Traiter La Dissociation D'origine Traumatique. Approche Pratique Et Intégrative-2018

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Le traitement de la dissociation

d’origine traumatique
Carrefour des psychothérapies
Collection dirigée par Édith Goldbeter-Merinfeld

Carrefour des psychothérapies a pour objectif de proposer


à un large public de psychothérapeutes (psychologues,
psychanalystes, psychiatres, etc.) des ouvrages écrits par
des professionnels portant sur les différentes approches
psychothérapeutiques.
La collection accueillera également des ouvrages de
réflexion sur la psychothérapie, ainsi que des auteurs
qui apportent un éclairage original sur la pratique du
thérapeute.

Résolument pluridisciplinaire, la collection est avant


tout dédiée à la rencontre de pratiques et de théories
d’orientations très diversifiées.

Dans la même collection


Bernard Aucouturier, Agir, jouer, penser
Édith Goldbeter-Merinfeld, Le deuil impossible. Familles
et tiers pesant, 2 e édition
Pierre Michard, La thérapie contextuelle de Boszormenyi-
Nagy. Enfant, dette et don en thérapie familiale, 2e édition
Haim Omer, La résistance non violente, 2e édition
Le traitement
de la dissociation
d’origine traumatique
Une approche pratique
et intégrative

Kathy Steele, Suzette Boon,


Onno van der Hart
Ouvrage original :
Steele, K., Boon, S. & van der Hart, O., Treating Trauma-related Dissociation, New York, Norton,
2017.

Téléchargez les compléments numériques à l’adresse https://www.deboecksuperieur.com/


site/314931

Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation,
consultez notre site web : www.deboecksuperieur.com

© De Boeck Supérieur s.a., 2018


Rue du Bosquet, 7 – B-1348 Louvain-la-Neuve

Tous droits réservés pour tous pays.


Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement
ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

1re édition

Dépôt légal :
Bibliothèque nationale, Paris : novembre 2018 ISSN : 1780-9517
Bibliothèque Royale de Belgique, Bruxelles : 2018/13647/174 ISBN : 978-2-8073-1493-1
À tous les patients et thérapeutes du monde entier qui choisissent
ce parcours difficile, qui sont prêts à prendre des risques et à
persévérer ensemble dans une psychothérapie imparfaite mais
« suffisamment bonne ». À chacun d’entre vous, une abondance
de compassion, de courage et de clarté.
Sommaire

Préface 11
Remerciements 19

Introduction

Chapitre 1 La dissociation comme non-réalisation 25

PARTIE I
La relation thérapeutique

Chapitre 2 Le thérapeute suffisamment bon 59

Chapitre 3 La relation thérapeutique :


sécurité, menace et conflit 77

Chapitre 4 Au-delà de l’attachement :


une relation thérapeutique de collaboration 93

Sommaire 7
PARTIE II
Évaluation, formulation de cas
et planification du traitement

Chapitre 5 Évaluation des troubles dissociatifs 123

Chapitre 6 Au-delà du diagnostic : évaluation supplémentaire,


pronostic et formulation de cas 149

Chapitre 7 La planification du traitement 177

Chapitre 8 Les principes de traitement 197

Chapitre 9 Le traitement orienté par phases : un aperçu 215

PARTIE III
Phase 1
Traitement et au-delà

Chapitre 10 Travailler avec les parties dissociatives :


une perspective de systèmes intégratifs 239

Chapitre 11 La résistance comme un évitement phobique :


une introduction 265

Chapitre 12 La résistance comme évitement phobique :


approches pratiques 287

Chapitre 13 Dépendance en thérapie : toujours,


parfois, jamais ? 303

Chapitre 14 Travailler avec les parties enfant du patient 331

Chapitre 15 Approches intégratives de la honte 347

Chapitre 16 Le travail avec les parties coléreuses


et hostiles du patient 375

8 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Chapitre 17 Travailler avec les parties du patient
qui imitent l’agresseur 391

Chapitre 18 Résoudre les comportements à risque 415

Chapitre 19 Sélection de thèmes 441

PARTIE IV
Traitement de la Phase 2

Chapitre 20 Le traitement du souvenir traumatique :


un survol 469

Chapitre 21 Le traitement du souvenir traumatique :


recommandations et techniques 487

PARTIE V
Traitement de la Phase 3

Chapitre 22 Intégration des parties dissociatives


en une personnalité cohésive 517

Chapitre 23 Phase 3 et au-delà 535

Annexe A Échelles de dépistage et instruments


d’évaluation pour les troubles dissociatifs 551

Annexe B Pronostic et échelle de cotation du progrès


dans le traitement des troubles dissociatifs 555

Annexe C Mon plan de sécurité 561

Bibliographie 565
Index 597
Table des matières 607

Sommaire 9
Préface

Ce livre est né non seulement d’innombrables heures de traitement des patients


souffrant de troubles dissociatifs mais aussi du creuset de supervisions et de
consultations où les thérapeutes partagent leurs questions les plus urgentes,
leurs besoins et vulnérabilités. Pendant de nombreuses années, nous avons
entendu des thérapeutes dans le monde entier poser des questions similaires
et lutter face aux mêmes défis avec les patients dissociatifs. En complément
d’un aperçu du traitement orienté par phases, c’est cette série d’interrogations
que nous avons cherché à aborder dans ce volume : sur quoi se centrer en
premier dans une thérapie complexe et comment le faire ? Comment établir
la sécurité pour les patients qui s’engagent dans des comportements dangereux
sans vouloir les sauver ? Comment travailler avec les parties dissociatives de
manière à faciliter l’intégration plutôt que la dissociation ? Comment établir
et maintenir des limites utiles ? Comment traiter avec compassion et efficacité
la dépendance envers le thérapeute ? Comment aider les patients à intégrer les
souvenirs traumatiques ? Que faut-il faire quand le patient est enragé, honteux
de façon chronique, évitant ou incapable de ressentir les bonnes intentions du
thérapeute ? Et comment comprendre avec compassion et travailler avec les
résistances ? Plus important encore, nous nous sommes concentrés non seule-
ment sur la façon de conceptualiser et de traiter la dissociation mais aussi sur
la manière d’être avec les patients qui se sentent plusieurs au lieu d’un seul.

1. Savoir-faire versus savoir-être


La plupart des thérapeutes qui viennent de se familiariser avec la clinique
des patients dissociatifs cherchent des techniques. Quand on est confronté
à la complexité et à un territoire inconnu, chercher ce qu’il faut faire est la

Préface 11
chose la plus naturelle au monde. Ces thérapeutes trouveront que le traite-
ment des patients atteints de troubles dissociatifs comprend des techniques
très pratiques qui soutiennent l’intégration progressive. Néanmoins, les
manières d’être en relation avec le patient constituent l’épine dorsale des
traitements et forment en elles-mêmes des interventions thérapeutiques
essentielles.
La tâche de chaque bon thérapeute est d’intégrer sans heurts une combinai-
son cohérente d’interventions cognitives, émotionnelles et somatiques (savoir-
faire) avec l’expérience relationnelle dans le moment présent entre deux êtres
humains (savoir-être). En fait, il n’y a rien de plus pratique et intégratif que
de faire de la relation thérapeutique une partie intégrante du travail avec des
patients qui ont été tellement blessés par d’autres personnes. Les résultats de
la neurobiologie interpersonnelle pointent de plus en plus la centralité et la
puissance de transformation des interactions relationnelles implicites dans la
thérapie (p. ex., Cozolino, 2010 ; Schore, 2012 ; Siegel, 2010b, 2015). L’im-
portance de l’impact de la relation thérapeutique est encore plus grande chez
les patients souffrant de troubles dissociatifs que dans de nombreuses autres
populations cliniques, de sorte que les processus relationnels avec ces patients
méritent une attention et des soins supplémentaires. Pourtant, malgré les
recommandations des experts, les thérapeutes sous-utilisent généralement la
relation comme processus thérapeutique. Ainsi, nous nous sommes attachés
à inscrire une approche pratique et intégrative dans un contexte relationnel
avec autant de techniques variées que possible pour une thérapie exigeante et
complexe.
Lorsque l’on est confronté à l’urgence, la crise et la confusion, il est
particulièrement difficile de suivre la sagesse de l’adage Ne faites pas juste
quelque chose, restez là. Les mots peuvent manquer ou sont mal interprétés
en thérapie ; les interventions tombent à plat ou sont rejetées d’emblée ;
les bonnes intentions sont insuffisantes et des problèmes surgissent qui
sont au-delà de toute action directive de changement ou de correction. Les
interventions deviennent alors invisibles, se transformant en façons d’être
intersubjectives non verbales, implicites et inconscientes. Nous proposons
donc une légère modification par rapport à cet ancien truisme : Ne faites pas
juste quelque chose, soyez là. Ces échanges relationnels sont pour le théra-
peute les plus difficiles à reconnaître et à tenir efficacement. Mais ils sont si
importants. Nous avons essayé d’inclure des moyens pour le thérapeute de
communiquer ce qui n’est pas transmissible par les mots. Ceci est essentiel
pour les patients fortement traumatisés qui vivent souvent dans un monde
intérieur bouleversant dans lequel les mots ont perdu leur sens et où la
parole est impossible. À cette fin, nous avons également essayé d’inclure
des interventions somatiques qui sont utiles lorsque les mots manquent ou
sont insuffisants.

12 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


La théorie des facteurs communs de la psychothérapie suggère que les
approches théoriques particulières ne jouent globalement qu’un rôle restreint
dans l’amélioration de l’état des patients. Les facteurs communs qui apportent
une contribution significative aux progressions du patient incluent la colla-
boration autour de buts communs, l’alliance thérapeutique, l’empathie du
thérapeute, le regard positif et l’affirmation, la congruence et l’authenticité
du thérapeute ainsi que d’autres facteurs liés au thérapeute (Laska, Gurman
et Wampold, 2014 ; Wampold, 2001). Ces résultats n’impliquent pas que les
thérapeutes devraient abandonner la théorie et la technique dans le traite-
ment des patients atteints de troubles dissociatifs ou de tout autre trouble,
d’ailleurs. Nous croyons qu’une approche organisée et réfléchie du traitement,
quelle que soit sa nature, est nécessaire pour que les facteurs communs soient
efficaces. Même avec des approches relationnelles saines qui incluent un
cadre de traitement solide et des limites, les thérapeutes ont encore besoin de
techniques spécifiques pour travailler avec les parties dissociatives, du moins
chez les patients qui ont de graves troubles dissociatifs. Ces techniques sont
essentielles au traitement efficace de ces patients (p. ex., Boon, Steele et van
der Hart, 2011 ; Brand et al., 2011 ; Kluft, 1991, 1993a, 1995 ; Van der Hart,
Nijenhuis et Steele, 2006).

2. L’expérience embarrassante du traitement


des patients atteints de troubles dissociatifs
Nous offrons le contenu de ce livre avec une grande dose d’humilité, réali-
sant qu’aucun clinicien n’a toutes les bonnes ou les meilleures réponses. Bien
que nous ayons tous trois plus de cent vingt ans d’expérience dans le traite-
ment des patients souffrant de troubles dissociatifs, nous sommes néanmoins
très conscients de tout ce que nous ne savons pas, que nous ne pouvons pas
savoir, que d’autres savent beaucoup plus clairement que nous et de toutes les
erreurs que nous faisons si souvent. Cependant, nous vous offrons ce que nous
connaissons et ce dont nous sommes raisonnablement certains, qui ajoutera
quelque chose à vos compétences dans le traitement des patients souffrant de
troubles dissociatifs.
Nous reconnaissons également que le traitement fondé sur des données
probantes chez les patients souffrant de troubles dissociatifs en est encore à
ses débuts, de sorte que les approches de ce livre reposent principalement
sur la sagesse clinique et l’expérience (une forme légitime de preuve) et non
sur la recherche contrôlée randomisée. Heureusement, il existe un corpus de
littérature empirique sain et en plein essor sur l’efficacité de ces approches
éprouvées et empiriques de travail avec des patients dissociatifs. Ce que nous,
et d’autres, avons découvert comme étant efficace dans la pratique clinique
est finalement validé par la recherche. Mais nous avertissons les lecteurs

Préface 13
de rester au courant de la recherche et des recommandations de traitement
actuelles.
À certains égards, le lecteur pourrait penser que nous essayons d’imposer
un ordre linéaire à ce qui est un processus thérapeutique très complexe et
désordonné. Nous sommes peut-être coupables de le faire paraître plus facile
qu’il ne l’est. Cependant, nous savons véritablement par nos propres expé-
riences qu’il n’y a peut-être aucune autre thérapie qui défie le sens de com-
pétence du thérapeute aussi profondément que le travail avec les individus
chroniquement traumatisés. L’humble réalité pour nous tous est que la thé-
rapie peut être inégale et incertaine, difficile et confuse. Comme les autres
thérapeutes, nous nous sentons parfois perdus pour un moment, ne sachant
pas quoi faire ou comment être, faisant des erreurs involontaires, manquant
d’indices importants, pris par le transfert et le contre-transfert. Certaines des
leçons que nous partageons dans ce livre ont évolué non seulement à par-
tir de nos succès mais aussi de nos échecs et nos erreurs. Nous espérons que
vous, le lecteur, bénéficierez de nos mésaventures autant que de nos triomphes.
Nous espérons également que vous pouvez embrasser vos propres erreurs et
apprendre à partir d’elles, sachant que vous n’êtes pas tenus d’être parfait pour
ce travail et que chaque thérapeute ferait finalement mieux de se débarrasser
du lourd et irréaliste fardeau de la perfection.

3. L’organisation du livre
Dans ce livre, nous discutons des traitements appropriés dans le cadre
d’une pratique privée ou de cliniques ambulatoires. Il y a certainement
un sous-groupe de patients plus perturbés qui doivent être évalués avec
précision afin de déterminer s’il est plus indiqué de les traiter dans des
environnements qui offrent des soins de crise et de soutien, un traitement
interdisciplinaire et un accès aisé à une hospitalisation psychiatrique. Chu
(2011) a qualifié ces patients de « chroniquement dépourvus de pouvoir ».
Ils peuvent présenter une comorbidité profonde de trouble de la personna-
lité, des risques de suicide, de l’autodestruction et d’autres comportements
extrêmes de passage à l’acte. Nous avons constaté que les thérapeutes sont
parfois tellement concentrés sur les symptômes dissociatifs et les présen-
tations difficiles de patients dissociatifs qu’ils ne peuvent pas facilement
distinguer les patients pour lesquels un environnement ambulatoire est
indiqué de ceux pour qui cela ne l’est pas ou pas encore, ceux qui ont
besoin d’une thérapie de soutien versus ceux qui peuvent éventuellement
tolérer et progresser dans une psychothérapie approfondie. À cette fin, nous
avons passé du temps dans ce livre à la description des caractéristiques des
patients ayant des besoins et des pronostics différents. Ainsi, le thérapeute
peut faire des choix judicieux sur le cadre et le type de traitement les plus

14 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


utiles. Et comme toujours, nous encourageons les thérapeutes à consulter
d’autres personnes en cas de doute, une pratique que chacun de nous conti-
nue à suivre dans son propre travail.
Ce livre est divisé en six sections. Dans l’introduction, le premier chapitre
sert de survol des aspects neuropsychologiques de la dissociation comme un
trouble de non-réalisation. La partie I (chapitres 2 à 4) se concentre sur la
relation thérapeutique et la personne du thérapeute. La partie II (chapitres 5
à 9) est consacrée à l’évaluation et à la planification. Ces chapitres traitent
de l’évaluation des troubles dissociatifs, de la formulation des cas, du pronos-
tic, de la planification du traitement, des principes du traitement des troubles
dissociatifs et d’un aperçu des trois phases du traitement, chacun comprenant
un ensemble d’objectifs. La partie III porte sur le traitement de la Phase 1
(chapitres 10 à 18), en mettant l’accent sur des questions précises et sur la
façon d’inclure les parties dissociatives dans le travail. Les sujets de cette
section comprennent la compréhension et le travail avec la résistance qui est
perçue comme une co-création du patient et du thérapeute. Elle comprend
également la gestion de la dépendance dans la thérapie et les approches
intégratives pour la compréhension et le travail de la honte chronique. Le
chapitre 19 comprend plusieurs sujets sélectionnés, notamment l’aide aux
patients dans le traitement de leurs relations actuelles et parentales, les ques-
tions sexuelles, les dilemmes de la famille d’origine, la victimisation en cours
et la gestion du fractionnement de l’équipe de traitement et les conflits. La
partie IV (chapitres 20 et 21) se concentre sur le traitement de la Phase 2
des souvenirs traumatiques. La partie V (chapitres 22 et 23) inclut une dis-
cussion sur l’intégration des parties dissociatives dans un ensemble cohérent
et d’autres questions de la Phase 3.
Nous avons inclus deux autres fonctionnalités dans le livre qui, nous l’es-
pérons, vous seront utiles. La première concerne les concepts clés et les idées
fondamentales qui sont mises en évidence dans le texte en gras afin qu’elles
puissent être vues en un coup d’œil. Ces concepts servent de principes direc-
teurs dans le traitement et de résumé de la plupart des notions importantes
dans chaque chapitre. La seconde est une section à la fin de chaque chapitre
intitulée « Explorations complémentaires ». Elle est destinée à capitaliser sur
le fait qu’en règle générale les thérapeutes sont avides d’apprendre tout au long
de leur vie. Ces sections comprennent des idées et des questions supplémen-
taires, des exercices pour pratiquer des habiletés et des suggestions de discus-
sions entre pairs sur la base de sujets d’un chapitre donné. Elles visent à susciter
davantage de curiosité, de découverte et de croissance.
Enfin, nous sommes parfaitement conscients que nous n’avons pas inclus
tout ce qui est pertinent dans ce livre. Notre espoir est d’avoir fourni suffisam-
ment de principes directeurs pour aider les thérapeutes à trouver plus facile-
ment leur chemin à travers le chaos et les complications.

Préface 15
4. Un mot sur la terminologie
Nous avons eu du mal à décider quelle terminologie utiliser car nous vou-
lions que ce livre soit très pratique et raisonnablement sans jargon. Nous avons
trouvé cela particulièrement difficile, surtout qu’il s’agit de quelques-uns de
nos propres termes théoriques. Le fait que nous les développions en premier
lieu signifie que nous leur avons trouvé une grande utilité clinique. Dans le
passé, nous avons utilisé deux termes qui méritent une attention particulière
car nous avons choisi de ne pas y recourir dans ce livre.
Dans une tentative de définir des prototypes de parties dissociatives de
la personnalité, nous avons utilisé le terme Partie apparemment normale de la
personnalité (PAN) pour décrire les parties qui fonctionnent principalement
dans la vie quotidienne, sont médiatisées par les systèmes d’action ou moti-
vationnels de la vie quotidienne et évitent les souvenirs traumatiques. Nous
avons utilisé également le terme Partie émotionnelle de la personnalité (PE) pour
décrire les parties qui sont principalement fixées dans les systèmes d’action de
défense contre le danger et la menace de mort et qui sont bloquées au temps
du traumatisme.
Il y a quelques avantages et inconvénients à l’utilisation de ce langage.
Par exemple, le terme PAN n’indique pas la qualité du fonctionnement dans
la vie quotidienne mais plutôt le manque d’intégration vis-à-vis des autres
parties, maintenues par la phobie de la PAN vis-à-vis de ces autres parties
et des souvenirs traumatiques associés. Bien que l’un d’entre nous (Onno)
reste attaché à ce terme, les autres auteurs (Kathy et Suzette) pensent que le
concept peut être un peu trop réducteur pour transmettre adéquatement toute
la gamme des expériences des parties dissociatives du patient qui fonctionnent
dans la vie quotidienne sous d’innombrables expressions. Dans ce livre, nous
allons donc nous référer aux PAN comme des parties qui fonctionnent dans
la vie quotidienne, indépendamment de leur apparence de normalité ou de
dysfonctionnement.
De même, le terme PE est utile car il décrit l’émotion véhémente com-
mune aux parties bloquées dans le traumatisme qui accompagne la défense
contre la menace extrême réelle ou perçue, même si certaines de ces parties
peuvent être engourdies ou avoir développé certaines fonctions de la vie
quotidienne. Un des auteurs (Onno) préfère ce terme, alors que les autres
(Kathy et Suzette) pensent que le terme est trop restrictif, se concentrant
sur l’émotion plutôt que sur le fait que ces parties sont fixées dans le temps
du trauma dans des actions défensives, avec l’émotion comme extension de
la défense. Certaines PAN peuvent aussi avoir les qualités d’émotions véhé-
mentes. Dans ce livre, nous nous référerons aux PE comme parties fixées dans
le traumatisme. L’un des nombreux aspects que nous apprécions au sujet de
notre gratifiante collaboration les uns avec les autres pour la majeure partie

16 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


d’un demi-siècle, c’est notre accueil partagé à ce genre de désaccords qui
forment simplement de la matière pour des discussions plus dynamiques et
enrichissantes.

5. Une note au sujet des exemples de cas


Bien que les cas de ce livre reflètent des problèmes cliniques réels, il s’agit de
cas composites de patients et ils comprennent des reconstructions de dialogues
cliniques. Les spécificités ont été soigneusement modifiées afin de protéger la
vie privée des patients.

Préface 17
Remerciements

Les livres ne sont pas écrits en vase clos et nos années d’expérience reflétées
ici ne sont pas survenues dans le vide. Nos remerciements, dans cette section,
sont un témoignage du fait que derrière nos écrits et nos expériences cliniques
il y a des douzaines d’individus avec des esprits sages et des cœurs compassion-
nels qui nous ont enseigné, mis au défi et nous ont soutenus. Nous sommes
chanceux d’avoir des collègues du monde entier avec lesquels nous avons
échangé des idées. Chacun de nous a été richement influencé par les maîtres
dans le domaine, par nos collègues et par les participants auxquels nous avons
enseigné et dont nous avons tiré des leçons. Nous leur devons toute notre
gratitude pour leur soutien, leur bonne volonté à partager ce qu’ils ont appris,
leurs questions incisives qui nous défient et leur courage dans le traitement de
patients aux prises avec des problèmes extrêmement complexes.
Nous sommes particulièrement reconnaissants envers les pionniers du ving-
tième siècle dans le domaine des traumas complexes et de la dissociation, qui
nous ont particulièrement inspirés, notamment Elizabeth Bowman, Bennett
Braun, David Caul (1921-1988), James Chu, Philip Coons, Catherine Fine,
Jean Goodwin, Richard Kluft, Richard Loewenstein, Frank Putnam et Colin
Ross.
Notre gratitude va à nos nombreux contemporains, trop nombreux pour
être cités, mais ne méritant pas moins d’éloges, qui ont apporté d’impor-
tantes contributions écrites et cliniques à la compréhension et au traitement
des patients souffrant de troubles dissociatifs et desquels nous avons beau-
coup appris. Nous vous remercions et nous avons eu l’honneur de parcourir
ces routes avec vous. Pour leurs phénoménales contributions cliniques, en
recherche et en ouvrages publiés, nous sommes particulièrement reconnais-
sants envers Trine Anstorp, Peter Barach, Kirsten Benum, Bethany Brand,

Remerciements 19
Philip Bromberg, Laura Brown, Richard Chefetz, Catherine Classen, Christine
Courtois, Constance Dalenberg, Martin Dorahy, Paul Dell, Nel Draijer, Janina
Fisher, Julian Ford, Claire Frederick (1932-2015), Steve Frankel, Jennifer
Freyd, Denise Gelinas, Steve Gold, Anna Gerge, Michaela Huber, Anabel
Gonzalez, Elizabeth Howell, Phil Kinsler, Jim Knipe, Giovanni Liotti, Willie
Langeland, Ruth Lanius, Warwick Middleton, Andrew Moskowitz, Dolores
Mosquera, Russell Meares, Ellert Nijenhuis, John O’Neil, Pat Ogden, Clare
Pain, Maggie Phillips, Luisa Reddeman, Vedat Sar, Eli Somer, David Spiegel,
Joan Turkus, Bessel van der Kolk et Eric Vermetten.
À la fois sur le plan plus personnel et professionnel, nous élargissons notre
reconnaissance et gratitude les plus profondes à ceux qui ont offert un soutien
émotionnel et des possibilités de croissance, la consultation sur les cas, des dis-
cussions animées et des débats. Nous sommes particulièrement reconnaissants
à Pat Ogden pour ses nombreuses conversations fructueuses sur le traumatisme,
l’attachement, la dissociation et l’expérience somatique et pour son soutien
indéfectible et sa contribution sur le corps dans ce livre. Elle a été au centre
de notre apprentissage sur la façon d’incorporer l’expérience somatique dans
le traitement, ce qui a amélioré de façon exponentielle notre traitement des
patients traumatisés.
Parmi les autres personnes à qui nous tenons à exprimer notre gratitude,
citons, entre autres des États-Unis : les collègues de Metropolitan Psychothe-
rapy Associates, Amanda Savage Brown pour ses commentaires perspicaces sur
la thérapie de l’acceptation et de l’engagement dans le travail sur la honte,
Heather McCormack Moon pour ses commentaires sur la thérapie comporte-
mentale dialectique, Roger Solomon et Marty Wakeland. De la Belgique : Erik
de Soir et Manoëlle Hopchet. De la Chine : Ellen Ma. De la Finlande, notre pré-
cieuse et chère collègue et amie Anne Suokas-Cunliffe. De l’Allemagne : Helga
Matthess et Bettina Overkamp. D’Israël : Danny Brom et Eliezer Witztum. De
l’Italie : Giovanni Tagliavini et Alessandro Carmelita. Des Pays-Bas : Mariëtte
Groenendijk, Desiree Tijdink, Annemieke van Dijke, et tous les collègues
du Top Referent Trauma Center (TRTC) à Zeist. De la Norvège : Harold
Baekkelund, Ingunn Holbaek, Ellen Jepsen et Katinka Salvesen. De la Suède :
Ann Wilkens. Et du Royaume-Uni : Remy Aquarone et Orit Badouk Epstein.
Il faut en effet tout un village pour élever (et soutenir) un thérapeute.
Nous avons fait de notre mieux pour rendre hommage là où l’hommage
est dû à juste titre dans le livre. Si nous avons échoué à cet égard, c’est tout
à fait involontaire. Plus la littérature est abondante, plus cette tâche est diffi-
cile. Et heureusement, la littérature sur le traitement des troubles dissociatifs
s’est développée exponentiellement. Il est parfois particulièrement difficile de
retrouver le créateur original d’une technique particulière qui peut avoir été
enseignée dans des ateliers bien avant sa publication. Encore une fois, nous
avons fait de notre mieux et hélas, nous le savons, ce ne sera pas parfait.

20 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Un grand merci à notre fantastique rédactrice en chef Virginia (« the
Stickler ») Wood, PsyD. Votre connaissance de la grammaire, du formatage
et du style APA ne connaît apparemment pas de limites et, d’une manière
ou d’une autre, vous nous avez aidés ici et là à dire clairement ce que nous ne
pouvions pas articuler de façon cohérente.
Un grand merci à nos rédacteurs en chef de Norton, Deborah Malmud,
Elizabeth Baird et Benjamin Yarling, qui ont patiemment enduré nos retards
et ont été incroyablement réactifs et serviables.
Avant tout, un merci chaleureux et humble à nos patients. Vous êtes ceux
qui nous ont le plus instruits, et qui ont toléré avec grâce nos erreurs mala-
droites et nos imperfections humaines. Merci de croire en nous et de partager
une partie de votre voyage avec nous. Soyez en bonne santé et vivez bien, avec
la compassion, l’attention et la vivacité que vous méritez tant.

Remerciements 21
Introduction
cHAPITRE 1
La dissociation
comme non-réalisation

La dissociation est l’essence du trauma.


Bessel van der Kolk (2015, p. 66)

Lorsque la réalisation est profonde, votre être tout entier est en


train de danser.
Proverbe zen

Hélène est une femme d’âge moyen, brillante, pleine d’esprit, au sommet d’une
carrière réussie dans les ressources humaines. De l’extérieur, on dirait qu’elle
a tout pour elle. Mais Hélène est déprimée et elle craint constamment d’être
virée malgré toutes les preuves du contraire. En effet, elle est très respectée et
aimée par ses collègues mais elle ne peut pas l’accepter. Elle est émotionnelle-
ment engourdie la plupart du temps mais souffre également d’insomnies et de
violents cauchemars, d’attaques de panique et de flash-back fragmentés d’abus
dans l’enfance pleins de terreur, de douleur et d’impuissance. Hélène entend
plusieurs voix intérieures effrayantes, l’une qui lui crie de rage et de dégoût et
une autre qui sonne comme un petit enfant à l’intérieur, criant de douleur.
Quand elle entend une de ces voix, ses yeux se lancent en avant et en arrière et
elle paraît effrayée. Son corps est tendu, sa poitrine est rentrée, tout comme sa
tête enfoncée dans ses épaules. Elle est au bord de l’effondrement au moment
où elle décide de commencer la thérapie.

La dissociation comme non-réalisation 25


Hélène rapporte une histoire d’abus sévère et de négligence dès son plus
jeune âge, bien qu’elle ne se souvienne que de fragments de son enfance. Pour
le reste, elle a reconstitué des histoires inquiétantes que ses frères et sœurs et
d’autres membres de la famille ont partagées, mais dont elle ne se souvient
pas réellement. Certains des souvenirs qu’Hélène garde de son enfance diffi-
cile sont comme des rêves brumeux, comme s’ils n’étaient pas réels ou étaient
arrivés à quelqu’un d’autre. Elle se souvient de flotter au-dessus de son lit, en
regardant « une autre petite fille qui portait mon pyjama et avait des cheveux
comme les miens », être violemment abusée sexuellement par un membre de
la famille. Elle peine à savoir si ses images floues sont vraies et si ses frères et
sœurs exagèrent l’horreur de ce qui s’est passé. D’autre part, elle est en proie à
des flash-back qui semblent réels, brouillant et effaçant sa réalité actuelle avec
leur vivacité sensorielle. Hélène se réprimande, croyant qu’elle n’a aucune rai-
son d’être déprimée, disant qu’elle est faible et enfantine de se plaindre, et que
si seulement elle avait essayé plus fort, tout serait bien. Elle supporte d’énormes
souffrances émotionnelles chaque jour, au point d’avoir du mal à fonctionner.

1. Un continuum de non-réalisation :
pas réel, pas vrai, pas le mien, pas moi
Beaucoup de questions peuvent être mises en évidence dans l’histoire d’Hélène,
mais nous commencerons par ses difficultés étonnantes de réalisation, c’est-à-dire
accepter sa vie telle qu’elle est en s’adaptant à elle. La réalisation est un concept
puissant, pertinent pour tout le monde dans sa vie quotidienne. C’est un élément
central de l’intégration. L’intégration implique des actions continues qui nous aident
à différencier et à relier les expériences au fil du temps au sein d’une personnalité
à la fois flexible et stable. Elle favorise ainsi le meilleur fonctionnement possible
dans le présent et dans l’avenir anticipé (Van der Hart, Nijenhuis et Steele, 2006).
La réalisation n’est pas seulement essentielle à la résolution des traumatismes mais
elle est nécessaire pour réussir à faire face à la vie quotidienne, du banal au catastro-
phique, du plaisir au douloureux, du plus simple au plus complexe des expériences.
Nous pouvons mieux comprendre ce que les autres autour de nous réalisent éga-
lement. Nous avons tendance à vivre dans une réalité sociale partagée. Quand les
enfants sont abusés par un proche, qui est censé les aimer, quand les gens et les ins-
titutions ne protègent pas comme ils le devraient, il est intolérable pour les enfants
de réaliser. La trahison inhibe la réalisation et favorise la dissociation.

CONCEPT CLÉ

La réalisation est l’action continue d’être conscient de la réalité telle qu’elle est, de l’ac-
cepter et de s’y adapter efficacement (Janet, 1935, 1945 ; Van der Hart et al., 2006).

26 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


La non-réalisation est l’incapacité à saisir les aspects essentiels de l’expé-
rience externe qui appartiennent à juste titre à notre passé, présent et futur.
Cela peut être la non-réalisation de notre moi et de nos expériences intérieures
telles que les pensées, les actions physiques, les sensations, les souvenirs et les
émotions. Elle se présente sous de nombreuses formes à chacun de nous. Elle
peut être légère, modérée ou extrême et liée à des expériences quotidiennes
simples ou à des événements catastrophiques. Elle peut se manifester dans cer-
tains domaines de la vie et non dans d’autres ; Elle peut aller de petites lacunes
momentanées à une amnésie majeure, une non-réalisation complète (Janet,
1945).
La non-réalisation peut également concerner certains aspects d’une expé-
rience et pas d’autres, s’appliquant aussi bien aux bonnes expériences qu’aux
mauvaises. Par exemple, Hélène était fière d’être la première de sa famille
à avoir terminé ses études universitaires, mais ne pouvait pas réaliser que
c’étaient ses propres capacités intellectuelles qui les avaient rendues possibles.
Au lieu de cela, elle croyait qu’elle était stupide, malgré des preuves claires du
contraire. Elle se rendit compte qu’elle était constamment effrayée, ce qui se
reflétait dans ses yeux écarquillés et ses épaules courbées mais elle ne pouvait
pas encore réaliser la source de sa peur.
Les survivants de traumatisme ont un mélange de réalisations quotidiennes
normales qui sont communes à tout le monde, combiné à de la non-réalisation
majeure : Je n’ai pas vraiment de problèmes. Je viens seulement à la thérapie parce
que mon mari veut que je le fasse. Je ne suis pas le problème. Tout le monde est
le problème ! Mon enfance était belle. Je n’ai aucune idée de la manière dont ces
brûlures se sont produites sur mon bras, elles ne me font pas mal du tout. Je ne me
souviens de rien avant le lycée. Ce petit garçon n’est pas moi. Ce visage que je vois
dans le miroir n’est pas le mien. Plus la non-réalisation est enracinée et omni-
présente, plus la thérapie sera vraisemblablement longue et difficile. Dans ces
cas, beaucoup de travail doit être fait pour aider les patients à augmenter la
réalisation et l’intégration.

2. L’expérience somatique dans la réalisation


et la non-réalisation
Par omission aveugle, la psychothérapie traditionnelle n’a pas aidé les thérapeutes
à bien saisir le rôle central de l’expérience somatique, de la sensation, du mou-
vement, de la posture comme nécessaire ou même important à traiter. Quelques
cliniciens se sont plaints que certains thérapeutes ont tendance à traiter les parties
dissociatives comme si elles étaient des « choses » distinctes de la personne dans
son ensemble. Pourtant, la thérapie elle-même a en quelque sorte réifié l’esprit
comme une « chose » à traiter sans considérer que les contenus de l’esprit sont

La dissociation comme non-réalisation 27


incarnés (dans le corps). En réalité, nous sommes à la fois esprit et corps, notre
esprit fait partie du corps. Nous sentons et bougeons en réaction à ce qui est
dans notre esprit, et simultanément notre esprit reflète ce que nous sentons dans
notre corps. Ils sont vraiment inséparables, s’influençant mutuellement dans une
boucle de rétroaction implicite constante. Même dans la non-réalisation la plus
profonde, les parties dissociatives se présentent somatiquement, chacune avec ses
propres caractéristiques physiques, même si elles restent inconnues ou non recon-
nues par les patients. Chez les patients dissociatifs, les aspects du traumatisme ainsi
que l’évitement du traumatisme sont tenus dans diverses parties dissociatives. Par
exemple, une partie du patient peut être fixée dans la peur avec des muscles ten-
dus et une expression du visage gelée ou avec des douleurs physiques graves. Une
autre partie peut être effondrée et fermée, recourbée sur elle-même, évitant toute
reconnaissance du traumatisme, physiquement et émotionnellement engourdie.
Chaque partie dissociative a sa propre physiologie correspondante, des sensations
et des mouvements qui reflètent leur contenu mental respectif.
Les expériences sensorielles habituelles, les gestes, les mouvements et la pos-
ture jouent un rôle fondamental en faveur de la réalisation ou de la non-réali-
sation. Les patients et les thérapeutes doivent être capables de reconnaître, par
exemple, les sensations de sueur, les sensations aiguës, les mouvements nerveux
et la posture tendue de la peur afin d’intervenir tôt pour soutenir la régulation et
changer la peur en une émotion plus adaptée dans le présent. Les émotions ont
des précurseurs somatiques affectifs et comprennent des sensations, des gestes et
des mouvements. La posture du patient s’effondre dans la dépression. Les muscles
se tendent d’anxiété et de peur. Les mains se resserrent pour former des poings,
la poitrine se bombe, et les épaules sont rejetées en arrière dans la colère. L’ex-
pression du visage change selon la sécurité ou la menace perçue. Ressentir le
soutien relationnel d’un autre est nécessaire pour l’attachement sécurisé et peut
s’exprimer dans une chaleur et une expansion dans la poitrine, un relâchement
de la tension, un redressement de la posture, une recherche de contact visuel.
Ces expériences et de nombreuses autres expériences somatiques sont non seule-
ment essentielles à observer, mais à utiliser thérapeutiquement.
L’évitement implicite d’une expérience somatique par un thérapeute peut
entrer en collusion avec l’évitement du patient traumatisé, qui peut, sans le
savoir, maintenir la non-réalisation. Bien que les patients puissent parler comme
s’ils avaient de la clairvoyance par rapport au trauma et l’avaient intégré, leur
récit superficiel et sans émotion est souvent un évitement accompagné de disso-
ciation et de dépersonnalisation. Si, dans ce cas, le thérapeute n’écoute que les
paroles du patient et ne s’occupe pas de son niveau d’activation et de son expé-
rience somatique, une opportunité de réalisation supplémentaire sera manquée.
Les thérapeutes ressentent douloureusement combien les mots, les piliers de
la thérapie verbale, passent souvent à côté des individus traumatisés. Ces derniers
sont incapables de comprendre, de parler ou de formuler des pensées lorsque des

28 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


souvenirs traumatiques sont activés, surtout lorsque ces expériences sont préver-
bales. La mémoire n’est pas seulement émotionnelle et cognitive, elle a des compo-
santes somatiques. En particulier, les souvenirs traumatiques sont principalement
somato-sensoriels, souvent sans composante cognitive (pour une grande part) et
l’expérience non verbale du traumatisme vit dans le corps, contenue dans des par-
ties dissociatives particulières (Brewin, Dalgleish et Joseph, 1996 ; Ogden, Minton
et Pain, 2006 ; Van der Kolk, 1994 ; Van der Kolk et Fisler, 1995 ; Van der Kolk
et van der Hart, 1991). Comme l’a noté Bessel Van der Kolk, « le corps conserve
la trace » même si le patient ne peut se souvenir d’une expérience traumatique ou
n’a qu’un rappel fragmentaire. Les patients disent souvent : « Je sais que je suis en
sécurité et présent, mais je ne me sens pas en sécurité, et je me sens comme si j’étais
à nouveau là, quand le traumatisme est survenu. » Ainsi, les actions somatiques
répétitives et inachevées du traumatisme peuvent se poursuivre, et peuvent être
gardées dans diverses parties dissociatives du patient. Tandis que la réalisation et
l’intégration peuvent implicitement inclure des changements somatiques, de sorte
que le thérapeute n’a pas toujours besoin de les aborder directement, d’autres fois,
il peut être essentiel de travailler de façon explicite avec l’expérience somatique.
Par conséquent, nous croyons qu’il est impératif pour les thérapeutes d’intégrer
la conscience et les interventions somatiques à des approches de psychothérapie
plus traditionnelles chez des individus chroniquement traumatisés pour faciliter la
réalisation et l’intégration (Ogden et al., 2006 ; Ogden et Fisher, 2015).

3. La dissociation comme un problème


de non-réalisation
La dissociation est peut-être le type le plus profond de non-réalisation. En fait,
les troubles dissociatifs ont été appelés « syndromes de non-réalisation » (Janet,
1935, p. 349) et « troubles de réalités multiples » (Kluft, 1993a, p. 36). La dis-
sociation implique une division de la personnalité du patient en parties qui ont
chacune leur propre sens de soi et un certain degré de perspective à la première
personne, avec des émotions spécifiques, des pensées, des croyances, des sen-
sations, des perceptions, des prédictions, des actions physiques et des compor-
tements. Chaque partie dissociative de la personnalité du patient englobe une
perception unique de la réalité qui peut contredire la réalité des autres parties
avec une attitude étonnante d’indifférence envers de profondes incohérences.

CONCEPT CLÉ

La dissociation est une division de la personnalité du patient en parties qui ont chacune
leur propre sens de soi et qui, à cause de la non-réalisation, éprouvent trop ou trop peu.
Ces expériences paradoxales marquent l’incapacité à réaliser un traumatisme.

La dissociation comme non-réalisation 29


6OFYFNQMFEFDBTEFOPOSÏBMJTBUJPO+PF

La sœur de Joe a rappelé qu’ils avaient été agressés sexuellement et physiquement par leur
frère aîné sadique. Il y avait des preuves concrètes de l’abus, y compris le fait que le frère
aîné fut retiré de la maison et placé en détention juvénile à l’âge de 16 ans. Cependant,
Joe ne pouvait pas pleinement réaliser son histoire traumatique. Au cours d’une seule
séance, diverses parties dissociatives de Joseph disaient : « Mon frère a abusé de moi. Je
n’ai jamais été abusé. J’aime mon frère. Je n’ai pas de frère. Ce géant effrayant a vécu dans
le placard dans ma chambre et venait me faire du mal chaque fois que j’allais dormir. »

Le thérapeute non initié est, on le comprend, complètement désorienté par


de telles contradictions : Qu’est-ce qui est réel et que dois-je faire avec ces déclara-
tions incompatibles ? Cependant, les thérapeutes peuvent saisir la signification
de ces contradictions en comprenant que la division de soi est une solution à
des réalités insupportables et inconciliables.
Dans le monde dissociatif interne du patient, les déclarations contradictoires
peuvent coexister et chacune d’entre elles est vécue comme vraie par une partie
du patient, mais pas par d’autres. Joe ne se rend pas (encore) compte qu’il a été
abusé par son frère. La partie adulte de Joe, qui est la plus souvent présente dans
la thérapie, nie complètement que son frère lui a fait du mal. Une autre partie de
Joe, encore plus profondément dans la non-réalisation, nie même avoir un frère et
n’a pas de souvenirs liés à son existence. Une partie enfant de Joe accepte qu’on
lui a fait du mal mais est incapable de réaliser que c’était son frère. Il croit qu’il a
été abusé par un « géant effrayant ». Une autre partie veut raconter l’histoire de
l’abus au thérapeute mais est vicieusement censurée intérieurement par une partie
qui crie Menteur ! La partie adulte de Joe s’engage plus loin encore dans la non-
réalisation en niant même tout à fait que ces parties dissociatives lui appartiennent.
Ce sont juste des voix folles qui ne m’appartiennent pas, je crains de devenir fou !
Bien sûr, le thérapeute ne sait pas avec certitude que le frère de Joe a abusé de
lui, mais ce n’est pas le travail du thérapeute de rechercher la vérité. Le patient
donnera un sens à ce qui est arrivé avec le soutien neutre et compassionnel du
thérapeute, qui souligne doucement les incohérences et aide toutes les parties de
Joe à apprendre à se réconcilier au fil du temps. Cependant, il est certain pour les
thérapeutes que Joe est terriblement en conflit au sujet de son frère, qu’il est en
grande souffrance, et que certaines réalisations majeures sont évitées. La prise de
conscience et la conciliation de ces conflits et des évitements deviennent l’objet
du traitement.

3.1. Trop et trop peu : le duo dynamique de la dissociation


Les patients dissociatifs ont tendance à éprouver un mélange confus de « trop
peu » ou de « trop » comme conséquence de la non-réalisation. Par exemple,

30 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Hélène évite d’une part son passé traumatique et essaie d’aller de l’avant avec
la vie quotidienne. Cette partie adulte d’Hélène fait référence à ce que nous
avons appelé la partie apparemment normale de la personnalité ou PAN
(Nijenhuis, Van der Hart et Steele, 2002 ; Steele, Van der Hart et Nijenhuis,
2005 ; Van der Hart et al., 2006). Dans ce livre, nous allons nous référer à
des PAN comme à des parties qui fonctionnent dans la vie quotidienne. En tant
que partie adulte qui fonctionne dans la vie quotidienne, Hélène éprouve trop
peu, comme l’engourdissement émotionnel et physique, l’amnésie, l’incapa-
cité de sentir le plaisir et un évitement accru de déclencheurs et d’exposition
à de nouvelles expériences, ce qui restreint de plus en plus sa vie. Elle plane,
sans être ancrée dans le présent, ne pensant à rien. Elle ne sent pas sa propre
peau et s’est échaudée dans la douche à plus d’une occasion parce qu’elle ne
sentait pas complètement la chaleur. Elle se sent souvent émotionnellement si
engourdie qu’elle se décrit comme étant comme « un morceau de carton ». La
partie adulte d’Hélène ne se rend pas compte qu’elle a été maltraitée et, en ce
sens, réalise trop peu.
D’autre part, la partie d’Hélène qu’elle appelle « Ellen » revit l’abus conti-
nuellement. Cette partie d’Hélène éprouve trop. Nous avons précédemment
appelé ce type de partie la Partie émotionnelle de la personnalité ou PE (Steele
et al., 2005 ; Van der Hart et al., 2006). Dans cet ouvrage, nous allons nous
référer aux PE comme à des parties bloquées au temps du trauma. Ellen est pour
toujours un enfant coincé au temps du trauma, se défendant contre un danger
réel ou perçu ou encore contre des menaces vitales. Dans cette partie d’elle-
même, Hélène est très dérégulée, éprouvant de trop, accablée par la peur, la
honte ou la rage, par des sentiments sexuels et des souvenirs du corps. Parfois,
Ellen est complètement fermée au point qu’il lui est difficile de reconnaître le
présent. De cette façon, Ellen éprouve aussi trop peu du présent.
En tant que « La Surveillante », une partie critique, observatrice d’elle-
même, Hélène a vécu son abus à grande distance, sans émotions à part la colère
et le dégoût pour « la petite fille qui ne l’a pas arrêtée ». Cette partie d’Hélène
est consciente du traumatisme mais éprouve trop peu d’émotions, comme si
l’expérience ne lui était pas arrivée. Même si elle se souvient de l’abus, la par-
tie observatrice d’Hélène est toujours incapable de le mettre dans un contexte
réaliste, blâmant Ellen pour avoir causé l’abus. Ainsi, chaque partie d’Hélène a
des formes uniques de non-réalisation qui contribuent à des conflits intérieurs
continus et qui doivent être rencontrés dans le traitement.
Ces pôles de trop et trop peu sont des manifestations de l’expérience très
contradictoire des survivants de traumatismes qui simultanément savent (dans
certaines parties d’eux-mêmes) et ne savent pas (dans d’autres parties) ce qui
leur est arrivé (Laub et Auerhahn, 1993). Savoir et ne pas savoir sont des
expériences importantes qui coexistent et créent des conflits extrêmes chez
les patients dissociatifs. La contradiction entre les deux implique que la pleine

La dissociation comme non-réalisation 31


réalisation n’a pas été atteinte. Le thérapeute doit remarquer le conflit et aider
les patients à en prendre conscience d’une manière qui invite à la curiosité sans
danger et sans prendre parti.

CONCEPT CLÉ

Les parties dissociatives sont des tours de main hypnotiques qui gardent habilement et
cachent ce qui ne peut pas encore être réalisé par le patient. Les thérapeutes doivent
garder l’œil sur le coût des réalisations manquantes et nécessaires plutôt que sur les carac-
téristiques fascinantes des parties dissociatives elles-mêmes.

3.2. Les parties dissociatives comme phénomènes


de non-réalisation
Janet (1945) a noté que les croyances de substitution, les réalités alternatives qui
aident les patients à éviter la réalisation, comprennent les parties dissociatives.
Les phénomènes des parties dissociatives – leurs âges, leurs genres, leurs préfé-
rences, leurs activités, etc. – sont une sorte de déception psychobiologique qui
tient habilement et cache ce qui ne peut être réalisé par le patient. Comme le
magicien d’Oz, les parties dissociées reflètent les blessés et les personnes vul-
nérables qui se disent essentiellement à elles-mêmes et disent au thérapeute :
« Ne faites pas attention à cet homme derrière le rideau », dans un effort de les
détourner des terribles réalités qui doivent encore être pleinement réalisées.
Simultanément, les parties bloquées dans des expériences traumatiques
éprouvent désespérément le traumatisme comme se produisant dans l’ici et
maintenant. Ces parties elles-mêmes sont incapables de réaliser que le passé est
fini et que le présent est différent. Elles sont tellement fixées dans l’horreur, la
rage, la peur ou la honte que le thérapeute et le patient peuvent se sentir acca-
blés et distraits par l’intensité de ce phénomène. La résilience et les forces de la
partie adulte du patient peuvent être oubliées. Des parties enfant coincées au
temps de trauma peuvent entraîner le thérapeute à materner au lieu de traiter
des patients comme des adultes dont la tâche thérapeutique est de réaliser que
les parties enfant leur appartiennent en tant qu’adultes.

Le problème de l’équivalence psychique. Le thérapeute doit rester


concentré sur la découverte des non-réalisations du patient plutôt que sur les
caractéristiques fascinantes des parties dissociatives elles-mêmes. Les patients
dissociatifs vivent souvent ce qu’on appelle l’équivalence psychique, c’est-à-
dire qu’ils expérimentent la réalité interne (parties dissociatives, flash-back,
même pensées ou émotions) comme des réalités externes réelles et puissantes
(Fonagy, Gergely, Jurist et Target 2005 ; Target et Fonagy, 1996). Si Fonagy

32 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


et al. (2005) ont décrit l’équivalence psychique comme un échec à la menta-
lisation, c’est aussi dû à l’extrême logique de la transe hypnotique commune chez
les patients dissociatifs, où la pensée critique et la logique sont suspendues
(par exemple Orne, 1959 ; Kluft, 1982 ; voir chapitre 8). Ainsi, ils peuvent
voir les parties comme des personnes réelles au lieu de parties désavouées de
soi. Ils éprouvent les flash-back comme des événements réels dans le présent
plutôt que comme des souvenirs du passé. Ils peuvent littéralement perce-
voir le thérapeute comme l’agresseur parce qu’ils se sentent abusés. Ils peuvent
prendre leur forte impression d’être mauvais comme preuve insupportable
qu’ils sont mauvais. Les thérapeutes ne doivent pas s’engager dans l’équi-
valence psychique en ce qui concerne les parties dissociatives, c’est-à-dire
qu’ils ne doivent pas confondre les parties dissociatives du patient qui sont
des manifestations d’extrêmes non-réalisations avec des personnes réelles qui
devraient être traitées séparément et différemment les unes des autres. L’an-
tidote de l’équivalence psychique est d’abord d’être présent et conscient, puis
de mentaliser, de prendre du recul et de réfléchir sur ce qui se passe, sur ce qui
conduit à la réalisation.
Par exemple, les thérapeutes doivent comprendre que les parties enfant qui
sont dans le besoin aspirent à de la proximité, ce que le moi adulte qui fonc-
tionne dans la vie quotidienne généralement nie, en est dégoûté, ou trouve
menaçant. Ce ne sont pas des enfants réels, mais des représentations psycho-
biologiques de ce qui ne peut pas encore être réalisé. À l’instar de ces jeunes
parties, les patients évitent de se rendre compte qu’ils sont maintenant adultes
et doivent faire le deuil de ce qu’ils n’ont pas reçu dans l’enfance. Une partie
adolescente peut agir ou retenir la colère ou la sexualité qui est désavouée par
la partie adulte et ainsi la protéger de ce qui est perçu comme des sentiments
inacceptables et des impulsions irresponsables. La partie adolescente évite de
se rendre compte qu’elle a grandi et doit trouver un équilibre entre la liberté et
la responsabilité. Une rude partie agressive peut être coincée dans une défense
de combat et ne pas se rendre compte qu’il n’y a plus besoin de se battre. Il se
peut qu’une telle partie évite aussi de se rendre compte qu’elle était effective-
ment vulnérable et impuissante pendant l’abus. Le thérapeute doit reconnaître
et aider le patient à accepter ces réalisations d’une manière graduelle dans le
traitement réussi de la dissociation.

4. Les fondations évolutives de la dissociation


et de la non-réalisation
La dissociation est à la fois un problème psychologique et physiologique.
Dans la section ci-dessus, nous avons discuté des aspects psychologiques de la
non-réalisation. Nous nous tournons maintenant vers l’important fondement
physiologique de la dissociation et les aspects somatiques de la non-réalisation.

La dissociation comme non-réalisation 33


4.1. Systèmes d’actions évolutifs
Nous les humains avons des tendances innées qui organisent notre physio-
logie, notre attention et notre comportement pour nous aider à survivre et à
fonctionner dans la vie quotidienne ainsi qu’à nous défendre contre le dan-
ger et les menaces vitales. Ces tendances ont été appelées systèmes d’actions
(Nijenhuis, 2015 ; Van der Hart et al., 2006), systèmes motivationnels (Cortina
et Liotti, 2007, 2014 ; Lichtenberg et Kindler, 1994) ou systèmes émotionnels
opérants (Panksepp, 1998, 2012). Les systèmes d’actions comprennent chacun
leurs propres réseaux de neurones et sont organisés par des affects primaires et
des besoins physiologiques. Ils impliquent une « mémoire » évolutive pour ce
qui est positif (à approcher) et ce qui est négatif (à éviter). Nous avons proposé
que les systèmes d’action sont les principaux organisateurs des parties dissocia-
tives et, en tant que tels, il est essentiel de les reconnaître et de les comprendre
(Van der Hart et al., 2006). Certains d’entre eux incluent :
• L’exploration, afin que nous puissions être curieux et apprendre sur
nous-mêmes, les autres et notre monde.
• L’attachement, afin que nous puissions chercher des connexions qui
offrent un sentiment de sécurité.
• Le soin, en réponse à la recherche d’attachement par autrui.
• La sociabilité, afin que nous puissions fonctionner en groupe, ce qui inclut
0 la collaboration, afin que nous puissions nous comprendre, commu-
niquer et travailler en vue d’atteindre des objectifs communs.
• Le classement ou la compétition, afin de maintenir une place dans la hié-
rarchie sociale par la domination, la soumission et la concurrence pour
les ressources.
• Le jeu, qui soutient l’apprentissage, la compétence et la connexion avec
les autres.
• La gestion de l’énergie, la capacité à gérer le repos et l’apport alimentaire
adéquats et celle de conserver ou dépenser l’énergie selon les besoins.
• La sexualité, afin que nous puissions nous reproduire.

Il existe aussi des systèmes d’actions de défense qui organisent notre com-
portement lorsque nous sommes en danger ou menacés. Ceux-ci seront discu-
tés plus loin et tout au long de cet ouvrage.
Afin que les différents systèmes d’actions soient activés de manière appro-
priée, les humains ont besoin de certaines voies pour déterminer s’ils sont en
sécurité ou non. Ainsi, nous avons tous une capacité naturelle et innée à éva-
luer la sécurité, le danger et la menace à un niveau neuronal et préconscient
avant l’attention consciente. Porges a appelé cela la neuroception (1995, 2001,
2004, 2011). Malheureusement, les patients dissociatifs (ou des parties d’eux-

34 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


mêmes) sont souvent incapables d’évaluer avec précision s’ils sont en sécurité
ou en danger dans le moment présent. C’est-à-dire qu’ils sont engagés dans une
neuroception défectueuse. Ils détectent généralement de manière inexacte le
danger et la menace là où il n’y en a pas, mais parfois ils ne détectent pas non
plus la menace quand elle est effectivement présente. Ce manque de perception
très élémentaire et instinctive conduit à une non-réalisation psychologique sup-
plémentaire. Les patients ne peuvent pas se rendre compte qu’ils sont en sécurité
parce que leurs signaux corporels leur disent qu’ils sont toujours en danger. Ils ne
peuvent pas expérimenter l’attachement sécure qui soutient l’intégration, ce qui
contribue à maintenir leur non-réalisation. Inversement, les patients qui sont
incapables d’évaluer quand ils ne sont pas en sécurité sont si déconnectés de
leurs signaux corporels qu’ils ne peuvent pas détecter avec précision les indices
de danger. Ces patients sont souvent victimes à répétition.

4.2. Les fonctions intégratives


de l’attachement sécure
Les humains ont une organisation psychophysiologique innée, appelée le système
d’engagement social (Porges, 1995, 2004, 2011), qui nous aide à nous réguler afin
que nous puissions explorer notre monde et bien nous connecter aux autres.
Le système d’engagement social est fonctionnel à la naissance, il forme notre
fondement psychophysiologique pour l’exploration et l’attachement sécurisé, ce
qui contribue grandement à notre régulation. Via la branche myélinisée du nerf
vagal, nos voies neuronales sont organisées pour soutenir des comportements
qui facilitent l’exploration, la formation de liens affectifs et l’attachement. La
branche myélinisée du nerf vagal aide aussi à contrôler le rythme cardiaque et
donc notre niveau d’activation. Le système d’engagement social nous aide à
maintenir un état d’être calme qui promeut la croissance, l’intégration et un
sentiment de bien-être. C’est ce qui nous permet de nous connecter aux autres
afin que nous puissions éprouver la régulation relationnelle fondamentale qui est
nécessaire pour la santé mentale (p. ex., Siegel, 2010b, 2015).

Activation des systèmes d’action de la vie quotidienne. L’exploration, l’at-


tachement sécure et le système d’engagement social soutiennent l’activation
d’autres systèmes innés motivationnels ou d’actions nécessaires au fonctionne-
ment adapté à la vie (Cortina et Liotti, 2007, 2014 ; Lichtenberg et Kindler,
1994 ; Panksepp, 1998 ; Van der Hart et al., 2006). Il est clair que les patients qui
souffrent de traumatismes chroniques ont des difficultés avec de nombreuses fonc-
tions de ces systèmes innés parce que ceux-ci ne sont pas bien intégrés. Leurs sys-
tèmes d’actions quotidiennes sont constamment interrompus lorsque des défenses
contre la menace émergent. Par exemple, beaucoup de patients manquent de
curiosité à propos d’eux-mêmes ou du monde parce qu’ils ont peur ; la peur inhibe

La dissociation comme non-réalisation 35


l’exploration. Beaucoup sont incapables de maintenir le contact visuel, un signal
important de connexion aux autres. Ils sont donc incapables de lire les autres, ainsi
ils continuent à être bloqués dans la défense et ne se sentent pas en sécurité. Ils
ne peuvent pas utiliser la régulation relationnelle pour se calmer. Beaucoup sont
incapables de jouer ou de s’amuser parce qu’ils se sentent inhibés d’une certaine
façon, honteux ou craintifs. D’autres sont incapables de faire un deuil avec succès,
étant chroniquement coincés dans le désespoir et incapables de s’appuyer sur des
expériences relationnelles positives qui serviraient de soutien pour venir à bout
de leur chagrin. D’autres luttent contre l’hyper- ou l’hyposexualité, considérant le
sexe soit comme une menace, soit comme un substitut à l’intimité. Beaucoup de
patients traumatisés luttent pour maintenir des rythmes réguliers d’alimentation,
de sommeil et de repos. Certains ont un système de soin aux autres suractivé, ce
qui est communément appelé la codépendance.

L’inhibition de la défense contre le danger et la menace à la vie. Le système


d’engagement social non seulement active des comportements qui soutiennent le
fonctionnement adapté dans la vie quotidienne mais il inhibe également la défense
inutile. Par exemple, un enfant peut être effrayé par le tonnerre, mais le parent ras-
sure et soutient l’enfant en lui donnant peu à peu des explications sur le tonnerre,
il encourage l’enfant à faire de gros bruits avec sa propre voix qui imite le tonnerre,
et façonne ainsi l’enthousiasme et la curiosité. L’enfant voit que l’adulte n’a pas
peur, ce qui est apaisant et rassurant. L’engagement social désactive la défense de
l’enfant et, une fois qu’il est régulé et que ses besoins d’attachement sont satisfaits,
le système d’exploration est réactivé et l’enfant part explorer le monde.

4.3. La défense contre les dangers


et les menaces vitales
D’un point de vue évolutif, rester en contact avec les autres constitue notre
première ligne de défense contre le danger puisque le groupe social est notre
protection la plus puissante. Cependant, l’évaluation de la menace grave active
automatiquement la défense et inhibe tous les systèmes d’action de la vie quo-
tidienne. Alors que l’attachement est une première ligne de défense face aux
menaces légères, il se trouve désactivé lorsque la menace devient plus grave.
Par exemple, lorsqu’un jeune enfant éprouve de l’inconfort ou de la détresse, en
particulier la panique qui est évoquée quand celui qui prodigue les soins est hors
de vue, l’enfant crie. Le cri est un mode de défense naturelle, qui est alors dési-
gné comme cri de séparation, cri d’attachement ou d’appel à l’aide. Il implique
la panique plutôt que la peur, des pleurs et des comportements frénétiques de
recherche et de cramponnement (Nijenhuis, 2015 ; Ogden et al., 2006 ; Steele,
Van der Hart et Nijenhuis, 2001 ; Van der Hart et al., 2006 ; Van der Kolk,
1987). La recherche d’attachement est alors à son plus haut degré d’intensité.
Son but est de motiver la personne de soin à assurer la sécurité et la survie.

36 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Cependant, quand la menace est trop grande, l’enfant ne recherche plus une
figure d’attachement mais réagit avec des défenses acquises au cours de l’évolu-
tion. La fuite (flight) et le combat (fight) aboutissent à une sur-activation extrême
accompagnée d’une préparation à l’action : tension dans les épaules, les bras
et les mains (combat), dans les jambes et les pieds (fuite). Le figement (freeze)
implique également une excitation propice élevée dans laquelle les muscles sont
tendus et le rythme cardiaque élevé. En outre, la parole est inhibée et le mou-
vement empêché par l’immobilité tonique (rigidité ou haut tonus musculaire).
Lorsque la menace est suffisamment grave pour être considérée comme un dan-
ger de mort, l’enfant peut même s’effondrer dans une sorte de mort feinte ou
une sous-activation feinte (Porges, 2004, 2011). Alors que l’évanouissement est
la manifestation extrême de la désactivation dorso-vagale, un ralentissement
progressif, appelé flacidité (flag) (Schauer et Elbert, 2010) est plus fréquemment
observé dans les séances. Les patients en état de flacidité peuvent ne pas être
complètement insensibles, comme c’est le cas dans la mort feinte, et montrer des
signes qu’ils planent, qu’ils sont lents à penser et à parler, fatigués ou somnolents.
La flacidité et la mort feinte sont provoquées par le système parasympathique
(en particulier la branche dorsale non myélinisée du nerf vague) et se caracté-
risent par une immobilisation extrême dans laquelle les muscles perdent leur
tonus et deviennent flasques. Pour les nourrissons et les enfants en bas âge, les
ruptures sévères d’attachement telles que la négligence ou l’abandon peuvent
être évaluées comme menaces vitales, évoquant la défense chronique (Barach,
1991 ; Bowlby, 1969/1982, 1980 ; Liotti, 2009 ; Schore, 2003). Le tableau 1.1
résume ces différences. Il est important pour les thérapeutes d’être en mesure
de distinguer chaque défense basée sur ses aspects psychophysiologiques, car les
approches de traitement seront différentes pour chacun.
En plus d’être coincés dans les défenses animales, les patients peuvent éga-
lement être pris dans d’autres stratégies peu utiles basées sur des systèmes
d’action évolutifs. Par exemple, une partie d’Hélène peut être extrêmement
soumise et apaisée au travail, ce qui se communique par une habitude à baisser
la tête, à assumer une posture effondrée, et par une façon de parler douce et
souple. D’une part, son apaisement est une sorte de désactivation dorso-vagale
dans une tentative de survie, car elle se sent fortement menacée par les per-
sonnes en raison d’une neuroception défectueuse. D’autre part, elle a appris
comme enfant qu’elle était plus en mesure de maintenir la connexion en
étant soumise et apaisée comme il convient dans un système de rang social ou
de concurrence. Ainsi, son comportement est à la fois une défense contre la
menace et un moyen de maintenir l’attachement au sein d’un système de rang
social. Hélène a aussi une partie sexuelle qui sert de stratégie pour rester en
sécurité (je peux survivre si je suis sexuelle) et à obtenir ce dont elle a besoin
en termes de connexion (si j’ai des relations sexuelles, quelqu’un m’aimera).
Avoir une partie sexuelle permet également à Hélène d’éviter d’avoir affaire
avec sa propre sexualité, car celle-ci est menaçante pour elle.

La dissociation comme non-réalisation 37


38
%ÏGFOTF 5ZQF $POUSÙMFQIZTJPMPHJRVF /JWFBVEBDUJWBUJPO 4JHOBVYQIZTJRVFT

&OHBHFNFOU Connexion aux autres pour la Ventro-vagal ; parasympa- Régulation et sens de bien- Posture décontractée et
TPDJBM sécurité ; défense la plus évo- thique être ; FC et PA normaux ouverte avec les autres ; Visage
luée. souriant ou détendu ; Bon
contact visuel

1MFVS Pleurer pour mobiliser un Sympathique ; Panique plu- Un niveau élevé de détresse Des yeux implorants qui
EBUUBDIFNFOU autre plus fort, plus sage pour tôt que le système de peur et de panique ; Recherche cherchent les yeux de l’autre ;
DSJËMBJEF la survie du cerveau urgente et agrippement au Recherche accrue de proxi-
donneur de soins mité ; Tendance à se pencher
vers l’avant, à atteindre avec
les yeux, le visage et le corps

'VJUF Mobiliser la défense Sympathique Sur-activation ; augmentation Tension et/ou mouvement


de la FC et de la PA, tension accru, parfois nerveux, surtout
musculaire et mouvement ; dans les jambes ; Tendance à
peur se pencher, se détourner,
regarder la porte ou pour
trouver d’autres voies d’éva-

Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


cuation

$PNCBU Mobiliser la défense Sympathique Sur-activation ; augmentation Tension dans les bras, les
de la FC et PA, tension mus- mains et les épaules ; Mouve-
culaire et mouvement, colère ment préparatoire précipitant
une action de combat, telle
que élèvement des paumes
ou fermeture des mains ; Peut
afficher des mouvements de
poussée ou de serrement
avec les bras ou les mains
%ÏGFOTF 5ZQF $POUSÙMFQIZTJPMPHJRVF /JWFBVEBDUJWBUJPO 4JHOBVYQIZTJRVFT

'JHFNFOUGJHÏ Immobilisation de la défense, Sympathique élevé Extrême sur-activation ; Aug- Niveau élevé de tension glo-
EFQFVS immobilité tonique mentation de la FC et de la bale et de tonicité musculaire
PA ; Tonus musculaire rigide ; rigide associé à l’immobilité ;
Perte de la parole et de la Sentiment de paralysie ; Les
pensée cohérente ; crainte yeux peuvent faire le tour de
la pièce ou rester fixés

"GGBJCMJTTFNFOU Immobilisation de la défense Augmentation du vagal Sous-activation ; diminution Réactions motrices et réacti-
dorsal ; tonus parasympa- de la FC et de la PA ; vasodi- vité lentes ; L’orientation vers
thique latation ; arrêt cognitif, émo- l’environnement et la vigi-
tionnel, verbal, sensoriel et lance sensorielle sont inhibés ;
moteur Pas d’expression du visage et
regard fixe ; Tonus musculaire
flasque

²UBUEFNPSU Immobiliser la défense ; Vagal dorsal ; dominance du « Jouer le mort » ou mort Tonicité musculaire flasque ;
GFJOUF Immobilité flasque : défense parasympathique feinte ; Chute importante et Regard fixe sans expression ;
&GGPOESFNFOU la plus primitive rapide de la FC et de la PA ; Incapable de parler ou de
"SSÐU Perte de sensibilité et de bouger ; Ne peut pas s’orien-
conscience ter vers l’environnement ; Sou-
vent ne peut pas entendre,
humer ou goûter ; Peut pré-
senter des mouvements robo-
tiques dont il ne se rappelle
pas

La dissociation comme non-réalisation


TABLEAU 1.1

39
Défenses innées
CONCEPT CLÉ

Les défenses physiques naturelles sont activées lors d’événements potentiellement trau-
matisants et incluent les pleurs d’attachement, la fuite, le combat, le figement, l’affaiblis-
sement et l’évanouissement. Les patients dissociatifs ont des parties d’eux-mêmes coin-
cées dans ces défenses, incapables de réaliser qu’il n’y a plus aucun danger et incapables
d’évaluer la sécurité avec précision.

Hélène éprouve un dilemme central commun à tous les patients atteints


de troubles dissociatifs : le besoin de se défendre en raison d’une neurocep-
tion chronique défectueuse dans laquelle elle évalue la menace constante et le
besoin simultané d’être connecté aux autres et de se sentir en sécurité. Nous
reviendrons sur ce dilemme tout au long du livre, et en particulier dans le
chapitre 3, où nous discutons de la façon dont ce conflit affecte la relation
thérapeutique.

5. Les chemins vers la dissociation chronique


et la non-réalisation
Pourquoi Hélène devenue adulte, comme d’autres personnes sévèrement trau-
matisées, continue-t-elle à maintenir la non-réalisation et la dissociation si
longtemps après l’arrêt de l’événement traumatisant ? Pourquoi ne s’est-elle
pas intégrée une fois libérée de sa situation de violence ? Les réponses à ces
questions peuvent être trouvées dans une description de la façon dont la disso-
ciation se développe au départ.
Enfant, Hélène avait des expériences traumatiques qu’elle ne pouvait pas
intégrer, des « points de rupture » métaphoriques (Ross, 1941, p. 66). Les émo-
tions négatives (p. ex., la terreur, la honte et la rage, ainsi que les réactions
d’immobilisation), la douleur physique et les pensées négatives (p. ex., je suis
peu aimable) provoquent un point de rupture, une sorte de disjoncteur psycho-
logique et physiologique qui a été déclenché.

CONCEPT CLÉ

La dissociation de la personnalité est maintenue dans le temps par (a) les ruptures
chroniques, c’est-à-dire les expériences qui submergent la capacité d’intégration ;
(b) l’incapacité d’étendre la capacité d’intégration ; (c) la nécessité de se rapporter à
des donneurs de soins qui sont simultanément nécessaires et dangereux ou effrayants ;
(d) le manque de soutien social, de réparation de l’attachement et de compétences de
régulation émotionnelle ; et (e) l’évitement phobique conditionné des expériences
intérieures.

40 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Les points de rupture peuvent arriver à n’importe qui, enfants ou adultes.
Cependant, les enfants atteignent les points de rupture plus facilement en rai-
son de structures de régulation immatures dans leur cerveau et de capacités
d’intégration développementales limitées. Les conditions dans lesquelles les
points de rupture sont sévères ou durables peuvent donner lieu à de la dissocia-
tion, à une division de la personnalité. Les structures d’intégration ou de régu-
lation du jeune cerveau d’Hélène (p. ex., l’hippocampe et le cortex préfrontal)
n’étaient tout simplement pas assez mûres ni ne possédaient les compétences
cognitives ou émotionnelles pour intégrer son abus (Siegel, 2015). En outre,
elle manquait d’un soutien social adéquat pour l’intégration. Hélène a vécu
dans un état chronique de débordement en alternant sur- et sous-activation.
Dans un état de sur-activation, elle a éprouvé de l’anxiété élevée et de la vigi-
lance sensorielle extrême et a eu des mouvements tendus, rapides. Dans un
état de sous-activation, ses muscles étaient flasques, ses mouvements ralen-
tissaient et ses sens s’émoussaient. Ces états physiologiques sont des terrains
stériles à partir desquels la pensée, la réflexion et l’intégration ne peuvent se
développer et amener aux fruits de la réalisation. Enfant, Hélène n’avait pas
l’ampleur de l’expérience de vie disponible aux adultes pour donner un sens à
ce qui s’était passé, ni suffisamment de soutien relationnel pour lui donner de
l’apaisement, du réconfort et de la sécurité. Elle ne pouvait pas comprendre la
trahison majeure de ceux qu’elle aimait et sur qui elle comptait pour survivre
(Freyd, 1996, 2013).
Une accumulation de points de rupture a entraîné des sens de soi discor-
dants et incompatibles. Ces derniers étaient organisés autour de certaines
perceptions, émotions, pensées et actions physiques qu’Hélène ne pouvait
pas intégrer au fil du temps (cf. Nijenhuis, 2015). Par exemple, il y avait
Hélène, une enfant qui était intelligente et compétente à l’école et fonc-
tionnait dans la vie quotidienne, mais qui évitait de penser ou de recon-
naître l’abus. Plus tard, Hélène n’avait qu’un souvenir très fragmenté de son
enfance. Il y avait la partie enfant immobilisée qui a vécu l’abus et à laquelle
Hélène (en tant que partie qui a fonctionné dans la vie quotidienne) se
réfère en tant que « Ellen ». Cette partie d’Hélène est toujours coincée dans
la peur. Hélène dit à son thérapeute : « Ces choses méchantes sont arrivées
à Ellen, pas à moi. Je n’étais pas là. » Il y a la Surveillante, qui a « observé »
l’abus « à partir du plafond » et qui blâme « la petite fille stupide » (Ellen) et
ensuite critique Hélène en tant qu’adulte pour ne jamais être assez bien. La
Surveillante est critique, honteuse et continuellement en colère ; toujours
observatrice, mais jamais secourable.
Qu’en fut-il après qu’Hélène eut quitté la maison et fut en sécurité ? Ne
pouvait-elle pas intégrer son expérience alors ? Pour de nombreux patients, il
reste le conflit insoluble entre la réalisation de ce qui s’est passé et le besoin
de maintenir le contact avec leurs familles, y compris les auteurs. Le dilemme
est d’accepter ce qui s’est passé et perdre votre famille, ou de maintenir la

La dissociation comme non-réalisation 41


dissociation et garder votre famille. Ainsi, Hélène comme la plupart des
patients traumatisés, est devenue celle qui cherche à éviter, en particulier ses
propres pensées, sentiments, sensations et souvenirs liés à son passé abusif.

CONCEPT CLÉ

Les survivants d’un traumatisme sont bloqués dans un paradoxe de la douleur (Briere et
Scott, 2012).

La douleur et l’inconfort sont des signaux. C’est-à-dire qu’ils jouent un


rôle important en nous alertant que quelque chose ne va pas. Idéalement, on
apprend à confronter et à faire face à tout ce qui pourrait causer une certaine
douleur ou un inconfort afin d’éviter une plus grande douleur. Par exemple,
des études laborieuses sont préférables à l’échec, traiter un passé douloureux est
préférable à être aspiré dans un tourbillon d’évitement continu qui contraint
ou détruit la qualité de vie actuelle. Malheureusement, les patients n’ap-
prennent pas souvent cette leçon qui consiste à tolérer un degré d’inconfort
et de douleur afin d’atteindre un but plus important. Ils sont coincés dans un
paradoxe douloureux (Briere et Scott, 2012). Le paradoxe est le suivant : plus
ils évitent la douleur du passé, plus la souffrance du passé se prolonge dans le
présent. Plus la souffrance est durable, plus les patients évitent la douleur et se
replient dans la non-réalisation. La solution est d’accepter avec compassion,
c’est-à-dire de réaliser la douleur, qu’elle soit physique ou émotionnelle, ce qui
peut finalement conduire à une réduction de la souffrance. Il s’agit d’un des
principes fondamentaux de la thérapie de l’acceptation et de l’engagement
(ACT ; Hayes, Strosahl et Wilson, 2011) et de la thérapie comportementale
dialectique (DBT ; Linehan, 1993, 2014) et d’un concept particulièrement
important pour les patients chroniquement traumatisés.

5.1. Les phobies d’origine traumatique


qui maintiennent la dissociation
La partie adulte d’Hélène a développé une phobie de l’expérience intérieure,
un problème fondamental qu’il fallait affronter et résoudre en thérapie (Boon
et al., 2011 ; Nijenhuis, Van der Hart et Steele, 2002 ; Steele et al., 2005 ;
Van der Hart et al., 2006). Au fil du temps, même le soupçon d’émotion
ou de mémoire traumatique, toute sensation de peur ou de colère, propulse
Hélène dans une vague de dissociation et d’autres stratégies d’évitement.
Les autres parties dissociatives d’Hélène s’évitent l’une l’autre, par peur, par
honte ou par colère l’une envers l’autre. De cette façon, la dissociation de la
personnalité d’Hélène et de son sens de soi se perpétue et ne se résout pas au
fil du temps.

42 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


CONCEPT CLÉ

Les patients souffrant de troubles dissociatifs complexes ont développé une série de pho-
bies intimement liées aux traumatismes, qui soutiennent l’évitement et la non-réalisa-
tion : la phobie de l’expérience intérieure (pensées, émotions, sensations, prédictions,
souhaits, besoins) ; la phobie des parties dissociatives de soi ; la phobie de la perte d’atta-
chement et de l’attachement ; la phobie de la mémoire traumatique ; et la phobie du
changement adaptatif.

En fait, la phobie de l’expérience intérieure fait partie d’un ensemble beau-


coup plus large de phobies d’origine traumatique, qui incluent également la
phobie des parties dissociatives ; la phobie de la mémoire traumatique (Janet, 1904,
1925b) ; la phobie de l’attachement et de la perte de l’attachement ; et la phobie
de la prise de risque et du changement adaptatif (Steele et al., 2005 ; Nijenhuis
et al., 2002 ; Van der Hart et al., 2006). Chaque partie dissociative est relati-
vement isolée des autres parties par ces phobies qui sont maintenues par des
conflits douloureux et des souvenirs qui ne peuvent pas encore être réalisés,
et par des stratégies d’évitement. Par exemple, une partie en colère pourrait
avoir des bras tendus, une expression faciale hostile et se sentir dégoûtée par
une partie dans le besoin et, dès lors, punir le patient quand des besoins sont
exprimés. Cette dernière partie qui a une posture affaissée et une tendance à
toujours s’accrocher à quelqu’un, se sent accablée, critiquée, et craint la partie
en colère. La raison sous-jacente d’éviter la partie dans le besoin trouve ses
racines dans le besoin humain fondamental d’Hélène de recevoir de l’atten-
tion, et qui était inacceptable et même dangereux quand elle était enfant. La
partie en colère tente d’assurer la survie en reniant ces besoins. Plus les parties
s’évitent les unes les autres, plus l’amnésie est probable et se poursuit, ce qui
perpétue encore la dissociation.
Les phobies d’origines traumatiques se développent parce que nous évi-
tons tout naturellement la douleur quand nous le pouvons. C’est une tendance
innée qui a une fonction de survie et joue un rôle important en rendant la
vie plus sûre et moins douloureuse à long terme. Ce comportement d’évite-
ment inné d’une douleur importante nous aide à apprendre à garder nos mains
loin du feu ou à comprendre que les individus cruels ou volatils ne font pas
de grands amis ou partenaires. Ainsi, il n’est pas surprenant que les individus
traumatisés évitent de réaliser ou de se connecter avec le passé douloureux
afin d’essayer de continuer à vivre au quotidien et de rendre la survie possible.
C’est normal pour un temps. L’évitement à court terme, qui vise à se rassurer
et rassembler les ressources pour faire face aux expériences traumatisantes, est
sain et souvent nécessaire. Toutefois, l’évitement chronique et la non-réali-
sation deviennent des actions de substitution qui remplacent la réalisation et
entraînent de sérieuses difficultés.

La dissociation comme non-réalisation 43


5.2. Attachement désorganisé / désorienté
dans les troubles dissociatifs
La dissociation liée à l’abus et à la négligence dans l’enfance peut peut-être être
mieux comprise en considérant son développement dans le contexte de relations
dangereuses (Barach, 1991). Les patients dissociatifs ont invariablement un type
particulier de modèle d’attachement insécurisé appelé désorganisé/désorienté
ou Attachement de type D (Blizzard, 2003 ; Chu, 2011 ; Howell, 2011 ; Liotti,
1992, 1999, 2009 ; Lyons-Ruth, 2007 ; Steele et al., 2001 ; Van der Hart et al.,
2006). L’Attachement de type D implique un conflit insoluble entre le besoin
simultané de défense et d’attachement avec la même personne significative
(Main et Hesse, 1990). Il est fortement corrélé avec la dissociation chronique et
les troubles dissociatifs (Lyons-Ruth, Dutra, Schuder et Bianchi, 2006 ; Ogawa,
Sroufe, Weinfield, Carlson et Egeland, 1997). L’attachement désorganisé
implique un échec dans la régulation adaptative et dans la réparation interactive
menant à un dysfonctionnement physiologique, comportemental et émotionnel
et à des problèmes avec les représentations mentales précises de soi et des autres
(Schore, 2003a, 2010b, 2015 ; Solomon et George, 2011).
Enfant, Hélène était prise dans un dilemme entre avoir besoin de son père et
de sa mère abusifs tout en ayant besoin de se défendre contre le danger. La disso-
ciation survient donc entre l’engagement dans la vie quotidienne, qui comprend
les stratégies d’attachement et les défenses animales rigides et innées contre la
menace (pleurs d’attachement, figement, fuite, combat, affaiblissement et éva-
nouissement). Comme l’a noté Liotti, la menace chronique d’une personne qui
s’occupe de l’enfant et dont l’enfant a besoin, « dépasse la capacité limitée de
l’esprit de l’enfant à organiser des expériences conscientes cohérentes ou des
structures de mémoire unitaires » (2009, p. 55). Hélène développa ainsi des
stratégies de recherche d’attachement et de défense qui se contredisaient. Elle
devait aller vers ses parents pour ses besoins essentiels tout en évitant le fait qu’ils
pouvaient être dangereux. Elle devait se défendre contre le danger et la menace
mortelle tout en ayant le désir naturel de se connecter à eux et de rencontrer ses
besoins essentiels. Une fois qu’un enfant devient dissociatif, une partie (ou plus)
de l’enfant évite la connexion pour se défendre contre la menace tandis que
d’autres cherchent frénétiquement la connexion et que d’autres encore conti-
nuent simplement à vivre dans le quotidien, comme s’il n’y avait pas de danger.
Chaque partie a donc sa propre physiologie lorsqu’elle est activée. Chaque partie
a ses propres représentations mentales, émotions, pensées, prédictions, mouve-
ments et postures corporelles sur lesquels la défense est activée.

5.3. La dissociation, la défense et la non-réalisation


L’évitement de la douleur se complique dans le traumatisme par la culpabilité et
la honte chroniques et par l’habituation des défenses innées contre la menace :

44 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


fuite, combat, figement, affaiblissement (ralentissement) et évanouissement
(effondrement). Comme noté ci-dessus, diverses parties dissociatives peuvent
être fixées dans ces défenses.
Le manque de réalisation est implicite lorsque ces défenses sont entretenues
chez les survivants de traumatismes. Ceci entraîne une cascade de défaillances
d’intégration qui perpétuent les réactions traumatiques au fil du temps. Lorsque
les humains sont craintifs, une ou plusieurs de ces défenses sont activées et nous
sommes prêts à chercher des signaux de danger, même quand ils ne sont pas là.
La capacité à réaliser que nous sommes en sécurité est inhibée à un niveau pri-
mitif, instinctif, et la logique rationnelle ne calme pas la peur. Par exemple, l’en-
fant qui a peur des monstres dans le placard n’est pas du tout aidé avec des mots
comme « Ne t’inquiète pas, Il n’y a pas de monstres là-dedans ». Le corps de
l’enfant à la fois reflète et contribue à la peur par la tension qui pourrait indiquer
une volonté de courir, de combattre ou de se figer dans la peur, peut-être en se
contractant, en se recroquevillant, ou en écarquillant les yeux et en manifestant
des comportements de recherche frénétique tels que le cramponnement. Au lieu
de cela, l’enfant doit avoir un sentiment de sécurité pour soutenir la réalisation,
que ce soit à travers la présence littérale de soins du parent, ou par certains rituels
du coucher qui enveloppent l’enfant dans un sens de sécurité et de bien-être.
L’enfant peut alors utiliser l’attachement sécure (réel ou représenté) comme
régulateur physiologique qui atténue l’excitation de la peur, apaise la neurocep-
tion du danger et désactive les défenses innées. Peu à peu, l’enfant apprend à dis-
tinguer les craintes générées intérieurement de la réalité extérieure et développe
la capacité de se calmer et de s’apaiser seul lorsque c’est nécessaire.
Lorsque la peur ou la honte sont activées de façon chronique dans une par-
tie dissociative, ces émotions sont relativement inaccessibles au changement
sans aide extérieure. Cela, en partie parce que des patterns, non seulement
émotionnels mais aussi physiques et nerveux, se sont développés et soutiennent
ces conditions dérégulées. Des schémas somatiques chroniques peuvent s’en-
suivre : la tension habituelle et l’activation élevée qui peuvent refléter la peur
ou les yeux baissés, la tête rentrée, la posture affaissée et la faible activation
qui reflètent typiquement la honte. Ainsi, les défenses contre la menace conti-
nuent d’être générées intérieurement, sans relâche. Bien que l’adulte puisse
se rendre compte qu’il est en sécurité d’un point de vue adulte, cette prise de
conscience cognitive a peu d’impact sur les parties dissociatives fixées dans la
peur. Ces parties doivent être accessibles au patient, aidé à découvrir les sché-
mas somatiques et émotionnels qui contribuent à ces défenses. Elles doivent
également être autorisées à éprouver un sentiment de sécurité afin de réali-
ser des changements adaptatifs. Nous reviendrons à plusieurs reprises sur ces
défenses et sur la façon de travailler avec elles tout au long du livre. Mais pour
l’instant, nous continuons avec le thème de la non-réalisation, cette fois en
examinant les difficultés propres du thérapeute. En effet, aucun d’entre nous
n’est à l’abri des luttes incessantes qu’implique la réalisation.

