Antigone Siham

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Antigone", écrite par Jean Anouilh en 1944, est une réinterprétation moderne de

la tragédie antique de Sophocle, mais elle est ancrée dans les dilemmes éthiques
et moraux qui résonnent encore aujourd'hui.
En pleine Seconde Guerre mondiale, la pièce d'Anouilh a servi de miroir aux
tensions politiques et sociales de l'époque. Elle offre une plateforme pour débattre
des questions de résistance, de collaboration et de choix moraux dans des temps
troublés. Ce contexte ajoute une couche de complexité à l'œuvre, la rendant non
seulement pertinente pour son époque mais aussi pour les générations futures.

Résumé rapide : fratrie, désobéissance et justice


Antigone est l'histoire tragique d'une jeune fille qui souhaite rendre hommage à son frère et qui mourra
pour cela.

"Antigone" est une tragédie de Sophocle qui se déroule à Thèbes. Œdipe, l'ancien
roi, a maudit ses deux fils, Étéocle et Polynice, qui se sont entretués lors d'une
guerre pour le trône. Créon, frère de Jocaste et nouvellement couronné roi, émet un
édit interdisant la sépulture à Polynice, considéré comme un traître.
Antigone, la sœur de Polynice et Étéocle, est profondément troublée par cet édit. Elle
affirme que chaque individu, quel que soit son acte, a le droit fondamental d'être
enterré dignement, selon les lois divines. Malgré les avertissements d'Ismène, sa
sœur, Antigone décide de défier Créon et de donner à son frère une sépulture
appropriée.
Dans l'obscurité de la nuit, Antigone accomplit l'acte funéraire en secret. Cependant, elle est
surprise par un garde qui l'arrête et la conduit devant Créon. Antigone avoue son acte et défend
sa conviction inébranlable que les lois divines prévalent sur les lois des hommes.

Créon, furieux et ne voulant pas perdre la face envers son peuple, reste inflexible
et condamne Antigone à mort. Il ordonne qu'elle soit emmurée vivante dans une
tombe. Laissant Antigone à son triste sort, Créon retourne à ses devoirs royaux.
Cependant, l'oracle aveugle Tiresias, prophète renommé, apprend à Créon que les
Dieux sont mécontents de son édit et prédisent une punition divine imminente.
Tiresias le met en garde contre les conséquences tragiques de sa décision
et l'exhorte à réparer son erreur en libérant Antigone et en accordant une
sépulture digne à Polynice.
✅ La pièce présente beaucoup de parallèles entre l'humain et le divin, notamment à
travers les interventions du prophète aveugle
Finalement, Créon réalise la gravité de la situation et décide de libérer
Antigone. Mais lorsque lui et ses hommes arrivent devant la tombe, ils
découvrent qu'Antigone s'est déjà pendue avec ses propres vêtements. Hémon,
le fils de Créon et fiancé d'Antigone, est également retrouvé mort près d'elle, s'étant
poignardé par désespoir.
😵 La nouvelle de ces tragédies atteint la reine Eurydice, épouse de Créon et mère
d'Hémon. Incapable de supporter la douleur et la perte de son fils, elle se suicide
également.
Créon est laissé seul, accablé par la culpabilité et la destruction de sa famille.
La pièce "Antigone" explore les thèmes suivants :
 La justice
 L'autorité
 La loyauté familiale
 Les conflits entre les lois humaines et les lois divines
La pièce soulève des questions éthiques profondes et met en évidence les
conséquences tragiques de l'orgueil et de la rigidité face à la morale personnelle, à
travers ses nombreux personnages.

Les personnages d'Antigone 🤴


Dans la pièce, les 4 principaux personnages et leur rôle sont :
 Antigone, qui défie l'édit de Créon en enterrant son frère Polynice. Elle
incarne la loyauté envers sa famille et les lois divines, défiant les lois des
hommes et acceptant le sacrifice ultime pour ses convictions.
 Créon, qui représente l'autorité et l'ordre, mais sa rigidité et son entêtement
le conduisent à des décisions tragiques et à la perte de sa famille.
 Ismène, qui est la soeur d'Antigone, est craintive et soumise. Elle refuse de
participer à la désobéissance et plaide pour le respect des lois humaines.
Elle représente la prudence et l'opposition à l'acte de défiance
d'Antigone.
 Hémon, fils de Créon et fiancé d'Antigone, est tiraillé entre son amour pour
Antigone et son devoir envers son père. Sa mort tragique reflète les
conséquences dévastatrices des conflits familiaux et de l'entêtement.
Les personnages appartenant au peuple, comme la nourrice ou les gardes,
sont des personnages de comédie. Ce sont aussi des victimes silencieuses
comme l'est Eurydice qui, chez Anouilh, est dépourvue de toute grandeur tragique.
On retrouve alors :
 Le choeur, qui est présent du prologue au dénouement
 La Nourrice d'Antigone et Ismène
 Eurydice, la femme de Créon (et mère d'Hémon)
 Les trois gardes (qui surveillent le cadavre)
 Le page de Créon
 Le messager
Ils sont là pour faciliter la prise de décision des personnages principaux. Passons
maintenant au résumé détaillé de la pièce, puis à l'analyse de pistes de lecture.

