libre et génératrice, est envoyée par l’application
𝑓 sur la famille 𝒞 ≔ 𝑓 ∘ ℬ ∈ 𝐹 𝐼 , qui, en vertu des deux propositions précédentes : • est libre dans l’espace
(𝐹 , +, ⋅) ; • engendre l’espace (𝐹 , +, ⋅) ; • constitue conséquemment une base de l’espace (𝐹 , +, ⋅) et appartient à
l’ensemble base𝐼 (𝐹 , +, ⋅).
Troisième implication Sous l’hypothèse que l’espace (𝐸, +, ⋅) admet une base ℬ ∈ base𝐼 (𝐸, +, ⋅) indexée
par un certain ensemble 𝐼 : • si l’application 𝑓 envoie toute base de l’espace (𝐸, +, ⋅) sur une base de l’espace
(𝐹 , +, ⋅), alors c’est en particulier le cas de la base ℬ ; • par implications circulaires, on déduit ainsi que les
implications précédentes sont des équivalences. □
Proposition 37 — Soient un corps (𝐾 , +, ×) et deux (𝐾 , +, ×)‐espaces vectoriels (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅).
(i) Soit un ensemble 𝐼 . Les assertions suivantes sont équivalentes :
a) les espaces (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) sont isomorphes et l’un d’eux admet une base indexée par l’ensemble 𝐼 ;
b) chacun des espaces (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) admet une base indexée par l’ensemble 𝐼 .
Lorsque ces conditions sont vérifiées, les espaces ont même dimension, égale à l’élément card(𝐼 ) ∈ ℕ. Formel‐
lement :

(iso(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅) ≠ ∅ ∧ (base𝐼 (𝐸, +, ⋅) ≠ ∅ ∨ base𝐼 (𝐹 , +, ⋅) ≠ ∅)) ⇔ base𝐼 (𝐸, +, ⋅) ≠ ∅ ≠ base𝐼 (𝐹 , +, ⋅)


⇒ dim(𝐸, +, ⋅) = card(𝐼 ) = dim(𝐹 , +, ⋅).

(ii) Si l’un des espaces (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) est de dimension finie, alors ces deux espaces sont isomorphes si, et
seulement si, ils ont même dimension :

(dim(𝐸, +, ⋅) < +∞ ∨ dim(𝐹 , +, ⋅) < +∞) ⇒ (iso(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅) ≠ ∅ ⇔ dim(𝐸, +, ⋅) = dim(𝐹 , +, ⋅)).

Démonstration — (i) Implication directe Supposons que les espaces (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) sont isomorphes et
que l’un d’eux admet une base indexée par l’ensemble 𝐼 . D’une part, l’on peut considérer un isomorphisme
𝑓 ∈ iso(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅) — et l’on a aussi 𝑓 −1 ∈ iso(𝐹 , +, ⋅ ; 𝐸, +, ⋅) — ; d’autre part, par symétrie des rôles joués
par les deux espaces, on peut, sans perte de généralité, supposer que l’espace (𝐸, +, ⋅) admet une base
ℬ ∈ base𝐼 (𝐸, +, ⋅) indexée par l’ensemble 𝐼 . La proposition précédente assure que 𝑓 ∘ ℬ ∈ base𝐼 (𝐹 , +, ⋅).
Chacun des deux espaces admet donc une base indexée par le même ensemble 𝐼 . De plus : • si l’ensemble 𝐼
est fini, alors les dimensions de ces deux espaces sont finies, égales au cardinal card(𝐼 ) ∈ ℕ de l’ensemble
d’indexation 𝐼 de leurs bases ; • si l’ensemble 𝐼 est infini, alors les dimensions des deux espaces sont infinies,
égales à l’élément +∞ = card(𝐼 ) ; • les égalités dim(𝐸, +, ⋅) = card(𝐼 ) = dim(𝐹 , +, ⋅) sont toujours vérifiées.
Implication réciproque Supposons que chacun des espaces (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) admet une base indexée
par l’ensemble 𝐼 . L’on peut considérer un couple (ℬ, 𝒞 ) ∈ base𝐼 (𝐸, +, ⋅) × base𝐼 (𝐹 , +, ⋅) ainsi que l’unique
application linéaire 𝑓 ∈ L(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅) telle que 𝑓 ∘ ℬ = 𝒞 . Cette application envoie la base ℬ de l’espace
(𝐸, +, ⋅) sur la base 𝒞 de l’espace (𝐹 , +, ⋅) : la proposition précédente assure qu’il s’agit d’un isomorphisme,
élément de l’ensemble iso(𝐸, +, ⋅ ; 𝐹 , +, ⋅). Les espaces (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) sont donc isomorphes. En outre,
il est immédiat que l’un, au moins, de ces deux espaces admet une base indexée par l’ensemble 𝐼 puisque
c’est en fait le cas des deux.
(ii) On fait ici l’hypothèse que l’un des espaces (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) est de dimension finie. À nouveau, par
symétrie des rôles joués par ces espaces, on peut supposer qu’il s’agit de l’espace (𝐸, +, ⋅). Notons alors
𝑛 ≔ dim(𝐸, +, ⋅) ∈ ℕ. L’on peut considérer une base ℬ ∈ base⟦1,𝑛⟧ (𝐸, +, ⋅).
Implication directe Si les espaces (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) sont isomorphes, alors l’implication directe du
point précédent prouve que base⟦1,𝑛⟧ (𝐹 , +, ⋅) ≠ ∅ et que dim(𝐸, +, ⋅) = 𝑛 = dim(𝐹 , +, ⋅).

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Implication réciproque Supposons que dim(𝐸, +, ⋅) = dim(𝐹 , +, ⋅). Cette égalité se réécrit dim(𝐹 , +, ⋅) =
𝑛 et signifie que l’espace (𝐹 , +, ⋅) est de dimension finie, égale au nombre 𝑛. L’on peut alors considérer une
base 𝒞 ∈ base⟦1,𝑛⟧ (𝐹 , +, ⋅). Chacun des espaces (𝐸, +, ⋅) et (𝐹 , +, ⋅) admet une base indexée par le segment
⟦1, 𝑛⟧ de l’ensemble ordonné (ℕ, ⩽) : l’implication réciproque du point précédent permet de conclure que
ces espaces sont isomorphes. □

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