La dissociation comme non-réalisation 45


6. La non-réalisation chez le thérapeute
Parfois, ce sont les thérapeutes qui se retrouvent avec des non-réalisations
majeures et qui souffrent des caprices d’éprouver trop et trop peu. Nous sommes
confrontés à la tâche d’avoir besoin de réaliser certaines vérités sur nous-
mêmes ainsi que sur nos patients afin de faire progresser la thérapie. La réali-
sation constitue le chemin vers l’appropriation et la résolution de nos propres
réactions et émotions en réponse au patient, c’est-à-dire le contre-transfert.

CONCEPT CLÉ

Les principales non-réalisations du thérapeute peuvent contribuer à des impasses théra-


peutiques. La capacité des thérapeutes à réaliser avec précision leur expérience et celle
du patient est essentielle pour maintenir la thérapie sur la bonne voie.

&YFNQMFTEFDBTEFOPOSÏBMJTBUJPODIF[MFUIÏSBQFVUF
+BDRVFTFU)FOSJFUUF

Jacques était un thérapeute très sceptique devant les troubles dissociatifs, ce qui l’empêchait
de réaliser qu’il traitait une patiente dissociative. Quand sa patiente lui disait qu’elle avait
en elle deux « personnes » différentes (c’est-à-dire des parties dissociatives) qui lui faisaient
du mal, Jacques y voyait une réticence de sa patiente à assumer la responsabilité de son
automutilation. Il considérait son automutilation comme quelque chose dont elle avait
pris connaissance et qu’elle essayait d’imiter pour attirer l’attention. Il avait même envisagé
que la patiente était psychotique bien qu’elle ne présentât pas d’autres symptômes de
psychose. Jacques ne croyait pas que la patiente avait été traumatisée mais il supposait
qu’elle inventait des histoires d’abus, encore une fois pour recevoir de l’attention, peut-être
sur base des livres qu’elle avait lus. Cette croyance n’était pas le résultat d’observations ou
d’une anamnèse attentive de la patiente, ni d’une écoute empathique des souffrances qui
pouvaient se rapporter à son histoire, mais se basait plutôt sur le peu qu’il avait appris sur
la question des abus, lors de sa formation, de nombreuses années auparavant.
Lorsque la patiente ne faisait pas de progrès, évoquait ses automutilations plus
fréquentes et devenait suicidaire, Jacques l’informait qu’elle avait un trouble de la
personnalité et qu’elle n’était pas prête pour le traitement. Les croyances fixes de Jacques
sur la dissociation et le traumatisme, son manque de formation dans les phénomènes
dissociatifs et son incapacité à compatir avec le vécu de sa patiente ont mis un terme
à sa curiosité. Jacques était incapable de se rendre compte de son contre-transfert. Il
était incapable de réaliser qu’il se maintenait à distance et était dédaigneux et qu’en
se focalisant sur l’accusation de la patiente il activait en elle la panique et la honte et
augmentait ses symptômes.
Il critiquait la patiente pour son manque de progrès sans assumer la responsabilité de
ses propres actions nuisibles ni de son incapacité à se connecter et à comprendre
l’expérience subjective de sa patiente. Il avait trop peu d’empathie et de curiosité et
trop de rigidité dans ses croyances.

46 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Henriette avait en tant que thérapeute reçu son patient dissociatif au cours de séances
prolongées trois ou quatre fois par semaine afin de travailler sur des souvenirs
traumatiques. Elle lui adressait des appels téléphoniques pour la réconforter et la
soutenir chaque fois que son cliente en ressentait le besoin, ce qui était fréquent.
Henriette traitait les parties dissociatives de son patient comme des personnes séparées.
Elle croyait que le contact soutenu d’une personne bienveillante attentive aux parties
enfant de son patient était nécessaire pour réparer l’attachement précaire du patient
et faire face à ses horribles souvenirs traumatiques, malgré de nombreuses preuves de
l’effet contraire, comme mentionné dans la littérature clinique (p. ex., Chu, 2011 ; Courtois
et Ford, 2013 ; La Société internationale pour l’étude du Trauma et de la Dissociation
[ISSTD], 2011 ; Kluft et Fine, 1993 ; Steele et al., 2001).
Henriette était incapable de se rendre compte que son travail excessif sur les souvenirs
déstabilisait sa patiente. Sa prise en charge des parties enfant sans encourager la partie
adulte du patient à aider ces parties enfant avait créé chez son patient une dépendance
vis-à-vis d’elle dont il éprouvait à la fois la honte et l’urgence. Il en résulta un cycle sans
fin de besoin, de honte et de rage chez le patient. Henriette sentait que personne ne
comprenait le malade autant qu’elle et qu’elle était la seule à pouvoir l’aider. Elle était
incapable de réaliser que cette croyance dans ce quelque chose de « spécifique » entre
elle avait et son patient était une forte réaction contre-transférentielle appuyée non
pas sur la réalité, mais plutôt sur des fantasmes de sauvetage et de toute-puissance.
C’était aussi enraciné dans sa crainte que le patient ne survive pas sans elle. Ces
croyances, conjuguées au désespoir du patient, créaient un cycle dans lequel sauver
et prendre en charge provoquaient la dépendance incontrôlée du patient, ce qui
augmentait sa détresse, perpétuait et même augmentait les besoins d’Henriette de le
sauver et le soigner. Henriette était trop impliquée dans la souffrance du patient et
dans sa propre urgence à le sauver pour pouvoir aider. Elle avait trop peu de limites
pour contenir la souffrance du patient ou son besoin désespéré de le sauver.

Jacques et Henriette représentent des extrêmes malheureux le long d’un


continuum de contre-transfert qui sont tous trop communs chez les théra-
peutes de patients hautement traumatisés. En partie parce que l’enseignement
clinique ne fournit généralement pas de formation complète au sujet du trai-
tement des troubles dissociatifs. Ces extrêmes contre-transférentiels repré-
sentent les pôles de trop peu et trop d’action et d’émotion qui impliquent des
non-réalisations significatives. Ils ne permettent pas au thérapeute de s’ouvrir
pleinement à la totalité de l’expérience du patient ou d’assister à bon escient à
la complexité des parties dissociatives. Aucun de ces thérapeutes n’a été atten-
tif au processus relationnel. Au contraire, ils se sont concentrés sur le contenu.
Quelque part au milieu de ce continuum, la plupart des thérapeutes s’ef-
forcent de maintenir un équilibre thérapeutique très nuancé mais cohérent
entre éprouver et en faire trop ou pas assez. Ils font de leur mieux pour recon-
naître le contre-transfert avant qu’ils ne fassent (beaucoup) de mal, en corri-
geant leur propre cap intérieur afin que les patients puissent corriger le leur
dans une danse interpersonnelle qui est imparfaite mais suffisamment bonne.

La dissociation comme non-réalisation 47


Tout au long de ce livre, nous reviendrons sur les difficultés les plus impor-
tantes du travail du thérapeute avec la réalisation, comment les reconnaître et
les corriger afin de garder la thérapie sur la bonne voie.

7. La voie de la réalisation
Nous avons discuté des nombreuses formes de non-réalisation. D’un autre
côté, la compréhension de la nature de la réalisation est également impor-
tante. La réalisation est le partenaire tacite du concept populaire d’accepta-
tion radicale (Brach, 2003 ; Linehan, 1993), l’acceptation sans jugement de
la réalité telle qu’elle est. Une acceptation radicale est nécessaire pour arriver
à la prochaine étape : l’engagement dans l’adaptation basée sur notre volonté
et notre capacité à assumer la responsabilité d’agir sur la réalité telle qu’elle se
présente maintenant et non pas comme nous aimerions qu’elle soit ou comme
elle était par le passé. Cela implique la capacité d’accepter et de donner du sens
à notre propre expérience – passée et présente – de savoir et d’assumer ce qui
nous arrive à nous, et à l’intérieur de nous. Cela signifie que nous savons pro-
fondément, cognitivement, émotionnellement et somatiquement, que le passé
est fini, mais qu’il nous influence aussi et reste une partie de notre expérience.
Nous savons que l’avenir n’est pas encore là, même si nous pouvons le prédire
dans une certaine mesure. Nous savons que nous sommes fermement enracinés
dans le présent, où nous avons la possibilité et la responsabilité de faire des
choix adaptatifs sur nos actions.
La réalisation signifie que nous nous engageons dans des combinaisons
d’actions complexes et flexibles, qui impliquent d’évaluer la sécurité, le danger
et la menace de vie ; et qui impliquent aussi la pensée, le sentiment, la détec-
tion, la perception, la prédiction, être et faire. Nous prenons la responsabilité
de nos propres contributions à notre souffrance ou satisfaction ainsi qu’à celles
des autres. Nous pouvons réfléchir à nos actions et en être responsables. Nous
donnons sens à notre expérience et ce sens peut changer avec le temps au fur
et à mesure que nous réfléchissons et continuons à faire plus de rencontres avec
la vie. En d’autres termes, nous apprenons à partir de nouvelles expériences
plutôt qu’en étant fixés dans de vieux modèles de comportement. Bien sûr,
cela semble facile en théorie. La vérité montre que la réalisation peut être un
voyage extrêmement difficile et relevant du défi, en particulier pour les survi-
vants de traumatismes qui sont tellement coincés dans le passé et terrifiés ou
honteux d’y faire face.
Deux formes de réalisation se présentent sur le chemin de l’intégration :
la personnification et la présentification. L’acquisition personnelle de notre
expérience est appelée personnification (Janet, 1929 ; Van der Hart et al., 2006 ;
Van der Hart, Steele, Boon et Brown, 1993). Les patients doivent finalement
accepter ou réaliser que tout ce qui est arrivé dans leur vie leur est arrivé, pour

48 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


le meilleur ou pour le pire. Cette inscription d’expérience comme étant la
sienne propre est un pas essentiel vers l’intégration : « Cela m’est arrivé ! Cette
partie est moi ! Mon oncle m’a fait mal ! » La personnification est l’accepta-
tion de sa propre réalité.
Cependant, l’intégration exige plus qu’une simple expérience d’acquisi-
tion. Beaucoup de patients peuvent dire : « Je sais que cela m’est arrivé, mais
je ne sens rien à ce sujet. » La réalisation doit également inclure l’être dans le
présent avec un sens relativement intégré de notre passé et de notre futur. Il
s’agit de quelque chose de beaucoup plus complexe que la pleine conscience du
moment présent (Janet, 1928). C’est ce qu’on appelle la présentification (Janet,
1928 ; Van der Hart et al., 2006), la capacité à simultanément être et agir dans
le moment, influencé mais non contrôlé par le passé (ou futur anticipé). Dans
la présentification, on relie le passé et l’avenir à l’ici et maintenant en fournis-
sant le contexte et la signification pour le présent. La présentification aide les
gens à s’organiser (se réorganiser) tels qu’ils sont dans le monde en saisissant la
réalité du présent et en agissant de manière adaptative. Par exemple, une fois
que les patients réalisent qu’un certain souvenir leur appartient (« Cela m’est
arrivé »), ils sont plus en mesure de comprendre leur comportement (« Donc
c’est la raison pour laquelle je déteste tellement le sexe ») et d’ensuite changer
leur comportement (« Je peux profiter du sexe dans le présent où je suis un(e)
adulte avec un partenaire sûr et aimant »).
La réalisation n’est pas seulement l’acceptation de ce qui est. D’une façon
tout aussi importante, la réalisation concerne la capacité d’accomplir ce pour
quoi nous avons espéré et travaillé. Par exemple, « Après de nombreuses
années de travail acharné, je suis enfin capable de réaliser mon rêve d’obte-
nir un diplôme d’études supérieures » ; ou « Je me suis rendu compte que mes
parents n’avaient pas la capacité de m’élever sainement mais que, quoi qu’il en
soit, je peux être bien dans le monde ».

7.1. La nature imparfaite de la réalisation dans la vie


quotidienne
La réalisation complète est difficile à trouver, sinon impossible. L’intégration
et la réalisation étant continues et imparfaites, nous nous trouvons tous conti-
nuellement à travailler pour atteindre l’acceptation de la réalité de façon plus
ou moins importante. « Je ne peux pas réaliser qu’on a atteint la date limite ;
Je ne peux pas réaliser que mon amie est décédée et que je ne vais pas la revoir,
je continue à saisir mon téléphone pour l’appeler ; Je ne pense pas avoir encore
pleinement réalisé ce que cela signifie d’être célibataire après mon divorce. »
Ces luttes quotidiennes et normales de la réalisation sont des jalons sur le
chemin de notre voyage quotidien sur la voie imparfaite de l’intégration conti-
nue. On mesure alors toute la difficulté à réaliser des expériences extrêmement

La dissociation comme non-réalisation 49


traumatisantes de douleur et de trahison écrasantes qui ont été évitées pendant
des décennies car tellement accablantes.
Le degré de réalisation qui peut être atteint dépend de la capacité d’intégra-
tion de l’individu. Certains en sont plus capables et d’autres moins en raison
de facteurs innés, développementaux et environnementaux. Certains patients
très traumatisés viennent en thérapie avec une capacité limitée à accepter
ce qui s’est passé et à pouvoir passer à autre chose. Cela se reflète dans leur
niveau de perspicacité, de motivation, de défenses et de résistances. Ainsi, la
thérapie doit toujours tenir compte du degré auquel un patient particulier est
susceptible de construire une capacité intégrative pour résoudre les souvenirs
traumatiques et vivre de façon plus adaptée dans la vie. C’est un point impor-
tant dans l’évaluation de la séquence et du rythme du traitement ainsi que dans
la détermination du pronostic (voir chapitres 6 et 7).

7.2. Réaliser le présent à travers la lentille


du passé et de l’avenir
En dépit d’une focalisation sur le présent, notre « ici et maintenant » ne peut
jamais être complètement séparé du reste de notre expérience passée et future.
Le présent est plutôt une riche tapisserie tissée de fils tirés de nos réalisations
passées et marquée par la façon dont nous nous sommes adaptés pour le meil-
leur et pour le pire, jusqu’à aujourd’hui. Nous voyons toujours le présent par
le prisme de notre passé et de l’avenir que nous anticipons, même si ce n’est
qu’implicitement. Il est à espérer que nous ayons la plupart du temps une vision
relativement équilibrée de nos vies et que nous soyons capables de voir le pré-
sent suffisamment clairement afin qu’il ne soit pas complètement obscurci par
le passé ou l’avenir tel que nous l’avions prévu. La relative précision de cette
vision ou sa grande déformation dépend de ce que nous avons déjà réussi à réa-
liser. Nous ne pouvons être vraiment présents que dans la mesure où nous nous
permettons d’accepter et de réaliser notre passé, de l’incorporer dans le présent
au lieu d’essayer de le balayer sous le tapis. C’est un effort continu tout au long
de notre vie, pas une série d’événements discontinus, uniques.
Chacun de nous est finalement touché par la tragédie, la perte, la déception,
la trahison ou d’autres types de douleur. Ce sont des ingrédients inévitables de
la vie, tout comme la joie, le réconfort, le contentement ou le succès. Ainsi,
la réalisation consiste à accepter tout ce qui se présente sur notre chemin : le
bon et le mauvais comme nous les percevons. N’étant pas de l’ordre du facile
et de l’agréable, la réalisation doit inclure l’acceptation du côté sombre de la
vie, la douleur et la lutte, le manque de contrôle et l’incertitude, l’injustice et
la vulnérabilité, la défaite et le désespoir que nous rencontrons de temps en
temps. Par notre acceptation, nous créons du sens, ce qui nous soutient et nous
aide à aller de l’avant. Nous ne sommes pas coincés dans des fantasmes amers à

50 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


propos de la façon dont notre vie aurait dû être différente, ni dans des récrimi-
nations à propos de ce que nous avons fait ou non pour « causer » autant d’en-
nuis, en ressassant des « si seulement » ou des « j’aurais dû » pleins de regrets.
Parfois, ni le thérapeute ni le patient ne se rendent compte à quel point
il sera difficile de faire des progrès dans le cours de la thérapie. Cela exige un
travail acharné et une énergie mentale importante et régulée. Il s’agit d’aligner
et de maintenir les actions mentales et comportementales qui exigent une capa-
cité d’intégration constante. Souvent, les patients estiment qu’ils font un pas
en avant et deux pas en arrière dans leur capacité de réalisation. Parfois, la réa-
lisation est impossible ou prématurée et les patients entrent en crise lorsqu’ils
essaient d’accepter ce qui est (encore) trop accablant pour eux, tel le patient
débordé par des flash-back de plus en plus perturbants. En fait, les impasses dans
la réalisation sont une cause commune de crise en thérapie et les thérapeutes
doivent aider leurs patients à ralentir et à intégrer ce qu’ils sont capables d’assi-
miler sur le moment. Cela nécessite une étroite collaboration entre le thérapeute
et le patient pour déterminer le niveau de capacité d’intégration du moment.
Par exemple, Hélène n’est pas encore prête ni capable d’effectuer plusieurs
réalisations majeures qui sont la clé de son rétablissement : « Mon père a abusé
de moi ; Je suis un être humain décent et capable, pas un produit brisé par la
maltraitance ; Mes parents ont eu tort dans leur maltraitance vis-à-vis de moi et
cela ne signifie pas que je sois mauvaise. » Ces réalisations et beaucoup d’autres
seront durement gagnées et lui demanderont des centaines, sinon des milliers
de nouvelles et difficiles actions mentales et comportementales qui devront
être pratiquées au fil du temps. Hélène doit apprendre à tolérer et à accepter
les émotions et les sensations qui les accompagnent au lieu de les éviter : « Je
me sens triste ; Ma poitrine est serrée. C’est OK que je me sente triste. Cela a
du sens. » Elle doit comprendre les pensées et les désirs au lieu d’agir impulsi-
vement à leur suite : « Je veux me faire mal. Laissez-moi prendre un moment et
réfléchir sur ce qui me bouleverse. » Elle doit être consciente dans le moment
présent au lieu d’être prisonnière du passé ou inquiète de l’avenir : « Je me
concentre sur le travail en ce moment. Je ne risque pas de perdre mon emploi,
donc cela ne m’aide pas de penser à en chercher un autre. » Elle doit apprendre
à réfléchir sur son expérience. « Je me demande pourquoi ces voix à l’intérieur
semblent si bouleversées. » Helen doit changer ses croyances fondamentales
dysfonctionnelles : « Je ne suis pas une mauvaise personne ; Je suis une per-
sonne faillible et bien intentionnée qui essaie de faire de son mieux la plupart
du temps. » Elle doit aussi apprendre qu’elle est capable de colère : « Parfois,
je ressens de la haine et de la rage. C’est une partie normale de l’être humain.
Je suis curieuse de savoir pourquoi je ressens parfois cela. » Elle doit apprendre
à accepter et à interpréter avec précision les signaux corporels. « J’ai envie de
fuir. C’est une impulsion du passé. » Elle doit transformer les flash-back frag-
mentés en un récit de vie : « Ces images, sensations et sentiments intrusifs sont
des expériences d’abus que j’ai subis dans mon enfance. » Elle doit accepter

La dissociation comme non-réalisation 51


les parties dissociées comme étant les siennes : « Cette petite fille, c’est moi !
Cette partie hostile et en colère garde mes sentiments de rage ! »
La capacité d’Hélène à tolérer les émotions doit la conduire à des actions
« incorporées » et à des choix différents dans la vie, à prendre des risques pour
développer de nouvelles relations et essayer de nouvelles actions qu’elle avait
auparavant évitées par peur. Un nouveau sentiment de compétence et de
confiance doit se traduire par des actions comportementales concrètes, comme
retourner à l’école ou chercher un meilleur emploi ou une meilleure promo-
tion, profiter des petits plaisirs de la journée, sortir de la maison plus souvent
et trouver des activités et des relations significatives. Cette capacité changera
aussi son corps. Sa posture ira en se redressant, ses épaules s’ouvriront, elle
lèvera la tête. Elle aura un meilleur contact visuel. Ces changements phy-
siologiques renforceront à leur tour un sens continu de la compétence et du
bien-être. En général, la thérapie avec des patients chroniquement traumatisés
et en particulier avec des patients dissociatifs demande un effort persistant et
progressif pour les aider à passer de la non-réalisation à la réalisation. Le théra-
peute doit être en mesure de reconnaître les affirmations et autres indications
qui montrent que le patient est coincé dans une non-réalisation ou plutôt en
mouvement vers la réalisation. À cette fin, nous présentons dans le tableau 1.2
plusieurs indicateurs de croissance de la réalisation au cours de la thérapie.

3FDPOOBÔUSFMFTTFOTBUJPOTFUMFTJNQVMTJPOTËBHJS
• Je réalise que ma poitrine est serrée et je veux pleurer.
• J’ai réalisé qu’il y avait de la tension dans mes jambes et que je voulais courir.
-JFOTFOUSFMFQBTTÏFUMFQSÏTFOU
• Je me rends compte que ma dépression et mon anxiété ont beaucoup à voir avec ce
qui s’est passé quand j’étais enfant.

%ÏWFMPQQFSEFMFNQBUIJFQPVSMFTQBSUJFTEJTTPDJBUJWFT
• Je suis désolé pour cette petite fille.
• Je peux comprendre pourquoi cette partie peut être si en colère tout le temps.
%ÏWFMPQQFS VOF jQSPYJNJUÏx JOUÏSJFVSF BWFD EFT QBSUJFT EJTTPDJBUJWFT  DF RVJ
JNQMJRVFVOFJOUÏHSBUJPOQSPHSFTTJWF
• Je suis disposé à écouter cette voix et à essayer de créer un dialogue, même si c’est
effrayant.
• Je peux imaginer tenir et réconforter cette petite fille ; Je suis adulte et je peux m’oc-
cuper d’elle.
• Je voudrais fournir une maison sûre et agréable pour toutes les parties de moi.
3FDPOOBÔUSFDFRVJTFTUQBTTÏ
• Je comprends maintenant ce qui est arrivé à cette petite fille. Pas étonnant qu’elle ait
eu si peur.

52 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


4JUVFSVOÏWÏOFNFOUEBOTMFQBTTÏ
• C’est vraiment fini et cela ne se reproduira plus.
• C’était juste un jour de ma vie et c’est arrivé il y a longtemps. Il ne définit pas qui je
suis.

.PEJGJDBUJPOEVOTDIÏNBPVEVOFTJHOJGJDBUJPOGPOEBNFOUBMF
• Ce n’était pas la faute de cette petite fille ; Elle faisait de son mieux ; Elle n’était qu’une
enfant.

1FSTPOOJGJDBUJPOEFMFYQÏSJFODF
• Cette petite fille, c’est moi. Cela m’est arrivé.
'BJSFTPOEFVJM
• Ce sont des choses horribles qui me font beaucoup de mal, j’ai perdu beaucoup de
mon enfance.
• Il est correct de me permettre d’être en deuil.
$PMÒSF
• C’était injuste d’avoir été tellement blessé(e) !
• C’est OK d’être en colère et je peux apprendre à ne pas agir de manière destructrice
quand je suis en colère.

)POUFFUDVMQBCJMJUÏ
• J’étais tout(e) petit, ce n’était pas de ma faute. Et je peux prendre la responsabilité de
ce qui m’appartient dans le présent.

.FOUBMJTFS
• Mes parents ont fait de leur mieux ; ils n’avaient pas de bons parents eux-mêmes.
• Mon père était sadique et mentalement malade – il semblait avoir plaisir à me blesser
et ensuite à me blâmer. C’était assez fou !
• Ce n’est pas une excuse, mais ça m’aide à comprendre ce qui se passait réellement
avec eux et à savoir que ce n’était pas vraiment à propos de moi.

$PNQBSBJTPOTDPODMVTJWFT
• Mon expérience a été pire que celle de certains, pas aussi mauvaise que d’autres.
L’important est que je réalise l’impact qu’elle a eu sur moi et comment je peux sur-
monter cela dans le présent.

1MFJOFSÏBMJTBUJPO
• Je n’ai plus peur, je n’ai plus honte et ne me sens plus accablé(e). J’ai des qualités dans
le présent et des liens avec d’autres. Je peux faire mes propres choix. Je peux être
entier (entière), plus triste mais plus sage. Je peux faire face à mes pertes.
• Ce sont toutes des parties de moi ; Je peux les assumer et les ramener à moi.

TABLEAU 1.2
Étapes graduelles de réalisation

La dissociation comme non-réalisation 53


8. Le traitement orienté par phases
et la réalisation
Comme nous l’avons vu plus haut, le long chemin vers la réalisation
implique des actions mentales et physiques qui favorisent l’intégration de
la personnalité du patient jusqu’à l’unification de la personnalité et au-
delà. Pierre Janet (1898/1911, 1919/1925a ; cf. Van der Hart, Brown et
Van der Kolk, 1989) a été le premier à suggérer qu’un traitement orienté
par phases était nécessaire pour construire progressivement la capacité
d’intégration du patient. Depuis lors, le traitement orienté par phases est
resté le standard de soins pour le traitement du syndrome de stress post-
traumatique (PTSD) complexe et des troubles dissociatifs (p. ex., Brown
et Fromm, 1986 ; Brown, Scheflin et Hammond, 1998 ; Courtois, 1999,
2008 ; Courtois et Ford, 2012, 2013 ; Herman, 1997 ; Howell, 2011 ;
Huber, 2003, 2013 ; ISSTD, 2011 ; Kluft, 1993a ; Loewenstein et Welzant,
2010 ; McCann et Pearlman, 1990 ; Putnam, 1997 ; Phillips et Frederick,
1995 ; Ross, 1997 ; Steele et al., 2005 ; Van der Hart, 1991 ; Van der Hart
et al., 2006). La plupart des auteurs adhèrent à un modèle à trois phases qui
est le suivant : (a) la sécurité, la stabilisation, la réduction des symptômes
et l’entraînement des compétences, (b) le traitement des souvenirs trauma-
tiques; et (c) la (ré) intégration de la personnalité et la réadaptation. En
pratique et plus encore lorsque le degré de non-réalisation est élevé, l’ap-
plication de ce modèle prend la forme d’une spirale dans laquelle alternent
des phases différentes selon les besoins du patient.
Comme indiqué dans ce livre, le traitement de la Phase 1 – sécurité, sta-
bilisation, réduction des symptômes et exercices des compétences – vise à
renforcer chez le patient l’adéquation avec sa réalité actuelle. Cette dernière,
comme Janet (1928) l’a souligné, devrait être vécue comme étant plus réelle
et plus pertinente, au-delà du passé ou de l’avenir. Cela ne remet pas en
cause le fait que le passé soit important, mais il faut le vivre comme quelque
chose qui appartient, en effet, au passé et non au présent. La confrontation
avec la non-réalisation du passé par le patient est différée jusqu’à ce que le
patient puisse s’engager dans une plus grande réalisation. Ainsi, la réalisation
de la mémoire traumatique devient principalement mais non complètement
la tâche de la Phase 2 – le traitement des souvenirs traumatiques. Dans la
Phase 3, celle de la (ré)intégration et de la réhabilitation de la personnalité,
l’accent est mis sur la facilitation de la réalisation maximale avec ses deux
composantes de personnification et de présentification de la vie actuelle, du
passé et de l’avenir anticipé. Dans le chapitre 9, les objectifs spécifiques de
chacune de ces phases seront discutés.

54 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


9. Explorations supplémentaires
1. Prenez un peu de temps pour réfléchir à quelques expériences person-
nelles qui vous ont pris du temps et quelques efforts à réaliser (p. ex.,
accepter la perte d’une relation, faire face à une situation financière
difficile). Qu’est-ce qui vous a aidé et qu’est-ce qui vous a entravé dans
votre chemin vers la réalisation ? De quelle manière la réalisation a-t-
elle fait une différence dans votre vie, le cas échéant ? Comment cette
réalisation vous affecte-t-elle actuellement ?
2. Faites une liste de non-réalisations qu’ont connues un ou deux de vos
patients. (Peu importe s’ils sont dissociatifs ou non ; tout le monde
connaît des non-réalisations). Notez ce qui rend difficile la réalisation
de ce que ces patients évitent et ce qui pourrait les aider à progresser
dans la réalisation.
3. Si vous travaillez actuellement avec un patient qui a un trouble disso-
ciatif, faites une liste des non-réalisations de diverses parties dissocia-
tives et de quoi elles protègent votre patient. Par exemple, une partie
coriace de l’adolescent pourrait protéger de la prise de conscience que
le patient était impuissant pendant l’abus et pourrait également conte-
nir une colère que le soi adulte du patient est incapable d’accepter.
4. Identifiez une non-réalisation qui dans le passé vous a empêché de
reconnaître ou de travailler votre contre-transfert. Par exemple, ne pas
vous rendre compte que vous maternez un patient ou que vous vous êtes
mis en retrait dans la colère ou la frustration. Êtes-vous conscient(e)
de toute non-réalisation qui pourrait encore affecter votre contre-
transfert dans le présent ? Votre propre thérapie, votre consultation
et votre supervision peuvent être d’une grande aide pour résoudre ces
problèmes. Après tout, nous avons tous des non-réalisations et des
contre-transferts, et y faire face est le voyage d’une vie.
5. Commencez à pratiquer l’identification des non-réalisations sous-
jacentes dans chaque séance.

La dissociation comme non-réalisation 55


PARTIE I
La relation
thérapeutique
cHAPITRE 2
Le thérapeute
suffisamment bon

Un thérapeute suffisamment bon n’est pas un thérapeute parfait,


mais simplement quelqu’un qui se dédie à la découverte de soi et
à l’apprentissage tout au long de la vie.
Louis Cozolino (2004, p. 7)

Les thérapeutes n’apportent pas toujours la meilleure réponse quand ils sont
confrontés à la fureur humiliée, aux exigences et aux besoins d’un patient, à la
régression, aux revendications, au sadomasochisme, aux souffrances insuppor-
tables et à la solitude, à l’évitement extrême et au silence, à une automutilation
sévère ou à la suicidalité. On peut facilement être confus en travaillant avec
des parties dissociatives et ne pas pouvoir garder l’ensemble de la personne à
l’esprit. Même les thérapeutes chevronnés peuvent être préoccupés par la ques-
tion fondamentale, à savoir : Comment rester stable et ancré avec mes patients ?
Afin de naviguer avec succès dans les nombreuses complexités et les pres-
sions qui s’introduisent au sein du traitement, les thérapeutes doivent se
remettre en question, accepter et changer leurs propres réactions personnelles
inutiles – nous en avons tous. Nous sommes humains et faisons des erreurs.
Nous échouons à nous harmoniser de manière adéquate, à comprendre ou à
être empathiques. Nous nous fatiguons et sommes frustrés. Nous sommes trop
désireux de réparer et d’aider sans fixer d’importantes limites. Nous blessons
et transgressons des frontières de temps en temps. Souvent, nous avons des
attentes irréalistes envers nous-mêmes en tant que thérapeutes. Nous pouvons

Le thérapeute suffisamment bon 59


prendre des mesures extraordinaires ou nous entortiller sans relâche dans des
nœuds pour être mieux, être plus, être différents, dans l’espoir que si nous
changeons, nos patients vont changer et s’améliorer. Il y a peut-être un brin
de vérité dans ces méthodes lorsque notre contre-transfert ou notre manque
de connaissances forment un obstacle. Nous devons essayer de résoudre cela.
Mais dans l’ensemble, ce n’est pas une stratégie efficace. Nous pouvons seule-
ment espérer et travailler pour être un thérapeute « suffisamment bon » pour
nos patients.
Le meilleur endroit pour commencer la thérapie est avec soi-même, le thé-
rapeute imparfait mais suffisamment bon. Qui nous sommes et comment nous
sommes avec nos patients, c’est ce qui fait une différence décisive pour les
aider à progresser. Dans ce chapitre, nous nous concentrerons sur la personne
du thérapeute et, par la suite, nous explorerons la relation thérapeutique – le
moyen partagé par lequel le thérapeute et le patient peuvent se développer et
s’épanouir ou, à l’inverse, rejouer involontairement des mises en acte sadoma-
sochistes non résolues ou des fantasmes de sauvetage qui ne finissent généra-
lement pas bien.

1. Le thérapeute suffisamment bon


L’idée du thérapeute suffisamment bon (Cozolino, 2004) est basée sur le
concept de Winnicott de la mère suffisamment bonne, qui s’occupe de son
enfant d’une manière ordinaire et quotidienne qui ne nécessite ni la perfection
ni un accordage sans heurt ou une disponibilité constante (Winnicott, 1968).
De bons parents sont capables de suivre les états rapidement changeants du
nourrisson, en fournissant la cohérence et la sécurité à travers un large éven-
tail d’expériences. Cependant, même de bons parents ne s’harmonisent et ne
s’accordent à leurs enfants qu’un tiers du temps environ (Malatesta, Culver,
Tesman et Shepard, 1989 ; Tronick et Cohn, 1989).

CONCEPT CLÉ

Un cycle naturel de perturbation relationnelle et de réparation est encore plus important


et prédictif de l’attachement sécure que l’accordage seul (Tronick et Cohn, 1989). Les
échecs du thérapeute à comprendre ou à communiquer avec un patient offrent des op-
portunités pour cette réparation essentielle.

Ainsi, l’accordage des thérapeutes aux patients est par définition défectueux
et n’est qu’une partie de l’histoire. La partie plus complexe et difficile de la thé-
rapie se trouve souvent dans l’établissement des limites et dans la réparation
et la réharmonisation, sans essayer de protéger les patients des dures réalités

60 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


de leur vie ou de les leur dissimuler. En effet, les patients ont la tâche, comme
nous l’avons tous, de « maîtriser la déception et la douleur qui accompagnent
la reconnaissance des limites, du manque de fiabilité et, en fin de compte, de la
séparation, de l’immuabilité et de l’acharnement de nos objets (nos relations)
(passés et présents) » (Stark, 2006, p. 2). C’est l’évitement de cette constata-
tion qui, en partie, maintient la dissociation chez nos patients et les pousse à
inviter le thérapeute à renoncer aux limites habituelles et essentielles de la
psychothérapie. Mais, en même temps, les patients doivent également faire
l’expérience d’une personne cohérente et compassionnelle qui les accepte tels
qu’ils sont tout en les soutenant dans le changement.

CONCEPT CLÉ

Comme pour toutes les thérapies, nous devons commencer le traitement des troubles disso-
ciatifs complexes en menant une réflexion sur nous-mêmes en tant que thérapeutes, car nos
forces et nos limites en tant qu’êtres humains peuvent faire échouer ou réussir une thérapie.

Les remises en scène et le thérapeute


suffisamment bon
Les remises en scène sont des interactions relationnelles, inconscientes et de
forme somatique dans lesquelles tant le patient que le thérapeute projettent sur
l’autre des expériences non résolues du passé (p. ex., Bromberg, 1998 ; Davies,
1997 ; Frawley-O’Dea, 1997, 1999 ; Howell, 2005 ; Plakun, 1998). Avec
d’autres auteurs, nous proposons que les remises en scène sont de nature disso-
ciative (Schore, 2012 ; Stern, 2010). Les modèles d’attachement traumatisants
persistants de nos patients – et nos propres modèles d’attachement, quels qu’ils
soient – sont les filtres par lesquels nous nous voyons dans la relation théra-
peutique. Les remises en scène vivaces d’abus ou de négligence des patients au
sein de leurs parties dissociatives n’ont pas encore été pleinement intégrées.
Les remises en scène sont souvent ressenties dans les corps des thérapeutes
et des patients. Ce sont des rencontres sensori-motrices et émotionnelles qui
rendent la réflexion et le changement thérapeutique difficiles, parce qu’elles
ne sont généralement pas conscientes, ou du moins sont difficiles à mettre en
mots. Les thérapeutes et les patients peuvent implicitement prendre de nom-
breux rôles inutiles et interchangeables. Ceux-ci seront discutés au chapitre 3.

CONCEPT CLÉ

Les thérapeutes doivent être conscients de leurs expériences émotionnelles et soma-


tiques avec un patient et comprendre les remises en scène de l’histoire du patient qu’ils
peuvent être en train de jouer.

Le thérapeute suffisamment bon 61


Les patients, ou des parties dissociatives particulières, peuvent ressentir
le thérapeute comme étant « trop » : trop punitif, mettant trop de pression,
fixant trop de limites, posant trop de questions, étant trop émotif ou trop
cognitif, trop silencieux ou trop bavard, trop rapide ou trop lent, trop intel-
ligent ou trop mal informé. Les patients peuvent également ressentir le thé-
rapeute comme « trop peu » ou « pas assez » : pas assez bon, pas juste dans
sa compréhension, peu réactif ou pas assez disponible, pas assez gentil, pas
assez utile.

&YFNQMFEFDBTEFSFNJTFFOTDÒOF.BSUIB

Martha a ressenti sa thérapeute comme étant froide et punitive, même si en réalité


c’était une thérapeute chaleureuse, dynamique et très compétente. Au cours des
séances, la thérapeute se trouvait quelquefois incompétente et un peu bloquée, avec
le sentiment physique d’une pierre froide pesant au creux de son estomac et un vague
sentiment d’être déçue d’elle-même. Elle ressentait quelquefois Martha comme
accablante et exigeante, tandis que Martha croyait que sa thérapeute la détestait et
trouvait ses besoins répugnants. Martha tournait ce dégoût vers l’intérieur, et une partie
dissociative critique importante punissait les jeunes parties d’elle-même d’être dans
une telle demande. Dans le même temps, Martha enrageait, tant vis-à-vis de sa
thérapeute qui ne répondait pas à ses besoins qu’envers elle-même qui avait ces besoins.
La remise en scène de l’histoire de Martha était celle d’une enfant confrontée à sa mère
hostile et absente, tandis que la remise en scène de l’histoire de la thérapeute était
basée sur une vieille tendance à croire qu’elle ne pouvait jamais être à la hauteur de
la réputation académique et sociale de sa sœur.

L’expérience du thérapeute dans les remises en scène. Lorsque le théra-


peute est entraîné dans des remises en scène avec un patient, il peut se ressentir
différent de ce qu’il est d’habitude : sévère, punitif, accablé, trop dans sa tête
alors qu’il devrait être connecté à ses émotions, trop dans son émotion alors
qu’il devrait plutôt réfléchir. Nous pouvons parfois enrager ou être humiliés,
coupables ou honteux, incapables de satisfaire et de correspondre à l’énergie
et aux capacités du patient. Nous pouvons nous sentir supérieurs un moment
et exceptionnellement stupides le moment suivant. Parfois, nous pouvons
nous sentir comme une mère nourricière omniprésente et d’autres fois être
insensibles et froids comme de la glace. Il nous arrive de nous sentir désespé-
rément attentifs et totalement responsables de la vie même d’un patient, et
ensuite épuisés, manquant d’empathie. Mais parfois, nous sommes facilement
captés par des remises en scène plus difficiles à reconnaître parce qu’elles sont
congruentes avec la façon dont nous pensons et sentons généralement. Par
exemple, un thérapeute très chaleureux ne reconnaît peut-être pas qu’une par-
tie enfant pousse à ce que l’on prenne soin de lui, parce que, habituellement,
le thérapeute se sent naturellement attentif et généreux. Ou un thérapeute

62 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


quelque peu évitant peut ne pas reconnaître qu’il est dans une remise en scène
impliquant un parent négligent et absent. Ou bien nous considérons notre
frustration et notre colère comme une réponse au comportement flagrant et
bien réel d’un patient dans la situation actuelle (ce qu’elle est), mais ne recon-
naissons pas que nous avons également été entraînés dans une remise en scène
du parent punissant et enragé.
Nos corps sont le terrain de jeu de différentes remises en scène. Nous (et
nos patients) devenons sur- ou sous-activés, tendus, chauds ou froids. Notre
regard évite, nos visages se figent. Nous fronçons les sourcils ou sourions même
lorsque nous crispons les yeux. Nous nous enfonçons dans notre fauteuil ou
nous nous inclinons vers l’avant agressivement, ou nous croisons les bras par
défense. Nos patients nous projettent ces expériences et en miroir nous reflé-
tons inconsciemment leurs parties dissociatives qu’ils ne peuvent pas encore
tolérer. Notre rôle est de prendre conscience de ces expériences, en espérant les
reconnaître et les contenir, les atténuer et les tendre doucement aux patients
au moment opportun.
Comme nous le voyons ci-dessus dans l’exemple du thérapeute de Martha,
ces expériences ne sont souvent pas seulement des projections du patient, mais
elles proviennent aussi de nos expériences personnelles, déclenchées par la
dynamique du patient. Ce sont également des expériences très réelles nées
du travail concret avec des personnes qui souffrent énormément. Elles sont
humiliées, en manque d’affection et s’accrochent, évitent et se défendent, se
montrent exigeantes et revendicatrices, sous tension et ne laissant rien passer.
Nos expériences en temps réel avec les patients nous aident à comprendre les
difficultés que d’autres personnes ont avec elles, ainsi que les luttes qu’elles ont
elles-mêmes dans les relations. Le plus souvent, les histoires du patient et du
thérapeute sont en jeu, interagissant avec la relation « réelle » dans le présent,
engendrant une matrice d’émotions et de comportements très complexes, tout
comme un jeu d’échecs tridimensionnel. Bien sûr, nous ne savons pas toujours
dans le moment si ce que nous ressentons vient de notre propre expérience
passée, du patient ou de la relation réelle dans le présent. La volonté de rester
curieux et d’accepter une de ces possibilités ou toutes ces possibilités est un
élément essentiel.
Ces expériences byzantines peuvent être extrêmement difficiles pour nous,
les thérapeutes, dont notre meilleur outil est nous-mêmes. Bien sûr, le suc-
cès thérapeutique n’est pas toujours complet ou possible, et c’est encore une
autre réalité que nous devons accepter. Ou, au moins, notre version idéalisée
du succès ne se réalise pas toujours. Certains patients atteignent une stabi-
lité, mais sans réussir à dégager beaucoup de sens ou de satisfaction. Certains
ne sont jamais en mesure de faire confiance totalement et restent toujours
sur leurs gardes. Certains sont incapables de renoncer à leur fantasme d’une
cure magique qui proviendrait de l’extérieur d’eux-mêmes. Quelques patients

Le thérapeute suffisamment bon 63


ne s’amélioreront pas, malgré tous nos efforts, et de temps en temps nous
sommes incapables de surmonter suffisamment nos défis personnels pour aider
un patient en particulier. Pourtant, il y a des raisons d’espérer, car la plupart
du temps nous et nos patients sommes en mesure de naviguer à travers les
difficultés.
Les remises en scène douloureuses doivent être reconnues et transformées
par la mise en place préalable de limites thérapeutiques cohérentes, par une
mise en mots de la part du thérapeute à propos de l’expérience ressentie dans
le moment afin de trouver une possible réparation dans la relation et la com-
passion, et par une augmentation de la responsabilisation et de la réalisation de
la part du patient. Nous devons rester aussi stables et non réactifs que possible
face à nos émotions propres et aux émotions intenses de nos patients, de l’eu-
phorie au désespoir, du plaisir à la rage, du chagrin à l’acceptation, de l’amour
à la haine, de la souffrance au soulagement satisfait. Ce sont les capacités rela-
tionnelles du thérapeute, sa maturité émotionnelle et son niveau intégratif
élevé qui peuvent aider à sortir la relation à maintes reprises du bourbier des
remises en scène et à revenir sur la voie du progrès.
Être dans la réflexion et présent dans le moment, offrir aux patients une
expérience positive et une possibilité nouvelle d’être vu et entendu – ainsi que
d’apprendre à voir et à entendre l’autre – amènent des récompenses qui valent
la peine d’endurer ces moments difficiles. En fait, ce sont les feux auxquels se
forge le thérapeute suffisamment bon.

2. Qu’est-ce qui rend un thérapeute


suffisamment bon ?
Les thérapeutes suffisamment bons sont généralement caractérisés par la col-
laboration, l’intérêt et la compassion plutôt que par la prise en charge. Ils
sont à même de réfléchir avant d’agir. Ils ont de bonnes capacités de menta-
lisation et d’harmonisation ou de syntonie (Schore, 2012 ; Siegel, 2010b).
Ils demandent régulièrement aux patients des retours et surveillent attenti-
vement leurs progrès (Norcross et Lambert, 2011 ; Norcross et Wampold,
2011). Ils sont capables d’entrer dans le monde subjectif du patient avec ses
réalités simultanées et contradictoires, et de « se tenir dans les espaces entre
les réalités sans en perdre aucune » (Bromberg, 1993, p. 166). Ils s’entendent
avec le patient et travaillent avec lui sur des objectifs de traitement par-
tagés. Ils sont authentiques, capables de réparer les perturbations relation-
nelles, peuvent définir des limites fermes mais flexibles, et avoir une prise
de conscience et une gestion continues du contre-transfert. En outre, les
thérapeutes suffisamment bons ont un certain niveau de maturité émotion-
nelle et de conscience de soi et peuvent répondre (parfois à l’aide de super-

64 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


vision) aux besoins thérapeutiques du patient afin d’aller de l’avant dans le
traitement. Les thérapeutes suffisamment bons ne savent pas tout, mais sont
conscients des lacunes dans leurs connaissances et cherchent à les combler.
Ils apprennent tout au long de leur vie et sont curieux. Ils apprennent à
être relativement à l’aise face à l’incertitude et l’intensité, ne dépendent
pas de la progression du patient pour maintenir leur estime professionnelle.
Ils sont en mesure de reconnaître quand une aide est nécessaire et de la
demander. Les thérapeutes suffisamment bons font beaucoup d’erreurs, mais
sont prêts à reconnaître et à apprendre continuellement à partir de celles-ci.
Ils apprennent à travers l’expérience et la supervision comment établir de
bonnes limites avec les patients. Ils ont de l’humilité, peu importe leur habi-
leté ou leur maturité, ils sont conscients que notre condition humaine parta-
gée nous enrichit et nous limite tous.
Des thérapeutes suffisamment bons gardent à l’esprit qu’il s’agit beaucoup
moins de ce qu’ils font pour les patients que de la façon dont ils sont avec eux.
Les thérapeutes suffisamment bons s’acceptent vraiment comme ils sont dans
le moment et savent que l’aspiration à être un meilleur thérapeute est diffé-
rente de l’attente d’être parfait.

2.1. Les limites


Dans leurs efforts pour être suffisamment bons, pour prouver à leurs patients
qu’ils ne sont pas comme leurs agresseurs, les thérapeutes promettent parfois
plus qu’ils ne peuvent offrir, en étendant les limites et en les dépassant ou
même en les violant. La perfection, la disponibilité constante, les rassurances
de ne jamais abandonner et les fantasmes dorés d’une seconde enfance heu-
reuse ne font tout simplement pas partie des promesses tenables selon nos
capacités humaines et sont des objectifs irréalistes et inutiles en thérapie. Bien
sûr, les thérapeutes veulent aider – nous sommes un groupe de professionnels
corrects et bien intentionnés en général – mais notre envie de soulager les
souffrances ou de les éviter entrave parfois la progression de nos patients. Nous
ne sommes pas toujours en mesure de gérer facilement la rage, les exigences, les
souffrances de nos patients ou encore leurs déceptions à notre égard, un silence
résolu, des attaques verbales, ou des limites contournées intelligemment. Nos
limites peuvent s’effondrer et nous cédons à une requête ou à une demande
qui, en fin de compte, n’est pas utile au patient et qui pèse très lourd sur nous,
les thérapeutes.
Il est souvent plus facile de voir nos patients en termes de tout ou rien,
en tant que victimes plutôt que comme des individus complexes qui, comme
tous les êtres humains, ont la capacité de blesser ou d’être sadiques, de s’oc-
troyer tous les droits et d’être enragés. Certains thérapeutes n’ont jamais ren-
contré consciemment ces émotions ou ces comportements auparavant, et

Le thérapeute suffisamment bon 65


sont déconcertés, effrayés et incapables de répondre. D’autres les considèrent
comme des répétitions trop familières de leur propre histoire et réagissent en
en faisant trop ou pas assez. Quoi qu’il en soit, apprendre à être un théra-
peute suffisamment bon implique de réfléchir sur les limites à poser et à ne
pas poser en thérapie ainsi que sur leurs raisons d’être. Le tableau 2.1 pré-
sente une liste de sujets qui peuvent être explorés pour déterminer les limites
d’un thérapeute. Certaines limites sont définies par des comités de licence et
devraient être strictement respectées, telles que l’abstinence de contact sexuel,
les connexions aux réseaux sociaux, les relations doubles, le troc et des tran-
sactions commerciales avec les patients. Chaque thérapeute doit connaître les
limites requises selon son code d’éthique spécifique. Les autres limites sont plus
flexibles et varient d’un thérapeute à l’autre.
Le fait de fixer des limites appropriées et thérapeutiques cohérentes,
mais flexibles, exige que les thérapeutes développent un certain niveau d’ai-
sance avec la souffrance, la colère, la honte, la solitude, la terreur et la
dissociation. Il faut également que les thérapeutes apprennent à fixer des
limites plus facilement, surtout s’ils ont peu de pratique à cet égard dans
leur vie personnelle. Idéalement, les limites personnelles et professionnelles
devraient être relativement congruentes, de sorte qu’il soit naturel pour les
thérapeutes de définir des limites relationnelles claires avec les patients.
Plus les thérapeutes sont conscients de leurs propres limites, plus ils seront
en mesure de reconnaître les moments où un patient pourrait dépasser les
frontières ou lorsque le thérapeute le fait. Cela permet aux thérapeutes de
maintenir des limites cohérentes et de corriger les erreurs au moment où
elles sont commises.

CONCEPT CLÉ

L’une des caractéristiques essentielles du thérapeute suffisamment bon est la capacité


d’apprendre, de définir et de respecter les limites thérapeutiques.

Ce ne sont pas les paramètres spécifiques établis par les thérapeutes à


propos des limites qui sont les plus importants, car ceux-ci varieront légè-
rement de thérapeute à thérapeute. La clé, c’est de savoir si les limites sou-
tiennent la compétence, la croissance et la responsabilité du patient, et si les
thérapeutes peuvent maintenir leurs limites de façon respectueuse, claire et
cohérente, tout en parvenant à reconnaître quand ou si des transgressions de
limites mineures sont nécessaires et utiles (Dalenberg, 2000). Le soutien par
les pairs, la consultation et la supervision sont particulièrement utiles pour
les thérapeutes qui ne sont pas sûrs de limites particulières, qui luttent pour
maintenir les limites ou envisagent d’assouplir temporairement une limite
avec un patient.

66 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Explorez avec vos collègues ou un superviseur vos limites professionnelles pour ce qui
suit :
• Une actuelle automutilation ou des tentatives de suicide chroniques
• Un abus actuel d’un patient par quelqu’un d’autre ou le patient qui abuse d’une autre
personne (y compris les enfants du patient)
• Un contact physique avec un patient pendant la séance (y compris les poignées de
main, les accolades, le toucher rassurant ou réconfortant, le toucher d’ancrage, le
toucher contraignant)
• Les appels téléphoniques, les textes et les courriels des patients entre les séances :
tous sont-ils acceptés et, s’ils ne le sont pas, combien et pour quelles raisons ?
• Comment, quand ou si des séances supplémentaires sont programmées
• Comment, quand ou si des séances prolongées sont programmées
• Commencer et arrêter des séances à l’heure (dans les quelques minutes)
• Des critères d’hospitalisation volontaire ou involontaire, en quel cas et à quel moment
une hospitalisation est envisagée ; ce qu’il faut faire en cas de crise si l’hospitalisation
n’est pas une option
• Divulguer des informations personnelles : quel genre, pour quelles raisons, quand,
comment ?
• Offrir de la thérapie en dehors du cabinet de consultation (p. ex., la thérapie par expo-
sition pour l’agoraphobie, la marche à pied pour aider le patient à s’ancrer, les visites
à la maison ou à l’hôpital si le patient est extrêmement malade ou incapable de se
rendre au cabinet pour un certain temps)
• Assister à des événements qui sont significatifs pour les patients (p. ex., des cérémonies
de remise de diplôme, des concerts, des cérémonies de mariage, des funérailles, etc.)
• Que faire lors d’une rencontre inattendue d’un patient dans un cadre social : le recon-
naissez-vous, et si oui, que lui dites-vous ?
• L’abus verbal et les menaces d’un patient
• À quel moment et pour quelle raison contacter une famille ou des amis proches du patient
• Un comportement revendicateur ou exigeant du patient
• Un comportement enfantin du patient
• Une amnésie chez un patient pour des comportements inacceptables
• Vos raisons de terminer unilatéralement avec un patient
• La violence ou la menace de violence par un patient
• Le harcèlement de la part d’un patient (de vous-même ou d’autrui)
• Donner des cadeaux et en recevoir (ou non) : petits cadeaux symboliques, tels que
des pierres, ou des cadeaux un peu plus chers
• Les honoraires et les politiques de perception des honoraires
• Les politiques pour gérer un solde avec un patient ; le cas échéant, pour quel montant
ou combien de temps, et avec quel type d’accord en place avec le patient pour payer
le solde
• Avoir sa propre thérapie personnelle
• Venir en consultation régulièrement
• Décider si vous êtes la meilleure personne pour travailler avec un certain patient ou
comment et quand le référer

TABLEAU 2.1
Exploration des limites thérapeutiques

Le thérapeute suffisamment bon 67


À quelques exceptions près, comme ne jamais avoir un comportement
sexuel avec un patient, de nombreuses limites sont flexibles à l’intérieur d’une
faible marge. Par exemple, les différents thérapeutes adoptent des politiques
légèrement différentes concernant la question de savoir si ou à quelle fré-
quence ils accepteront les courriels ou les appels téléphoniques des patients. Il
est important que les limites de la thérapie soient définies de telle sorte que les
thérapeutes se sentent personnellement à l’aise, bien que l’apprentissage des
limites puisse certainement être inconfortable au début. Si le niveau de confort
personnel du thérapeute varie significativement avec les limites thérapeu-
tiques recommandées, cela devrait être discuté avec des pairs et un superviseur
ou un consultant. Nous espérons que les limites personnelles et profession-
nelles du thérapeute se développent de manière relativement congruente. Il
existe de nombreuses lignes directrices concernant les limites thérapeutiques,
qui peuvent être consultées ailleurs. Un petit échantillon comprend Epstein
(1994) ; Gutheil et Brodsky (2011) ; Gutheil et Gabbard (1993, 1998); Harper
et Steadman (2003) ; et Zur (2007).

3. Le thérapeute suffisamment bon


et la dissociation
Les thérapeutes suffisamment bons sont capables de considérer les parties
dissociatives comme des aspects non intégrés d’une même personne, et non
comme des éléments ou des entités à part entière. L’accent porte sur l’aide
à toute la personne dans la résolution des conflits intérieurs et dans l’inté-
gration des souvenirs traumatiques plutôt que sur le développement des rela-
tions individuelles avec chacune. Ainsi, le thérapeute est aussi cohérent que
possible pour aider les parties à accepter de coopérer les unes avec les autres,
car la conscience intérieure, la congruence et l’autocompassion sont des fon-
dements pour leur intégration. Le thérapeute suffisamment bon garde la réa-
lisation comme un objectif majeur constant dans le travail vers l’intégration.
Par exemple, les patients doivent progressivement se rendre compte que les
« parties » sont des aspects d’eux-mêmes et que chaque partie doit avoir une
égale réalisation à partir de son propre point de vue.
Les thérapeutes qui sont habitués à travailler avec des individus qui sont
relativement unifiés dans leur esprit et leur estime de soi peuvent se sentir
tout à fait déséquilibrés dans un premier temps, en essayant de faire face à
ce qui ressemble à plus d’une personne à la fois. Le pouvoir de dissociation
et de non-réalisation du patient – un pouvoir proche de la transe – de même
que son équivalence psychique peuvent obliger le thérapeute à entrer dans
une réalité alternative sans guère de réflexion sur ce qui se produit réellement.
Même lorsque les thérapeutes saisissent vraiment le concept de dissociation, il
est encore difficile d’apprendre à aider efficacement un patient qui se présente

68 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


comme un enfant terrifié ou en manque d’affection ; ou comme un nourrisson ;
un adolescent rebelle furieux ; un bourreau de travail en état de rejet, déprimé,
mais compétent, qui n’a rien à faire de la thérapie ; ou comme un abuseur
sadique qui veut tuer sa partie enfant féminine.
Différents modèles théoriques qui traitent de la façon dont les représenta-
tions mentales se forment et sont et maintenues – tels que la théorie des états
du Moi, les relations d’objet, les modèles opérants internes et la psychologie du
self – sont utiles au thérapeute dans la compréhension de la façon dont l’esprit
est structuré, pas nécessairement d’une manière complètement unifiée. Cepen-
dant, ces formulations abstraites de l’esprit ne préparent pas entièrement le
thérapeute non initié aux manifestations tangibles des parties dissociatives,
où le patient se vit et peut penser, ressentir et agir comme des personnes diffé-
rentes avec une précision convaincante. Les thérapeutes doivent garder leurs
pieds ancrés dans la réalité et savoir qu’un seul individu peut avoir des expé-
riences multiples et contradictoires avec de multiples flux de conscience. Bien
que les personnes sans trouble dissociatif puissent également être changeantes,
la personne dissociative peut changer si rapidement et profondément, souvent
sans conscience ni contrôle, que cela peut être difficile à comprendre, en par-
ticulier pour les thérapeutes débutants dans cette expérience.
Le concept même de travailler avec des parties d’une personne peut consti-
tuer un réel défi. Les thérapeutes inexpérimentés luttent souvent avec la façon
d’entrer en relation avec tant de « personnalités » ou d’« identités », comme
on appelle parfois ces parties dissociatives. L’approche la plus efficace consiste
à voir la personne dans sa globalité, avec ses nombreux conflits intérieurs et ses
multiples réalités (Kluft, 1991), qu’elle ne s’est pas encore entièrement appro-
priés et dont elle n’est pas encore entièrement conciente.
Il est tentant pour les thérapeutes de se sentir et de se comporter différem-
ment selon la partie dominante du patient et, par conséquent, de relâcher les
limites pour certaines parties ; c’est l’un des aspects complexes du travail avec
les personnes dissociées. Bien que nous puissions modifier notre tonalité de
voix, notre contact visuel et notre posture de temps à autre pour nous accorder
à nos patients, ils ont besoin que nous restions relativement constants face à
toutes leurs parties dissociatives. Ainsi, les thérapeutes devraient être cohé-
rents dans ce qu’ils disent et font avec chaque partie, et avec les limites qu’ils
maintiennent, sans changer leur comportement ou leurs affects de manière
trop drastique lorsqu’ils travaillent avec certaines parties.
Par exemple, les thérapeutes pourraient prendre un ton légèrement plus
doux lorsqu’une partie enfant est dominante, de la même manière qu’ils le
pourraient avec un patient (non dissociatif) qui est submergé, effrayé ou blessé.
Mais s’ils commencent à agir comme si une partie dissociative était littéra-
lement un enfant qu’ils bercent ou étreignent, ou avec lequel ils jouent, et
ainsi de suite, ils se comportent comme s’ils étaient eux-mêmes dissociatifs,

Le thérapeute suffisamment bon 69


oubliant (ne réalisant pas) que le patient est un adulte qui a également une
grande ambivalence à propos de la dépendance, et que le thérapeute n’est pas
un parent du patient. Les thérapeutes deviennent alors des personnes « diffé-
rentes », avec des frontières différentes, correspondant aux alternances pré-
sentes dans le patient. Si, lorsqu’une partie hostile du patient est en colère
contre le thérapeute parce qu’il prête trop d’attention aux parties enfant, le
thérapeute devient froid ou en colère, celui-ci a en quelque sorte « commuté ».
Il en est de même lorsque les thérapeutes préfèrent travailler avec certaines
parties du patient (les plus gentils ou les petits ou les évitants) et pas avec
les autres (les furieux ou les sadiques, les suicidaires persistants, ceux qui sont
accablés).
Le travail des thérapeutes consiste à garder à l’esprit le patient dans sa
globalité. Ils doivent trouver des moyens de se stabiliser quand leurs patients
passent brusquement d’une émotion ou d’une pensée à l’autre, d’une partie
dissociative à la suivante. Ils apprennent à constater ce qui est venu avant
l’alternance et à anticiper ce qui pourrait venir après, et essayer d’être aussi
cohérents et congruents que possible, quelle que soit la partie du patient qui
est présente. En fait, on peut penser au thérapeute en tant que pont de réalisa-
tion et d’intégration qui traverse les divisions dissociatives, jusqu’à ce que les
patients puissent également construire leurs propres ponts.

4. Les besoins du thérapeute


Les thérapeutes sont souvent tellement concentrés sur ce dont leurs patients
ont besoin qu’ils oublient de se demander ce dont ils ont besoin pour traiter un
individu particulier et, par extension, quelles limites sont nécessaires pour les
protéger tous deux. Les relations sont bidimensionnelles, même les relations thé-
rapeutiques. Les thérapeutes ont besoin de se sentir en sécurité et non maltrai-
tés par les patients. Ils éprouvent le besoin, et c’est leur responsabilité éthique,
de pratiquer dans l’éventail de leurs compétences. Ils ont besoin de mener une
thérapie dans les limites de leur contexte, en particulier dans les cabinets pri-
vés ambulatoires, où la gestion de crises extrêmes peut être difficile. Ils doivent
connaître leurs propres limites en ce qui concerne leur disponibilité envers les
patients en dehors des séances. Ainsi, les thérapeutes doivent avoir un cadre
thérapeutique stable et constant qui les protège aussi bien que leurs patients.

CONCEPT CLÉ

Les relations thérapeutiques sont des voies bidirectionnelles. Les thérapeutes ont égale-
ment certains besoins dans la relation thérapeutique : être rémunérés par des honoraires,
se sentir en sécurité, être respectés dans leurs limites et inviter les patients à collaborer à
des objectifs convenus.

70 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Les thérapeutes qui souhaitent s’engager dans des thérapies d’orientation
psychodynamique ont besoin de patients suffisamment motivés et responsables
pour être des partenaires collaboratifs en thérapie, au moins jusqu’à un certain
degré. Ils doivent se sentir libres de transférer ou de clôturer la thérapie avec
des patients qui ont besoin d’un niveau de soins accru au-delà de ce qui peut
être raisonnablement offert, ou qui peuvent avoir besoin d’un autre type de
thérapie ou d’un thérapeute ayant des compétences différentes. Bien sûr, il
existe certains emplois qui nécessitent que les thérapeutes travaillent avec tous
les patients, indépendamment de leur motivation ou de leur sécurité, de sorte
que, dans ces situations, le thérapeute doit chercher une aide supplémentaire.
Les thérapeutes doivent se sentir libres de consulter, de se faire superviser,
de faire une thérapie personnelle et de chercher d’autres supports afin d’être
aidés dans le traitement des patients. Ils doivent traiter leurs patients sans se
sentir piégés ou sous pression de chantage émotionnel – par exemple, « Je me
tuerai si vous ne me voyez pas quatre fois par semaine, parce que je ne peux
fonctionner d’aucune autre manière ». Bien sûr, les thérapeutes doivent avoir
leur propre vie personnelle riche de sens et soigner leurs relations en dehors de
leur rôle de thérapeute. En d’autres termes, ils doivent ne pas être submergés
régulièrement par les émotions – les leurs ou celles de leurs patients – afin de
garder l’espace mental et l’énergie pour leur vie personnelle.

4.1. Est-ce que le travail avec le traumatisme


complexe me convient ?
Certains thérapeutes qui lisent ce livre sont des généralistes ou se spécialisent
dans d’autres questions en plus des traumatismes complexes. Certains se sont
bien familiarisés dans le traitement des traumatismes aigus et peuvent ne pas
être conscients qu’un traumatisme infantile complexe nécessite des approches
différentes. Le thérapeute n’a pas à se spécialiser pour être compétent dans le
traitement des traumatismes complexes et des troubles dissociatifs. Notre parti
pris est le suivant : tous les thérapeutes devraient être capables d’évaluer et de
traiter des traumatismes complexes, car les traumatismes d’enfance et d’autres
types de traumatismes sont endémiques dans les populations de santé men-
tale. La majorité des patients en santé mentale en consultation externe ont
une histoire de traumatisme suivant la population et l’établissement (87 %,
Cusack, Grubaugh, Knapp et Frueh, 2006 ; 81 %, Davidson et Smith, 1990 ;
98 % Dominguez, Cohen et Brom, 2004 ; 70 %, Lipschitz et al., 1996 ; 65 %,
Muenzenmaier, Struening, Ferber et Meyer, 1993 ; 84 %, Rose, Peabody et
Stratigeas, 1991 ; 48 % d’hommes, Swett, Surrey et Cohen, 1990). Bien sûr,
chacune de ces études a défini le traumatisme différemment, et beaucoup n’ont
pas fait de distinction entre les événements interpersonnels et d’autres types
d’événements, ni déterminé s’il s’agissait d’un épisode unique ou chronique.
Néanmoins, ces études et d’autres montrent qu’il est inévitable que tous les

Le thérapeute suffisamment bon 71


thérapeutes rencontrent au moins certains patients qui souffrent de symptômes
et de troubles liés aux traumatismes complexes, indépendamment de leurs
domaines d’intérêt dans leur travail ou leur pratique.
Pour les thérapeutes qui décident que le travail sur le traumatisme chro-
nique n’est pas pour eux, nous suggérons d’apprendre les bases de la thérapie du
trauma complexe afin d’avoir suffisamment de connaissances pour évaluer et
référer le patient, ainsi que pour le contenir et le soutenir avant de le référer (cf.
Chu, 2011). Il est avantageux pour les thérapeutes de se doter de bonnes com-
pétences en évaluation afin qu’ils puissent anticiper les problèmes qui peuvent
surgir et avec lesquels ils peuvent choisir de ne pas travailler. Connaître des
personnes qui font ce travail dans la communauté est utile afin de diriger ces
patients vers eux si nécessaire. Cependant, nous conseillons vivement aux thé-
rapeutes de ne pas continuer à traiter les patients une fois qu’ils ont été référés
à un autre thérapeute pour le traitement des traumatismes complexes et de
la dissociation. Après tout, ce n’est pas le traumatisme qui est traité, mais la
personne entière et le traumatisme a atteint la plus grande partie, si ce n’est
l’entièreté de la vie de cette personne.

4.2. L’histoire personnelle du thérapeute


dans le lieu de thérapie
Beaucoup de thérapeutes ont leur propre histoire de traumatismes (Pope et
Feldman-Summers, 1992) et chacun a des antécédents d’attachement peu ou pas
parfaits. Qu’un thérapeute soit ou non considéré comme un survivant du trau-
matisme n’a aucune incidence particulière sur le fait qu’il soit un bon thérapeute.
Ce qui est important, c’est que, indépendamment de l’histoire personnelle, les
thérapeutes aient pu réaliser et intégrer suffisamment leur histoire pour pouvoir
être avisés, sans qu’elle constitue un obstacle significatif à leur travail. Ils sont en
mesure la plupart du temps d’être présents aux problèmes et à la souffrance de
leurs patients et peuvent réfléchir à leur contre-transfert, fixer de bonnes fron-
tières et limites, être empathiques et disposés à chercher à consulter au besoin.
Cependant, il arrive parfois que les thérapeutes n’aient pas terminé leur
travail personnel à un degré suffisant, de sorte que leurs luttes influent sur leurs
thérapies ou sur une thérapie en particulier, ce qui déclenche et laisse des pro-
blèmes en suspens. Évidemment, nous ne pouvons pas emmener nos patients
là où nous ne pouvons pas aller nous-mêmes. À cet égard, chacun d’entre nous
a ses propres limites. Cependant, dans les cas où le thérapeute a un trouble
traumatique complexe actif, une supervision et une thérapie intensives sont
fortement recommandées, en mettant l’accent sur les limites, la gestion du
contre-transfert et une bonne prise en charge personnelle. Certains théra-
peutes devront peut-être s’abstenir de traiter les patients traumatisés, au moins
jusqu’à ce qu’ils aient mieux résolu leurs propres histoires. Sinon, ils peuvent

72 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


inconsciemment utiliser le patient « pour accomplir une maîtrise indirecte
de leurs propres problèmes non résolus », et ensuite se sentir débordés (Kluft,
1994a, p. 127). De telles décisions devraient être prises en consultation avec
son propre thérapeute et un superviseur ou un consultant.

5. Les effets néfastes du traitement


du traumatisme sur le thérapeute
Beaucoup de littérature traite du bilan émotionnel de la thérapie du traumatisme
chez les thérapeutes (p. ex., Allen, 2001 ; Figley, 2013 ; Pearlman et Saakvitne,
1995 ; Rothschild, 2006 ; Wilson et Lindy, 1994). Être assis heure après heure,
jour après jour, auprès de la souffrance nous affecte assurément, tant émotion-
nellement que physiquement. Nous pouvons rencontrer l’un des pièges mortels
du thérapeute : « Quand je rentre à la maison après d’intenses interactions toute
la journée, tout ce que je veux, c’est la paix et la tranquillité, et ne parler à per-
sonne. » Cela peut conduire à l’isolement et à une qualité de vie relativement
médiocre. Il est crucial pour les thérapeutes de trouver des moyens de se rechar-
ger et de veiller à ne pas être régulièrement vidés par le travail.

CONCEPT CLÉ

Les thérapeutes sont sujets à des burn-out et à une traumatisation vicariante. Prendre
soin de soi de manière régulière est essentiel pour maintenir un espace personnel et pro-
fessionnel entretenu de façon cohérente, ouverte et dynamique.

Chaque thérapeute devrait connaître les premiers signes d’épuisement pro-


fessionnel et de traumatisation vicariante. Certains d’entre eux incluent le déses-
poir, une diminution des expériences de plaisir, de l’irritabilité, du stress et de
l’anxiété constante, de l’hypervigilance et un sentiment d’insécurité, de l’insom-
nie ou des cauchemars, et une attitude négative omniprésente. Ces symptômes
peuvent avoir des effets néfastes sur le thérapeute, tant sur le plan professionnel
que personnel. Ils peuvent conduire à une efficacité en baisse chez les patients,
à l’incapacité de se concentrer et aux sentiments d’incompétence et de doute.
Les thérapeutes excessivement consciencieux, perfectionnistes et se donnant
sans limites adéquates sont peut-être plus susceptibles de souffrir d’un burn-out ou
d’un traumatisme vicariant. Ceux qui ont des relations pauvres ou limitées ou des
niveaux élevés de stress dans leur vie personnelle sont plus susceptibles de déve-
lopper ces problèmes. La façon dont les thérapeutes gèrent leurs émotions et leurs
niveaux de stress est cruciale pour leur bien-être. L’acceptation compassionnelle
des expériences intérieures est aussi importante pour les thérapeutes que pour
les patients. Les thérapeutes qui évitent leurs émotions ou qui ne peuvent pas

Le thérapeute suffisamment bon 73


garder leurs émotions à un niveau tolérable sont plus susceptibles de souffrir et ont
davantage tendance à contribuer à une thérapie qui déraille. Nous discuterons des
suggestions pratiques pour la régulation de l’émotion au chapitre 3.

Tolérer l’intolérable : supporter la crise existentielle


Faire face à un traumatisme horrible soulève inévitablement des problèmes exis-
tentiels, des questions sans réponse mais essentielles sur l’existence et son sens,
la solitude et l’isolement, la souffrance et la douleur, la liberté et la responsabi-
lité, la mort et la mortalité (Yalom, 1980). Les thérapeutes doivent être prêts
à s’attaquer à ces problèmes eux-mêmes et ne pas être satisfaits des réponses
trop simplistes pour leurs patients. Parfois, la réponse est longue et lente à venir,
changeant et évoluant au fil du temps. Parfois, la réponse est qu’il n’y a pas
de réponse, et la question devient « Comment, alors, devons-nous vivre sans
réponse ? » Être capable de s’asseoir avec les patients en crise existentielle pro-
fonde sans avoir une réponse rapide et simple est une condition préalable à un
thérapeute suffisamment bon (Steele, 1989, 2009 ; Yalom, 1980).

-FTFOT
• Que signifie mon histoire ?
• Ma vie a-t-elle de la valeur ?
• Quel est mon but dans ma vie ?
• Pourquoi des choses terribles se passent-elles ?
-BTPVGGSBODF
• Pourquoi dois-je souffrir à ce point ?
• Quel est le sens de la souffrance et de la douleur ?
• Puis-je retirer du bien de ma souffrance et de celle des autres ?
-JTPMFNFOU
• Je suis seul dans ma peau.
• Personne n’est capable de réellement comprendre ce que c’est d’être moi.
• Dans les moments de souffrance, j’ai été complètement seul et c’était intolérable.
• Je ne suis ni vu ni entendu par les autres.
-BMJCFSUÏFUMBSFTQPOTBCJMJUÏ
• Je suis finalement responsable de moi-même, et cela me terrifie.
• Je ne suis pas du tout sûr d’être libre de faire des choix.
• Je devrais être capable de faire ce que je veux, parce que j’ai été privé de liberté
pendant si longtemps.
• Être responsable me dépasse.
• Il y a trop de choix.
• Je ne pense pas avoir de choix.
• Je ne peux pas mener ma vie si d’autres ont des besoins et des demandes vis-à-vis
de moi.

74 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


-BNPSUFUMBNPSUBMJUÏ
• La vie a une durée limitée, et cela me terrifie.
• J’ai peur de mourir.
• Quel est le sens de faire un effort si nous mourons de toute façon ?
• Je suis trop vieux ; cela n’a pas de sens d’essayer d’aller mieux.
• Je me sens déjà mort.

TABLEAU 2.2
Sujets existentiels pour les patients et les thérapeutes

6. Propre prise en charge du thérapeute


Les thérapeutes passent beaucoup de temps dans les séances à soutenir leurs
patients pour que ceux-ci s’occupent mieux d’eux-mêmes. Le thérapeute pra-
tique-t-il la même chose pour lui-même ? Bien souvent pas. Prendre soin de soi
de manière physique, relationnelle et émotionnelle ainsi que pouvoir mainte-
nir un équilibre et une perspective relativement sains dans la vie sont pourtant
essentiels pour être un thérapeute suffisamment bon. Et, si c’est important pour
un thérapeute particulier, s’occuper de soi sur un plan spirituel peut aussi être
primordial. Il est certainement nécessaire d’explorer et de trouver des moyens
de coexister avec des questions existentielles, telles que la mort, la souffrance,
le sens et la solitude, avec ou sans structure spirituelle ou religieuse. Ceux qui
ne trouvent pas ou ne peuvent pas trouver un équilibre adéquat ou s’occuper
suffisamment d’eux-mêmes sont plus enclins aux violations des limites, aux
pièges du contre-transfert, à l’épuisement professionnel et à la traumatisation
vicariante.
Ne pas s’occuper de soi personnellement nous rend particulièrement vulné-
rable parce que notre travail en tant que thérapeute est très stressant. En fait,
être un thérapeute est considéré comme l’un des emplois les plus stressants,
selon la plupart des mesures de tolérance au stress, vu les conséquences prove-
nant d’erreurs, de contraintes de temps et de salaires (Giang, 2013). Les thé-
rapeutes écoutent des histoires douloureuses et parfois dévastatrices de cruauté
humaine, d’injustice et de souffrances intolérables. Ils travaillent avec des
personnes profondément troublées et ont de lourdes responsabilités pour leur
sécurité et leur bien-être, tout en n’ayant aucun contrôle sur ce qu’ils décident
finalement de faire. Même s’ils ont des collègues et des superviseurs, les thé-
rapeutes travaillent de manière complètement isolée à chaque heure de thé-
rapie. Ils sont constamment confrontés à des problèmes éthiques, juridiques,
de confidentialité et de traitement très complexes et obscurs. Ils doivent se
tenir au courant d’une profusion extraordinaire de nouvelles recherches et de
l’évolution des recommandations de traitement. Les thérapeutes doivent géné-
ralement adhérer aux critères les plus élevés, car leur identité individuelle est

Le thérapeute suffisamment bon 75


leur outil thérapeutique le plus efficace. Enfin, les thérapeutes sont exposés
aux caprices de l’empathie physiologique, reflétant dans leur propre corps les
expériences somatiques et affectives inconfortables de leurs patients (Wilson
et Thomas, 2004).
Le thérapeute qui s’occupe de soi établit le fondement sur lequel sont
construites de bonnes limites et d’excellentes pratiques thérapeutiques. C’est à
partir de ce fondement que découle la capacité de revenir maintes et maintes
fois pour être présent avec les patients sans ressentiment, peur, culpabilité ou
anxiété. La prise en charge personnelle du thérapeute, bien qu’imparfaite, peut
servir de modèle important pour le patient.

7. Explorations supplémentaires
1. Êtes-vous en mesure de comprendre que vous avez de nombreuses
caractéristiques d’un thérapeute suffisamment bon ? Dressez-en une
liste. Si vous n’êtes pas sûr, demandez à des collègues de vous faire part
de leurs commentaires.
2. Ensuite, faites une liste des qualités que vous souhaitez améliorer ou
atteindre. Incluez des objectifs spécifiques et un calendrier.
Exemple : J’aimerais reconnaître et définir des limites avec un patient qui
m’appelle tout le temps. Durant la semaine prochaine, je vais réfléchir et
parler avec mon superviseur au sujet des limites importantes pour moi,
mais que j’ai difficile à poser. Je vais m’exercer avec un collègue à propos
de ce qu’il faut dire exactement à mon patient et je vais m’exercer à rester
calme et compassionnel, mais ferme. Dans ma thérapie personnelle, je
vais explorer ce qui m’est difficile dans le fait de poser ces limites.
3. Énumérez cinq façons dont vous vous occupez régulièrement de vous-
même. Ensuite, énumérer cinq façons dont vous pourriez améliorer
votre prise en charge personnelle. Comment commenceriez-vous à les
mettre en pratique dans votre vie ?
4. Établissez la liste des limites du tableau 2.1 « Exploration des limites
thérapeutiques ». Prenez le temps de réfléchir sur vos frontières et vos
limites, peut-être en examinant quelques problèmes chaque semaine.
Réunissez-vous avec vos collègues et discutez-en, le tableau 2.1 faisant
office de guide.

76 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


cHAPITRE 3
La relation
thérapeutique : sécurité,
menace et conflit

Même si un thérapeute est capable de passer à travers les défenses


interpersonnelles d’un patient et parvient à être considéré comme
gentil ou attentionné, le patient est jeté dans un conflit plus
interne, essayant de jongler avec le sentiment fragile que le théra-
peute est bienveillant et la certitude que le thérapeute l’utilisera
ou l’abandonnera.
James Chu (2011, p. 161)

La plupart des patients souffrant de troubles dissociatifs sont en conflit dans


la connexion de base avec le thérapeute, et ce à partir du premier contact.
Ils peuvent sembler excessivement conformes, ambivalents, anxieux ou
craintifs, distraits, agressifs ou dépersonnalisés lors des premières séances.
Les conflits internes au sujet du thérapeute peuvent rapidement s’intensi-
fier, car il s’agit d’une relation à la fois angoissante et menaçante. En fait,
les relations sont des déclencheurs primaires qui évoquent des souvenirs de
traumatismes interpersonnels, de sorte que les patients peuvent facilement
et tout simplement être submergés au moment d’entrer dans le cabinet de
consultation. Certaines parties dissociatives du patient sont activées pour se
connecter de manière frénétique et demander de l’aide, tandis que d’autres
sont simultanément craintives du lien ou punitives vis-à-vis des parties qui

La relation thérapeutique : sécurité, menace et conflit 77


recherchent l’aide du thérapeute. Ainsi, les façons dont les thérapeutes
abordent le patient lors de la première séance peuvent soit soutenir la régu-
lation, soit augmenter la guerre intérieure.

1. L’attachement et les défenses


dans la relation thérapeutique

CONCEPT CLÉ

Les relations, y inclus la relation thérapeutique, sont des déclencheurs majeurs pour la
réactivation des souvenirs traumatiques. Après tout, les expériences traumatiques des
patients sont souvent survenues dans un contexte de relations importantes, et certaines
de leurs blessures traumatiques les plus graves comprennent l’abus, la négligence et la
trahison dans ces relations.

L’attachement et les défenses sont des motivations primaires et contradictoires


qui influencent la dynamique dans la relation thérapeutique. Les approches
thérapeutiques au début du traitement devraient viser à réduire ces conflits
de telle façon que ni la phobie de l’attachement ni celle de la perte de l’atta-
chement ne soient trop intenses ou menaçantes pour le patient. Les schémas
relationnels et les réactions transférentielles chez les traumatisés chroniques
sont souvent fondés sur les défenses animales de base de fuite, combat, gel,
affaiblissement, évanouissement et d’autre part sur le besoin de se lier fiable-
ment, comme décrit dans le chapitre 1. Les thérapeutes peuvent soutenir la
régulation chez leurs patients considérés dans leur globalité et en particulier au
sein de leurs parties dissociatives en travaillant directement avec ces systèmes
motivationnels ou systèmes d’action.

CONCEPT CLÉ

Les patients sont saisis dans un impossible conflit d’attachement, entre un grand désir de
relation thérapeutique et une défense contre cette même relation. Les thérapeutes de-
vraient éviter d’activer intentionnellement le système d’attachement du patient jusqu’à
ce qu’un degré raisonnable de stabilisation et de régulation d’affect soit possible.

Les patients espèrent être parfaitement compris et que les thérapeutes


répondent à leurs besoins, sans détresse ni mauvais accordage, ou risque de
vulnérabilité. Toutefois, ils craignent que le thérapeute ne puisse jamais vrai-
ment les comprendre ou être fiable. La relation doit donc être évitée à tout
prix afin d’empêcher toute détresse, un mauvais accordage, des erreurs, ou le
risque fragilisant d’accentuer la honte. Un type particulier de stratégie d’at-

78 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


tachement insécurisé appelé attachement désorganisé/désorienté ou attache-
ment de type D se développe lorsqu’un enfant est sérieusement bouleversé ou
menacé dans une relation instable avec les adultes qui s’occupent de lui.

2. Attachement de type D et le conflit central


sécurité versus danger
Comme observé dans le chapitre 1, l’attachement de type D implique un conflit
insoluble entre le besoin de se défendre et de s’attacher avec la même personne.
La plupart des parties dissociatives sont donc dans une large mesure organisées
par différents systèmes d’action et stratégies qui guident les patients soit vers la
recherche de l’attachement, soit vers la défense face à la menace. Les patients
peuvent également utiliser les stratégies d’offre de soin et de hiérarchisation
(domination/soumission) comme moyen de maintenir l’attachement.

2.1. Les stratégies contrôlantes/punitives et contrôlantes/


attentionnées
Deux stratégies majeures émergent de l’attachement désorganisé : la stra-
tégie contrôlante/punitive et la stratégie contrôlante/attentionnée (Liotti,
2011 ; Main et Cassidy, 1988). Dans la stratégie contrôlante/punitive, l’en-
fant, ou au moins une partie dissociative, apprend à engager défensivement
l’adulte qui s’occupe de lui dans une lutte pour le pouvoir de domination.
Ces patients, ou parties dissociatives, peuvent être en colère, obstinés et
très exigeants face au thérapeute et d’autres personnes qui l’entourent. Dans
la stratégie contrôlante/attentionnée, l’enfant, ou les parties dissociatives,
adopte apparemment un rôle de soumission, mais en réalité prend soin de
l’adulte qui s’occupe de lui. Les deux stratégies ont pour but d’aider l’enfant
à recevoir ce dont il ou elle a besoin.
En effet, les parties dissociatives peuvent manifester l’une ou l’autre de
ces stratégies. Elles représentent généralement deux faces d’une même pièce,
l’une étant au-devant de la scène et l’autre plus implicite. Lorsqu’une partie est
activée, le conflit à l’intérieur s’ensuit. Par exemple, lorsqu’une partie contrô-
lante/attentionnée est solidaire de l’adulte qui s’occupe d’elle, la colère et le
ressentiment bouillonnent souvent de manière sous-jacente et peuvent éven-
tuellement éclater vers l’extérieur ou vers l’intérieur. Et lorsqu’une partie en
colère et punitive passe à l’acte à l’intention de l’adulte qui s’occupe de lui, une
partie contrôlante/attentionnée prend peur que celui-ci soit repoussé, exerce
des représailles ou abandonne l’enfant. Les thérapeutes doivent être conscients
des deux types de stratégies et de leur façon de se séquencer entre les parties
dissociatives. Sinon, ils peuvent être confus lorsqu’un patient apparemment

La relation thérapeutique : sécurité, menace et conflit 79


attentionné se met soudain en colère, ou vice versa. Le thérapeute devrait
explorer la dynamique entre les deux positions au lieu d’apaiser le patient ou
de s’occuper d’une stratégie sans s’occuper de l’autre.

2.2. Parties fixées dans la défense


Les patients se sont conditionnés au fil du temps pour réagir aux autres comme
si ceux-ci étaient dangereux, souvent parce que certaines parties dissociatives
et leurs souvenirs traumatiques respectifs ont été réactivés, et leur capacité à
évaluer la menace avec précision est altérée. Beaucoup de parties dissociatives
(mais pas toutes) sont fixées ou bloquées dans des défenses particulières, dont
chacune a sa propre série limitée d’émotions, de comportements, de prédic-
tions, de perceptions, de croyances et de modèles décisionnels. De manière
implicite, certaines parties interprètent erronément la présence d’un danger ou
d’une menace d’ordre vital et peuvent ne pas percevoir des indices de sécurité
(neuroception défaillante). Elles sont incapables de distinguer le passé trauma-
tique du présent sécurisé. Pour ces parties des patients, le moment présent est
obscurci ou effacé par des souvenirs traumatiques implicites (ou explicites) ou
par des événements dans lesquels ils devaient s’engager dans la défense. Ainsi,
elles vivent en permanence au temps du traumatisme. Chaque partie dissocia-
tive d’une personne a une organisation particulière quant à la menace et aux
réponses d’ordre relationnel. Les parties dissociatives liées à la menace sont
généralement activées dans des situations sociales ou relationnelles, indépen-
damment du degré de gravité des situations, car, comme indiqué précédem-
ment, les relations elles-mêmes ont été traumatisantes.
D’autres parties du patient sont hostiles et s’engagent dans des attaques
verbales (ou parfois physiques) contre le thérapeute ou le patient (stratégies de
contrôle/punition). Les parties hostiles prédisent que le thérapeute sera intru-
sif, peu digne de confiance et inutile dans le meilleur des cas, abusif et exploi-
tant au pire. Elles dédaignent les parties plus vulnérables ou démunies, car elles
représentent l’impuissance que les parties hostiles ne supportent pas de res-
sentir. Certaines parties adulte rejettent complètement l’attachement comme
non pertinent et se retirent dans les défenses intellectuelles et les activités
(p. ex., le travail), en insistant sur le fait que la thérapie ne les intéresse pas.