Le résumé détaillé d'Antigone


Un prologue autour d'une dispute pour le trône
L'acte d'ouverture présente le contexte de la pièce. Antigone, fille d'Œdipe et de
Jocaste, apprend que ses deux frères, Étéocle et Polynice, se sont entretués lors
d'une guerre pour le trône de Thèbes.
Le nouveau roi, Créon, décrète que seule la sépulture d'Étéocle sera honorée, tandis
que le corps de Polynice restera sans sépulture.
Antigone, indignée par cette décision, décide de braver l'interdiction de Créon et
d'enterrer son frère.
L'exposition, Antigone au coeur des embrouilles 🔍
🚨 Antigone est arrêtée par les gardes alors qu'elle tente de donner une sépulture à
Polynice. Elle est conduite devant Créon, qui lui reproche d'avoir enfreint la loi.
C'est le passage du défi d'Antigone
Antigone défend son acte en invoquant les lois divines et la piété envers sa famille.
Ismène, sa sœur, tente de se joindre à elle, mais Antigone refuse sa complicité.
Le noeud de la pièce, ordre VS morale 🔐
Hémon, le fils de Créon et fiancé d'Antigone, intervient pour plaider en faveur
d'Antigone. Il tente de convaincre son père de montrer de la clémence et d'écouter le
peuple, qui soutient Antigone. Créon reste inflexible et refuse de céder à la pression.
C'est le passage de la confrontation puis de la condamnation
🔮 Tiresias, le prophète aveugle, rencontre Créon et lui prédit des malheurs s'il
persiste dans sa décision. Tiresias met en garde Créon contre la colère des dieux et
l'impopularité de sa décision.
⏰ Finalement, ébranlé par les paroles du prophète, Créon décide de libérer Antigone
et de donner une sépulture à Polynice. Malgré ce ravissement, il est déjà trop tard...
Un dénouement malheureux, une vraie tragédie 🪦
Le chœur annonce l'arrivée de la tragédie imminente. Créon arrive trop tard pour
empêcher la tragédie de se dérouler : Antigone s'est pendue dans sa cellule, Hémon
s'est poignardé en la voyant morte, et Eurydice, la femme de Créon, se suicide par
désespoir.
Après la tragédie, c'est le passage du regret et de la réalisation pour Créon
⚡️Créon, accablé par la culpabilité et la perte de sa famille, réalise l'ampleur de ses
erreurs et accepte sa responsabilité. Il réalise les conséquences dévastatrices de
son entêtement et regrette ses actions qui ont conduit à tant de souffrance et de
destruction