2.3. Parties fixées dans les pleurs d’attachement


et les comportements de recherche de l’attachement
Les parties dissociatives enfant sont souvent (mais pas toujours) organisées
autour de la recherche de l’attachement pour se protéger ou sont terrifiées et
engagées dans la sidération, la fuite ou l’effondrement. Elles cherchent déses-
pérément de l’aide ou de l’attention, mais lorsque celles-ci sont offertes, elles

80 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


sont souvent incapables de vraiment l’accepter. Elles peuvent essayer de satis-
faire ou d’apaiser le thérapeute (les stratégies contrôlantes/attentionnées) et
réagissent souvent intensément au rejet ou à l’abandon perçus.
Le conflit entre l’attachement et la défense met de plus en évidence l’évite-
ment phobique entre les parties. Par exemple, les parties fixées dans le combat
détestent généralement les parties qui sont fixées dans les pleurs d’attachement
et la recherche d’attachement. Elles trouvent les parties enfant répugnantes
et faibles. Les parties enfant trouvent que de nombreuses parties du patient
manquent de compassion, et elles se sentent négligées par elles.
Certaines parties dissociatives sont totalement incapables de percevoir la
menace, ou la perçoivent et se ferment ensuite complètement. Les patients
peuvent rechercher l’attachement et sont alors vulnérables à l’exploitation
et à une victimisation ultérieure. La croyance d’autres parties qu’on ne peut
faire confiance à personne s’en trouve renforcée, et plus important encore, les
patients croient qu’ils ne peuvent même pas se faire confiance à eux-mêmes.

2.4. La dissociation et la relation thérapeutique

CONCEPT CLÉ

La dissociation n’est pas seulement une expérience intérieure, elle est une réponse à ce
qui se passe dans la relation au moment présent. Le thérapeute devrait ainsi toujours
considérer ce qui peut survenir en réaction à la relation thérapeutique au moment où
survient une alternance de personnalité ou un conflit plus intense entre les parties ainsi
que lorsque les défenses innées sont activées.

La dissociation n’est pas seulement un phénomène intrapsychique, mais aussi


interpersonnel, le patient étant très réactif à ce qui se passe dans les relations
dans le présent (Allen, 2001 ; Liotti, 2009 ; Nijenhuis, 2015 ; Steele et Van
der Hart, 2013 ; Steele et al., 2001). En fait, le trouble dissociatif de l’identité
(TDI) a été correctement décrit comme un trouble de l’attachement dévelop-
pemental (Barach, 1991). Allen a noté que la dissociation implique des alter-
nances dans les modèles de dépendance (2001, p. 192). L’activation des parties
dissociatives est également liée à ce que les patients, ou certaines parties du
patient, perçoivent, même si elles peuvent ne pas avoir des représentations
précises de ce qui se passe réellement. Par exemple, lorsqu’une partie dissocia-
tive est fixée dans le combat, le patient est en colère et sur-activé, il s’attend
à ce que le thérapeute attaque (verbalement ou physiquement) et ne veut pas
établir de lien avec les autres. Lorsqu’une partie est bloquée dans la stupeur, le
patient est incapable de bouger ou de parler et est terrifié, dans l’attente d’un
danger imminent. De toute évidence, les patients dissociatifs s’engagent dans
des défenses dans les relations, et ceci de manière plutôt littérale (p. ex., en

La relation thérapeutique : sécurité, menace et conflit 81


devenant physiquement enragés ou en sortant en courant de la séance ou en
entrant en somnolence ou devenant confus) ou de façon plus subtile (p. ex.,
en évitant de manière magistrale des sujets qui évoquent la détresse). Les thé-
rapeutes peuvent également s’engager dans ces défenses quand ils se sentent
dépassés, incompétents, menacés ou impuissants avec un patient.
Les patients dissociatifs peuvent ressentir une panique lorsqu’ils se
sentent seuls ou abandonnés. Le comportement des pleurs d’attachement est
susceptible d’être activé lorsque la séance se termine et que le patient quitte
le bureau ou après une rupture (perçue) dans la relation. Le patient peut
fréquemment appeler ou envoyer un courriel au thérapeute lors de crises et
demander des séances supplémentaires. Les pleurs d’attachement peuvent
également être activés, par exemple, lorsque le thérapeute ne travaille pas ;
lorsque les patients sont seuls, en particulier les nuits et les week-ends ;
lorsque d’autres personnes pourraient être moins disponibles ; ou lorsque les
patients sont laissés avec leur tourmente intérieure écrasante (Steele et Van
der Hart, 2013 ; Steele et al., 2001).
Malheureusement, ces comportements sont souvent qualifiés de manipu-
lateurs. Ils expriment tous les efforts effectués pour atteindre la sécurité par la
prise en charge et l’attachement au thérapeute, et représentent une tendance
légitime et innée. Les parties dissociatives fixées dans les pleurs d’attachement
sont déconnectées des ressources intérieures adultes qui pourraient être apai-
santes et utiles, et le patient ne maîtrise souvent pas bien l’auto-apaisement.
Nous discuterons davantage de la façon de travailler avec les pleurs d’attache-
ment dans les chapitres 13 et 14, car ils se trouvent à la racine des problèmes
de dépendance en thérapie. C’est une question difficile et omniprésente chez
de nombreux patients qui ont un trouble dissociatif.

3. Les implications thérapeutiques


des conflits de l’attachement et de défense
dans la relation thérapeutique
Les défenses contre le danger, la menace d’ordre vital et la perte d’attachement
sont essentielles à comprendre, car elles ont d’importantes implications sur
le traitement. Lorsque les patients ou des parties dissociatives particulières se
sentent en danger, elles ne recherchent pas l’attachement en soi, mais plu-
tôt la sécurité. Ainsi, il est essentiel que les thérapeutes assurent la sécurité
avant l’attachement et offrent de la curiosité et une collaboration plutôt que
la dépendance. Bien sûr, le système d’attachement du patient est déjà activé
du simple fait de venir voir le thérapeute, mais il en est de même des défenses
contre l’attachement. La clé réside dans l’évitement des thérapeutes à activer
l’un ou l’autre aspect de façon intentionnelle. Les patients qui manifestent

82 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


un attachement de type D requièrent un équilibre particulier de présence
constante et prévisible de la part du thérapeute. Celui-ci doit trouver un équi-
libre entre être :
• trop chaleureux et proche, ou trop clinique et distant ;
• trop curieux et sondant, ou tellement désintéressé qu’il est incapable de
clarifier l’expérience du patient et de comprendre l’organisation disso-
ciative interne du patient ;
• structuré de manière trop directive ou rigide ou trop dédié à suivre les
errances d’évitement du patient en séance ;
• trop ou trop peu expressif émotionnellement, non réactif.

CONCEPT CLÉ

Il est important que les thérapeutes comprennent les défenses contre le danger et la
menace d’ordre vital, car celles-ci ont de nombreuses implications sur le traitement et
organisent souvent les parties dissociatives de manière considérable. Les parties dissocia-
tives sont souvent en conflit l’une avec l’autre sur la question de savoir si l’attachement
avec le thérapeute est sécurisé ou non.

ll est essentiel que les thérapeutes comprennent pourquoi les parties


dissociatives sont bloquées dans les défenses physiques habituelles et leur
façon de se manifester (voir le tableau 1.1 au chapitre 1) afin qu’ils puissent
aider les patients à apprendre à s’engager différemment. Les thérapeutes
doivent savoir quand aider les patients à augmenter ou à diminuer leur
niveau d’activation et par quelle intervention. Par exemple, lorsqu’une
partie de la patiente fixée dans le combat domine, les thérapeutes devraient
aider à créer de la sécurité avant de créer le lien, en reculant un peu et sans
être agressif. L’idée est d’aider cette partie du patient à passer d’un état
physiologique hautement activé à un état physiologique plus modulé. De
même, un patient (ou une partie dissociative) dans un état de faiblesse dor-
so-vagale ne bénéficiera pas d’interventions cognitives ou de techniques de
relaxation, car la pensée est supprimée, et la relaxation ne fait qu’accroître
la sous-activation (Schauer et Elbert, 2010). Au lieu de cela, le patient a
besoin d’un mouvement progressif et d’une orientation sensorielle vers le
présent sécurisé. Un patient (ou une partie dissociative) en mode fuite ou
combat ne bénéficiera pas des stratégies d’attachement et des déclarations
concernant les soins à son égard, car le système d’engagement social est
désactivé et le thérapeute est perçu comme une menace. Il est donc préfé-
rable d’offrir d’abord au patient une distance respectueuse afin de créer une
sécurité et de réduire l’activation, pour ensuite se montrer curieux de ce
qui stimule la défense à ce moment-là, une fois que le patient peut observer
et n‘est plus submergé par l’émotion. Alors, si le thérapeute doit offrir une

La relation thérapeutique : sécurité, menace et conflit 83


réparation, celle-ci peut se faire lorsque le patient est davantage régulé et
peut réellement la recevoir.
Une mise en garde est à signaler : le switching, les flash-back, les conflits
internes entre les parties et les crises quotidiennes peuvent être causés par de
nombreux facteurs. Cependant, il arrive parfois que le contenu de ces expériences
serve de véhicule au patient pour chercher le lien avec le thérapeute (par cour-
rier électronique, par téléphone ou pendant les séances). Ainsi, le thérapeute
doit parfois répondre aux besoins de dépendance sous-jacents en plus de soutenir
le patient dans l’apprentissage de la gestion du contenu de ces expériences.
La relation est si lourde de conflits et de menace pour les patients dissociatifs
que les thérapeutes doivent examiner le paradigme de l’attachement qu’ils uti-
lisent généralement en thérapie – c’est-à-dire un modèle d’attachement parent
enfant. Au lieu de cela, il pourrait être plus utile d’établir une relation de col-
laboration entre le thérapeute et le patient avant que les problèmes d’attache-
ment ne deviennent un point focal explicite (Cortina et Liotti, 2010, 2014 ;
Steele, 2014 ; voir chapitre 4). Ceci offre une manière plus sûre de travailler
des problèmes d’attachement profondément douloureux sans activer trop rapi-
dement des émotions qui bouleversent le patient. En fait, le simple contact avec
le thérapeute au début de la thérapie peut accabler les patients dissociatifs, car
la perspective de travailler en étroite collaboration avec quelqu’un d’autre pour
obtenir de l’aide active tant l’attachement que la défense. Le prochain chapitre
est consacré à la raison de l’utilité d’une approche relationnelle collaborative.

4. Remises en scène relationnelles


La nature des remises en scène a été discutée dans le chapitre précédent. On
peut penser que les parties dissociatives sont des personnages ou des rôles dans
les remises en scène traumatiques. Par exemple, la partie enfant dans le besoin
est dans le rôle de victime qui cherche le thérapeute sauveur pour l’aider et
le protéger. La partie hostile et punitive est dans le rôle de l’auteur et tente
de blesser émotionnellement le thérapeute en raison des expériences passées.
Pour cette partie, il est préférable de blesser les autres avant d’être blessée par
eux. Avec ces types de parties, le thérapeute assume implicitement le rôle d’un
enfant blessé, ou joue le rôle d’agresseur et riposte.
Lorsqu’une des dyades thérapeutiques adopte un rôle, l’autre est implicite-
ment poussé à agir dans un rôle correspondant (Bromberg, 2006, 2011 ; Chefetz,
2015 ; Davies et Frawley, 1994 ; Frank, 2002 ; Frawley-O’Dea, 1999 ; Howell,
2005, 2011 ; Schore, 2012). Les thérapeutes peuvent remettre en scène leurs
propres histoires, ou des aspects qui ne sont pas encore bien intégrés (Bromberg,
1998, 2006 ; Wallin, 2007). Les thérapeutes doivent comprendre les expériences
passées qui façonnent leurs propres perceptions des patients, ce qui forme les per-
ceptions du patient d’eux-mêmes et la façon dont le passé des deux se croisent et

84 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


s’entrelacent, même si le patient et le thérapeute essaient de rester bien présents
dans la pièce ensemble. La figure 3.1 énumère un certain nombre de remises en
scène dyadiques auxquelles le thérapeute devrait être attentif.

Négligent Négligé, en demande ou évitant


Agresseur sadique Victime masochiste
Apaisant effrayé Contrôlant/punitif, revendicateur
En demande, absorbé en soi Contrôlant/attentionné
Envahi anxieux Envahi anxieux
Repli sur soi évitant Repli sur soi évitant
Intrusif, persécuteur Repli sur soi évitant
Sauveur idéalisé Victime impuissante et en demande
ou revendicatrice
Humiliant, critique Honteux, incompétent, inadéquat
Submergé, frénétique Inconsolable
Séducteur (pas seulement sexuel) Séduit
Véritablement croyant Véritablement sceptique

F IGURE 3.1
Remises en scène relationnelles communes
entre thérapeute et patient
Extrait de Treating the Adult survivor of sexual abuse : a psychoanalytic perspective, by J. M. Davies
et M. G. Frawley, 1994, New York, NY : Basic Books. Copyright 1994 par Basic Books. Adapté
avec permission.

Résoudre les remises en scène relationnelles


Il existe de nombreuses façons de travailler avec les remises en scène d’une manière
collaborative. La première étape pour les thérapeutes, celle qui est souvent la plus
difficile, est la prise de conscience qu’une remise en scène a lieu. Prendre l’habitude
de porter son attention sur les rôles et schémas relationnels dans lesquels le théra-
peute se retrouve avec un patient, est la meilleure façon de reconnaître les remises
en scène. Mais il est coutumier dans la thérapie que, souvent, les reconstitutions
ne sont reconnues par le thérapeute qu’après avoir occupé un rôle particulier pen-
dant un certain temps. Parfois, les thérapeutes sentent qu’une remise en scène se
produit, mais ils ne connaissent pas l’histoire réelle à partir de laquelle elle émerge.
Recourir à des consultations et des supervisions régulières est essentiel pour que
les thérapeutes reconnaissent et travaillent des remises en scène implicites, ce qui
peut s’avérer très subtil. Dans le tableau 3.1, vous trouverez quelques façons de
reconnaître et de résoudre les remises en scène.

La relation thérapeutique : sécurité, menace et conflit 85


• Guettez l’expérience que vous avez du patient ainsi que vos réactions dans les séances,
y compris vos fantasmes et rêveries.
• Si vous remarquez que votre ressenti est inhabituel pour vous, prêtez-y particulièrement
attention. Par exemple, notez si vous commencez à avoir des images inaccoutumées,
à vous sentir à cran avec le patient, ou si vous commencez à vous sentir subitement
triste durant ou après la séance sans aucune raison apparente, ou encore si vous
appréhendez la séance ou vous sentez désespéré. De telles expériences peuvent être
une indication d’une remise en scène.
• Observez et soyez curieux de l’expérience du patient. Que se passe-t-il dans le corps
du patient (tonus musculaire, posture ou mouvement inhabituel, mouvements sté-
réotypés, comme un poing frappant légèrement et de manière répétitive le divan) ?
• Renseignez-vous sur ce que le patient pense, perçoit ou prévoit quant à vous. Que
ressent le patient dans le contexte de la relation ici et maintenant ?
• Observez si des parties dissociatives sont en conflit. Par exemple, le patient semble-t-il
veiller aux voix ou aux parties à l’intérieur de lui ? Le patient semble-t-il bloqué inté-
rieurement lorsqu’il essaie de parler en séance ? Y a – t-il eu un switch soudain ou une
intrusion partielle ? Des interactions spécifiques entre les parties dissociatives sont
souvent la première indication de ce qui est remis en scène, même si le patient ne se
rappelle pas ou ne peut formuler par des mots adéquats ce qui s’est passé.
• Aidez les parties dissociatives à se reconnaître et s’accepter chacune avec compassion
ou, au moins au départ, sans esquives ou attaques ouvertes. Pour chaque partie du
patient, facilitez graduellement la compréhension du point de vue des autres parties.
• Soutenez le patient à exprimer ses préoccupations, ses sentiments ou ses souhaits à
votre propos, vous le thérapeute. Accepter cela avec compassion et sans jugement,
tout en aidant le patient et vous-même à ne pas agir sur vous-mêmes.
• Demandez au patient si ce qu’une partie ressent dans l’expérience présente lui est
d’une certaine façon familière. Si oui, demandez-lui si lui ou sa partie aimerait partager
quelque chose par rapport à ce qui lui est familier et si ce serait acceptable pour toutes
les parties. Si cela ne l’est pas, le thérapeute peut alors explorer ce conflit parmi les
parties, se renseigner sur les préoccupations en cas de partage.
• Conservez cette conscience de votre propre expérience : vos pensées, fantasmes,
émotions, sensations et postures.
• Si vous sentez que vous êtes sur la défensive, observez-le, mais essayez d’agir en fonction.
C’est un signal qui peut vous donner plus d’information sur la remise en scène.

TABLEAU 3.1
Résoudre les remises en scène relationnelles

$BTEFSFNJTFFOTDÒOFNVUVFMMF.ZSJBNFU+VMJF

Myriam est une thérapeute qui a des antécédents de négligence par sa mère. Très tôt,
Myriam a appris qu’elle devait être autonome et ne jamais demander d’aide, et
finalement elle était fière de sa capacité à faire face à la vie toute seule, avec succès.
Bien que Myriam fût très efficace, elle n’avait pas encore totalement reconnu ses besoins
ou sa colère face à des besoins non comblés dans l’enfance. Elle avait développé une
stratégie contrôlante/attentionnée, jusqu’à un certain degré.

86 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Sa patiente, Julie, avait des antécédents de négligence extrême. Une partie de Julie
réagissait à cette négligence de façon très régressive, se sentant dans son droit, insistant
souvent rageusement pour que Myriam comble de nombreuses demandes inappropriées.
De plus, Myriam devait tempérer ses colères lorsque Julie ne recevait pas ce qu’elle voulait
(une stratégie contrôlante/punitive). Une autre partie de Julie trouvait qu’elle ne méritait
aucune aide. Sans le vouloir, Myriam s’alignait avec la partie de Julie qui essayait de ne
jamais demander de l’aide, et se sentait complètement révoltée devant la partie exigeante
et démunie de Julie, qui était dans une stratégie contrôlante/punitive vis-à-vis d’elle.
Myriam était prise dans une double remise en scène : elle jouait le rôle de sa propre mère
négligente qui ne discernait pas ses besoins, et le rôle de la mère de la patiente. Elle s’est
alliée avec la partie de la patiente qui niait tout besoin, car c’était une stratégie d’adaptation
bien connue et précieuse en elle de démentir ses propres besoins. Cette alliance avec une
partie de la patiente soutenait Myriam et sa patiente dans la perpétuation de l’évitement de
l’acceptation de leurs propres besoins et du deuil à faire des besoins émotionnels essentiels
non comblés dans l’enfance. En supervision, Myriam était capable de reconnaître ce qui était
en train de se produire : « Je rejette la partie de la patiente qui est en colère et démunie, et
je me range du côté de la partie qui insiste sur le fait qu’elle n’a pas besoin d’aide. Et je rejoue
le rôle de la mère négligente, la mienne et celle de ma patiente ! Et j’empêche ma patiente
d’accepter ses propres besoins, colère et chagrin. Je réalise que peut-être j’évite ma propre
honte, ma rage et mes besoins en étant dégoûtée par les demandes justifiées de ma patiente.
En reniant ses besoins et sa colère, je peux continuer à éviter les miens. »
Heureusement, Myriam était une excellente thérapeute avec de fortes capacités de
réflexion et elle réalisa rapidement la remise en scène. Elle fut capable de travailler sur
plus d’acceptation de ses propres besoins, colère et deuil, tout en aidant Julie à exprimer
ses besoins d’une manière plus adaptée. Elle soutint Julie à travailler avec la revendication
justifiée d’une partie et le sentiment de ne pas mériter de l’aide de l’autre partie, ce
qui modéra l’ardeur revendicatrice de Julie et son dégoût de son besoin. Julie devint
plus consciente qu’elle avait un cycle intérieur dans lequel elle jouait sa propre histoire.

Malheureusement, comme nous ne pouvons pas tous être aussi perspicaces


que Myriam ou aussi rapides pour reconnaître ce qui se passe, les thérapeutes
doivent avoir de la compassion pour eux-mêmes et être ouverts au feed-back
de la part de collègues, consultants, superviseurs et de leur propre thérapeute.

5. L’impact de la dérégulation relationnelle


sur le thérapeute
La théorie de l’attachement met l’accent sur le rôle essentiel des thérapeutes
dans l’autorégulation des patients selon un modèle de collaboration : être dans
le moment ensemble. Mais à leur tour, les patients influent sur la régulation
propre du thérapeute, souvent pour le pire. La régulation relationnelle, connue
aussi comme dyadique, interactive ou comme co-régulation, est mutuelle et non
pas unidirectionnelle (Fogel et Garvey, 2007). La régulation relationnelle fonc-
tionne bien lorsque les thérapeutes sont dans leur plein potentiel. Une réponse

La relation thérapeutique : sécurité, menace et conflit 87


non menacée et non menaçante peut réguler un patient en colère ou anxieux à
la baisse ou activer un patient qui s’est bloqué. Toutefois, la co-régulation peut
parfois être tout à fait inutile. En tant qu’êtres humains, les thérapeutes sont
parfois fatigués, frustrés, défensifs, en colère, bouleversés, effrayés, désespérés ou
honteux. Ils ont des défaillances dans la compréhension et la compassion. Dans
ces moments, ils peuvent lutter avec leur propre autorégulation et avoir des
difficultés à gérer l’activation du patient, qui ne fait qu’intensifier leur dérégula-
tion. Cette dérégulation tant du patient que du thérapeute peut résulter en une
« sur-activation croissante mutuelle », comme quand une mère et un enfant
perturbé se renforcent dans leur stimulation (Beebe, 2000, p. 436).

CONCEPT CLÉ

Le thérapeute a un rôle important pour aider le patient à s’autoréguler, et à leur tour, les
patients influencent la régulation du thérapeute durant les séances. La capacité du thé-
rapeute à maintenir la régulation face à la dérégulation du patient est essentielle.

Même lorsque les thérapeutes cherchent à gérer leurs sentiments de contre-


transfert, la régulation émotionnelle continue à être influencée à un niveau
somatique par la physiologie du patient. Wilson et Thomas (2004) ont appelé
cela l’empathie physiologique. Le thérapeute simule implicitement l’état d’esprit
et du corps du patient, comme noté dans le chapitre 2. Le corps du thérapeute
reflète donc la dépression, la tristesse, le désespoir, la colère, la frustration du
patient. Lorsque le patient souffre, le corps du thérapeute répond comme si
le thérapeute souffrait. D’un côté, cela contribue à la compassion, ce qui est
essentiel dans le maintien de la relation indépendamment de l’état d’esprit du
patient (Wilson et Thomas, 2004). D’un autre côté, cela laisse le thérapeute
avec des réactions physiologiques puissantes qui peuvent profondément l’af-
fecter. C’est un processus physiologique normal impliqué dans l’engagement
social et l’attachement qui ne peut être complètement contrôlé. Dès lors, com-
ment les thérapeutes peuvent-ils le gérer ?
Tout d’abord, les thérapeutes doivent apprendre à observer les effets sur
leur corps et leur esprit du fait d’être en présence de leur patient. Une fois qu’ils
reconnaissent, par exemple, qu’ils retiennent leur souffle, qu’ils s’écroulent sur
leur chaise, soupirent, se sentent désespérés ou gardent une expression faciale
plate, ils peuvent consciemment prendre des mesures pour se réguler et s’an-
crer. Cela signifie que les thérapeutes doivent être attentifs à leur propre expé-
rience somatique, même lorsqu’ils sont centrés sur l’expérience du patient. En
d’autres mots, ils doivent être en pleine conscience et présents à eux-mêmes,
ainsi qu’à leurs patients (Cozolino, 2004, 2010 ; Siegel, 2010a, 2010b).
Ensuite, les thérapeutes doivent se focaliser sur l’activation d’expériences
positives dans la thérapie. Ce qui ne signifie pas qu’ils doivent arriver à faire

88 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


rire leurs patients lorsqu’ils souffrent ou les distraire avec quelque chose de
positif. Cela ne veut pas dire non plus que les patients devraient être attentifs
aux leçons positives tirées de ce qui leur est arrivé. Ce dernier point peut être
approprié jusqu’à un certain degré, mais uniquement après que le thérapeute
a voyagé avec les patients à travers leurs souffrances, et si le patient peut leur
donner sens de cette manière. Les thérapeutes se centrent plutôt sur l’aide à
avoir une expérience positive du fait de se sentir compris, du fait d’être avec
leur souffrance, ce qui en soi change la souffrance.
Finalement, les thérapeutes peuvent se soutenir et soutenir leurs patients à
retourner à chaque fois vers l’abri régulateur de l’engagement social. Là, ils peuvent
tous deux accéder au sens du bien-être physique et émotionnel, ce qu’une bonne
connexion relationnelle permet. Les thérapeutes ne peuvent ni ôter la souffrance
du patient ni l’en sauver. Cependant, ils peuvent offrir aux patients une expérience
différente de tolérance et de face à face avec la souffrance en présence d’un autre
être humain qui a de la compassion, d’une manière qui le ramène progressivement
vers le moment présent avec un lien positif et de sécurité.
Afin de soutenir l’engagement positif, les thérapeutes doivent être en
mesure de s’autoréguler. Le tableau 3.2 dresse une liste de certaines méthodes
que des thérapeutes ont trouvées utiles pour s’autoréguler de façon consciente
avant, durant et après les séances.

*OUFSWFOUJPOTEVIBVUWFSTMFCBT VUJMJTFSMFTQSJUQPVSDIBOHFSWPTSÏBDUJPOT
• Changez votre cadre cognitif avec compassion : « Mon/ma patient/patiente se sent
incompris ou rejeté » au lieu de « Mon/ma patient/patiente est en colère contre moi ».
• Faites un pas mental en arrière et observez-vous avec compassion : « Je me sens effrayé
ou en colère pour l’instant. J’ai besoin de prendre du temps pour me calmer. »
• Rappelez-vous que le patient a survécu jusqu’à maintenant, et qu’avoir des sentiments
forts n’est pas urgent.
• Rappelez-vous que votre rôle est de rester non défensif, non de satisfaire toutes les
demandes du patient.
• Rappelez-vous que la détresse du patient ne vous concerne pas vraiment.
• Trouvez quelque chose à propos du patient qui vous plaît véritablement, et cen-
trez-vous là-dessus.
• Écoutez ce que le patient vous raconte de manière sous-jacente à l’intensité : « J’ai
mal, j’ai peur, je suis honteux, j’ai des besoins. » Répondez à ces affirmations implicites
plutôt qu’au contenu.
• Reconnaissez que vous ne pouvez pas réellement faire en sorte que le patient soit en
sécurité ; c’est la tâche du patient.
• Si vous faites face à une urgence, demandez du soutien. Appelez le psychiatre du
patient ou d’autres membres de l’équipe. Insistez pour appeler le contact d’urgence
du patient. Connaissez les limites de votre rôle en tant que thérapeute. N’ayez pas
peur de faire hospitaliser votre patient en dernier recours, même si vous savez qu’il ne
sera pas maintenu hospitalisé longtemps. Cela lui permet de comprendre que vous
êtes sérieux concernant la sécurité.

La relation thérapeutique : sécurité, menace et conflit 89


6UJMJTF[MJNBHJOBUJPOBGJOEFWPVTBJEFS
• Imaginez-vous faire un pas de côté vis-à-vis de l’intensité dirigée vers vous. Laissez-la
couler à côté de vous plutôt qu’en vous, et imaginez que vous observez ce qui se
passe à partir de cet endroit de sécurité.
• Imaginez-vous dans une bulle perméable et invisible ou tout autre bouclier protecteur.
La connexion relationnelle peut facilement avancer et reculer, mais l’intensité du patient
glisse et passe à côté et ne vous atteint pas.
• Imaginez-vous être soutenu par des personnes : votre thérapeute, superviseur, collègue
ou d’autres membres de l’équipe. Imaginez-les chuchotant dans votre oreille comment
gérer la situation et exprimant de la confiance dans vos habiletés.
• Visualisez-vous vous ouvrant à la compassion et à la clarté et laissez-les s’écouler à
travers vous, vous baigner dans un sens de bien-être.
• Imaginez, quand vous vous régulez, que vous projetez cette capacité vers votre patient.
Invitez votre patient à respirer avec vous.
• Lorsque le patient partage des souvenirs difficiles, ne vous focalisez pas sur les images
du patient étant réellement l’enfant qui se fait abuser dans le passé. Elles vous éloignent
du présent et peuvent être bouleversantes. Centrez-vous plutôt sur l’adulte qui a sur-
vécu et qui est dans votre bureau, et concentrez-vous sur le moment présent.

*OUFSWFOUJPOTEVCBTWFSTMFIBVU VUJMJTF[WPUSFDPSQTQPVSDIBOHFSMFTSÏBDUJPOT
• Relâchez vos muscles.
• Asseyez-vous bien droit.
• Relevez le menton.
• Reculez les épaules.
• Déplacez-vous un peu sur votre chaise.
• Sentez vos pieds sur le sol et écrasez vos orteils contre le sol.
• Regardez autour de la pièce pour vous rappeler que vous êtes en sécurité.
• Établissez un contact visuel avec votre patient, le cas échéant (de manière non agressive !).
• Inspirez profondément en trois temps, tenez votre respiration pendant trois temps et
expirez en trois temps plusieurs fois.
• Laissez partir la tension dans votre ventre.

TABLEAU 3.2
Conseils aux thérapeutes pour s’autoréguler en séance

6. Explorations supplémentaires
1. Examinez les défenses innées dans le tableau 1.1 du chapitre 1 et notez
vos propres réactions à chaque type de défense. Quelles sont les plus
faciles ou difficiles à gérer ? Quel type de patient, ou quels sujets ou
émotions, tendent à activer vos propres défenses ?
2. Existe-t-il une défense dans le tableau 1.1 que vous ressentez le plus
souvent en tant que thérapeute ?
3. Quel est votre style d’attachement si vous le connaissez ? Comment
cela vous aide-t-il et vous entrave-t-il en tant que thérapeute ?

90 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


4. Écrivez les problèmes ou les émotions qui vous dérégulent le plus en
séance. Quelles compétences régulatrices pouvez-vous essayer pour
vous-même la prochaine fois que vous êtes dérégulé dans les séances ?
Astuce : pratiquez vos compétences tous les jours pendant un certain
temps en dehors des séances. Ainsi, elles deviennent une seconde
nature et seront plus efficaces en séance.
5. Demandez à vos collègues quelles compétences et techniques ils uti-
lisent pour s’ancrer et se réguler pendant les séances, et compilez une
liste, y compris celles que vous utilisez déjà.
6. Passez en revue les remises en scène relationnelles de la figure 3.1.
Notez les types de remises en scène que vous gérez et celles avec les-
quelles vous avez le plus de difficultés. Quelles sont celles qui vous sont
familières selon votre propre histoire ? Discutez avec un collègue, un
superviseur, un consultant ou votre thérapeute de ceux pour lesquels
vous luttez.
7. Faites attention à votre propre expérience subjective en séance avec
vos patients. Notez vos postures, sensations, mouvements, respiration,
tension musculaire, pensées, fantasmes, émotions et perceptions. Pen-
sez à ce que ces expériences vous racontent à propos de votre patient,
de la relation et de votre propre expérience avec le patient.

La relation thérapeutique : sécurité, menace et conflit 91


cHAPITRE 4
Au-delà de l’attachement :
une relation thérapeutique
de collaboration

… au début du traitement… un traumatisme complexe peut être


mieux traité si on essaie de maintenir un dialogue qui tente de
limiter l’activation du système d’attachement en tirant profit de la
tendance naturelle à vouloir coopérer et collaborer sur une base
égalitaire. En fait, les personnes cherchent à développer une base
sécurisée et un refuge en thérapie pour faciliter l’exploration des
dilemmes relationnels et des conflits sévères provoqués par un
traumatisme complexe et un attachement désorganisé. Mais en
cas de traumatisme sévère, cet objectif doit être atteint par voie
indirecte qui tente de limiter l’activation prématurée de l’attache-
ment envers le thérapeute.
Mauricio Cortina et Giovanni Liotti (2014, p. 892)

Comme mentionné dans le chapitre précédent, il est peut-être nécessaire pour


les thérapeutes de modifier le paradigme de l’attachement sécurisé conçu pour
les nourrissons et les jeunes enfants afin d’aller vers un type de modèle théra-
peutique adulte qui est plus efficace pour les patients traumatisés complexes
et gérable pour les thérapeutes. Un modèle collaboratif fournit probablement
un paradigme efficace pour la croissance, le changement et le développement
d’adultes.

Au-delà de l’attachement : une relation thérapeutique de collaboration 93


1. Les défis liés à l’utilisation du modèle
d’attachement parents-nourrissons
dans la thérapie du trauma
Le modèle parent-petit enfant a de nombreuses limites lorsqu’il est appliqué
aux adultes en thérapie, en particulier chez les individus très traumatisés. Tout
d’abord, lorsque leur système d’attachement est fortement activé, les patients
se concentrent exclusivement sur la disponibilité du thérapeute et ne peuvent
explorer leur propre expérience intérieure. La recherche d’attachement désac-
tive le système d’exploration.
Deuxièmement, contrairement aux relations personnelles, le succès ultime
de la relation thérapeutique résulte de manière naturelle dans sa fin. Ainsi, le
lien parent-petit enfant n’est pas approprié à cet égard. Certaines parties du
patient sont souvent terrifiées à l’idée que la thérapie finira et que le théra-
peute les abandonnera. Les patients peuvent taire des détails importants d’ex-
périences afin d’éviter de perturber le thérapeute, et ils peuvent craindre un
changement de type adaptatif, car cela aboutirait à la fin de la thérapie. Ce
sont des conflits profonds qui doivent être reconnus et résolus au cours du
traitement.
Troisièmement, les thérapeutes ne peuvent pas être là la plupart du temps
pour leurs patients, tout comme le sont littéralement les parents pour leurs très
jeunes enfants. Ce n’est pas un modèle adulte réaliste, et il peut rapidement
accabler et épuiser le thérapeute qui devient de plus en plus amer et se sent mis
à l’épreuve. Les patients hautement traumatisés, comme aucune autre popula-
tion, forcent implicitement et explicitement pour avoir plus de contact avec
le thérapeute, et ce de manière compréhensible. Il est souvent difficile pour
les thérapeutes – en particulier ceux qui ont des systèmes d’action de soins
suractivés – de refuser les demandes et les exigences des patients qui souffrent
profondément et qui ont eu des vies si douloureuses. À tout le moins, le modèle
parent-nourrisson encourage implicitement l’activation de donneur de soin.
Quatrièmement, les besoins de dépendance sont particulièrement intenses
chez les survivants du traumatisme (Hill, Gold et Bornstein, 2000 ; Steele et
al. ; voir chapitre 13), de sorte qu’une approche nuancée et minutieuse est
requise pour aider les patients à rester dans leur fenêtre de tolérance. Bien
qu’un nombre significatif de patients traumatisés soient évitants dans une
optique relationnelle et que la dépendance ne soit pas apparente, leur insis-
tance sur une sorte de sur-indépendance suggère de l’autre côté un désir de
dépendance écrasante, ce qu’ils évitent.
Cinquièmement, chez les patients dissociatifs, certaines parties peuvent
être dépendantes à la recherche d’attachement, tandis que d’autres ont honte
et évitent la dépendance et l’attachement. Ainsi, les thérapeutes ont besoin

94 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


d’un modèle qui tienne compte des contradictions, des conflits et des confu-
sions de multiples parties dissociatives au sein d’une même personne, chacune
recherchant à sa manière ou évitant les relations et les problèmes de dépen-
dance. Nous devons simultanément garder un espace égal pour les parties dis-
sociatives jeunes et nécessiteuses du patient et pour les parties dissociatives
très évitantes, dédaigneuses ou craintives face à la proximité. Ces dernières ne
répondent qu’avec plus de distance lorsque le thérapeute les encourage à ren-
forcer le lien (Müller, 2010 ; Steele et Van der Hart, 2013 ; Steele et al., 2001).
Sixièmement, les patients ne sont pas des enfants mais des adultes avec
des besoins développementaux et des responsabilités d’adultes, ainsi que
des besoins infantiles non satisfaits et non intégrés. Nous avons besoin d’un
modèle qui nous aide à soutenir les capacités, libertés et responsabilités adultes
de nos patients en tant qu’êtres humains interdépendants et entiers, tout en
travaillant avec les luttes douloureuses des traumatismes d’attachement pré-
coce, des déficits de développement et de la dissociation.
Par exemple, un objectif majeur en thérapie est d’aider les patients disso-
ciatifs à accepter d’abord les parties enfant, à développer leur compréhension
et leur compassion vis-à-vis d’elles et finalement à se rendre compte qu’elles
sont des aspects d’eux-mêmes. Ils peuvent apprendre à prendre soin des par-
ties enfant et encourager les enfants à « grandir » et apprendre à faire face
aux besoins de dépendance à partir d’une perspective d’adulte. Plus important
encore, nos patients doivent également faire le deuil de ce qui a été perdu dans
l’enfance, de ce qui ne peut être déconstruit ou est ineffaçable par l’amour, et
ceci quelles que soient les actions et la disponibilité à leur égard.
Finalement, nous avons besoin d’un modèle relationnel dans lequel tant
les patients que les thérapeutes sont des participants actifs, un modèle qui est
plus collaboratif que hiérarchique. Cela invite le patient à être un membre
d’équipe volontaire et actif et un participant plutôt qu’un réceptacle passif. Plus
les patients sentent qu’ils arrivent à changer avec notre soutien compassionnel,
sans espérer une sagesse ou des interventions magiques de notre part, plus ils
sont aptes à fonctionner dans un monde avec un sens de la compétence et à être
auteurs de l’action. Ainsi, quelles que soient les interventions compassionnelles
que les thérapeutes emploient, le fondement consiste à savoir que nos patients
doivent être les véritables acteurs de la thérapie, comme dans la vie.

2. La fondation des relations de collaboration


Le besoin d’être compris, de partager et de collaborer l’un avec l’autre est un
système d’action ou motivationnel qui oriente en partie notre comportement
social (Cortina et Liotti, 2007, 2010, 2014 ; Lichtenberg, 1989 ; Stern, 2004 ;
Trevarthen, 1980 ; Trevarthen et Aitken, 1994). Ce besoin est distinct des
systèmes d’attachement et de soins, mais leur est fortement lié.

Au-delà de l’attachement : une relation thérapeutique de collaboration 95


CONCEPT CLÉ

Nous avons tous un besoin inné de partager de manière compassionnelle avec les autres, de
les comprendre et d’être compris. En tant qu’êtres sensibles, nous avons besoin de nous
comprendre nous-mêmes. Cette communication essentielle est la base pour collaborer
avec les autres en profitant de nos similarités et de nos différences tout en nous respectant.

Comme l’ont observé Cortina et Liotti (2007, 2010), l’attachement est


orienté vers la sécurité et la prestation de soins est orientée vers des compor-
tements de recherche d’attachement. D’autre part, la collaboration concerne
la compréhension et le partage. En tant qu’êtres conscients, nous avons tous
ce besoin inné d’être compris par d’autres personnes et de les comprendre, non
seulement à travers leurs mots mais également dans leurs motivations et leurs
intentions implicites. De la même manière, nous devons nous comprendre
nous-mêmes et notre propre esprit, non seulement saisir ce que nous pensons
et ressentons mais aussi comment nous en sommes arrivés à penser et à ressen-
tir de cette manière-là. C’est le fondement relationnel solide de la mentalisation
(Allen, 2001a, 2012 ; Fonagy et al., 2005) ou de ce que Siegel a qualifié de
vision mentale (2010a, 2010b, 2015). Ce besoin fondamental nous empêche
de vivre dans une tour de Babel perpétuelle où la communication implicite et
explicite est une énigme insoluble. Cette capacité à mentaliser, c’est-à-dire à
percevoir de manière (relativement) précise le sens des communications ver-
bales et implicites d’une personne – et d’être conscients de nos propres repré-
sentations – nous permet de naviguer avec succès dans un monde relationnel
où nous partageons et collaborons avec des objectifs communs.

CONCEPT CLÉ

Un modèle relationnel collaboratif exige que nous soyons présents à ce qui se passe juste
là maintenant, à la fois en nous-mêmes et dans la relation entre le thérapeute et le pa-
tient. C’est l’expérience ultime du partage et de la compréhension, ce dont nos patients
dissociatifs ont le plus besoin.

3. Collaborer versus prendre soin en thérapie


Les thérapeutes et les patients confondent souvent l’attachement et le fait de
prendre soin. La prestation de soins est un système de motivation ou d’action
qui agit comme médiateur inné des comportements d’un donneur de soins afin
d’assurer la survie de l’autre par des soins directs (Britner, Marvin et Pianta,
2005 ; George et Solomon, 1999 ; Solomon et George, 1996). Elle devient
également une stratégie particulière de contrôle des personnes (perçues) qui

96 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


s’occupent de l’enfant dans le cas d’un attachement désorganisé, comme indi-
qué dans le chapitre précédent. L’attachement est bien sûr aussi un système
inné, et son objectif est d’assurer un sentiment de sûreté et de sécurité pour
que l’enfant puisse explorer et interagir avec lui-même, avec d’autres et avec
le monde. Le soin n’est pas l’attachement, bien qu’il soit souvent accompagné
d’attachement. L’enfant cherche à obtenir des soins et la personne qui s’en
occupe les lui donne ; c’est une partie intrinsèque du modèle d’attachement
parent-nourrisson.
Que le thérapeute soit engagé ou non dans l’offre de soins, le patient peut
le considérer en tant que soignant. Le patient cherche parfois à prendre soin
du thérapeute par un apaisement ou un comportement soucieux, en niant ses
besoins propres ou en ne communiquant pas sur des problèmes douloureux
afin de protéger le thérapeute. Il s’implique dans des stratégies de contrôle des
soins. D’autres fois, il est en colère contre le thérapeute qui ne fournit pas ce
qui est recherché, plaide et exige, s’engageant dans des stratégies contrôlantes/
punitives.
Le rôle du thérapeute n’est pas celui de soignant, mais ressemble bien plus
à celui d’un mentor ou d’un guide compassionnel et intéressé qui veille à ce
que le patient se sente en sécurité pour explorer et apprendre avec lui et soit
ainsi capable de travailler en vue d’objectifs thérapeutiques. En fait, assumer
ce rôle de soignant avec des patients hautement traumatisés peut être lourd
de complications. Lorsque les personnes qui se sont occupées de l’enfant ont
été source de douleur et de danger et ont eu tout le pouvoir et le contrôle, un
paradigme parent-enfant est une potentielle remise en scène dès le début de
la thérapie.
Les thérapeutes se tournent souvent implicitement vers un modèle rela-
tionnel de soins dans l’espoir de fournir un attachement sécurisé. Ils peuvent
faire des efforts surhumains pour être disponibles et ne pas commettre d’erreurs
afin que les patients n’aient pas à subir de perturbations relationnelles. Ces
actions sont fondées sur la croyance erronée que l’attachement sécurisé repose
principalement sur l’harmonisation et la disponibilité constante, plutôt que
sur la réparation, l’acceptation de la perte, la capacité d’avoir des émotions
positives et des expériences avec d’autres en tant qu’adultes. Elles se fondent
également sur la désactivation de la recherche d’attachement afin que le sys-
tème d’exploration du patient puisse être activé en thérapie.
Combien le patient pourrait-il être désemparé face au monde réel s’il était
en attente d’une disponibilité permanente de la part des autres ou si ceux-ci
prenaient toujours garde à ne pas dire ou faire quelque chose qui pourrait lui
être pénible ! Le thérapeute peut n’imposer que peu ou pas du tout d’exigences
aux patients, les considérant comme trop fragiles et incapables d’en faire beau-
coup jusqu’à ce que lui-même leur fournisse suffisamment d’attention et de
soin pour les activer. Ce paradigme installe d’emblée les patients dans un vécu

Au-delà de l’attachement : une relation thérapeutique de collaboration 97


d’impuissance, à tel point que cela puisse devenir très problématique dans les
thérapies avec les adultes (Steele et al., 2001). Même lorsque les thérapeutes
ne prennent pas un rôle de soignant, les patients les considèrent souvent
comme des donneurs de soins défaillants et ils répondent avec des stratégies
contrôlantes/punitives ou contrôlantes/attentionnées. Donc celles-ci doivent
malgré tout être abordées en thérapie.

CONCEPT CLÉ

La collaboration et le sentiment de sécurité sont nécessaires pour que les problèmes rela-
tionnels soient abordés en thérapie avec des patients hautement traumatisés. Cepen-
dant, la collaboration devrait venir avant l’attachement, et le thérapeute devrait se mé-
fier de donner des soins, car cela suscite encore davantage de recherche d’attachement
chez le patient.

Un modèle collaboratif aide nos patients à développer une interdépen-


dance saine. Ils sont encouragés à se comprendre eux-mêmes et les autres, y
compris le thérapeute. Nombre de problèmes relationnels proviennent d’un
manque de compréhension et de compassion non seulement pour eux-mêmes
mais aussi pour d’autres personnes. Ils proviennent également d’attentes irréa-
listes. Les thérapeutes aident les patients à prendre en considération à la fois
leurs propres besoins et désirs et ceux des autres. Ils les aident à les équilibrer
équitablement le cas échéant et à poser des choix réfléchis lorsque l’équilibre
n’est pas possible ou acceptable. Ils peuvent aider les patients à apprendre à
reconnaître et à changer de façon compassionnelle les stratégies contrôlantes/
punitives et contrôlantes/attentionnées dans diverses parties dissociatives
d’eux-mêmes. Cela inclut la compréhension des besoins et des désirs de chaque
partie du patient, qui sont souvent en net conflit. Alors que le thérapeute peut
ressentir une pression pour répondre à ces besoins et désirs, le véritable travail
consiste à aider de façon compassionnelle et constante le patient à résoudre
ses conflits intérieurs et les besoins non satisfaits de l’enfance au lieu de se
concentrer sur ce que le thérapeute donne et ne donne pas en termes de soins.
Les patients mettent souvent au défi les thérapeutes de « prouver » qu’ils
se soucient d’eux. Le problème est en fait que les patients n’arrivent pas à
assimiler qu’on s’occupe d’eux, ou bien des parties rejettent le thérapeute ou
le craignent. En d’autres mots, le problème se situe au niveau des conflits inté-
rieurs du patient concernant les soins et qu’il tente de résoudre en modifiant
le comportement des thérapeutes par les stratégies contrôlantes/punitives ou
contrôlantes/attentionnées.
Un modèle collaboratif nous aide à soutenir les capacités, les libertés et les
responsabilités adultes chez nos patients considérés comme êtres humains inter-
dépendants et entiers. En même temps, nous sommes en mesure de travailler

98 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


ensemble sur les luttes douloureuses des traumatismes d’attachement précoce,
les déficits de développement et la dissociation sans devenir des soignants trop
investis ou des intervenants peu impliqués et indifférents. Nous – patients et
thérapeutes – travaillons en équipe pour aider le patient à réaliser ses conflits
intérieurs et ses réalités douloureuses, y compris le fait que le thérapeute n’est
pas un soignant. Le thérapeute sert souvent de « chef d’équipe », mais au fur et
à mesure que les patients développent des capacités de réflexion et d’intégra-
tion, ils accéderont plus souvent à ce rôle.
Le tableau 4.1 permet de comparer trois modèles différents de relation en
psychothérapie : dépendant (donner des soins), collaboratif et indépendant
(rejeter). Bien que ces modèles soient présentés comme distincts, les théra-
peutes peuvent souvent alterner subtilement entre les trois positions.

.PEÒMFDPMMBCPSBUJG .PEÒMFEFEÏQFOEBODF .PEÒMFEJOEÏQFOEBODF

Limites et cadre de traite- Limites et cadre de traite- Limites rigides, inflexibles,


ment clairs, consistants, quel ment incertains et réactifs. parfois inconsistantes et
que soit le sentiment du punitives.
thérapeute ou du patient.

Limites soutenues par la Limites dépendant de ce Des limites extrêmes


compréhension des conflits que le client attend du thé- découragent toute régula-
à propos de la dépendance rapeute. tion relationnelle par le thé-
et de l’autonomie. rapeute.

Offre une disponibilité pré- Contact étendu en dehors Encourage l’indépendance


visible mais limitée en des séances, sujet aux exi- complète ; sous-estime le
dehors des séances. gences du patient ; sous-es- manque d’habiletés et le
time la compétence du besoin de contact.
patient.

Encourage la collaboration, Encourage la dépendance, Offre peu ou pas de discus-


la compréhension de l’es- l’utilisation chronique du sion sur l’expérience de
prit de chacun. thérapeute comme un dépendance du patient ou
autre « plus fort et plus de peur de dépendance.
sage », dévalue implicite-
ment la compétence de
l’adulte.

Reconnaît, accepte et tra- Offre peu ou pas de discus- Offre peu d’attention à
vaille explicitement et sion sur l’expérience de aider le patient à apprendre
implicitement avec la dépendance ou de peur de la régulation.
dépendance, les souhaits, dépendance du patient.
les émotions et les conflits.

Le patient est perçu comme Le thérapeute est perçu Le patient est perçu comme
l’acteur du changement avec comme l’acteur du change- l’acteur du changement sans
le soutien du thérapeute. ment. le soutien du thérapeute.

Au-delà de l’attachement : une relation thérapeutique de collaboration 99


.PEÒMFDPMMBCPSBUJG .PEÒMFEFEÏQFOEBODF .PEÒMFEJOEÏQFOEBODF

Il apprend un équilibre Il apprend la sur-dépen- Il apprend la sur-dépen-


approprié entre l’autorégu- dance des autres pour la dance de l’autorégulation.
lation et la régulation rela- régulation et pas assez
tionnelle. d’autorégulation.

Le thérapeute et le patient Vulnérabilité du thérapeute Le thérapeute est vulné-


se sentent compétents et au burn-out, donner des rable à un contre-transfert
en collaboration. soins et transgressions des de distance ; le patient est
limites ; le patient est vul- vulnérable à la décompen-
nérable à la décompensa- sation ou à la clôture pré-
tion et à la dépendance maturée de la thérapie.
mal adaptée.

TABLEAU 4.1
Les modèles relationnels en psychothérapie

Les modèles relationnels de dépendance ou de rejet en thérapie sont géné-


ralement maintenus par des approches et des comportements particuliers du
thérapeute. Nous avons brièvement discuté de la tendance à prendre soin des
patients, ce qui pourrait conduire à un modèle relationnel de type dépendant.
Les thérapeutes qui sont des soignants excessifs surinvestissent généralement
leurs patients et sont très perturbés par leur détresse. Les thérapeutes qui sont
dans le rejet ne s’impliquent pas assez avec les patients, évitant leur détresse,
ils sont peut-être même dédaigneux envers eux. Il s’agit ici, bien certainement,
des pôles les plus extrêmes du continuum du degré d’investissement avec les
patients.
Tous les thérapeutes penchent en réalité un peu en faveur d’une direc-
tion ou d’une autre, selon leurs propres tendances, le patient et la situation.
Certains thérapeutes ont tendance à être plus soucieux et à donner des soins
lorsqu’ils se sentent fatigués ou submergés. D’autres se replient, deviennent
irritables et évitent. Certains patients peuvent éveiller un surinvestissement,
tandis que d’autres peuvent susciter un manque d’investissement. Prenez par
exemple Sharon, une thérapeute très expérimentée. Sharon a ressenti en
elle une tendance à vouloir davantage prendre soin d’une jeune femme trau-
matisée du même âge que sa fille. À un autre moment, Sharon a remarqué
qu’elle se sentait plutôt froide et distante avec un homme très narcissique et
qui, constamment, observait toutes ses lacunes et ses faiblesses en tant que
thérapeute. Remarquez que Sharon avait beaucoup de sentiments et d’impul-
sions de contre-transfert. Cependant, elle n’y donnait pas suite, du moins pas
explicitement.
Nos patients doivent être en mesure de faire l’expérience qu’ils ont besoin
de nous, d’être en colère et de nous rejeter, sans que nous soyons ni trop proches

100 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


ni trop éloignés (Dalenberg, 2000). Les survivants de traumatisme chronique
ont des difficultés à gérer une régulation adéquate de la proximité et de la dis-
tance, oscillant souvent dramatiquement entre les extrêmes selon les défenses
et les besoins de diverses parties qui dominent dans l’instant. Lorsque les théra-
peutes permettent que la dépendance à leur égard se développe jusqu’au point
où les patients ne peuvent plus tolérer leur absence et appellent sans cesse,
ou inversement, lorsqu’ils se replient et évitent le contact parce qu’ils sont
frustrés, fatigués ou en colère, ils sortent leurs patients de la zone modérée
d’expériences qui offre du potentiel pour l’engagement social. Ceci est parti-
culièrement vrai pour les patients souffrant de troubles dissociatifs complexes,
car diverses parties dissociatives perçoivent des mouvements (émotionnels
ou physiques) d’approche ou de distanciation vis-à-vis d’eux à la fois comme
nécessaires et menaçants, ce qui crée des conflits intérieurs intolérables. Ces
conflits sont ensuite externalisés et répercutés dans la relation thérapeutique.
Le travail du thérapeute consiste à rester relativement tranquille, quelle que
soit la partie du patient mise en évidence, sans chercher à atteindre quelque
chose ou à se distancier, sans trop s’empêtrer ni être trop détaché, tout en étant
engagé et présent au degré le plus élevé possible. Cet exercice d’équilibre dif-
ficile n’est presque jamais mentionné en formation, et les thérapeutes ne sont
souvent pas préparés à de telles montagnes russes relationnelles. Le tableau 4.2
décrit les pôles les plus extrêmes du thérapeute sur- et sous-investi.

-FUIÏSBQFVUFTVSJOWFTUJ -FUIÏSBQFVUFTPVTJOWFTUJ

Se sent impuissant, désespéré, dans l’ur- Se sent impuissant, désespéré, mais pas
gence. dans l’urgence.

Incapable de tolérer la souffrance du Ressent de la répulsion, du dégoût, de la


patient – il faut faire quelque chose ; a ten- peur ou de la colère face aux besoins du
dance à apaiser le patient. patient.

Tente de contrôler sa propre anxiété, ses Tente de contrôler ses propres émotions
sentiments de culpabilité, de honte ou de par évitement, rejet et déni des besoins du
douleur en « réglant » les besoins du patient.
patient.

A des difficultés à voir le patient comme Intellectualise la thérapie ; se concentre


un adulte. trop sur le cognitif ; évite l’émotion.

Réagit aux besoins ou aux exigences du Couvre le patient de blâme car il exprime
patient dans le moment au lieu d’aider le ses besoins ou est incapable de répondre.
patient à réfléchir.

Est incapable de prendre une distance Rejette les besoins ou les exigences du
saine par rapport à la souffrance du patient. patient dans le moment au lieu d’aider le
patient à réfléchir

Au-delà de l’attachement : une relation thérapeutique de collaboration 101


-FUIÏSBQFVUFTVSJOWFTUJ -FUIÏSBQFVUFTPVTJOWFTUJ

S’engage dans le franchissement et la A des limites rigides et/ou punitives.


transgression de limites.

A des limites inconsistantes. Est incapable de résister à l’intensité des


exigences du patient et se retire du contact
et/ou punit.

N’est pas en mesure d’aider le patient à Ne réussit pas à aborder des problèmes
comprendre, accepter, traiter les conflits de d’attachement importants.
dépendance.

N’est pas en mesure d’aider le patient à Il n’aide pas adéquatement les patients à
comprendre, accepter et tolérer le fait que fonctionner dans la vie quotidienne.
le thérapeute et les autres ne peuvent satis-
faire tous les besoins du patient.

Il sous-estime les capacités et la résilience Il surestime les capacités et la résilience du


du patient. patient.

Exploitation sexuelle potentielle du patient. Exploitation sexuelle potentielle du patient.

Il est impliqué dans la vie quotidienne du


patient de manière concrète (p. ex., lui prê-
ter de l’argent).

Il a des difficultés à poser des objectifs de Il n’est pas en mesure de poser des objec-
traitement et à maintenir le patient concen- tifs thérapeutiques suite à l’évitement ou
tré sur ses tâches. au rejet de certains sujets.

Il favorise une dépendance excessive. Il croit que le patient n’essaie pas assez ou
qu’il manipule.

Il croit que la disponibilité constante et Il contrôle la thérapie et les sujets discutés.


prendre soin du patient aboutira à une
amélioration.

Il se sent épuisé. Il se sent épuisé.

TABLEAU 4.2
Le thérapeute sur- et sous-investi

3.1. Les chemins vers la collaboration en thérapie


Dans un contexte de construction de l’engagement social et de l’habileté
chez les patients, comment les thérapeutes soutiennent-ils la nécessité de
collaboration et de compréhension ? Tout commence dans leur manière
d’être avec le patient. Les thérapeutes essaient dans la mesure du possible
d’être pleinement avec leurs patients, en cherchant à comprendre l’expé-
rience du patient dans le moment, plutôt que de se concentrer uniquement

102 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


sur le contenu de ce qu’ils disent ou d’essayer de résoudre immédiatement
le problème. Ils doivent aussi être présents à eux-mêmes, ne pas se perdre
dans le drame, la souffrance et les complexités des patients. Ils imaginent ce
que c’est d’être à la place des patients, c’est-à-dire qu’ils les imitent menta-
lement pour bâtir compassion et compréhension, pour mentaliser concrète-
ment. Ils se concentrent sur le processus, sur l’expérience relationnelle dans
le moment, sur la façon dont les patients se vivent et vivent le thérapeute,
et sur leur expérience dans le moment. Ils ne s’impatientent pas devant la
lenteur des progrès, mais ne permettent pas non plus que la résistance et la
réticence à travailler en thérapie restent non abordées en insistant sur le fait
que seuls les objectifs partagés peuvent être réalisables. Ils contiennent et
s’efforcent de régler leurs propres souhaits de sauver, de réparer, de répriman-
der, de contrôler, d’abandonner ou d’être dans le reparentage des patients. Ils
tiennent la tension dialectique d’accepter les patients tels qu’ils sont tout en
soutenant le changement.
Ils s’acceptent également comme ils sont dans l’instant. Les bons théra-
peutes savent qu’ils ne peuvent faire que de leur mieux, même s’ils ne savent
pas tout. Quand ils font des erreurs, ils le remarquent, s’excusent et réparent.
De cette façon, les patients apprennent que même les meilleures relations
suivent un rythme d’accordage, de mauvais accordage, de ré-accordage et de
réparation et que personne ne peut ou n’a besoin d’être parfait. Ils sont sou-
tenus dans l’acceptation et le deuil que personne ne peut vraiment les sauver
d’eux-mêmes ou de leurs histoires, et ils peuvent alors être habilités à diriger
leurs propres vies dans la mesure du possible. Ils apprennent à différencier les
mauvais accordages quotidiens des malentendus par rapport à la vraie trahison
et au danger. Croyez bien que ce n’est pas un voyage facile ou sans obstacles,
mais il peut être accompli.
Les thérapeutes peuvent aider les patients à reconnaître les façons dont les
patients eux-mêmes créent des ruptures avec les autres et comment gérer leurs
propres erreurs relationnelles, ce qui implique souvent des réactions inappro-
priées de différentes parties dissociatives. Les patients apprennent à accepter
leurs expériences internes (comprenant les parties dissociatives) sans juge-
ment, peur ou honte – une tâche modelée par le thérapeute.

3.2. La collaboration et la communication implicite :


le sentiment de toi et moi
La collaboration commence bien avant que le langage verbal ne se développe et
continue à un niveau implicite à corroborer ou à contredire ce que nous disons
réellement. La collaboration implique donc non seulement le langage verbal,
mais aussi le langage corporel et au niveau le plus fondamental, la neurocep-
tion de la sécurité et du danger (Porges, 2001, 2003, 2004, 2011). Le langage

Au-delà de l’attachement : une relation thérapeutique de collaboration 103


et les communications implicites doivent être relativement congruents les uns
avec les autres pour nous permettre de partager et de mentaliser avec préci-
sion. Les thérapeutes et les patients communiquent toujours implicitement
avec leur corps, même s’ils utilisent des mots, et répondent ou réagissent à ces
messages implicites les uns par rapport aux autres.
Afin que la collaboration soit possible, l’engagement social doit être activé.
Dans une boucle de rétroaction positive, la collaboration soutient et renforce
l’engagement social, ce qui permet un attachement sécurisé. Ceci a des impli-
cations de traitement majeures dans le travail avec des patients dissociatifs, et
offre une séquence particulière d’établissement de liens qui favorise la sécurité
et la curiosité plutôt que la dépendance et les comportements chroniques de
recherche d’attachement.
La collaboration implique ce qu’on appelle un sens corporel qui est « un
type particulier de conscience corporelle interne… un sens corporel de la
signification » (Gendlin, 1981, p. 10). Un sens corporel de la situation et de
l’autre nous permet de savoir ce que nous savons sans être dans le champ de la
conscience. Le sens corporel commence par la neuroception, la détection de
la sécurité et de la menace, mais va ensuite bien au-delà. Les thérapeutes et les
patients communiquent toujours de manière implicite, même s’ils utilisent des
mots, et répondent ou réagissent à ces messages implicites les uns par rapport
aux autres (Bromberg, 1998, 2006 ; Ogden et Fisher, 2015 ; Ogden et al. 2006 ;
Lyons-Ruth, 2007 ; Trevarthan, 1980). Les patients dissociatifs connaissent
des courants sous-jacents conflictuels en chevauchement, qui peuvent être
ressentis par le thérapeute. Les parties dissociatives communiquent souvent
implicitement lorsqu’elles sont « derrière la scène », c’est-à-dire lorsqu’elles ne
sont pas en plein contrôle exécutif.
Les thérapeutes ressentent souvent ces remous tacites, ce fil persistant de
sentiments et de désirs. Le thérapeute peut, par exemple, ressentir de la confu-
sion ou du brouillard, une forte attirance pour être en retrait ou pour prendre
soin, de la lassitude ou du désespoir, de la tension sexuelle, de la colère, de la
peur, de la tristesse ou le sentiment de ne pas vraiment connaître le patient
même après plusieurs mois. Chaque sentiment dit au thérapeute quelque chose
au sujet du patient et sur ce que le patient ne peut ou n’ose pas encore savoir
ou énoncer.

CONCEPT CLÉ

Les patients doivent apprendre lorsqu’il est approprié d’utiliser l’autorégulation et la


régulation relationnelle. Mais le plus important se situe dans leur manière de faire
usage du soutien venant des autres, ce qui peut soit les mener vers une dépendance
malsaine, soit les propulser vers l’avant sur le chemin de la découverte de soi et du
changement.

104 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


La régulation relationnelle et l’autorégulation dans un modèle de colla-
boration. Les engagements sociaux et les systèmes d’action de collaboration
nous permettent de mieux apprendre à la fois la régulation relationnelle et
l’autorégulation. L’empathie et la compassion proviennent de ces systèmes et
créent un espace relationnel fertile et accueillant pour se développer et prospé-
rer, et pour être en lien avec les autres en toute sécurité. Au mieux, c’est l’es-
pace sacré que la relation thérapeutique suffisamment bonne offre au patient.
Cependant, les relations ne sont pas parfaites. Même les relations normales
et saines impliquent des blessures, des malentendus, de mauvais accordages et
un rejet de temps à autre, entraînant une dérégulation. Lorsque l’engagement
social est couplé à la capacité de comprendre les intentions et les motivations
de l’autre, nous sommes en mesure de nous réparer régulièrement et de nous
reconnecter, ce qui nous aide à nous (re)réguler. Par le biais de la réparation,
nous pouvons renforcer notre confiance selon laquelle une relation suffisam-
ment bonne peut résister aux faiblesses et lacunes habituelles d’une personne
suffisamment bonne. Nous pouvons également accepter que toutes les rela-
tions ne durent pas toute la vie et nous ne devons pas nier les bons côtés d’une
relation lorsqu’elle se termine ou change. Nous nous rendons compte que la
perte fait pour toujours partie de la vie et de l’amour, et que nous pouvons
encore prendre le risque d’être vulnérables et ouverts ainsi que de tolérer les
pertes quand elles surviennent.
Nous avons tous besoin de compter de temps en temps sur les autres pour
l’aide et le soutien émotionnels. Nous devons également gérer notre propre
régulation émotionnelle lorsque le soutien des autres n’est pas nécessaire, est
indisponible ou insuffisant. Nous devons apprendre à reconnaître les situations
où il est approprié d’obtenir ou non du soutien, ou quand une combinaison
des deux est importante. Nous apprenons également que, même si nous avons
besoin du soutien d’une autre personne, nous pouvons être interdépendants,
conscients de ce dont l’autre pourrait également avoir besoin, et capables de
retourner la pareille. Toutes choses égales par ailleurs, nous avons tendance à
préférer soit la régulation relationnelle, soit l’autorégulation. Certaines per-
sonnes ont naturellement tendance à d’abord chercher le contact des autres
lorsqu’elles sont affligées, à appeler un ami ou à parler à un partenaire. D’autres
trouvent naturel de vouloir avant tout s’autoréguler, de faire une promenade,
de réfléchir et faire la part de leurs sentiments avant de parler avec quelqu’un.
L’une ou l’autre approche est bonne, tant que nous sommes en mesure et dési-
reux d’utiliser un type de régulation non préférentiel selon la nécessité et le
contexte.

La façon dont les patients utilisent la régulation relationnelle. L’efficacité


du support relationnel ne dépend pas du temps disponible mais de la manière
dont il est utilisé lorsqu’il est accessible. De nombreux patients sont en mesure

Au-delà de l’attachement : une relation thérapeutique de collaboration 105


d’utiliser le soutien relationnel comme un tremplin pour suivre les prochaines
étapes de la thérapie et de la vie. D’autres l’utilisent pour devenir de plus en
plus dépendants et impuissants, en attendant ce bon moment de soutien pour
s’effondrer ou enrager quand il se termine.

CONCEPT CLÉ

Le soutien relationnel ne dépend pas seulement du contact face à face mais surtout de la
question de savoir si une personne a un sens du soutien de l’autre et si ce sens est ressenti
même en l’absence de l’autre.

« Emmenez-moi avec vous. » Nos patients doivent apprendre qu’au lieu de


dépendre de la disponibilité constante du thérapeute, ils peuvent apprendre à
transporter en eux-mêmes l’expérience d’être en contact, ancrés et présents
avec le thérapeute (et les autres qui le soutiennent). Le thérapeute peut par
exemple encourager toutes les parties à « ressentir ce que cela fait d’être sou-
tenu par moi (ou votre ami ou votre partenaire) en ce moment. Emportez ce
soutien et cette sagesse avec vous, et ayez-les partout où vous allez. Ils vous
appartiennent à chaque fois que vous devez y avoir recours. »
Être attentif à la façon dont les patients éprouvent des moments positifs
avec le thérapeute (et d’autres) se traduit progressivement par une plus grande
capacité à faire appel à des images mentales positives ou à des souvenirs d’être
avec d’autres. Ces modèles se développent progressivement en représentations
mentales plus durables et positives de soi et des autres qui influencent la capa-
cité de nos patients à collaborer et à partager. Ils sont alors mieux en mesure de
maintenir un sentiment de sécurité même lorsqu’ils sont seuls et que personne
n’est immédiatement disponible.

CONCEPT CLÉ

La qualité de nos interactions avec les patients dans l’instant est bien plus importante que
la quantité de temps passé avec eux.

Les patients ne peuvent parfois évoquer aucune image du thérapeute ni avoir


un sentiment de soutien en dehors des séances, ou leur image du thérapeute
est critique et punitive. Non seulement la capacité de maintenir une image
positive des autres est une habileté développementale qui doit être apprise au
fil du temps, mais des dynamiques complexes d’oppositions actives de certaines
parties dissociatives qui empêchent l’expérience peuvent également jouer. Les
parties hostiles peuvent, par exemple, vouloir punir les patients en les pri-
vant du soutien du thérapeute. Certaines parties peuvent ressentir qu’elles ne

106 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


méritent pas le soutien. Des parties terrifiées ou tristes peuvent vivre au temps
du trauma à tel point qu’elles ne peuvent maintenir la réalité de la présence du
thérapeute. D’autres parties évitantes et craignant la dépendance peuvent blo-
quer un sentiment de soutien, croyant que cela signifie que le patient est dans
le besoin et faible. Le thérapeute devrait donc prendre l’habitude de faire se
rencontrer le patient avec toutes les parties pour commencer à comprendre et
à travailler avec ce qui est souvent une obstruction multiple à l’intériorisation
d’expériences positives de soutien.

&YFNQMFEFDBTQFSNFUUSFBVQBUJFOUEFEÏWFMPQQFSVOFFYQÏSJFODF
SFTTFOUJFEVTPVUJFOEVUIÏSBQFVUF/BUIBMJF

Nathalie était une patiente avec un trouble dissociatif de l’identité (TDI) et un trouble
état limite de la personnalité. Elle ne pouvait pas parler de sujets douloureux lors des
séances, en partie parce qu’elle était concentrée sur le fait que le thérapeute ne serait
pas là pour l’aider avec les émotions difficiles entre les séances. Dans l’ensemble, elle
avait une stratégie contrôlante/punitive, y compris de nombreuses exigences, des
plaintes et une insistance chronique selon laquelle le thérapeute ne l’aidait pas
suffisamment. Elle déclarait : « Vous n’êtes jamais là quand j’ai vraiment besoin de vous ! »
Pourtant, lorsque le thérapeute était disponible en séance, Nathalie ne pouvait se
concentrer que sur le fait qu’il fallait bientôt partir et que le thérapeute disparaîtrait à
nouveau. Ainsi, elle ne pouvait utiliser l’expérience positive d’être avec le thérapeute
pour explorer son monde intérieur. Le thérapeute aidait Nathalie à explorer ce qui se
passait en séance.
5IÏSBQFVUFNathalie, pouvez-vous observer et partager avec moi ce qui se passe à
l’intérieur de vous à l’instant même où nous sommes ensemble ?
/BUIBMJF Ce qui se passe à l’intérieur de moi ? C’est misérable, voilà ce qui se passe !
Les bébés (parties enfant de Nathalie) sont en train de pleurer. Tout le monde crie pour
qu’ils se taisent maintenant.
5IÏSBQFVUF Donc, vos parties bébés sont encouragées à ne pas montrer leur peine
en ce moment. Pourquoi pensez-vous que cela pourrait être important ?
/BUIBMJF Parce que ! Elles viennent juste de commencer, et puis nous devons partir
et être grands. Nous ne pouvons pas faire cela !
5IÏSBQFVUF  Humm, cela me paraît un grand dilemme. Je me demande si nous
pouvons trouver une façon de travailler avec cela.
/BUIBMJF Je ne vois pas comment, puisque nous n’avons qu’une heure par semaine
ensemble.
5IÏSBQFVUF Eh bien, j’imagine que nous trouverons une façon de faire, même si ce
sera difficile. Êtes-vous d’accord d’essayer ?
/BUIBMJF Je suppose, mais je ne vois pas comment, à moins que vous soyez prêt à
me parler tous les jours au téléphone lorsqu’ils ont vraiment besoin de vous.
5IÏSBQFVUF Eh bien, voyons si on peut faire un pas à la fois. Commençons avec
l’ici et maintenant pour l’instant et ne brûlons pas les étapes. Avant d’avancer,
j’ai le sentiment que nous ratons quelque chose de vraiment important juste
maintenant.
/BUIBMJF Je ne sais pas ce que c’est. Je suis là, non ? Je viens à chaque séance !

Au-delà de l’attachement : une relation thérapeutique de collaboration 107


5IÏSBQFVUF Oui, en effet, et vous êtes très déterminée à venir. C’est magnifique et
un début important. Pouvons-nous être curieux pour un moment concernant les autres
parties à l’intérieur de vous et ce qu’elles ressentent maintenant ?
/BUIBMJF Je vous l’ai déjà dit ! Les bébés sont en train de pleurer et tout le monde
leur crie qu’ils doivent se taire.
5IÏSBQFVUF Ainsi, il semble que les bébés sont là mais que les autres parties de vous
ne veulent pas qu’ils soient là ?
/BUIBMJF Évidemment, parce qu’ils vont juste être blessés à la fin de la séance lorsque
nous devons partir à la maison sans vous.
5IÏSBQFVUF Commençons à travailler avec ces parties de vous qui hésitent en séance.
Pourrions-nous, juste pour un moment, permettre aux parties bébé de vous d’être dans
un endroit de sécurité qui les réconforte, juste le temps que nous travaillions avec les
autres parties ensemble ? Les parties bébé sont évidemment aussi importantes que
chaque autre partie de vous, et nous reviendrons à elles après.
/BUIBMJF Voulez-vous David et Sam ici ? [David et Sam sont des parties de Nathalie qui
la protègent de la déception et de la peine en insistant pour qu’elle évite une intimité
relationnelle et toute confiance.]
5IÏSBQFVUF  Oui, ces parties-là, vous et toutes les parties qui peuvent trouver cela
utile. Est-ce que David et Sam et d’autres parties de vous peuvent se concentrer avec
vous sur le cabinet pour un moment ? Regardez juste autour de vous et constatez très
clairement où vous êtes, les sons, la sensation de la chaise qui vous porte, les sensations
dans votre corps d’être ici dans cette pièce. [Le thérapeute prend le temps pour aider les
parties de Nathalie à remarquer beaucoup de détails du fait d’être présent dans la pièce.]
/BUIBMJF OK, OK, nous connaissons cette pièce. Et alors ?
5IÏSBQFVUF Il me vient que ces parties de vous passent trop vite les expériences qui
pourraient les aider à se sentir plus en sécurité. J’espère qu’en ralentissant ces parties
suffisamment pour qu’elles remarquent et ressentent vraiment le moment présent, vous
trouverez une autre manière de gérer le dilemme d’avoir à quitter la séance et de ne
pas être capable de ressentir du soutien. Pouvez-vous rester avec moi, avec votre
curiosité, pour que nous n’allions pas trop vite ? Faisons de tout petits pas maintenant.
/BUIBMJF  [soupirant profondément]. D’accord. Je ne vois pas comment cela pourra
aider.
5IÏSBQFVUF  Maintenant que ces parties de vous sont conscientes de la pièce, du
présent sécurisé, de l’ici et maintenant, pourraient-elles porter leur attention sur ce que
c’est d’être avec moi à l’instant ?
/BUIBMJF Je vous l’ai déjà dit, c’est terrible !
5IÏSBQFVUF  Oui, vous me l’avez dit plus tôt, et ça c’est une réponse très rapide
maintenant. Seriez-vous d’accord de ralentir avec moi ce sentiment que c’est terrible ?
À nouveau, je me demande s’il se peut que nous passions à côté de quelque chose.
/BUIBMJF Que voulez-vous dire, de « ralentir » ?
5IÏSBQFVUF  Eh bien, prenons les quinze prochaines secondes et pas plus. Laissez
des parties de vous remarquer ce que c’est d’être ici sans anticiper ce qui pourrait se
passer après ces quinze secondes. Pourriez-vous essayer ?
/BUIBMJF OK. Juste quinze secondes et c’est tout ?
5IÏSBQFVUF Oui, concentrez-vous sur ce que c’est d’être avec moi pendant quinze
secondes.

108 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


/BUIBMJF C’est trop court, cela me fait paniquer.
5IÏSBQFVUF OK, dites-m’en davantage sur ce qui se passe.
/BUIBMJF  David a commencé a crier que quinze secondes ce n’était pas assez de
temps.
5IÏSBQFVUF Assez de temps pour quoi ?
/BUIBMJF Pour se sentir mieux ! Ce n’est pas assez pour se sentir mieux !
5IÏSBQFVUF  D’accord, je vois. David s’attend à ce que ces quinze secondes soient
censées le faire se sentir mieux. Pas étonnant que ce soit difficile ! Peut-être n’ai-je pas
été claire dans mon explication. Laissez-moi réessayer et j’espère que David écoute. Le
seul objectif est d’observer comment c’est d’être avec moi en ce moment. Le but de
se sentir mieux est vraiment important, mais ce n’est pas ce que nous sommes en train
de faire pendant ces quelques secondes. Est-ce que la partie David en vous peut juste
noter ce que c’est d’être avec moi, de se concentrer là-dessus un moment ? Laissez
David, Sam et toutes les parties de vous me regarder et observer comment c’est d’être
ici ensemble. Rien que vous et moi, simplement concentrées sur l’exploration de ce
qui se passe dans le moment. Pas plus, pas plus loin que pendant ces quelques
secondes.
/BUIBMJF  Ça c’est difficile ! Je pense juste à comment ce sera lorsque je partirai
d’ici.
5IÏSBQFVUF  Oui, c’est dur ! Et comme toutes les choses difficiles, cela demandera
une bonne dose de pratique. Rappelez-vous lorsque vous vous infligiez des blessures
et à quel point c’était difficile d’arrêter, cependant vous avez appris à le faire, malgré la
difficulté ? Et maintenant vous ne vous blessez plus ! Pouvez-vous vous souvenir
comment vous ressentiez le fait de vous prendre en charge et d’arrêter de vous faire
du mal ? Ressentez cette expérience à l’instant pendant un moment. [La thérapeute
emmène la patiente dans un moment de compétence, qui est, en soi, une expérience positive.]
Comment la ressentez-vous à l’intérieur ?
/BUIBMJF Fort, chaud. Je me sens un peu fière de moi.
5IÏSBQFVUF Fort, chaud et un peu fière. Est-ce que David, Sam et d’autres parties de
vous ressentent cela aussi maintenant ?
/BUIBMJF Je suppose que oui.
5IÏSBQFVUF Très bien. Laissez toutes les parties de vous l’observer. Fort, chaud, fière.
[Ici le thérapeute peut utiliser la stimulation bilatérale ou une autre façon pour incorporer
ces sensations et cognitions positives.] Maintenant, revenez à l’ici et maintenant avec moi.
Est-ce que David et les autres parties de vous peuvent observer être ici avec moi à cet
instant, lorsque nous sommes toutes les deux focalisées sur vous et votre expérience
de l’instant ? Essayez juste de rester dans le présent.
/BUIBMJF Oui, David est un peu plus relax. Sam reste dans l’ombre, mais il est assez
calme. Mais quand allez-vous aider les bébés ?
5IÏSBQFVUF  Nous aidons les parties bébés de vous à cet instant même. Peut-être
pas de manière directe comme vous l’attendiez. Mais aider les parties plus adultes de
vous aidera les parties plus jeunes. Pouvez-vous supporter avec moi encore quelques
autres minutes et continuer ce que nous sommes en train de faire ? Très bien, portez
toute votre attention à être ici à l’instant avec moi. Ni vous ni moi ne devons aller
quelque part ou faire quelque chose pour le moment à part être là ensemble. Que se
passe-t-il à l’intérieur de vous lorsque vous remarquez cela ?
/BUIBMJF C’est bon, en effet. Un peu détendue.

Au-delà de l’attachement : une relation thérapeutique de collaboration 109


5IÏSBQFVUF Laissez toutes les parties de vous ressentir ce moment. Bon, sûr, un peu
détendue. [La thérapeute peut renforcer cette expérience avec une stimulation bilatérale,
un travail corporel ou d’autres approches.] Oui, accueillez cela, particulièrement les parties
de vous David et Sam. Prenez juste le temps dont vous avez besoin.
/BUIBMJF OK. C’est assez ? Et maintenant ?
5IÏSBQFVUF Je suis curieuse de savoir pourquoi vous êtes pressée ?
/BUIBMJF Je veux me sentir mieux ! Cela ne me fait rien !
5IÏSBQFVUF  Vraiment ? Je pensais que vous aviez un sentiment de bien-être, de
sécurité et de détente en ce moment.
/BUIBMJF Oui, mais cela ne restera pas comme ça.
5IÏSBQFVUF Peut-être, et c’est aussi vrai que vous vous éloignez de cette expérience
et donc vous n’arrivez pas à l’avoir lorsqu’elle se présente.
/BUIBMJF Oui, j’imagine.
5IÏSBQFVUF Restons quelques instants de plus dans cette expérience. C’est OK ?
/BUIBMJF Oui, je crois. C’est assez agréable. J’ai juste peur que cela ne dure pas.
5IÏSBQFVUF  Oui, je comprends, et nous travaillerons sur cette peur. Mais, en ce
moment, restez juste avec ce qui se passe réellement.

Le tableau 4.3 inclut des questions exploratoires concernant la façon dont


le patient fait l’expérience de ce qu’il ressent vis-à-vis du thérapeute tant pen-
dant qu’entre les séances.

6OSFTTFOUJDPSQPSFMEVSBOUMBTÏBODF
• Que ressentez-vous par rapport à moi à l’instant ?
• Est-ce que toutes les parties me ressentent ici avec vous ?
• Si certaines parties ne me ressentent pas : qu’est-ce qui, selon vous, garde ces parties
de vous éloignées de votre sentiment d’être avec moi en ce moment ?
• Y a-t-il un conflit sur le fait de ressentir mon soutien ici maintenant avec vous ? Par exemple :
0 Vous (le thérapeute) ne serez pas là après, donc quel est le but ?
0 Je ne peux pas compter tout le temps sur vous.
0 Je ne mérite pas le soutien.
0 Comment pourriez-vous être réellement avec moi ? Je suis si répugnant.
0 Vous aimez les parties enfant, mais vous ne souhaitez pas que les parties en colère
soient là.
0 Je vais à nouveau être déçu.
0 Des parties de moi disent que cela me blessera si je ressens votre soutien ou votre soin.
0 Demander de l’aide ne m’apporte que des problèmes.
0 Du réconfort venant de votre part n’est pas suffisant. J’ai besoin du réconfort de la
part de ma mère ou de…
0 Je vous paie pour être là, ce n’est donc pas réel.
0 La souffrance est la seule chose que je connaisse ; c’est ce que je suis. Qui serais-je
si je ne souffre pas ?
• Le thérapeute pourrait dire : Vous dites que certaines parties de vous ressentent mon sou-
tien, mais d’autres ne le ressentent pas. Pouvez-vous nous aider à comprendre ces parties
de vous ? Quelle est l’objection ou la pierre d’achoppement pour ces parties de vous ?

110 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


• Est-ce que les parties de vous qui ressentent mon soutien peuvent prendre contact
avec les parties qui ne le ressentent pas ? Laissez-les ressentir cette expérience, juste
pour un moment et observez ce qui se passe.

Un ressenti corporel de soin et de soutien entre les séances


• Lorsque vous vous occupez de votre vie quotidienne, avez-vous déjà emporté avec
vous un sentiment de soin et de soutien provenant des autres ou de moi-même ?
• Si oui, comment le ressentez-vous dans votre corps ?
• Y a-t-il des moments où vous perdez ce sentiment de soin et de soutien ?
0 Pouvez-vous noter quand cela survient habituellement ? (p. ex., aussitôt que le
patient quitte la séance, ou lorsque le patient est seul à la maison).
0 Pouvez-vous observer si vous avez des pensées ou sentiments particuliers qui
accompagnent la disparition de ce ressenti de soin et de soutien ?
0 Peut-être pouvons-nous explorer si certaines parties de vous trouvent que c’est
difficile de permettre ce soin et ce soutien.
0 Y a-t-il quelque chose qui vous aide à le retrouver ?

TABLEAU 4.3
Exploration du ressenti corporel du patient vis-à-vis du thérapeute

3.3. La collaboration et la disponibilité du thérapeute


Un modèle relationnel collaboratif comprend une cohérence dans notre
disponibilité, quelle qu’elle soit. Nous devons offrir aux patients un rendez-
vous régulier chaque semaine, nous présenter (et finir) à temps, et prévenir à
l’avance lorsque nous devons changer de rendez-vous ou manquer une séance
en raison de vacances ou d’autres raisons. Nous informons nos patients lorsque
nous sommes disponibles en dehors des séances et pour quelles raisons, quelle
est la meilleure façon de nous joindre, que faire lorsqu’ils ne peuvent pas nous
joindre, et donner des instructions claires sur ce qu’il faut faire en cas d’ur-
gence. Ensemble, nous définissons « l’urgence ». Lorsqu’un patient appelle,
nous retournons les appels aussi rapidement que possible, dans les paramètres
que nous avons donnés au patient. Il y aura des moments où une maladie inat-
tendue ou un autre problème nécessitera l’annulation tardive d’une séance ou
lorsqu’un message n’aura pas été transmis pour une raison ou l’autre. Nous
nous trouverons inévitablement dans une situation pénible si nous oublions
une séance ou avons mis deux rendez-vous avec deux patients pour l’heure ou
si nous oublions de rappeler le patient. Cependant, nous pouvons nous excuser
et être aussi cohérent que possible.
Souvent, au moins un éventuel contact occasionnel en cas de crise ou
d’autres situations temporaires est utile, mais seulement pour se stabiliser, et
non pour fournir un traitement. La question n’est pas de savoir s’il existe un
contact entre les séances mais la façon dont il est utilisé par le patient et le
thérapeute, c’est-à-dire,

Au-delà de l’attachement : une relation thérapeutique de collaboration 111


• qu’il y ait des paramètres bien définis qui permettent au thérapeute
d’avoir une vie et que les patients soient concentrés sur leur vie plutôt
que de compter sur un contact constant avec le thérapeute, et
• qu’il aide les patients à se concentrer davantage en séance sur le travail
de la thérapie.
Les thérapeutes doivent s’engager dans un accordage et l’établissement de
limites claires, la compassion et un cadre solide, une flexibilité raisonnable
et une cohérence prévisible, un soutien pour que le patient apprennent des
compétences et l’insistance sur une pratique régulière de ces compétences.
Ils doivent accepter l’expérience du patient et confronter respectueusement
les comportements inacceptables. Les thérapeutes doivent soutenir le patient
dans le deuil de la réalité douloureuse que la vie n’assure pas parfaitement tout
le temps, mais inversement, qu’elle peut aussi pourvoir suffisamment.

CONCEPT CLÉ

Le patient a besoin d’au moins une autre personne de soutien en plus du thérapeute. Cela
peut être un membre de la famille, un ami, un autre membre d’une équipe de traitement
ou un autre professionnel.

Bien sûr, certains patients affichent plus de dépendance vis-à-vis du théra-


peute, tandis que d’autres conservent une attitude tellement distante et pseu-
do-indépendante qu’ils ne peuvent pas faire l’expérience d’un thérapeute (ou
d’autres personnes) utile ou présent. Les patients extrêmement isolés sur le plan
social peuvent considérer le thérapeute comme leur seule source de soutien, un
piège pour le thérapeute et le patient. Les besoins de nos patients sont souvent
importants et nécessitent une approche « village » ou d’équipe. À cette fin, les
thérapeutes devraient fortement encourager le patient à avoir au moins une autre
personne de soutien. Après tout, un objectif majeur consiste à aider les patients
à participer à la vie et aux relations. S’ils restent dans un cocon sécuritaire avec
le thérapeute, certains patients peuvent ne pas vouloir risquer les trébuchements
et les coups durs du monde réel. Nous nous rendons bien sûr compte que certains
patients sont tellement isolés que c’est presque impossible.

&YFNQMFEFDBTTVSMBQQSFOUJTTBHFEFMBVUPSÏHVMBUJPO3PHFS

Roger était un patient avec un trouble dissociatif et un trouble anxieux sévère. Il appelait
constamment sa femme de son lieu de travail pour se rassurer quand il était anxieux. Il allait
chez son patron de manière récurrente pour clarifier ses instructions, ce qui irritait son patron
au plus haut point. Roger avait peur de se tromper ou de déplaire à son patron. Certaines
parties dissociatives pleuraient et insistaient pour qu’il rentre à la maison, une autre criait

112 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


intérieurement pour dire à Roger que son patron était trop exigeant et qu’il devait
démissionner sur-le-champ, et une autre hurlait qu’il était complètement stupide.
Le thérapeute de Roger l’aidait à apprendre à tolérer et à gérer son anxiété en l’aidant
à travailler avec les parties dissociatives et au moyen d’une variété de techniques de
respiration et de pleine conscience. Le thérapeute l’encourageait à pratiquer plusieurs
techniques pour réguler ses émotions. Une partie dissociative de Roger insistait sur le
fait qu’il était un échec. Le thérapeute travailla avec cette partie afin de comprendre
ses fonctions (pour empêcher Roger de vivre des expériences douloureuses et pour se
défendre contre la honte en s’attaquant à lui-même). Le thérapeute soutenait aussi
bien Roger que cette partie destructrice à mieux comprendre sa honte (voir chapitre 15)
et à avoir plus de compassion pour lui-même.
Comme Roger arrivait à réguler ses émotions avec succès quand il n’était pas sous
stress, le thérapeute avait la possibilité de mettre en évidence ses succès, pour lesquels
il commençait à avoir une certaine fierté. Avec un peu plus de compassion entre les
parties dissociatives, celles-ci commencèrent à être plus disposées à coopérer sur le
lieu de travail et à y prendre de petits risques. Roger apprenait lentement à se réguler
sans avoir toujours besoin de quelqu’un d’autre pour le faire.

3.4. La collaboration interne parmi les parties


dissociatives
Dans un modèle de collaboration, le thérapeute reconnaît l’expérience intérieure
du patient, et particulièrement les conflits, l’ambivalence et les expériences non
intégrées parmi et au sein des parties dissociatives d’elles-mêmes. Le thérapeute
commence conjointement avec le patient à comprendre comment diverses
parties dissociatives collaborent ou non l’une avec l’autre, tant implicitement
qu’explicitement. Ces dynamiques internes se situent au cœur de la détresse et
du manque de cohérence et de congruence chez les patients dissociatifs.
Les thérapeutes peuvent par exemple avoir de l’empathie pour une partie
jeune du patient qui voudrait un contact constant, ce qui est un souhait compré-
hensible même s’il est irréaliste. Toutefois, ils admettent aussi comme légitimes
la rage et la honte que ce souhait éveille dans d’autres parties dont l’intention
est de protéger de la douleur et de la vulnérabilité. Ils admettent également com-
ment le désir de dépendance sape le sens de compétence de l’individu, qui est
un adulte et non pas un enfant. Ils ont de la compassion pour la douleur et
la détresse du conflit, pour l’insistance sur un fantasme d’une prise en charge
idéalisée et pour le deuil éventuel de la perte de ce fantasme et la confrontation
à la réalité. Ils comprennent et acceptent la légitimité partielle de toutes les
positions de chaque partie de la personne, en gardant à l’esprit l’entièreté de la
personne, même si cet exercice est impossible à faire pour le patient. Ils offrent
ensuite des manières par lesquelles le patient peut apprendre à gérer ces conflits
de façon plus adaptée, au lieu de prendre parti d’un côté ou de l’autre (Steele
et al., 2001). Cette approche crée une collaboration et une cohésion parmi les

Au-delà de l’attachement : une relation thérapeutique de collaboration 113


parties dissociatives dont la raison d’être est d’éviter la connexion interne, l’ac-
ceptation et la prise de conscience qui mène à l’intégration.

4. L’utilisation du contre-transfert
comme une intervention collaborative
Partager le contre-transfert directement ou indirectement peut être incroyable-
ment puissant dans le soutien d’une collaboration relationnelle si ce partage s’ef-
fectue d’une façon correcte et au bon moment. Selon les modèles théoriques, les
conseils aux thérapeutes varient. Ils vont du non-partage au partage modéré et
prudent et jusqu’à un partage important. Nous croyons que la bonne connais-
sance d’un patient en particulier et celle des motivations du thérapeute quant à
cette question sont des premiers pas importants dans la décision de savoir s’il y
a quelque chose à divulguer, quoi et quand le faire. La divulgation n’est assuré-
ment pas une approche universelle, en particulier chez les patients dissociatifs.
Et les thérapeutes doivent savoir que différentes parties peuvent avoir des réac-
tions considérablement différentes vis-à-vis d’une révélation, dont certaines ne
pourraient pas être anticipées. Toutefois, s’il est bien mené, le partage du contre-
transfert peut accroître l’efficacité de la psychothérapie (Barrett et Berman, 2001).

CONCEPT CLÉ

Partager notre expérience du moment avec les patients peut, si c’est réalisé de manière
appropriée, améliorer la relation, construire la confiance et aider les patients à augmenter
leur capacité à partager et à être en relation. C’est une façon de dire : « Vous faites partie
de la race humaine, comme nous tous. »

Certains types de divulgation sont plus utiles, d’autres le sont moins. Par
exemple, un thérapeute qui divulgue qu’il souffre d’une dépression sévère va
probablement éveiller une réaction négative ou effrayée. Tandis qu’une thé-
rapeute qui parle de la façon dont elle gère des moments improductifs que
chacun vit comme faisant partie intégrante de la condition humaine, va sans
doute susciter une réaction positive.
Autrement dit, les révélations qui rejoignent le patient dans sa condition
humaine vont vraisemblablement être plus utiles que des révélations aux
contenus spécifiques. Si le thérapeute divulgue trop, les patients pourraient le
percevoir comme étant moins compétent et efficace, voire fragile, et s’inquié-
ter de l’impact qu’ils peuvent avoir sur l’état d’esprit du thérapeute. Cepen-
dant, une divulgation collaborative place à la fois le thérapeute et le patient
directement dans la sphère de l’expérience humaine normale et aide le patient
à avoir un ressenti corporel du thérapeute comme « étant avec ».

114 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


CONCEPT CLÉ

Les divulgations personnelles sur l’expérience du thérapeute dans le moment présent


avec le patient, ou celles qui rejoignent le patient dans sa condition humaine, sont
en général plus utiles que des divulgations de faits sur la vie ou l’histoire du théra-
peute.

Une autre façon d’approcher ce type de divulgation est de dire quelque


chose comme : « Je ne connais pas complètement votre expérience de déses-
poir et de dépression, mais il y a là quelque chose qui m’est un peu familier.
Nous autres êtres humains, nous nous sommes retrouvés de temps en temps
quelque part sur ce continuum. C’est important que vous commenciez à parta-
ger la vôtre, ainsi vous n’aurez pas à vous y sentir si seul. »
Le but de ce partage des sentiments ou des expériences du thérapeute avec
les patients est de l’utiliser comme un pont pour les aider à se connecter à leurs
propres expériences non intégrées ou désavouées et à leurs schémas relation-
nels. Le thérapeute doit trouver un équilibre prudent entre l’utilisation de ses
sentiments de contre-transfert, le partage modulé si approprié et le souci de
l’expérience du patient dans le moment. Il est parfois plus thérapeutique de
simplement observer et utiliser les expériences intérieures comme guide silen-
cieux dans les séances sans les partager avec le patient.
Le choix de savoir si le thérapeute doit ou non partager les émotions de
contre-transfert directement avec le patient est basé sur de nombreux facteurs.
Les questions suivantes peuvent être utiles dans la prise de décision.
• Ai-je des sentiments forts à propos de ce que je veux divulguer ? Y a-t-il
toujours quelque chose de non résolu chez moi ? Les questions non résolues
sont probablement trop vulnérables à partager et le jugement du théra-
peute sur la divulgation peut ne pas être clair. Consultez ou demandez
une supervision pour discuter si une divulgation pourrait avoir du sens ;
et si c’est le cas, comment et quand partager.
• Est-ce que le patient est susceptible d’apprécier son impact sur moi en tant
que thérapeute et peut-il utiliser mon expérience pour avancer dans sa
réflexion ?
• Le patient a-t-il une alliance positive avec moi ? La recherche indique que
la divulgation d’informations renforce la perception négative du théra-
peute lorsque le patient perçoit la relation thérapeutique comme néga-
tive (Myers et Hayes, 2006).
• Le patient est-il susceptible d’utiliser mon information pour me réprimander
ou m’humilier, c’est-à-dire que le patient pourrait être sadique envers moi ?
Dans l’affirmative, serait-il utile de partager ma curiosité sur ce qui se passe
pour le patient au moment où il/elle me fait mal ou m’humilie ?

Au-delà de l’attachement : une relation thérapeutique de collaboration 115


• Une divulgation de mon expérience du patient serait-elle de trop pour que le
patient puisse la tolérer ? Serait-ce susceptible d’engendrer de la honte, de la
culpabilité, de la rage ou une offre de soin ?
• Y a-t-il un moyen de partager mon expérience sans bouleverser le patient ?
• Le patient pourrait-il utiliser ma divulgation pour dévier de sa propre expé-
rience ? Pourrait-il ruminer sur la divulgation et demander encore plus de
partage ? Les défenses obsessionnelles pourraient empêcher tout partage
jusqu’à ce qu’elles soient traitées de manière plus complète.
• Comment chaque partie du patient pourrait-elle répondre à ma divulgation ?
Est-elle susceptible de créer plus ou moins de cohésion entre les parties ?

La façon dont le thérapeute partage est aussi importante. Les divulgations


devraient être cadrées en mettant l’accent sur une compréhension compassion-
nelle de l’expérience du patient. Il est essentiel que les réactions contre-trans-
férentielles soient partagées de manière modulée et non menaçante. Dans le
tableau 4.4, certains exemples sont donnés quant à la manière dont une divul-
gation peut être faite pour favoriser la collaboration.

5. Résumé
Un modèle d’attachement parents-petit enfant peut considérablement rensei-
gner la relation thérapeutique, cependant il existe des difficultés dans l’utili-
sation de ce modèle sans informations additionnelles. Notre besoin inné de
collaboration et de partage peut aussi contribuer à la structure de la relation
thérapeutique. La collaboration concerne autant la communication et le par-
tage implicite que les mots explicites, et une bonne collaboration résulte en un
sentiment de compétence et de bien-être. Les divulgations de contre-transfert
peuvent être un moyen puissant de promouvoir la collaboration en thérapie.

• Je ressens fortement un sentiment de désespoir dans la pièce, et je le ressens à l’in-


térieur de moi quand vous essayez de partager ce que c’est de se sentir si désespéré.
Cela semble si sombre et vide. Est-ce un peu comme cela ?
0 Pas : Je me sens si désespéré avec vous maintenant. J’ai essayé tout ce que je connaissais
et cela ne vous a pas aidé.
0 Pas : Vous vous sentez tellement désespéré. Mais il y a beaucoup d’espoir ! Je suis là et je
vais vous aider à vous sentir mieux !
• D’une certaine façon je me sens un peu perturbé, comme si d’une manière ou d’une
autre vous partagiez un peu de d’ambivalence ou de confusion avec moi. Je me
demande s’il y a des parties en vous qui sont en désaccord entre elles. Est-ce possible ?
Si oui, quelles sont les réactions des autres parties de vous par rapport à ce que vous
êtes en train de dire ?
0 Pas : Je n’ai aucune idée de quoi vous parlez. J’ai l’impression que vous essayez de m’em-
brouiller.

116 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


• Je remarque que vous retenez votre souffle et que vos muscles sont tendus
pendant que vous me racontez cette histoire heureuse à propos de votre sœur.
Pouvez-vous voir cela et être curieux avec moi sur ce qui serait en train de se
passer pour vous juste maintenant ? Parce que je sens que je suis aussi tendu à
vos côtés.
0 Pas : Vous êtes si tendu. Relâchez-vous un peu.
• Je me sens triste quand vous me racontez cette histoire, cependant vous êtes en train
de rire et de sourire. Je suis curieux du fait que nous ayons de telles réactions diffé-
rentes. Pourriez-vous partager votre expérience de ce que c’est pour vous de me
raconter cette histoire ?
0 Pas : Vous êtes incongru quand vous riez à propos de quelque chose qui est clairement
triste. Vous devez ressentir cette tristesse.
• Je viens de prendre conscience que j’ai retenu mon souffle et je remarque que vous
l’avez fait également. Prenons quelques profondes respirations et soyons curieux de
ce que nous essayons d’accomplir en ne respirant pas.
0 Pas : Je retiens ma respiration en attendant que vous disiez quelque chose.
• J’observe qu’il y a un tas de frustrations dans la pièce. Je le sens. Je peux imaginer que
vous aussi. Est-ce correct ? Essayons de comprendre ce qui se passe.
0 Pas : Vous me frustrez vraiment en ce moment. Je ne comprends pas pourquoi vous
résistez tellement à quelque chose qui vous fera clairement vous sentir mieux.
• Quand vous me criez dessus, je me sens un peu effrayé. J’ai du mal à comprendre ce
que vous cherchez vraiment à me dire et je veux vous entendre. Donc, s’il vous plaît,
baissez un peu la voix, essayons de trouver un moyen d’être ensemble, ainsi je peux
comprendre.
0 Pas : Arrêtez d’être si en colère et calmez-vous !
• Si un patient est sadique, plutôt que de révéler votre peur et vulnérabilité, le thé-
rapeute devrait immédiatement se reconcentrer sur l’expérience du patient : J’aime-
rais arrêter un moment, parce que je viens de prendre conscience que ce qui se passe
entre nous ressemble fort à ce que vous décrivez qui se passe dans d’autres relations. Il y
a un sentiment que vous retirez quelque peu du plaisir de l’inconfort ou de la peur que
d’autres personnes ressentent autour de vous, ce qui, vous l’avez remarqué, vous donne
un sentiment de pouvoir. Je m’interroge de savoir si c’est quelque chose qui se passe en
ce moment ?
0 Pas : Je me sens vraiment blessé. J’essaie juste de vous aider. Pourquoi vous me traitez de
cette façon ?
• Il semble y avoir de l’énergie sexuelle dans la pièce. Trouvons un moyen de parler de
cela en toute sécurité, avec toutes les parties de vous qui sont présentes.
0 Pas : Vous avez des sentiments sexuels envers moi.
0 Pas : J’ai des sentiments sexuels.
• Je me trouve à avoir une curieuse expérience de me sentir un peu incompétent en
ce moment. Je me demande si cela raconte quelque chose sur ce qui se passe avec
nous deux dans cette séance. Je devine que c’est un sentiment familier pour vous.
Prenons cette opportunité importante pour comprendre davantage à propos de votre
expérience et notre expérience ensemble.
0 Pas : Vous êtes venu chez moi parce que je suis un expert et je sais vraiment ce que je
fais. Je veux vous aider, mais vous rejetez tout ce que je suggère.

Au-delà de l’attachement : une relation thérapeutique de collaboration 117


• C’est intéressant que je me retrouve être un peu endormi même si je me suis bien
reposé. Trouvez-vous aussi que c’est difficile de rester éveillé aujourd’hui ? Je me
demande ce qui se passe qui fait que nous n’arrivions pas à être présent l’un avec
l’autre aujourd’hui ?
0 Vous êtes tellement ennuyeux que je peux à peine rester éveillé pendant nos séances.
Vous n’amenez pas dans nos séances ce sur quoi vous devez vraiment travailler.
• Je note que j’ai l’expérience de me sentir un peu comme si rien n’est jamais suffisant
et il m’est venu que ce qui se passe entre nous peut donner un aperçu utile sur le
contexte dans lequel vous avez grandi. Est-ce que j’ai raison que vous ne vous sentiez
jamais assez bien, peu importe l’effort fourni ? Pouvez-vous m’en dire plus sur comment
c’était ? Je peux aussi imaginer que vous avez fait l’expérience de ne jamais être vrai-
ment compris par vos parents de façon aidante. Est-ce correct ?
0 Pas : Vous rejetez tout ce que je fais. Vous avez un schéma relationnel où vous vous
comportez de manière à ce que les gens se sentent inférieurs pour que vous puissiez vous
sentir mieux. Regardons cela d’un peu plus près.
• Je me sens déchiré pour le moment sur ce qu’il faut faire et je m’interroge si vous
le ressentez aussi. La partie jeune de vous voudrait que je vous apaise, tandis que
la partie en colère voudrait que je n’aie rien à avoir à faire avec ces désirs et, en fait,
ne veut même pas être en thérapie. Il me semble que si je choisis l’un ou l’autre,
quelque chose d’essentiel de vous sera perdu pour nous en ce moment. Je crois
que les deux sont importants. Je me demande si le conflit entre ces deux parties
de vous est quelque chose dont nous pourrions être conscients et auquel nous
pourrions penser ensemble.
0 Pas : Je ne m’occupe pas des parties enfant. Ce n’est pas mon job. Et la partie en colère
de vous doit s’abstenir. Vous attendez l’impossible de moi.
0 Pas : Oui, adressons-nous à la partie enfant maintenant. Elle a besoin de tellement de
soin et d’apaisement. La partie en colère lui fait tellement de peine. Cette colère ne vous
appartient pas. C’est la colère de votre père. Rendez-la-lui.

TABLEAU 4.4
Les divulgations par le thérapeute qui soutiennent la collaboration

6. Explorations supplémentaires
1. Décrivez un exemple de la façon dont vous avez partagé le contre-
transfert avec un de vos patients et qui vous a aidé tous deux à collabo-
rer sur ce qui était en train de se passer dans le moment.
2. Qu’avez-vous tendance à utiliser le plus pour vous-même, l’auto-apai-
sement ou l’apaisement relationnel ? Votre réponse n’est ni bonne ni
mauvaise. Différentes personnes tendent à avoir un penchant pour l’un
ou l’autre. Êtes-vous capable de savoir quand c’est approprié pour vous
de demander du soutien et quand c’est approprié de vous débrouiller
tout seul ? Si vous avez des croyances quant à savoir si une façon est
meilleure que l’autre, écrivez-les.

118 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Exemple : Les gens devraient être indépendants et capables de se
gérer par eux-mêmes tout le temps. Les gens ne devraient jamais être
seuls lorsqu’ils ont un mauvais moment. Je ne peux pas dépendre
des gens pour demander de l’aide, donc je dois me débrouiller. Je
ne peux m’auto-apaiser, ainsi je dois dépendre de quelqu’un pour
m’aider.
3. De quelles façons vos croyances à propos de l’autorégulation et de la
régulation relationnelle affectent-elles votre tendance à influencer vos
patients à mettre l’accent sur l’une ou l’autre ?
4. Exercez-vous à vous centrer sur le processus, c’est-à-dire sur ce qui se
passe entre vous et le patient et ce qui se passe à l’intérieur de chacun
de vous durant la séance cette semaine. Qu’est-ce qui fait qu’il est dif-
ficile d’observer le processus ? Qu’avez- vous appris en vous focalisant
davantage sur le processus ?
Conseil : Si vous avez besoin d’aide pour reconnaître et travailler le
processus, demandez conseil à votre superviseur. Nous recomman-
dons l’enregistrement vidéo comme une manière privilégiée d’ap-
prendre à travailler avec le processus. Une autre façon consiste à
faire des jeux de rôle avec un collègue, chacun prenant le rôle de
thérapeute et de patient. Exercez-vous au jeu de rôle en vous focali-
sant et en communiquant uniquement sur le processus pendant 10
ou 15 minutes.
5. Prenez bien note de votre propre expérience subjective dans la séance
avec vos patients. Notez vos postures, sensations, mouvements, respira-
tion, tension musculaire, pensées, fantasmes, émotions et perceptions.
Est-ce qu’une partie de votre expérience est différente avec différents
patients ou avec différentes parties dissociatives ?

Au-delà de l’attachement : une relation thérapeutique de collaboration 119


PARTIE II
Évaluation,
formulation de cas
et planification du
traitement
cHAPITRE 5
Évaluation des troubles
dissociatifs

Dépister une pathologie dissociative devrait devenir une partie


intégrante d’une évaluation diagnostique de routine.
Suzette Boon et Nel Draijer (1993a, p. 270)

Le diagnostic précis du trouble dissociatif est essentiel car il structure l’ap-


proche thérapeutique particulière qui sera la plus susceptible d’aider les
patients souffrant d’un trouble dissociatif complexe à aller mieux. Aborder
directement la dissociation dans le traitement orienté par phases fait pro-
gresser les patients dans leur fonctionnement au quotidien, réduit l’automu-
tilation, diminue l’état de stress post-traumatique (ESPT), tout en réduisant
les symptômes dissociatifs, le besoin d’hospitalisation ainsi que le coût du
traitement (Brand, Classen et Lanius et al., 2009 ; Brand et Loewenstein,
2014). Toutefois, ceux chez qui la dissociation n’est pas prise en compte lors
du traitement continuent à avoir des symptômes dissociatifs et d’autres dif-
ficultés, puisque leur organisation dissociative sous-jacente n’est pas traitée
(Brand, Classen, Mc Nary et Zaveri, 2009).

CONCEPT CLÉ

Les troubles dissociatifs complexes exigent des approches thérapeutiques particu-


lières.

Évaluation des troubles dissociatifs 123


Il existe de nombreuses et excellentes sources pour le diagnostic du patient
présentant un trouble dissociatif (voir annexe A pour la liste des instruments
d’évaluation). Dans ce chapitre, nous décrivons brièvement les symptômes
majeurs des troubles dissociatifs complexes. Il est important pour les théra-
peutes – même pour ceux qui ne se spécialisent pas dans la clinique des troubles
dissociatifs – d’être capables de réaliser au moins un dépistage de base pour ces
derniers. Si nécessaire, une consultation complémentaire peut aider à clarifier
le diagnostic. Parfois, parce que la dissociation reste cachée, le diagnostic peut
ne pas être clair pendant un bout de temps. Les thérapeutes peuvent suspec-
ter un trouble dissociatif, mais doivent attendre que les patients soient suffi-
samment en sécurité pour exprimer de façon plus complète leur expérience
intérieure.

1. Les défis dans l’évaluation des troubles


dissociatifs
Le thérapeute doit poser des questions à la fois directes et subtiles sur la dis-
sociation sans bouleverser le patient, mais aussi sans éviter le sujet. Plusieurs
défis majeurs dans l’évaluation des troubles dissociatifs doivent être abordés
pour que le thérapeute soit adéquatement préparé à comprendre les symptômes
dissociatifs et leurs diverses présentations (voir Boon et Draijer, 1993a, 1993b,
2007 ; Dell, 2002, 2006a, 2006b, 2009a, 2009b ; Draijer et Boon, 1999 ; ISSTD,
2011 ; Ross, 1997 ; Steinberg, 1994, 1995, 2004 ; Van der Hart et al., 2006).

1.1. Les significations multiples de la dissociation


La dissociation connaît de nombreuses définitions et descriptions dans la lit-
térature et savoir exactement ce qu’il faut rechercher chez le patient peut être
difficile pour le thérapeute (Boon et Draijer, 2007). Une question majeure est de
savoir si la dissociation peut être placée sur un continuum allant du « normal » au
« pathologique » (p. ex., Bernstein et Putnam, 1986 ; Carlson et Putnam, 1993 ;
Cardeña, 1994). Certains théoriciens considèrent que des symptômes comme le
fait d’être souvent « dans les nuages », l’implication imaginaire et l’absorption
se trouvent du côté « normal » de ce continuum, avec les parties dissociatives
de la personnalité et l’amnésie psychogène du côté pathologique (Butler, 2006 ;
Dalenberg et Paulson, 2009 ; Waller, Putnam et Carlson, 1996). Les symptômes
se trouvant du côté normal sont assez ordinaires dans toutes les populations et
impliquent un rétrécissement ou une baisse du niveau de la conscience. Nous
préférons ne pas parler de dissociation pour ces phénomènes, car ils n’impliquent
pas de dissociation de la personnalité selon la signification originale du terme
(Boon et Draijer, 1993a ; Steele, Dorahy, Van der Hart et Nijenhuis, 2009 ;
Van der Hart, 1991 ; Van der Hart et al., 2006). Ils surviennent spontanément

124 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


lorsque nous sommes fatigués, malades, préoccupés, stressés ou tellement foca-
lisés sur une chose (p. ex., lire un livre ou travailler sur un projet) que nous ne
remarquons pas la présence d’autrui. Cependant, même ces symptômes normaux
peuvent être pathologiques lorsqu’ils sont persistants et graves, tels que chez les
patients dans les nuages au point de dysfonctionner ou chez ceux qui passent
beaucoup de temps dans un monde imaginaire au lieu de vivre leur vie, qu’ils
aient ou non une dissociation de la personnalité (Somer, 2002).
Nous nous demandons, comme d’autres, s’il y a un continuum, étant donné
que les symptômes dissociatifs des personnes souffrant de troubles dissociatifs
autrement spécifiés et de TDI sont qualitativement différents de ceux de la
« dissociation » observée dans d’autres populations (Boon et Draijer, 1993a ;
Nijenhuis, 2015 ; Rodewald, Dell, Wilhelm- Gößling et Gast, 2011 ; Steele et
al., 2009 ; Van der Hart et Dorahy, 2009 ; Van der Hart et al. 2006 ; Waller et
al., 1996 ; Waller, Ohanian, Meyer, Everill et Rouse, 2001). Il est très probable
que des altérations et un rétrécissement du niveau de conscience soient un
terrain fertile pour la dissociation pathologique, mais ils ne sont pas suffisants
en soi pour causer la dissociation de la personnalité.

CONCEPT CLÉ

Les changements dans la concentration attentionnelle – ce que certains auteurs ap-


pellent la dissociation « normale » – sont certainement un élément de la dissociation de
la personnalité. Cependant, ils ne sont pas représentatifs de l’état de rupture au niveau
du sens de soi, qui survient dans les troubles dissociatifs complexes et qui rend les symp-
tômes de ces troubles qualitativement différents du fait d’être dans les nuages, de rêvasser
ou de perdre conscience.

Quelques théoriciens décrivent la dissociation comme une sous-activation


(p. ex. Lanius et al., 2014 ; Porges, 2011 ; Lanius, Brand, Vermetten, Frewen et
Spiegel, 2012 ; Schore, 2009, 2012). Ainsi, Schore observe que les nourrissons
peuvent s’engager soit dans la sur-activation, en réponse au trauma relation-
nel, soit dans la dissociation, qu’il décrit comme étant un « état dominant
parasympathique de conservation/retrait » sous-activé (2009, p. 120). Cette
description de la dissociation est très différente de celle qui rend compte de
la dissociation de la personnalité. Ni la sous-activation seule ni les altérations
typiques de la conscience n’incluent les symptômes centraux spécifiques aux
troubles dissociatifs complexes (TDI et TDAS), c’est-à-dire les parties disso-
ciatives de la personnalité (Nijenhuis, 2015 ; Steele et al., 2009). Les parties
dissociatives de la personnalité peuvent inclure tant la sur-activation extrême
que la sous-activation. De nombreuses parties dissociatives sont en fait chro-
niquement suractivées et le patient alterne entre la sous-activation et la sur-
activation selon la partie qui a le contrôle.

Évaluation des troubles dissociatifs 125


Aux fins de l’évaluation et du traitement du TDI et du TDAS, nous pour-
rions comprendre la dissociation comme une organisation ou une structure
de la personnalité du patient et du soi qui implique des degrés inhabituels de
séparation, y compris des sens de soi séparés qui ont chacun leurs propres pers-
pectives à la première personne (Nijenhuis, 2015 ; Nijenhuis et Van der Hart,
2011 ; Steele et al., 2009 ; Van der Hart et al., 2006).

CONCEPT CLÉ

On peut comprendre la dissociation dans le TDAS et le TDI comme une organisation


particulière de la personnalité du patient et du sens du soi qui est excessivement compar-
timentée et rigide et qui inclut des sens séparés de soi. Les symptômes émergent comme
des manifestations des activités des parties dissociatives.

Ce qui est vraiment unique dans le TDAS et le TDI n’est pas la présence de
l’absorption ou de l’interruption dorso-vagale, mais bien la présence de parties
dissociatives de la personnalité (même si elles sont rudimentaires). Il est pro-
bable que des altérations persistantes et généralisées de la conscience – ce que
certains appellent la dissociation « normale » – soient un ingrédient nécessaire
pour le développement de l’organisation dissociative de la personnalité, mais
elles ne sont pas suffisantes pour la causer et la soutenir. Ces symptômes ne sont
ni spécifiques ni sensibles à l’évaluation du TDI et du TDAS, et sont omnipré-
sents dans de nombreux troubles, par exemple le trouble panique (Aderibigbe,
Bloch et Walker, 2001). Ce qui est unique aux troubles dissociatifs, ce ne sont
pas les schémas d’activation ou d’attention mais le fait que le patient possède
des sens de soi différents reliés à des perspectives à la première personne et avec
lesquels des schémas attentionnels et d’activation particuliers sont associés.

1.2. Les différences dans les systèmes de classification


Le thérapeute peut aussi être déconcerté par les différences entre les deux sys-
tèmes de classification psychiatriques majeurs et largement utilisés, le Manuel
du Diagnostic et Statistique des Troubles Mentaux (DSM-5) et la Classification
Internationale des Maladies (CIM-10), concernant les catégories diagnostiques
des troubles dissociatifs. Par exemple, la plupart des troubles dissociatifs somato-
formes, classés comme des troubles dissociatifs du mouvement et de la sensation,
sont inclus dans le CIM-10, mais pas dans le DSM-5. De nombreux patients
souffrant d’un trouble dissociatif complexe ont des symptômes dissociatifs soma-
toformes sévères ; ils peuvent se présenter dans le milieu de la santé mentale avec
une paralysie, des douleurs intrusives inexpliquées, d’autres sensations ou encore
des pseudo-crises d’épilepsie. Dans le DSM-5 cependant, celles-ci peuvent être
catégorisées comme des symptômes ou des troubles de conversion et ne sont pas

126 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


considérées comme étant d’ordre dissociatif, une perspective qui est critiquée par
de nombreuses personnes (p. ex. Bowman, 2006 ; McDougall, 1926 ; Kihlstrom,
1992 ; Nemiah, 1991 ; Nijenhuis, 2004, 2015 ; Van der Hart et al., 2006). Les
thérapeutes qui se réfèrent au DSM-5 peuvent facilement ignorer la dissociation
dans les cas où les symptômes somatiques prédominent.

1.3. Le manque de formation


Un troisième défi dans l’évaluation réside dans le fait que les thérapeutes
reçoivent rarement un enseignement adéquat concernant le repérage des
troubles dissociatifs dans leur programme de formation (Boon et Draijer, 2007).
Cette situation donne lieu à des problèmes de sous-diagnostic par ceux qui ne
prennent jamais en considération les troubles dissociatifs et de sur-diagnostic
par ceux qui ignorent comment distinguer ces troubles d’autres phénomènes
comme les états du moi normaux, les conflits intrapsychiques ou des fluctua-
tions spectaculaires dans les émotions ou les pensées.

CONCEPT CLÉ

La plupart des thérapeutes n’ont guère (voire pas) été formés à l’évaluation de la disso-
ciation. Cette situation peut mener à un sous-diagnostic ou à un sur-diagnostic, tous les
deux entraînant un traitement inadéquat des patients. Les thérapeutes qui travaillent
avec des populations qui ont un traumatisme complexe ont une obligation éthique d’éva-
luer correctement les troubles dissociatifs.

Alors que la littérature a surtout critiqué le sur-diagnostic, il est probable


que le sous-diagnostic soit un problème bien plus fréquent, puisque beaucoup
de praticiens et de centres de santé ne prennent même pas en considération le
diagnostic. De nombreux patients souffrant d’un trouble dissociatif ont passé
des années dans le système de santé mentale avant que leur trouble dissociatif
n’ait été correctement diagnostiqué (Ƶar, 2011).
De la même façon, les cliniciens doivent être capables de distinguer l’am-
nésie dissociative de certaines défaillances dans la mémorisation dues au stress,
à l’absorption, la fatigue ou la maladie. De nombreux survivants au trauma
passent une grande partie de leur enfance à fuir des réalités douloureuses absor-
bés dans l’imaginaire, la lecture, devant le téléviseur, ou en jouant à des jeux
vidéo ou autres. En plus de l’amnésie dissociative des expériences trauma-
tiques, ils ne peuvent sans doute tout simplement pas se rappeler grand-chose
de leur enfance, absorbés qu’ils étaient ou étant si souvent dans les nuages.
Cette distinction est essentielle à poser, autrement le patient et le thérapeute
peuvent faire des efforts aussi infructueux qu’incessants pour remplir les blancs
de l’histoire du patient.

Évaluation des troubles dissociatifs 127


1.4. La nature cachée de la dissociation
Un quatrième défi à rencontrer pour établir un diagnostic adéquat réside dans
le fait que la dissociation de la personnalité est une organisation intrapsychique
qui n’est souvent pas visible facilement (Kluft, 1987a). Puisque les troubles
dissociatifs complexes se développent dans la prime enfance, les patients n’ont
souvent pas de points de référence pour savoir si leurs expériences internes sont
communes ou inhabituelles. Ils rapportent qu’ils ont « toujours été comme
cela ». Ainsi, beaucoup n’ont jamais conceptualisé ou verbalisé leur expé-
rience intérieure de la dissociation et il ne leur vient pas à l’esprit de le faire
sans une interrogation spécifique de la part du thérapeute. D’autres patients
sont profondément honteux de leurs symptômes, craignent d’être « fous », et
par conséquent sont souvent très motivés à rester cachés.
Selon un mythe courant, une manifestation majeure de la dissociation
implique un « switch » flagrant entre des parties considérablement différentes
l’une de l’autre, comme cela a pu être décrit dans des cas bien connus dans les
médias. En fait, cette présentation clinique est inhabituelle (environ 5 à 6 %
des cas de TDI ; Kluft, 1985a ; Boon et Draijer, 1993a, 1993b). Ces quelques
patients peuvent avoir une comorbidité diagnostique de personnalité histrio-
nique, menant à des présentations dramatiques ou flamboyantes du vrai TDI. Il
peut également s’agir d’individus soumis à un grand stress qui fait flamber leurs
symptômes jusqu’à un degré inhabituel.
Les patients avec un TDI ou un TDAS sont en général extrêmement évitants
par rapport à leurs parties dissociatives et vont peu probablement les présenter
en public excepté sous de graves contraintes (voyez le cas de Robert ci-dessous).
La plupart des patients ont peur ou ressentent de la honte de « switcher » parce
que c’est vécu comme une perte de contrôle effrayante. Les patients dissociatifs
sont souvent devenus champions en camouflage dans le but de rester sécurisés et
ignorés et tendent à cacher ou à justifier leurs symptômes (Kluft, 1987a). Finale-
ment, les enfants abusés apprennent qu’il vaut mieux ne pas être vus ou réellement
connus. Les symptômes sévères sont une indication que le patient ressent une forte
contrainte et un important conflit intérieur. Les thérapeutes se retrouvent souvent
avec de tels patients comme premier cas de TDI parce qu’ils sont plus facilement
repérables. Malheureusement, des patients très symptomatiques sont habituelle-
ment plus complexes à traiter car ils se sont fortement enclins à garder les parties
séparées ou présentent des conflits intenses parmi leurs parties dissociatives.

CONCEPT CLÉ

Les symptômes dissociatifs sont souvent cachés au thérapeute parce que le patient n’en
est pas conscient, en est honteux ou ne sait pas comment décrire ses expériences. Les
thérapeutes devraient poser des questions spécifiques à propos de la dissociation et s’en-
quérir de nombreux exemples de l’expérience passée ou présente du patient.

128 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Les symptômes dissociatifs sont des manifestations d’une organisation
interne dynamique de la personnalité, un monde privé et souvent terrifiant,
qui opère sous la surface. Certains patients sont si troublés par leurs symptômes
dissociatifs qu’ils développent la conviction d’être psychotiques, puisque cer-
tains de ces symptômes – en particulier entendre des voix – se retrouvent dans
la psychose ou la schizophrénie (p. ex. Kluft, 1987b ; Moskowitz, Schäfer et
Dorahy, 2008 ; Ross et al., 1990). Parfois, ils souffrent d’une psychose, notam-
ment d’une psychose dissociative (Van der Hart et Witztum, 2008). Ils pré-
sentent des intrusions discordantes de parties dissociatives, des défaillances
déroutantes dans leur conscience et un sentiment profond de fragmentation
ou de fracture. Les patients peuvent être honteux de partager leurs expériences
dissociatives car elles sont le signe de « ne pas être suffisamment forts » ou
d’être quelque peu défaillants. Et, évidemment la reconnaissance de la dis-
sociation est comparable à la reconnaissance d’expériences douloureuses qui
sont dissociées. La non-réalisation peut donc s’étendre jusqu’à l’évitement de
la prise de conscience d’avoir un trouble dissociatif.
Quand un trouble dissociatif est suspecté, le thérapeute devrait être
conscient de la possibilité que des parties dissociatives jouent un certain rôle
dans d’autres problèmes cliniques. Parfois, les premiers symptômes sont des
variations déroutantes au sein d’autres problèmes cliniques. Par exemple, cer-
taines parties s’engagent dans des comportements de troubles alimentaires tan-
dis que d’autres ne le font pas, ce qui mène à des apparitions et disparitions
abruptes de problèmes alimentaires. Certaines parties peuvent être dépressives
alors que d’autres ne le sont pas, conduisant à un étonnant cycle de dépression
expresse qui peut se produire en quelques minutes ou en quelques heures. Cer-
taines parties ont des douleurs alors que d’autres sont engourdies. Il peut donc
sembler tant au thérapeute qu’au médecin que le patient donne des informa-
tions contradictoires.

CONCEPT CLÉ

Les thérapeutes devraient être conscients que les activités des parties dissociatives
peuvent imiter ou exacerber d’autres symptômes ou d’autres troubles, tels que la dépres-
sion, l’automutilation, le risque de suicide, les problèmes alimentaires, les addictions et
la panique.

Certains patients peuvent réagir avec de l’anxiété ou de la colère quand on


leur pose des questions sur la dissociation, ce qui peut surprendre le thérapeute
non initié. En fait, ces réactions négatives de honte et de peur accroissent l’in-
dice de suspicion de dissociation. Habituellement, les patients qui ne sont pas
dissociatifs disent simplement qu’ils ne reconnaissent pas les symptômes et n’ont
pas de fortes réactions aux questions. Pour certains patients, une évaluation

Évaluation des troubles dissociatifs 129


intensive réalisée de façon prématurée peut provoquer une crise et se terminer
dans la fuite du traitement. Un rythme d’évaluation plus lent, qui prend en
considération la fenêtre de tolérance du patient, peut être efficace et utile.

1.5. Distinguer les états et modes du Moi


des parties dissociatives
Un cinquième défi est de réussir à distinguer les états ou modalités normaux
du Moi des parties dissociatives. Les travaux dans le champ de la thérapie des
états du moi (en anglais Ego-State Therapy, EST ; Watkins et Watkins, 1997),
de la thérapie des schémas (Young, Klosko et Weishaar, 2003) et les études
récentes en neurobiologie indiquent que la conscience et le self ne sont jamais
complètement unitaires. Tout le monde a des « états de self multiples » ou des
états du moi. Cependant, il n’y a qu’un petit pourcentage de la population qui
souffre de troubles dissociatifs, c’est-à-dire de parties dissociatives. Young et
al. (2003) font référence aux différents modes dans les troubles états limites,
comparables à des états du moi. Nous pourrions considérer que les parties dis-
sociatives résident sous une large catégorie parapluie d’états du moi naturels.
Pour employer une métaphore, tous les tigres (les parties dissociatives) sont des
mammifères (des états du moi), mais tous les mammifères (les états du moi) ne
sont pas des tigres (des parties dissociatives) (voir Kluft, 1988a, 2006).

CONCEPT CLÉ

Les états du moi sont des phénomènes normaux dont nous faisons tous l’expérience et
qui n’indiquent pas la présence d’un trouble dissociatif. Ils diffèrent des parties dissocia-
tives dans leur manque d’autonomie et d’élaboration, dans leurs expériences et mémoires
personnelles ainsi que dans leurs autoreprésentations uniques et leurs perspectives à la
première personne. Le patient reconnaît facilement que les états du moi sont des parties
de soi, ce qui n’est pas le cas pour les parties dissociatives.

De manière théorique, Watkins et Watkins (1993, 1997) avaient initia-


lement prévu que le concept des états du moi comprendrait les identités ou
parties dissociatives. Kluft (1988a) propose toutefois que les parties dissocia-
tives, contrairement aux états du moi, aient leur propre sens de l’identité, leur
autoreprésentation, leur mémoire autobiographique et leur expérience per-
sonnelle. Les parties dissociatives ont une perspective de première personne
distincte – c’est-à-dire un sens du je, du moi et du mien –, ce qui peut inclure
un ou tous les aspects des expériences telles que les pensées, les sentiments,
les souvenirs, les fantasmes, les perceptions, les prédictions, les humeurs, les
sensations, les prises de décision et les comportements (Nijenhuis et Van der
Hart, 2011 ; Van der Hart et al., 2006). D’autre part, les états du moi semblent

130 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


conserver un sens partagé d’appartenance à la personne dans son entièreté. Ils
sont habituellement moins distincts, avec moins d’amnésie et d’autonomie et
ils ne s’investissent pas dans la séparation. Le plus souvent, ils émergent claire-
ment sous hypnose (formelle ou informelle) plutôt qu’au quotidien, lorsqu’ils
peuvent avoir une influence mais sans contrôle total.
Malheureusement, en pratique, il est parfois difficile, si pas impossible, de
distinguer les deux chez certains patients. Il y a certainement une large zone
grise. Il faut cependant répondre à la question essentielle : Est-ce que le patient
a un trouble dissociatif ? La confusion entre des états du moi normaux ou des
fonctionnements états-limites avec des parties dissociatives peut entraîner
un sur-diagnostic des troubles dissociatifs, tandis que la confusion entre des
parties dissociatives et des états du moi normaux ou limites peut mener au
sous-diagnostic. Poser cette distinction nécessite donc que l’on se base non
seulement sur les caractéristiques des parties dissociatives, mais peut-être de
façon plus importante, sur d’autres symptômes cohérents avec la présence de
parties dissociatives et que l’on trouve uniquement dans les troubles du même
nom. Ceux-ci incluent, par exemple, l’amnésie du présent, des phénomènes
d’influences passives, le « switching » et de perturbantes intrusions partielles
(voir tableau 5.1 pour une liste des symptômes des troubles dissociatifs).

2. Les symptômes de la dissociation


dans la personnalité
Les symptômes de la dissociation dans la personnalité peuvent être grosso modo
divisés en symptômes dissociatifs positifs et négatifs, tous deux de type psycho-
forme (cognitivo-émotionnels) et somatoforme (sensori-moteurs) (Nijenhuis,
2015 ; Nijenhuis et Van der Hart, 2011 ; Van der Hart et al., 2006 ; voir
tableaux 5.1 et 5.2). Les symptômes dissociatifs négatifs renvoient à l’absence
ou à la perte d’une fonction qui, en théorie, devrait être présente. Les symp-
tômes dissociatifs positifs sont transitoires et intrusifs. Le tableau 5.1 montre les
symptômes dissociatifs les plus communs, y compris ceux actuellement classés
comme symptômes de somatisation dans le DSM-5. Le thérapeute devrait tou-
jours demander plusieurs exemples de symptômes et essayer de déterminer leur
fréquence, le moment de leur apparition, ce qui les améliore et ce qui les aggrave.
De nombreux patients peuvent donner l’historique de symptômes dissociatifs
qui datent de leur enfance ou de leur adolescence. Puisque les troubles disso-
ciatifs complexes se développent presque toujours durant l’enfance, les patients
peuvent ne pas avoir conscience que leurs expériences internes sont en dehors
de la norme et peuvent ainsi ne pas rapporter que, par exemple, ils entendent des
voix, perdent la notion du temps ou vivent des expériences hors du corps. Tou-
tefois, beaucoup de patients sont si phobiques de leurs expériences intérieures
qu’ils ont évité de reconnaître les symptômes ou les ont minimisés ou rejetés.

Évaluation des troubles dissociatifs 131


CONCEPT CLÉ

Les symptômes dissociatifs peuvent être positifs ou négatifs. Les symptômes positifs sont
des intrusions temporaires comme des voix, de la douleur, des pensées et des émotions.
Les symptômes négatifs sont des pertes de fonctions qui ne peuvent être expliquées par
d’autres raisons, tels que l’engourdissement émotionnel, l’analgésie ou l’anesthésie, la
paralysie et les pertes soudaines de compétences comme de conduire une voiture ou
cuisiner.

Les thérapeutes devraient être conscients que les patients avec un trouble dis-
sociatif complexe présentent un ensemble de symptômes dissociatifs communs et
peuvent, en plus, rapporter beaucoup d’autres symptômes d’origine traumatique
(Boon et Draijer, 1993a ; Brand et Loewenstein, 2010 ; Carlson et Armstrong,
1994 ; Dell, 2009a, 2009b ; Frankel, 2009 ; Ross, 1995 ; Steinberg, 1994, 1995,
2004 ; Steinberg, Cichetti, Buchanan et Hall, 1993). À nouveau, ce qui semble
être une comorbidité à la surface peut être causé ou au moins être exacerbé par
les actions de diverses parties dissociatives. Souvent, une organisation dissocia-
tive de la personnalité devient claire lorsqu’on interroge sur la présence de symp-
tômes d’origine traumatique. Les parties dissociatives du patient fixées au temps
du trauma rendent compte d’un grand nombre de ces symptômes, tandis que les
parties qui fonctionnent dans la vie quotidienne peuvent être amnésiques des
symptômes portés par d’autres ou se vivent elles-mêmes comme des observateurs
qui ne peuvent pas influencer les symptômes ou les comportements.
Le tableau 5.1 dresse la liste des symptômes communs des troubles dissocia-
tifs complexes.

"NOÏTJF
L’amnésie est une caractéristique du trouble dissociatif de l’identité et peut survenir tant
pour les expériences du passé que pour celles du présent. Elle devrait être distinguée
de l’état d’absorption et d’hébétude (défauts d’encodage). L’amnésie ne doit pas être
due à un abus de substance (black-out). L’amnésie psychogène ou dissociative signifi-
cative existe rarement en soi, elle est le plus souvent le symptôme d’un trouble disso-
ciatif plus complexe (Loewenstein, 1991b).
• De larges trous dans la mémoire du passé.
• Des trous dans la mémoire du présent, comprenant les « micro-amnésies », c’est à dire
des absences très brèves dans la conscience durant les séances suite à des switching
cachés. On peut observer cela quand le patient semble fréquemment perdre de vue
ce qui est en train d’être discuté. Ceci doit être distingué de l’absorption et de l’état
d’hébétude.
• Une perte de mémoire pour des événements importants, qui va au-delà de l’oubli
normal (p. ex. les patients ne peuvent pas se souvenir de leur propre mariage, la
naissance d’un enfant, l’obtention d’un diplôme, le décès d’une personne aimée).
• Une preuve de comportements dans le présent dont le patient ne se souvient pas.

132 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


• Les patients qui se retrouvent dans un endroit étranger et ne se rappellent pas com-
ment ils y sont arrivés.
• Les patients qui n’ont pas la conscience de parties dissociatives ni de leurs compor-
tements, émotions, pensées, etc.
• Les patients qui rapportent que les autres leur racontent des choses à propos de leurs
comportements dont ils ne se rappellent pas.

-FTTZNQUÙNFTEFEÏQFSTPOOBMJTBUJPOFUEFEÏSÏBMJTBUJPOSÏGÏSBOUËVOFEJWJTJPO
EFMBQFSTPOOBMJUÏ
• Les patients se ressentent comme en dehors de leur corps, comme s’ils regardaient
quelqu’un d’autre.
• Les patients ne ressentent pas de contrôle à propos de ce qu’ils disent. Ils savent
peut-être ce qu’ils disent mais ne peuvent pas le contrôler.
• Les patients ressentent leur corps d’une manière déformée (plus grand, plus petit), ou
comme ne leur appartenant pas.
• Les patients ne reconnaissent pas leur famille ou de bons amis ou leur environnement
(p. ex. leur propre maison ou le bureau du thérapeute).

-JOGMVFODFQBTTJWF
• Une ou plusieurs parties dissociatives influencent intérieurement le comportement,
les pensées, les sensations, les prévisions et les perceptions (sans switching apparent).
Cela peut résulter dans des symptômes schneidériens (voir plus bas).
• Deux ou plusieurs parties dissociatives sont (co)présentes de façon simultanée. Cela
peut entraîner des symptômes schneidériens.
• Une partie switche complètement en une autre partie et est observée par le thérapeute
ou par d’autres proches du patient.

-FTTZNQUÙNFTEJTTPDJBUJGTTPNBUPGPSNFT
Une large diversité de symptômes somatiques survient chez des patients souffrant de
troubles dissociatifs complexes (Nijenhuis, 2000, 2004, 2010, 2015 ; Loewenstein et Good-
win, 1999 ; Ross, Heber, Norton et Anderson, 1989 ; Van der Hart et al., 2006).
Tandis que le DSM-5 n’inclut pas les symptômes somatoformes dans les critères diagnos-
tiques pour le TDI, ils sont compris ailleurs sous les catégories Conversion, Symptômes
non expliqués médicalement et Troubles de symptômes somatiques. La CIM-10 inclut
spécifiquement les troubles dissociatifs somatoformes.
• Les patients rapportent de la douleur ou des sensations inexpliquée (souvent d’origine
traumatique).
• Une incapacité à ressentir de la douleur (analgésie).
• Un engourdissement physique (anesthésie).
• La paralysie ou une paralysie partielle sans cause médicale.
• Une perte de fonctions physiques sans cause médicale (le mouvement, la vue, l’ouïe,
l’odorat, le goût, la sensation, ne pas avoir faim, ne pas ressentir la température).
• Les perceptions somatiques déformées.
• Crises ou épilepsie sans causes médicales (crises pseudo-épileptiques).
-FTTZNQUÙNFTTDIOFJEÏSJFOT
Les symptômes schneidériens de la schizophrénie (aussi connus comme symptômes
positifs ou de premier rang) sont très communs dans les troubles dissociatifs et sont le

Évaluation des troubles dissociatifs 133


résultat de l’activité et de l’influence des parties dissociatives (Brand et Loewenstein,
2010 ; Kluft, 1987b ; Dorahy et al., 2009 ; Ross et al., 1990 ; Steinberg et Spiegel, 2008).
Chez les patients qui ont une histoire de traumatisme chronique, la présence de l’un de
ces symptômes devrait soulever la question de savoir s’il y a trouble dissociatif et une
évaluation supplémentaire devrait être menée.
• Les hallucinations auditives, souvent des voix qui apportent des commentaires au
patient, mais peuvent inclure des dialogues intérieurs qui ne sont pas à propos du
patient, des pleurs, des cris et des réprimandes. Les voix dissociatives peuvent être
distinguées des voix psychotiques par les critères suivants (Dorahy et al., 2009 ; Mos-
kowitz et al., 2008) :
0 des voix dissociatives, contrairement aux voix psychotiques, commencent habituel-
lement tôt dans l’enfance plutôt que tard dans l’adolescence ou l’âge adulte précoce ;
0 incluent souvent des voix d’enfants et d’adultes :
0 incluent souvent des voix de personnes du passé du patient ;
0 sont plus souvent entendues régulièrement ou constamment plutôt que de manière
intermittente ;
0 font souvent des commentaires à propos du patient ou ont des conversations sur
le patient que le patient « surprend » ;
0 peuvent être engagées dans un dialogue avec le thérapeute et le patient ;
0 ont leur propre sens de soi, même si très limité.
• L’insertion de pensées, l’expérience de pensées étrangères ou non familières qui appa-
raissent soudainement dans l’esprit du patient, typiquement vécues comme étant
égodystoniques ou déroutantes.
• Le retrait de pensées (l’esprit du patient semble soudainement vide de pensées ou
même de mots qui sont vécus comme étant « dérobés »).
• Des sentiments, impulsions et actions qui semblent être créés ou dirigés par quelqu’un
ou quelque chose d’autre (des intrusions partielles de parties dissociatives).
• Le sentiment que le corps est contrôlé ou influencé par une autre force (ce qui peut
être aussi une intrusion d’une partie dissociative).
• Des hallucinations, souvent d’origine traumatique. Les patients dissociatifs sont souvent
conscients, à l’exception de la psychose dissociative, que leurs hallucinations ne sont
pas réelles et peuvent ressentir une réelle dualité : « Je sais que ce n’est pas vrai, mais
je le ressens comme si c’était vrai. »
• Les délires (dans les troubles dissociatifs souvent d’origine traumatique).
• La diffusion de la pensée, l’impression que les pensées peuvent être entendues par
les autres. C’est en fait le seul symptôme schneidérien qui ne soit pas commun aux
troubles dissociatifs. Cependant, beaucoup de patients traumatisés craignent que les
autres puissent entendre leur esprit. Il s’agit d’une fonction de la peur et de la honte
d’être découvert à son insu plutôt qu’un vrai symptôme psychotique.

%BVUSFTTZNQUÙNFTRVJUSBWFSTFOUMFTDBUÏHPSJFTEJBHOPTUJRVFT
Les symptômes suivants peuvent signaler la présence d’un trouble dissociatif mais sont
aussi expérimentés par des patients avec d’autres troubles mentaux, particulièrement
les troubles de la personnalité. Un diagnostic différentiel prudent est donc de mise.
• Le comportement
0 Les patients rapportent des fluctuations déconcertantes dans des compétences et
des facultés (p. ex. conduire une voiture, cuisiner un repas, faire des mathématiques).

134 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


0 D’autres personnes disent aux patients qu’ils agissent très différemment dans cer-
taines situations et qu’ils semblent presque être une personne différente.
• L’affect
0 Les patients rapportent des fluctuations inexpliquées et rapides dans leurs humeurs
et émotions.
0 Les patients se vivent comme dépossédés du contrôle de leurs émotions, comme
si elles venaient « de nulle part ».
• Le verbal
0 Les patients ont un narratif d’attachement désorganisé/désorienté qui n’est pas
congruent ou cohérent et qui implique des trous dans l’attention et une confusion
du passé et du présent.
• Les symptômes de dépersonnalisation et de déréalisation à travers les troubles psy-
chiatriques
0 Les patients rapportent des sentiments comme s’ils étaient dans un rêve ou un
acteur sur scène.
0 Les patients ont l’impression de ne pas être réels, d’être des robots.
0 Les patients se sentent étranges ou déconnectés de leur environnement ou de leur
corps.
0 Les patients se sentent comme s’ils étaient sous l’eau, enveloppés dans du coton
ou en deux dimensions.
0 Les patients font l’expérience d’une vision étroite.
• Les patients rapportent des difficultés à entendre, comme s’ils étaient au fond d’un
long tunnel.

3. Les points d’attention concernant les diagnostics


des troubles dissociatifs complexes
Il existe plusieurs problèmes importants que le thérapeute doit prendre en
compte durant l’évaluation. Les thérapeutes doivent d’abord toujours vérifier
la dissociation chez les patients avec une histoire traumatique étendue. Ils
ne doivent toutefois pas supposer qu’un score élevé sur une mesure d’auto-
évaluation de la dissociation signifie nécessairement que la personne présente
un trouble dissociatif. Les instruments tels que l’Échelle des Expériences Dis-
sociatives (EED) (Dissociative Experiences Scale, DES ; Bernstein et Putnam,
1986 ; Carlson et Putnam, 1993) incluent de nombreux items qui questionnent
l’absorption, l’imagination et une dépersonnalisation légère. Ces symptômes
non dissociatifs ne permettent pas de conclure à un trouble dissociatif non
autrement spécifié (TDNAS) ou un trouble dissociatif de l’identité (TDI). Un
individu peut ainsi avoir un score élevé sans avoir de symptômes qui indiquent
la présence de parties dissociatives.
Les thérapeutes ne devraient jamais supposer qu’un patient a un trouble
dissociatif en se basant uniquement sur la présence d’un ou deux symptômes
(p. ex. le patient qui entend une voix et qui rapporte de la dépersonnalisation).

Évaluation des troubles dissociatifs 135


Le diagnostic devrait toujours être basé sur une constellation de symptômes
qui peuvent être décrits dans le temps. Les thérapeutes devraient se rete-
nir de parler avec le patient de parties dissociatives s’il n’y a pas de preuves
claires d’un ensemble de symptômes dissociatifs qui indique une division de
la personnalité.
La présence d’états du moi qui semblent plutôt séparés à des moments où
le patient est dans un état de conscience altéré, comme en hypnose ou en
EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing, désensibilisation
et retraitement par les mouvements oculaires), n’indique pas en soi un trouble
dissociatif. Les symptômes devraient être présents non seulement pendant les
séances mais aussi en dehors de celles-ci et au fil du temps comme cela peut
être rapporté par le patient ou par d’autres.

4. La comorbidité dans les troubles dissociatifs


Les patients souffrant d’un TDI et d’un TDNAS se présentent avec de nom-
breux symptômes différents et plusieurs diagnostics comorbides, comprenant
les troubles de personnalité (Boon et Draijer, 1993a, 1993b ; Mueller- Pfeiffer
et al., 2012 ; Rodewald, Wilhelm-Gössling et al., 2011). Le traitement est très
complexe suite à la coexistence de plusieurs troubles et le thérapeute devrait
se familiariser avec les standards actuels de soins pour tous les troubles corres-
pondants à de tels patients.
De multiples diagnostics peuvent cependant être trompeurs pour les
patients avec une traumatisation chronique, particulièrement ceux souffrant
de troubles dissociatifs. L’impact du trauma peut causer de nombreux chan-
gements d’humeur, de pensées, de fonctions exécutives, de perception et de
sommeil. Nommer chaque symptôme comme étant un trouble séparé peut ne
pas aider le patient et peut en fait brouiller le traitement. Le thérapeute devrait
comprendre que le trouble dissociatif est le trouble sous-jacent, impliquant des
parties dissociatives qui manifestent différents symptômes liés aux événements
traumatiques, comme la dépression, les problèmes de sommeil, les problèmes
d’alimentation et les luttes concernant la régulation émotionnelle (sous- et
sur-activation). De plus, de nombreux patients utilisent la drogue, l’alcool et
s’adonnent à d’autres substances dans le cadre d’autres comportements, ce qui
peut être considéré comme des troubles d’addiction mais implique également
l’activité de parties particulières qu’il faut aborder en plus des traitements stan-
dards pour l’addiction. Les comorbidités communes incluent
• Les troubles de l’humeur – la dépression, les troubles bipolaires (p. ex.
Allen, Coyne et Huntoon, 1998 ; Brady, Killeen, Brewerton et Lucerini,
2000 ; Johnson, Cohen, Kasen et Brook, 2006 ; Ƶar, Tutkun, Alyanak,
Bakim et Baral, 2000)

136 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


• Les troubles anxieux – les troubles de panique, les troubles obsession-
nels compulsifs, l’agoraphobie (Brady, 1997)
• L’abus de substances (Brady, 1997 ; Johnson et al., 2006 ; McClel-
lan, Adams, Douglas, McCurry et Storck, 1995 ; McDowell, Levin et
Nunes, 1999)
• Les troubles alimentaires – l’anorexie, la boulimie, l’hyperphagie, la
boulimie-anorexie (Vanderlinden, 1993 ; Vanderlinden, Spinhoven,
Vandereycken et van Dyck, 1995)
• La psychose, brève ou durable (Allen et Coyne, 1995 ; Allen, Coyne
et Console, 1996 ; Moskowitz et al., 2008 ; Van der Hart et Witztum,
2008)
• Les troubles du sommeil (Van der Kloet et al., 2013)
• Les troubles de la personnalité – les patients TDI ont des profils de
personnalité qui sont similaires avec l’ESPT (évitants, 76 %, autodes-
tructeurs, 68 % ; états-limites, 53 % ; et passifs-agressifs, 45 % ; Dell,
1998 ; Johnson et al., 2006)

5. Les diagnostics TDI faux positifs


Alors qu’il existe peu de recherches sur la prévalence des cas de TDI faux posi-
tifs (ou feints, simulés ou imités), la plupart des experts en troubles dissociatifs
en ont vu des exemples dans leurs consultations (Boon et Draijer, 1995 ; Coons
et Milstein, 1994 ; Draijer et Boon, 1999 ; ISSTD, 2011). Les thérapeutes non
formés peuvent facilement confondre des états du moi et des modes borderline
avec des troubles dissociatifs. Mais parfois, les patients eux-mêmes peuvent
être confus à propos de leurs symptômes ou peuvent feindre le trouble. Feindre
des troubles psychiatriques a été décrit pour d’autres troubles également, com-
prenant l’état de stress post-traumatique (ESPT), la personnalité état limite
et la schizophrénie. Cela ne concerne donc certainement pas uniquement les
troubles dissociatifs. La détection de la simulation ou de l’imitation du TDI
est souvent très difficile (Brand, McNary, Loewenstein, Kolos et Barr, 2006 ;
Draijer et Boon, 1999), même si l’utilisation d’instruments additionnels peut
être pertinente (Brand, Armstrong et Loewenstein, 2006), tels que l’Inven-
taire de la Personnalité Multiphasique du Minnesota – 2 (MMPI–2 ; Brand et
Chasson, 2015), le Rorschach (Brand, Armstrong, Loewenstein et McNary,
2009) ou l’Inventaire multiaxial clinique de Million II (Ellason, Ross et Fuchs,
1995).
Les patients qui ont des traits suggérant une imitation du TDI ont été
décrits dans la littérature (Boon et Draijer, 1995 ; Brand et al., 2006 ; Brand
et Chasson, 2015 ; Draijer et Boon, 1999 ; Thomas, 2001) et peuvent inclure
ceux qui

Évaluation des troubles dissociatifs 137


• Offrent des réponses « sorties du livre de cuisine » durant l’évaluation
diagnostique, c’est-à-dire uniquement des symptômes qui sont large-
ment décrits dans les médias, tels que des switching spectaculaires
entre les parties
• Se mettent en colère et sont sur la défensive lorsqu’on leur demande
plus d’exemples, déclarant que le thérapeute ne les croit pas
• Sont capables de donner une histoire chronologique et peuvent donner
la séquence des événements dans le temps
• Sont capables d’utiliser le « je » de la première personne à travers
une série d’émotions et d’expériences ou des symptômes d’origine
traumatique
• Utilisent le langage en deuxième et troisième personne (« nous » ou
« elle ») uniquement lorsqu’on leur pose des questions sur les symp-
tômes dissociatifs
• Swichent de manière spectaculaire dans la première séance et durant
l’évaluation
• Insistent pour que le thérapeute croie qu’ils ont un TDI
• Amènent des « preuves » de TDI aux séances, comme des cartes éten-
dues des parties
• Révèlent des allégations d’abus et des diagnostics à de nombreuses per-
sonnes sans peur ni honte
• Rapportent des allégations d’abus qui ne sont pas cohérents avec leur
histoire médicale ou psychiatrique
• Sont fortement impliqués dans des groupes de discussion de TDI sur
Internet
• Tirent clairement des bénéfices secondaires d’un diagnostic de TDI.

Les patients peuvent avoir lu à propos de la dissociation ou participé à des


groupes de discussions sur Internet ou à des groupes d’entraide et être convain-
cus qu’ils présentent le trouble. Ils peuvent avoir une histoire de traumatismes
et certains symptômes dissociatifs tels que les symptômes de dépersonnali-
sation et d’ESPT, mais pas de TDI. Et ils peuvent avoir des symptômes de
troubles de la personnalité et être réellement confus à propos de qui ils sont.
Pour eux, l’idée d’avoir le TDI fournit une explication acceptable de leur sens
changeant de l’identité.
Quelques patients préfèrent avoir un trouble dissociatif plutôt qu’un
trouble de personnalité ou d’autres problèmes psychiatriques. Ces patients
peuvent exagérer leurs symptômes et se présenter avec des symptômes clas-
siques, en particulier l’amnésie, et montrer de manière théâtrale différentes
« personnalités ». Leur présentation est plus spectaculaire ; par exemple, elle
inclut des « switching » fréquents et manifestes en séance pour offrir la preuve

138 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


de l’existence de parties dissociatives. Il leur manque la phobie caractéristique
des parties dissociatives, que l’on retrouve souvent chez les patients souffrant
d’un TDI réel. Au contraire, ils parlent de leurs nombreuses parties avec faci-
lité et un certain empressement, les détaillant parfois au thérapeute, chacune
ayant sa propre histoire complexe et ses différences (vêtements, nourriture,
hobbys, etc.).
Dans ces quelques cas, et particulièrement chez les patients histrioniques,
le thérapeute doit posséder une grande expertise et expérience pour distinguer
entre de réels TDI et des imitations. Des tests psychologiques additionnels
et des questions sur les symptômes d’origine traumatique sont souvent très
utiles pour établir cette distinction. Ces patients ne savent pas vraiment ou ne
prennent pas vraiment conscience de la mesure avec laquelle les patients TDI
réels présentent des symptômes plus subtils ou inhabituels. Dans les cas où le
thérapeute est incertain par rapport au diagnostic, il doit référer le patient chez
un expert en diagnostic pour une évaluation. Des cas judiciaires présentent
des difficultés supplémentaires, puisqu’il peut y avoir un bénéfice secondaire à
présenter le diagnostic pour éviter la responsabilité d’un crime (Coons, 1991 ;
Frank et Dalenberg, 2006 ; Orne, Dinges et Orne, 1984 ; Serban, 1992 ; Spitzer
et al., 2003).
Il est essentiel de se rappeler que les patients qui imitent le TDI (ou n’im-
porte quel autre trouble) sont profondément blessés et ont besoin de la même
compassion et de bons traitements que ceux accordés aux patients qui pré-
sentent réellement ce diagnostic. Leur problème principal est typiquement
celui d’une confusion de l’identité, mais d’une manière différente que chez
les patients avec un TDI. La plupart de ces patients ont souffert de négligence
émotionnelle importante durant leur enfance et se sentent ignorés, invisibles
et incompris de manière chronique. Souvent, ils éprouvent un désir profond
de recevoir de l’attention, de rester dépendants et d’être pris en charge, et ils se
présentent souvent avec des « parties enfant » dans le besoin.

6. L’évaluation du niveau d’organisation


dissociative de la personnalité
Comme écrit dans le chapitre 1, une personne souffrant d’un trouble dissociatif
complexe a une organisation dissociative de la personnalité comprenant un
ou (presque toujours) plusieurs parties dissociatives, chacune ayant une pers-
pective à la première personne et présentant différentes réponses, sentiments,
pensées, perceptions, sensations physiques et comportements (Nijenhuis et
Van der Hart, 2011 ; Van der Hart et al., 2006).
Dans la pratique clinique, il est utile de faire la différence entre deux organi-
sations dissociatives de la personnalité quelque peu distinctes, car le traitement

Évaluation des troubles dissociatifs 139


sera légèrement différent (voir Boon et al., 2011 ; Van der Hart et al., 2006).
Dans la première organisation (comme dans le cas décrit ci-dessous), le patient
a une seule partie de personnalité qui fonctionne dans la vie quotidienne, alors
que toutes les autres parties sont fixées au temps du trauma. Bien que ces par-
ties puissent faire intrusion dans le patient, elles prennent rarement tout le
contrôle. Quand elles le font, elles sont habituellement dans un flash-back,
sans s’attaquer aux fonctions de la vie quotidienne.
Dans la seconde organisation, il y a plus qu’une partie qui fonctionne dans
la vie quotidienne, tandis que d’autres parties sont fixées au temps du trauma.
Bien que le DSM-5 ne fasse pas cette distinction, il est important de le déter-
miner lors de l’évaluation, même si des symptômes de dissociation ne diffèrent
pas nécessairement entre les deux organisations. Toutefois, les patients qui
ont plus d’une partie qui fonctionnent dans la vie quotidienne ont bien plus
tendance à présenter de l’amnésie dans le présent, et ces parties auront à tout
le moins un plus grand degré d’élaboration et d’autonomie.

CONCEPT CLÉ

Il est important de distinguer les patients qui n’ont qu’une partie dissociative qui fonc-
tionne dans la vie quotidienne de ceux qui en ont plusieurs. Outre l’utilité de poser un
diagnostic de trouble dissociatif correct, cette distinction a des implications importantes
pour le traitement.

6.1. Une partie dissociative qui fonctionne


dans la vie quotidienne
En cas de trouble dissociatif non autrement spécifié (TDNAS), les parties sont
principalement médiatisées par l’action des systèmes de défense. Elles sont blo-
quées dans des souvenirs traumatiques et ne s’engagent pas dans la vie quoti-
dienne de manière significative. Les patients qui présentent cette organisation
de la personnalité peuvent ne pas rapporter d’amnésie ou signalent uniquement
une amnésie minimale et transitoire. Ils tendent aussi à rapporter moins de
symptômes schneidériens (voir le tableau 5.1) que les patients avec un trouble
dissociatif de l’identité (TDI), mais peuvent entendre les voix des parties. Les
patients dissociatifs avec uniquement une partie fonctionnant dans la vie quo-
tidienne sont clairement plus difficiles à différencier des patients avec un état
de stress post-traumatique (ESPT) ou un ESPT complexe. Dans ces cas, une
évaluation soigneuse peut révéler plus de dissociation car les patients avec un
TDNAS ont souvent des problèmes supplémentaires dans lesquels l’influence
passive et la présence des parties dissociatives peuvent être vérifiées (p. ex.
des problèmes alimentaires, une tendance au suicide, de l’automutilation, des
problèmes de sommeil et des symptômes d’ESPT complexe).

140 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


6.2. Plusieurs parties dissociatives qui fonctionnent
dans la vie quotidienne
La présence de deux parties ou plus qui fonctionnent dans la vie quotidienne
complique le traitement. En effet, il y a généralement plus d’amnésie concer-
nant des expériences actuelles, plus de conflits intérieurs concernant la vie
quotidienne, et ce non seulement à propos d’expériences d’origine trauma-
tique. Les patients qui présentent cette organisation peuvent être considérés
comme ayant un TDI « classique » et rapportent généralement plus de symp-
tômes dissociatifs évidents (comme décrits dans le tableau 5.1). Si l’évitement
phobique de leurs symptômes n’est pas trop grave, ils peuvent rapporter de
l’amnésie pour des activités de la vie quotidienne actuelle et des symptômes
d’influence passive. Ils peuvent également présenter différentes formes de
dépersonnalisation et de déréalisation et parfois une confusion claire à propos
de leur identité. En plus de ces symptômes, ils en endossent toute une série
d’autres d’origine traumatique. Dans ces cas, un travail thérapeutique précoce
devra d’abord se centrer sur le développement de la communication et de la
coopération parmi les parties qui fonctionnent dans la vie quotidienne.
Ci-dessous, nous discutons de l’évaluation de deux cas. Le premier est un
cas de TDAS avec une partie qui fonctionne dans la vie quotidienne et le
second est un cas de TDI.

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Robert était un homme de 40 ans qui cherchait de l’aide pour des problèmes sexuels.
Pour la première fois dans sa vie, il avait une relation stable avec un autre homme, Jean,
mais il ressentait énormément d’anxiété dans leur relation, en particulier lors des rapports
sexuels. Il craignait que Jean ne le quitte, car il croyait qu’il le décevait et qu’il était un raté
au niveau sexuel. Depuis longtemps il savait qu’il était homosexuel et avait connu plusieurs
relations sexuelles dans le passé avec différents hommes mais aucune de celles-ci n’avait
duré plus de quelques semaines. La plupart du temps, Robert mettait fin à ces relations.
Il raconta avoir été abusé par un voisin dès l’âge de 7 ans jusqu’à ses 12 ans. Il réalisa
que ses problèmes sexuels étaient liés d’une certaine manière à l’abus. Il rapporta qu’il
avait suivi de la thérapie et de l’EMDR pour son histoire traumatique, mais il avait arrêté
les séances d’EMDR parce qu’elles semblaient avoir un effet néfaste sur ses problèmes.
En fait, il avait été complètement dépassé et terrifié. Sa solution avait été d’éviter tant
la thérapie que les relations sexuelles durant les 10 dernières années.
Robert fonctionnait assez bien comme ingénieur et avait beaucoup de contacts sociaux
superficiels ainsi que quelques amies proches. C’était une de ces amies qui avait motivé
Robert à chercher à nouveau de l’aide. Robert raconta à la thérapeute qu’aussi longtemps
qu’il restait à distance du sexe et des relations avec les hommes, tout allait bien dans sa vie.
Quand on l’interrogeait sur ses symptômes somatiques, Robert notait qu’en général il ne
ressentait pas vraiment son corps. Il aimait faire de longs entraînements à la salle de sport,
mais disait qu’il ne ressentait jamais de courbatures ou de douleurs, même lorsqu’il se blessait.

Évaluation des troubles dissociatifs 141


Robert avait déjà parlé à son partenaire de son histoire traumatique et Jean semblait
assez empathique, mais cela ne réduisait pas la peur ou la honte de Robert. Jean avait
observé que Robert était agité la nuit, comme s’il avait constamment des cauchemars.
Plusieurs fois durant la nuit Robert sembla ne pas reconnaître Jean et, à différentes
occasions lors de rapports sexuels, Robert se comporta étrangement, presque comme
un enfant beaucoup plus jeune, à un degré perturbant pour Jean qui interrompait la
relation sexuelle. La thérapeute demanda si Jean était prêt à venir à une séance, parce
qu’elle voulait entendre ce qu’il pensait à propos de ce qui se passait peut-être avec
Robert. Bien que Robert fût un peu hésitant, il donna son accord.
Durant cette rencontre, Jean indiqua que Robert semblait parfois soudainement avoir
peur de lui et qu’à d’autres moments il était en colère sans aucune raison valable. Il
expliqua qu’en soirée Robert semblait parfois « très éloigné », fixant le mur de telle
sorte que Jean était incapable d’entrer en contact avec lui. Jean disait qu’il avait
récemment arrêté tout contact sexuel parce que Robert semblait être en colère durant
les rapports.
Jean se demandait si Robert souffrait d’ESPT, ce qui expliquerait selon lui la plupart de
ses comportements. Robert fut d’abord honteux mais en même temps content de
pouvoir discuter de ses problèmes de manière ouverte avec Jean, qui était très aimant
et montrait de la compassion. La thérapeute décida de faire une évaluation d’ESPT
complexe et de symptômes dissociatifs au cours des prochaines séances.
Durant la séance suivante, Robert raconta à la thérapeute qu’il avait eu davantage de
flash-back de ses abus depuis le début de sa relation avec Jean. Ils apparaissaient tant
en journée que pendant la nuit. Il voyait ce qu’il décrivait comme des « films » de l’abus
dans sa tête, comme si cela arrivait à un autre garçon. Durant ces flash-back, il entendait
une voix intérieure, comme celle de son voisin abuseur qui le menaçait s’il parlait de
l’abus. Robert niait l’amnésie pour des activités de la vie quotidienne. Il disait qu’il ne
se rappelait pas toujours avoir eu des rapports sexuels avec Jean ou que les souvenirs
à propos des rapports sexuels étaient parfois vagues. Il déclara à la thérapeute que,
depuis qu’il avait emménagé chez Jean quelques mois auparavant, il s’était à plusieurs
reprises réveillé le matin sans se rappeler où il était, sans reconnaître Jean ou
l’environnement pendant quelques minutes. Cela faisait peur à Robert. Ce n’est que
lorsque Jean commençait à lui parler qu’il réalisait progressivement où il était. Il expliqua
que parfois son corps semblait étrange, beaucoup plus petit que normalement. Il ajouta
qu’il y avait plusieurs années, lorsqu’il avait été sexuellement actif avec d’autres hommes,
ces expériences étaient survenues fréquemment.
Quand la thérapeute le questionna sur sa thérapie précédente, Robert dit qu’il avait eu
peur de devenir fou, car il commençait à entendre plusieurs voix durant les séances
d’EMDR. Les voix n’étaient pas seulement celle de l’abuseur mais la voix d’un adolescent
fâché, un jeune garçon effrayé et une voix apaisante qui était comme celle de sa grand-
mère bien-aimée qui avait été une présence aimante lorsqu’il était enfant. Il avait eu
trop peur d’avouer ces voix auprès de la thérapeute à cette époque. Il arrêta brusquement
la thérapie pour éviter de faire face à la peur d’être psychotique. Depuis le début de
sa relation avec Jean, les voix étaient revenues. La thérapeute commenta qu’elle était
contente que Robert puisse compter sur un tel support interne et que cela ne semblait
pas étrange qu’il trouve du réconfort dans la voix de sa grand-mère. En fait, elle pensait
que c’était un magnifique signe de force qu’il possède une telle voix. Cela soulagea
beaucoup Robert.

142 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Durant la séance suivante, quand la thérapeute questionna Robert sur l’existence
possible de parties dissociatives, Robert en nomma plusieurs : un adolescent en colère,
un « petit Robert » craintif et la partie qu’il appela « Granny ». Robert ne pensait pas
que la voix menaçante était une partie, il la décrivit comme un souvenir de la voix de
son voisin et ne souhaitait pas élaborer davantage à ce propos parce qu’elle l’effrayait.
La thérapeute nota cependant que cette voix communiquait également avec Robert
et d’autres parties et qu’elle apportait des commentaires à propos de la thérapie. Cela
impliquait que la voix appartenait à une partie et qu’elle n’était pas qu’un souvenir. Ce
n’est que plus tard dans la thérapie, quand Robert se sentit plus à l’aise et en sécurité,
qu’il fut capable de reconnaître et travailler avec cette partie de lui-même.

Dans le cas de Robert, il n’y avait pas de preuve de l’existence d’autres par-
ties dissociatives qui auraient eu des fonctions dans la vie quotidienne. Alors
que des parties faisaient parfois brièvement intrusion, elles le faisaient unique-
ment dans un contexte sexuel ou relationnel avec Jean et non afin de faire face
aux expériences de la vie quotidienne de Robert. Ce dernier ne mentionna pas
d’amnésie dans son quotidien, excepté pour ces quelques brefs épisodes intru-
sifs. Il fonctionnait assez bien au travail et dans quelques relations. Il entendait
plusieurs voix internes liées à son passé et rapporta d’autres symptômes disso-
ciatifs tels qu’une dépersonnalisation épisodique et une certaine déréalisation
(ne pas reconnaître son environnement ou son partenaire, quelque chose qui
peut se produire lorsqu’une partie dissociative fixée dans le temps du trauma
est activée). Robert mentionna aussi des symptômes somatiques avec des per-
ceptions déformées de son corps vécu comme plus petit (un phénomène d’in-
fluence passive lorsqu’une partie plus jeune est coprésente) et une absence de
sensation de son corps ou l’incapacité à reconnaître la douleur.
Selon le DSM-5, Robert avait les critères du TDAS. Le cas de Marianne,
décrit ci-dessous, est très différent car elle a plus de parties avec des fonctions
dans la vie quotidienne, une amnésie grave et d’autres symptômes dissociatifs
qui indiquent la présence d’un TDI. Dans les deux prochains chapitres, nous
discuterons de la manière dont les différences dans ces cas peuvent influencer
le plan de traitement.

&YFNQMFEFDBTEFMÏWBMVBUJPOEVO5%*.BSJBOOF

Marianne était une femme de 30 ans avec une histoire de traitement qui débuta à
20 ans. À cet âge, elle quitta sa maison et commença une scolarité dans une autre ville.
Elle vivait seule, n’arrivait à travailler qu’à mi-temps pour une compagnie de logiciels
et n’avait que très peu de contacts sociaux. Elle avait reçu des traitements de nombreux
thérapeutes pour des épisodes dépressifs, de l’anxiété (y compris une phobie sociale
et des attaques de panique) et de l’anorexie-boulimie. Elle avait également reçu un
diagnostic de trouble de personnalité non spécifié à caractère mixte. Durant son dernier

Évaluation des troubles dissociatifs 143


traitement dans un programme d’hospitalisation pour troubles alimentaires, Marianne
rapporta des souvenirs d’abus par son père et commença également à présenter plus
de symptômes dissociatifs. On référa Marianne pour l’évaluation d’un trouble dissociatif
chez son médecin généraliste, qui connaissait la dissociation par le biais d’une autre
patiente qu’il traitait.
Marianne semblait plus jeune que son âge actuel, était nerveuse et riait constamment.
Elle présentait aussi certains comportements qui ressemblaient à des tics, louchant
fréquemment. Elle regardait à peine le thérapeute dans les yeux. On utilisa l’Interview
pour le Trauma et les Symptômes Dissociatifs (TADS-I en anglais, voir l’annexe A à ce sujet
et concernant d’autres instruments de screening et de diagnostic). Elle mentionna
d’importants problèmes de sommeil chronique et principalement ses reports du moment
du coucher et sa peur de dormir. Parfois, quand elle se réveillait, elle ne reconnaissait pas
sa chambre et se demandait où elle était. Ces épisodes duraient beaucoup plus longtemps
et étaient plus conséquents que dans le cas de Robert. Elle disait avoir des cauchemars
mais avait aussi l’impression d’être somnambule. Quand le thérapeute lui demanda de
donner un exemple, elle dit que lorsqu’elle se réveillait le matin elle trouvait sa cuisine
en désordre avec des restes et avait apparemment utilisé son ordinateur. À d’autres
moments, elle retrouvait le capharnaüm de sa maison nettoyé le matin au réveil. Quand
le thérapeute commenta qu’il était peu probable que ces comportements complexes
puissent être expliqués par du somnambulisme, Marianne fixa le mur pendant quelques
instants et demanda : « Quelle était encore la question ? » Durant l’interview, cela se
produisit plusieurs fois. À chaque fois, le thérapeute demanda à Marianne : « Pouvez-vous
me dire la dernière chose dont vous vous souvenez m’avoir parlé ? » Ce type de question
aide le thérapeute à repérer combien d’amnésies surviennent entre les séances. Les
absences de Marianne étaient momentanées, une preuve de micro-amnésies.
Habituellement, elle ne pouvait seulement pas se souvenir de la dernière question du
thérapeute. Il notait quels sujets tendaient à évoquer cette réaction chez Marianne.
Marianne rapportait des problèmes alimentaires, principalement des épisodes de prise
de nourriture compulsive et de purge, mais semblait être amnésique pour une part de
ces comportements. Elle notait qu’elle était souvent déprimée et qu’elle avait des idées
suicidaires mais n’avait jamais tenté de mettre fin à ses jours. Elle ajouta que ces pensées
pouvaient soudainement émerger, même les jours où elle se sentait tout à fait normale
et qu’elle était souvent troublée par leur apparition soudaine, venant de nulle part. Elle
disait aussi qu’elle était une « personne bizarre » mais qu’elle ne pouvait pas élaborer
là-dessus. Lorsque des questions sur ses relations avec d’autres personnes lui furent
posées, elle raconta au thérapeute qu’elle n’avait pas beaucoup d’amis, qu’elle n’aimait
pas le contact social, mais qu’elle aimait chanter dans une chorale et appréciait le sport.
Marianne avait tendance à minimiser ses symptômes dissociatifs. Interrogée sur ses
trous de mémoire, elle raconta d’abord au thérapeute : « Je pense que ce n’est pas si
grave, j’ai toujours mon savoir, donc je ne perds pas vraiment la notion du temps. »

5IÏSBQFVUF Pouvez-vous m’en dire un peu plus sur ce que vous voulez dire quand
vous dites que « vous avez votre savoir » ?
.BSJBOOF Eh bien, je sais juste ce que j’ai fait.
5IÏSBQFVUF Humm, et comment arrivez-vous à ce savoir ?
.BSJBOOF Eh bien, la plupart du temps, c’est comme si je recevais un rapport sur ce
que j’ai fait, et donc je ne perds aucun moment.