Pistes d'analyse d'Antigone


La réécriture d'une pièce antique
Antigone est une « pièce noire », réécriture d'une pièce antique du dramaturge
Sophocle. Anouilh a néanmoins pris de nombreuses libertés avec le texte de
Sophocle. Le dramaturge, pour développer jusqu'à leurs derniers aboutissements les
conséquences de son attitude devant la vie, ne pouvait rester sur le plan du
quotidien. Il lui fallait l'exceptionnel de la légende antique.
Antigone, à la fois faible et forte
1️⃣ D'un côté, elle est faible
D'abord, par son aspect physique, celui d'« une maigre jeune fille ». Petite fille
malgré ses vingt ans, quelque peu infantile (« la petite pelle » utilisée pour recouvrir
le corps de Polynice en témoigne), puérile dans les craintes qu'elle exprime à sa
nourrice avec laquelle elle se fait enfant alors que, peu à peu, elle aspire à un rôle de
mère protectrice, toute-puissante, elle n'appartient pas au monde des grands.
Un peu colérique, elle est butée, rejette les compromis et dit non à ce qu'elle ne
comprend pas, ou à ce qu'elle entrevoit : un bonheur sans surprises.
Adolescente typique, elle dit « non » au bonheur commun, comme elle dit « non
» à la loi sociale parce qu'elle est celle des adultes, dans une révolte anarchiste
contre tous ceux qui la font obéir depuis son enfance. A-t-elle d'autres raisons
d'agir que le sentiment orgueilleux d'un devoir à remplir vis-à-vis de soi-
même ?
Elle se montre avide de vie, de bonheur et d'amour quand elle révèle son goût
sensuel pour le matin où elle est allée voir « le jardin qui ne pense pas encore aux
hommes », qui est donc comme l'Éden avant la création d'Adam, le paradis perdu,
un moment où l'être humain, étant absent, pourrait être oublié. Elle dit qu'elle «
aurait bien aimé vivre », posséder le monde, et rêve de se régénérer en
abolissant le temps.
2️⃣ D'un autre côté, elle peut paraître forte
Cette pièce décrit Antigone comme une figure grave et déterminée, prête à assumer
pleinement son rôle tragique. Elle défie sa nourrice et surtout Créon, symbolisant
ainsi la cité, le pouvoir et l'autorité. Antigone refuse de se conformer à une
existence médiocre et préfère la mort pour s'opposer à l'ordre établi. Elle se
montre intransigeante, irrationnelle et refuse la discussion, enfermée dans son
entêtement aveugle.
Elle aspire à une vie intense et pure, à un accomplissement sans
compromis, rejetant les chaînes de l'autorité et de l'injustice.
Cependant :
 Cette aspiration absolue est dépourvue de contenu réel et ne peut dire que
"non" face à la réalité de la vie et du bonheur
 On pourrait dire qu'elle désirait être sacrifiée pour un idéal, mais elle se
suicide lorsque cet idéal est perdu, cherchant simplement à rester fidèle à
elle-même, même si cela semble absurde
Elle reconnaît qu'elle a voulu mourir, admet que Créon avait raison et avoue ne plus
savoir pourquoi elle meurt. Elle réalise alors la simplicité de la vie et regrette sa
décision. Finalement, elle meurt "pour rien".
Antigone est bien censée être une héroïne tragique, qui affirme bien qu'elle est la
fille d'Oedipe : « Je suis la fille d'Oedipe, je suis Antigone. Je ne me sauverai pas ».
Et les autres personnages reconnaissent aussi cette généalogie. Créon retrouve en
elle l'orgueil d'Oedipe. Évoquer ces origines, c'est insister sur le fait qu'elle est la «
victime choisie par le destin », qu'elle est soumise à la fatalité, qu'elle est
engagée dans une voie toute tracée et qui la dépasse. Mais sa lutte ne cessera
pas, dût-elle en mourir.
👉🏼 Mais Anouilh, notamment à travers les motivations de ses personnages, a
procédé à une désacralisation
Alors qu'Antigone, chez Sophocle, obéit à deux impératifs d'ailleurs associés, le
devoir fraternel et la piété à l'égard des dieux (son geste n'étant donc pas un
crime, mais une belle action : elle est « saintement criminelle »), chez lui, toute
référence aux dieux est absente. Si elle est rebelle comme l'autre Antigone, sa
révolte ne s'inscrit pas dans un contexte divin, mais bien face aux attitudes des
êtres humains (le conflit étant bien aussi du masculin et du féminin).
Anouilh eut plutôt la conception d'un destin qui pousse la société à se faire obéir («
Lui, il doit nous faire mourir »). Et elle est aussi une jeune amoureuse, la fiancée
d'Hémon. À ses derniers instants, Antigone, en présence du garde, en
exprimant ses désillusions, se montre plus humaine, fait ressortir la dimension
psychologique qui est plus importante dans la version moderne du mythe, fait
apparaître une autre forme du tragique : l'erreur sur soi-même.
Le goût de la mort
L'action, d'une intense sobriété, est lancée par la promulgation de Créon. Puis,
étroitement menée par le destin, elle court implacablement à son terme
fatal. Dans cette tragédie de l'absolu, Antigone n'est pas contrainte au refus de la
vie et du bonheur par un passé enchaînant.
❌ Rien ne motive son acte. Elle dit non à la vie simplement par vocation, par goût
intime de la mort. La fatalité, jusqu'alors, conduisait dans les pièces d'Anouilh le
ballet tragique de la vie. Antigone est à elle-même sa propre fatalité. Elle refuse
de pactiser avec la vie, au nom d'une pureté dont l'unique royaume est celui de
l'enfance.
🎭 C'est donc une tragédie, comme le choeur définit la pièce en l'opposant au drame
qu'il préfère, étant le porte-parole de l'auteur : la tragédie impose un mécanisme
inexorable qui empêche l'espoir
La pièce fut composée sous sa forme quasi-définitive en 1942, et reçut à ce moment
l'aval de la censure hitlérienne.
📚 Sans doute à cause de difficultés financières, elle ne fut créée que deux ans après,
le 4 février 1944, au théâtre de l'Atelier, dans un Paris encore occupé, dans une mise
en scène d'André Barsacq, avec Suzanne Flon dans le rôle d'Ismène (afin de faire
face au froid, elle portait sous sa robe blanche des pantalons de ski). Elle connut un
triomphe, ayant plus de cinq cents représentations.
Mais elle engendra une polémique, des réactions passionnées et
contrastées. Le journal collaborationniste ''Je suis partout'' la porta aux nues :
 Créon est le représentant d'une politique qui ne se soucie guère de morale
 Antigone est une anarchiste (une « terroriste », pour reprendre la terminologie
de l'époque) que ses valeurs erronées conduisent à un sacrifice inutile,
semant le désordre autour d'elle
🎬 Mais simultanément, on entendit dans les différences irréconciliables entre
Antigone et Créon le dialogue impossible de la Résistance et de la collaboration,
celle-là parlant morale, et celui-ci d'intérêts.
L'obsession du sacrifice, l'exigence de pureté de l'héroïne triomphèrent auprès
du public le plus jeune, qui aima la pièce jusqu'à l'enthousiasme. Les costumes
qui donnaient aux gardes des imperméables de cuir qui ressemblaient fort à ceux de
la Gestapo aidèrent à la confusion.

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