144 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


5IÏSBQFVUF Et de quelle manière recevez-vous ce rapport ?
.BSJBOOF C’est comme si quelqu’un me parlait, comme si quelqu’un rapportait ce
qui s’est passé. C’est juste la façon dont mon esprit fonctionne, c’est tout.
5IÏSBQFVUF Oui, chaque esprit travaille un peu différemment, n’est-ce pas ? Et je suis
content que vous ayez ces rapports. Lorsqu’ils arrivent, comment les entendez-vous, à
l’extérieur ou à l’intérieur de votre tête ?
.BSJBOOF  Eh bien, ce sont probablement mes propres pensées, sinon je serais
vraiment folle.
5IÏSBQFVUF Je ne pense pas que vous soyez folle. En fait, beaucoup de gens entendent
des voix et cela ne signifie pas qu’ils soient psychotiques. De nombreuses victimes de
trauma les entendent. Pouvez-vous m’en dire un peu plus sur la manière dont vous
recevez ces rapports ? Est-ce quelque chose qui peut se produire tous les jours ?
.BSJBOOF Oui, cela se passe très souvent, mais je n’ai pas de trous dans ma mémoire ;
je sais ce qui s’est passé.
5IÏSBQFVUF Quand cela se passe-t-il ?
.BSJBOOF Cela peut se passer dans n’importe quelle situation, au travail, ou lorsque
je suis à la chorale ou en train de faire les boutiques. Les choses normales, quoi. Je ne
fais pas vraiment attention, du moment que tout se passe bien.
5IÏSBQFVUF  Marianne, je suis désolée d’insister autant, mais je veux vraiment bien
comprendre et ce n’est pas tout à fait clair pour le moment. Je m’excuse d’avoir parfois
besoin de plus de clarifications. Est-ce que vous ignorez ce qui s’est passé jusqu’au
moment où vous recevez le rapport et qu’alors vous en prenez connaissance ?
.BSJBOOF  Si vous voulez savoir si j’ai toujours une image de la situation avant le
rapport, la réponse est non. Mais comme je le disais, je ne perds pas la notion du temps.
Je sais ce que j’ai fait.

Le thérapeute conclut que Marianne souffrait vraisemblablement d’amnésies, même si


elle niait perdre la notion de temps. En fait, il y eut pas mal de fois durant l’interview
où Marianne perdit le contact avec le thérapeute et ne put plus se rappeler ce qui
venait de se passer. De plus, les exemples de son amnésie concernaient ses activités
quotidiennes comme le travail, être à la chorale et faire les boutiques, ce qui indiquait
la possibilité que plus d’une partie dissociative pouvait fonctionner dans sa vie
quotidienne. Le thérapeute notait aussi que Marianne était plutôt vague dans ses
réponses et plutôt évitante.
Plus loin dans l’interview, Marianne confirma avec hésitation qu’elle entendait plus de
voix que celle du rapporteur et que ces voix utilisaient différents noms, puis elle
recommença à se dissocier, en regardant droit devant elle, incapable d’entendre le
thérapeute. Quand elle s’orienta à nouveau dans le présent elle fut incapable de donner
des informations supplémentaires. Elle confirma un sentiment chronique de
dépersonnalisation, tel un sentiment d’être en dehors de son corps et de s’observer à
distance, ce qui se produisait souvent au travail. Marianne raconta au thérapeute que les
expériences hors du corps étaient pour elle banales depuis toujours. Parfois, particulièrement
lorsqu’elle était seule à la maison, Marianne avait le sentiment que son corps lui paraissait
étrange, comme si ses mains ou ses pieds étaient subitement plus petits. Marianne
rapportait certains symptômes schneidériens en plus du fait d’entendre des voix. Il s’agissait
d’impulsions et de sentiments fabriqués, d’intrusions ou de retraits de pensées et de la
présence de pseudo-hallucinations terrifiantes d’un homme penché sur son lit.

Évaluation des troubles dissociatifs 145


Lorsque le thérapeute la questionna sur ces intrusions et soustractions de pensées,
Marianne dit : « Vous savez, je ne peux jamais choisir ; il y a tellement de pensées
différentes et bizarres dans ma tête. C’est parfois désespérant ! C’est comme s’il y avait
un groupe de personnes avec des opinions totalement différentes qui essayaient de
m’imposer leurs pensées toutes en même temps. Mais à d’autres moments, mon esprit
se vide et je n’ai aucune idée de quoi j’étais en train de parler. Je déteste cela, c’est si
stupide. Je me demande si je deviens démente. »
Marianne était incapable de donner quelque exemple de parties dissociatives d’elle-
même. Il devint clair durant l’interview qu’elle avait peur, était honteuse et faisait un
effort considérable pour trouver des explications alternatives à ces symptômes
dissociatifs. Ceci est fréquent au début d’une évaluation pour le trouble dissociatif (Boon
et Draijer, 1993a, 1993b). Il est rare qu’un patient « switche » de manière ouverte durant
un premier entretien. Toutefois, Marianne avait déjà mentionné un ensemble de
symptômes dissociatifs graves : de l’amnésie pour les activités de la vie quotidienne,
des comportements qu’elle devait avoir eus mais dont elle ne se rappelait pas, plusieurs
voix avec des noms différents, d’autres symptômes schneidériens tels que les
phénomènes d’influence passive provenant d’autres parties et, enfin, des expériences
hors du corps tandis qu’elle était au travail.
Le thérapeute conclut qu’il était hautement probable que Marianne souffre d’un TDI.
Il expliqua prudemment à Marianne que ces signes indiquaient la présence d’un trouble
dissociatif. Il fut intéressant de constater que Marianne, pourtant si évitante et anxieuse
durant l’interview, ressentit du soulagement. Elle avait eu si peur d’être folle ou
schizophrène.

Dans les prochains chapitres, nous poursuivrons la description du suivi de


Marianne, confirmant le diagnostic de TDI plus tard dans la thérapie.

7. Résumé
L’évaluation des troubles dissociatifs est complexe parce que les symptômes
peuvent être cachés et impliquer une organisation intrapsychique qui ne se mani-
feste pas toujours ouvertement, parce que les descriptions du DSM-5 des troubles
dissociatifs manquent de détails clairs et parce que certains symptômes dissocia-
tifs potentiels peuvent être présents dans différents troubles. Le diagnostic diffé-
rentiel est donc essentiel. Les thérapeutes devraient être conscients qu’aussi bien
le sur- et le sous-diagnostic peuvent être problématiques. Distinguer entre des
patients qui ont une partie dissociative qui fonctionne dans la vie quotidienne et
ceux qui ont plus d’une de ces parties a des implications thérapeutiques impor-
tantes. Si le thérapeute doute du diagnostic, il devrait référer les patients chez un
consultant expérimenté en évaluation diagnostique.

146 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


8. Explorations supplémentaires
1. Avez-vous déjà évalué un patient pour un trouble dissociatif ou reçu
une formation sur la manière de s’y prendre ?
2. Si vous regardez en arrière, pensez-vous avoir travaillé avec un patient
souffrant d’un trouble dissociatif sans que vous le sachiez ? Comment
pourriez-vous à présent évaluer cette personne de façon différente ?
3. Si vous êtes en train de travailler avec un patient qui a probablement un
trouble dissociatif, quelle comorbidité est présente ? Avez-vous trouvé
qu’une partie dissociative est au cœur d’un autre problème, comme
l’addiction, un trouble alimentaire ou une dépression ? (C’est-à-dire
qu’une partie dissociative est engagée dans ces comportements ou a ces
sentiments, mais que d’autres parties pas ?) Si c’est le cas, cela change-
t-il la manière dont vous travaillez sur ce problème avec votre patient ?

Évaluation des troubles dissociatifs 147


cHAPITRE 6
Au-delà du
diagnostic : évaluation
supplémentaire, pronostic
et formulation de cas

En prédisant l’effet thérapeutique avant que le traitement ne


commence, l’efficacité pourrait s’améliorer puisque les patients
présentant des signes pronostiques non favorables peuvent être
informés des limites thérapeutiques.
John Curtis (1985, p. 11)

La formulation de cas est surtout utile lorsqu’elle est perçue


comme un processus dynamique, itératif, qui invite à une visite
fréquente des hypothèses au fur et à mesure que des nouvelles
informations du client deviennent disponibles.
Bethany Teachman et Elise Clerkin (2010, p. 7)

Évaluer le diagnostic et l’histoire du trauma est loin d’être suffisant pour le


traitement. Dans ce chapitre, nous explorons des domaines spécifiques d’éva-
luation supplémentaire au-delà du diagnostic, ainsi que la manière d’utiliser
l’évaluation pour déterminer un pronostic initial et ensuite développer une
formulation de cas. Le thérapeute utilise une formulation de cas pour déduire

Au-delà du diagnostic : évaluation supplémentaire, pronostic et formulation de cas 149


comment les problèmes du patient se sont développés et ce qui les maintient,
ce qui éclaire le traitement (Eels, 2010, 2015 ; Ingram, 2011 ; McWilliams,
1999 ; PDM Groupe de travail, 2006 ; Western, 1998). Ceci implique généra-
lement les processus intrapsychiques et relationnels du patient.
La plupart des patients dissociatifs ont de nombreux symptômes complexes qui
ne correspondent pas parfaitement à une catégorie diagnostique. En même temps,
ils remplissent généralement les critères de nombreuses catégories diagnostiques
additionnelles (Boon et Draijer, 1993a, 1993b ; Rodewald, Wilhelm-Gössling,
Emrich, Reddeman et Gast, 2011). Les thérapeutes doivent avoir une conscience
double du diagnostic et de l’impact développemental omniprésent dans l’ensemble
du trauma cumulatif. Ils prennent conscience que le diagnostic en tant que tel est
nécessaire mais pas suffisant pour guider l’efficacité du traitement. Le diagnostic
et l’histoire du trauma racontent aux thérapeutes de nombreuses choses, mais ne
disent pas tout, particulièrement pas l’impact du contexte de la vie quotidienne
sur le développement de nos patients (Gold, 2000). Ils n’informent pas les théra-
peutes sur l’organisation interne du patient et sa façon d’être dans le monde – une
information clé dans la formulation de cas et dans la planification efficace de la
thérapie. Comme les patients peuvent être plutôt différents que semblables, il est
aussi essentiel de regarder ce qui est unique pour un patient donné.
Une grande partie de ce que vous allez lire dans ce chapitre ne peut être
évaluée immédiatement ; cela évolue plutôt au cours de la thérapie. Progressi-
vement, les thérapeutes comprennent plus profondément le fonctionnement
général de leurs patients et leurs réponses à des interventions de traitement spé-
cifiques. L’évaluation est un processus continu. Il est néanmoins utile d’évaluer
au moins certaines des forces et déficits d’un patient lors des premiers stades
de planification de la thérapie. Une échelle de scores pour le pronostic et le
progrès du traitement est incluse dans l’annexe B. Cette liste de contrôle n’a
pas été validée, mais nous trouvons qu’elle est utile du point de vue clinique.
Elle peut être utilisée dans les premiers moments de la phase d’évaluation et
répétée trimestriellement ou une fois tous les six mois afin d’évaluer le progrès
dans la thérapie et aider dans la planification. Plusieurs domaines sont évalués,
tels que le fonctionnement quotidien du patient ; les systèmes de soutien ; la
capacité de lier une relation avec le thérapeute et les autres ; les phobies d’ori-
gine traumatique ; la gestion de la dissociation ; l’habileté à coopérer dans la
thérapie, à apprendre de nouvelles compétences et le profit des interventions.
Sont enfin évaluées la vulnérabilité aux crises et la résistance à celles-ci.

1. Les ressources et besoins du patient


Les patients tirent un grand bénéfice d’une exploration approfondie de leurs
ressources et déficits, tant intérieurement qu’extérieurement, dans le cadre
d’une formulation de cas et de la compréhension du pronostic. La thérapie

150 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


ne peut progresser qu’en fonction de là où les ressources du patient peuvent
la mener. Par exemple, la thérapie orientée sur l’introspection n’est pas par-
ticulièrement efficace pour des individus avec des déficits cognitifs modérés
ou graves, et ceux qui ont peu de compétences émotionnelles ne peuvent pas
intégrer les émotions bouleversantes du trauma. Évaluer les compétences et les
ressources oriente le traitement à commencer là où le patient a le plus besoin
de construire un fondement pour le travail complexe et difficile de la thérapie.
Ci-dessous, nous discutons de quelques ressources importantes, particulière-
ment celles qui soutiendront le patient dans sa thérapie.

1.1. Ressources financières


Une des premières choses à déterminer, avant même une formulation de cas
approfondie, est de savoir si le patient a les ressources financières pour s’en-
gager dans un type particulier de thérapie dans un cadre spécifique et si ces
ressources sont relativement stables. Plonger dans un traitement complexe
alors que le patient ne peut pas maintenir le paiement va probablement mal
se terminer tant pour le patient que pour le thérapeute. Dans le meilleur des
scénarios, on peut référer le patient à un centre qui pratique des prix avanta-
geux et qui a la capacité de traiter les troubles dissociatifs, mais c’est rarement
une option. Sinon, le thérapeute peut se mettre d’accord pour faire un travail
de stabilisation à court terme qui aidera le patient à améliorer son fonction-
nement quotidien et ses symptômes dans la mesure du possible. Les ressources
financières pour la thérapie diffèrent grandement d’un pays à l’autre. Dans cer-
tains pays, l’assurance couvre la thérapie à long terme, dans d’autres pays elle
le fait rarement ou pas du tout.

1.2. Le soutien social et les ressources-lacunes


de type socioculturel et religieux
Le contexte social du patient peut fournir une aide considérable ou être source
de détresse. Savoir si le patient a des amis, une famille actuelle ou toute autre
personne qui peut le soutenir en dehors de la thérapie est une question impor-
tante. Beaucoup de nos patients plus difficiles sont très isolés et ont besoin
de bien plus que le seul thérapeute pour les aider à avancer. Outre offrir un
soutien émotionnel durant la thérapie, savoir si le patient a quelques amis ou
connaissances avec qui se socialiser est aussi important pour le thérapeute.
Le thérapeute devrait donc évaluer les éléments suivants :
• Le soutien social et la manière dont le patient l’utilise :
0 Le patient a-t-il une autre personne (famille, amis, voisins) vers
laquelle il peut se tourner en cas de besoin d’aide ?
0 Le patient est-il prêt à demander du soutien ?

Au-delà du diagnostic : évaluation supplémentaire, pronostic et formulation de cas 151


0 Le patient utilise-t-il le soutien de façon appropriée ?
0 Le patient a-t-il besoin d’un psychiatre, d’un gestionnaire de cas,
d’un médecin traitant ou d’un autre professionnel qui peut faire
partie de l’équipe de traitement ?
0 Le patient a-t-il des amis ou des connaissances avec lesquels se
socialiser, par exemple pour aller au cinéma, marcher, partager un
repas, passer des vacances ensemble ?
• Ressources de la communauté
0 Le patient a-t-il des ressources, par exemple des cours gratuits, du
bénévolat, des groupes de soutien ou d’autres types de supports
sociaux ou de communauté ?
• Ressources culturelles
0 L’origine culturelle et ethnique promeut-elle un type de soutien
social et émotionnel, reconnaît-elle le trauma ou soutient-elle la
thérapie ?
• Ressources spirituelles ou religieuses
0 Le patient est-il intéressé par l’exploration et l’utilisation de res-
sources spirituelles ou religieuses ?
0 Si c’est le cas, les croyances spirituelles ou religieuses sou-
tiennent-elles la guérison ou assoient-elles le patient dans la honte
et l’auto-accusation ?
0 Si le patient n’a ni croyances spirituelles ni religieuses, qu’est-ce
qui l’aide à trouver un sens et des objectifs ?

1.3. Facteurs multiculturels


Nos modèles psychopathologiques sont principalement basés sur la culture
occidentale. Quand un patient vient d’une culture différente, le thérapeute
devrait prêter attention à l’exploration de ce qui suit et ajuster la thérapie en
conséquence. La culture du patient peut être une source de soutien ou faire
du tort au traitement. Par exemple, si elle favorise la croyance que la thérapie
n’est pas acceptable. Quelques considérations culturelles importantes incluent
le fait que
• les symptômes du patient ont des expressions culturelles particulières
qu’il serait utile de comprendre ;
• certaines pratiques d’éducation dans la culture du patient peuvent être
pertinentes pour le traitement (et l’attachement) ;
• le patient a des paramètres culturels spécifiques pour le deuil et des
façons de faire face aux pertes qui sont différentes de ce à quoi le thé-
rapeute s’attend ;

152 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


• les manières du patient d’exprimer (ou ne pas exprimer) les émo-
tions sont une fonction de la culture du patient plutôt que d’être
pathologiques ;
• les différents besoins et attentes concernant la dépendance, l’indivi-
duation et l’autonomie font partie de la culture du patient.

1.4. Ressources et déficits cognitifs


La capacité du patient à penser de manière cohérente et logique, à utiliser la
mémoire pour apprendre et grandir et à déployer des habiletés intellectuelles
pour mieux comprendre et changer est essentiel en thérapie.

CONCEPT CLÉ

Il est essentiel d’évaluer les lésions cérébrales traumatiques chez les patients chronique-
ment abusés depuis l’enfance ou qui ont une histoire d’agression physique ou d’accident
entraînant potentiellement une blessure à la tête. Les lésions cérébrales traumatiques
sous-diagnostiquées ou non traitées peuvent interférer significativement dans le progrès
de la thérapie.

Les lésions cérébrales traumatiques (LCT). Une question importante est


de savoir si un patient pourrait avoir des lésions cérébrales traumatiques non
diagnostiquées qui affectent non seulement son fonctionnement cognitif mais
aussi émotionnel et social. De nombreux symptômes de LCT peuvent imi-
ter des problèmes psychologiques. Ils incluent des difficultés à réfléchir et à
résoudre des problèmes, à acquérir de nouvelles connaissances et à retenir une
nouvelle information, une propension à la confusion, des plaintes somatiques
telles que la fatigue et les maux de tête, des changements d’humeur, de l’im-
pulsivité, des problèmes dans les fonctions exécutives, tels que l’incapacité à
se focaliser et à se concentrer ainsi que des perturbations relationnelles (Stoler
et Hill, 2013 ; Vasterling, Bryant et Keane, 2012). Les patients qui ont une
histoire connue de blessures graves à la tête, de coups répétés à la tête, de pré-
maturité ou de trauma à la naissance devraient être évalués sur le plan neuro-
cognitif pour le LCT. Si besoin, la thérapie devrait être modifiée pour recevoir
un traitement neurocognitif simultané pour lésions cérébrales.
Il est utile de comprendre les capacités et déficits du patient dans les
domaines cognitifs suivants :
• Intelligence
0 Quel est le niveau d’intelligence du patient ?
0 Le patient est-il capable d’accéder à l’intelligence en tant que res-
source plutôt qu’en tant que défense dans la thérapie ?

Au-delà du diagnostic : évaluation supplémentaire, pronostic et formulation de cas 153


• Habiletés verbales
0 À quel point le patient est-il capable d’exprimer son expérience en
thérapie ?
• Cohérence de la pensée
0 Quelle est la capacité habituelle du patient à penser de manière
cohérente et que se passe-t-il en situation de stress modéré ?
0 Les diverses parties dissociatives ont-elles plus ou moins de cohé-
rence que d’autres ?
• Capacité à la pleine conscience.
0 Le patient est-il capable ou prêt à apprendre à être plus présent et
en pleine conscience face à ce qui se passe à l’intérieur et dans les
alentours ?
0 La pleine conscience augmente-t-elle ou diminue-t-elle la détresse
du patient ?
0 Le patient s’exerce-t-il à la méditation ? Procure-t-elle de l’aide,
augmente-t-elle le stress ou alimente-t-elle plus de dissociation ?
0 Quel est le niveau de fonctionnement exécutif (planification, orga-
nisation, capacité de prioriser, gestion du temps, détermination et
suivi des objectifs, accomplissement des activités, passage d’une
activité à une autre) ?
– Le patient peut-il se concentrer et garde-t-il le cap en théra-
pie de manière suffisante ?
– Le patient peut-il arriver à temps au lieu de la thérapie (ou
à un autre endroit) ?
– Le patient peut-il aller au bout des devoirs ou d’autres tâches
liées à la thérapie ?

Capacité à mentaliser. Un bon traitement dépend jusqu’à un certain degré


de la capacité des patients à connaître leur propre esprit, à réfléchir et à déduire
de manière précise les motivations et intentions des autres. Bien qu’il puisse y
avoir des résistances significatives à la prise de conscience de l’expérience inté-
rieure, la volonté et la capacité de l’envisager, de façon durable et avec du sou-
tien, augurent bien pour la thérapie. Même les patients qui sont très concrets et
qui ne comprennent pas facilement des significations psychologiques profondes
peuvent faire des progrès s’ils sont prêts à accepter leur expérience interne.
• Le patient peut-il faire des hypothèses relativement précises sur les
motivations et intentions d’autres personnes, y compris le thérapeute ?
• Le patient peut-il prendre du recul et reconnaître pourquoi il ou elle
pense, ressent, ou se comporte d’une certaine façon ?

154 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Les schémas. Les schémas sont des thèmes ou des croyances larges et
omniprésentes à propos de soi-même et des autres. Ils peuvent être fondés sur
des postulats de base, même implicites, concernant soi-même, les autres et le
monde. Janoff-Bulman (1992) a décrit trois postulats de base : (a) le monde est
(relativement) bienveillant, (b) le monde est (relativement) cohérent et (c)
j’ai de la valeur en tant qu’être humain. Les patients qui ont connu de l’abus
tôt dans l’enfance peuvent ne jamais avoir développé ces postulats de base, ou
ils ont été détruits par des expériences hautement traumatiques. Ces échecs à
développer de tels postulats ou leur destruction s’ajoutent aux réactions trau-
matiques chroniques et pertes (Janoff-Bulman, 1992 ; Kaufman, 2014). Dans
le sillage des postulats brisés, des schémas non adaptés peuvent se développer.
Young et al. (2003) ont élargi les réflexions concernant le développement
des croyances de base communes chez les individus chroniquement traumati-
sés. Ces croyances chevauchent de manière significative les thèmes relationnels
conflictuels de base (Core conflictual relational themes, CCRT) décrits dans la
littérature psychanalytique (Book, 1998 ; Drapeau et Perry, 2004 ; Luborsky et
Crits-Cris, 1998). En utilisant la méthode CCRT, les thérapeutes examinent
les souhaits des patients concernant une relation, ce qui implique des schémas,
la réponse du patient à soi-même et la réponse de l’autre au patient. Ces dyna-
miques peuvent être explorées avec les patients. Selon Young et al. (2003), les
schémas incluent des croyances sur la déconnexion et le rejet, l’autonomie (la
dépendance) et la performance (la compétence), les limites altérées (l’attitude
que tout leur est dû et le contrôle de soi insuffisant), l’orientation vers les
autres (l’apaisement, l’autosacrifice), une vigilance trop forte et de l’inhibition
(négativité, hypercritique). Les thérapeutes peuvent utiliser un questionnaire
sur les schémas (Young et Brown, 2001) pour évaluer le schéma prédominant
ou simplement poser des questions à leur sujet :
• Quels sont les schémas prédominants du patient ?
• Comment les schémas diffèrent-ils selon les parties dissociatives ?
• De quelle façon les schémas des patients influencent-ils le fonctionne-
ment, les relations et la thérapie du patient ?

1.5. Compréhension
La compréhension est un des facteurs les plus communs dans la psychothé-
rapie, connu pour aider les patients à changer et constituant une première
étape cognitive dans la réalisation. L’important n’est pas de savoir comment
la compréhension est acquise ni même si elle est entièrement précise. L’im-
portant réside dans le fait que le patient trouve une explication qui soutienne
un résultat adapté, c’est-à-dire celle qui aide le patient vers un changement
et une stratégie plus efficaces (Wampold, Imel, Bhati et Johnson-Jennings,
2007). Une compréhension sans changement n’est pas particulièrement utile.

Au-delà du diagnostic : évaluation supplémentaire, pronostic et formulation de cas 155


Elle n’est qu’un exercice intellectuel qui n’inclut pas de pleine réalisation et
n’encourage pas efficacement l’adaptation à la réalité telle qu’elle est (Van
der Hart et al., 2006). Le thérapeute doit donc déterminer si le patient a les
capacités pour comprendre, c’est-à-dire s’il a les compétences réflexives et la
capacité d’utiliser la compréhension pour effectuer les changements. Généra-
lement, ceux qui ont la compréhension intellectuelle et ne changent pas sont
bloqués dans une sorte de résistance qui, en principe, peut être résolue. Mais
le thérapeute doit alors centrer le travail sur la résistance plutôt qu’accumuler
des gains supplémentaires dans la compréhension.
Il est important de noter, concernant la compréhension chez les patients
dissociatifs, qu’une partie peut avoir compris contrairement à une autre. En
d’autres mots, la compréhension ne se développe pas de manière égale parmi
les parties. Les patients dissociatifs peuvent sembler développer beaucoup de
compréhension (et de souvenir) dans une séance et être complètement perdus
dans une autre. La compréhension est donc souvent une évolution lente de la
réalisation plutôt qu’une série de découvertes majeures.
Dans un premier temps, des patients très dissociatifs (et résistants) peuvent
sembler en surface incapables de comprendre. Toutefois, dès que le thérapeute
parvient à les aider à développer une forte alliance et à comprendre leurs
résistances avec compassion, plus de capacités de compréhension peuvent se
développer au cours du temps (voir chapitres 11 et 12 sur le travail avec la
résistance).

&YFNQMFEFDBTEFDPNQSÏIFOTJPOdiffÏSÏF$PSJOOF

Ce n’est que dans la sixième année de thérapie que Corinne, une patiente hautement
dissociative avec un TDI et un trouble de personnalité obsessionnel-compulsif, put
commencer à comprendre son comportement autopunitif lui interdisant toute expérience
agréable et parvint à réaliser des changements significatifs pour accepter des expériences
plus positives dans sa vie. Elle avait la conviction pendant toutes ces années d’avoir été
pragmatique et de s’être débrouillée quand elle le devait, et que son comportement avait
été normal et responsable. Elle disait des choses qui semblaient raisonnables à la surface,
mais qui en fait étaient nuisibles pour elle dans la manière dont elle utilisait ces croyances :
« Vous devez faire ce que vous devez faire, vous devez faire des choses que vous ne
voulez pas faire. » La compréhension du fait qu’elle se privait afin de se punir d’avoir été
abusée mit du temps à venir. Mais dès que la compréhension prit le chemin d’une vraie
réalisation, elle opéra des changements significatifs au cours des deux années suivantes,
parmi lesquels un travail mieux rétribué et un meilleur endroit où vivre, des achats de
quelques nouveaux vêtements pour la première fois depuis des années, ses premières
vacances à l’âge adulte ainsi que plusieurs relations saines.

Il est aussi important de reconnaître que certains changements de compor-


tement peuvent survenir sans aucune compréhension.

156 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


&YFNQMFEFDBTEFDIBOHFNFOUEFDPNQPSUFNFOU
TBOTDPNQSÏIFOTJPO%POBME

Un patient, Donald, s’était automutilé en se scarifiant pendant de nombreuses années. Il


était incapable de reconnaître la raison pour laquelle cela se produisait ou ce qui le
déclenchait parce qu’il avait une phobie importante de son expérience interne et des parties
dissociatives impliquées dans l’automutilation. Le thérapeute aida Donald à acquérir des
compétences comportementales pour réduire et éliminer l’automutilation, par exemple en
remplaçant la scarification par une action de substitution comme utiliser un marqueur rouge
ou tenir de la glace dans sa main, ou encore s’engager dans un exercice vigoureux lorsqu’il
sentait l’envie de se couper. Il arrêta de se couper bien avant qu’il puisse se connecter avec
des parties dissociatives de lui-même impliquées dans ce comportement.

Ces deux cas sont révélateurs de ce que certains patients peuvent amener
du changement sans développer de la compréhension au préalable (Donald),
tandis que d’autres doivent d’abord développer la compréhension pour accéder
au changement (Corinne). Il va sans dire qu’un manque de compréhension
laisse les patients vulnérables au fait de retourner vers des comportements pro-
blématiques sous l’influence du stress.

1.6. Motivations
Une des évaluations les plus importantes pour la formulation de cas est la com-
préhension de ce qui motive nos patients à se comporter, penser, sentir, perce-
voir, et prédire de manière particulière. Les principales motivations viennent
des objectifs, des souhaits, des valeurs, schémas ou croyances de base du patient
et des conflits entre ceux-ci.
La résistance dans la thérapie se situe généralement au niveau de conflits
irrésolus parmi différentes parties dissociatives du patient, et au niveau de la
phobie de ces parties et d’autres expériences dissociatives. Les différentes moti-
vations sont généralement contenues dans des parties dissociatives en conflit.
Par exemple, la partie du patient qui fonctionne dans la vie quotidienne peut
avoir l’objectif de se sentir mieux et d’être plus indépendante et compétente.
Une partie enfant a le souhait qu’on prenne soin d’elle. La plupart des parties ont
des schémas selon lesquels ils ne sont pas aimables. Une partie qui imite l’agres-
seur crie que personne ne mérite d’aller mieux. Plus les thérapeutes parviennent
à identifier ces pensées, souhaits, buts et schémas conflictuels, mieux ils peuvent
aider leurs patients à trouver des façons de les accepter et de les changer.

1.7. Ressources émotionnelles


Les compétences pour reconnaître, tolérer et réguler les émotions sont essen-
tielles à développer au début du traitement car les troubles dissociatifs sont en

Au-delà du diagnostic : évaluation supplémentaire, pronostic et formulation de cas 157


partie des troubles de la régulation. Les patients n’ont peut-être jamais appris
ces techniques et ont donc des phobies tournées vers l’intérieur (voir la section
sur les phobies liées aux traumatismes ci-dessous). La thérapie comportemen-
tale dialectique (DBT, Linehan, 1993, 2014) et la thérapie d’acceptation et
d’engagement (ACT, Hayes, Strosahl et Wilson, 2011) offrent des approches
utiles, mais toutes deux doivent être modifiées pour inclure les parties disso-
ciatives qui ont des émotions différentes et des façons différentes de les évi-
ter (voir Boon et al., 2011). Les compétences émotionnelles peuvent varier
considérablement d’un patient à l’autre et les thérapeutes doivent déterminer
dans quelle mesure il est nécessaire de se concentrer à un stade précoce sur
l’exercice de compétences.
Les questions suivantes sur les compétences émotionnelles peuvent être
utiles dans l’évaluation :
• Dans quelle mesure le patient développe-t-il une peur des émotions et
de quelles émotions en particulier ?
• Le patient possède-t-il déjà des façons saines de réguler les émotions ?
• Le patient utilise-t-il l’auto-hypnose ou l’imagerie pour se réguler ?
• Le patient a-t-il la capacité de profiter des expériences positives comme
façon de se réguler ?

1.8. Ressources somatiques


Les ressources somatiques sont celles qui sont dérivées du corps, de l’expé-
rience physique du patient de la sensation, du mouvement, de la posture,
du geste, etc. Elles soutiennent une expérience ressentie de bien-être, de
sécurité et de compétence. Il existe des centaines de façons d’obtenir et
de soutenir des ressources somatiques (p. ex., Levine et Frederick, 1997 ;
Levine et Mate, 2010 ; Ogden et al., 2006 ; Ogden et Fisher, 2015). Même si
les patients peuvent être phobiques de leur corps, les ressources somatiques
restent importantes à développer dans la mesure du possible au début de la
thérapie.
Il peut être utile d’évaluer ce qui suit :
• Le patient est-il capable de ressentir son corps de manière agréable
(p. ex., se sentir détendu, profiter d’un bain chaud ou d’un massage, ou
simplement aimer la bonne nourriture) ?
• Le patient utilise-t-il de façon équilibrée l’activité physique pour régu-
ler ses émotions, pour se sentir mieux (p. ex., le jardinage, la marche, le
vélo) ? Notez que de nombreux patients pratiquent des activités phy-
siques afin de ne pas ressentir leurs émotions.
• Le patient est-il capable d’utiliser la respiration comme ressource pour
se calmer ?

158 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Les ressources peuvent inclure des expériences somatiques qui accom-
pagnent le fait de se sentir en sécurité, confiant, fort, curieux, contenu ou
soutenu. La psychothérapie sensorimotrice (Ogden et al., 2006 ; Ogden et
Fisher, 2015), la Somatic experiencing (Levine et Frederick, 1997 ; Levine et
Mate, 2010) et l’EMDR (en particulier, le développement et l’installation de
ressources, p. ex., Gonzalez et Mosquera, 2012 ; Knipe, 2014 ; Korn et Leeds,
2002) mettent toutes fortement l’accent sur le développement de ressources
somatiques.

1.9. Ressources imaginaires


Les patients dissociatifs ont souvent une capacité créatrice et une imagination
riche, du moins en partie à cause de leur tendance à être fortement hypnoti-
sables. Des ressources imaginaires, comme un espace sûr et une figure idéale,
entre autres, peuvent être extrêmement utiles en matière de régulation, de
confort et de force.

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Claire était une patiente qui commençait à peine à aborder certaines de ses émotions
les plus douloureuses. La thérapeute décida de l’aider à utiliser plus consciemment ses
ressources pour le confort et la sécurité. Claire choisit d’utiliser une figure ressource
avec des qualités positives. Elle développa l’image d’une femme âgée qui était
compassionnelle, juste, aimante, sage et forte. Elle avait de longs cheveux argentés
flottants, était vêtue d’une longue robe couleur émeraude et avait le visage le plus
gentil de la terre. Claire s’imagina qu’elle marchait main dans la main avec cette
silhouette sur un chemin, se sentant sans peur et solide. Une fois que Claire eut pratiqué
l’utilisation de cette ressource intérieure quand elle était calme, elle fut plus capable
de l’évoquer quand elle se sentait stressée. Elle trouva cela extrêmement utile. Claire
était capable d’utiliser cette ressource non seulement quand elle avait besoin d’approcher
un sentiment effrayant mais aussi par la suite. Elle utilisa la figure de la femme sage
après une séance productive pour continuer à réfléchir sur le travail, se sentir renforcée
et retrouver du réconfort quand elle avait besoin de pleurer. Ainsi, Claire utilisa la figure
sage non seulement pour surmonter son évitement phobique mais aussi pour la
soutenir dans les gains continus.
La thérapeute commença en aidant Claire à sentir la femme sage auprès d’elle et à
remarquer ce que cela faisait dans son corps, quelles émotions elle ressentait et quelles
étaient ses pensées. Après avoir eu le temps de consolider cette expérience positive,
la thérapeute attira son attention sur une sensation sombre et effrayante, avec l’intention
de voyager entre l’expérience positive et l’expérience négative. C’était cependant
déstabilisant pour Claire, alors la thérapeute la renvoya vers l’image positive jusqu’à ce
qu’elle soit à nouveau régulée. La thérapeute demanda à Claire ce qui pourrait l’aider.
Claire suggéra qu’elle pourrait se sentir plus en sécurité si la silhouette sage pouvait
l’accompagner à l’endroit sombre et effrayant. Claire fit une tentative et observa que
c’était possible en laissant la femme sage marcher devant elle. La femme sage regarda

Au-delà du diagnostic : évaluation supplémentaire, pronostic et formulation de cas 159


à l’intérieur de l’endroit obscur pour Claire. Elle se tourna vers Claire avec des larmes
dans les yeux, disant : « Cette personne-là à l’intérieur se sent tellement abattue. Elle
est épuisée et se bat de toutes ses forces pour rester en sécurité. Elle n’a jamais réalisé
qu’elle était en sécurité. Aidons-la. »
Claire fut capable d’utiliser cette nouvelle perspective pour comprendre que sa
rage était maintenue dans l’obscurité et pour l’accepter davantage. À ce moment-là,
la thérapeute put aider Claire à ressentir la colère un peu à la fois, voyageant entre
les sentiments calmes et solides lui permettant d’accepter et d’intégrer sa rage
intense.

1.10. Les phobies liées au traumatisme


La plupart des phobies liées au traumatisme (Boon et al., 2011 ; Nijenhuis,
2015 ; Nijenhuis, Van der Hart et Steele, 2002 ; Steele et al., 2005 ; Van der
Hart et al., 2006) sont orientées vers l’intérieur. Les patients dissociatifs ont au
moins un peu d’évitement phobique de l’expérience intérieure, en particulier
des souvenirs traumatiques (Janet, 1904, 1928), et de là découlent les autres
phobies. Plus les patients sont phobiques, plus ils seront résistants. Un trai-
tement précoce sera orienté vers la réduction de ces phobies, car les patients
doivent apprendre à tolérer l’expérience intérieure pour progresser. Le théra-
peute devrait noter comment les patients ont développé ces phobies et ce qui
les maintient, à quel point chaque phobie est chronique et intense et quelles
parties sont plus ou moins évitantes sur le plan phobique. Il existe plusieurs
variantes de phobies :
• la phobie de l’expérience intérieure (pensées, émotions, sensations,
souvenirs, perceptions, prédictions, fantasmes, souhaits) ;
• la phobie de la mémoire traumatique ;
• la phobie des parties dissociatives ;
• la phobie de l’attachement (et de l’intimité) et de la perte d’attachement ;
• la phobie du changement.

1.11. Les défenses psychologiques


Reconnaître et travailler avec les défenses psychologiques est la pierre d’angle
des approches psychodynamiques (Vaillant, 1977). Cependant, il est impor-
tant que les thérapeutes reconnaissent que les défenses psychologiques sont
souvent intimement liées aux défenses physiologiques des animaux, qui sont
des réponses au danger et à la survie. Le thérapeute doit toujours être curieux
de savoir pourquoi le patient a besoin d’une défense et ce que celle-ci permet
d’éviter au patient (voir les chapitres 11 et 12 sur la résistance). Certaines par-
ties dissociatives peuvent s’engager dans différentes défenses psychologiques.

160 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


1.12. Les antécédents du traitement
Les traitements précédents renseignent le thérapeute sur les problèmes habituels
que le patient peut rencontrer en thérapie et sur les conflits internes et rela-
tionnels qui se manifestent et demeurent non résolus. Il est important que le
thérapeute actuel ne s’engage pas à partager avec le patient à propos des autres
thérapeutes, car certains patients insistent sur le fait que tous leurs anciens thé-
rapeutes ne leur ont rien apporté ou étaient activement nuisibles. Malheureu-
sement, il est vrai que les patients dissociatifs ont tendance à être mal compris,
mal diagnostiqués et maltraités par des thérapeutes trop sceptiques, fascinés ou
mal informés. Néanmoins, le thérapeute actuel a besoin d’écouter le processus
lorsque les patients parlent d’anciens thérapeutes, plutôt que de se concentrer sur
le contenu de ce que les thérapeutes auraient fait ou non.

CONCEPT CLÉ

Une anamnèse soigneuse du traitement antérieur du patient est utile pour révéler les
problèmes potentiels de transfert et de contre-transfert qui peuvent survenir dans la
thérapie actuelle, et faire connaître la manière dont les clôtures sont gérées par le patient,
ainsi que ses attentes et ce qui devrait être similaire et différent dans la thérapie actuelle.

Peu importe si un ancien thérapeute a été perçu comme utile ou pas, les
patients communiquent sur leurs schémas d’attachement et leurs percep-
tions habituelles, ainsi que sur leurs conflits, leurs souhaits et leurs craintes
au sujet des thérapies et des thérapeutes. Les patients ont souvent des senti-
ments conflictuels à propos d’anciens thérapeutes ou équipes de traitement,
ce qui fait qu’ils ont besoin d’une personne de soutien pour les écouter et les
aider à intégrer les divergences. Le thérapeute doit également être attentif aux
attentes irréalistes du patient pour la thérapie actuelle et au danger que le
patient idéalise ou dévalorise le thérapeute actuel depuis le début. Le théra-
peute trouvera utile d’explorer les points suivants :
• Durée des traitements antérieurs – cela peut indiquer la volonté du patient
de s’engager dans une thérapie, sa tolérance pour le processus thérapeu-
tique et sa capacité à rester en contact avec un thérapeute ou non.
• Résultats thérapeutiques du point de vue du patient.
• Raisons de l’interruption du point de vue du patient.
• Diagnostics antérieurs, si connus.
• Médicaments, résultats et observance de la médication prescrite.
• Hospitalisations, dates, raisons et durée du séjour. Ces données aident
le thérapeute à déterminer l’instabilité du patient au fil du temps et les
principaux problèmes qui conduisent à la déstabilisation.

Au-delà du diagnostic : évaluation supplémentaire, pronostic et formulation de cas 161


• Ce qui était utile et ce qui ne l’était pas du point de vue du patient.
• Qualité des relations thérapeutiques antérieures du point de vue du
patient. Par exemple, le patient pourrait dire : « Il ne me comprenait
pas ou ne faisait pas d’efforts pour me comprendre ; Elle était vraiment
froide et indifférente, disant juste Humm tout le temps ; Il ne voulait
pas que je parle de parties ou de mes abus ; Elle n’était jamais à l’heure
et oubliait des rendez-vous ; Il continuait à me dire ce que je devais
faire ; Elle ne m’aidait pas à découvrir quoi faire ; Elle voulait travailler
sur des parties, mais je ne crois pas à tout cela ; Nous nous bagarrions
beaucoup et j’étais frustré ; Il ne voulait pas avoir de contact entre les
séances, et j’en avais besoin ! » Que ces affirmations soient exactes ou
non, elles reflètent le sentiment que la relation n’était pas sécurisée.
• Signalement d’abus ou d’exploitation par des thérapeutes antérieurs.
Lorsque les patients signalent un abus, la relation thérapeutique
actuelle sera fortement affectée et il faut s’attendre à de la méfiance
(Pope, 1994).
• D’autres thérapeutes ou praticiens sont-ils actuellement impliqués dans
le traitement du patient ?
• Le patient est-il disposé à signer une autorisation pour que le théra-
peute puisse parler avec d’autres thérapeutes ou d’autres praticiens ou
obtenir des dossiers de traitement (à moins que l’ancien thérapeute ait
été abusif) ?

1.13. Les schémas d’attachement


La recherche a montré que les enfants peuvent avoir un attachement sécu-
risé avec un donneur de soin et un attachement insécurisé avec un autre
(Bretherton et Mulholland, 1999). Ainsi les patients peuvent-ils afficher dif-
férents schémas d’attachement avec différentes personnes dans leur vie. Peut-
être même qu’ils ont eu un attachement sécurisé avec quelqu’un. Ceci est utile
à savoir, car cela peut être une ressource merveilleuse et peut fournir au patient
un modèle pour savoir comment se positionner dans des relations saines.
Cependant les schémas d’attachement insécurisés, qui sont plus fixes et
envahissants, causeront des difficultés aux patients et à ceux qui les entourent
(y compris le thérapeute). Les schémas d’attachement insécurisés sont utiles à
comprendre (Crittenden, 2006 ; Crittenden et Landini, 2011 ; George, Kaplan
et Main, 1996 ; Main et Goldwyn, 1984). Les patients habituellement évitants,
par exemple, cherchent à minimiser les expériences qui pourraient susciter des
émotions liées à l’attachement et évitent le contact relationnel pour empêcher
la dérégulation. D’autre part, les patients très anxieux recherchent un contact
excessif et épuisant avec les autres et peuvent être très préoccupés par ce que
les autres pensent et ressentent.

162 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Chaque partie dissociative peut avoir un style d’attachement différent. Par
exemple, une partie enfant bloquée dans un pleur d’attachement peut avoir un
style d’attachement anxieux, alors qu’une partie travail qui fonctionne dans la
vie quotidienne peut avoir un style évitant. Dans l’ensemble, le patient pré-
sente alors un schéma désorganisé, alternant approche et évitement, recherche
d’attachement et défense (Liotti, 1992, 1999, 2011 ; Steele et al., 2001). Le
thérapeute devrait d’une part noter la dynamique d’attachement de chaque
partie du patient et d’autre part déterminer comment ces styles (et les parties
impliquées) interagissent et entrent en conflit dans les relations.

1.14. Évaluer les réactions du patient à la dissociation


Une fois qu’un diagnostic de trouble dissociatif est posé, il est important d’ex-
plorer comment le patient réagit à la dissociation, les fonctions de chaque
partie dissociative et quels conflits maintiennent la dissociation.

CONCEPT CLÉ

Il est essentiel d’évaluer la manière dont le patient réagit à la dissociation, dont les parties
dissociatives (et le patient dans son ensemble) font face aux conflits, et les conflits qui
sont intenses entre les parties.

Les réactions du patient à son état dissociatif. L’une des premières choses
à observer est la façon dont les différentes parties du patient acceptent un
diagnostic de trouble dissociatif. Certaines parties dissociatives peuvent mieux
l’accepter, tandis que d’autres sont plus dans l’évitement. Souvent, la partie
principale fonctionnant dans la vie quotidienne est réticente à faire face à la
dissociation. Cependant, certains patients sont fortement soulagés de com-
prendre ce qui se passe avec eux. Robert, dans l’exemple de cas du chapitre 5,
était l’un de ces patients. Comme partie adulte fonctionnant dans la vie quoti-
dienne, il commença presque immédiatement à communiquer avec ses parties
dissociatives. Il accepta ses jeunes parties traumatisées et put les réconforter.
D’autres, comme Marianne, également présentée au chapitre 5, ont eu peur ou
honte et nièrent ou évitèrent toute tentative du thérapeute de travailler avec
la dissociation. Ces attitudes affectent le progrès de la thérapie et devraient
indiquer comment le thérapeute pourrait aborder le sujet de la dissociation.
Plus les patients dans leur globalité ont peur, sont honteux ou évitent phobi-
quement leurs parties dissociatives, plus la thérapie est lente, plus ils peuvent
avoir besoin de stabilisation et de développement d’habilités émotionnelles.
Il est également essentiel de comprendre les champs de la coopération
explicite et implicite et des conflits entre les parties dissociatives, car l’évi-
tement phobique entre les parties entraîne une forte résistance et doit donc

Au-delà du diagnostic : évaluation supplémentaire, pronostic et formulation de cas 163


être abordé prudemment. Le thérapeute doit essayer de trouver des moyens de
diminuer les peurs phobiques des patients et d’accroître leur curiosité vis-à-vis
de leur expérience interne. L’acceptation d’un diagnostic et d’une certaine
terminologie est bien moins importante pour les patients que la découverte de
moyens pour accepter leur expérience intérieure.
Quelques patients adoptent leur trouble dissociatif comme mode de vie
et identité. Cela aussi façonne le traitement. Ces patients n’ont souvent pas
grand-chose vers quoi se tourner dans leur vie qui soit porteur de sens et d’ob-
jectifs. Souvent, leur vie est organisée autour de leur trouble.

L’évaluation de ce qui précipite le switch. Passer d’une partie à l’autre


peut ne pas être évident pour le thérapeute au début, en particulier pour les
thérapeutes qui n’ont pas beaucoup d’expérience avec les patients dissociatifs.
Cependant, si et quand un switch est observé, il est essentiel de comprendre
ce qui est le plus susceptible de précipiter les passages d’une partie du patient
à l’autre ou la forte intrusion de certaines parties (voir le chapitre 10). Les
switchs et l’influence passive sont essentiellement des symptômes signalant
un certain stress. Ils sont souvent évoqués dans le contexte de la relation, de
sorte que le thérapeute devrait examiner attentivement ce qui se passe à l’in-
térieur du patient lorsqu’un switch se produit en présence d’une autre per-
sonne. Les souvenirs traumatiques sont également de puissants déclencheurs
pour le switch ou l’influence passive. Le thérapeute peut s’interroger au sujet
des expériences intérieures, telles que certaines émotions, pensées ou souhaits
qui pourraient susciter le switch. Une patiente, par exemple, basculait vers
une partie enfant effrayée et gelée chaque fois qu’il aurait été plus approprié
qu’elle se fâche. La peur l’aidait à éviter sa colère, qui lui semblait beaucoup
plus dangereuse et intolérable.
Le thérapeute peut également explorer s’il existe un contrôle volontaire
sur un switch complet. Une patiente, par exemple, passait à une partie drôle et
désinvolte chaque fois qu’elle était en présence d’hommes. Elle était capable
de contrôler quand elle switchait et le faisait intentionnellement pour se
protéger d’être proche et vulnérable. La patiente et cette partie d’elle-même
avaient un accord explicite sur le fait que cette partie spécifique « gérerait tous
les hommes ».
Enfin, il peut être utile d’observer s’il existe une séquence particulière des
parties impliquées dans le switch. Pouvoir prédire des schémas est utile pour
le thérapeute. Par exemple, une patiente switchait d’abord vers une partie
dans le besoin qui était exceptionnellement exigeante. Lorsque ses demandes
n’avaient pas été complètement satisfaites, elle switchait vers une partie très
agressive. Si cela lui permettait d’obtenir ce qu’elle voulait, elle re-switchait
vers un adulte raisonnable. Si cela ne fonctionnait pas, elle switchait vers une
partie effondrée et blessée et ne voulait pas quitter le bureau. Bien que ces par-

164 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


ties pussent être confondues avec de simples changements de tactiques com-
portementales, elles étaient en réalité séparées et pas vraiment conscientes
les unes des autres, même si elles faisaient partie d’un schéma enraciné depuis
l’enfance. Lorsque la thérapeute put aider la patiente à noter la séquence, elle
fut finalement capable de la comprendre et de mieux la contrôler.

Relations et conflits entre les parties dissociatives. Comme noté tout


au long de ce livre, les relations entre les parties et leurs conflits façonnent
le cours du traitement et forment un aspect essentiel du fonctionnement
intrapsychique du patient. Plus les thérapeutes peuvent comprendre la dyna-
mique entre les parties, mieux ils réussissent à aider les patients à les accep-
ter et à les changer. Bien sûr, au début du traitement, cela peut ne pas être
évident et cela implique donc une évaluation continue. Le thérapeute peut
néanmoins faire des hypothèses éclairées sur les conflits lorsque le patient est
dissociatif. Les conflits habituels incluent par exemple ceux entre attachement
et défense, savoir et ne pas savoir, maintenir le statu quo et changer, se sentir
en sécurité et être vulnérable ou authentique. Les questions suivantes peuvent
aider le thérapeute et les patients à en apprendre davantage sur ces dynamiques
internes :
• Quel est le niveau de conscience d’une partie pour les autres ?
• Quelles sont les réactions typiques d’une partie envers les autres ? Par
exemple, le patient se fige-t-il en entendant une voix punitive ou
éprouve-t-il du dégoût en remarquant qu’une partie petit enfant fait
partie de lui-même ? Les parties se détestent-elles ? Se craignent-elles ?
Ont-elles honte les unes des autres ?
• Quelle est la fonction de chaque partie dissociative ? Par exemple, une
partie s’engage-t-elle dans des activités de la vie quotidienne, détient-
elle une émotion ou une mémoire particulière, ou sert-elle à se défendre
contre une réalisation particulière ?
• Quels sont les champs de coopération entre les parties (implicites ou
explicites) ? Par exemple, des accords conscients ou inconscients pour
ne pas interférer avec la parentalité ou le travail.
• Quelles sont les principales non-réalisations détenues dans chaque par-
tie ? Ce seront des cibles de traitement au cours de la thérapie (voir le
chapitre 1 pour des exemples de non-réalisation).
• Quels sont les conflits majeurs entre les parties dissociatives ? Les
patients dissociatifs gardent leurs conflits dans des parties dissociatives
d’eux-mêmes, de sorte qu’ils ne reconnaissent souvent pas qu’ils ont un
conflit. Lorsque le thérapeute interagit seulement avec une partie du
patient, un seul côté d’un conflit peut être apparent. Certains conflits
peuvent ne pas se manifester clairement avant la fin de la thérapie.

Au-delà du diagnostic : évaluation supplémentaire, pronostic et formulation de cas 165


2. Évaluation de l’historique des traumatismes
Les soins axés sur les traumatismes soulignent l’importance de demander aux
patients s’ils ont vécu des traumatismes. Ceci est une composante essentielle
de l’évaluation. Dans le cas contraire, le thérapeute peut être aveugle aux effets
pervers du traumatisme. Il existe un certain nombre d’instruments qui éva-
luent l’exposition à des événements traumatisants. L’un des plus simples est le
Questionnaire sur les expériences indésirables dans l’enfance (ACE, Felitti et
al., 1998). Il pose 10 questions sur l’exposition dans l’enfance à diverses expé-
riences stressantes et il est facilement accessible en ligne. D’autres instruments
sont la Traumatic Experiences Checklist (TEC ; Nijenhuis, Van der Hart et
Kruger, 2002) et le Trauma History Screen (THS ; Carlson et al., 2011), qui
posent des questions plus détaillées, par exemple le nombre de fois qu’un évé-
nement s’est produit, l’âge auquel il s’est produit et l’impact émotionnel de
l’événement.
Bien que ces instruments puissent être utiles pour aider le thérapeute à
comprendre l’étendue des antécédents traumatiques du patient, des mises en
garde importantes sont à prendre en compte en particulier au début de la thé-
rapie. Les patients, surtout les patients dissociatifs, peuvent être facilement
déclenchés lorsqu’ils pensent ou parlent d’événements traumatiques. Le thé-
rapeute doit évaluer soigneusement si un patient donné peut tolérer même
l’exploration la plus délicate.
La façon dont le thérapeute pose des questions sur le traumatisme donne le
rythme. Par exemple, le thérapeute pourrait introduire les questions en deman-
dant au patient de faire une brève déclaration sans entrer dans les détails :
une « vue d’ensemble » ou « juste les titres ». Le thérapeute pourrait deman-
der : « Comment la discipline a-t-elle été gérée dans votre famille ? Comment
la colère a-t-elle été exprimée dans votre famille ? Vous êtes-vous déjà senti
blessé physiquement par quelqu’un ? Avez-vous déjà eu des expériences parti-
culièrement douloureuses ou effrayantes ? Est-ce que quelqu’un a déjà dit ou
fait quelque chose de sexuel qui vous a rendu mal à l’aise ou effrayé ? Y avait-il
quelqu’un dans votre vie, quand vous grandissiez, vers qui vous pouviez aller si
vous aviez besoin de parler de quelque chose qui vous dérangeait ? »
Le thérapeute doit prêter une attention particulière à la réponse du patient
aux questions, en particulier en notant tout signe de gel, de sur-activation,
de confusion ou de retrait pouvant indiquer une dissociation et la possibilité
que le patient soit en dehors de la fenêtre de tolérance. Noter les change-
ments de posture ou de mouvement peut être utile pour déterminer le niveau
d’activation.
Si le patient est activé, le thérapeute doit arrêter les questions et attirer
l’attention du patient sur l’ici et maintenant en disant quelque chose comme :
« Il semble que vous ayez vraiment eu une enfance très difficile et c’est quelque

166 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


chose d’important à considérer dans notre travail. Je remarque que lorsque vous
en parlez, vous êtes tendu et votre esprit s’échappe. Alors, pour le moment,
pouvez-vous mettre les pieds sur le sol et respirer profondément ? Nous revien-
drons sur ce sujet important, mais d’abord trouvons un moyen de vous sentir
plus présent. »
Si un conflit sur la réalité des événements est déjà présent pendant l’évalua-
tion, le thérapeute peut accepter toutes les parties du patient qui reconnaissent
un traumatisme, ainsi que les parties qui pourraient contredire l’affirmation,
sans prendre parti dans ces conflits intérieurs de « vérité ». Ainsi, un lien de
compassion est établi pour que le patient se sente entendu et compris. Mais les
détails ne sont guère discutés et le thérapeute s’assure que le patient est ancré
et présent et se maintient quelque peu à la surface de la conscience, dans la
mesure du possible.

3. L’évaluation du pronostic
À bien des égards, l’évaluation du pronostic chez les patients présentant des
troubles dissociatifs est la même que chez tout autre patient. Cependant,
la façon dont les patients réagissent et gèrent leur dissociation ajoute une
autre dimension au pronostic. Certains patients dissociatifs ont été dans le
système de santé mentale pendant des années sans un diagnostic approprié.
Tout comme les patients ayant un trouble de la personnalité état-limite, il y a
quelques années, ils peuvent venir à une nouvelle thérapie en ayant été étique-
tés comme « intraitables ». Pourtant, bon nombre de ces patients se portent
bien et s’améliorent avec le temps avec un traitement adéquat. Le fait d’avoir
suivi un traitement de longue durée n’implique pas nécessairement un mauvais
pronostic (Brand et al., 2013 ; Brand et Loewenstein, 2014).
Néanmoins, alors que la plupart des patients s’améliorent, quelques-uns
ne le font pas, et bon nombre d’entre eux ont une évolution lente et inégale
qui peut prendre des années (Horevitz et Loewenstein, 1994 ; Kluft, 1994c,
1994d). Dans une large mesure, les progrès dépendent du pronostic et le pro-
nostic renseigne sur la planification du traitement. L’évaluation continue
décrite dans ce chapitre aide les thérapeutes à évaluer les forces et les faiblesses
d’un patient et son degré de résistance. Les facteurs suivants, dont certains ont
été discutés ci-dessus dans les ressources et les besoins du patient, sont impor-
tants pour déterminer le pronostic.
• Niveau de fonctionnement le plus élevé atteint
• Degré de comorbidité, y compris les troubles de la personnalité
• Degré et flexibilité des défenses psychologiques
• Volonté de partager des pensées et des sentiments personnels
• Degré de phobies liées au traumatisme

Au-delà du diagnostic : évaluation supplémentaire, pronostic et formulation de cas 167


• Gravité des antécédents de traumatisme, y compris l’âge précoce de
survenue et la chronicité
• Capacité de mentalisation
• Niveau de motivation et de compréhension
• Niveau d’autocompassion
• Capacité et volonté d’apprendre à réguler et à tolérer l’expérience
intérieure
• Gravité des problèmes d’attachement qui sapent et compliquent la rela-
tion thérapeutique (dépendance grave, évitement, revendications, etc.)
• Acceptation de la dissociation et volonté de travailler avec les parties
dissociatives
• Degré de conflit entre les parties dissociatives
• Victimisation continue ou abus d’autrui

Bien sûr, le pronostic peut changer avec le temps. Ainsi, certains patients
qui ont initialement un mauvais pronostic sont potentiellement en mesure de
progresser si on leur donne suffisamment de temps et un bon traitement, alors
que d’autres ne peuvent pas bénéficier de la thérapie.
Le pronostic est utile pour guider le traitement en ce sens qu’il aide
le thérapeute à avoir une perspective réaliste qui se prête à la patience et
renseigne sur les objectifs thérapeutiques pragmatiques. Un patient avec
un mauvais pronostic, par exemple, n’est pas prêt à travailler avec des sou-
venirs traumatiques. Que ce patient puisse le faire est quelque chose qui ne
peut être déterminé qu’avec le temps et la patience. Seulement, le théra-
peute doit marcher sur une corde raide tendue entre deux pôles : nourrir
l’espoir et ne pas avoir des attentes irréalistes qui feront que le patient se
sente nul.

3.1. Le plus haut niveau de fonctionnement atteint


Le thérapeute peut commencer une évaluation du pronostic en explorant
le plus haut niveau de fonctionnement des patients. Des niveaux plus éle-
vés de fonctionnement et de plus longues périodes de maintien sont de bon
augure.
• Les patients ont-ils eu des périodes de meilleur fonctionnement et
ont-ils ensuite décompensé ou ont-ils toujours fonctionné à un niveau
bas ? Par exemple, un patient qui souffre de dépression sévère et d’an-
xiété depuis l’enfance et qui a de multiples échecs de traitement risque
d’être chronique et de ne pas bien répondre au traitement. Ainsi, la
planification du traitement doit inclure d’aider le patient à se concen-
trer à gérer cet état plutôt que de l’éliminer complètement.

168 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


• Depuis combien de temps les patients peuvent-ils maintenir leur niveau
de fonctionnement le plus élevé ?
• Quel soutien et quelles ressources ont aidé les patients à atteindre ou à
maintenir un certain niveau ?
• Peut-on dater le dernier moment de fonctionnement optimal ?
• Existe-t-il des preuves que les parties dissociatives contribuent à une
meilleure fonction adaptative ?
• Les patients sont-ils capables de travailler ? Ont-ils un travail ?
• Les patients étudient-ils ou ont-ils du travail de bénévolat ?
• Les patients prennent-ils soin de leur famille actuelle ? Sont-ils capables
de le faire et de s’engager dans de bons soins personnels ?
• Les patients sont-ils capables de structurer leurs journées et d’établir
des routines ?
• Les patients peuvent-ils utiliser le temps de loisir de manière
constructive ?

&YFNQMFEFDBTEFGPODUJPOOFNFOUMFQMVTÏMFWÏ
.BSJBOOF

Marianne (voir le cas du chapitre 5) avait été capable de maintenir un travail à temps
partiel pendant plusieurs années et avait reçu des commentaires de compétence à son
travail, même si elle avait de l’amnésie ou rapportait se trouver parfois hors de son
corps au travail. Le thérapeute conclut qu’il y avait suffisamment de coopération entre
les parties dissociatives pour que Marianne travaille et qu’elle avait une force d’ego
considérable qui lui permettait de bien fonctionner au travail, même si elle rapportait
d’autres difficultés significatives.

3.2. Une comorbidité sévère


La plupart des patients souffrant d’un trouble dissociatif présentent également
une comorbidité importante qui nécessite une attention dans le traitement et
peut influencer le pronostic. Le thérapeute peut aborder en début de traitement
certains de ces problèmes, en ce compris la dépression, l’anxiété et les attaques
de panique. En général, plus la comorbidité est grave et durable, plus le pronostic
est mauvais. D’autre part, une organisation dissociative peut parfois sous-tendre
ces symptômes ou troubles, qui peuvent s’améliorer si les parties dissociatives
sont directement abordées. Il peut, par exemple, y avoir des parties extrêmement
déprimées ou anxieuses, des parties suicidaires, des parties qui se livrent à la toxi-
comanie, ou des parties qui sont obsédées et se consacrent à la rumination.
Il est prudent d’essayer de traiter des problèmes de comorbidité spé-
cifiques avec des traitements qui se sont révélés efficaces, par exemple,

Au-delà du diagnostic : évaluation supplémentaire, pronostic et formulation de cas 169


traiter la dépression avec une thérapie interpersonnelle ou une thérapie
cognitivo-comportementale (TCC) et peut-être des médicaments. La seule
exception est que l’ESPT comorbide ne devrait pas être traité avec l’exposi-
tion ou l’EMDR à moins que le patient n’ait été jugé suffisamment stable (voir
les chapitres 20 et 21). Si les traitements standards échouent, le thérapeute
devrait explorer la possibilité d’une désorganisation dissociative sous-jacente
et travailler avec les parties qui sont ancrées dans ces comportements. Cer-
tains problèmes de comorbidité persistants tels que la dépendance à l’alcool
ou aux drogues, les automutilations graves et récurrentes et les tentatives de
suicide peuvent exercer une influence négative sur le pronostic global, même
s’ils peuvent être considérés comme des actions de substitution, c’est-à-dire des
stratégies de gestion inadaptées.
Enfin, le pronostic est influencé par la présence de troubles de la personna-
lité. Plus le trouble est sévère, plus le pronostic est sombre en général, bien que
de nombreux patients obtiennent de bons résultats avec une thérapie à long
terme auprès d’un thérapeute bien cadrant et expérimenté.

3.3. Le niveau d’autocompassion


L’autocompassion est un facteur majeur de progrès pour les patients traumati-
sés. Plus vite ils apprennent à être compassionnels envers eux-mêmes et leurs
parties (et envers les autres), meilleurs sont pour eux les bénéfices de traite-
ment. Ceux qui manquent d’autocompassion sont souvent autodestructeurs
et témoignent d’une profonde honte et d’une haine de soi qui ralentissent le
progrès. La planification du traitement inclut donc autant de moyens possibles
pour augmenter leur autocompassion.

3.4. La volonté de partager des pensées


et des sentiments personnels
Les patients dissociés hésitent souvent à partager leurs pensées et leurs senti-
ments les plus intimes. Ils peuvent ressentir une peur et une honte profondes
ou ne pas être conscients des pensées et des sentiments qui sont séques-
trés dans diverses parties dissociatives. Cependant, en les encourageant de
manière prudente et bienveillante à se dévoiler à leur rythme, la plupart des
patients sont capables de s’ouvrir lentement au thérapeute. Ceux qui ne le
peuvent pas vont sans doute moins bien progresser. Certains patients ont
des conflits internes tellement importants concernant le traitement que des
parties dissociatives interfèrent dans l’échange. Certains ont une capacité
limitée à verbaliser des expériences intérieures et quelques-uns ont une sorte
de blocage de pensée psychotique qui va au-delà de l’interférence des parties
dissociatives.

170 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


&YFNQMFEFDBTEFMJODBQBDJUÏËQBSUBHFSTFTTFOUJNFOUT
FUTFTQFOTÏFT.PJSB

Moira était une patiente âgée de 42 ans, souffrant de TDI, qui demeurait dans un
silence terrifié malgré tout ce que le thérapeute faisait pour essayer de créer une
régulation et de la sécurité. Elle était extrêmement paranoïaque, craignant que le
thérapeute utilise toute information contre elle et elle rapporta l’inefficacité de
plusieurs traitements antérieurs. Pendant près d’un an, elle refusa que même son
partenaire sache qu’elle était en thérapie, ne lui partageant rien de ce qui se passait
pour elle. Elle refusa des médicaments et ne donna pas son consentement au
thérapeute de parler avec ses précédents thérapeutes. Elle ne permit pas au
thérapeute de travailler avec toutes les parties dissociatives. Moira était également
incapable de travailler sur les techniques de stabilisation à la maison et ne pouvait
pas écrire ses pensées ou utiliser d’autres modalités créatives auxiliaires. Malgré
24 mois de bon traitement de stabilisation et 9 mois de traitement intensif en
hôpital résidentiel, elle demeura silencieuse, gelée, très sur ses gardes et paranoïde.
Une tentative de médicaments antipsychotiques s’avéra inutile. Son pronostic reste
mauvais.

3.5. L’enchevêtrement avec la famille d’origine


et victimisation en cours
Les patients qui ne sont pas sécurisés dans le présent sont incapables de faire
bon usage de la thérapie. Ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas quitter des
situations d’abus après avoir reçu le soutien ne sont pas susceptibles de mani-
fester beaucoup d’amélioration. Le traitement des patients qui continuent
d’être victimes dans le présent est abordé au chapitre 19.

&YFNQMFTEFDBTEFEÏUFSNJOBUJPOEVQSPOPTUJD
3PCFSUFU.BSJBOOF

D’après les informations et l’évaluation initiale, il était clair que Robert (décrit au
chapitre 5) avait beaucoup de ressources et un bon soutien social, pas de comorbidité
grave, pas de graves problèmes d’attachement, d’excellentes compétences de
fonctionnement exécutif et peu de phobies de ses parties dissociatives après avoir
surmonté sa honte initiale. Il développa rapidement une solide relation de travail avec
le thérapeute et s’exerça avec diligence aux techniques de régulation de l’émotion.
Alors qu’il se sentait souvent honteux par rapport à son abus sexuel, il s’évaluait de
façon assez précise dans d’autres domaines et il fut en mesure de développer
l’autocompassion. Son niveau de fonctionnement était élevé, même si son stress post-
traumatique et les symptômes dissociatifs avaient augmenté quand il commença sa
relation avec sa partenaire. Robert avait un excellent pronostic, à condition que le
thérapeute adapte le rythme de la thérapie pour que Robert puisse rester fonctionnel
dans la vie quotidienne (Kluft, 1986a).

Au-delà du diagnostic : évaluation supplémentaire, pronostic et formulation de cas 171


Le cas de Marianne était beaucoup plus compliqué et son pronostic moins clair, même
si elle n’avait jamais été traitée pour un trouble dissociatif et que sa phobie et son
isolement social n’étaient pas rares pour un patient avec un TDI. Il y avait davantage
de comorbidité, comme des problèmes alimentaires et de l’automutilation, et elle
témoignait de moins de compassion pour elle-même. Elle avait plus de difficultés à
mentaliser dans des situations que Robert, pour qui les défis dans la réflexion étaient,
la plupart du temps, limités à ses relations sexuelles. Les obstacles les plus difficiles de
son traitement à elle étaient sa phobie sévère pour ses parties dissociatives et un
manque de compassion. Son pronostic initial serait modéré.

4. Le suivi des progrès de traitement


Il existe actuellement trois mesures d’examen des progrès du traitement au fil
du temps chez les patients dissociatifs qui peuvent éclairer le pronostic. La pre-
mière est l’Échelle d’Évaluation de l’Avancement de la Psychothérapie (EEAP,
2006, DTMI, Kluft, 1994c, 1994d), la deuxième est la Checklist for Evaluation
of DID Treatment (Boon, 1997, voir une version révisée dans l’annexe B), et
la troisième est le Progress in Treatment Questionnaire (PITQ, Brand, Classen
et al., 2009). Au moment de la rédaction de notre ouvrage, seule la PITQ a
été validée en anglais. Le thérapeute peut utiliser ces listes comme une façon
informelle d’estimer le pronostic initial et la planification du traitement. Au
fil du temps, ces facteurs peuvent être réexaminés pour vérifier si les objectifs
du traitement devraient changer ou les efforts être redoublés. L’échelle à l’an-
nexe B combine les facteurs pronostics habituels avec ceux qui sont spécifiques
aux troubles dissociatifs.

5. La formulation de cas : l’utilisation du processus


du patient pour guider le traitement
Le diagnostic se concentre sur les manifestations extérieures des problèmes du
patient, c’est-à-dire sur les symptômes du patient. L’évaluation psychosociale
dispose d’un champ plus large et aide le thérapeute à comprendre comment
les patients en sont arrivés à ce point en examinant leur histoire et leur situa-
tion actuelle. Cependant, il est aussi essentiel de conceptualiser les luttes des
patients en se basant sur la façon dont ils sont organisés et sur leur fonction-
nement intrapsychique et interpersonnel, c’est-à-dire en développant une for-
mulation de cas. Pour les patients dissociatifs, cela comprend la façon dont les
parties dissociatives sont organisées (Van der Hart et al., 2006).
La formulation de cas aide le thérapeute à comprendre ce qui précipite
et pérennise les difficultés du patient. Par exemple, le patient peut se livrer à
l’automutilation. Le thérapeute peut déterminer que le style d’attachement du

172 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


patient est désorganisé et implique donc des représentations mentales particu-
lières négatives de soi et des autres, ainsi que des croyances et schémas donnant
à entendre qu’on ne peut pas faire confiance aux autres. Ceux-ci mènent à une
intense solitude, au désir et à la honte, mais aussi à la peur et la colère : une
partie dissociative punit et fustige une autre intérieurement lorsque le patient
tente de se connecter avec les autres, ce qui suscite alors la haine de soi et la
honte. La partie colère se défend contre le désir et la honte et tente d’empê-
cher la connexion parce qu’elle est considérée comme dangereuse. Le patient
dans son ensemble a des compétences de régulation et de réflexion limitées et
se livre à l’automutilation comme une stratégie d’adaptation pour régler ces
dilemmes relationnels, ces émotions et ces conflits internes. Le thérapeute a
ainsi une formulation conceptuelle du processus interne du patient qui suscite
l’automutilation et peut concevoir un plan de traitement pour résoudre ces
problèmes.
Par conséquent, le plan de traitement comprendrait l’amélioration de la
régulation des émotions, la résolution des défenses de la honte, la modifica-
tion des schémas inadaptés, l’aide au patient à développer des représentations
mentales plus souples et réalistes de soi et des autres, ainsi que la compré-
hension des fonctions des parties dissociatives ; la promotion de la commu-
nication interne et la résolution des conflits entre les parties, en particulier le
conflit entre l’attachement et la défense qui perpétue des schémas d’attache-
ment désorganisé ; et le focus sur ce qui se passe dans la relation thérapeutique
comme une manière particulière d’aborder un grand nombre de ces questions.

CONCEPT CLÉ

Le diagnostic se concentre sur les symptômes et les troubles. La formulation de cas em-
ploie une évaluation pour comprendre le processus des patients, la façon dont ils sont
organisés et se relient à eux-mêmes, aux autres et au monde. La formulation de cas éclaire
alors le traitement.

La formulation de cas se concentre principalement sur le processus émotion-


nel, relationnel et somatique des patients. Par exemple, comment les patients
se vivent-ils eux-mêmes et les autres et quels sont leurs modes répétitifs de rela-
tion ? Comment vivent-ils les émotions de façon somatique et leur donnent-
ils un sens ? Quelles émotions sont généralement évitées et lesquelles sont
généralement expérimentées ? Quels souhaits, objectifs et valeurs motivent les
patients ? Quels sont leurs principaux conflits internes et comment se mani-
festent-ils dans diverses parties dissociatives ? Quelles défenses psychologiques
(et physiques) les patients utilisent-ils régulièrement en réponse aux trauma-
tismes liés à des phobies, et comment ces défenses affectent-elles le fonction-
nement ? Comment les parties dissociatives interagissent-elles ou non et quels

Au-delà du diagnostic : évaluation supplémentaire, pronostic et formulation de cas 173


conflits entre elles maintiennent-ils la dissociation ? Quelles sont les princi-
pales non-réalisations du patient et de chaque partie dissociative qui main-
tiennent la dissociation ?

&YFNQMFEÏWBMVBUJPOBQQSPGPOEJFFUEFGPSNVMBUJPOEFDBT.BSJBOOF

Dans l’évaluation de Marianne, le thérapeute constata qu’elle avait une vie et un


logement stables, des finances suffisantes pour s’engager dans un traitement, et qu’elle
n’était pas impliquée dans des relations actuelles dangereuses. Même si elle semblait
avoir une amnésie dans le présent et se dissociait en séance, Marianne paraissait
capable d’une coopération intérieure suffisante entre les parties afin de pouvoir gérer
la vie quotidienne. Elle avait un bon fonctionnement exécutif. Elle trouvait le réconfort
auprès de son chien et aimait jouer du piano et chanter dans une chorale où elle
avait quelques connaissances superficielles. Elle admettait sa tendance à s’isoler, n’avait
pas d’amis proches et n’avait jamais parlé à personne de ses problèmes. Elle disait
également qu’elle n’avait pas « besoin d’amis proches » et était contente d’être seule.
Cependant, cela contredisait une partie jeune d’elle qui se sentait extrêmement seule.
Elle avait un frère cadet, mais ne le voyait pas souvent, car elle réduisait au minimum
le contact avec sa famille d’origine. Quand elle était enfant, elle avait deux enseignants
qui la soutenaient, dont le thérapeute pensait qu’ils pourraient être utilisés comme
ressources.
Marianne était intelligente, mais semblait avoir beaucoup de mal à parler de ses
problèmes et dissociait souvent au début du traitement. Elle faisait preuve de motivation
et d’une certaine introspection, mais en même temps, elle avait peur de son expérience
intérieure et avait une intense phobie de son diagnostic et des parties dissociatives. Il
y avait clairement un énorme conflit interne entre les parties, remarqué par le thérapeute,
mais Marianne ne pouvait guère commenter ce qu’elle vivait et dédaignait ses parties.
Cependant, elle se comportait bien dans le cadre thérapeutique, ne manquait jamais
une séance, était toujours à l’heure et n’appelait ou n’envoyait pas de courriel au
thérapeute entre les séances de façon inappropriée.
Sur cette base et celle d’autres informations au cours de la période d’évaluation, son
thérapeute développa une formulation de cas. Marianne avait une certaine force d’ego,
une intelligence, une perspicacité et une motivation à s’engager dans le traitement.
Cependant, ce qui suit allait avoir un impact majeur sur celui-ci : (a) son incapacité
permanente à réaliser, ce qui entraînait une phobie de l’expérience intérieure et des
parties dissociatives dans la mesure où elle ne pouvait pas accepter son diagnostic ;
(b) de graves conflits internes entre les parties, ce qui donnait lieu à des switchs
fréquents lors des séances et à une incapacité de se rappeler ce qui avait été discuté ;
(c) des conflits et difficultés d’attachement graves, indiquant des schémas rigides et
menant à l’isolement social et à la défense chronique quand elle voyait le thérapeute
attentif et proche ; (d) l’utilisation de la projection comme une défense de telle manière
que le thérapeute ressentait souvent de la honte et de l’incompétence avec elle, ce
qui protégeait le patient de ces sentiments ; (e) le transfert qui impliquait une
combinaison complexe d’approches et de manifestations de besoins par des parties
fixées dans le pleur d’attachement, rapidement suivies par une rage déchirante de
parties devant se défendre contre l’attachement ou par des comportements rejetants
et évitants de parties fonctionnant dans la vie quotidienne ; et (f ) les motivations

174 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


concurrentes et contradictoires pour se connecter et se déconnecter, pour maintenir
le statu quo et changer, pour se punir et se sentir mieux, pour sentir et éviter la sensation
et l’émotion et pour se rappeler et éviter de se souvenir des événements traumatiques.

6. Résumé
L’évaluation, le pronostic et la formulation de cas sont indispensables pour
la planification et les progrès du traitement. Les thérapeutes doivent procé-
der à des évaluations continues et changer les plans de traitement en consé-
quence. Ils devraient aussi régulièrement, tous les trois mois, tous les six mois,
ou chaque année, discuter des progrès du traitement et des objectifs avec les
patients afin de déterminer si le traitement est efficace et ce qu’il pourrait être
nécessaire d’ajuster ou d’améliorer.

7. Explorations supplémentaires
1. Avez-vous régulièrement évalué les progrès du traitement chez vos
patients et en avez-vous discuté avec eux ? Si non, comment pour-
riez-vous commencer à incorporer cela dans votre pratique ?
2. Avez-vous traité des patients dont le pronostic a évolué de façon meil-
leure ou pire que vous ne l’attendiez ? Avec le recul, y a-t-il eu quelque
chose que vous avez manqué de voir et qui aurait pu vous aider à déter-
miner un pronostic plus précis ?
3. Comment définissez-vous et mettez-vous en place un cadre de traite-
ment ? De quelle manière votre cadre est-il similaire ou différent de
celui de vos collègues, et pourquoi ?
4. Rédigez une formulation brève de cas pour un de vos patients, en vous
concentrant sur son processus ses capacités, et discutez-en avec des
collègues.

Au-delà du diagnostic : évaluation supplémentaire, pronostic et formulation de cas 175


cHAPITRE 7
La planification
du traitement

Le plan de traitement conçu pour les patients avec des troubles


dissociatifs (TD) est vital puisque cette population de patients est
un fardeau financier en tant qu’utilisateurs du plus grand nombre
de séances de psychothérapie par rapport à ceux souffrant de tous
les autres troubles psychiatriques.
Julie Gentile, Kristy Dillon
et Paulette Gillig (2013, p. 26)

Après qu’ont été réalisés l’évaluation initiale et un tableau clinique complet, un


plan de traitement cohérent doit être développé. Le contexte de la planification du
traitement est une approche axée sur des phases comprenant la sécurité, la stabili-
sation, le renforcement des compétences et le développement d’une relation thé-
rapeutique collaborative comme étant les grandes priorités dans la première phase.
La planification du traitement organise la thérapie et aide les thérapeutes à choi-
sir des approches appropriées (Groth-Marnat, Gottheil, Liu, Clinton et Beutler,
2008 ; Horowitz, 1997 ; Woody, Detweiler-Bedell, Teachman et O’Hearn, 2003).

CONCEPT CLÉ

Les plans de traitement dépendent du diagnostic, du tableau clinique et du pronostic. La


majorité des patients dissociatifs ont besoin d’au moins une brève période de stabilisa-
tion, tandis que d’autres peuvent avoir besoin d’un soutien prolongé pour se stabiliser.

La planification du traitement 177


Alors qu’un plan de traitement est essentiel pour chaque patient, son
utilisation avec les patients dissociatifs est particulièrement précieuse car
les thérapeutes peuvent l’utiliser pour rester sur la bonne voie dans une
thérapie complexe où l’on peut souvent s’égarer. Bien que les plans de trai-
tement dépendent du pronostic du patient, la plupart commenceront par
une phase de stabilisation et tous ont besoin de clarté sur le cadre et les
limites. Pour ces raisons parmi d’autres, il est important d’établir un plan de
traitement commun avec un patient après l’évaluation. Il doit contenir (a)
un accord sur le cadre du traitement, y compris la fréquence des séances et
les limites ; (b) les objectifs à court et à long terme ; et c) que faire en cas
de crise ou d’urgence.

1. Le cadre de traitement et les limites en tant


que fondement de la planification du traitement
Une partie importante de la phase préliminaire d’une thérapie avec un patient
souffrant d’un trouble dissociatif consiste à définir et donner une explication
claire sur le cadre du traitement et ses limites. Qu’est-ce qu’un patient peut
attendre du thérapeute ? Qu’est-ce que le thérapeute attend du patient ? Les
sujets à discuter comprennent :
• Longueur et fréquence des séances
• Les lignes directrices concernant les contacts en dehors des séances, tels
que les appels téléphoniques, l’envoi de SMS, ou l’envoi de courriels
• Les protocoles de crise et d’urgence
• La disponibilité attendue du thérapeute
• Un thérapeute de soutien sera-t-il nécessaire ?
• La politique sur les retards ou les séances manquées
• Les raisons de l’interruption immédiate de la thérapie (p. ex., la vio-
lence en séance)
• Un consentement éclairé pour le traitement
• Le contact avec d’autres professionnels du traitement
• Si ou comment le toucher physique peut être utilisé comme élément
du plan de traitement
• Les protocoles en cas d’incapacité soudaine ou de décès du thérapeute

Au chapitre 2, les thérapeutes ont été encouragés à explorer leurs limites


et à connaître d’avance ce qui est généralement approprié. Les limites sont
destinées à aider les patients et les thérapeutes. Elles ont pour but de fournir
un espace ciblé pour le traitement pendant les séances, d’empêcher une dépen-
dance injustifiée de se développer et de maximiser la compétence et la respon-

178 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


sabilité du patient. Elles permettent également d’empêcher les thérapeutes de
se surpasser avec trop de disponibilité ou inversement, pas assez.

CONCEPT CLÉ

De bonnes limites soutiennent un cadre et un plan de traitement. Elles sont destinées à


maximiser l’efficacité de la thérapie, minimiser le risque d’épuisement professionnel du
thérapeute, et à aider les patients à développer un sens croissant de compétence et de
maîtrise.

Les patients doivent savoir à quoi s’attendre, ce que l’on attend d’eux et ce
qui se passera s’ils violent les limites. Ils devraient être instruits sur les choses
à faire au cas où un thérapeute ou un autre professionnel transgresse les limites
avec eux. Nous recommandons de donner des lignes directrices aux patients
par écrit et d’avoir une discussion à ce sujet lors de la première séance. Les ins-
titutions ont généralement établi des politiques sur ces questions, alors que les
thérapeutes en pratique privée peuvent avoir besoin de faire les leurs.
Deux aspects du cadre du traitement sont souvent difficiles pour beaucoup
de thérapeutes : décider de la fréquence et de la durée des séances, et comment
utiliser le courrier électronique avec les patients.

1.1. La détermination de la fréquence


et de la durée des séances
Les lignes directrices de traitement pour les troubles dissociatifs recom-
mandent une ou deux séances par semaine, allant de 45 à 120 minutes
(ISSTD, 2011). Mais comment le thérapeute détermine-t-il ce qui sera le
plus efficace et utile pour un patient donné ? Plus de thérapie n’est pas tou-
jours plus utile ou plus rapide et peut réellement submerger un patient qui
peut ne pas avoir les capacités intégratives pour faire face à une telle inten-
sité. Une plus grande fréquence conduit également à un approfondissement
du transfert, qui peut ne pas être souhaitable avec des patients extrêmement
dépendants ou évitants.

CONCEPT CLÉ

Des séances plus fréquentes ne signifient pas toujours une thérapie plus efficace. Les
thérapeutes doivent en examiner attentivement les avantages et les inconvénients et
avoir une justification claire de l’augmentation des séances ou de leur durée. Le traite-
ment devrait commencer par une séance hebdomadaire jusqu’à l’évaluation du patient
afin de déterminer si des séances plus longues ou plus nombreuses peuvent être indiquées,
et à quelles fins.

La planification du traitement 179


Les deux premières questions à déterminer sont de savoir si le thérapeute a
le temps de s’engager dans des séances plus longues ou plus fréquentes sur une
base régulière, et si le patient a les ressources financières pour se le permettre.
Si oui, la prochaine étape consiste à commencer par une séance hebdomadaire
de routine d’une longueur normale et, plus tard, à évaluer le patient pour savoir
si des séances plus longues ou plus fréquentes ont du sens.
Commencer avec plus que cela peut submerger le patient ou créer une
dépendance que ni le thérapeute ni le patient ne sont prêts à gérer. Le thé-
rapeute devrait déterminer si le patient peut respecter un cadre standard, res-
ter motivé, prendre la responsabilité du traitement et utiliser les séances de
manière profitable. Bien que les patients puissent demander plus de temps, le
thérapeute, au lieu d’y répondre réactivement, doit prendre une décision pru-
dente et réfléchie quant à savoir si cela sera dans le meilleur intérêt du patient.
Un facteur important est la façon dont les patients utilisent les séances.
Sont-ils engagés et centrés sur un travail cohérent avec le plan de traitement ?
Sont-ils prêts à contenir des souvenirs traumatiques jusqu’à plus tard ? Sont-ils
en mesure d’apporter progressivement les parties dissociatives d’eux-mêmes
dans le traitement ? Ont-ils une bonne alliance de travail avec le thérapeute ?
Sont-ils en mesure de quitter la séance de façon ancrée et à l’heure ? Si c’est le
cas, le patient travaille bien en thérapie.
La question suivante est de savoir si une fréquence de deux fois par semaine
pourrait accélérer la stabilisation. Si le patient travaille bien en thérapie mais a
du mal à maintenir la stabilité entre les séances, deux fois par semaine pourrait
être envisagé. Le but n’est pas de mettre au jour plus de contenu mais d’aider
le patient à acquérir de plus grandes capacités à gérer et à penser les émotions,
défier les croyances inadaptées, travailler avec les parties dissociatives avec plus
de compassion et de cohérence et enfin, à diminuer les importants symptômes
de détresse. Le thérapeute devrait noter soigneusement si les appels de crise
ou la détresse augmentent lorsque la fréquence augmente, parce que cela peut
indiquer que la thérapie devient trop perturbante. Un transfert de dépendance
doit également être soigneusement surveillé et contenu (voir chapitre 13).
Pendant la phase 2, lors du travail avec les souvenirs traumatiques, une
séance supplémentaire chaque semaine peut être utile pour favoriser le progrès
dans la réalisation. Une séance peut alors se concentrer sur les problèmes de la
vie quotidienne et l’autre sur les souvenirs traumatiques.

CONCEPT CLÉ

Les séances devraient toujours commencer et s’arrêter à temps. Les séances prolongées
devraient être planifiées à l’avance et ne pas être spontanées. Le thérapeute devrait s’as-
surer suffisamment de temps avant la fin de la séance pour que le patient soit ancré,
contenu et capable de partir sans détresse excessive.

180 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Fin des séances à l’heure. Chaque séance devrait commencer et s’arrê-
ter à temps. Cela fait partie d’un cadre thérapeutique de base et, bien que
cela ne soit pas toujours facile, cela relève de la responsabilité du thérapeute.
Vers la fin de la séance, le patient évitant peut ressentir une pression crois-
sante, souvent de la part d’autres parties, pour parler de ce qu’il n’a pas encore
été capable d’évoquer. Ce désespoir intérieur peut faire boule de neige, ce qui
entraîne des switchs, des flash-back ou des révélations majeures dans les der-
nières minutes de la séance. La séparation imminente d’avec le thérapeute
peut déclencher un pleur d’attachement, avec de la panique, des larmes, des
supplications et d’autres stratégies pour prolonger la séance. Cela se passe sou-
vent sous la forme de parties enfant qui switchent et refusent de partir ou qui
semblent débordées. Le thérapeute devrait fournir de la psychoéducation sur
la nécessité de terminer à l’heure, aider à rythmer la séance afin que le patient
ait amplement le temps de s’ancrer à la fin et mobiliser intérieurement l’aide
de toutes les parties dissociatives.

Séances prolongées. Une autre question est de savoir si la durée d’une


séance doit être étendue. Premièrement, les prolongations de séances doivent
être planifiées avec prévoyance. Certains patients sont lents à pouvoir com-
mencer le travail thérapeutique et ont aussi besoin de plus de temps à la fin pour
s’ancrer et être prêts à quitter la séance. Il peut y avoir beaucoup de conflits et
de chaos intérieur et cela peut prendre du temps lors de chaque séance d’apai-
ser tout cela afin que le patient puisse se mettre au travail. Des séances plus
longues peuvent permettre à certains patients d’avoir suffisamment de temps
et d’être suffisamment régulés pour s’engager. Le thérapeute doit cependant
faire preuve de prudence en veillant à ce que le temps additionnel ne soit pas
du temps gaspillé ou n’entraîne plus de contenu qui submerge le patient, ou
encore n’encourage un plus grand besoin du thérapeute et une dépendance vis-
à-vis de lui. Tout ce qui dépasse le temps d’une double séance n’est pas recom-
mandé sans supervision minutieuse, car elle dépasse généralement la capacité
d’intégration du patient et du thérapeute.

1.2. Les courriels et les textos


La communication avec les patients par courriels et textos est devenue un
sujet actuel avec des lignes directrices en cours d’élaboration. Les thérapeutes
doivent faire preuve de prudence avec ces modes de communication, car ils ne
sont pas confidentiels et ont lieu en dehors de l’heure de la thérapie. Cepen-
dant, des approches spécifiques peuvent permettre une utilisation particulière
des textos ou des courriels. Par exemple, certains thérapeutes en Thérapie
Dialectique Comportementale accompagnent les patients dans l’utilisation de
leurs compétences via des textos ou des courriels. Si les thérapeutes utilisent
ces outils, ils doivent être conscients des codes professionnels et juridiques

La planification du traitement 181


existants, les respecter et informer les patients que les textos et les courriels ne
sont pas sécurisés ou confidentiels. De nombreux thérapeutes se tournent vers
des services de données plus sécurisés et cryptés mais cela ne constitue toujours
pas une garantie de la vie privée du patient.
Si les thérapeutes décident d’inclure les textos et les courriels dans leur
pratique, la question demeure de savoir comment les utiliser thérapeutique-
ment avec le consentement éclairé du patient. Des lignes directrices devraient
être établies pour maintenir des limites efficaces et veiller à ce que les patients
continuent d’apporter des problèmes pertinents aux séances.
Les quatre principaux problèmes avec lesquels les thérapeutes luttent
comprennent : (a) comment éviter les soucis de dépendance et de limites ;
(b) lorsque diverses parties dissociatives du patient utilisent des textos ou des
courriels pour communiquer avec le thérapeute avec ou sans la connaissance
d’autres parties ; (c) quelles problématiques thérapeutiques ou combien de ces
dernières devraient-elles être partagées par le patient dans des textos ou des cour-
riels ; et (d) le thérapeute doit-il répondre aux textos ou courriels du patient et
si oui, comment ? Un contact supplémentaire en dehors des séances peut poten-
tiellement précipiter une forme de dépendance qui est difficile à contenir. Le
thérapeute doit être vigilant face aux textos ou courriels excessifs et doit traiter
les problèmes de dépendance immédiatement, fermement et avec compassion.
Cela dit, l’utilisation du courrier électronique ou des textos pour « s’assu-
rer » de la présence du thérapeute peut fournir à certains patients, de façon
occasionnelle et entre les séances où un soutien supplémentaire peut être
nécessaire, le sentiment important d’être tenu et contenu. De telles communi-
cations devraient être relativement courtes.
Les thérapeutes devraient savoir dès le début quels types de courriels ou
de textos sont appropriés, quand le patient devrait les utiliser et comment
le thérapeute peut y répondre. Le thérapeute devrait être cohérent avec ces
directives, peut-être simplement en reconnaissant la réception de la commu-
nication avec un bref message soutenant le patient. Par exemple, le thérapeute
pourrait écrire : « J’ai reçu votre courriel aujourd’hui. Je suis désolé que ce soit
difficile pour vous en ce moment et j’espère que m’avoir contacté a été utile
pour vous rappeler que vous avez du soutien. S’il vous plaît, mettez en pratique
les compétences que nous avons travaillées ensemble. Vous avez fait un bon
travail par rapport à ceux-ci la semaine dernière. Je suis impatient de parler
avec vous à ce sujet quand nous nous reverrons ce vendredi. »
Un problème majeur avec les patients dissociatifs est l’utilisation de cour-
riels ou de textos par des parties spécifiques. Le thérapeute doit se garder de
se mêler à des conflits intérieurs dans lesquels les parties écrivent des secrets
au thérapeute qu’ils ne veulent pas partager avec d’autres parties, ou qui ne
se révèlent que via la télécommunication plutôt que dans la thérapie. Cela
met en place un dilemme impossible dans lequel le thérapeute fait partie du

182 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


système dissociatif. Dans ces cas, les thérapeutes pourraient noter que les par-
ties ne doivent pas partager de secrets avec eux et qu’elles doivent s’engager
pendant les séances. Le temps de thérapie est utilisé pour explorer pourquoi les
parties ressentent le besoin de garder des secrets les unes par rapport aux autres
et ce qui pourrait aider les parties à participer durant les séances.
Du côté positif, une partie du patient réticente ou honteuse peut parfois com-
mencer à s’engager dans un traitement par courrier électronique, car c’est relation-
nellement moins intense que les séances en face à face. Tant que cela mène à la
participation ultérieure de ces parties aux séances, cela peut être utile. Parfois, les
parties en colère prennent le premier risque d’exprimer leur colère au thérapeute
par cette voie plus indirecte, mais cela ne devrait pas être exagéré. Le thérapeute
doit répondre au processus sous-jacent plutôt qu’au contenu du courriel et diriger la
réponse à la personne dans son ensemble et ce, dans la mesure du possible.
Si le patient a une amnésie d’avoir envoyé un texto ou un courriel, le thé-
rapeute devrait apporter une copie de la communication à la séance et aider le
patient à explorer ce qui est difficile dans la prise de conscience qu’une partie
de lui-même communique avec le thérapeute de cette façon. Peu importe si le
patient communique dans son ensemble ou en tant que partie dissociative, le
thérapeute insiste pour que le patient en sa globalité – c’est-à-dire toutes les
parties – respecte les mêmes limites.

&YFNQMFEFDBTEFSÏQPOTFBVDPVSSJFSÏMFDUSPOJRVF
EVOFQBSUJFJNQMPSBOUFEFMBQBUJFOUF+PBOOB

$PVSSJFMEFMBQBUJFOUF Tu ne me connais pas. Je m’appelle Joanie et j’ai 6 ans. Parfois,


je te vois, mais tu ne peux pas me voir. Grande Joanna ne veut pas que je te parle. Elle
me garde enfermée. Mon derrière me fait mal tout le temps ! Mon frère a fait mal à
mon derrière et grande Joanna ne me croit pas. Elle dit que je suis une menteuse. Mais
il m’a fait trop mal ! S’il vous plaît, aidez-moi !
3ÏQPOTFQBSDPVSSJFMEVUIÏSBQFVUF Merci de m’avoir fait part de ce douloureux
conflit interne. Nous l’aborderons ensemble lors de notre prochaine séance. Je peux
voir comme tout cela est vraiment dur pour vous tous. Je suis confiant dans le fait que
nous pourrons trouver comment gérer cela afin que vous en tant que personne tout
entière vous sentiez entendue et aidée.

&YFNQMFEFDBTEFSÏQPOTFËVODPVSSJFM
EVOFQBSUJFFODPMÒSFEFMBQBUJFOUF4PQIJF

$PVSSJFMEFMBQBUJFOUF Vous êtes un imbécile ! Pourquoi essayez-vous d’aider Sophie ?


Elle est sans espoir et ne mérite pas d’aide. Elle est juste une perdante. Qu’est-ce qui vous
prend ? Je suppose que vous voulez juste son argent. Eh bien, n’essayez pas cette merde
avec moi. Je ne veux rien avoir à faire avec vous, et je ne vais pas vous parler !

La planification du traitement 183


3ÏQPOTFQBSDPVSSJFMEVUIÏSBQFVUF J’apprécie votre honnêteté à me faire savoir
que vous êtes en colère contre moi et que vous avez de forts ressentiments. Même si
j’entends bien que vous ne voulez pas parler avec moi, j’espère que nous pourrons faire
face à cela en séance, car je suis intéressé à en apprendre plus sur ce que vous pensez.
Lors de la séance suivante, le thérapeute apprit que Sophie était initialement inconsciente
d’avoir envoyé le courriel, mais reçut la réponse du thérapeute et en fut effrayée. La
thérapeute aida Sophie à parler de sa peur envers sa partie en colère et de ce que cela
signifiait d’exprimer ouvertement de la colère envers le thérapeute. Sophie était réticente
à faire face à sa partie en colère, mais le thérapeute recadra l’intention de la partie
protectrice de Sophie qui ne voulait pas que le thérapeute profite d’elle et que Sophie
soit déçue si la thérapie ne l’aidait pas. Le thérapeute rassura toutes les parties de
Sophie sur le fait qu’être en colère était normal et sain et qu’il n’y avait pas de problème
à l’exprimer directement en séance. À la séance suivante, la partie en colère put être
présente et fut disposée à parler avec le thérapeute pendant quelques minutes.

Le texto ou le courriel ne devraient jamais être utilisés pour essayer de


contacter le thérapeute dans une urgence. Le patient doit d’abord essayer
d’atteindre le thérapeute par téléphone. Si le thérapeute ne répond pas dans
un délai raisonnable, le patient communique avec les services d’urgence, tel
qu’indiqué dans un plan de sécurité déjà mis en place.

&YFNQMFEFDBTEFOPVWFMMFTMJNJUFTËQPTFS-PVJTB

Louisa était une patiente TDI âgée de 35 ans référée à un centre de traitement spécial
pour les troubles complexes liés au traumatisme, suite au déménagement de son
ancienne thérapeute dans une autre ville. Bien qu’elle ait travaillé comme assistante
sociale pendant plusieurs années dans le passé, elle avait une longue histoire dans le
système de santé mentale, n’avait pas eu d’emploi depuis de nombreuses années et
touchait des revenus d’invalidité. Elle avait aussi eu des problèmes de toxicomanie et
d’automutilation et répondait aux critères de trouble de la personnalité état-limite (TPEL).
Elle était sujette aux crises. Elle avait été traitée pour le TDI et le TPEL pendant un certain
nombre d’années. Elle avait eu plusieurs conflits dans le réseau de santé mentale, mais
aimait sa thérapeute précédente. Cependant, cette thérapeute rapporta dans sa lettre
de référence s’être sentie coincée dans la thérapie en voyant la patiente de plus en
plus souvent dans l’effort pour faire face à de nombreuses parties enfant dérégulées.
Elle s’était sentie isolée, incapable de trouver une supervision locale. Louisa s’était
habituée à au moins deux séances par semaine et de nombreuses interventions de
crise. Cette thérapeute avait également permis aux parties enfant de se manifester
pendant de longues parties de séances, car Louisa l’avait convaincue que c’était la
meilleure façon de se réguler et de la calmer.
Lorsque Louisa vint pour l’évaluation, le diagnostic TDI fut confirmé par des tests. Une
évaluation plus poussée et une étude de cas ont clairement montré que le traitement
antérieur de Louisa avait causé beaucoup de problèmes, favorisant la dépendance.
Louisa idéalisait sa thérapeute précédente mais en même temps se sentait abandonnée

184 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


par elle. Elle était convaincue qu’elle avait besoin de la continuité du type de traitement
qu’elle avait reçu plus tôt. C’était donc un défi majeur, et un premier objectif en soi
était de réaliser un plan de traitement avec des limites différentes de celles dont elle
avait l’habitude dans sa thérapie précédente. Il lui fallait accepter une seule séance par
semaine, sans « temps de jeu » pour ses parties enfant. Elle devait apprendre à prendre
la responsabilité d’elle-même et à faire face aux crises d’une autre façon. Au premier
semestre, chaque séance était un combat concernant le cadre de la thérapie et à propos
des limites qui avaient été définies. La thérapeute resta compassionnelle et expliqua à
Louisa qu’elle comprenait à quel point cela devait être dur de faire de grands
changements. Louisa s’ajusta progressivement et au cours de plusieurs années apprit
à mieux se réguler et devint capable d’être vue chaque semaine avec une intervention
de crise minimale. Elle apprit à accepter et travailler avec ses parties enfant de manière
constructive.

CONCEPT CLÉ

Le thérapeute devrait discuter des objectifs de traitement à court et à long terme, progres-
ser sur une base régulière avec les patients et ajuster le traitement selon le besoin.

Dans le cas de Louisa, les objectifs à court terme suivants furent fixés dans
son plan de traitement initial. Ces objectifs furent évalués tous les trois mois :
1. Établir une relation thérapeutique avec des limites saines.
2. Développer une meilleure compréhension des raisons pour lesquelles
un nouveau cadre de traitement est utile.
3. Apprendre à assumer la responsabilité d’elle-même et de ses parties
enfant.
4. Apprendre à se réguler quand elle se sentait en crise.

1.3. De qui est-ce l’objectif ?


Il est facile de se perdre en confondant un objectif pour lequel le patient a
réellement donné son accord avec celui pour lequel le thérapeute a décidé seul
d’orienter la thérapie. La thérapie fonctionne mieux lorsque les objectifs, tout
limités qu’ils soient, sont partagés par le patient et le thérapeute.
Les thérapeutes doivent respecter les objectifs du patient aussi longtemps
qu’ils se trouvent à l’intérieur d’un éventail thérapeutique. Les objectifs sont
bien sûr constamment renégociés, à la fois au niveau macro et micro. Au
niveau micro, par exemple et comme dans le cas d’Anna ci-dessous, nous
pouvons être d’accord avec les patients pour temporairement ne pas travailler
directement en séance avec une certaine partie dont ils ont intensément peur
ou honte. Nous déplaçons l’attention des résistances intenses vis-à-vis de cette

La planification du traitement 185


partie en aidant le patient à comprendre les fonctions de la partie et en l’aidant
à devenir moins phobiquement évitant. Au niveau macro, par exemple, de
nombreux patients dissociatifs n’ont pas à l’esprit d’objectifs d’intégration de
leurs parties quand ils viennent en traitement. Néanmoins, nous travaillons
toujours vers une plus grande intégration au sein du patient, ce qui aidera indi-
rectement les parties à s’intégrer davantage avec le temps.

&YFNQMFEFDBTEVOÏUBCMJTTFNFOUEVOPCKFDUJG
FODPMMBCPSBUJPO"OOB

Anna était une patiente avec un TDI qui évitait ses parties de façon extrême. Elle
déclara : « Je veux mieux dormir et me débarrasser de ces cauchemars, mais je ne
veux pas faire face aux parties. » Son thérapeute convint avec elle qu’ils travailleraient
dans un premier temps avec des approches standard sur le sommeil et ses cauchemars.
Après plusieurs semaines d’interventions, non seulement le sommeil d’Anna ne s’était
pas amélioré, mais il était devenu bien pire. Le thérapeute expliqua alors que, pour
améliorer son sommeil, Anna aurait besoin d’être disposée à comprendre un peu
mieux ses parties et les façons dont elles avaient contribué à ses problèmes de
sommeil. Elle soupçonnait, en effet, qu’elles jouaient un rôle majeur, car Anna signalait
fréquemment l’amnésie de nombreux et différents comportements pendant la nuit.
Le thérapeute passa du temps avec Anna, en la rassurant sur le fait que ses craintes
étaient compréhensibles et qu’elle pouvait prendre le temps dont elle avait besoin
pour avancer par petits pas. C’est ce qui aida Anna à pouvoir fixer l’objectif d’explorer
ses peurs des parties dissociatives avec le thérapeute. Une fois la peur diminuée, un
objectif supplémentaire fut fixé pour une meilleure communication et coopération
concernant le sommeil la nuit.

Une fois qu’un objectif thérapeutique est établi, le prochain défi pour le
thérapeute et le patient est de déterminer ce dont le patient a besoin pour
atteindre le but, et quelles étapes sont suffisamment gérables à l’intérieur de
la fenêtre de tolérance. Cette approche prudente, étape par étape, donne
un rythme à la thérapie en fonction de ce que le patient peut tolérer et lui
offre de petites expériences de maîtrise à partir desquelles la compétence et la
confiance peuvent être construites. Si le patient est constamment incapable
d’atteindre un but, le thérapeute doit voir s’il peut être décomposé en étapes
gérables ou si le patient possède les compétences et la motivation pour passer
à l’étape suivante.
Dans le cas d’Anna (ci-dessus), elle et son thérapeute ont convenu qu’elle
prendrait d’abord le temps pour discuter de ses peurs sans avoir à prendre
contact avec ses parties. Anna voulait également plus d’explications de son
thérapeute au sujet de la façon dont les parties pourraient influencer son som-
meil (voir Boon et al., 2011, pour les problèmes de sommeil chez les patients
dissociatifs).

186 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


1.4. Le patient, pas le thérapeute, est responsable
de la réalisation des objectifs
Une tendance contre-transférentielle des thérapeutes est de ressentir le besoin
de sauver et de « faire à la place » du patient. Il est impératif d’aider conti-
nuellement les patients à prendre la responsabilité de leur propre traitement,
à chaque séance et en dehors, avec le soutien et les conseils du thérapeute.
Cela inclut le maintien de la sécurité et l’exercice des habiletés, la communi-
cation interne et le fonctionnement dans la vie quotidienne. Il est crucial de
transmettre au patient que toutes les parties sont également responsables les
unes des autres, et que la personne dans son ensemble est responsable de son
comportement.

2. Prioriser les objectifs de traitement


Dans le cas d’Anna, l’un des premiers objectifs concrets de son plan de trai-
tement était d’améliorer les problèmes de sommeil. Ces objectifs concrets
doivent toutefois faire partie de certains objectifs globaux et plus généraux que
nous aborderons ci-dessous.
Les premiers objectifs du traitement sont de deux ordres : (a) établir une
alliance thérapeutique et s’engager avec les patients de manière à les aider
à s’impliquer dans un traitement au moins de courte durée, et (b) établir la
sécurité dans la mesure du possible. Le thérapeute devrait être ouvert, flexible
et intéressé, mais sans être trop insistant et enthousiaste ou trop insensible et
silencieux. Un minimum de compassion et de participation active de la part
du thérapeute peut empêcher une course vers une dépendance ou une fuite du
contact. Cela peut créer la possibilité d’une collaboration dès le début.

2.1. Établir la sécurité


La sécurité est une pierre d’achoppement majeure pour de nombreux patients
dissociatifs. Souvent, ils ne comprennent même pas le concept, n’ayant jamais
ressenti un sentiment de sécurité auparavant. Comme indiqué dans les cha-
pitres précédents, les thérapeutes ne devraient pas s’attendre à ce que les
patients traumatisés leur fassent confiance. Un objectif initial pour les patients
peut donc être de commencer à se sentir plus en sécurité (ou moins en insécu-
rité) de séance en séance. C’est souvent difficile, puisque beaucoup de patients
dissociatifs éprouvent de nombreux conflits internes quant à savoir si la thé-
rapie ou un thérapeute est sûr. En fait, il n’est pas rare qu’il y ait une augmen-
tation de « comportements dangereux » au début du traitement, causée par
ces conflits intérieurs au sujet de la présence en thérapie. Se sentir en sécurité
pendant la séance peut donc prendre beaucoup de temps, et l’objectif est de

La planification du traitement 187


donner au thérapeute le bénéfice du doute dans l’instant présent et de vérifier
ensuite comment les choses se sont passées.
Les besoins de sécurité sont à la fois internes et externes. En fait, les patients
ne vivent pas en sécurité parce qu’ils ne se sentent pas en sécurité à l’intérieur
d’eux-mêmes. Une raison commune de se sentir en insécurité est la phobie de
l’expérience intérieure et des reviviscences de l’abus entre les parties dissociatives.
La plupart des patients sont dépassés, effrayés, honteux, ou dégoûtés par leurs expé-
riences intérieures. Ils développent une phobie de leurs expériences intérieures :
émotions, sensations physiques ou mouvements, impulsions, comportements, pen-
sées, souhaits, fantasmes et besoins. Beaucoup de comportements dangereux tels
que la toxicomanie, l’automutilation et les relations abusives se produisent parce
que les patients s’engagent dans ces comportements pour éviter leur intolérable
expérience intérieure et parce qu’ils ne croient pas qu’ils méritent la sécurité. La
phobie de l’expérience intérieure oblige les patients à éviter l’inconfort interne,
l’incertitude ou le conflit, et les force à ne pas se sentir sécurisés en eux-mêmes.
Un sous-ensemble de la phobie des expériences intérieures comprend la
phobie des parties dissociatives (voir l’exemple de cas d’Anna ci-dessus), parce
que les parties contiennent non seulement ces expériences intérieures évi-
tées, mais créent des symptômes supplémentaires d’intrusion qui peuvent être
assez effrayants en soi (Van der Hart et al., 2006). Par exemple, de nombreux
patients sont terrifiés et ont honte d’entendre les voix des parties dissociatives,
en particulier les parties en colère ou menaçantes et les voix d’enfants qui
pleurent ou qui crient. L’expérience d’être contrôlé par une autre force et/ou
d’« en venir à » et se rendre compte qu’ils ont fait quelque chose dont ils ne
se souviennent pas est terrifiant. Les patients ont peur d’être fous et se sentent
hors contrôle. Les émotions accablantes semblent venir de nulle part. Ils ne
peuvent se faire confiance, ne font déjà pas confiance aux autres et se sentent,
dès lors, complètement sans refuge. Au départ, la thérapie se concentre sur le
renforcement de la sécurité interne grâce à une attention portée sur le rythme,
sur la psychoéducation et sur le fait d’aider les patients à devenir curieux de leur
expérience intérieure. Comprendre la réticence et la résistance à l’exploration
de l’expérience intérieure est donc un sujet important dès le début du suivi
thérapeutique (voir chapitres 11 et 12 pour en savoir plus sur la résistance).

CONCEPT CLÉ

Le thérapeute devrait régulièrement revenir à l’étude de cas, au pronostic et à la planifi-


cation du traitement, afin de déterminer si la thérapie suit son objectif et si le patient
gagne en sécurité et en compétences émotionnelles.

Ainsi, même s’il est louable de créer immédiatement de la sécurité pour


les patients, cela n’est pas toujours possible. Certains patients, ou leurs parties,

188 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


restent dans des relations abusives. D’autres ont des parties qui sont chronique-
ment suicidaires ou continuent à se livrer à des comportements à hauts risques
pendant de longues périodes. De nombreux patients ont besoin de beaucoup de
temps pour réduire l’intensité des conflits et des reviviscences des parties dis-
sociatives, de sorte que la sécurité intérieure peut être minime. Le thérapeute
devrait considérer ce qui est pour lui « suffisamment sûr » afin que le traitement
avance pour chaque patient. Les thérapeutes peuvent trouver utile de revenir de
temps en temps à l’étude de cas, au pronostic et à la régulation du rythme de la
thérapie afin de déterminer si le patient se sécurise au fil du temps et voir ce qui
pourrait être fait en plus pour soutenir un meilleur développement de la sécurité.

2.2. L’équilibre entre le fonctionnement


dans la vie quotidienne et la thérapie
Le prochain objectif de la première phase du traitement est la stabilisation
et l’amélioration de la qualité de la vie quotidienne en aidant les patients à
acquérir des compétences pour réguler les émotions et faire face à l’ESPT et
aux symptômes dissociatifs. Des patients dissociatifs présentent un dilemme.
Ils ont peu de capacité à gérer leurs expériences traumatisantes accablantes,
mais ces expériences non résolues créent des difficultés continues dans leur
fonctionnement quotidien. Ils veulent se sentir mieux, mais ils doivent réali-
ser de nombreux sentiments négatifs et douloureux afin d’y arriver. Le théra-
peute marche sur une corde raide entre aider le patient à mieux fonctionner
dans le monde et veiller à un travail thérapeutique difficile qui peut ajouter du
stress, de la dépression, de l’anxiété et submerger le patient. De nombreuses
recherches et la sagesse clinique prépondérante suggèrent que le thérapeute
devrait aider les patients à se stabiliser et soutenir le fonctionnement dans la
vie quotidienne avant de travailler sur les souvenirs traumatiques (p. ex., voir
Courtois, 2008 ; Courtois et Ford, 2012, 2013 ; ISSTD, 2011 ; Van der Hart
et al., 2006). La stabilisation inclut un focus sur la compréhension et l’accep-
tation par le patient des parties et le développement de la compassion pour
celles-ci ; elle vise à lui apprendre à travailler efficacement avec les parties
pour améliorer le fonctionnement, mais pas encore à ce qu’il partage des sou-
venirs traumatiques (Boon et al., 2011 ; Van der Hart et al., 2006). Cependant,
comme indiqué au chapitre 21, l’intégration restreinte d’une mémoire trauma-
tique peut parfois améliorer la stabilisation chez des patients soigneusement
sélectionnés (Kluft, 2013 ; Boon et Van der Hart, 2003).

2.3. Fixer des objectifs majeurs et mineurs


Dans le contexte de l’établissement d’une relation thérapeutique et de l’ob-
tention de plus de sécurité interne et externe – un but aussi difficile qu’im-
portant –, il est souvent utile de formuler des objectifs plus petits ainsi que les

La planification du traitement 189


moyens de les atteindre avec le patient. Marianne, la patiente que nous avons
décrite dans les chapitres précédents à propos de l’évaluation, a reconnu qu’elle
était terrifiée par son diagnostic de TDI et ses parties dissociatives. Elle convint
qu’elle devrait surmonter cette peur, ce qui fut un objectif important au début
de sa thérapie. Mais dès que la thématique des parties dissociatives surgit, elle
se renferma et ne réagit plus. Il était beaucoup plus facile pour Marianne de
parler de sa vie quotidienne. Par conséquent, bien qu’elle ait accepté l’objectif
thérapeutique global de surmonter la peur, sa thérapeute suggéra qu’elles tra-
vaillent également sur un objectif plus pratique de la vie quotidienne. C’était
une stratégie pour à la fois améliorer sa vie et pour aider Marianne à apprendre
quelques compétences pour approcher sa peur. Marianne fut soulagée parce
qu’elle sentit qu’elle pourrait accomplir plus de choses dans la vie quotidienne
et ne se sentirait pas continuellement comme une ratée. Elle proposa de se
fixer l’objectif d’apprendre à devenir plus sociable et de surmonter certaines de
ses peurs dans les situations sociales. Elle établit avec son thérapeute un plan
étape par étape qui lui semblait réalisable et s’étendait sur plusieurs mois. Le
plan consistait à (a) explorer ses peurs des contacts sociaux, (b) analyser ses
succès et ses échecs dans les contacts sociaux, (c) analyser des déclencheurs qui
dans le passé l’avait amenée à éviter même les contacts sociaux superficiels, et
(d) travailler sur la correction cognitive de ses craintes et prévisions catastro-
phiques. Après plusieurs mois de travail sur cet objectif, Marianne fut invitée
à dîner par un membre de sa chorale avant de se rendre à leur répétition du
soir. Elle décida d’accepter et rapporta fièrement à sa thérapeute que ce fut très
agréable. Marianne apprit ainsi à augmenter la maîtrise de sa peur dans une
situation qu’elle trouva plus gérable que celle d’aborder les parties. Une fois
qu’elle apprit qu’elle pouvait faire face à ses peurs sociales, elle fut plus disposée
à travailler avec ses parties.

2.4. Rester sur la bonne voie


Rester sur la bonne voie dans la psychothérapie des troubles dissociatifs peut
être une tâche difficile. D’une part, les patients peuvent être très évitants et
passer maîtres pour mener le thérapeute hors sujet. D’autre part, ils peuvent
être sujets à des crises, de sorte que le thérapeute passe d’une crise à l’autre, ou
d’une partie dissociative à l’autre, sans avoir le temps de réellement traiter les
causes sous-jacentes de l’urgence chronique et du switch. Le thérapeute qui
débute dans la clinique des patients souffrant de troubles dissociatifs peut aussi
se sentir dépassé et essayer une technique après l’autre pour tenter de gagner
une certaine stabilité dans la thérapie.
Il est essentiel de rester concentré sur les objectifs de traitement et d’aider
toutes les parties du patient à se focaliser sur ceux-ci. Le thérapeute doit être
ferme, mais respectueux, utilisant peut-être un humour délicat si c’est appro-
prié pour rappeler aux patients de revenir au sujet principal. Rappelez-vous,

190 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


l’évitement phobique est une défense majeure chez les patients dissociatifs. Les
parties dissociatives essaieront donc, de par leur nature même, d’éviter ce qui
est douloureux. Les thérapeutes peuvent avoir besoin de guider la thérapie plus
qu’à l’habitude, ce qui peut être un défi si leur formation leur a demandé de
toujours suivre le patient plutôt que de le mener. Même alors, reste la question
de ce que le patient peut tolérer, et de savoir si la guidance entraîne le déborde-
ment du patient ou empêche l’émergence des problèmes qui pourraient venir si
le patient avait plus de tranquillité. C’est un exercice de funambule de garder
la thérapie dans son axe, de respecter le rythme propre du patient et d’attirer
l’attention sur ce qui est évité. Encore une fois, penser la relation sous une
forme collaborative et le travail comme étant axé sur des objectifs de collabo-
rations particuliers peut être utile à cet égard.
Avec certains patients très dissociatifs, ou avec ceux qui ont tendance à
errer sans but dans les séances, il peut être utile de prendre des notes au cours
de la séance de façon à ce que les thérapeutes puissent s’y référer quand ils se
perdent.

CONCEPT CLÉ

Les objectifs à court terme qui incluent de petits pas vers des objectifs à long terme
peuvent aider à garder la thérapie sur la bonne voie, de telle sorte que les objectifs prin-
cipaux nécessitant plus de temps ne soient pas perdus.

Une façon utile de maintenir le cap est d’avoir des objectifs concrets à
court terme pour le traitement, écrits tant pour le thérapeute que le patient.
Le thérapeute peut s’y référer à chaque séance comme aide à la redirection
du traitement si nécessaire. L’ambiance dissociative dans la pièce peut rendre
le thérapeute confus ou somnolent, ce qui rend difficile de penser clairement
(Loewenstein, 1991a). Il n’est pas rare qu’à la fois le thérapeute et le patient
soient confus par rapport à ce qui vient d’être discuté.

&YFNQMFEFDBTEFSFTUFSTVSMBCPOOFWPJFFOUIÏSBQJF+FBOOF

Jeanne avait de nombreuses parties qui switchaient fréquemment en séance et elle


changeait de sujet à chaque fois qu’elle switchait. Le thérapeute fut submergé par des
sujets labyrinthiques qui semblaient aller partout et nulle part à la fois. Finalement, il
encouragea Jeanne à choisir un objectif, celui d’aider une partie jeune à se sentir plus
présente et en sécurité, objectif pour lequel toutes ses parties pouvaient se mettre
d’accord. À chaque fois que Jeanne changeait de sujet, le thérapeute rappelait à toutes
les parties l’objectif sur lequel ils travaillaient à ce moment et demandait que chaque
partie garde ce dont elle voulait parler pour un autre moment. Le thérapeute promit
que toutes les parties seraient entendues en temps utile. Il questionna également les

La planification du traitement 191


parties sur leurs préoccupations quant au fait de travailler avec la partie enfant. Il devint
clair que certaines parties avaient peur que la partie enfant raconte « des histoires sur
des mauvaises choses qui se sont passées ». Le thérapeute rassura la patiente dans son
ensemble sur le fait que l’objectif du moment était d’aider la partie enfant à se sentir
plus en sécurité et présente et non pas celui de « raconter ». Le partage des événements
traumatisants ne pourrait se produire que lorsque toutes les parties seraient davantage
d’accord qu’il était approprié de le faire. Bien que le thérapeute ait dû travailler dur
pour garder Jeanne sur l’objectif, il fut en mesure d’aider la partie enfant et obtint
d’autres parties qu’elles prennent soin d’elle intérieurement. Le switching de Jeanne
diminua de manière significative car les parties estimaient que la thérapie était
respectueuse du besoin général de Jeanne de procéder par étapes.

&YFNQMFEFDBTEFSFTUFSTVSMBCPOOFWPJFFOUIÏSBQJF
.BSJBOOF

Parfois, Marianne ne répondait plus et ne se souvenait plus de ce qui avait été discuté
en thérapie. Même sa thérapeute trouvait difficile de se rappeler ce dont elles parlaient
quand Marianne avait l’un de ces épisodes. Marianne se dissociait souvent au cours de
la séance, en particulier lorsque le sujet concernait son diagnostic et ses parties dissociatives.
Il était difficile pour Marianne de se concentrer sur ce point pendant plus de quelques
minutes. Ainsi la thérapeute devait-elle aborder les conflits sous-jacents de Marianne. Elle
faisait cela en « parlant au travers » à toutes les parties à l’intérieur (Kluft, 1982), sans
réellement mentionner le mot partie, car elle devina que le terme ne ferait qu’augmenter
les conflits : « Marianne, je vois que vous luttez pour rester présente surtout quand on
parle de vos symptômes dissociatifs. Je me demande s’il n’y a pas de nombreuses pensées
et idées dans votre esprit et peut-être quelques inquiétudes à parler de la dissociation ? »
Marianne fut capable d’acquiescer, mais ne put répondre, elle sembla figée.
La thérapeute continua : « Même maintenant, je vois que c’est tellement difficile pour
vous, et je suis désolée. Je voudrais juste dire que je suis intéressée par ces différentes
pensées et inquiétudes à propos d’être ici et que toutes auront besoin de notre attention
en temps voulu. Je me demande si vous pourriez peut-être écrire quelques-unes de
celles-ci ? Puis, quand vous vous sentez prête, nous pourrions en parler, une à la fois. »
Marianne fit signe que oui, et la thérapeute continua. « Génial ! J’espère que vos pensées
et sentiments sont prêts à devenir un peu plus calmes. Peut-être qu’ils pourraient tout
simplement faire un pas en arrière pour un moment et trouver temporairement un espace
calme dans votre esprit afin que vous puissiez vous concentrer sur un(e) seul(e) pensée
à la fois. Je me demande si cela pourrait être possible en ce moment, parce que nous
sommes en train de trouver une façon pour vous de les exprimer par écrit. Je tiens à
réitérer que chaque pensée et chaque sentiment sont tout aussi importants et doivent
être entendus et compris, et que nous le ferons à votre rythme et selon votre propre
voie, que je suis sûre que nous trouverons ensemble. N’hésitez pas à écrire à la maison
quand vous vous sentez moins sous pression. Si vous ne le sentez pas, n’hésitez pas à
arrêter, et nous clarifierons cela. Je veux vous remercier, Marianne, remercier tous les coins
de votre esprit qui écoutent et qui participent afin que nous puissions trouver notre
chemin ensemble. Maintenant, seriez-vous prête à vous lever avec moi et à marcher
autour de la pièce afin que vous puissiez vous sentir plus ancrée ? »

192 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Marianne et sa thérapeute se levèrent et se promenèrent ensemble, et se mirent même
à rire un peu. Marianne devint beaucoup plus présente et put dire qu’en effet, il y avait
une voix qui lui disait constamment qu’elle ne devait pas venir aux séances et qu’elle
n’était pas autorisée à parler des autres voix. La thérapeute remercia Marianne et tous
les coins de son esprit pour permettre que ceci soit partagé et promit qu’à la prochaine
séance, elles trouveraient un moyen de gérer ce qui était acceptable pour Marianne
et son esprit entier.
Au cours de la séance suivante, la thérapeute put négocier de passer 10 minutes à
chaque séance à explorer une de ces « pensées », et le reste de la séance à discuter
des sujets de la vie quotidienne, comme essayer de devenir un peu plus sociable. On
s’occupa d’abord de la partie qui était la plus intransigeante à ce que Marianne ne traite
pas de sa dissociation et la thérapeute fit de gros efforts pour créer une alliance de
travail avec cette partie (voir le chapitre 17). Au cours des mois suivants, Marianne fut
progressivement plus présente et cette voix se fit plus calme au fur et à mesure qu’elle
partagea différentes pensées et sentiments sur le fait d’accepter sa dissociation. En
même temps, la thérapeute commença à entrer en contact avec quelques-unes des
voix les plus critiques et fortement opposées à la thérapie de Marianne.

2.5. Travailler avec les parties dissociatives du patient


La planification du traitement des patients dissociatifs est tout à fait sem-
blable à la planification du traitement pour tous les patients en psychothéra-
pie, avec une différence majeure : elle doit s’adapter à toutes les parties des
patients. Le chapitre 10 met l’accent sur les spécificités du travail avec des
parties dissociatives. En bref, le travail avec les parties exige que le patient
soit au moins disposé à accepter l’existence des parties, donc il doit y avoir
une certaine prise de conscience au sujet du diagnostic. Le début du traite-
ment peut donc souvent nécessiter de se concentrer sur l’aide à apporter au
patient dans l’acceptation progressive de ces parties (surmonter la phobie
des parties dissociatives), et ce avant que tout travail direct avec les parties
puisse commencer. Le thérapeute ne peut pas pousser, mais doit plutôt être
avec le patient. Le plus important dans la phase 1 est l’établissement d’une
alliance de travail avec des parties qui sont contre la thérapie ou semblent
ne pas vouloir y participer (voir le chapitre 10 pour une description générale
sur le travail avec les parties).
Il y a des moments où il ne convient pas de travailler avec les parties dis-
sociatives et cela doit également être pris en compte dans la planification
du traitement. Selon Kluft (1996a), le thérapeute ne doit pas travailler avec
des parties dissociatives (a) quand toutes les parties vivent dans le temps du
trauma et sont dépassées, ce qui est le cas lorsque tout le système d’un patient
est perturbé ; (b) quand les patients ont besoin que toutes leurs énergies soient
dirigées vers une période de stress de la vie quotidienne ; (c) quand les patients
sont débordés par d’autres problèmes (de la vie quotidienne, physiques ou men-
taux) et n’ont pas la capacité de tolérer le travail avec les parties ; (d) quand

La planification du traitement 193


le traitement est de courte durée ou consiste en une thérapie de soutien plutôt
qu’en un travail en profondeur ; et (e) quand le thérapeute n’est pas préparé
(et sans consultation adéquate ou supervision) pour travailler avec des parties.

&YFNQMFEFDBTEFMÏMBCPSBUJPOEVOQMBOEFUSBJUFNFOU3PCFSU

Dans les deux chapitres précédents, nous avons décrit les informations concernant
l’évaluation de Robert. Il avait clairement un bon pronostic. Il acceptait son diagnostic
et était prêt à prendre contact avec ses parties dissociatives une fois sa honte initiale
dépassée. De plus, Robert était soutenu par son partenaire et quelques bons amis. Dans
le cas de Robert, les objectifs tant à court terme qu’à long terme avaient pu être établis
au début du traitement. Il était clair que Robert avait assez de force dans son moi et
de soutien pour pouvoir passer à la phase 2. Ces objectifs à court terme avaient ainsi
tous été dirigés sur l’amélioration de la collaboration interne, l’apprentissage de
techniques pour réguler ses émotions et la préparation du travail de la phase 2.
Robert et le thérapeute se mirent d’accord sur les objectifs à court terme suivants : (a)
apprendre plusieurs techniques d’ancrage pour rester dans le présent, (b) créer des
lieux sûrs internes pour les parties fixées dans le temps du trauma, et (c) comprendre
et acquérir une certaine collaboration avec toutes ses parties dissociatives, y compris
la voix en colère qu’il entendait. Pour Robert, le plus grand défi était de comprendre
que la voix en colère de l’auteur était en fait une partie dissociative de lui-même, et
qu’il devait développer un peu de compassion et ensuite de coopération avec cette
partie. Il avait peur de communiquer directement avec cette partie et craignait sa colère.
Finalement le thérapeute, avec son accord, entra d’abord en contact avec cette partie
et établit une alliance de travail. Une fois que cette partie se sentit reconnue par le
thérapeute, Robert put progressivement et plus facilement l’accepter et travailler avec
elle. Robert fut ensuite en mesure d’accéder rapidement à la phase 2.

3. Résumé
Le thérapeute peut planifier le traitement d’une manière raisonnable, séquen-
cée et rythmée et faire preuve de souplesse dans la révision du plan selon le
besoin. Une approche collaborative qui se concentre sur des objectifs com-
muns est nécessaire. Le thérapeute peut planifier en conséquence la meilleure
façon d’atteindre ces objectifs compte tenu des points forts du patient et de ses
déficits.
Une fois que le patient a atteint une acceptation raisonnable du diagnostic
(qui peut encore vaciller de temps à autre), l’étape suivante consiste à planifier
comment et quand travailler avec les parties dissociatives. La planification du
traitement implique de savoir quelles approches adopter et quand les mettre
en œuvre. Les principes généraux pour savoir quand et comment travailler
avec les parties reposent principalement sur la fenêtre de tolérance du patient
et la complexité de la dissociation de la personnalité, ce qui est abordé dans le
chapitre 10.

194 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


4. Explorations supplémentaires
1. Est-ce que vous établissez un plan de traitement écrit formel avec vos
patients ?
2. Quels pourraient être les défis rencontrés dans l’élaboration d’un plan
de traitement avec un patient particulier ?
3. Quelles dispositions adoptez-vous en ce qui concerne les textos et les
courriels des patients ? Quels sont les avantages et les inconvénients de
votre manière de faire ? Prenez le temps d’en discuter avec des collègues.

La planification du traitement 195


cHAPITRE 8
Les principes
de traitement

Je me déclare maintenant un praticien de « la bonne vieille théra-


pie ».
Jon G. Allen (2013, p. xxi)

Le traitement des troubles dissociatifs peut sembler très différent de celui


d’autres psychothérapies, car il s’agit de travailler avec une personnalité et
un sens de soi divisés. Cependant, la meilleure approche est simplement une
bonne et solide psychothérapie avec l’adjonction d’une compréhension de
l’habileté à travailler avec le traumatisme et la dissociation. Bien que les tech-
niques soient utiles, c’est la capacité à suivre les principes essentiels de la psy-
chothérapie et à maintenir une relation avec le patient dans son ensemble qui
rend le traitement efficace avec des patients dissociatifs.
De nombreuses sources traitent des principes de traitement pour les
patients traumatisés complexes (p. ex., Briere et Scott, 2012 ; Brown et al.,
1998 ; Chu, 2011 ; Courtois et Ford, 2012, 2013 ; Herman, 1997). D’autres
offrent des principes spécifiques pour travailler avec les troubles dissociatifs
(p. ex., ISSTD, 2011 ; Kluft et Fine, 1993 ; Putnam, 1997 ; Steele et al., 2005 ;
Van der Hart et al., 2006). Nous discutons ci-dessous des grands principes de
traitement qui favorisent un traitement rationnel et séquentiel des troubles
dissociatifs.

Les principes de traitement 197


1. Une bonne psychothérapie est la base
d’un traitement efficace des troubles dissociatifs
Une thérapie efficace pour les patients présentant des troubles dissociatifs
complexes commence et se termine avec les principes et les approches d’une
bonne psychothérapie en général, avec l’habileté à favoriser la mentalisation,
les capacités de régulation et l’autocompassion (p. ex., Allen, 2001, 2012).
Sans cette base essentielle, le traitement de la dissociation est, au mieux, insuf-
fisant et, au pire, désastreux.

Mettre l’accent sur le processus, pas sur le contenu


Tout au long de cet ouvrage, nous soulignons à quel point il est essentiel de
se concentrer sur le processus du patient et de travailler avec lui et la relation
thérapeutique. Nous recommandons fortement aux thérapeutes de se former
au préalable à un certain type d’approche psychothérapeutique qui aborde le
processus, et qui offre une trame pour comprendre les conflits et les défenses
internes chez le patient, tant intérieurement que sur le plan des relations.
La thérapie peut facilement s’enliser dans le contenu : ce qui est arrivé à la
maison la semaine dernière, ce qui s’est déroulé dans le passé traumatique,
les nombreuses crises de la vie quotidienne, ce qui devrait se produire dans
le futur, et toutes les différences entre les parties dissociatives et leurs carac-
téristiques propres, qui peuvent devenir si fascinantes pour le patient et le
thérapeute. Plus les thérapeutes peuvent aider le patient à rester concentré
sur le moment avec ce qui se passe intérieurement et sur la relation, plus
efficace sera la thérapie.

CONCEPT CLÉ

Les thérapeutes devraient avoir une bonne maîtrise de la compréhension et du processus


de travail avec des patients dissociatifs. Apprendre simplement des techniques et des
compétences est insuffisant.

Se concentrer sur l’expérience subjective du patient pendant les séances,


et rester avec les changements du moment dans la relation thérapeutique, est
profondément important pour faciliter le changement et l’intégration. Le thé-
rapeute doit souvent réfléchir à ce que les patients essaient de communiquer à
propos de leur expérience et de la relation thérapeutique.
Ce qui s’est passé dans le passé traumatique est important pour le contexte,
mais comment le patient est affecté par ce qui est arrivé est vraiment l’objet du
traitement, ainsi que la façon dont le patient peut le mettre en scène dans la

198 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


relation avec le thérapeute. Bien sûr, les expériences traumatiques sont essen-
tielles à intégrer et ne doivent pas être ignorées, mais elles sont traitées dans
le contexte des expériences intrapsychiques et relationnelles du patient dans
le présent.
Par exemple, Mona était une patiente avec un TDI qui racontait souvent
de longues histoires à propos des multiples reprises où elle s’était sentie bles-
sée dans ses interactions familiales, souvent concentrée sur les problèmes avec
l’autre personne. Le thérapeute faisait des commentaires occasionnels sur la
façon dont Mona devait souffrir de ne pas être entendue ou respectée. Peu
à peu, elle put aider Mona à remarquer sa crainte de ne pas être entendue ni
respectée par la thérapeute. Le travail put alors passer à l’expérience de Mona
dans le moment plutôt que de raconter des histoires répétitives dans lesquelles
elle évitait ses propres dynamiques dans les relations.

CONCEPT CLÉ

Lorsque des souvenirs traumatiques émergent ou sont évités, le contenu des souvenirs
traumatiques ne doit pas être ignoré, mais les thérapeutes devraient comprendre et tra-
vailler avec les dynamiques du système interne et des relations du patient. Un objectif
essentiel du traitement consiste à savoir ce qui se passe chez le patient et ce qui se passe
dans la relation lorsque les souvenirs traumatiques sont évoqués.

Le contenu se concentre sur :


• ce que dit et fait le patient,
• le contenu des souvenirs traumatiques et des crises, et
• les manifestations ouvertes de parties dissociatives.

Le processus se concentre sur :


• les significations et croyances fondamentales sous-jacentes ;
• les défenses et résistances ;
• la fonction des parties dissociatives et leurs relations entre elles, plutôt
que sur les parties elles-mêmes ;
• les raisons pour lesquelles la dissociation de la personnalité est
maintenue ;
• les émotions et la façon dont elles sont éprouvées ;
• le ressenti des expériences dans le moment ;
• les communications implicites entre le patient et le thérapeute ;
• le transfert et le contre-transfert ;
• comment le patient parle sur un sujet ;
• comment le patient éprouve les relations ; et

Les principes de traitement 199


• ce qui se passe pour le patient quand il ou elle parle d’un sujet, par
exemple les changements dans la voix, la tension musculaire et la
posture.

Voici quelques exemples qui aident le patient à se concentrer sur le processus :


• Pendant que vous parlez, que se passe-t-il pour vous, et pour vos parties ?
• Je remarque que vous détournez de plus en plus le regard et que votre
corps s’affaisse. Pouvez-vous le remarquer également et être curieux de
savoir ce qui se passe ?
• Je remarque qu’il semble y avoir des tensions dans la pièce, peut-être
une sorte de colère ou irritation. En êtes-vous aussi conscient ?
• Quelle est votre vécu de partager cette expérience très privée de vulné-
rabilité avec une autre personne, avec moi, maintenant ?
• Il semble y avoir beaucoup de conflits autour du fait de se souvenir. Je
me demande si nous pourrions aider toutes vos parties à comprendre un
peu plus ce conflit.
• Lorsque vous ressentez ce conflit, que remarquez-vous à l’intérieur de
vous (ou dans votre corps) ?
• Explorons ce qui se passe pour vous dans ces moments juste avant de
quitter la séance, quand vous êtes vraiment perturbé. Trouvons un
moyen pour vous aider avec cela.
• Lorsque vous entendez cette voix critique, que se passe-t-il pour vous ?
• Je me demande si nous pourrions explorer ce que des parties de vous
ont vécu la semaine dernière quand vous ressentiez que je ne vous
prenais pas assez au sérieux, même si vous dites que vous comprenez
complètement. Je ne sais pas avec certitude, mais peut-être y a-t-il là
quelque chose de plus qui pourrait être important.

2. Fournir un traitement à l’intérieur de la fenêtre


de tolérance pour le patient et le thérapeute
Le traitement doit être assuré en fonction de ce que le patient et le thérapeute
peuvent tolérer. Ce principe de traitement est étroitement aligné sur le prin-
cipe de « la sécurité d’abord ». Chaque fois que la thérapie est en dehors de
la zone de tolérance, la relation et la thérapie ne sont plus ressenties comme
étant sécurisées et la défense est éveillée chez le patient et le thérapeute. L’ap-
prentissage ne peut survenir efficacement que dans une gamme d’excitation
émotionnelle modérée. Les thérapeutes doivent donc être vigilants quand la
thérapie avance plus rapidement ou, comme c’est souvent le cas, plus lente-
ment ou dans une direction différente.

200 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


CONCEPT CLÉ

S’accorder au rythme nécessite que les thérapeutes déterminent combien de temps et


quel type de soutien le patient doit contenir et ancrer afin de quitter les séances à l’heure
et être en sécurité et modulé.

Un rythme efficace implique la gestion de la séance afin qu’il y ait suffisam-


ment de temps à la fin pour que le patient soit assez contenu pour partir. Kluft
(1991) a suggéré une règle de trois, dans laquelle les séances sont grossièrement
divisées en trois segments. Le premier tiers, qui peut être assez bref, consiste à
vérifier et préparer le travail de la séance. Cette vérification est généralement
effectuée avec la partie qui fonctionne dans la vie quotidienne. Le deuxième
tiers est le principal travail de la séance, impliquant souvent des expériences
émotionnelles, comme parler avec des parties ou aborder un certain symptôme.
Le dernier tiers peut être plus long ou plus court, selon le besoin du patient et
cherche à aider le patient (ou la partie qui fonctionne dans la vie quotidienne)
à s’orienter pleinement dans le présent, à contenir ces sentiments sur lesquels
le patient a travaillé durant la séance, et à se préparer pour la semaine.

2.1. Les patients qui ont besoin de petites étapes


Les thérapeutes ont tendance à attendre trop de changements trop rapidement
chez les patients qui ont une longue histoire de perturbations développemen-
tales et de traumatismes. Imaginez changer toutes vos habitudes alimentaires,
de sommeil et d’exercice, votre dynamique intérieure et vos modèles relation-
nels, vos stratégies d’adaptation en quelques semaines et l’apprentissage de
la gestion de vos émotions pour la première fois après quelques séances de
pratique ! À l’ère de la thérapie à court terme, le thérapeute (et le patient)
peut se sentir fortement sous pression de voir une amélioration rapide dans de
nombreux domaines sans que cela puisse être réaliste. Beaucoup de patients
s’améliorent, mais seulement lentement sur de longues périodes de temps. De
petites étapes sont souvent nécessaires, plutôt que des sauts de géants. Avec
chaque petit pas, les patients acquièrent de la maîtrise. Le thérapeute devrait
aider les patients à s’autorécompenser de continuer en quelque sorte : « Au
moins, j’ai essayé de le faire, même si je n’ai pas bien compris. J’ai été capable
de comprendre quoi faire après ce qui s’est passé. La prochaine fois, je vais
essayer d’anticiper. Cette fois-ci, je savais quoi faire mais je n’arrivais pas tout
à fait à le respecter, mais au moins je me suis arrêté pour, en premier lieu, y
réfléchir. Je le fais parfois, pas toujours, mais au moins je le fais ! »
Une détermination précoce de la trajectoire générale du traitement et du
pronostic du patient (mauvais, favorable, bon) aidera à la fois le thérapeute et
le patient à accepter un rythme d’amélioration raisonnable. Certains patients

Les principes de traitement 201


sont robustes. Indépendamment de leur niveau de fonctionnement, ils sont
motivés et persévèrent contre vents et marées. D’autres patients sont extrê-
mement et chroniquement phobiques des parties dissociatives ou sont très
investis à rester séparés, manquent d’autocompassion et se sentent impuissants
et sans espoir. Ces derniers patients ont besoin d’un rythme plus lent et une
approche avec plus de soutien qui met l’accent sur un degré plus élevé de fonc-
tionnement dans la vie quotidienne. Plus mauvais est le pronostic pour un
patient, plus lent doit sans doute être le rythme d’avancement de la thérapie.
Le vieil adage « le plus lent est le plus rapide » est un bon modèle pour
le traitement des troubles dissociatifs. Tant le patient que le thérapeute res-
sentent souvent le besoin urgent d’améliorer l’état du patient, de travailler sur
des souvenirs traumatisants et d’intégrer les parties. Du point de vue du théra-
peute, il peut être bon de considérer la thérapie avec ces patients comme un
marathon, et non comme un sprint. Il peut exister une pression à vouloir faire
des bonds de géants dans une séance particulière. Par exemple, que le patient
accepte et ait de la compassion pour une partie particulièrement difficile de
lui-même. Cependant, prendre une telle action d’intégration et la décompo-
ser en petites étapes gérables est souvent beaucoup plus efficace et empêche
d’autres résistances.
À cette fin, les thérapeutes pourraient d’abord établir une coopération,
même s’il y a peu de confiance, pour faire un petit pas à la fois : « Pensez-vous
que vous seriez en mesure de me donner ainsi qu’à vous le bénéfice du doute
si nous entamons cette prochaine étape [qui est décrite en détail au patient] ?
À tout moment, si quelque chose vous semble manquer, je souhaite que vous
me le disiez tout de suite et nous nous arrêterons. C’est important pour toutes
vos parties de se sentir suffisamment à l’aise pour expérimenter cette étape, et
de savoir à quel point il est important d’arrêter quand quelque chose ne vous
convient pas. Si vous ou une partie de vous avez du mal à parler, vous pouvez
même utiliser un signal non verbal, comme lever la main. Quel genre de signal
préféreriez-vous ? Exerçons-nous à m’arrêter maintenant. »
Ensuite, le thérapeute peut revenir sur l’étape suivante (p. ex., avoir deux
parties qui communiquent ou travaillent sur une mémoire traumatique) et
explorer toute préoccupation, hésitation, ou crainte que n’importe quelle par-
tie du patient pourrait avoir. Chacune d’entre elles devrait être abordée suffi-
samment avant d’aller de l’avant. Ensuite, le thérapeute doit être prêt à arrêter
lorsque le patient le demande afin de construire une confiance de manière
constante et pour que le patient se sente comme un partenaire de collabora-
tion. Il est également important de se rappeler que l’arrêt et la résolution d’une
préoccupation ne signifient pas du tout que l’intervention ou que la théma-
tique soit abandonnée. Souvent juste l’acte respectueux de mettre en pause et
d’écouter les préoccupations est tout ce qui est nécessaire pour que les patients
se sentent entendus et soient convaincus qu’ils peuvent effectivement arrê-

202 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


ter. Cela renforce la confiance et les patients sont plus susceptibles d’avancer
ensuite.
Suivre le rythme du patient signifie également prendre le temps de res-
ter avec une expérience positive pour s’assurer que le patient est capable de
l’accueillir. Trop souvent, tant le thérapeute que le patient sont sur le point
de rapidement passer à la prochaine étape. L’idée est de savourer le moment,
de sorte qu’il puisse davantage devenir une partie de l’expérience familière
(Ogden et al., 2006). Dans les séances suivantes, le thérapeute peut vérifier
comment le patient a vécu un changement, et si de l’anxiété est apparue ou
non. Souvent, de petites expériences de changement positif doivent être réité-
rées pour davantage faire partie de l’expérience continue du patient.

Changer l’orientation de la thérapie en tant que stratégie d’adaptation


de rythme. Souvent, le rythme de la thérapie n’est pas le problème, mais c’est
plutôt le centre d’intérêt de la thérapie qui doit être différent. Par exemple, il
est fréquent que les thérapeutes se mettent directement à travailler les souve-
nirs traumatiques avec des patients dissociatifs avant qu’ils ne puissent gérer
les compétences de régulation et de coopération entre les parties, ce qui est un
problème. Le traitement pourrait progresser au même rythme, mais en mettant
l’accent sur le renforcement des compétences, la contenance de souvenirs trau-
matisants, l’acceptation et la coopération entre les parties dissociatives comme
préparation au travail sur les souvenirs traumatiques. Le patient deviendra plus
stable simplement grâce à ce changement de traitement. Une fois que les com-
pétences de régulation sont en place, le traitement des souvenirs traumatiques
peut commencer.
Un autre exemple d’un changement de cap efficace est celui du travail de
deuil prématuré. Parfois, lorsque les thérapeutes essaient d’aider un patient à
faire un deuil et l’expérience de la perte, le désespoir et les comportements
d’autodestruction ne font que s’aggraver. Cela se produit habituellement parce
que le patient n’est toujours pas en mesure de ressentir des émotions positives
et un sens de compétence et d’expériences positives dans la vie quotidienne
qui servent de fondement et de contenant pour le deuil. Le patient peut être
incapable d’expérimenter le moment présent et se perd dans le passé. Aider
le patient à apprendre à être dans le présent et à avoir des émotions et des
expériences positives doit précéder une focalisation sur le chagrin et la perte.

Dépendance et rythme. Les thérapeutes doivent être capables de tolérer


l’intense dépendance et les besoins du patient sans vouloir le sauver ou se tenir
en retrait, comme nous en discutons au chapitre 13. Le cadre de traitement
aide à contenir les comportements de dépendance du patient. Le rythme trop
rapide de la thérapie favorise parfois implicitement un mode de crise chronique,
le ralentissement de la thérapie peut donc diminuer la crise. Par exemple, si le

Les principes de traitement 203


thérapeute continue avec un sujet émotionnel ou difficile de n’importe quel
point de vue jusqu’à la fin de la séance, et que le patient n’a pas le temps de
s’ancrer et de se stabiliser, il est probable que le patient aura une crise après la
séance. Ou peut-être que la crise est provoquée parce que le thérapeute insiste
pour que le patient se confronte aux parties dissociatives sans résoudre d’abord
la phobie des parties dissociatives.

2.2. Le rythme personnel du thérapeute


La thérapie ne peut aller que jusque-là où un thérapeute donné est en mesure
de le vivre. Lorsque le thérapeute est submergé par les émotions ou l’histoire
du patient, la thérapie est alors en dehors de la fenêtre de tolérance du théra-
peute. Une consultation immédiate et peut-être une thérapie personnelle sont
nécessaires ou bien la décision de transférer le patient à un autre thérapeute
peut être prise après consultation. La thérapie ne devrait pas ralentir à cause
du thérapeute, du moins pas sur le long terme. Bien sûr, si un thérapeute ne
se sent pas bien, et qu’une séance intense a été planifiée, il est certainement
acceptable de faire savoir au patient que vous n’êtes pas au meilleur de vous-
même et de lui donner le choix entre continuer le travail ou le reporter et faire
quelque chose de moins intense pour cette séance. Mais il s’agit d’un processus
relationnel temporaire et non d’un contre-transfert en soi.
Parfois, les thérapeutes peuvent utiliser leur sentiment d’être débordés
comme un baromètre indiquant que le traitement peut être trop accablant
pour le patient. Certains patients présentent une telle intensité chronique ou
produisent de si grandes quantités d’information, récits verbaux, journaux,
courriels, œuvres d’art, etc., que le thérapeute est incapable de tout intégrer.
Cela peut indiquer clairement qu’un patient est également incapable d’inté-
grer. Dans ce cas, il n’est pas préférable d’en faire plus. Il peut être utile d’avoir
une discussion à ce sujet avec les patients, en explorant leur expérience du
partage de toute cette information et ce qu’ils espèrent accomplir par elle.

3. Reconnaître et utiliser l’expérience


somatique du patient
Comme nous l’avons mentionné au chapitre 1, la capacité de repérer et de
travailler avec les expériences somatiques et les actions physiques des patients
peut constituer une stratégie supplémentaire dans le traitement des troubles
dissociatifs. Il est important de noter que le travail somatique ne doit pas néces-
sairement inclure le toucher. Le thérapeute peut faire des commentaires sur les
gestes, la posture et la tension musculaire des patients, explorer les sensations
et le ressenti corporel et encourager les patients à mettre en pratique de nou-

204 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


veaux patterns ou à essayer des expériences de mouvement et de conscience
sans jamais les toucher.
Certaines approches intègrent déjà plus de travail avec la conscience, l’ex-
périence et les actions somatiques, telles que l’EMDR et certaines approches
de la Thérapie Cognitivo-Comportementale (TCC). Pat Ogden a mis au point
l’approche sensorimotrice la plus complète et la plus théoriquement intégrée,
utile pour les thérapeutes traditionnels et corporels qui travaillent avec les
traumatismes complexes et la dissociation (la psychothérapie sensorimotrice ;
Ogden et al., 2006 ; Ogden et Fisher, 2015). Mais d’autres ont également
apporté d’importantes contributions aux interventions dans la pratique cli-
nique (Levine., 2008 ; Levine et Mate, 2010 ; Rothschild, 2000).
Les thérapeutes ont d’abord simplement besoin de devenir plus à l’aise en
remarquant leurs propres expériences somatiques. Ceci peut fournir une sorte
de carte intérieure pour comprendre et explorer les expériences somatiques
d’un patient. En effet, le corps du thérapeute est le lieu du contre-transfert et
de l’identification projective. Nous savons que des reviviscences se produisent
parce que nous sentons d’abord quelque chose de différent dans nos corps,
même si ce n’est qu’implicitement. Puis, le thérapeute peut s’exercer à rester
confortable tout en notant l’expérience du patient, et ensuite partager cette
prise de conscience avec lui, en suscitant la curiosité.
S’il est relativement simple de percevoir l’expérience somatique, le véri-
table défi est de savoir quoi en faire. Ci-dessous, nous énumérons plusieurs
possibilités, mais celles-ci sont loin d’être exhaustives.
• Explorer ce qui se passe après qu’une sensation ou un mouvement a été
identifié.
0 Et quand vous remarquez cela, que se passe-t-il ensuite ?
0 Donc vous voulez courir. Pouvez-vous faire des mouvements lents
avec vos jambes, comme courir au ralenti, et voir ce qui se passe ?
0 Et quand vous remarquez cette sensation, pouvez-vous aussi être
conscient de cette partie enfant de vous ? Que se passe-t-il avec
cette sensation maintenant ?

• Utiliser l’expérience somatique comme une ressource positive.


0 Remarquez la sensation dans votre corps lorsque vous vous sentez
connecté.
0 Remarquez ce que ça fait de s’asseoir droit et de mettre les épaules
plus en arrière. Pouvez-vous prendre une photo corporelle de cette
posture pour avoir ce sentiment à disposition quand vous en avez
besoin ?
0 Pouvez-vous partager ce sentiment avec d’autres parties de vous,
afin qu’elles puissent aussi avoir accès à cette ressource ?

Les principes de traitement 205


• Explorer les limites relationnelles et physiques.
0 (Après avoir soigneusement mis en place une expérience) Donc,
il suffit de noter ce qui se passe dans votre corps quand je déplace
cet oreiller vers vous. Remarquez comment chaque partie réagit.
Y a-t-il une partie parmi vous qui voudrait repousser l’oreiller ?
Qu’est-ce que ça fait ? Seriez-vous prêt à faire l’expérience de pous-
ser l’oreiller loin de vous ?

• Utiliser la conscience somatique comme outil de régulation.


0 Donc, cette sensation de froid dans le ventre que vous décrivez
semble indiquer que vous vous sentez vraiment seul, et d’habitude
vous le ressentez avant de vous blesser.
0 Réfléchissons sur ce que vous pouvez faire en dehors de vous bles-
ser vous-même quand vous remarquerez cette sensation de froid en
premier lieu.

• Réduire la phobie des parties dissociatives.


0 (Après beaucoup de psychoéducation) Quand vous pensez à cette
partie en colère ou en avez une image dans votre esprit, que se
passe-t-il ? Vous vous sentez tendu et craintif. Pouvez-vous ima-
giner que cette partie de vous essaie peut-être de vous protéger et
le fait depuis votre plus jeune âge ? Quand vous pensez à cela, que
remarquez-vous à l’intérieur (ou dans votre corps) ? Donc, votre
corps est plus détendu. Bien, il suffit de rester avec ça et de remar-
quer que lorsque vous réalisez que cette partie de vous essaie d’ai-
der, vous pouvez vous détendre un peu plus.

Le travail somatique peut être facilement associé à un travail d’imagination,


par exemple, en aidant le patient à avoir un ressenti corporel d’un espace sûr,
et non pas seulement une représentation visuelle de celui-ci. Dans plusieurs
chapitres, nous avons discuté de l’utilité d’aider les patients à se concentrer
sur leur expérience ressentie. Alors que le travail somatique n’est pas toujours
nécessaire pour chaque patient, il améliore vraiment le traitement et améliore
le set de compétences du thérapeute.

4. Utiliser le niveau de fonctionnement


dans la vie quotidienne comme un indicateur
majeur de progrès
Idéalement, les patients devraient se sentir mieux au début de la thérapie.
Cependant, puisque les patients dissociatifs ont évité la prise de conscience

206 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


de tant d’expériences douloureuses, il est probable qu’ils puissent éprouver
plus de sentiments négatifs à mesure qu’ils commencent à prendre davantage
conscience de leur vie. La réalisation doit bien sûr être adaptée au rythme du
patient pour que le patient ne décompense pas. Cependant, même quand ils
peuvent ressentir des émotions plus authentiques et douloureuses, ils peuvent
moins souffrir parce qu’ils apprennent à accepter et tolérer l’expérience inté-
rieure au lieu de l’éviter. En même temps, les patients peuvent avoir besoin
d’aide pour fonctionner plus efficacement dans la vie de tous les jours, même
s’ils continuent à lutter contre les émotions négatives. L’un des principaux
indicateurs de progrès est que le fonctionnement du patient dans la vie quo-
tidienne soit au moins maintenu, et avec un peu de chance, amélioré. Si le
fonctionnement du patient se détériore, le rythme et le travail de la thérapie
doivent être considérés comme une cause possible.

CONCEPT CLÉ

Le niveau général de fonctionnement du patient doit être maintenu ou amélioré par le


traitement, les régressions étant de courte durée. Si le patient a de plus en plus de diffi-
cultés à faire face à la vie quotidienne, l’intensité et le rythme de la thérapie doivent être
examinés en tant que motifs potentiels.

La thérapie est une question de qualité, pas de quantité. Le fait qu’un patient
apporte une rame de pages de journal intime à la séance ou plein de choses à
discuter, qu’il ait des émotions intenses, qu’il passe d’une partie à une autre
dans la séance, ou qu’il passe des heures par jour à dresser une cartographie des
parties en rédigeant des descriptions détaillées de toutes leurs préférences, ne
signifie pas qu’il évolue dans une direction positive en thérapie. La question
est de savoir si le travail avec ce matériel aide le patient à mieux fonctionner
dans le temps et contribue à une meilleure intégration interne. La capacité à
équilibrer une concentration tournée vers l’intérieur sur les émotions et les
expériences douloureuses tout en continuant à fonctionner dans la vie quoti-
dienne est important pour le fonctionnement à long terme.
Par exemple, lorsqu’un patient produit des centaines de pages de journal
intime chaque semaine, à quel prix ces écrits sont-ils produits, et qu’est-ce
qui est négligé dans la vie quotidienne ? Que se passe-t-il avec les enfants du
patient, son/sa partenaire, ses amis, son travail, ses études, ses tâches ménagères
et ses factures ? Quel est le but de l’écriture ? Est-ce peut-être d’éviter de s’oc-
cuper de la vie quotidienne qui est ressentie comme accablante ou ennuyeuse ?
Le patient ne se sent-il pas écouté et vu à moins que des quantités massives
d’informations ne soient données ? Le patient éprouve-t-il que le thérapeute
ne peut pas comprendre sans connaître tous les détails et toutes les nuances ?
L’écriture est-elle, en fait, une façon d’éviter d’accepter pleinement ce qui s’est
passé ? Le patient souffre-t-il d’un trouble obsessionnel compulsif et l’écriture

Les principes de traitement 207


est-elle un symptôme de ce problème particulier ? La fonction de l’écriture
devient le point à cibler, plutôt que le contenu de l’écriture.
Certains des meilleurs indicateurs de progrès sont souvent de petits change-
ments positifs dans la vie quotidienne. Par exemple, un patient peut appeler un
ami après des mois d’isolement, payer les factures à temps, se sentir en sécurité
quelques instants avec un partenaire, apprécier de passer du temps avec une
autre personne, aller voir un médecin après des années d’atermoiement ou
fonctionner mieux au travail parce que les parties sont plus coopératives.

5. Communiquer clairement et clarifier


ce que le patient veut dire
Le langage compte. Il peut être subjectif et vague, nous devons donc aider nos
patients à le clarifier selon le besoin et nous assurer que nous sommes égale-
ment clairs sur ce que nous voulons dire. Nous devrions être certains que nous
parlons tous les deux de la même chose essentiellement de la même façon. Par
exemple, lorsque des patients disent, je suis contrarié, les thérapeutes devraient
comprendre que ce qu’un patient en particulier veut dire, c’est qu’il est en
colère, pas anxieux ou triste. Que vivent réellement les patients lorsqu’ils
informent le thérapeute qu’ils sont « dissociés » ou « stressés » ? Que veut dire
cela quand ils rapportent qu’une visite en famille « s’est bien passée » ? Que
veulent dire les patients quand ils disent qu’ils « ont eu une mauvaise jour-
née » ? Que se passe-t-il à l’intérieur ? Quels sont leurs pensées, sentiments et
expériences somatiques ?

6. Établir et respecter de bonnes limites


et un cadre de traitement clair
Comme nous l’avons noté dans les chapitres précédents et dans chaque publi-
cation sur le traitement des ESPT complexes et des troubles dissociatifs, il
est essentiel de poser des limites cohérentes et claires avec les patients dont
les limites ont été terriblement violées et qui peuvent avoir peu de sens des
besoins et des limites des autres (p. ex, Chu, 2011 ; Courtois et Ford, 2012,
2013 ; ISSTD, 2011 ; Kluft et Fine, 1993 ; Van der Hart et al., 2006). Les
bonnes limites et le cadre de traitement réduisent également la possibilité pour
les thérapeutes de jouer leurs fantasmes de sauvetage ou d’être aspirés par le
patient d’une autre manière. Enfin, les limites protègent les thérapeutes en
veillant à ce que la thérapie soit contenue et n’empiète pas trop souvent sur
leur vie personnelle en dehors de la thérapie. Les limites spécifiques ont déjà
été abordées dans les chapitres 2 et 6.

208 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


CONCEPT CLÉ

Les limites sont essentielles. Alors qu’elles devraient être quelque peu flexibles, elles ne
devraient pas changer simplement parce qu’un patient veut ou exige quelque chose ou
parce que le thérapeute éprouve les choses de façon intense.

Une ligne directrice générale stipule que les limites doivent être mainte-
nues face à des désirs, exigences ou crises du patient dans le moment présent,
ainsi que lorsque le thérapeute a des sentiments intenses ou souhaite sauver le
patient ou l’éviter. Les limites devraient être relativement, mais peut-être pas
exactement, semblables pour tous les patients d’un thérapeute donné. Si un
thérapeute a des limites très différentes avec un seul patient (p. ex., se tenir
à des séances longues de façon constante, avoir des séances prolongées ou des
appels téléphoniques et des courriels fréquents, avoir des implications person-
nelles dans le travail ou la vie personnelle du patient), cela peut servir de signal
d’alarme indiquant que les questions de contre-transfert doivent être abordées
et que les frontières doivent être redéfinies. Rappelez-vous qu’il est beaucoup
plus douloureux et perturbant pour les patients lorsque les thérapeutes doivent
fixer des limites plus fermes après avoir été laxistes. C’est généralement perçu
comme un refus, une sanction et un rejet. Donc il est plus indiqué de commen-
cer par des limites plus fermes et parfois les assouplir selon le besoin.

7. Comprendre le rôle de l’hypnose, de la transe


et la logique de transe dans les parties dissociatives
Les thérapeutes doivent être conscients du fondement hypnotique sur lequel
les troubles dissociatifs se construisent. La plupart des patients atteints de
TDAS ou de TDI sont hautement hypnotisables, s’adonnant à l’auto-hypnose
spontanée (ISSTD, 2011 ; Dale, Berg, Elden, Ødegård et Holte, 2009 ; Janet,
1898/1911 ; Kluft, 1982, 1983, 1985b, 1988a, 1989, 1994b, 1994c, 1994d,
2012, 2013 ; Spiegel, 1990). De la fin du xixe siècle jusqu’à nos jours, les clini-
ciens ont reconnu le rôle central de l’hypnose et des techniques hypnotiques
dans le traitement des troubles dissociatifs. De nombreuses techniques utilisées
aujourd’hui ont leurs origines dans l’hypnose (Kluft, 2013) et dans la thérapie
des états du moi (Brown et Fromm, 1986 ; Phillips et Frederick, 1995 ; Watkins
et Watkins, 1991, 1997), qui est une approche hypnothérapeutique spéciale.
Par exemple, l’espace de sécurité, la table dissociative ou le lieu de réunion et
l’imagerie du confinement sont toutes issues des traditions d’hypnose clinique.
La transe hypnotique se produit régulièrement chez les patients dissociatifs.
Toutes les parties dissociatives sont caractérisées par un certain degré de logique
de transe. Ce terme, inventé par Orne (1959), indique un type particulier de

Les principes de traitement 209


pensée concrète souvent accompagné d’éléments fortement imaginatifs dans
lesquels il y a une diminution du jugement critique et une tolérance accrue à
une logique incongrue. Elle inhibe la capacité à réfléchir et à prendre du recul,
et elle implique la pensée très concrète et l’équivalence psychique (confusion
entre la pensée interne et la réalité extérieure). En transe, les patients disso-
ciés pensent plus facilement en termes d’images que de mots. Par exemple, un
patient peut dire, sans en percevoir toute l’incongruité, que sa mère vit dans sa
tête, ou qu’une partie est assise sur le canapé à côté d’elle, ou qu’il y a un couloir
intérieur avec beaucoup de portes, dont certaines sont fermées hermétique-
ment. Une partie « morte » peut parler avec le thérapeute, et une partie qui est
un « arbre » peut aussi avoir une conversation animée avec lui ou réconforter
une partie petit enfant. L’agresseur peut être vécu comme vivant à l’intérieur,
même si la personne est morte ou vieille et infirme. Une partie sourde sait ce
qui se dit en séance. Les patients peuvent voir leurs mains comme celles d’un
enfant en bas âge, ou une partie enfant peut voir les mains de l’adulte comme
ne lui appartenant pas. Une partie essaie de tuer le corps, pour qu’elle puisse
continuer à vivre sans irriter les autres parties. Les patients peuvent dire qu’ils
ne perdent pas de temps, mais donner de nombreux exemples d’importantes
pertes de temps sans explication.
Chacun de ces exemples indique la présence d’une transe hypnotique et
d’une logique de transe, dans laquelle la logique est suspendue et où certaines
informations saillantes ne sont pas remarquées, telles que le cerveau n’a pas de
couloirs, les mains ne changent pas de taille et il n’y a qu’un seul corps. Les
patients ne sentent pas que quelque chose cloche dans leurs perceptions.
Les patients dissociatifs sont plus souvent en transe qu’inversement, donc
le thérapeute qui a été formé à l’hypnose peut utiliser la transe pour améliorer
l’intégration (p. ex. Brown et Fromm, 1986 ; Fine, 1993, 1999 ; ISSTD, 2011 ;
Janet, 1898/1911 ; Kluft, 1982, 1983, 1983b, 1985b, 1988a, 1989, 1990a,
1990b, 1992a, 1992b, 1994b, 1996a, 2001, 2013 ; Phillips et Frederick, 1995 ;
Spiegel, 1990 ; Van der Hart, 1991). Cependant, le thérapeute doit aussi aider
le patient à sortir de la transe et vivre le plus possible dans le présent (Kluft,
2013). Les thérapeutes sont encouragés à apprendre l’hypnose classique, car
ils auront une plus grande compréhension du phénomène de l’hypnose chez
les patients dissociatifs et obtiendront de nombreux outils efficaces. Beaucoup
d’exemples de cas dans ce livre incluent le langage hypnotique du thérapeute.
Il y a quelques mises en garde concernant l’utilisation de l’hypnose avec
les survivants de traumatismes en général, en particulier autour de la récu-
pération de souvenirs dissociatifs (p. ex, Allen, 2001 ; Brown et al., 1998 ;
ISSTD, 2011 ; Kluft, 1996b). La transe peut accroître l’intensité émotionnelle
et estomper les frontières entre fantasmes et réalité. Ainsi, la véracité des sou-
venirs rappelés sous hypnose a été remise en question. Cependant, il y a des
exemples de souvenirs aussi bien exacts que faux qui ont été retrouvés grâce à

210 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


ces techniques. Toute mémoire est une représentation, pas une reconstitution
exacte des événements, qu’elle soit rappelée ou non sous hypnose. Et comme
l’a fait remarquer Allen, « un individu ayant une histoire complexe de maltrai-
tance infantile a des souvenirs de tous niveaux d’exactitude » (2001, p. 134).
Ce n’est pas la modalité de l’hypnose elle-même qui pose problème dans le trai-
tement des troubles dissociatifs mais plutôt son application par ceux qui ont
une compréhension insuffisante de la nature de la mémoire, des phénomènes
de transe et de la suggestibilité (ISSTD, 2011). Dans les mains d’un thérapeute
prudent et bien formé, l’hypnose est un merveilleux et puissant adjuvant dans
le traitement des troubles dissociatifs, et souvent sous-estimé.

8. Traiter toutes les parties dissociatives


de la même façon et comme des aspects
d’une seule personne
La littérature est unanime pour insister sur le fait que les thérapeutes voient
les parties dissociatives comme des aspects d’un seul individu et non comme
des entités distinctes. Même lorsque le patient ne partage pas ce point de
vue, l’expérience du thérapeute demeure celle-ci : « Même si je sais que tu
as l’expérience d’être très séparée, je te vois quand même comme une seule
personne. » Sinon, les thérapeutes peuvent être en collusion avec l’insis-
tance des patients à renier des aspects importants de leur expérience et se
concentrer sur la fascination pour les différentes parties plutôt que sur le vrai
travail thérapeutique.
Les thérapeutes sont également encouragés à traiter toutes les parties
avec le même degré d’acceptation et d’ouverture, n’en privilégiant pas une
par rapport à une autre (Chu, 2011 ; Kluft, 1993a ; Kluft et Foote, 1999 ;
Van der Hart et al., 2006). En général, il est facile d’aimer certains aspects
d’une personne et pas d’autres. Par exemple, nous apprécions l’humour d’un
collègue mais n’aimons pas ses comportements de contrôle et de réprobation
quand il est stressé. Dans les troubles dissociatifs complexes, cette tendance
est amplifiée, en partie par les patients qui désavouent des aspects du soi qui
ne sont pas acceptables et qui font de leur mieux pour garder ces parties hors
de la thérapie, de sorte que le thérapeute ne peut même pas y accéder. Le
thérapeute est implicitement orienté pour ne pas remarquer certaines parties
du patient ou pour être, à l’instar du patient, extrêmement craintif ou révolté
par elles. Si le thérapeute trouve certaines parties charmantes ou répulsives,
les chances de traiter ces parties autrement augmentent. Il faudrait plutôt
reconnaître et explorer ces réactions comme étant des informations impor-
tantes sur l’organisation intrapsychique du patient et sur ses façons d’être en
relation.

Les principes de traitement 211


9. Ne jamais essayer de « vous débarrasser »
de parties dissociatives
Les parties dissociatives ne sont pas des entités qui peuvent être tuées ou exi-
lées de l’existence. Elles peuvent être transformées et intégrées, mais elles ne
peuvent pas être simplement ignorées ou s’entendre dire qu’elle doivent partir
parce qu’elles posent un problème.
Bien sûr, les patients aimeraient que ce soit aussi facile, et ils pourraient
tenter de convaincre les thérapeutes d’essayer faute de mieux. Mais les parties
reniées doivent être acceptées et modifiées. L’objectif à long terme est donc
d’aider toutes les parties du patient à comprendre et accepter chaque partie,
même si certains comportements ne sont pas acceptables. De cette façon,
chaque partie commence à avoir plus en commun avec les autres, partageant
des habiletés, des émotions et des croyances similaires, jusqu’au point où il
n’est plus nécessaire que les parties soient séparées. Après tout, un sain déve-
loppement de soi implique d’être créatif, adaptable et suffisamment flexible
afin de pouvoir faire face à tout ce qui arrive.

CONCEPT CLÉ

L’un des objectifs à long terme du traitement consiste à aider les patients à accepter avec
compassion toutes les parties d’eux-mêmes, et à distinguer la désapprobation de compor-
tements de la désapprobation de parties de soi.

10. Surveiller et gérer en permanence le transfert


et le contre-transfert
Comme nous l’avons noté dans les chapitres précédents et comme nous conti-
nuerons d’y insister tout au long de ce livre, les réactions des thérapeutes aux
patients sont essentielles à comprendre. Si les thérapeutes ne sont pas très
attentifs, ils manqueront des échanges riches de possibilités d’intervention et
de changement. Prendre conscience du contre-transfert, en discuter honnê-
tement avec ses collègues, superviseurs ou consultants et réfléchir sur soi de
manière régulière sont des composantes nécessaires du traitement.

11. Quand le thérapeute devient défensif ou commet


une erreur : la réparation avec le patient
Chaque thérapeute aura des réactions contre-transférentielles, sera sur la défen-
sive, ou se comportera d’une manière ou d’une autre de façon inadéquate avec

212 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


chaque patient. Ceci peut être prédit au début du traitement pour les patients en
disant quelque chose comme : « Si je fais une erreur ou vous comprends mal, quelle
serait la meilleure façon pour nous de gérer cela ensemble ? » Cela pose l’huma-
nisme, l’humilité et la volonté de réparer comme modèle dès le début de la théra-
pie. Comme nous l’avons vu au chapitre 4, la réparation est essentielle à la santé
des relations en général, et particulièrement à la santé de la relation thérapeutique.
Il est de la responsabilité des thérapeutes de s’ancrer, d’être clair et d’aller vers le
patient pour réparer le malentendu, le mauvais accordage ou la blessure.

CONCEPT CLÉ

Les thérapeutes doivent apprendre à réparer les ruptures relationnelles avec humilité, et
ce même quand ils n’ont rien fait de mal.

12. Voir la résistance comme une protection


Une des approches les plus utiles dans le traitement des patients avec des trau-
matismes complexes est d’avoir une vision compassionnelle et pragmatique de ce
que la littérature appelle la résistance. C’est le manque de volonté apparente du
patient, par exemple, à ressentir, à se souvenir, à pratiquer une aptitude, à com-
muniquer avec une partie dissociative, à mettre fin au comportement d’automu-
tilation, ou à collaborer comme partie de l’équipe de traitement. Notre tâche est
de comprendre la fonction de la résistance comme une protection contre quelque
chose que le patient n’est pas encore capable ou prêt à expérimenter (Messer,
2002). Ces actions sont des tentatives pour résoudre un problème. Même si elles
sont efficaces (p. ex., pour aider un patient à éviter quelque chose d’intolérable),
le prix à payer est important. Lorsque les thérapeutes s’approchent de la résis-
tance indirectement en étant curieux de sa fonction protectrice, ils aident déjà le
patient à avoir une conversation différente sur le changement. De cette manière,
les thérapeutes peuvent se sortir d’une éventuelle lutte de pouvoir, qu’ils per-
draient toujours de toute façon. Les thérapeutes peuvent ainsi rendre au patient
la possibilité de faire de plus petits pas vers un but au lieu de continuer à entre-
tenir la résistance. De nombreuses façons de reconnaître et travailler avec la
résistance sont abordées dans les chapitres 11 et 12.

13. Explorations supplémentaires


1. Quels sont les principes qui guident actuellement votre traitement des
patients ? Est-ce qu’un des principes discutés dans ce chapitre vous sur-
prend ? Êtes-vous en désaccord avec l’un d’entre eux ou en avez-vous
d’autres que vous pourriez ajouter ?

Les principes de traitement 213


2. Prenez un de vos cas actuels et examinez-le pour voir si vous appliquez
les principes de traitement.
3. Décomposez de grands objectifs en plus petites étapes pour un patient.
Essayez, par exemple, d’énumérer les étapes de l’apprentissage de la
régulation des émotions ou de la communication avec une partie disso-
ciative. Avec quelles étapes voudriez-vous commencer ? Si vous éprou-
vez des difficultés, demandez à vos collègues de vous aider.

214 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


cHAPITRE 9
Le traitement orienté
par phases : un aperçu

Le traitement orienté par phases peut être plutôt facile pour les
cas relativement simples de traumatisation. Cependant, il peut
être bien plus complexe, comporter plus de modifications parmi
les phases, et doit, dès lors, rencontrer des problèmes chroniques
à multiples facettes.
Onno van der Hart, Ellert Nijenhuis
et Kathy Steele (2006, p. 15)

Le standard de soins pour le traitement des troubles dissociatifs est un trai-


tement tripartite orienté par phases (p. ex., Brown et al., 1998 ; Chu, 2011 ;
Courtois et Ford, 2013 ; Herman, 1997 ; Howell, 2011 ; ISSTD, 2011 ;
Loewenstein et Welzant, 2010 ; Van der Hart et al., 2006). Il a été démon-
tré que cette approche diminue la dissociation et d’autres symptômes (Brand
et Loewenstein, 2014). La thérapie commence par la stabilisation, ensuite le
traitement des mémoires traumatiques et enfin l’intégration des parties disso-
ciatives et l’abord de questions thérapeutiques plus classiques. Presque tous les
patients ont besoin de commencer à développer au moins quelques compé-
tences émotionnelles supplémentaires et pour certains la phase 1 peut être pro-
longée. Le traitement par phases n’est, en fait, pas linéaire. Il est plutôt récursif,
retournant à des problèmes vus antérieurement en fonction des besoins du
patient. Par exemple, lorsque le patient travaille dans la phase 2 sur l’intégra-
tion des mémoires traumatiques, il peut être utile de reprendre de temps en
temps le travail de stabilisation. Il n’est pas rare que les patients qui sont en

Le traitement orienté par phases : un aperçu 215


phase 3 aient besoin de faire marche arrière pour intégrer d’autres mémoires
traumatiques, un objectif de la phase 2. Du moment que les principes de base et
les objectifs de traitement restent le point central, les thérapeutes devraient se
montrer flexibles en fonction des besoins du patient en l’aidant en particulier
à rester dans une fenêtre de tolérance.

CONCEPT CLÉ

Le traitement des patients souffrant d’un trouble dissociatif est échelonné afin d’aider à
développer les capacités cognitives, émotionnelles, somatiques et relationnelles néces-
saires au début du traitement.

Le traitement de la plupart des patients avec un trouble dissociatif com-


plexe n’est pas sans difficultés, et ce même lorsqu’il suit une voie relativement
régulière. Les thérapeutes seront normalement confrontés à la résistance, la
rage, la honte intense, l’impuissance, la vulnérabilité, les envies suicidaires et
d’autres comportements autodestructeurs. Par conséquent, un scénario « nor-
mal » de thérapie est un bon point de départ pour conceptualiser les questions
de traitement plus complexes et sert de balise pour aider les thérapeutes à recti-
fier le cours de la thérapie lorsqu’ils sont coincés ou perplexes face à un patient.

1. Phase 1 : Sécurité, stabilisation, réduction


des symptômes et acquisition de compétences
Le traitement des patients présentant un trouble de stress post-traumatique
complexe ou des troubles dissociatifs commence avec la création de la sécurité,
le renforcement des compétences, la construction de la relation avec le théra-
peute et d’autres personnes de confiance et la réduction des symptômes (p. ex.,
Boon et al., 2011 ; Brown et al., 1998 ; Courtois, 2008 ; Courtois et Ford,
2012 ; Herman, 1997 ; Howell, 2011 ; Kluft et Fine, 1993 ; Van der Hart et
al., 2006). C’est assez différent du traitement de première ligne de l’ESPT, qui
implique généralement un certain type d’exposition à des mémoires trauma-
tiques et la prévention des rechutes (Foa, Keane, Friedman et Cohen, 2009).
En phase 1, les mémoires traumatiques sont principalement et dans la mesure
du possible contenues jusqu’à ce que le patient puisse développer sa capacité
à rester dans une fenêtre de tolérance émotionnelle. Bien que les patients
puissent certainement et dans une certaine mesure parler de ce qui leur est
arrivé, le thérapeute n’encourage généralement pas le partage de détails afin
que les patients ne soient pas déclenchés. Une métaphore possible à offrir au
patient est l’idée de se préparer à un événement sportif : vous devez être en
condition pour réussir, la pratique et la préparation sont donc importantes.

216 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Les patients doivent pratiquer les compétences pour réguler l’excitation avant
d’aborder directement les souvenirs et afin de maximiser les chances de succès.
Dans cette première phase, une approche relationnelle prend en compte le fait
que les patients chroniquement traumatisés ont été blessés dans l’arène de l’at-
tachement. Cela implique donc que la sécurité devrait précéder l’attachement,
et que la réparation relationnelle consistante est une composante essentielle
du traitement (Brown et al., 1998 ; Chu, 2011 ; Courtois, 2008 ; Courtois et
Ford, 2012 ; Gué, Courtois, Steele, Van der Hart et Nijenhuis, 2005 ; Howell,
2011 ; Loewenstein et Welzant, 2010 ; Schore, 2012 ; Siegel, 2010b).

CONCEPT CLÉ

La première phase du traitement implique la création d’une sécurité interne et externe,


la réduction des symptômes, la stabilisation du fonctionnement dans la vie quotidienne,
le travail initial sur la création d’une alliance thérapeutique, les prémices d’un travail
efficace avec des parties dissociatives, et la contenance du débordement des souvenirs
traumatiques.

Le tableau 9.1 donne un aperçu des objectifs de la phase 1.

• Procéder à des évaluations initiales et continues.


• Développer la formulation de cas et la planification du traitement.
• Définir un cadre de traitement et des limites claires.
• Développer un protocole de crise.
• Répondre aux craintes initiales au sujet de la thérapie.
• Développer un contact sûr avec le thérapeute.
• Développer une relation de travail collaborative.
• Offrir des références pour les médicaments, l’évaluation physique et les soins.
• Partager le diagnostic avec le patient, si utile.
• Maintenir la thérapie dans une fenêtre de tolérance émotionnelle.
• Fournir une psychoéducation sur les traumatismes, la dissociation, les limites du
traitement, le besoin de compétences émotionnelles et sur la relation thérapeutique.
• Aider les patients à établir une sécurité externe et interne.
• Sensibiliser aux précurseurs somatiques de la dérégulation.
• Enseigner les ressources somatiques à réguler.
• Réduire les symptômes (dépression, anxiété, dissociation, symptômes d’ESPT, abus
de substances, troubles de l’alimentation, psychose, etc.).
• Soutenir les patients dans le maintien et l’amélioration du fonctionnement dans la
vie quotidienne.
• Aider les patients à acquérir des compétences de stabilisation : ressources pour la
régulation et le fonctionnement de la vie quotidienne (voir le tableau 9.2).
• Se coordonner avec les autres membres de l’équipe de traitement et la famille, le
cas échéant.
• Contenir les souvenirs traumatiques dans la mesure du possible.

Le traitement orienté par phases : un aperçu 217


• Aider les patients à accepter et explorer les fonctions des parties dissociatives.
• Soutenir la communication, la compassion et la collaboration entre les parties disso-
ciatives d’une façon tolérée par le patient.
• Faire des relais pour une thérapie avec des partenaires et des enfants ou un traitement
d’appoint si requis.

TABLEAU 9.1
Phase 1 Objectifs de traitement

Les compétences de stabilisation comprennent entre autres, la façon d’éta-


blir et maintenir la sécurité interne et externe, l’utilisation efficace de com-
pétences personnelles et relationnelles ainsi que la régulation, la réflexion sur
l’expérience, l’utilisation plus judicieuse de l’énergie et, enfin, l’acceptation et le
travail avec les parties dissociatives. Toutes ces compétences, ont été largement
décrites ailleurs (Boon et al., 2011 ; Cloitre, Cohen et Koenen, 2006 ; Cloitre,
Koenen, Cohen et Han, 2002 ; Courtois, 2008 ; Courtois et Ford, 2012 ; Ford
et al., 2005 ; Howell, 2011 ; Kluft, 1993a ; Steele et al., 2005 ; Van der Hart et
al., 2006). Les compétences de stabilisation sont énumérées dans le tableau 9.2.

• Surmonter le stigmate d’avoir besoin d’aide et de thérapie.


• Établir et maintenir la sécurité interne et externe.
• Réduire la crise et le chaos.
• Améliorer les capacités de régulation personnelle et relationnelle.
• Profiter d’expériences et d’émotions positives dans le présent.
• Apprendre à être plus conscient et présent.
• Identifier, tolérer et réguler les émotions.
• Tolérer les angoisses normales de la vie quotidienne.
• Accepter et travailler efficacement avec les parties dissociatives.
• Affronter et surmonter progressivement la phobie des expériences intérieures.
• Développer et accroître l’usage de la réflexion et de la mentalisation.
• Améliorer les compétences de la vie quotidienne.
0 Apprendre des routines d’alimentation et de sommeil adéquates.
0 Équilibrer entre loisirs, repos et travail.
0 Gérer les finances, les responsabilités parentales, entretenir un ménage, etc.
• Améliorer les compétences relationnelles, y compris l’affirmation de soi et poser des
limites relationnelles.
• Améliorer les fonctions exécutives.
0 Maintenir l’attention et la concentration, la planification, l’organisation, l’établisse-
ment des priorités, la gestion du temps.
0 Améliorer les capacités de résolution de problèmes et de prise de décision.
0 Maintenir la concentration si nécessaire et changer l’orientation de l’attention au
besoin.
• Assumer la responsabilité des comportements et du traitement.
• Améliorer le fait de prendre physiquement soin de soi.

218 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


• Améliorer la prise de conscience somatique et apprendre à utiliser les signaux et les
ressources somatiques.
• Augmenter la compassion pour soi et les autres.
• Contenir les souvenirs traumatiques.
• Réduire le switching entre les parties dissociatives.
• Apprendre comment être vulnérable en toute sécurité dans la relation thérapeutique.
• Reconnaître la différence entre la « réalité » interne (rêves, émotions, activités des
parties dissociatives, etc.) et la réalité externe (l’équivalence psychique).
• Apprendre à donner un sens adaptatif à partir de l’expérience.

TABLEAU 9.2
Compétences de stabilisation pour les patients

1.1. Gérer et travailler avec des souvenirs


traumatiques en phase 1
De nombreux problèmes de patients dissociatifs ont des origines traumatiques
sous-jacentes. Ainsi, les thérapeutes croient souvent à l’instar du traitement
de l’ESPT qu’il est logique de résoudre les souvenirs traumatiques en premier
lieu et que tout le reste suivra. Cependant, les traitements d’exposition pour
l’ESPT ne sont pas complètement efficaces pour les effets à long terme et
envahissants d’un traumatisme développemental complexe. Puisqu’une consé-
quence majeure du traumatisme chronique est une capacité d’intégration défi-
ciente, les patients en début de thérapie n’ont souvent pas encore les bases
pour tolérer l’exposition à la mémoire traumatique (Boon et al., 2011 ; Gold,
2000 ; Kluft, 2013 ; Steele et al., 2005 ; Van der Hart et al., 2006). En outre,
nombre des problèmes des patients dissociatifs sont développementaux, c’est-
à-dire qu’ils manquent des capacités apprises au cours d’un développement
normal. Aucun travail sur les souvenirs traumatiques ne fournira ces capacités.

CONCEPT CLÉ

Un principe directeur est d’empêcher une nouvelle réactivation des mémoires trauma-
tiques dans la phase 1 tout en écoutant avec compassion le patient et en maintenant le
traitement dans la fenêtre de tolérance.

De nombreux patients présentent soit une aversion complète pour les sou-
venirs traumatiques, soit une poussée agressive à parler d’eux qui dépasse les
craintes et les préoccupations de certaines parties dissociatives d’eux-mêmes.
En phase 1, le thérapeute doit être conscient de ce conflit intérieur et s’assurer
que ce souvenir soit pleinement évoqué pour que la thérapie ne soit ni trop
stagnante ni trop rapide (Van der Hart et Steele, 1999).

Le traitement orienté par phases : un aperçu 219


Le fait que les compétences et les capacités de développement doivent
être prises en compte dans la première phase du traitement ne signifie pas
que les souvenirs traumatiques ne sont jamais abordés pendant ce temps. Les
soins axés sur les traumatismes comprennent une reconnaissance régulière des
effets du traumatisme. Cependant, cela n’implique pas que le patient devrait
partager les détails au point d’être débordé au début du traitement. Le but
de la phase 1 est principalement d’aider les patients à apprendre à se réguler
et cela comprend la régulation par rapport aux souvenirs traumatiques. Les
patients pourraient ainsi créer une métaphore de ce qui s’est passé, comme « la
boîte noire attachée avec un joli ruban », ou « l’événement », ou « la chambre
bleue ». Ces représentations fournissent simultanément distance et reconnais-
sance, dans le but de contenir un traitement complet des mémoires jusqu’au
moment où le patient et le thérapeute s’entendent pour dire que le moment est
venu. Le patient peut déjà essayer l’imagerie de confinement pour les souvenirs
de traumatismes en phase 1, dont certains exemples sont donnés ci-dessous.
La reconnaissance des souvenirs traumatiques dans la phase 1 et les explora-
tions sur la façon dont ils affectent le patient dans le présent fournissent déjà
quelques premières étapes vers l’intégration.
Certains patients peuvent être en mesure de s’engager dans un travail sur le
souvenir traumatique soigneusement ajusté, c’est-à-dire, par très petits paliers,
s’ils ont assez de capacités intégratives (voir chapitre 5). Cependant, presque
tous les patients dissociatifs ont besoin d’apprendre des stratégies de conte-
nance et des habiletés de régulation émotionnelle (p. ex., Boon et al., 2011 ;
Brown et Fromm, 1986 ; Chu, 2011 ; Howell, 2011 ; ISSTD, 2011 ; Kluft,
1982, 2013 ; Van der Hart et al., 2006).

CONCEPT CLÉ

Les patients peuvent présenter un déni complet des événements traumatisants, un évi-
tement phobique extrême ou une tendance à parler immédiatement de chaque détail. Le
thérapeute doit être conscient que le patient est habituellement aux prises avec des
conflits intenses entre les parties dissociatives à propos de la façon de faire face aux trau-
matismes. Souvent, ce qu’il présente au thérapeute n’est qu’un côté du conflit entre sa-
voir et ne pas savoir. Ce conflit lui-même doit être traité de façon adaptée au rythme du
patient.

Pour les patients qui tendent à aller de l’avant sans régulation, le thérapeute
pourrait recommander doucement de ne pas encore aborder de détails, mais
d’en parler en termes plus généraux. Les thérapeutes devraient être prudents et
transmettre que les raisons ne sont pas qu’ils ne veulent pas en entendre par-
ler, mais plutôt que le patient dans son ensemble doit trouver le bon moment
et le bon rythme. Le thérapeute pourrait demander au patient : « Comment
saurais-tu que ton partage avec moi est trop important en ce moment ? » Beau-

220 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


coup de patients ne sont pas en mesure de donner une réponse, ce qui indique
qu’ils sont encore incapables de reconnaître leurs propres signaux somatiques
de détresse. En fait, certains patients sont tellement engourdis et dépersonna-
lisés qu’ils peuvent raconter leur traumatisme sans émotion. Le thérapeute doit
se méfier car cela n’indique pas la présence d’intégration et de régulation, mais
plutôt celle de dissociation et de sous-activation.

1.2. Contenir des flash-back


Avant que le traitement de la mémoire traumatique ne soit efficace, le
patient doit être capable de contenir les flash-back, au moins dans une
certaine mesure. Ce type de contenance démontre que le patient possède
certaines compétences de régulation nécessaires pour l’intégration de la
mémoire traumatique. Presque tous les patients dissociatifs font l’expérience
d’une certaine forme de flash-back. Ce sont des reviviscences somato-senso-
rielles réactivées qui impliquent tout ou partie des composantes d’un souve-
nir traumatique.

CONCEPT CLÉ

Les flash-back doivent être contenus et le patient doit être ancré dans le présent. Ce sont
des expériences qui débordent le psychisme et dans lesquelles le patient est en dehors de
la fenêtre de tolérance. Elles ne constituent donc pas un bon point de départ pour travail-
ler sur un souvenir traumatique.

Les flash-back sont des expériences terrifiantes, qui constituent des frag-
ments d’un tout et sont bouleversantes. Souvent, les patients ne sont pas très
présents ou en mesure d’être pleinement au courant de ce qui se passe. La
capacité d’intégration pendant les flash-back est faible et les patients sont hors
de leur fenêtre de tolérance. Ainsi, ce n’est pas le moment de travailler sur la
mémoire traumatique, même si le souvenir s’est présenté. Au lieu de cela, le
thérapeute devrait aider les patients à contenir la mémoire et à se réorienter
vers le présent. Si le patient n’est pas assez stable, le travail de confinement
devra se poursuivre au fil du temps. Une fois le patient prêt, ancré et orienté
vers le présent, et s’il dispose de suffisamment de temps dans la séance, le thé-
rapeute peut le préparer pour un segment spécifique du travail.
La présence de parties dissociatives ajoute une complexité supplémentaire
à la gestion des flash-back. Parfois, la partie adulte du patient qui se présente
rapporte la grande détresse d’autres parties qui ont des flash-back dont la par-
tie adulte ne fait pas l’expérience, ou la partie adulte peut avoir un vague
sentiment de détresse ou de malaise. Ainsi, le thérapeute doit travailler avec
les parties spécifiques impliquées dans le flash-back. Les patients ont parfois

Le traitement orienté par phases : un aperçu 221


l’expérience d’une partie imitant l’auteur qui évoque intentionnellement des
flash-back comme punition, peut-être pour rappeler qu’il ne faut rien raconter
ou comme moyen de contrôler d’autres parties par la peur. Dans ces cas le
thérapeute doit travailler directement avec la partie imitant l’agresseur afin
d’explorer les raisons des flash-back et trouver des moyens coopératifs de les
arrêter (voir chapitre 17).
Le tableau 9.3 donne un petit échantillon des façons d’aider les patients à
s’ancrer, s’orienter et contenir lors d’un flash-back.

• Agissez calmement, même si vous, le thérapeute, ne vous sentez pas calme. Les
flash-back et les épisodes dissociatifs sont habituels pour les survivants de trauma-
tismes. Ils sont intenses, mais sont habituellement limités.
• Ne touchez pas le patient sans sa permission (toujours demander d’abord). Un tou-
cher inattendu pendant un flash-back peut être perçu comme dangereux, même
lorsque le thérapeute essaye de réconforter ou d’ancrer le patient.
• Parlez lentement et calmement, utilisez quelques mots simples et répétez-les, par
exemple : « Vous êtes en lieu sûr. Vous avez un flash-back. Même si vous ressentez
les choses intensément, tout ici et maintenant est comme il se doit. Vous êtes dans
mon bureau et vous êtes en sécurité. »
• Lors des flash-back, les patients ferment souvent les yeux. Demandez-leur d’ouvrir
les yeux et de regarder autour d’eux, en nommant trois ou quatre choses qui leur
rappellent qu’ils sont dans le présent. (p. ex. le canapé, l’horloge, le tableau sur le
mur, la chaise).
• Encouragez toutes les parties à regarder à travers les yeux de l’adulte et à écouter
avec les oreilles de l’adulte afin que toutes les parties du patient puissent voir où
elles se trouvent, entendre le son de la voix du thérapeute et savoir qu’elles sont ici
et qu’elles sont en sécurité.
• Aidez le patient à utiliser l’ancrage par la perception : « Nommez trois choses dans
la pièce que vous voyez, que vous entendez, que vous ressentez (touchez) ; et nom-
mez une ou deux choses que vous sentez. » (Le thérapeute peut conserver des
éléments agréables mais à l’odeur intense dans le bureau comme de la menthe
poivrée, des agrumes ou de la cannelle.)
• Demandez au patient de bouger : s’étirer, se lever et marcher ou changer de position.
• Aidez le patient à utiliser la respiration relaxante ou la relaxation musculaire progres-
sive.
• Demandez si les parties à l’intérieur peuvent aider à contenir le flash-back et aider
à calmer et ancrer les parties qui sont déclenchées.
• Utilisez le son de votre voix : « Que toutes les parties écoutent le son de ma voix.
Ma voix vous rappelle que vous êtes ici et maintenant, parce que je suis ici, pas
là. Vous êtes ici avec moi, et vous pouvez entendre ma voix. Ici. Maintenant. Comme
les miettes de pain qui montrent la piste, suivez mes paroles jusqu’à ici et main-
tenant. »
• Ne posez pas de questions sur ce dont le patient se souvient. Cela ne peut servir
qu’à augmenter le flash-back, car cela permet au patient de rester concentré sur le
contenu.

222 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


• Rappelez avec compassion au patient que quand on se souvient il est très important
d’être dans un lieu sûr avec de l’aide et une préparation adéquate.
• Aidez le patient à contenir la mémoire, peut-être en utilisant l’imagination. Les images
pour contenir, comme les coffres-forts de banque, les bahuts, les bacs de rangement,
les boîtes, les pots, les placards ou les métaphores informatiques telles que le stoc-
kage de souvenirs dans le cloud, sur un disque, ou dans un dossier crypté peuvent
être utiles. Ces images devraient provenir du patient lui-même dans la mesure du
possible.
• Assurez-vous que le patient est orienté et ancré avant de quitter la séance. Parfois,
il faut quelques minutes pour qu’une personne redevienne complètement orientée.
Et il existe une tendance à se re-dissocier, de sorte que le thérapeute devrait conti-
nuer à interagir jusqu’ à ce que la personne soit pleinement consciente. Kluft (2013)
a souligné que les patients peuvent encore être en transe même s’ils semblent rela-
tivement ancrés et présents.

TABLEAU 9.3
Comment contenir les flash-back

Lorsque les patients se dérégulent parce qu’ils expriment quelque chose au


début de la thérapie concernant les souvenirs traumatiques, une excellente
occasion se présente pour aider le patient à mieux faire avec les symptômes
somatiques de la détresse et la régulation. Le thérapeute peut également
demander s’il y a d’autres parties du patient qui peuvent ne pas être prêtes
à parler en aidant doucement le patient à mieux réaliser le conflit intérieur
entre savoir et ne pas savoir. Les corrélats somatiques de la connaissance et
de l’ignorance peuvent être utiles dans le travail sur ce conflit. Par exemple,
le thérapeute pourrait demander : « Que se passe-t-il à l’intérieur quand vous
pensez à “savoir ce qui s’est passé” ou “c’est vrai” ? Et que se passe-t-il quand
on pense à “ne pas savoir” ou “pas vrai” ? Que se passe-t-il dans votre corps
lorsque vous ressentez ce conflit ? Pouvez-vous imaginer qu’il puisse y avoir une
place intermédiaire pour le moment, un lieu d’acceptation à la fois de savoir
et de ne pas savoir, de vrai et de faux, un endroit où vous n’avez pas besoin de
décider pour le moment ? Qu’est-ce que cela fait dans votre corps ? Essayons de
trouver cet endroit et de l’utiliser comme une ressource pour vous. Vous avez
amplement le temps de régler ces dilemmes. »

CONCEPT CLÉ

Les patients ont généralement de forts conflits internes parmi les parties dissociatives
entre savoir et ne pas savoir, dire et ne pas dire. Il est essentiel de les reconnaître et de les
résoudre.

Le traitement orienté par phases : un aperçu 223


&YFNQMFEFDBTEVOUSBWBJMBWFDVOTPVWFOJSUSBVNBUJRVF
EBOTMBQIBTF.ÏHBOF

Mégane était une patiente de 52 ans souffrant de dépression majeure et de TDAS. Elle
avait grandi avec un frère extrêmement violent, atteint d’une grave maladie mentale.
Bien que Mégane ait vu un psychiatre pendant une douzaine d’années, elle n’avait
jamais parlé de ce qui s’était passé autrement qu’en reconnaissant que cela avait été
difficile. Elle faisait remarquer à son thérapeute actuel que ses parents n’avaient fait
aucun effort pour faire soigner son frère, essayant de le gérer à la maison. Quand son
frère faisait du mal à Mégane, ses parents la blâmaient et lui demandaient : « Qu’as-tu
fait pour le contrarier ? » Mégane ne partageait que quelques détails sur ces faits à ce
point de son traitement car elle était bouleversée à chaque fois qu’elle le faisait. Elle
laissait également entendre qu’elle avait peut-être été victime d’abus sexuel de la part
de son frère, mais qu’elle « ne voulait pas savoir » si c’était vrai. Le thérapeute comprit
qu’il ne fallait pas pousser Mégane à se confronter aux souvenirs traumatisants sans
davantage d’exploration de son évitement et une période de renforcement de ses
compétences de régulation. Le thérapeute offrit donc plutôt un peu d’enseignement
sur la violence familiale et la violence conjugale et sur la façon dont les victimes croient
souvent qu’elles sont à blâmer pour se sentir davantage dans le contrôle de la situation,
ce que Mégane ignorait. Dans les trois premières séances, Mégane commença à se
rendre compte qu’elle n’était pas à blâmer et s’en trouva fort soulagée.

1.3. Construire graduellement une vie meilleure


Si le patient n’est pas actif dans la création, ou le maintien, d’une vie meil-
leure dans le présent, aussi lente soit-elle, la thérapie est en voie d’échec. Le
fonctionnement global ne peut pas être abandonné afin d’investir de l’énergie
dans un travail intérieur. Des régressions temporaires et à court terme peuvent
bien entendu se produire. Celles-ci devraient, dans la mesure du possible, être
réduites et soigneusement planifiées. Un patient par exemple prévoyait de
prendre quatre semaines de congé pour traiter certains souvenirs traumatiques
spécifiques et difficiles. Le thérapeute l’aida à prendre son rythme pendant
cette période, ainsi il fut prêt à retourner au travail et capable de mieux fonc-
tionner qu’avant.
Beaucoup de patients viennent en thérapie avec l’idée que s’ils peuvent
« oublier » leur enfance et « sortir le traumatisme », ils auront une vie meil-
leure. Ainsi, certains laissent leur vie quotidienne pratiquement à l’abandon
et sautent la tête la première dans leur monde intérieur. D’autres sont si dépri-
més ou débordés qu’ils trouvent l’idée de faire face à la vie inintéressante et
épuisante. Mais en réalité, nos patients ont besoin d’une vie meilleure, c’est ce
qui fait qu’il vaut la peine pour eux d’être dans le présent et de s’engager dans
le dur labeur de la thérapie. Une vie vécue le plus pleinement possible devrait
être le but ultime de la thérapie. Sinon, quand les patients peuvent enfin être
présents, ils ne trouvent que vide et désespoir. C’est de sortir dans le monde,

224 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


en relation avec les autres et pas seulement en se cachant sous les ailes du
thérapeute toujours bienveillant et chaleureux, et en prenant le contrôle de ce
qu’ils peuvent dans leur vie qui aide les patients à développer un sentiment de
compétence et de confiance.
Comme le disait un patient : « Je me rends compte que je dois prendre ma
vie en main, parce que j’en ai vraiment marre de passer tout mon temps à vivre
comme si j’étais encore dans le passé. » L’amélioration de la vie implique un
effort constant, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. La thérapie doit donc aider
les patients non seulement à explorer leur monde intérieur et surmonter leur
passé mais aussi à améliorer leur qualité de vie maintenant. Cela implique
un équilibre complexe pour être présent avec une concentration intérieure et
extérieure ou au moins avec la capacité d’alterner efficacement les deux.
De nombreux patients continuent bien sûr à éprouver de graves difficultés
dans le présent, soit à cause de l’inexorable érosion du fonctionnement au fil
du temps ou par de terribles circonstances de vie hors de leur contrôle. Les
thérapeutes ne peuvent pas toujours dire honnêtement à leurs patients que
leur vie est bonne ou même meilleure dans le présent ; parfois, ce n’est tout
simplement pas vrai. Par exemple, comme les traumatismes chroniques ont un
impact sur le corps, certains patients plus âgés constatent que leur condition
physique est sérieusement limitée et affecte leur qualité de vie (p. ex., Fisher
et Gunnar, 2010). D’autres se retrouvent à un âge plus avancé sans partenaire
ou enfants, seuls au moment où ils ont le plus besoin d’être en lien. Certains
d’entre eux ont connu tellement de difficultés et de pertes qu’ils n’ont que peu
de résilience pour faire face aux petites indignités de la vie et encore moins aux
coups majeurs qui surviennent. Mais les thérapeutes ne peuvent qu’aider leurs
patients à jouer les cartes qu’ils ont en main du mieux qu’ils peuvent et être
proactifs pour changer leur vie au mieux lorsque l’occasion se présente, même
si c’est à petite échelle.

1.4. Le rôle central des phobies liées aux traumatismes


dans le traitement orienté par phases
Une façon d’organiser la thérapie des patients dissociatifs, au moins en partie,
est d’aborder les phobies liées aux traumatismes à travers les différentes phases
du traitement (Steele et al., 2005 ; Van der Hart et al., 2006). L’évitement et
l’absence de réalisation doivent être continuellement évalués et abordés dans
les limites tolérées par le patient. Ces phobies sont discutées tout au long du
présent ouvrage.

Les phobies liées au traumatisme en phase 1. Dans la phase 1, la première


phobie qui doit être abordée est la phobie de l’expérience intérieure. Bien sûr,
lorsque les patients sont phobiques de stimuli externes, tels que des situations

Le traitement orienté par phases : un aperçu 225


ou des personnes, le véritable évitement est celui de leur expérience intérieure.
En ce sens, toutes les phobies sont dirigées vers l’intérieur. Un problème cen-
tral pour les patients dissociatifs est l’évitement continu de divers aspects de
leur expérience intérieure, y compris les souvenirs, pensées, émotions, sensa-
tions, réactions aux relations sociales et aux parties dissociatives. La phobie
du corps est un défi majeur dans le traitement des patients atteints de troubles
dissociatifs. De nombreux patients sont extrêmement évitants et craintifs (et
parfois honteux) de leurs sensations. Bon nombre, si pas la plupart des com-
pétences de régulation, ont des composantes sensorielles, et être présent exige
une conscience corporelle. Cette phobie est donc particulièrement indispen-
sable à surmonter.
Plus le patient est phobique, plus il y a de résistance au progrès. La phobie
de l’attachement et la perte de l’attachement seront également abordées, en
particulier par rapport au thérapeute. La phobie des parties dissociées devient
un point central au début lorsque le thérapeute a fait le diagnostic d’un trouble
dissociatif mais que le patient ne peut l’accepter. Les dilemmes entre savoir
ou ne pas savoir et vrai ou faux sont des conflits qui reflètent la phobie de la
mémoire traumatique en phase 1. Tout au long du traitement, la phobie du
changement peut être évidente, mais elle peut être particulièrement forte en
phase 1 avant que le patient n’ait acquis suffisamment d’introspection, de com-
passion pour lui-même et de sens de la compétence et de l’action.

Les phobies liées au traumatisme en phase 2. Le traitement du souvenir


traumatique entraîne le patient dans une confrontation directe avec la peur
du rappel ou de la reviviscence. La phobie de la mémoire traumatique est ainsi
une cible thérapeutique majeure dans cette phase. La phobie des sensations
physiques liées au traumatisme et aux défenses animales peut être particulière-
ment forte à ce stade et nécessite une attention particulière. De plus, la phobie
de l’attachement et de la perte de l’attachement sera prise en compte au regard
de la relation du patient avec les auteurs.

Les phobies liées au traumatisme en phase 3. La phase 3 consiste en


un deuil réussi avec plus de changements et de croissance. La phobie de
l’expérience intérieure peut réapparaître pendant cette étape comme une
défense contre la tristesse et la perte. La phobie du changement peut refléter
les craintes du patient d’aller mieux car cela peut signifier la perte du thé-
rapeute lorsque le traitement est achevé avec succès. Dans cette phase, les
patients peuvent être mis au défi de prendre des risques adaptatifs qu’ils n’ont
jamais voulu prendre auparavant. Ils doivent exposer leur vulnérabilité s’ils
souhaitent avoir des relations plus nombreuses et meilleures, ce qui peut à
nouveau évoquer la phobie de l’attachement et de la perte de l’attachement.
La phobie du corps émerge à nouveau dans la phase 3, avec des problèmes

226 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


autour de la sexualité et de l’acceptation du corps. Le thérapeute doit s’as-
surer que les patients sont capables, chacun à leur niveau, de surmonter ces
phobies orientées vers l’intérieur.

Approches générales pour résoudre les phobies liées aux traumatismes.


Il est généralement utile d’aller graduellement à la rencontre d’une phobie
particulière, en utilisant ces approches générales :
• Faites preuve de pédagogie sur le thème des phobies liées aux trau-
matismes en utilisant des analogies avec la peur de voler, celles des
insectes, des hauteurs, etc.
• Rassurez le patient que vous travaillerez ensemble pour approcher la
phobie dans les limites de sa tolérance.
• Explorez comment l’évitement aide le patient. Par exemple, un patient
pourrait dire : « Je ne peux pas écouter les parties ou sinon mon esprit
devient trop chaotique. Elles veulent toutes parler en même temps » ;
ou « Ne pas avoir de sentiments me permet de travailler. Sinon, je
m’effondrerais. »
• Explorez les préoccupations : « Qu’est-ce qui vous inquiète le plus ou
vous effraie le plus si vous vous approchez de ce sentiment, de cette
mémoire, de cette partie de vous-même, de ce sentiment d’abandon ? »
• Explorez l’expérience de « penser à » : « Que se passe-t-il pour vous si
vous pensez à l’idée d’aborder ce qui vous fait peur ? »
• Aidez le patient à rester petit à petit dans la fenêtre de tolérance.
• Explorez le ressenti corporel de la phobie. Demandez au patient de
remarquer les sensations et les mouvements qui augmentent ou dimi-
nuent les sensations, soutenant la régulation.
• Aidez le patient à acquérir des compétences en matière de régulation :
pleine conscience, tolérance et acceptation des expériences intérieures
comme étant normales et importantes, tolérance à la détresse en uti-
lisant l’apaisement personnel, l’apaisement et le soutien relationnels,
la distraction et le titrage, c’est-à-dire le traitement d’un petit élément
ou d’un petit pourcentage d’un traumatisme ou d’une émotion, par
exemple : « Imaginez que vous pouvez observer cette sensation juste
pendant 10 secondes. »

Le patient doit d’abord développer des habiletés pour faire face et accepter
l’inconfort, la douleur, l’incertitude, l’ambivalence et le conflit. Ces compé-
tences sont la base pour pouvoir surmonter la phobie dominante de l’expé-
rience intérieure et sont un point central du traitement de la phase 1. Par la
suite, toutes les phobies seront abordées au fil du traitement, selon les besoins
de l’individu.

Le traitement orienté par phases : un aperçu 227


1.5. Travailler avec les parties dissociatives tout au long
du traitement orienté par phases
Le traitement de la phase 1 consiste à aider le patient à apprendre à recon-
naître et accepter les parties dissociatives. Certains patients sont capables d’ac-
complir ceci plus en douceur et plus rapidement que les autres. La mesure dans
laquelle les patients peuvent apprendre à travailler efficacement avec leurs
parties détermine largement la durée de la phase 1. Cette phase de traitement
est axée sur l’établissement et l’amélioration de la communication ainsi que sur
la coopération et la compassion entre les parties dissociatives. Elle vise à aider
le patient dans son ensemble à être responsable des actions de chaque partie.
En règle générale, la (ou les) partie(s) du patient qui fonctionne(nt) dans la
vie quotidienne devrai(en)t être immédiatement engagée(s) dans la thérapie.
Le thérapeute doit se méfier d’attendre trop longtemps avant d’engager des
parties dans le traitement, ce qui peut mener à une plus grande instabilité et
à des conflits. Inversement, il doit se garder de travailler avec des parties trop
rapidement, ce qui peut accabler le patient.
Chez certains patients, des parties enfant peuvent émerger rapidement pour
chercher l’attachement, être sauvées et « raconter l’histoire » des événements
traumatiques. L’approche la plus efficace est d’aider les parties adulte ou celles
avec un fonctionnement supérieur à assumer les responsabilités du soin des
parties enfant, pas le thérapeute. Plus le thérapeute travaille intensément avec
des parties enfant, plus les parties hostiles peuvent être activées, créant ainsi
un déséquilibre systémique qui peut déstabiliser le patient. Il n’est pas recom-
mandé de jouer avec les parties enfant ou de les traiter comme des enfants à
part entière (voir chapitre 14).
Beaucoup de patients ont peur et honte des parties en colère et autodestruc-
trices, y compris des parties qui imitent l’agresseur (voir chapitres 16 et 17). Les
thérapeutes peuvent aussi craindre ces parties. Il est impératif que le patient et le
thérapeute les comprennent progressivement avec leurs fonctions et apprennent
à communiquer et collaborer. La thérapie se bloque facilement si ces parties ne
sont pas incluses, car elles créent une agitation intérieure permanente. Au cha-
pitre 10, vous trouverez beaucoup plus sur le processus du travail avec les parties
dissociatives.

2. Phase 2 : Intégrer les souvenirs traumatiques


La phase 1 est conçue pour aborder de nombreux problèmes liés aux trauma-
tismes et aux déficits d’autorégulation avant de se concentrer sur des souvenirs
traumatiques spécifiques. Quand les interventions de la phase 2 axées sur l’ex-
position et l’intégration (également connues sous le terme de « retraitement »)
des souvenirs traumatiques sont initiées, elles doivent être accompagnées de

228 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


plusieurs mises en garde. D’abord, le thérapeute doit comprendre que toutes les
parties dissociatives n’ont pas accès à une mémoire traumatique donnée et que
des étapes supplémentaires doivent être franchies afin de s’assurer que toutes
les parties ont finalement résolu une mémoire particulière. Deuxièmement, la
confrontation d’un souvenir traumatique ne donne pas nécessairement lieu à
l’intégration des parties dissociatives qui peuvent subsister même après que les
souvenirs soient résolus. Troisièmement, les capacités d’intégration du patient
varient typiquement entre les parties dissociatives, de sorte que l’exposition
qui semble tolérable pour une partie dissociative peut ne pas l’être pour une
autre. Pour ces raisons, les patients dissociatifs peuvent se trouver plus facile-
ment dérégulés que d’autres individus. Le traitement de la mémoire trauma-
tique est discuté en détail aux chapitres 20 et 21.
Le tableau 9.4 énumère les objectifs du traitement de la phase 2.

*OUÏHSFSMFTTPVWFOJSTUSBVNBUJRVFT
• Veiller à ce que le patient ait une capacité d’intégration et une stabilisation suffisantes.
• Traiter les phobies et les résistances pour aborder les souvenirs traumatiques.
• Préparer le patient à travailler avec des souvenirs traumatiques.
• S’engager dans le traitement des souvenirs traumatiques.
• Engager la réalisation et l’intégration.
• Compléter les actions liées au traumatisme, par exemple les défenses animales.
3ÏTPVESFMFTMJFOTEBUUBDIFNFOUUSBVNBUJRVFTBWFDMFTBHSFTTFVST
• Apprendre à mentaliser et à réfléchir sur l’état d’esprit de l’agresseur.
• Accepter tout ce qui est positif ou négatif sur le lien avec l’auteur, c’est-à-dire résoudre
les conflits de loyauté et de peur, d’amour et de haine, etc.
• Augmenter la capacité à contenir des sentiments ambivalents de haine et d’amour.
3ÏTPVESFMFUSBOTGFSUUSBVNBUJRVF
• Aider les parties dissociatives à s’orienter vers le présent.
• Aider toutes les parties du patient à remarquer non seulement ce qui est similaire
entre le passé et le présent mais aussi ce qui est différent.
• Collaborer et partager à propos des expériences relationnelles du moment entre le
patient et le thérapeute.

TABLEAU 9.4
Objectifs de traitement de la phase 2

Parmi les principales contre-indications au travail de la phase 2, mention-


nons le manque de motivation ou de ressources adéquates. Ces problèmes
peuvent être durables et donc liés à un piètre pronostic (p. ex., Boon, 1997 ;
Kluft, 1997b), peuvent être temporaires, en raison de crises transitoires ou
de la nécessité d’accorder toute l’attention voulue à d’autres questions. La

Le traitement orienté par phases : un aperçu 229


phobie principale abordée dans la phase 2 est celle des souvenirs traumatiques.
Cependant, l’attachement désorganisé aux membres de la famille violents et
négligents doit aussi être abordé, étant donné que ces expériences relation-
nelles non résolues, souvent emprisonnées dans différentes parties en dehors
de la conscience du patient, interfèrent avec l’intégration des souvenirs
traumatiques.

2.1. Le traitement de l’attachement non sécurisé


à l’agresseur
Le conflit intérieur entre attachement et défense contre les auteurs s’accentue
lorsque les souvenirs traumatiques sont réactivés, ce qui entrave l’intégration.
Certains patients peuvent être enchevêtrés avec leur famille dans le présent,
incapables de fixer des limites saines. Simultanément, d’autres parties disso-
ciatives de l’individu peuvent éprouver des sentiments forts de haine, colère,
honte, manque ou terreur envers les auteurs familiaux et les autres (Steele et
al., 2001). Le thérapeute doit explorer avec empathie tous les sentiments et
toutes les croyances conflictuelles que le patient éprouve vis-à-vis de ses agres-
seurs et ne pas le considérer comme un bouc émissaire en se rappelant qu’une
partie du patient peut contenir un point de vue de l’auteur (p. ex. « Je déteste
ma mère ! Chaque fois que je suis avec elle, je veux me suicider ! Je déteste ma
tante parce qu’elle a abusé de moi ! »), tandis qu’une autre partie épouse un
point de vue complètement différent (« J’aime ma mère ! Elle fait toujours mes
biscuits préférés quand je lui rends visite ! Ma tante était fantastique. Elle m’a
toujours emmené faire des voyages si amusants ! »). Plus le thérapeute prend
un parti, en particulier en encourageant le patient à diminuer ou à interrompre
le contact, plus le patient peut se sentir obligé de protéger les auteurs et même
de renforcer le lien traumatique (Kramer, 1983). Ainsi, le thérapeute doit res-
ter neutre et aider les patients à explorer leurs conflits intérieurs au sujet de la
loyauté envers l’agresseur. Un défi majeur avec de nombreux patients dissocia-
tifs est de les aider à réaliser que les parties internes qui imitent l’auteur sont
différentes des véritables auteurs. Il s’agit d’une confusion courante qui crée
beaucoup de peur, car les patients (ou du moins certaines parties) ressentent
l’agresseur comme étant toujours présent.

2.2. Traitement de la phobie de la mémoire traumatique


Il s’agit de l’une des phobies les plus difficiles à surmonter, qui exige une capa-
cité d’intégration élevée et soutenue. Certaines parties dissociatives peuvent
être particulièrement réticentes à réaliser ces souvenirs, malgré une recon-
naissance et une conscience croissante parmi les autres parties de la person-
nalité. Par exemple, une partie peut maintenir le « fantasme en or » d’avoir

230 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


des parents parfaitement aimants, même si d’autres parties deviennent plus
conscientes et acceptent les mauvais traitements passés. Ainsi, l’individu dans
son ensemble continue à avoir un manque important de réalisation. La tris-
tesse et le deuil face aux pertes passées et actuelles doivent être accueillis afin
de soutenir la réalisation croissante. Cependant, le deuil doit toujours être
contrebalancé par la capacité à obtenir de la satisfaction, du plaisir et de la joie
à partir d’expériences positives du présent.
Le partage de souvenirs traumatiques entre des parties dissociatives, ou ce
que nous avons appelé la synthèse guidée (Van der Hart et al., 1993, 2006),
nécessite plusieurs étapes pour assurer la pleine réalisation des souvenirs trau-
matiques. L’exposition est une technique qui aide le patient à faire face aux
souvenirs traumatiques tout en évitant les stratégies d’évitement. Lorsque le
patient est dissociatif, les souvenirs sont souvent très fragmentés et ne sont
donc pas disponibles dans leur ensemble. La synthèse implique le regroupe-
ment de fragments de mémoire en un tout cohérent qui est ensuite partagé
entre les parties dissociatives. Il s’agit d’un processus plus complexe.
Tout d’abord, le thérapeute et le patient collaborent à l’édification d’un
plan, en décidant d’un souvenir ou d’un groupe de souvenirs à traiter, et éva-
luent si toutes les parties vont participer ou seulement quelques-unes. Cer-
tains patients souffrant de troubles dissociatifs ont suffisamment de capacité
intégrative pour tolérer le partage d’une expérience traumatique en tant que
personne à part entière. Avec d’autres patients, il est nécessaire de travailler de
façon graduelle avec de plus petits groupes de parties ou de travailler avec des
éléments spécifiques du traumatisme, une technique appelée titrage ou fraction-
nement (p. ex., Kluft, 1990c, 2013 ; Van der Hart et al., 2006).
Tous les détails ou tous les souvenirs des traumatismes ne doivent certai-
nement pas être synthétisés. L’essentiel pour les patients est plutôt de réaliser
leurs réactions à l’égard de l’événement, les aspects les plus menaçants du sou-
venir ainsi que les croyances de base et les comportements inadaptés qui ont
évolué à partir du souvenir. La synthèse est le début nécessaire d’un parcours
de réalisation long et difficile qui implique d’accepter, d’assumer et de s’adapter
à ce qui était et ce qui est. La réalisation se poursuit tout au long de la phase 2
et se prolonge jusqu’ à la phase 3.

3. Phase 3 : Intégration de la personnalité


et réadaptation
Cette phase finale du traitement ressemble à une psychothérapie plus habi-
tuelle. Elle nécessite également un travail d’intégration des plus difficiles à
réaliser : un deuil douloureux qui ouvre la voie à l’approfondissement de la
réalisation, à la confrontation avec les crises existentielles, à l’abandon des

Le traitement orienté par phases : un aperçu 231


croyances et des comportements inadaptés, à l’apprentissage de vivre avec
une personnalité (plus) unifiée, et aux luttes constantes pour s’engager dans le
monde de façon nouvelle et inconnue. Les chapitres 22 et 23 se concentrent
sur la phase 3.
Le tableau 9.5 décrit les principaux objectifs des travaux de la phase 3.

• Accepter et pleurer les pertes passées, présentes et futures.


• Surmonter la phobie de l’intimité, y compris de la sexualité et du corps.
• S’adapter à une vie quotidienne et à une routine plus normales, apprendre à vivre
pleinement dans le présent.
• Prendre des risques adaptatifs pour améliorer la vie et les relations.
• Accepter le changement comme inévitable et s’adapter dans la mesure du possible.
• Établir des relations saines et durables.
• Intégrer la personnalité et établir un moi unifié, dans la mesure du possible.
• Renforcer les capacités afin de profiter de la vie quotidienne.
• Développer le sens et le but de la vie.
• Continuer à améliorer la situation de la vie quotidienne.

TABLEAU 9.5
Objectifs de la phase 3 du traitement

En grande partie, la phase 3 implique le deuil car le patient se rend de plus


en plus compte des pertes cumulatives subies à la suite d’un traumatisme et du
fait que la vie peut continuer à être parfois très difficile et douloureuse (Van
der Hart et al., 1993, 2006). Pourtant, ce travail de deuil intégratif peut fina-
lement soutenir le patient à effectuer des changements adaptatifs susceptibles
d’apporter plus de sens, d’équilibre et peut-être même de plaisir dans la vie
actuelle. Le thérapeute doit s’assurer que le deuil est jumelé à des expériences
de succès et de joie dans le présent.
Les patients ont souvent le fantasme que tout ira bien une fois réconciliés
avec leurs histoires. En fait, bien que la phase 3 puisse effectivement com-
prendre le plaisir, le soulagement et un nouvel enthousiasme pour la vie, elle
implique le besoin constant d’accepter les graves pertes passées, présentes et
futures. Le thérapeute a l’obligation d’éduquer le patient à cette dichotomie
douloureuse et de soutenir un deuil sain.
La phase 3 nécessite également un retour à la phobie de l’attachement et à la
perte de l’attachement sous la forme de l’établissement de relations nouvelles,
saines et en prenant le risque de l’intimité. Les patients qui ne parviennent
pas à compléter la phase 3 avec succès continuent souvent à éprouver des dif-
ficultés à mener une vie normale, malgré un soulagement important des intru-
sions traumatiques (Kluft, 1993b). Il est par ailleurs également courant que
des souvenirs traumatiques et des parties dissociatives additionnels émergent

232 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


dans la phase 3 en réponse à une capacité croissante d’intégration. Pendant ces
périodes, les questions des phases 1 et 2 doivent être réexaminées.
Au cours de la phase 3, les patients constatent des avancées dans leur capa-
cité à se percevoir comme un tout et comme des individus relativement uni-
fiés. Au fur et à mesure que l’appartenance personnelle s’élargit, les parties
dissociatives fusionnent successivement ou s’intègrent dans une personnalité
plus cohérente et cohésive. Ce processus se produit le plus souvent de façon
graduelle au fur et à mesure de l’élimination des raisons de la dissociation en
cours. Cela se produit bien qu’une certaine intégration des parties se fasse
spontanément et d’autres par le biais de techniques thérapeutiques formelles
(Kluft, 1993b ; voir le chapitre 20).

Fin
Le processus de fin doit être soigneusement planifié, car il nécessite souvent
d’être entrepris graduellement et peut inclure une invitation à revenir en thé-
rapie si nécessaire (voir chapitre 23). La fin peut être très émotionnelle, en rai-
son du changement et de la perte dus à la séparation avec le thérapeute qui est
devenu une figure centrale de l’attachement du patient. Le suivi est considéré
comme essentiel pour vérifier l’intégration complète, c’est-à-dire l’unification
de la personnalité du patient.

4. Gestion de cas versus psychothérapie


La thérapie est axée sur le fonctionnement intrapsychique et interpersonnel de
l’individu. Cependant, de nombreux problèmes graves qui se posent pour les
personnes chroniquement traumatisées sont hors du cadre habituel de la thé-
rapie, tels que le logement, le transport, les finances, les questions juridiques,
professionnelles, médicales et les besoins de services sociaux. Les thérapeutes
devraient faire de leur mieux pour voir les patients de façon holistique et éviter
la répétition de négligences dans la relation thérapeutique. Ces questions sont
donc des sujets de préoccupation légitimes. Ils peuvent aussi faire dérailler le
point central de la thérapie. Par conséquent, les thérapeutes doivent prendre
des décisions quant au moment et à la façon d’aider les patients à recevoir
des soins holistiques. Beaucoup de patients avec de moins bons pronostics ont
besoin d’un certain degré d’aide pour la coordination des soins et la défense de
leurs intérêts, c’est-à-dire la gestion de cas. La gestion de cas est définie comme
un processus collaboratif d’évaluation, de planification, de facilitation, de
coordination de soins, d’évaluation et de conseils sur les options et les ser-
vices qui peuvent répondre aux besoins d’une personne et de sa famille
en matière de santé par la communication et les ressources disponibles

Le traitement orienté par phases : un aperçu 233


pour promouvoir des résultats rentables et de qualité. (Case Management
Society of America, 2008)

Les thérapeutes doivent se méfier des problèmes fondamentaux de survie si


urgents, surtout chez les patients très chaotiques, qui voient toute leur énergie
absorbée juste pour arriver à passer la journée, garder un toit au-dessus de leur
tête, et obtenir de la nourriture pour manger.
On trouve chez le thérapeute du trauma le fantasme et le besoin récur-
rents d’avoir une équipe de traitement qui peut offrir aux patients avec tant
de besoins et si peu de compétences des ressources adéquates dans tous les
domaines de la vie. Malheureusement, ce fantasme se traduit rarement dans la
réalité. Au lieu de cela, les thérapeutes sont confrontés à des systèmes de sou-
tien et de ressources très limités ou même totalement absents pour les patients.
Ainsi, ils doivent parfois trouver des moyens créatifs pour soutenir les patients
dans leur vie quotidienne, mais sans vouloir les sauver ou « faire à leur place ».
Il existe de nombreuses ressources en ligne auxquelles les thérapeutes
peuvent adresser leurs patients et qui ont des conseils et des compétences
incroyablement utiles : des ressources pour la gestion de l’argent, une aide pour
la recherche d’emploi et la formation professionnelle, etc. Les thérapeutes
peuvent décider de faire d’abord des recherches et proposer des sites web spéci-
fiques ou dire aux patients de faire leurs propres recherches, selon leur niveau
de fonctionnement. Certains patients doivent être dirigés vers des organismes
sociaux appropriés pour les services de base avant le début de la thérapie. Les
patients doivent être évalués à l’admission pour s’assurer que les besoins de
base sont couverts avant le début du traitement.
Beaucoup d’autres problèmes et questions peuvent entrer dans le champ
du traitement, mais ne sont pas considérés comme étant de la thérapie en soi,
mais plutôt de la gestion et du soutien de cas. Bien que certains thérapeutes
ne considèrent normalement pas la thérapie comme un endroit où l’on aborde
des compétences de vie de base, de nombreux survivants d’abus et de négli-
gence chroniques ne les ont jamais apprises. Elles sont donc une partie néces-
saire de la première phase de la thérapie et le fondement sur lequel repose une
vie intégrative. En fait, ces déficits de compétences contribuent souvent à la
dépression persistante, au sentiment d’échec, à la détresse et même à une mau-
vaise condition physique qui aggravent la dérégulation de l’humeur et d’autres
problèmes. L’introspection et la compréhension sont inadéquates sans compé-
tences pour faciliter le changement et les bénéfices.

5. Explorations supplémentaires
1. Quels sont les critères que vous utilisez pour déterminer le moment du
passage d’une phase à l’autre avec un patient ?

234 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


2. Auriez-vous d’autres objectifs à chaque phase qui, selon vous, pour-
raient être importants pour les patients ?
3. Il y a actuellement un certain débat sur la question de savoir si les
patients avec des antécédents de violence et de négligence durant leur
enfance ont besoin d’un traitement orienté par phases, c’est-à-dire
une nécessaire période de stabilisation avant l’intégration des souve-
nirs traumatiques (p. ex., Van Minnen, Arntz et Keijsers, 2006 ; Van
Minnen, Harned, Zoellner et Mills, 2012). Qu’en pensez-vous ? Quelles
expériences avez-vous eues avec des patients qui pourraient vous faire
changer d’avis d’un côté ou l’autre de la controverse ?

Le traitement orienté par phases : un aperçu 235


PARTIE III
Phase 1
Traitement et au-delà
cHAPITRE 10
Travailler avec
les parties dissociatives :
une perspective
de systèmes intégratifs

Mon expérience m’a appris à maintes reprises qu’approcher le


TDI comme si les alters étaient des personnes complètement
séparées, ou comme si le patient était une personne dont l’expé-
rience subjective d’avoir des sois séparés pouvait être ignorée, est
contre-productif. Ces approches nient, rejettent et désavouent à
la fois la nature de la phénoménologie du TDI et le monde sub-
jectif du patient TDI.
Richard P. Kluft (2006, p. 293)

Le défi unique dans le traitement des troubles dissociatifs est de mener à bien
le travail avec les parties dissociatives de manière à aider les patients à se sta-
biliser, à mentaliser et poursuivre l’intégration, tout en reconnaissant que ce
sont des individus singuliers avec un sentiment fragmenté de soi. Plusieurs
publications importantes abordent le traitement des troubles dissociatifs chez
l’adulte, adoptant diverses approches (p. ex. Boon et al., 2011 ; Chefetz, 2015 ;
Chu, 2011 ; Fraser, 1991, 2003 ; Frewen et Lanius, 2015 ; Howell, 2011 ; Kluft
et Fine, 1993 ; Kluft, 2006, 2013 ; Krakauer, 2001 ; Paulsen et Lanius, 2014 ;

Travailler avec les parties dissociative 239


Putnam, 1989, 1997 ; Ross, 1997 ; Van der Hart et al., 2006). Ce chapitre offre
une vue d’ensemble des façons pratiques de travailler directement et indirecte-
ment avec les parties dissociatives du patient tout en approchant l’individu en
tant que personne à part entière.
Bien que de nombreuses approches cliniques standard semblent être
utiles dans le traitement des patients souffrant de troubles dissociatifs (p. ex.
la psychodynamique, les relations d’objet, la psychologie du self, la thérapie
cognitivo-comportementale, l’EMDR, la thérapie des états du moi, les systèmes
de famille interne, la thérapie d’acceptation et d’engagement, la thérapie com-
portementale dialectique), le thérapeute doit également inclure des approches
spécifiques pour travailler avec les parties dissociatives de façon synchronisée,
systématique et intégrative. Ceux qui utilisent le travail avec les états du moi
doivent reconnaître les problèmes spécifiques du traitement qui surviennent en
raison des différences entre les états du moi et les parties dissociatives (Kluft,
1988a, 2006 ; Phillips et Frederick, 1995). Les nouvelles recherches sur les
résultats cliniques indiquent que l’accent mis directement sur la dissociation
du patient avec une stabilisation soigneuse mène à un meilleur fonctionne-
ment et à la diminution des symptômes (Brand, Classen, Lanius et al., 2009 ;
Brand, Classen, McNary et al., 2009).
Quel que soit le diagnostic, la psychothérapie vise à aider chaque patient
à maintenir et améliorer son fonctionnement tout en changeant les façons
d’être qui persistent mais ne sont pas adaptées. Ce principe de base doit aussi
s’appliquer aux patients chroniquement traumatisés. Une thérapie efficace
pour les patients avec un trouble dissociatif complexe implique tout d’abord
et avant tout la « bonne vieille thérapie » (Allen, 2012), mais avec l’ajout
d’interventions et d’approches qui portent spécifiquement sur l’organisation
dissociative de la personnalité.
Les thérapeutes novices dans le traitement des troubles dissociatifs s’in-
quiètent souvent du nombre de parties d’un patient. Quelqu’un peut-il avoir
des centaines ou même des milliers de « personnalités » ? Cette question n’est
vraiment pas utile à poser, car elle ne nous dit pas grand-chose concernant le
patient ou sur ses besoins en thérapie. Chaque individu n’a qu’une seule per-
sonnalité, aussi divisée soit-elle. Il n’y a pas de limite logique ou naturelle au
degré de fragmentation du patient dissocié. La question la plus utile est : Quelle
est la capacité d’intégration du patient ? Plus faible est la capacité de relever les
défis auxquels le patient a dû faire face en tant qu’enfant et auxquels il fait
toujours face dans le présent, plus la dissociation se produira comme une forme
de stratégie d’adaptation continue. Si les patients ont beaucoup de parties, cela
nous dit simplement qu’ils sont moins capables de rester présents, de tolérer
et de réguler les émotions, et d’accepter et de réaliser un large éventail d’ex-
périences comme étant les leurs. Il existe toutefois des patients qui n’ont que
quelques parties dissociatives, mais ces parties sont fortement séparées. Pour

240 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


traiter un patient très fragmenté, avec de nombreuses parties on peut utiliser
l’approche thérapeutique de « regrouper » les parties dans diverses configura-
tions (Kluft, 1996b, 2013).
Les patients qui ne sont pas dissociatifs découvrent généralement les expé-
riences au fur et à mesure que la thérapie progresse : souvenirs, sentiments,
désirs, précédemment cachés, etc. Ni le patient ni le thérapeute n’ont au
début aucune idée de tout ce qui peut émerger. Le thérapeute ne connaît pas
le patient dans son ensemble au début du traitement, ni le patient. Il en va de
même pour les patients dissociatifs, mais de façon plus complexe. Certaines
parties peuvent être inactives ou cachées jusque tard dans la thérapie.

1. Comprendre la nature des parties dissociatives


De nombreuses théories psychologiques et sociales et de récentes études
en neurobiologie indiquent que la conscience et le soi ne sont jamais des
constructions complètement unitaires. Nous avons besoin d’un moyen d’orga-
niser et de comprendre nos nombreuses tendances : émotions, comportements,
mouvements, postures, sensations et pensées. Une organisation fondamentale
survient le long des lignes de systèmes d’action, dont il a été question au cha-
pitre 1. Ces tendances et schémas durables composent notre personnalité, et
notre personnalité comprend un sens de soi. Les termes soi et personnalité
représentent simplement l’organisation intérieure de nos attitudes, attentes,
sentiments et significations (Sroufe, 1990). La personnalité peut être considé-
rée comme un système biopsychosocial dynamique de ces traits persistants et
de la façon dont nous interagissons avec les autres selon diverses circonstances
(Van der Hart et al., 2006). C’est le parapluie sous lequel le sens de soi réside.

CONCEPT CLÉ

La personnalité, l’identité et le soi ne sont pas des choses réelles. Ce sont des termes qui
donnent aux autres et à nous-mêmes une impression large et condensée de qui nous
sommes. Nous n’avons pas de soi comme nous avons un cerveau ou un cœur. Au lieu de
cela, nos esprits construisent une histoire en constante évolution à propos de qui nous
sommes. C’est ce que nous appelons notre « soi ». Les patients souffrant de troubles dis-
sociatifs ressentent subjectivement, leur moi et leur personnalité comme fragmentés, et
souvent en dehors de leur contrôle volontaire et de leur conscience.

Nous construisons tous un « soi » à partir de soi multiples, chacun avec ses
propres postures, gestes et expressions caractéristiques. John et Helen Watkins,
fondateurs de la thérapie des états du moi, notaient que toutes les personnes
ont des états du moi normaux qui sont des « structures de personnalité seg-
mentées de façon latente » existant sur un continuum du moins au plus discret

Travailler avec les parties dissociative 241


(1997, p. ix). Nous pouvons facilement comprendre les parties dissociatives
dans les termes de cette structure ou organisation sous-jacente de la personna-
lité (Van der Hart et al., 2006). Chez une personne en bonne santé, les états
du moi sont normalement connectés et cohésifs (c’est-à-dire qu’ils n’ont pas
leur propre sens séparé d’eux-mêmes), et les mouvements du corps sont aussi
cohésifs et en alignement avec les pensées et les émotions. Dans la dissociation
liée au traumatisme, les parties dissociatives sont beaucoup moins connectées
et chacune affronte une vie qui, dans une certaine mesure, lui est propre en
ayant un certain degré de perspective à la première personne et comprenant un
sens du je, du moi et du mien, ainsi que des postures et mouvements physiques
caractéristiques. Bien sûr, nous réaffirmons que ni la personnalité ni le soi ne
sont des choses ou des êtres réels.
La personnalité, et donc le sens de soi, implique un voyage développemental
continu et perceptuel tout au long de la vie (Boon et al., 2011 ; Damasio, 1999,
2012 ; Hood, 2013 ; Janet, 1929 ; Schore, 2003). D’une certaine façon, le soi est
une illusion construite par l’esprit comme un raccourci pour se comprendre lui-
même et les autres (Hood, 2013). Ce n’est jamais une représentation complète de
qui est quelqu’un, mais à l’instar d’une personnalité, elle est constamment orga-
nisée, désorganisée et réorganisée dans une mise à jour continue basée sur l’in-
tégration de l’expérience actuelle avec le passé et l’avenir prévisible (Damasio,
1999 ; Gallagher, 2000 ; Janet, 1929 ; Schore, 2003 ; Van der Hart et al., 2006).
Le vocabulaire du mouvement d’une personne se développe également avec
chaque réorganisation de la personnalité : les anciens schémas de mouvement
sont abandonnés et de nouvelles possibilités sont développées. Par exemple, une
augmentation de l’estime de soi développe une posture plus droite. Le problème
avec les gens qui ont des parties dissociatives est que ce remaniement et cette
mise à jour naturels et nécessaires ne se produisent pas suffisamment au cours du
temps comme ils devraient normalement le faire.

CONCEPT CLÉ

Normalement, notre sens du moi est continuellement mis à jour au fur et à mesure que
nous apprenons et que nous réfléchissons aux expériences nouvelles et anciennes. Les
patients dissociatifs semblent incapables de s’engager dans cette révision naturelle, ce qui
les laisse avec des moi relativement rigides et divisés.

Les nombreuses parties dissociatives se fixent et deviennent relativement


imperméables au changement et à l’apprentissage au départ de nouvelles expé-
riences, du moins en ce qui concerne le dépassement des expériences trau-
matisantes. Quand les patients dissociatifs sont débordés dans une partie de
leur personnalité, ils peuvent passer à une autre partie de celle-ci plutôt que
d’actualiser et de modifier la première.

242 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Chaque partie a un sens de soi distinct vécu comme « moi », tandis que
d’autres parties sont vécues comme « pas moi » ou ne sont même pas du tout
reconnues comme existantes. Chaque partie est reflétée et soutenue dans des
patterns physiques particuliers qui peuvent souvent être observés par le thé-
rapeute. Les patients dissociatifs impliquent donc une organisation de la per-
sonnalité à multiples sens du soi qui sont divergents. C’est-à-dire qu’ils ont un
système dynamique de parties dissociatives, plutôt qu’une organisation appa-
remment unifiée, cohérente et continuellement rénovée. Chaque partie dis-
sociative se vit d’une manière particulière et fait aussi l’expérience du monde
d’une manière particulière basée sur des perceptions spécifiques soutenues par
des patterns physiques. Par exemple, une partie qui se vit elle-même comme
une victime peut être soutenue par une posture effondrée, des yeux abaissés et
des épaules arrondies.
Dans la dissociation d’origine traumatique, le patient développe de multi-
ples (et souvent contradictoires) sens de soi au fil du temps. Chaque partie dis-
sociative du patient s’organise autour de modes de pensée, de sentiments et de
comportements relativement rigides et généralement étroits qui sont presque
imperméables au changement. Comme nous l’avons noté dans les chapitres 1
et 2, de nombreuses parties dissociatives sont bloquées dans le temps du trauma
et dans les défenses animales de figement, de fuite, de combat, d’affaissement et
d’évanouissement accompagnées des tendances à l’action caractéristiques de la
défense particulière, tandis que d’autres se concentrent sur le fonctionnement
dans la vie quotidienne (Boon et al., 2011 ; Van der Hart et al., 2006). De cette
fixation résultent par exemple des parties effrayées qui sont encore toujours
effondrées et effrayées ; des parties en colère tendues et enragées de façon chro-
nique et prêtes à se battre ; des parties jeunes dans leur développement avec
des actions enfantines qui ont constamment besoin d’être rassurées mais ne
semblent jamais en avoir assez, et ainsi de suite. Les patients dissociatifs sont
donc souvent incapables de répondre à la situation actuelle de la manière la
plus flexible et adaptée qui soit.

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Hélène, la patiente dont il a été question au chapitre 1, avait une partie qu’elle appelait
« Ellen ». Ellen se vivait comme une enfant avec une posture qui semblait enfantine,
vulnérable et effrayée, toujours coincée dans le traumatisme du passé d’Hélène. Elle
considérait Hélène comme une adulte séparée qui la négligeait et était hésitante de
sa relation avec elle. En fait, elle ne pensait pas vraiment beaucoup à Hélène, un exemple
typique du rétrécissement de l’attention et de la non-réalisation de la plupart des parties
dissociatives. Elle avait un vague sentiment de se trouver au lieu de travail d’Hélène,
mais elle n’était pas au courant de ce qu’Hélène y faisait et ne le considérait pas comme
important pour sa propre expérience.

Travailler avec les parties dissociative 243


Didier, un patient avec un TDI, disait qu’il avait peur parce qu’il ne savait souvent pas
ce qui s’était passé au travail ou s’il y avait jamais été. Il se rappelait avoir quitté sa
maison et conduit sa voiture, mais ensuite il perdait la notion du temps. Il travaillait
comme technicien dans un laboratoire. Didier, la partie qui se présentait en thérapie,
ne s’éprouvait pas comme celui qui faisait le plus ce travail. Au lieu de cela, deux autres
parties qui se faisaient appeler « Stéphane » et « Joël » étaient les principales parties
de Didier qui allaient travailler. Stéphane et Joël pensaient que Didier était trop faible
pour pouvoir travailler. Et, en effet, Didier était très anxieux et déprimé, souvent incapable
de fonctionner à la maison, avec une apparence physique accablée et opprimée et des
mouvements lents et laborieux. Mais quand Stéphane et Joël apparaissaient, tous les
deux présentaient des changements physiques subtils : Stéphane était plus droit, avec
un soulèvement déterminé du menton et Joël faisait des mouvements plus rapides et
était mobilisé pour passer à l’action. Ces deux parties de Didier n’étaient pas enthousiastes
de participer à la thérapie ou de communiquer avec Didier, insistant sur le fait qu’ils
n’avaient pas de TDI et que la thérapie était une perte de temps. Plus tard en thérapie,
ils purent partager leurs vraies peurs avec le thérapeute : la peur que s’ils se rapprochaient
de Didier, ils seraient inondés d’anxiété et de dépression, ce qu’ils ne vivaient pas
actuellement. Ils craignaient de ne plus être capables de continuer à travailler.

1.1. L’autonomie des parties dissociatives


Les parties dissociatives surviennent avec toutes les variétés et tous les degrés de
séparation. L’autonomie fait référence au degré avec lequel une partie donnée
fonctionne en dehors du contrôle conscient du patient. Une plus grande auto-
nomie implique une moindre réalisation. L’autonomie implique qu’une partie
se perçoive comme plus séparée et puisse agir seule, comme dans l’exemple de
Didier, qui avait plusieurs parties travailleuses séparées avec différentes pos-
tures et mouvements, pensées et sentiments permettant d’accomplir les tâches
liées au travail. Bien sûr, les parties dissociatives sont les façons d’être parti-
culières du patient, mais elles sont à des degrés divers, en dehors de la prise de
conscience ou du contrôle du patient dans sa globalité.
Certaines parties n’interagissent jamais directement avec le monde exté-
rieur, mais s’éprouvent tout de même comme intérieurement séparées et
autonomes. Il n’est, par exemple, pas rare que des parties qui imitent l’auteur
croient fermement qu’elles sont l’agresseur d’origine, mais le patient ne peut
jamais switcher ouvertement vers ces parties, qui exercent leur influence inté-
rieurement (voir chapitre 17). Dans le TDI, certaines parties ont une croyance
si forte de la séparation qu’elles insistent sur le fait qu’elles n’habitent pas le
corps du patient ou n’ont pas d’enfants alors que le patient en a plusieurs, ou ne
travaillent pas ou n’ont pas de partenaire, même si ce n’est pas le cas.
Certaines parties croient même qu’elles peuvent tuer ou blesser d’autres
parties sans se tuer ou se blesser elles-mêmes. C’est un phénomène qui peut
accompagner l’automutilation et la tendance suicidaire chez les patients

244 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


hautement dissociatifs et qui est un des plus importants à aborder dans le
traitement. Des approches particulières de l’automutilation et des tendances
suicidaires chez les patients dissociatifs sont traitées au chapitre 18. Le degré
de non-réalisation dans de tels cas est profond, ce qui implique que les capa-
cités d’intégration du patient sont faibles et que le traitement peut prendre
plus de temps.
Dans d’autres cas, les parties peuvent avoir des degrés perçus de sépara-
tion moins élevés. Les parties peuvent observer : « Je me sens comme moi, pas
comme une partie d’elle. Mais je sais que je fais partie d’elle. » Il peut y avoir
des degrés très divers d’autonomie parmi les parties d’une même personne, avec
peut-être une ou deux parties ayant une autonomie plus extrême et d’autres qui
en ont beaucoup moins.

1.2. L’élaboration des parties dissociatives


L’élaboration se réfère au sens défini de soi d’une partie dissociative. Bien que
le degré d’élaboration ne soit pas un critère de diagnostic, les parties avec plus
de sens définis de soi sont perçues davantage dans le TDI que dans le TDAS,
avec quelques exceptions. Habituellement, plus une partie est autonome, plus
elle devient élaborée en développant des caractéristiques et préférences « per-
sonnelles » uniques. Ces parties peuvent interagir davantage dans le monde
extérieur, avec des switchs ouverts, au lieu d’être principalement des phéno-
mènes internes, bien que ce ne soit pas toujours le cas. Une partie dissociative
peut avoir un certain âge ou une certaine tranche d’âge, un genre, une orien-
tation sexuelle, une préférence de vêtements, de musique et de nourriture et
des capacités, habiletés et déficits, de même qu’un répertoire de postures et de
gestes, autant d’éléments qui peuvent être différents des autres parties.
Parfois, les différences de préférences deviennent si extrêmes qu’elles créent
des conflits intérieurs au sujet de problèmes des plus mineurs. Par exemple,
quoi porter ou quel parfum de glace acheter. Lorsque c’est le cas, le patient est
souvent en train d’éviter des conflits beaucoup plus graves en se concentrant
sur les préférences contradictoires des parties. Ces problèmes mineurs peuvent
être une excellente occasion d’aider les parties à apprendre à coopérer entre
elles si le thérapeute passe un peu de temps avec elles et aide le patient à aller
de l’avant. Cependant, il est essentiel pour le thérapeute de ne pas passer un
temps infini à aider le patient à conclure des accords entre les parties sur des
questions mineures comme les achats à l’épicerie, mais plutôt d’aider toutes les
parties du patient à communiquer entre elles et à apprendre des stratégies pour
gérer plus efficacement les conflits internes. Il est vital pour le thérapeute de
reconnaître l’évitement inhérent aux conflits insignifiants et d’aider le patient
à commencer à accepter et à résoudre les conflits majeurs qui sont la vraie rai-
son pour laquelle les parties restent séparées.

Travailler avec les parties dissociative 245


2. Comprendre les fonctions
des parties dissociatives
Il est important que les thérapeutes comprennent pourquoi les patients restent
divisés, c’est-à-dire les raisons de la non-réalisation continue. Pourquoi conti-
nuent-ils à avoir besoin des parties dissociatives au lieu de se percevoir comme
un seul moi ? La phobie de l’expérience intérieure est souvent un facteur
majeur qui maintient la dissociation. Le patient évite non seulement les pen-
sées, mais aussi les sentiments et sensations liés aux souvenirs traumatiques et
aux parties dissociatives mais aussi d’autres expériences intérieures qui peuvent
s’étendre au-delà du traumatisme.

CONCEPT CLÉ

Le thérapeute doit comprendre les raisons pour lesquelles le patient continue à avoir des
parties dissociatives, c’est-à-dire continue à avoir une non-réalisation profonde. Ces rai-
sons sont des cibles du traitement et incluent la phobie de l’expérience intérieure, des
parties dissociatives et des souvenirs traumatiques.

La phobie des souvenirs traumatiques non résolus est une autre raison
majeure pour laquelle les parties restent séparées. Une partie peut contenir
une mémoire intolérable pour une autre partie qui ne semble pas se souve-
nir de ce qui s’est passé. Une partie peut contenir un aspect particulièrement
intolérable du souvenir, une émotion telle que la culpabilité ou la honte, une
sensation physique telle qu’une excitation sexuelle ou une douleur insuppor-
table, un mouvement comme esquiver la tête et éviter le contact avec les
yeux, une menace de l’agresseur ou un moment où la patiente croyait qu’elle
était en train de mourir, alors que d’autres parties gardent le reste du souvenir.
Cependant, d’autres conflits tout aussi puissants maintiennent la dissociation
et peuvent être directement ou indirectement liés au trauma.
Une partie dissociative particulière doit toujours être comprise dans le
contexte de la personne dans son ensemble – le système dynamique dont la
partie est un sous-système. En d’autres termes, il est important de comprendre
les fonctions d’une partie donnée au sein de toute la personne. Comme Janet
(1945) l’observait, les parties dissociatives représentent certaines non-réali-
sations. Les fonctions des parties sont étroitement liées aux non-réalisations
qu’elles soutiennent. Par exemple, une partie enfant fonctionne pour contenir
des désirs de dépendance, avec les yeux écarquillés et une posture corporelle
désemparée et effondrée, que la partie adulte du patient, qui a une posture plus
droite, est cependant incapable de réaliser, alors que les parties enfant sont
incapables de réaliser qu’elles sont maintenant adultes. Une partie en colère,

246 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


avec une tension extrême dans la mâchoire et les épaules a la fonction de se
défendre contre la menace et n’est pas en mesure de réaliser que la menace
n’existe peut-être pas ou n’est pas si grave et qu’il peut y avoir d’autres façons
de traiter les conflits relationnels. Le patient, qui n’est pas capable de réaliser la
colère, la relègue à cette partie en colère, que le patient évite alors par honte.

2.1. Organisation du système dynamique


des parties dissociatives
Bien que chaque partie puisse avoir des traits uniques en surface, il y a cer-
taines similitudes sous-jacentes typiques dans les fonctions de base des parties
et dans la façon dont elles sont organisées. À leur niveau le plus élémentaire,
les parties sont probablement organisées par des systèmes d’action (Van der
Hart et al., 2006). Comme nous l’avons noté, c’est une organisation double
basée sur la défense contre les menaces et sur le fonctionnement dans la vie
quotidienne. La complexité du système de personnalité du patient peut se
manifester à plusieurs niveaux. Le plus simple est une partie majeure qui fonc-
tionne dans la vie quotidienne et une ou plusieurs parties fixées au temps du
traumatisme. Certaines parties peuvent prendre une plus grande autonomie et
élaboration au fil du temps, mais pas toutes. Par exemple, dans le cas d’Hélène,
présenté au chapitre 1, son système se compose d’une partie (Hélène) qui fonc-
tionne au quotidien alors que plusieurs parties sont coincées dans la défense
contre le danger ou une menace de mort. Ces parties dissociatives, comme la
partie enfantine appelée Ellen, gardent des souvenirs, des émotions et ainsi de
suite, qu’Hélène ne peut pas encore réaliser. La plupart des cas de TDAS ont
ce niveau d’organisation dissociative.
À un niveau plus complexe, ce que nous considérons être le cas du TDI, les
patients ont plus d’une partie qui fonctionne dans la vie quotidienne en plus
d’une partie fixée au temps du traumatisme. Le système dynamique des parties
dissociatives de Didier se situait à ce niveau de complexité (voir son cas plus
haut dans ce chapitre). Il avait plusieurs parties différentes impliquées dans les
tâches et fonctions de la vie quotidienne, y compris les deux parties qui s’oc-
cupaient du travail, chacune avec des caractéristiques physiques et émotion-
nelles particulières adaptées dans le contexte du travail. Didier avait aussi une
partie très active dans le sport, ainsi qu’une partie traitant des tâches telles que
les impôts, les achats et le paiement de factures. Didier était conscient d’une
histoire traumatique d’agression sexuelle par plusieurs hommes commençant à
un très jeune âge. Il parlait des « enfants qui sont enfermés dans le sous-sol »
à l’intérieur de lui et ne voulait rien avoir à faire avec ces parties qui étaient
toutes fixées au temps du traumatisme.
Les parties qui fonctionnent dans la vie de tous les jours sont le plus sou-
vent présentes en thérapie et sont généralement dans l’évitement des autres

Travailler avec les parties dissociative 247


parties, mais pas toujours. Souvent, des parties coincées au temps du trauma
sont organisées autour de certaines expériences traumatiques. Il peut y avoir
plusieurs de ces sous-systèmes chez certains patients. Dans le cas de David,
deux systèmes de parties coincés au temps du trauma étaient connectés d’une
certaine manière, mais aussi séparés. Un sous-système de parties gardait la plu-
part des souvenirs des abus qui se sont produits à la maison et un autre sous-
système conservait des souvenirs d’abus commis par un groupe de pédophiles
dans son quartier.

3. Approches pratiques pour travailler


avec des parties dissociatives
Étant donné que les parties dissociatives sont des sous-systèmes d’une personne
avec une personnalité, la façon dont les thérapeutes travaillent avec la per-
sonne dans son ensemble peut influencer grandement les résultats du traite-
ment. Quand les thérapeutes sont fascinés par les différences entre les parties,
leur nombre, leur style, leurs préférences et leurs caractéristiques, et travaillent
avec elles comme si elles étaient de vrais individus, la thérapie peut facilement
dérailler et les tendances dissociatives peuvent être exacerbées. Dans ce cas, le
thérapeute est en collusion avec la non-réalisation du patient, agissant comme
si le patient n’était pas une seule personne.

CONCEPT CLÉ

Le thérapeute doit travailler avec les parties dissociatives comme des sous-systèmes d’une
personne à part entière et pas en tant qu’individus.

D’un autre côté, certains thérapeutes peuvent ignorer l’importance cen-


trale de travailler avec les parties en traitant le patient comme d’habitude
dans l’espoir que les parties disparaîtront d’une façon ou d’une autre ou que
leurs conflits se résoudront. Sans formation adéquate et un cadre concep-
tuel qui aide à comprendre les parties dissociatives, certains thérapeutes
déclarent se sentir dépassés et confus quant à la façon de faire face aux
parties. Ces thérapeutes devraient éviter de travailler avec des parties parce
qu’ils ne savent tout simplement pas comment le faire ou ont peur de le
faire.
Certains thérapeutes évitent de travailler avec des parties parce qu’ils s’in-
quiètent que le patient les crée pour un certain type de bénéfice secondaire,
ou craignent que le fait de leur prêter attention augmentera le sentiment de
séparation du patient. Malheureusement, les patients dissociatifs n’ont pas
tendance à s’intégrer tout seuls à cause de l’évitement phobique extrême et du

248 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


manque de réalisation inhérent à la dissociation. Des recherches récentes ont
démontré que de nombreux patients dissociatifs ne s’améliorent pas sans un
traitement spécifique qui aborde les parties dissociatives (Brand, Loewenstein
et Spiegel, 2014). Brand et al. (2014) ont également noté que la dissociation
(et d’autres symptômes majeurs) diminuait en fait lorsque les thérapeutes
reconnaissaient et travaillaient avec les parties.

CONCEPT CLÉ

La question n’est pas « Devrais-je travailler avec des parties ? », mais « Comment dois-je
travailler avec des parties de manière à faciliter l’intégration ? »

La question est de savoir comment travailler avec les parties d’une manière
qui diminue la dissociation et facilite l’intégration. Les interventions visant à
diminuer la dissociation comprennent celles qui :
• ont une perspective théorique des systèmes (les parties dissociatives
sont des sous-systèmes dans le système biopsychosocial dynamique de
toute la personnalité) ;
• ont une approche relationnelle ;
• incluent toutes les parties dissociatives dans la thérapie ;
• traitent toutes les parties dissociatives avec respect et comme apparte-
nant à une seule personne ;
• aident le patient à faire face à ce qui maintient les parties dissociatives
séparées, en fonction de ce que le patient peut tolérer ;
• maintiennent le traitement à l’intérieur d’une fenêtre de tolérance
pour toutes les parties ; et
• travaillent de manière systémique, quelles que soient les parties pré-
sentes ou absentes dans le moment.

3.1. Une approche graduelle et systémique


La façon la plus efficace de travailler avec les parties est de les considérer
comme des sous-systèmes dans un système dynamique d’un individu tout
entier, chaque partie ayant une pertinence et une importance pour toutes les
autres parties ; et chaque partie devant apprendre à comprendre, être compas-
sionnelle et responsable envers toutes les autres. Que le thérapeute travaille
avec une, deux parties, ou des groupes de parties, ou toutes les parties en même
temps dépend de la capacité d’intégration et de la motivation du patient. Ci-
dessous, nous discuterons de la façon de déterminer si et quand il faut travailler
avec une, plusieurs ou toutes les parties.

Travailler avec les parties dissociative 249


CONCEPT CLÉ

Le thérapeute doit évaluer (dans la mesure du possible avec le patient) à un moment


donné s’il peut être plus efficace de travailler avec le patient dans son ensemble en « dis-
cutant sérieusement », avec deux ou plusieurs parties pour faciliter la conscience et la
coopération, ou avec une seule partie. Le simple fait d’interagir avec la partie qui « appa-
raît » dans la thérapie n’est pas suffisant pour faciliter l’intégration. Les interactions du
thérapeute avec les parties devraient avoir pour but d’atteindre des buts précis dans la
thérapie.

Des interactions explicites entre les parties peuvent parfois être enten-
dues, vues ou ressenties par le patient. Hélène pouvait parfois voir la jeune
partie d’elle-même qu’elle appelait Ellen et pouvait la sentir dans son corps.
Parfois, Hélène voyait Ellen avec les yeux de son esprit comme une orphe-
line abandonnée dans des vêtements en lambeaux et sales et, à d’autres
moments, elle voyait Ellen à l’extérieur d’elle-même, recroquevillée dans
un coin de sa chambre. Ellen pleurait et demandait à Hélène de la tenir et
elle exprimait une grande crainte de « l’Observateur », une partie punitive.
L’Observateur apparaissait souvent comme une figure inquiétante, sombre,
ombrageuse, qui appelait Ellen par des noms effrayants et menaçait de la
tuer.
Nous pouvons considérer ces parties d’Hélène comme des représentations
fragmentées de son enfance – la victime et le persécuteur – avec Hélène sou-
vent dans le rôle d’un spectateur négligent, ignorant ce qui se passe avec ces
parties d’elle-même ou impuissant à faire quoi que ce soit.
Une approche du système familial consistant à travailler avec les parties
internes est une méthode qui offre une perspective systémique (p. ex., Chu,
2011 ; Schwartz, 1997 ; Van der Hart et al., 2006). Dans la thérapie du système
familial, il n’y a pas de patient individuel identifié. C’est plutôt l’ensemble du
système familial qui est la cible du traitement. Changer le système familial, i.e.
comment les individus interagissent et se rapportent les uns aux autres, est le
point central du traitement. De la même manière, le point focal du traitement
pour les troubles dissociatifs est de changer de manière adaptée les façons dont
les parties dissociatives sont et ne sont pas en relation les unes avec les autres
et avec le monde.
Une approche de psychothérapie sensorimotrice (Ogden et al., 2006 ;
Ogden et Fisher, 2015) propose des théories et des interventions qui aident les
thérapeutes et leurs patients à prendre conscience de l’organisation somatique
des parties et de la façon dont le corps lui-même peut devenir un atout pour
soutenir la réalisation et l’intégration. Les mouvements, les sensations et les
postures du patient sont considérés comme un reflet et un support de diverses
parties. Les interventions thérapeutiques qui changent et intègrent des actions

250 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


physiques, comme trouver des postures et des actions acceptables à plus d’une
partie, sont utilisées pour les aider à communiquer et à coopérer l’une avec
l’autre.
L’importance de la relation thérapeutique en tant que conteneur d’une
relation interpersonnelle et intégrative qui invite et tient toutes les parties
dissociatives ne saurait être surestimée. Comme le thérapeute accepte et s’as-
socie à l’expérience subjective de chaque partie du patient tout en embrassant
la réalité du patient dans son ensemble, « chaque partie du soi devient de plus
en plus capable de coexister avec le reste, et dans ce sens est liée aux autres.
C’est une expérience de cohérence, de cohésion et de continuité qui naît du
rapprochement humain » (Bromberg, 2003, p. 704).
Plus le système dynamique des parties dissociatives du patient est complexe,
plus le thérapeute devrait être lent et prudent, puisque la capacité d’intégration
est limitée, du moins en ce qui concerne la gestion des expériences intérieures.
Le thérapeute doit être capable de distinguer le fonctionnement fragile dans
la vie quotidienne des patients souffrant de TDI qui est basé sur l’évitement
extrême, d’un fonctionnement adapté dans lequel le patient est capable de
faire face à des expériences intérieures, peu importe sa lenteur. Sinon, le travail
risque d’aller trop vite et de déborder le patient.

3.2. Par où commencer ?


Une approche séquentielle du travail avec les parties est souvent utile. La pre-
mière étape est alors de déterminer dans quelle mesure le patient peut tolérer
l’idée des parties, et à quel degré le patient en tant que partie principale fonc-
tionnant dans la vie quotidienne connaît déjà d’autres parties et est capable de
communiquer avec elles.

La psychoéducation. Ensuite, le thérapeute offre de la psychoéducation


pour aider la partie du patient qui se présente à accepter l’importance de tra-
vailler avec d’autres parties dissociatives. Parce que de nombreux patients
craignent ou sont honteux de leurs parties, ils sont souvent extrêmement
réticents à accepter d’être dissociatifs. Le thérapeute doit aider les patients
à comprendre comment le corps réagit au traumatisme, les défenses animales
qui sont provoquées et la façon dont la posture et le mouvement du corps
contribuent au maintien des parties dissociatives aussi bien qu’au maintien
d’émotions et de croyances particulières. L’attitude et le langage du thérapeute
peuvent être utiles pour réduire le stigmate lié au fait d’avoir des parties. Les
thérapeutes devraient trouver le moyen qui convient à leurs patients en utili-
sant leur propre langage et leurs façons de comprendre.
Normaliser l’expérience des parties. Les thérapeutes peuvent expliquer
que le traumatisme suscite par définition des défenses animales instinctives

Travailler avec les parties dissociative 251


accompagnées d’actions physiques et d’émotions caractéristiques et
implique l’incapacité à complètement intégrer l’expérience. Une enfant ne
peut pas intégrer le sens de qui elle est lors d’un abus – lorsque les défenses
animales, comme le gel ou la feinte de la mort entrent en jeu – avec qui
elle est dans la vie quotidienne, lorsque ces défenses ne sont pas néces-
saires. Dans le premier « soi », l’enfant est figée et immobilisée, incapable
de penser. Dans le second, elle peut être très active, avec un large éven-
tail d’émotions et de pensées. Le ressenti de son corps et de son esprit
est très différent dans ces différentes expériences. Il est donc tout à fait
compréhensible que non seulement les émotions, les sensations, les mou-
vements, etc., soient dissociatifs, mais aussi le sentiment de sa propre iden-
tité. Une fois le diagnostic posé, certains patients trouvent utile que le
thérapeute explique que nous avons tous différents aspects de nous-mêmes.
Nous sommes différents quand nous sommes au travail, en famille ou pro-
fitant des vacances. Cependant, tout le monde ne vit pas ces aspects de
nous-mêmes comme n’étant pas moi, c’est-à-dire comme ayant leur propre
perspective à la première personne et leur propre sens de soi. Tout le monde
n’a pas des barrières dissociatives entre des parties et peut facilement passer
d’un mode à l’autre. Le thérapeute peut expliquer que ces barrières étaient
nécessaires pour aider le patient à survivre à des moments très difficiles de
l’enfance. Les symptômes intrusifs des parties peuvent être expliqués afin
que le patient ne se sente pas fou.
Expliquer et recadrer les comportements des parties dissociatives. La plupart
des patients décrivent des parties dissociatives qui hantent, menacent, ter-
rorisent ou sont honteuses. Certaines parties peuvent apparaître comme
l’auteur, d’autres juste comme des voix très en colère et menaçantes. Les
patients peuvent entendre ou ressentir à l’intérieur d’eux-mêmes un enfant
gravement blessé, pleurant tout le temps et dans d’atroces souffrances, ou
d’autres parties jeunes qui ont des crises de colère ou qui tremblent de peur.
Ils peuvent décrire des parties hors de leur contrôle qui blessent leur corps,
ont des conduites de promiscuité sexuelle ou se prostituent, ou boivent ou
consomment de la drogue. Dès le début de la thérapie, il est utile d’expliquer
les fonctions originelles des comportements de ces parties et de les recadrer
comme des comportements qui tentent de résoudre un problème (voir les
exemples aux chapitres 16 et 17).

Utilisez un langage qui aide le patient. Les thérapeutes ont tendance à


avoir leur terminologie préférée pour les parties. Pourtant, ce qui est le plus
important, c’est de rester proche de l’expérience du patient. Par exemple, une
patiente a trouvé le terme « parties » effrayant : « J’ai l’impression d’être vrai-
ment folle ! » La thérapeute a demandé comment la patiente appellerait ces
expériences intérieures et elle répondit : « Mes petits fragments. » Dans son

252 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


esprit, ce terme était beaucoup moins stigmatisant, donc voilà comment la
thérapeute parla de ses parties dissociatives. Un autre patient ne pouvait pas
se référer à la présence de parties, mais aux défenses animales et aux modèles
physiques qui reflétaient ses « instincts ». Il parlait de son instinct à se tendre
et se gonfler (partie en colère) et de son instinct à se figer (partie immobile). Le
thérapeute devrait s’informer sur la façon dont les patients aimeraient parler
de leurs expériences. Avant tout, le thérapeute doit être flexible et utiliser les
descripteurs que les patients préfèrent.
Cependant, certains patients refusent tout simplement de reconnaître
la dissociation de quelque manière que ce soit. Parfois, il faut trouver un
compromis, par exemple en parlant de différentes manières d’être ou d’hu-
meurs différentes. D’autres patients sont si convaincus que les parties sont des
personnes séparées que le thérapeute doit avancer prudemment. Marta par
exemple, une patiente qui avait un TDI, disait que ses parties étaient mes
gens à l’intérieur. Le thérapeute faisait parfois référence aux parties de Marta
comme étant ce que vous appelez vos gens à l’intérieur et que j’appelle des parties
de vous. Si le patient n’a pas de préférence particulière, un de ces termes
pourrait être utilisé :
• des parties de moi ou des parties dissociatives de moi-même ;
• des alters ;
• des parties de ma personnalité ;
• différentes façons d’être moi ;
• des modes ;
• des humeurs ;
• des aspects de moi-même ou des aspects de moi ;
• la partie en colère de moi ; ou
• le petit moi, ou le moi adulte.

Certains patients n’ont pas de nom pour leurs parties, en particulier ceux
qui ont un TDAS. Les thérapeutes ne devraient pas nommer les parties ni
encourager le patient à le faire si cela n’a pas déjà été fait avant le traitement,
sauf pour les identifier de manière générale, comme la partie en colère ou la par-
tie jeune de vous. L’exception est peut-être de renommer une partie comme un
élément qui aide le patient à l’accepter plus pleinement ou de mettre davan-
tage l’accent sur sa fonction originelle de protection ou d’aide. Par exemple,
renommer « la Salope » en « la Protectrice » ou « le Monstre » en « le Petit
Enfant » ou « Papa » en « Harry » peut être utile. Ce genre de recadrage à
travers le changement de nom ne peut se produire que si la partie accepte
un autre nom, car elle ne devrait pas être forcée. Habituellement, les parties
souillées sont finalement désireuses d’être acceptées et choisissent souvent leur
propre nouveau nom.

Travailler avec les parties dissociative 253


&YFNQMFTEFDBTEFDIBOHFNFOUEFOPNEVOFQBSUJFDPNNFTUSBUÏHJF
UIÏSBQFVUJRVF5IÏSÒTFFU1BUSJDJB

Thérèse avait une partie qu’elle appelait « Salope ». Finalement, alors qu’elles travaillaient
la honte de Thérèse d’être dans la promiscuité sexuelle, la thérapeute signala que c’était
un nom bien dur. Comme Thérèse développait plus de compassion, elle renomma
cette partie « Cassidy », qui signifie « intelligente » en gaélique. Elle comprit que Cassidy
était la partie d’elle qui avait appris à utiliser le sexe pour attirer l’attention et l’amour
dans des circonstances difficiles. Comme Thérèse était plus en mesure de s’approprier
sa sexualité, Cassidy devint de moins en moins active et finalement s’intégra à Thérèse
après quelques autres années de traitement.
Une autre patiente, Patricia, avait deux parties dissociatives qu’elle appelait « Maman »
et « Papa ». Ces parties la terrifiaient en remettant en actes des abus sadiques de la
part des deux parents. Dans le cadre d’une stratégie globale visant à aider Patricia à
améliorer ses compétences pour mentaliser efficacement, le thérapeute se concentra
sur les différences entre Maman et Papa « à l’intérieur » et Maman et Papa « à l’extérieur ».
Patricia sentait que les parties internes étaient des « versions plus jeunes » de ses parents
vieillissants. Le thérapeute suggéra plusieurs façons d’aider Patricia à faire la distinction
entre les parties internes et ses vrais parents. L’une des suggestions était de renommer
les parties. Patricia aima cette idée et les nomma « Édith » et « Archie » (de la série
télévisée All in the Family). Cela la faisait rire et se sentir beaucoup moins menacée.

Les patients souffrant de TDI ont souvent des parties qu’ils ont nommées
plus tôt dans leur vie. Une question courante est de savoir si le thérapeute doit
désigner les parties par leur nom. Il n’y a pas d’autre règle absolue que celle-là,
peu importe la façon dont le thérapeute se réfère aux parties, il doit toujours être
clair que les parties sont perçues comme des sous-systèmes d’une seule personne.
La plupart des thérapeutes utiliseront un nom spécifique pour une partie si
cette partie a déjà été nommée par le patient. Par exemple, Hélène appelait la
partie jeune d’elle Ellen. Parfois, le thérapeute se référait à Ellen par son nom,
mais disait aussi souvent « la petite partie de vous », ou « Ellen, la partie jeune
de vous ». Entrelacer ce genre de langage clair avec un nom est un rappel utile
à l’attention du patient que le thérapeute maintient à la fois la réalité subjec-
tive du patient et la réalité que le patient est une seule personne.
En général, l’utilisation des noms ne devrait pas devenir une lutte de pou-
voir. Le thérapeute peut utiliser l’approche décrite avec Hélène ci-dessus si le
patient insiste sur des noms différents. L’objectif est de développer une alliance
de travail avec toutes les parties du patient. Les thérapeutes doivent prendre
le risque d’entrer avec un pied dans le monde intérieur du patient, en gardant
l’autre pied enraciné dans la réalité commune partagée du présent.

Commencez à travailler avec les parties adulte du patient. La manière la


plus stable de commencer à travailler avec les parties dissociatives est de com-

254 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


mencer avec la partie adulte du patient qui se présente en thérapie et est
habituellement phobique d’autres parties. Chez les patients avec un TDI, il
peut s’agir de plus d’une partie, car il peut y avoir plusieurs parties qui fonc-
tionnent dans la vie quotidienne et sont phobiques des parties fixées au temps
du trauma. Un contrat thérapeutique doit, par définition, inclure la (ou les)
partie(s) adulte(s) du patient pour que la capacité de fonctionner au quotidien
soit maintenue et améliorée. En outre, la partie adulte du patient est tenue
responsable pour les actions des autres parties dissociatives.

CONCEPT CLÉ

Le soi adulte du patient doit être engagé en premier lieu dans le traitement et être aidé à
accepter et à travailler avec d’autres parties dissociatives.

Certains patients viennent en thérapie parce que leurs souvenirs trauma-


tiques ont été activés et que les parties dissociatives qui vivent dans le temps
du traumatisme sont dès lors devenues plus actives également. Ces patients
peuvent switcher pendant la séance et le thérapeute doit décider avec qui tra-
vailler en premier. Inversement, certains patients peuvent cacher le switch
et le fait qu’il y a des parties dissociatives et il peut être extrêmement difficile
pour le thérapeute de travailler en connaissance de cause avec quelque partie
que ce soit. Dans ces cas, il est facile d’agir comme si elles n’existaient pas, tout
comme le font le patient et la partie adulte. Certains patients, en tant que par-
ties adulte, peuvent chercher à ce que le thérapeute traite avec d’autres parties
dissociatives, de telle sorte qu’ils n’ont pas à le faire. D’autres peuvent avoir un
fort désir de recevoir ce qu’ils n’ont pas eu dans leur enfance et donc espérer
que le thérapeute prendra soin des parties jeunes d’eux-mêmes. Le problème du
switch sera abordé plus loin dans ce chapitre.
Certains thérapeutes se préoccupent de savoir s’ils doivent travailler avec ce
qui a parfois été appelé « l’hôte », c’est-à-dire la partie qui est sous contrôle la
plupart du temps, ou avec la « personnalité de naissance » ou la « personnalité
originelle » ou « le soi ». L’hôte est simplement la partie du patient qui semble
active le plus souvent dans la vie quotidienne. Il est accompagné de postures, de
mouvements et d’expressions qui reflètent le fait que le patient réagit à la réalité
actuelle au lieu d’être fixé au temps du trauma. Cela peut changer au fil du temps
ou bien il peut s’agir d’un conglomérat de parties ayant une relation de coopé-
ration (relative) concernant le fonctionnement de la vie de tous les jours et il
n’y a donc peut-être aucune partie présente la plupart du temps. En raison de la
nature psychobiologique du développement des parties dissociatives dans l’en-
fance, il n’y a peut-être pas de personnalité « d’origine » ou « de naissance ». La
personnalité est un accomplissement du développement : nous ne sommes pas
nés avec une personnalité pleinement développée. Les enfants très traumatisés

Travailler avec les parties dissociative 255


n’ont peut-être jamais développé une personnalité cohérente au départ. Le thé-
rapeute aide le patient dans son ensemble à être responsable des actions de toutes
les parties, quelle que soit la partie « à l’avant-plan ». Cela signifie que chaque
partie est finalement responsable envers toutes les autres parties.

Préciser explicitement que toutes les parties ont des objectifs communs.
Pratiquement toutes les parties veulent se sentir soulagées ou se sentir mieux,
même celles qui semblent avoir des objections féroces à la thérapie, y com-
pris les parties qui veulent mourir pour mettre fin à la douleur ou qui croient
qu’elles méritent d’être punies. Les thérapeutes devraient aider leurs patients à
comprendre, quels que soient la résistance et les conflits qu’ils ressentent, qu’il
y a des buts communs pour la personne dans son ensemble. Le thérapeute peut
essayer de l’expliquer ainsi : « C’est vrai, n’est-ce pas, que toutes les parties de
vous n’ont pas envie de souffrir ? Et il est vrai, n’est-ce pas, que même si vous
pouvez difficilement l’imaginer, toutes les parties aimeraient se sentir mieux,
même si ce n’est que secrètement ? Et toutes les parties ont convenu de vous
permettre de venir en thérapie, même si c’est à contrecœur, sinon je pense
que vous ne seriez pas dans mon bureau. Donc d’une façon ou d’une autre, en
dehors de votre conscience, toutes les parties de vous ont convenu que vous
ne voulez plus souffrir, même si certaines pensent que vous devriez souffrir
et d’autres pensent que vous ne pouvez pas arrêter de souffrir. Il semble que
toutes les parties de vous veulent éliminer la souffrance. Êtes-vous d’accord
avec moi ? Il y a donc des choses que toutes les parties ont en commun et qui
sont vraiment des choses essentielles et bonnes. Nous pourrions commencer
par ces objectifs auxquels toutes les parties peuvent souscrire. »

3.3. Contacter les parties dissociatives


Avant toute tentative directe de contact, le thérapeute doit être clair sur ce qui
est le plus utile à discuter. Les parties dissociatives peuvent avoir un éventail
infini de sujets dont elles veulent parler. Chaque partie a son propre agenda et
son ensemble d’intérêts parmi lesquels de nombreuses stratégies d’évitement.
Certains sujets sont importants, mais sont présentés à un moment inopportun,
comme dans le cas des souvenirs traumatiques au début de la phase 1. Le thé-
rapeute doit demeurer un guide pour maintenir la thérapie sur la bonne voie en
suivant des chemins cohérents sans se laisser distraire (voir chapitre 8).

CONCEPT CLÉ

Les tentatives initiales visant à faciliter la communication entre les parties devraient être
axées sur la stabilisation et sur la façon d’aider le patient à fonctionner dans la vie quoti-
dienne, et non sur le partage des souvenirs traumatiques.

256 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


En général, les thérapeutes devraient commencer dès que possible à pro-
mouvoir la communication et la coopération et, si possible, la compassion
entre les parties. La communication interne initiale devrait se concentrer
sur les fonctions et la stabilisation de la vie quotidienne, pas sur la mémoire
traumatique. Dans la mesure du possible, le travail devrait rester à un niveau
quelque peu cognitif jusqu’à ce que les parties dissociatives soient capables
de réguler l’émotion. Le thérapeute peut, par exemple, encourager les parties
à régler les conflits concernant le fait d’aller travailler ou de s’occuper des
enfants du patient, ou concernant les moyens de réduire l’automutilation ou
d’autres comportements risqués. Aux parties qui veulent partager des souve-
nirs traumatiques, on peut demander respectueusement de tenir ces souvenirs
dans un contenant sûr jusqu’à ce que le moment soit venu. Ci-dessous, nous
partageons plusieurs moyens possibles pour entrer en contact avec des parties
dissociatives.
• Parler au travers (Kluft, 1982). En parlant au patient, le thérapeute
peut dire quelque chose comme : « Pendant que nous parlons, vous
pouvez permettre à toutes les parties de vous (ou tous les coins de votre
esprit ; tous les aspects de vous ; tout votre être ou votre moi) d’écou-
ter et de participer. » Parler au travers est une partie intégrante de la
plupart des séances et peut être encouragé, même lorsque le thérapeute
ne travaille qu’avec une ou deux parties. Parler au travers est souvent
efficace pour commencer à s’attaquer aux parties imitant l’agresseur et
à d’autres parties qui refusent d’être en thérapie ou de travailler sur
certaines questions. Ci-dessus, nous avons décrit à quel point il est
important d’expliquer et de recadrer les fonctions des parties. Cela peut
d’abord se faire en parlant au travers. Certains patients trouvent cela
effrayant quand le thérapeute parle au travers à d’autres parties, en par-
ticulier les parties imitant l’agresseur ou d’autres parties très honteuses,
parce qu’elles commencent à ressentir ces parties dont ils ont peur. Au
début de la thérapie, ces réactions peuvent être féroces et boulever-
santes. Comme toujours, le rythme est essentiel, donc pour certains
patients avec des réactions très intenses, parler au travers se fait par
petits pas.
• La partie adulte du patient en tant que médiateur. Une autre façon de
communiquer avec des parties peut se faire au travers de la partie adulte
se présentant en thérapie. Cette partie adulte du patient peut écouter à
l’intérieur et communiquer avec le thérapeute au nom d’autres parties.
Cette méthode est efficace lorsque la phobie des parties dissociatives
n’est pas trop extrême, généralement dans les cas où il n’y a qu’une
partie adulte qui fonctionne dans la vie quotidienne.
• D’autres parties en tant que médiateur (parties observatrices
internes). Certains patients ont une ou plusieurs parties qui servent

Travailler avec les parties dissociative 257


de « communicateurs » pour les parties internes. Celles-ci peuvent
ne pas être les mêmes que la partie adulte qui est présente la plupart
du temps. Ces parties observatrices intérieures peuvent être utiles au
démarrage d’une communication entre le thérapeute et les autres par-
ties (avec ou sans la présence initiale de la partie adulte), car elles
sont habituellement conscientes des parties. Généralement, ces par-
ties sont relativement dépourvues d’émotions, ce qui fait d’elles des
observateurs objectifs utiles. (La capacité d’éviter l’affect est utile
à court terme, mais à long terme, ces parties ont aussi besoin d’ap-
prendre à ressentir.)
• Demander à une partie de se présenter à la séance. Le moyen le plus
direct de communiquer avec une partie, c’est de demander à la partie de
se présenter en séance et de parler au thérapeute. C’est indubitablement
mieux quand la partie adulte qui se présente en thérapie « écoute ». Si,
cependant, les barrières dissociatives sont encore rigides et que la pho-
bie d’une partie pour l’autre est forte, le thérapeute peut parler avec une
partie sans la présence de la partie adulte. Dans ce cas, le thérapeute agit
comme « intermédiaire » ou médiateur, puisque le principal objectif de
la thérapie est d’aider les parties à se comprendre et à promouvoir une
communication interne constructive. Un maximum de partage entre les
parties est en général préférable, en fonction de leur seuil de tolérance et
le patient et le thérapeute devraient déterminer ensemble à quel point
c’est utile. Si le thérapeute met trop de pression et partage trop, cela ne
fera qu’accroître des réactions négatives. Travailler directement avec
les parties à travers le switch devrait être fait tôt dans la séance, en
comptant suffisamment de temps pour que la partie adulte du patient
soit ancrée et présente avant la fin des séances.
• Demander à une partie de communiquer par l’écriture ou l’art. Si
les parties sont encore trop phobiques pour communiquer directement
avec le thérapeute pendant la séance ou si l’adulte présent est trop
effrayé, le thérapeute peut demander au patient de permettre aux par-
ties d’écrire dans un journal. Dans certains cas, les courriels peuvent
être utiles, mais le thérapeute devrait en parler en supervision pour
savoir si cela est approprié et voir comment structurer cette façon de
communiquer en raison du danger de dépendance et du risque à rece-
voir trop de matériel hors séances. Certaines parties communiquent
bien à travers l’art. Il est sage de négocier avec toutes les parties pour
convenir de ne pas détruire l’œuvre ou les communications d’une par-
tie, car cela arrive souvent lorsqu’il y a une collaboration minimale et
un maximum de conflit. Pour la plupart des patients, cela peut prendre
du temps et il n’est pas rare qu’ils « oublient » systématiquement d’ap-
porter leur journal à la séance ou qu’ils soient incapables de le retrouver
ou encore découvrent que des pages ont été déchirées.

258 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


• Les signaux idéomoteurs des doigts. Les signaux idéomoteurs des
doigts sont une technique hypnotique avancée. Il s’agit de la sollici-
tation des réactions musculaires automatiques et souvent minuscules
dans les doigts (lever le doigt) lorsque le thérapeute pose une question
au patient (Cheek et LeCron, 1968 ; Cheek et Rossi, 1994 ; Ewin et
Eimer, 2006). Cette technique ne doit pas être utilisée sans entraîne-
ment à l’hypnose, spécialement dans l’utilisation de la signalisation
idéomotrice. La signalisation idéomotrice a été utilisée de manière très
efficace dans le traitement des troubles dissociatifs, en particulier dans
le contact avec les parties réticentes à participer au traitement ou pour
obtenir des informations inconnues des parties disponibles (Fine, 1993 ;
Kluft, 1982, 2001 ; Loewenstein, 1991a). Le thérapeute met en place
avec le patient un ensemble de signaux des doigts indiquant « Oui »,
« Non », « Je ne sais pas » et « Stop ! ». Le signal stop devrait être un
grand signal de toute la main pour que le thérapeute ne puisse jamais le
rater. Le thérapeute assure ensuite au patient dans son ensemble qu’il
ou elle a le contrôle et peut toujours utiliser le signal d’arrêt au besoin.
Certains patients ont différents systèmes de parties qui veulent utiliser
une main différente pour répondre, en particulier les patients présen-
tant des systèmes internes plus complexes. Le thérapeute pose ensuite
des questions non ouvertes. Par exemple, « Je me demande peut-être si
la partie qui vous scarifie a un problème que nous ne comprenons pas
encore ? » ou « Se pourrait-il qu’une partie de vous en sache davantage
sur ce qui vous rend si suicidaire ? »

3.4. Une séquence rationnelle de l’utilisation des parties


Bien que l’organisation dissociative de chaque patient soit différente, une
séquence générale de travail avec les parties comprend ce qui suit :
• Renforcer et stabiliser les parties qui fonctionnent dans la vie quoti-
dienne et aider ces parties à développer une collaboration interne.
• Contenir simultanément des parties fixées au temps du trauma (p. ex.,
en aidant ces parties à créer des lieux sûrs où elles peuvent se retirer ou
avoir des contenants pour leurs souvenirs traumatiques) et identifier les
caractéristiques somatiques de ces parties.
• Travailler avec toutes les parties du patient en parlant au travers ou par
d’autres moyens, dans la mesure du possible à chaque séance.
• Lorsque le travail avec toutes les parties n’est pas possible, travail-
ler avec deux ou plusieurs parties pour faciliter la communication, la
coopération et la compassion. Par exemple, si deux parties qui fonc-
tionnent dans la vie de tous les jours sont en conflit, travailler avec ces
parties pour accroître leur coopération.

Travailler avec les parties dissociative 259


• Lorsqu’il n’est pas possible de travailler avec deux ou plusieurs parties
simultanément, travailler avec une seule partie pour diminuer l’activa-
tion, l’orienter vers le présent et ensuite favoriser la communication
interne avec les autres parties.
• Engager tôt dans la thérapie les parties qui s’y opposent ou celles qui
sont fortement défensives, autodestructrices ou minent la relation thé-
rapeutique telles les parties qui imitent le ou les agresseurs.
• Exposer dans un premier temps et graduellement les parties les unes
aux autres, sans partager les souvenirs traumatiques. Concentrez-vous
sur la vie et les problèmes actuels jusqu’à ce qu’il devienne évident
que les souvenirs traumatiques peuvent être résolus (voir chapitres 19
et 20).
• Aider les parties à développer une prise de conscience continue (une
co-conscience) et une coopération concernant le fonctionnement
dans la vie quotidienne et les postures et actions qui soutiennent ce
fonctionnement.
• Aider toutes les parties à développer l’autocompassion exprimée aux
différentes parties et trouver des gestes physiques qui font preuve de
compassion.
• Au besoin, travailler avec des parties intrusives qui ne peuvent pas être
contenues.
0 Ancrer et orienter les parties dans le présent.
0 Engager d’autres parties dans l’entraide par le réconfort,
l’orientation, etc.

En travaillant d’abord avec des parties adulte qui fonctionnent dans la


vie quotidienne et en identifiant et pratiquant l’organisation physique asso-
ciée à ces parties, il y a plus de chances d’améliorer les capacités d’adaptation
du patient. Le thérapeute se concentre sur les questions qui déstabilisent le
patient, c’est-à-dire celles concernant la partie adulte qui se présente en théra-
pie. Les questions suivantes pourraient être utiles :
• Quels sont vos préoccupations et vos sentiments à l’égard de certaines
parties de vous-même ?
• Que craignez-vous qu’il se passe si vous en apprenez plus sur ces parties
de vous-même ?
• Êtes-vous conscient(e) des différentes opinions au sein de vous-même
en ce qui concerne votre présence en thérapie ?
• Quelle posture ou quel mouvement pouvez-vous ancrer dans votre
corps pour vous aider à rester présent(e) et ne pas switcher vers d’autres
parties ?

260 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


&YFNQMFEFDBTEVUSBWBJMBWFDEFTQBSUJFTEJTTPDJBUJWFT1JFSSF

Pierre, un patient souffrant de TDI disait à son thérapeute, après les premiers mois de
traitement, qu’il était souvent très confus et parfois totalement paralysé après une
séance. Il disait que les voix intérieures devenaient fortes et que les combats à l’intérieur
augmentaient tellement qu’il se demandait vraiment s’il devait poursuivre la thérapie.
Il décrivait se sentir tiraillé entre de nombreuses directions : (a) désirant rester dans le
cabinet du thérapeute parce qu’il s’y sentait en sécurité, b) s’enfuyant terrifié parce qu’il
sentait que quelque chose de terrible allait se produire, (c) s’imaginant lui-même crier
au thérapeute qu’il était stupide et ne savait pas dans quoi il s’embarquait, (d) étant
vraiment intéressé par ce qui était discuté, même s’il estimait que ce n’était pas du tout
pertinent pour lui et e) se sentant stupide et ridicule d’avoir toutes ces réactions.
Son thérapeute valida ses craintes et dit à Pierre qu’il était courageux de partager ses
différentes pensées et sentiments. Pierre comprit petit à petit que ces différentes
réactions à la thérapie provenaient de ses parties intérieures et de leurs expériences
passées dans les relations. Chaque partie fut invitée à faire connaître à Pierre et au
thérapeute leurs inquiétudes au sujet du thérapeute et qui menaient au chaos intérieur
que Pierre ressentait. Chaque partie fut validée comme ayant une fonction importante
et le thérapeute aida Pierre à avoir moins peur de ces parties et à les reconnaître avec
compassion plus souvent. Pierre et son thérapeute apprirent lentement à identifier les
émotions, les pensées et les caractéristiques physiques de chaque partie séparée et à
associer les mouvements et les postures à la fonction particulière de chaque partie, ce
qui favorisa aussi la compréhension, la coopération et la compassion.

3.5. Faire face au switch entre les parties dissociatives


Le thérapeute devrait toujours être curieux de savoir pourquoi le patient swit-
che à un moment donné, car ce n’est pas aléatoire mais fonctionnel et signi-
ficatif à la fois. Le thérapeute devrait se rappeler que le switch peut avoir plus
d’une fonction dont l’une est souvent réactionnelle à quelque chose dans la
relation thérapeutique. Comme nous l’avons déjà mentionné, il est possible
que des switchs surviennent pour les raisons suivantes :
• pour gérer la proximité ou la distance dans une relation dans le présent ;
• en réponse à des conflits internes au sujet de la présence en thérapie ou
à propos d’opinions divergentes à l’égard du thérapeute et de l’attache-
ment à lui ou à elle ;
• en réponse à un conflit interne sur le sujet qui est en train d’être discuté
dans le moment ;
• pour recevoir quelque chose du thérapeute qui n’est par ailleurs pas
acceptable pour la personne (p. ex., le patient switche vers une partie
enfant pour recevoir des soins) ;
• pour exprimer ce qui pourrait autrement être inacceptable pour la per-
sonne (p. ex, le patient passe à une partie en colère pour exprimer sa
colère à l’égard du thérapeute) ;

Travailler avec les parties dissociative 261


• pour éviter la confrontation par le thérapeute d’un comportement
inapproprié (p. ex., le patient passe à une partie enfant effrayée afin
d’éviter de faire face à un épisode de scarification ou de vol à l’étalage) ;
• pour qu’une partie exerce un contrôle sur les autres (généralement pour
les autres raisons listées ici) ;
• pour éviter le travail actuel de la thérapie, y compris pour distraire le
thérapeute ;
• en réponse à des sensations, des mouvements et des postures particu-
liers qui « tirent » le patient dans une partie particulière ;
• en réponse à des souvenirs traumatiques réactivés ou à un déclencheur
lié aux souvenirs traumatiques ; et
• en réponse à l’activité des parties internes – par exemple, les menaces
de parler d’un certain sujet.

L’objectif est de noter ce qui déclenche des switchs chez un patient, de sou-
tenir toutes les parties à être plus présentes et concentrées sur un sujet à la fois
et d’augmenter la capacité de l’ensemble du patient à tolérer la détresse avec
plus de capacité d’adaptation au lieu de switcher. Aider un patient à prendre
conscience des précurseurs somatiques du switch, comme une sensation par-
ticulière, une tension, un mouvement ou une posture, peut souvent l’aider à
exercer un certain contrôle par rapport au switch en exécutant une action
différente ou en créant délibérément une sensation différente.

CONCEPT CLÉ

Le switch manifeste entre les parties n’est pas aléatoire. Il a toujours une fonction – sou-
vent d’évitement, de satisfaction de besoins inacceptables, ou pour faire face à une me-
nace – et se produit habituellement lorsque le patient est sous pression.

• Lorsque vous remarquez un switch, arrêtez-vous immédiatement et demandez au


patient ce qui s’est passé.
Exemple : « Marie, que s’est-il passé ? Quelque chose a changé et je ne suis pas sûr
de comprendre pourquoi. On va vous aider à être plus présente. »
• Demandez si la partie peut « revenir » au présent.
Exemple : « J’aimerais demander si Marie peut être présente à nouveau, parce que
nous n’avions pas terminé notre conversation. Je suis heureux de vous aider si vous
en ressentez le besoin. »

Vous pouvez également identifier le changement somatique et demander une posture


différente : « Essayons tous les deux de bien nous redresser sur la chaise en ce moment. »
Ou, si un patient devient très silencieux : « Mettons-nous debout et marchons une minute. »

262 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


• Sinon, encouragez la partie à écouter.
Exemple : « Marie, il est important que vous continuiez à écouter et à participer. J’ai
confiance en votre capacité de le faire en temps voulu et à votre propre rythme. »
• Une option est de rester sur le sujet initial avec une partie différente à l’avant-plan.
Exemple : « Savez-vous de quoi nous parlions ? J’aimerais comprendre vos pensées
et vos sentiments sur ce dont nous discutions. »
• Si la partie n’était pas au courant, soyez curieux de savoir pourquoi.
Exemple : « Je me demande ce qui vous empêche d’être consciente. Je me demande
ce qui vous a poussé à être ici tout d’un coup. Est-ce que des parties à l’intérieur de
vous seraient prêtes à partager avec vous ce dont nous parlions ? »
• Ou demander si cette partie est consciente de la partie qui « s’en est allée ».
Exemple : « Pourriez-vous vérifier à l’intérieur et voir ce qui se passe avec Marie ?
Trouvons un moyen de l’aider. » Ou : « Pouvez-vous remarquer comment c’est pour
vous d’être consciente de Marie, même à distance ? »
• Ou renseignez-vous sur les raisons du switch de la partie.
Exemple : « Pourriez-vous m’aider à comprendre pourquoi il est important que vous
soyez ici et pas la partie adulte de vous ? »

TABLEAU 10.1
Gérer le switch pendant les séances

Les premières questions à poser lorsqu’un switch soudain survient visent à


comprendre ce qui a pu précipiter le switch.
• Que vient-il de se passer ?
• Qu’est-ce qui a changé dans votre corps qui a précipité le switch ?
• Est-ce que la partie de vous qui était juste là est encore capable d’écou-
ter en ce moment ?
• Savez-vous de quoi nous parlions ? Non ? Alors, pouvez-vous vérifier à
l’intérieur et voir si une partie de vous peut vous aider ?

Dans le cas de Didier, il se sentait mal à l’aise parce qu’il ne se souvenait


pas avoir été au travail, et il a switché. L’une des parties du travail (la partie
dissociative qui avait une fonction sociale pour faire face à ses collègues) s’est
manifestée lorsque le thérapeute a exploré sa situation au travail. Cette partie
commença à parler au thérapeute : « Eh bien, il ne peut plus travailler. C’est
un personnage si faible et si craintif. Il ne peut pas se concentrer et fait des
erreurs stupides. On va se faire virer à cause de lui. Que va-t-il faire alors ? »
Le thérapeute répondait qu’il comprenait que cette partie venait aider Didier
parce qu’il se sentait mal à l’aise au sujet du temps perdu. Cependant, elle
demanda également si dans la semaine à venir cette partie était prête à enta-
mer une certaine communication avec Didier, c’est-à-dire la partie principale
présente dans la vie quotidienne.

Travailler avec les parties dissociative 263


Parfois, une partie peut être poussée en avant par d’autres parties dissocia-
tives ; par exemple, pour détourner l’attention d’un conflit intérieur ou d’une
émotion qui est trop débordante. C’est souvent le cas lorsque les plus jeunes
parties s’avancent soudainement sans raison apparente. Si le switch est clai-
rement une action protectrice, le thérapeute devrait toujours demander à la
partie du patient qui a « disparu » de revenir et poursuivre la conversation, ou
au moins explorer les raisons pour lesquelles cela n’est pas faisable.
Le thérapeute devrait continuer à parler à toutes les parties, en mettant
l’accent sur la raison du switch et, dans la mesure du possible, sur la conver-
sation initiale, à moins qu’elle soit clairement hors de la fenêtre de tolérance
du patient. Les parties intérieures sont encouragées à prendre soin d’une partie
qui peut être débordée. Le thérapeute peut remarquer qu’il n’est pas juste d’en-
voyer une partie petit enfant faire face à des choses que les parties adulte ne
sont pas prêtes à gérer. De cette façon, le thérapeute se concentre continuel-
lement sur le besoin des parties de prendre soin l’une de l’autre et trouve des
moyens plus adaptés de faire face au présent.

4. Explorations supplémentaires
1. Pouvez-vous décrire avec précision à vos patients les raisons pour les-
quelles une personne se dissocie ? Si ce n’est pas le cas, revenez en arrière
pour réviser et pratiquer jusqu’à ce que vous vous sentiez confiant.
2. Dressez une liste des fonctions des parties d’un de vos patients. Pouvez-
vous identifier les actions concernées, ainsi que les non-réalisations ?
3. Pratiquez « parler au travers » de toutes les parties avec un patient dis-
sociatif. Si vous ne vous sentez pas à l’aise, demandez à un collègue de
faire un jeu de rôle avec vous.
4. Avez-vous une idée du moment où vous devez travailler avec toutes les
parties, avec quelques parties, et avec une seule partie à la fois ?
5. Comment vous sentez-vous quand un patient switche ? Utilisez des
jeux de rôle avec vos collègues pour vous exercer à gérer les switchs des
patients, afin que vous puissiez gagner confiance en vous.
6. Pouvez-vous identifier les changements subtils ou moins subtils du
corps qui indiquent l’émergence d’une partie de votre patient ? Pouvez-
vous penser à des façons d’utiliser le corps pour aider certaines parties
du patient à communiquer, développer de la compassion ou se com-
prendre les unes les autres.

264 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


cHAPITRE 11
La résistance
comme un évitement
phobique : une introduction

Les « résistances » en thérapie peuvent être comprises comme des


stratégies d’évitement et de fuite d’un patient traumatisé.
Onno van der Hart, Ellert Nijenhuis
et Kathy Steele (2006, p. 234)

Lorsque le traitement ne progresse pas, il s’agit habituellement à


la fois d’une fonction de résistance du client et de contre-résis-
tance du thérapeute. Les blocages thérapeutiques, en effet, sont
une création mutuelle du client et du thérapeute.
Howard Strean (1993, p. 2)

Les patients difficiles sont généralement décrits comme des patients qui
évitent ou qui s’opposent au travail de la thérapie. La littérature a longtemps
décrit de telles personnes comme « résistantes ». Malheureusement, le terme
de résistance est devenu un jugement péjoratif des comportements ou attitudes
du patient que les thérapeutes ressentent comme contrecarrant leurs efforts
(Messer, 2002). Ceci ignore complètement le fait que le thérapeute a aussi
des résistances (Schoenewolf, 1993 ; Strean, 1993). Les survivants de trauma-
tismes chroniques ont en particulier souvent été étiquetés comme résistants,
en grande partie parce que de nombreux thérapeutes ne comprennent tout

La résistance comme un évitement phobique : une introduction 265


simplement pas pleinement leurs besoins et leurs problèmes dans le traitement
ni comment les aborder. En fait, la résistance est souvent un évitement pho-
bique très compréhensible de ce que le patient juge intolérable. La résistance
est en fin de compte une phobie de la réalisation.

1. Problèmes avec le terme de résistance


Il existe plusieurs difficultés avec le terme de résistance qui en font un obstacle
potentiel pour le thérapeute pour comprendre et aider le patient. D’abord,
comme nous l’avons mentionné plus haut, la résistance est souvent utilisée
comme un terme péjoratif, et donc inapproprié. Un patient résistant est sou-
vent considéré ouvertement ou implicitement comme un « mauvais » patient,
« intraitable » ou « réfractaire », qui bloque le thérapeute et la thérapie. Ce
point de vue entraîne une frustration, un désespoir et un mépris croissants de la
part du thérapeute et une rupture dans la relation thérapeutique, ce qui mène
à des impasses insurmontables. Ceci n’exclut pas que les patients puissent être
difficiles et que certains puissent ne pas bénéficier de la thérapie.
Deuxièmement, la résistance implique qu’il y a une obstruction de la part
du patient qui perturbe une trajectoire de traitement sans cela naturelle. En
fait, nos patients viennent en traitement parce qu’ils ne peuvent pas effectuer
certains changements et parce qu’ils évitent phobiquement ce qui est doulou-
reux, ce qu’ils ne peuvent pas surmonter par eux-mêmes. Résoudre la résis-
tance est le principal et l’essentiel travail de la psychothérapie (Messer, 2002).
Troisièmement, le thérapeute met souvent l’accent sur la résistance en tant
que symptôme de détresse sous-jacente qui doit être traité directement. Les
patients sont qualifiés de résistants par exemple parce qu’ils ne viennent pas aux
séances de manière régulière, ne quittent pas la séance à l’heure, changent de
sujet, refusent d’accepter des parties dissociatives, s’automutilent constamment
ou sont suicidaires, font des demandes déraisonnables en thérapie ou sont en
conflit constant avec le thérapeute. Mais pourquoi ? À quoi servent ces com-
portements ? Et, aussi important, comment le thérapeute peut-il s’associer au
patient pour explorer et éroder graduellement la résistance d’une manière coo-
pérative et compassionnelle ? Ce sont des questions essentielles auxquelles il faut
répondre car elles mènent à la compréhension et à la capacité d’aider le patient
à acquérir des compétences de façon progressive pour surmonter l’évitement.
Enfin, et ce n’est certainement pas le moins important, la résistance n’est
peut-être pas le fait du patient mais du thérapeute. Comme nous le verrons
plus loin dans ce chapitre, les thérapeutes créent souvent ou co-créent des
impasses dans le traitement (p. ex., Schoenewolf, 1993 ; Strean, 1993). Ainsi,
lorsque les patients sont étiquetés comme résistants, les thérapeutes doivent
également examiner leur contribution à la situation. Par exemple, les théra-
peutes peuvent ne pas comprendre le patient ou les problèmes. Ils peuvent ne

266 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


pas s’occuper de la relation thérapeutique. Peut-être ne formulent-ils pas un
plan de traitement cohérent ou ne le révisent-ils pas quand c’est nécessaire.
Ils peuvent ne pas garder des limites adéquates ou sont peut-être trop rigides
et indisponibles. Ils trouvent peut-être le comportement du patient irritant ou
effrayant sur le plan personnel et sont incapables de résoudre leur irritation
ou leur peur. Ils peuvent trop se concentrer sur le contenu plutôt que sur le
processus ; négliger d’accélérer le traitement ; ou ressentir chroniquement de
l’anxiété, de la frustration, de la colère ou de la honte, ou être accablés par le
patient. Les thérapeutes peuvent aussi être automatiquement en proie à leurs
propres défenses animales, par exemple le figement face à un patient en colère
ou exigeant, le silence lorsqu’un patient est dans le besoin ou l’agressivité
envers un patient provocateur d’une manière ou d’une autre.

CONCEPT CLÉ

On pourrait conceptualiser la résistance au mieux comme un évitement phobique de ce


que le patient croit trop accablant pour lui à réaliser. L’évitement phobique peut se déve-
lopper vis-à-vis de certaines pensées, émotions, sensations, prédictions sur l’avenir, com-
portements, parties dissociatives, souvenirs du présent ou du passé, situations, perturba-
tions relationnelles et du changement en général (Janet, 1904,1925b ; Steele et al.,
2005 ; Van der Hart et al., 2006).

2. La résistance du point de vue de la physiologie


La résistance n’est pas seulement un problème psychologique. Certains com-
portements, tels que le silence, l’interruption, l’évitement extrême ou la colère,
sont ancrés dans les réactions chroniques de l’organisme face au danger et à la
menace de mort. Quand nos patients sont fixés dans les défenses animales du
pleur d’attachement, le combat, la fuite, la chute, le figement, ou l’évanouisse-
ment, ils réagissent de façon inadaptée aux nuances verbales et psychologiques
habituelles de la psychothérapie.
Les thérapeutes peuvent interpréter faussement les symptômes psycholo-
giques et relationnels de ces états physiologiques comme étant de la résistance.
Les patients silencieux sont, par exemple, souvent étiquetés comme résistants.
La rétention face au thérapeute peut être une des raisons du silence, mais ce
n’est certainement pas la seule, et peut-être même pas la raison la plus com-
mune. Comprendre que la résistance est un moyen de résoudre un problème
est crucial. Les patients figés dans une réaction de figement ou de fermeture
sont débordés émotionnellement et littéralement incapables de parler, bien
qu’ils aiment peut-être désespérément pouvoir le faire, parce que le centre du
langage du cerveau ne fonctionne pas. Ce n’est pas du tout une résistance, mais
un état physiologique.

La résistance comme un évitement phobique : une introduction 267


Le thérapeute devrait pouvoir
• reconnaître les signes physiologiques de la défense animale,
• aider le patient à se sentir d’abord en sécurité en l’orientant vers le
présent et en réduisant la sur- ou la sous-activation et
• ensuite être curieux avec le patient des raisons de la défense dans le
moment présent.

3. La résistance comme évitement phobique


La résistance peut être comprise comme un évitement phobique de ce qui est
perçu comme bouleversant ou au-delà de ce que le patient peut réaliser. S’atta-
quer à la résistance en tant qu’évitement phobique met l’accent thérapeutique
carrément sur ce que le patient évite et pourquoi, plutôt que sur les compor-
tements qui servent de stratégie d’évitement. L’évitement phobique, qui est
souvent implicite et qui peut être compartimenté en différentes parties disso-
ciatives du patient, est destiné à protéger contre les expériences traumatisantes
et d’autres souffrances difficiles ou impossibles à accepter pour le patient et à
intégrer (Steele et al., 2005 ; Van der Hart et al., 2006). Certains patients ont le
potentiel pour faire face à ce qui est évité, mais l’évitement est devenu une telle
habitude qu’il est très difficile de s’arrêter. Quoi qu’il en soit, l’évitement main-
tient les expériences intolérables hors de l’avant-plan afin que les patients n’aient
pas à ressentir, penser, percevoir ou savoir ce qu’ils craignent et qui mènerait à
la décompensation, au rejet ou à la honte : « Si je m’en souviens, je vais devenir
fou », ou « Si vous saviez vraiment ce que j’ai pensé, vous me détesteriez ».
Pendant et immédiatement après les expériences traumatisantes, la disso-
ciation implique une incapacité à intégrer suffisamment l’expérience. Mais, par
la suite, même si les patients développent de meilleures capacités et compé-
tences, ils peuvent quand même éviter davantage certaines expériences, ce qui
entraîne une cascade de phobies d’origine traumatique (Steele et al., 2005 ;
Van der Hart et al., 2006). Comme déjà mentionné, il s’agit notamment de
la phobie de l’expérience intérieure, la phobie de l’attachement et de la perte
de l’attachement, la phobie des parties dissociatives, la phobie de la mémoire
traumatique et la phobie du changement adaptatif.
Les phobies d’origine traumatique ont été abordées dans les chapitres pré-
cédents et leur résolution est essentielle au traitement fructueux de la disso-
ciation. Ces phobies sous-tendent généralement la résistance du patient. Le
thérapeute doit évaluer si le patient possède les capacités et les compétences
nécessaires pour surmonter ces phobies. Si ce n’est pas le cas, il doit d’abord
aider le patient à développer ces compétences en début de traitement. Sinon,
la résistance peut être inévitable. Si le patient a des compétences et est tou-
jours phobique, le thérapeute peut explorer la résistance d’évitement avec le

268 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


patient. Souvent la peur, la honte, ou des croyances irrationnelles demeurent
pour affronter ce qui est évité. Certaines parties dissociatives restent coincées
au temps du traumatisme et ne peuvent donc pas se rendre compte qu’il y a
maintenant suffisamment de sécurité et de soutien pour faire face aux pro-
blèmes douloureux. Le thérapeute peut rester avec l’expérience du patient et
l’explorer avec compassion et intérêt au lieu de le blâmer et de se sentir frustré.

CONCEPT CLÉ

Les attitudes et les croyances du thérapeute à l’égard de la résistance étendent ou réduisent


les possibilités d’aider les patients à travailler efficacement leur évitement phobique.

Généralement, dans presque tous leurs évitements phobiques, les patients


dissociatifs ont un conflit inhérent entre leurs parties dissociatives : « Je veux
changer parce que ce sera mieux pour moi ; je ne veux pas changer parce que
ce sera pire pour moi. » C’est ce genre de conflit qui doit être gardé au premier
plan dans l’esprit du thérapeute, d’une manière compassionnelle, de façon à ce
que le patient puisse être soutenu dans son acceptation des différents aspects
du conflit qui peuvent être dissociés en différentes parties.

&YFNQMFEFDBTEF$MBVEF
MBSÏTJTUBODFDPNNFÏWJUFNFOUQIPCJRVF

Claude était un patient homosexuel de 33 ans avec un diagnostic de TDI, de dépression


majeure et d’importants problèmes relationnels avec son partenaire. Périodiquement, le
partenaire devenait violent sous l’influence de l’alcool, et plusieurs parties de Claude qui
fonctionnaient dans la vie quotidienne étaient impatientes de se séparer de lui. Mais
chaque fois que Claude commençait à parler de partir, il avait d’intenses nausées et une
paralysie, pendant lesquelles sa pensée devenait brumeuse et il se sentait suicidaire. Petit
à petit, avec l’aide du thérapeute, une partie adulte de Claude fut en mesure de reconnaître
qu’une partie enfant était figée, terrifiée à l’idée d’être seule et ne voulait désespérément
pas quitter le partenaire, car cela déclencherait des sentiments d’abandon insupportable.
La phobie de la partie enfantine de la perte d’attachement alimentait la « résistance » à
aller de l’avant et à quitter un partenaire violent. Le thérapeute aida les parties adulte de
Claude à accepter et à être plus compassionnelles envers la partie enfant. Claude put
ensuite élaborer un plan de sécurité prévoyant de quitter son partenaire violent.

4. La résistance en tant que co-création


du patient et du thérapeute
Les thérapeutes ont leurs propres contre-résistances, qui souvent s’entre-
croisent implicitement avec l’évitement phobique du patient pour créer une

La résistance comme un évitement phobique : une introduction 269


impasse dans le traitement (Boesky, 1990 ; Schoenewolf, 1993 ; Strean, 1993).
Chaque fois que les thérapeutes deviennent défensifs, ils augmentent les pos-
sibilités de résistance de la part du patient. Chaque fois que nous évitons ;
redoutons ; avons honte ; passons à l’acte par colère, frustration, désespoir, ou
peur ; ou n’arrivons pas à maintenir des limites adéquates, nous augmentons la
résistance des patients suite à notre propre contre-résistance. De cette façon,
le patient et le thérapeute contribuent tous deux à l’absence de progrès. Il
n’existe certainement pas d’autres thérapies qui dénichent davantage de ques-
tions irrésolues, évoquent autant de contre-résistances chez le thérapeute, que
le travail avec des individus très dissociatifs. Le combat des patients dissociatifs
se joue entre un attachement profond, le traumatisme, les problèmes d’iden-
tité, de régulation et existentiels et ces patients ont leur propre résistance qui
est forte. Il n’est pas étonnant que les thérapeutes développent aussi des résis-
tances. Le tableau 11.1 présente une liste partielle des contre-résistances.

• Parler trop ou pas assez pendant les séances.


• L’auto-divulgation excessive ou trop fréquente.
• Le patient et le thérapeute évitent les problèmes difficiles tout en profitant de leur
relation.
• Devenir amis ou avoir des relations sexuelles avec le patient.
• Idéaliser le patient.
• Dévaloriser et dire du mal sur le patient avec ses collègues.
• Se sentir apitoyé par le patient.
• Nécessité de soigner ou de guérir le patient.
• Être captivé par le patient.
• Avoir des sentiments négatifs chroniques à l’égard du patient (frustration, colère,
honte, culpabilité, dégoût, ennui) sans résolution.
• Le sentiment que le patient est spécial et a donc besoin d’un traitement spécial.
• Expérimenter la fascination pour le phénomène dissociatif et les parties dissociatives.
• Traiter les parties dissociatives comme des personnes différentes.
• Redouter les séances.
• Voir un patient particulier à des heures spéciales, dans des endroits autres que le
bureau ; avoir des séances sans heure de début ou de fin définie.
• Violer des limites ; être incohérent dans les limites et le cadre thérapeutique.
• Augmenter le contact avec un patient suicidaire chronique par peur.
• Être chroniquement en retard aux séances ou ne pas terminer les séances à temps.
• Oublier les séances.
• Sur-planification ou double-réservation chroniques.
• Ne pas établir un horaire régulier avec un patient.
• Être excessivement rassurant, apaisant, couvant, jugeant ou critiquant le patient.
• Incapacité ou réticence à parler de sujets importants avec le patient (p. ex. sexe,
honoraires, fantasmes, honte, limites).
• Incapacité ou réticence à traiter certaines parties du patient (p. ex., la partie imitant
l’agresseur, la partie en colère ou hostile, la partie sexualisée, la partie enfant).
• Privilégier certaines parties par rapport à d’autres.

270 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


• Nier les problèmes de la thérapie.
• Ressentir une incapacité ou une réticence à agir en raison de la honte, de la peur
ou de la colère ; ou agir impulsivement ou en réaction au patient.
• Manifester une incapacité ou une réticence à se conformer à des suggestions rai-
sonnables données en supervision et consultation.
• Ne pas demander de supervision ou de consultation.
• Rester réticent à mettre fin à une thérapie irréalisable après une longue consultation
et des recommandations à cet effet.
• Nécessité que le patient réussisse en tant que reflet d’être un bon thérapeute.
• Nécessité de « sauver » le patient à tout prix.
• Nécessité d’être nécessaire.
• Éviter de discuter ou d’aborder les questions de dépendance dans le traitement.
• Essayer de travailler dans des scénarios émotionnels de « chantage » sans les aborder
directement (p. ex. « Si vous ne m’appelez pas tous les jours, je me suicide ; si vous
arrêtez la thérapie, je me suiciderai ; vous êtes le seul qui pouvez m’aider »).
• Cliver avec une équipe de traitement ; parler mal des autres membres de l’équipe
au patient ou parler mal du patient aux membres de l’équipe.
• Se concentrer trop sur le contenu des souvenirs traumatisants ou faire preuve d’une
attitude contraphobique à l’égard du traumatisme.
• Éviter complètement le contenu traumatisant.
• Croire le patient (ou être incrédule) de façon non critique ; être incapable de réfléchir
à ce dont le patient a besoin au lieu de ce qui est « vrai » ou « pas vrai ».
• Agir de façon sadique envers le patient avec des interprétations punitives, du retrait,
du mépris, etc.

TABLEAU 11.1
Indications de contre-résistance chez le thérapeute

CONCEPT CLÉ

La résistance implique des patterns d’interactions entre le patient et le thérapeute qui


bloquent le travail thérapeutique efficace dans l’instant (Van Denburg et Kiesler, 2002).

&YFNQMFEFDBTEFSÏTJTUBODFFUEFDPOUSFSÏTJTUBODF.JBFU#FUUZ

Mia, une thérapeute très compétente, demanda une consultation pour un cas difficile.
Sa patiente, Betty, s’automutilait plusieurs fois par mois après les séances. Mia exprima
sa frustration en disant qu’elle avait essayé d’enseigner à Betty toutes les compétences
d’autorégulation qu’elle connaissait, sans que cela eût été efficace. Elle gardait d’excellentes
limites avec la patiente et travaillait d’une façon systémique ne favorisant pas une
dissociation supplémentaire. Elle ne parvenait pas à comprendre pourquoi Betty
continuait de s’engager dans un comportement autodestructeur. Le superviseur la
questionna sur le sujet de travail actuel dans les séances, sur ce qui s’était passé à la fin
des séances et sur ce qu’elle ressentaitcomme thérapeute dans la relation thérapeutique.

La résistance comme un évitement phobique : une introduction 271


Mia signala que le contenu de la séance était axé sur les habiletés de stabilisation, ce
qui était approprié pour cette phase précoce du traitement. Elle notait également que
Betty semblait switcher vers une sorte d’affect calme mais plat avant de quitter la
séance. « Pour être honnête », dit-elle au superviseur, « je ressens un peu de soulagement
quand elle part comme ça parce que, en comparaison du passé, ce n’est plus une telle
lutte pour finir la séance. Mais je me demande si elle n’est pas un peu dépersonnalisée.
Je ne lui en ai pas parlé parce qu’auparavant, j’ai eu tellement de mal à la contenir. »
Le superviseur fit remarquer que le patient s’engageait peut-être dans une stratégie de
soin/contrôle (Hesse, Main, Abrams et Rifkin, 2003 ; Liotti, 2011), en s’assurant de ne
montrer aucun besoin qui pourrait déranger Mia à la fin de la séance. Et peut-être que
Mia était en collusion avec cette attitude en se sentant soulagée, donnant le message
implicite à Betty que la suppression d’une partie de son expérience était la bienvenue.
Mia acquiesça immédiatement et après avoir réfléchi davantage, échangea à propos
de la fin des séances avec Betty. Il y avait en effet des parties enfant qui étaient punies
à l’intérieur pour avoir essayé de « se manifester » en séance. Désespérée, Betty ne
voulait pas éloigner Mia à cause de ses besoins, mais elle ne pouvait plus les contenir
une fois rentrée chez elle. Une partie adolescente très en colère la scarifiait ensuite en
guise de punition pour ce qu’elle croyait être des besoins inacceptables de la partie
enfant.
Une fois que Mia put, en parlant avec le superviseur, admettre et résoudre son propre
évitement en le reconnaissant et en confrontant son inconfort, elle put aider Betty à
trouver des moyens plus efficaces de manifester ses besoins en séance sans être
débordée. Elle pouvait en outre se contenir avec compassion à la fin de la séance plutôt
que d’utiliser une répression puissante. Betty se sentait plus proche de Mia et pouvait
donc utiliser les séances comme un contenant plus efficace. Ensemble, elles
développèrent une stratégie de collaboration pour rythmer la thérapie et rendre la fin
des séances tolérable, efficace et opportune. Mia travailla avec la partie adolescente
pour gérer sa colère tant vis-à-vis des parties enfant que vis-à-vis de Mia (de ne pas
l’aider). Et Mia aida Betty à se connecter davantage à la partie adolescente d’elle-même.
L’automutilation diminua complètement au cours des semaines.

5. L’évitement phobique temporaire


versus durable
Les thérapeutes devraient supposer que les patients viennent à la thérapie dans
l’intention d’opérer des changements positifs en eux-mêmes. L’acte même de
venir chercher de l’aide est déjà un pas dans la bonne direction. Pourtant, qui
parmi nous n’est pas parfois hésitant ou même effrayé face aux changements à
apporter ou aux réalisations à accepter ? Nous connaissons tous une résistance
passagère de temps en temps. C’est ce que l’on appelle l’état de résistance, un
état temporaire qui peut être attribué à divers facteurs, comme le moment,
le manque de compétences, de conscience ou de soutien (Beutler, Rocco,
Moleiro et Talebi, 2001 ; Van Denburg et Kiesler, 2002). Mais une fois que
nous avons assez de soutien et de compétences, nous sommes généralement en

272 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


mesure d’aller de l’avant de façon relativement efficace. Kluft (1995, 2007) l’a
avec justesse qualifié de réticence plutôt que de résistance.
Il peut être utile de savoir si l’évitement phobique d’un patient est dû à un
problème temporaire, comme une rupture récente de relation, la crainte d’une
émotion ou d’un souvenir particulier, ou l’émergence d’une nouvelle partie,
ou si la résistance du patient au changement est plus durable. La résistance
temporaire ou l’état de résistance (réticence) est généralement résolue dans le
contexte de la relation thérapeutique, avec de la confiance, de l’éducation, de
la réassurance et de la collaboration. Ces interventions directes fonctionnent
toutefois rarement avec l’évitement phobique, qui est devenu une partie inté-
grante de la façon dont le patient fait face à la vie en général.

CONCEPT CLÉ

La résistance peut être temporaire – dans le cas de la réticence, elle est due au manque de
connaissance, à la peur ou à la honte – ou elle peut durer. Dans ce dernier cas, elle est
l’expression d’une phobie persistante et omniprésente face à une réalisation et un chan-
gement. Les patients qui ont un évitement phobique dans leur façon d’être permanente
sont les plus difficiles à traiter. Cependant, le succès peut être atteint lorsque le théra-
peute a pu demeurer constamment patient, persévérant, curieux, engagé et non défensif
et a gardé des limites saines.

Comme nous l’avons déjà mentionné, certains patients ont mis au point
une façon d’être durablement dans l’évitement du changement, de la réalisa-
tion ou de toute influence interpersonnelle du thérapeute, et parfois ils y sont
opposés agressivement (Beutler et al., 2001 ; Van Denburg et Kiesler, 2002).
Leur évitement phobique déborde dans leur vie quotidienne et contribue à des
problèmes relationnels chroniques à la maison et au travail. Ces patients ont
généralement de graves problèmes d’attachement et de régulation, avec un
degré de réactivité et de rigidité élevé et peu de capacités de mentalisation.
Les patients ayant une résistance durable ont de multiples couches d’évite-
ment phobique qui se dressent comme une série de murs entre eux et ce qu’ils
craignent. Ils peuvent ainsi éviter presque toutes les tentatives de connexion
avec ce qu’ils évitent, aussi inoffensif que cela puisse être.
Cela laisse au thérapeute une sensation désespérée d’être non quali-
fié et incompétent, et parfois frustré et furieux. Ce qui, à son tour, mène à
la contre-résistance. Il s’ensuit un cercle vicieux qui cimente et prolonge
l’impasse.
Le changement chez ces patients est un « miracle de dur labeur », comme
l’a décrit un thérapeute (Johnson, 1985). La thérapie est souvent lente et
pénible pour le patient et le thérapeute, et irrégulière pendant de nombreuses
années. De tels patients ont besoin de beaucoup plus d’espace pour s’autogérer,

La résistance comme un évitement phobique : une introduction 273


se sentir en contrôle et trouver leurs propres objectifs thérapeutiques (Beutler,
Harwood, Michelson, Song et Holman, 2010).

5.1. Travailler avec une résistance persistante


La résistance durable prend de nombreuses formes, mais elle se manifeste le
plus souvent par des difficultés dans la relation thérapeutique et diverses formes
de passages à l’acte. Il existe peu de conflits internes au sujet de la résistance,
et cela semble ego-syntone au patient. Le thérapeute peut ressentir le patient
comme étant extrêmement exigeant, revendicateur, agressif, évitant, craintif,
contrôlant, sadique, en retrait, silencieux, furieux ou souffrant intensément.
Le patient peut ressentir le thérapeute comme ne disant ou ne faisant pas la
bonne chose, ne comprenant pas, souhaitant que le patient souffre ou ne se
souciant pas si le patient souffre, étant froid et insensible, retenant de l’infor-
mation, punitif ou contrôlant. Le patient croit que si seulement le thérapeute
pouvait être différent, faire quelque chose de différent, dire quelque chose de
différent, ressentir quelque chose de différent, il ou elle pourrait s’améliorer
(Stark, 2002). Peu importe ce que le thérapeute peut suggérer, c’est perçu
comme inutile, stupide, condescendant, insuffisant ou tout simplement erroné,
du moins par les parties dominantes. Il y a toujours au moins une raison, et
souvent plusieurs, pour laquelle le patient croit qu’une suggestion donnée ne
fonctionnera pas ou qu’une interprétation n’est pas exacte.
La guidance doit être implicite plutôt qu’explicite dans le cas de la résis-
tance durable. Les thérapeutes plus créatifs et intelligents tentent souvent
d’offrir des interventions et suggestions : plus ils travaillent dur pour être utiles,
plus la résistance est grande. Les luttes de pouvoir doivent être évitées à tout
prix ; les thérapeutes ne doivent pas considérer les changements du patient
comme leurs propres objectifs. Le but du thérapeute dans ces situations, c’est
d’être compassionnel avec l’évitement phobique du patient sans chercher à
forcer le changement et de maintenir la thérapie axée sur la résolution des
raisons de la résistance.

La résistance persistante liée à la victimisation continue. Chez certains


patients, une résistance durable peut être un signe qu’il y a toujours abus
actuel. Aussi choquant que cela puisse paraître au thérapeute non initié, l’abus
par les agresseurs à partir de l’enfance peut se poursuivre jusqu’à l’âge adulte
du patient. Middleton (2013, 2014) a noté, par exemple, le problème caché
de l’inceste persistant. Il existe aussi maintenant beaucoup d’informations
sur l’énorme problème de la victimisation continue dans le trafic sexuel, par
exemple.
L’enchevêtrement sévère et les loyautés entre les parties dissociatives spéci-
fiques par rapport aux agresseurs rendent extrêmement difficile pour le patient

274 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


d’arrêter le contact et de faire des progrès dans la thérapie. Les patients qui sont
encore maltraités peuvent sembler extrêmement résistants. Même les inter-
ventions les plus élémentaires et les plus utiles à la régulation peuvent échouer.
Si un patient ne s’améliore pas malgré de bons soins, le thérapeute devrait
au moins envisager la possibilité que le patient vit une relation de violence
actuelle. Nous reviendrons plus en détail sur les questions complexes de la
violence continue dans le chapitre 19.
Le tableau 11.2 propose des suggestions pour travailler avec la résistance.

• Le meilleur moment pour commencer avec les patients qui ont un évitement pho-
bique persistant est lors de l’évaluation. Plus tôt dans la thérapie ces modèles ancrés
sont reconnus, moins probable est le risque que le thérapeute soit pris dans des
impasses et des luttes de pouvoir.
• Essayez de tout comprendre sur l’évitement phobique : les croyances qui le ren-
forcent, l’expérience somatique de celui-ci, de quelle manière il apporte quelque
chose, les coûts éventuels, les émotions qui y sont associées (p. ex., la peur, la honte,
la colère).
• Donnez aux patients très résistants beaucoup d’espace pour se diriger eux-mêmes,
pour développer leurs propres buts en thérapie et pour se sentir maîtres de ce qui
se passe (Beutler et al., 2010). En général, il est très utile de revenir encore et encore
vers les objectifs énoncés par les patients : « Revenons un instant sur les objectifs
que vous vous êtes fixés dans la thérapie et dont nous avons convenu. Comment
pouvons-nous le mieux répondre à certains de ces objectifs dans la séance
aujourd’hui ? »
• Même si les patients dirigent leur thérapie, le thérapeute doit être ferme en gardant
le cadre de base et les limites de celle-ci malgré les demandes pressantes des patients
de faire autrement.
• Indiquez les doubles liens de manière empathique, en méta-communiquant sur le
problème : « Je remarque lorsque j’essaie d’aider ou de comprendre que je ne suis pas
vraiment utile ou ne comprends pas clairement les choses, même si j’aimerais bien.
D’autre part, si je m’assois et que je dis ou ne fais rien, ce n’est pas non plus vécu
comme utile, bien sûr. J’aimerais que nous trouvions notre façon de travailler ensemble,
donc je me demande s’il pourrait y avoir des conflits internes entre certaines parties
de vous qu’il serait utile d’explorer. Je me demande aussi si certaines parties de vous
ont de meilleures idées sur comment je pourrais être avec vous en ce moment. »
• Demandez toujours au patient d’expérimenter une nouvelle compétence ou expé-
rience sans aucune attente de succès ou d’échec : « Notons simplement ensemble
ce qui se passe » (Ogden et al., 2006).
• Aidez toutes les parties à explorer les conflits au sujet du changement, afin que le
thérapeute devienne moins triangulé comme le seul qui favorise le changement. Y
a-t-il des parties du patient qui se sentent plus ouvertes et curieuses que les autres ?
Ces parties pourraient-elles partager leur intérêt pour des parties plus évitantes ?

TABLEAU 11.2
Conseils pour travailler avec la résistance persistante

La résistance comme un évitement phobique : une introduction 275


&YFNQMFEFDBTEFSÏTJTUBODFQFSTJTUBOUF3PYBOF

Roxane était une femme de 46 ans souffrant d’un TDI et d’un trouble de la personnalité
état-limite et qui avait été relativement fonctionnelle jusqu’à la mort de son père à
l’âge de 33 ans. À ce moment-là, elle décompensa et fut inondée de souvenirs
traumatiques. Elle se sentait gravement dépressive et anxieuse, se scarifiant
régulièrement ; elle était suicidaire de façon chronique et incapable de travailler.
Cependant, elle n’entama pas de thérapie avant encore 10 ans. Au moment où elle vint
en thérapie, Roxane était profondément enracinée dans une dérégulation chronique,
une instabilité et des crises. Elle se sentait seule et se détestait. Elle avait des flash-back
insupportables et presque constants d’abandon et d’abus sexuels et physiques perpétrés
par plusieurs auteurs. Parfois, elle frôlait la violence et la négligence avec ses propres
enfants et son partenaire, souvent elle se scarifiait et elle fit de nombreuses tentatives
de suicide. Elle arrêta de manger et perdit 15 kilos. Elle était très attachée à l’idée d’être
victime. Parfois, elle se rendait en voiture dans des quartiers dangereux de la ville au
milieu de la nuit et se promenait. Elle expliqua à son thérapeute que « C’est mon destin
d’être violée ». Elle dit encore et encore : « Je ne suis rien. Je ne suis que douleur. »
Plusieurs fois, elle fut hospitalisée pour empêcher une tentative de suicide ou pour y
faire suite. La stabilisation fut douloureusement lente à se développer, mais
progressivement, elle devint moins suicidaire et l’automutilation cessa. Cependant, elle
resta très dérégulée, en conflit perpétuel avec la thérapeute et incapable de profiter
de la vie. Elle était tellement enveloppée dans sa souffrance que rien ne semblait faire
la différence.
La thérapeute interrogea Roxane au sujet de son expérience des changements dans
la thérapie et elle répondit : « Le changement signifie que tout sera parti. Tout va
changer, comme quand j’étais enfant. Quelqu’un apportait toujours “un changement”,
et ça me faisait toujours mal. Ma mère m’a quittée quand j’avais un mois parce qu’elle
voulait “un changement”. Mon père m’a abandonnée quand j’avais six ans parce qu’il
voulait “un changement”. » Roxane demanda de ne plus utiliser le mot « changement »,
car il contenait tellement de terreur et d’incertitude pour elle et suggéra à la place
d’utiliser le mot « guérison ». La thérapeute lui demanda alors si elle pouvait penser
à être désireuse de vouloir guérir, et elle acquiesça, même si elle croyait qu’elle ne le
méritait pas.
À partir de cette petite percée, Roxane et la thérapeute commencèrent à explorer
comment c’était pour Roxane de vouloir guérir, ce qui lui donna la sécurité d’explorer
le changement sans avoir à faire un changement. La thérapeute se concentra sur les
expériences positives dans lesquelles Roxane pouvait vivre un petit moment d’émotion
ou de sensation positive. Elle donna à Roxane le plus de contrôle et le moins de direction
possible, offrant un soutien et une régulation relationnelle. Roxane développa de petits
objectifs en vue de la guérison à atteindre graduellement. La relation thérapeutique
s’améliora considérablement : il y eut moins de conflits et plus de confiance. La
thérapeute prit soin de ne pas faire remarquer à Roxane qu’elle progressait lentement,
car elle savait que Roxane avait si peur de guérir.
La thérapeute travailla avec diligence pour accéder à une partie imitant un agresseur,
partie sadique très difficile. Au cours des trois années suivantes durant lesquelles la
thérapeute tomba dans des luttes de pouvoir et en ressortit, cette partie s’engagea
progressivement dans la thérapie et coopéra. Roxane autorisa que ses besoins de

276 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


dépendance extrême fassent surface, ce qui requit une confiance énorme en elle-même
et la thérapeute. Elle imagina un nourrisson sans peau dont elle ainsi que la thérapeute
prirent soin. Elle imagina que le nourrisson allait petit à petit développer de la peau puis
devenir un enfant en bonne santé et puis un adulte. Un jour en thérapie alors qu’elle
travaillait avec cette partie, elle leva soudainement les yeux et dit : « C’est moi ! C’est moi ! »
Lentement mais sûrement, elle tourna la page après de nombreuses années de thérapie
difficile et sujette aux crises. Roxane put enfin utiliser le mot « changement » de façon
positive. Elle intégra toutes ses parties et acheva la thérapie. Seize ans plus tard, Roxane
va toujours bien. Elle est retournée au travail, bien qu’elle ait eu de graves problèmes de
santé à la suite d’une vie de stress. Elle et son partenaire ont une relation stable, bien
qu’imparfaite. Elle a renoué avec son père biologique qui l’avait abandonnée et elle a pu
reconnaître ses erreurs auprès de ses enfants et continue à les aimer à l’âge adulte.

5.2. La résistance cognitive


Certains patients présentant une résistance persistante peuvent être moins
ouvertement focalisés sur le thérapeute comme étant problématique, mais ils
peuvent présenter une résistance cognitive profonde, tout en conservant un
comportement agréable. En d’autres termes, ils peuvent avoir le sens de l’hu-
mour et exprimer leur appréciation du thérapeute, mais sont incapables de pen-
ser de façon cohérente en raison de l’interférence de certaines parties, ou bien
ils utilisent toutes sortes de récits compliqués, se concentrent sur des futilités
ou racontent des histoires à dormir debout. Incapables de rester sur le sujet, ils
sont difficiles à suivre dans la conversation. Ils sont incapables de se souvenir
des séances ou d’informations car il y a beaucoup de switchs et de conflits au
sujet du changement entre les parties dissociatives. Bref, ils n’opèrent aucun
changement. Diverses parties peuvent être impliquées de différentes façons.
Par exemple, une partie peut penser tout à fait clairement, mais une autre par-
tie est floue et confuse. La pensée tangentielle peut aussi être une conséquence
d’un switch rapide entre les parties, chacune suivant un fil différent.
Ce style peut être compris comme le type de récit incohérent que l’on
trouve si souvent dans les attachements désorganisés et qui peuvent être faci-
lement activés avec le thérapeute. Il faut comprendre avec compassion que ces
patients, sous leurs faux-fuyants et leur désorganisation cognitive, ont des pho-
bies profondes d’attachement et de perte, et aussi de l’expérience intérieure.

&YFNQMFEFDBTEFSÏTJTUBODFDPHOJUJWFFYUSÐNF
.BSJF

Marie était une femme de 62 ans qui avait suivi plusieurs thérapies à long terme depuis
ses trente ans. Aucune de ces thérapies n’avait été particulièrement efficace. Elle souffrait
d’un TDI, d’un dysfonctionnement exécutif grave, de dépression et de crises de panique.

La résistance comme un évitement phobique : une introduction 277


Elle avait aussi un QI très élevé, elle s’acquittait bien de sa profession d’enseignante et
avait un merveilleux sens de l’humour. Elle fut référée par un thérapeute retraité
spécialisé en TDI à une thérapeute également connue pour traiter la dissociation. Lors
des deux premières séances, la nouvelle thérapeute ne put pas reconstituer ce dont
Marie parlait. Elle croyait que la patiente switchait, mais elle n’était pas en mesure de
le confirmer lors des premières séances.
Malgré son QI élevé, la patiente sautait d’une histoire à l’autre, ne complétant
aucune description et n’identifiant jamais clairement les personnes ou elle-même.
Elle utilisait constamment des pronoms indirects et mélangeait les temps passés,
présents et futurs : « Nous aurons un moment fantastique. Des moments fantastiques
maintenant. La semaine prochaine va être fantastique. On s’amuse tellement ! Elle
me fait rire. Mon père m’a appris à m’amuser. Il était tellement chouette, même
quand il essayait de me tuer. Il était tellement amusant ! On avait des goûters. Des
petites tasses et des déguisements. Oui, il était le meilleur parent. Il fallait juste faire
attention avec lui, ne pas le laisser trop s’approcher. La semaine prochaine, nous
allons nous habiller et sortir en ville, nous tous ! Bien que la dernière fois, les
dernières années, les dernières fois, je n’ai pas vraiment réussi à y aller. C’est
tellement fantastique ! Je vais commencer à marcher tous les jours ! Je fais du vélo,
moi aussi, je me sens tellement libre quand je fais du vélo ! Je dois le faire réparer.
Je l’ai acheté avec mon propre argent en 1962 ! Il est d’un beau vert brillant ! Juste
éblouissant ! Je peux gratter cette rouille quand j’aurai un peu de temps. Et chercher
des pneus neufs. Peut-être un nouveau siège et des freins ? Je dois le sortir du
hangar. Je crois qu’il est là quelque part. Ma mère l’a peut-être vendu. Elle l’a fait.
J’ai hâte de rouler à nouveau ! »
Marie ne se souvenait d’aucune de ses séances, aussi banales et dépourvues d’émotion
qu’en étaient les contenus et elle demanda donc à les enregistrer. Elle écouta plusieurs
fois les enregistrements, mais elle ne pouvait toujours pas retenir ce qu’elle et le
thérapeute avaient dit. Il y avait des moments où elle ne pouvait littéralement pas
entendre la thérapeute si le contenu était trop difficile sur le plan émotionnel.
Marie était très réticente à toute suggestion ou idée, mais d’une manière inhabituelle.
Elle les acceptait volontiers et les oubliait aussitôt. Elle avait de « grandes »
compréhensions et les oubliait en quelques secondes ou minutes. Au bout d’un certain
temps, la thérapeute en vint à la conclusion que la patiente n’était tout simplement
pas capable de faire plus que ce qu’elle faisait. Le fait est que Marie se poussait
explicitement à travailler dur en thérapie, puis s’arrêtait implicitement en oubliant tout.
Elle n’avait que peu ou pas conscience de ce conflit intérieur. Aucune partie de Marie
ne put être engagée pour travailler sur ce problème persistant.
Marie avait passé des tests neuropsychologiques approfondis à deux reprises pendant
la thérapie car la thérapeute s’inquiétait de troubles cognitifs, mais elle obtenait en
général des résultats normaux. Cependant, elle avoua volontiers avec gaieté à son
thérapeute qu’elle avait été au moins quelque peu malhonnête, surtout en ce qui
concerne les tests psychologiques. Du fait qu’elle administrait ce type de tests dans
son travail, elle réussissait à masquer certaines de ses difficultés ; elle était fort
contente d’elle-même d’avoir été très intelligente et de s’être montrée plus maline
que les personnes faisant passer les tests. Elle était profondément paranoïaque à
l’idée que quiconque en découvre davantage sur elle et elle put le reconnaître avec
sa thérapeute.

278 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Marie put développer un peu plus de cohérence dans ses récits quand la thérapeute
l’incita à clarifier au fil du temps, car sa confiance en celle-ci augmenta quelque peu.
Elle ne s’intégra cependant pas et était rarement capable de reconnaître ses parties
bien qu’elles fussent clairement très actives. C’était tout simplement trop terrifiant et
accablant pour elle. La thérapie se concentra sur la stabilisation, les aptitudes à la vie
quotidienne et le soutien, sans un travail axé sur la compréhension intérieure. Dans les
dernières années de cette thérapie de soutien, Marie développa une démence. Elle
devint finalement incapable de conduire et dut interrompre le traitement. Elle fut référée
à la psychiatrie gériatrique, ce qu’elle refusa. Elle continua à refuser toute aide dans sa
vie quotidienne, insistant sur le fait qu’elle allait bien malgré des difficultés évidentes à
se débrouiller toute seule.

La résistance chez le patient peut prendre presque n’importe quelle forme.


Dans le tableau 11.3, nous énumérons un certain nombre de résistances com-
munes, et bien sûr, cette liste n’est pas exhaustive.

• Ne pas respecter les limites clairement établies par le thérapeute


• Se présenter en retard
• Refuser de quitter la séance à l’heure ou avoir une crise à la fin de la séance (en sup-
posant que le thérapeute termine la séance de façon adéquate et ait du temps libre)
• Envoyer des courriels ou appeler au-delà des limites fixées
• Harceler le thérapeute ou se préoccuper de sa vie personnelle
• Essayer de s’engager dans une dépendance extrême et littérale à l’égard du théra-
peute.
• Ne pas vouloir nouer une relation thérapeutique
• Menacer de violence ou devenir violent ou sexuel en séance
• Être violent envers les autres en dehors de la séance
• Incapacité de penser, sentiment de flou et de « vide », ou réponse chronique « Je
ne sais pas » en thérapie
• Incapacité de rester ancré dans les séances ou à la maison
• Rester réticent à accepter l’existence de parties dissociatives
• Switching incontrôlable et flash-back chroniques
• Refuser d’autoriser certaines parties à des séances (p. ex. parties sexualisées, parties
imitant l’agresseur, parties adulte qui fonctionnent dans la vie quotidienne)
• Ne se présenter que comme des parties infantiles en thérapie
• Maintien d’un investissement à rester une personne avec un TDI
• Incitation à la croyance ou à l’incrédulité : « Vous devez me croire ; vous ne devez
avoir confiance en rien de ce que je vous dis. »
• Ne pas collaborer avec le thérapeute pour maintenir la thérapie à un niveau tolérable
mais progressif
• Exiger que la relation avec le thérapeute devienne sexuelle ; masturbation en séance
(transfert érotique extrême)
• Insister pour partager des détails extrêmement crus sur les abus à maintes reprises,
et les dessiner sans cesse (comportements exhibitionnistes et voyeuristes en séance)

La résistance comme un évitement phobique : une introduction 279


• Se comporter de façon sadique envers le thérapeute et prendre plaisir à cela, par
exemple en disant des choses cruelles
• Insister pour que le thérapeute réponde aux besoins non satisfaits ; fantasme per-
sistant que le thérapeute peut tout arranger
• Parler trop ; produire des quantités débordantes de contenu sous forme écrite (sou-
vent en ce qui concerne les souvenirs traumatisants, les parties dissociatives ou les
sentiments à l’égard du thérapeute)
• Utiliser trop de bavardages ou partager trop d’histoires drôles
• Discours invraisemblable, incohérent, désorganisé, tangentiel
• Entrer chroniquement en transe ou se dissocier
• Rester investi dans une vie intérieure riche de fantaisie au lieu d’être disposé à accep-
ter et gérer la réalité extérieure
• Rester réticent, en tant que personne dans son ensemble, à assumer la responsabi-
lité de diverses parties dissociatives
• Clivage entre le thérapeute et les autres, les membres de la famille, les amis, d’autres
professionnels de la santé mentale (p. ex., mon mari dit que vous me poussez trop
loin et qu’il a besoin de protéger l’enfant [partie de moi] ; mon psychiatre pense que
vous devriez me voir plus souvent, il est très préoccupé par mon instabilité et se
demande si vous savez ce que vous faites).
• Demeurer dans une relation d’abus continue (en tant que victime ou agresseur)
• S’engager dans des comportements chroniques d’approche-évitement, p. ex. « Je te
déteste ; ne me quitte pas. »
• Éviter, s’accrocher ou devenir agressif dans les relations
• Utiliser des stratégies d’adaptation destructrices (drogues, alcool, automutilation,
troubles relationnels, etc.)
• Manque d’assiduité à la thérapie
• État d’esprit amenant à répondre chroniquement : « Oui, mais… » ou « Non, vous
avez tort… »
• Externalisation des problèmes aux autres : incapacité de réfléchir sur soi-même
• Préoccupation obsessionnelle de vengeance ou d’injustice
• Tenter de soumettre le thérapeute aux besoins et aux exigences du patient, ne pas
tenir compte de l’expérience subjective ou des besoins du thérapeute – narcissisme
traumatique (Shaw, 2013)
• Considérer le thérapeute comme abusif ou sadique s’il ne répond pas aux demandes
du patient (Ogden, 1992)
• Être extrêmement jaloux de la vie « parfaite » du thérapeute ou de la vie des
autres.
• Sentiment d’amertume extrême face à la vie, parfois appelé trouble de l’amertume
post-traumatique (Linden, Rotter et Baumann, 2007)
• S’engager dans des fantasmes chroniques ou des rêveries mal adaptées (Somer, 2002)
ou se relier principalement à « la troisième réalité », c’est-à-dire le monde intérieur
des parties (Kluft, 1998)
• Préoccupation chronique et ininterrompue concernant le suicide

TABLEAU 11.3
Évitements phobiques courants (résistances) chez le patient

280 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


6. Exemples supplémentaires de cas
de résistance
Ci-dessous, nous donnons quelques exemples de cas de résistance et de
contre-résistance. Ils ont pour but de familiariser le lecteur avec la grande
variété de stratégies d’évitement phobique. Plus les thérapeutes peuvent iden-
tifier ces thèmes et travailler directement avec eux, plus ils peuvent être effi-
caces pour aider les patients à progresser.

&YFNQMFEFDBTEFEÏQFOEBODFDPNNFSÏTJTUBODF4FSFOB

Serena suppliait son thérapeute : « J’ai besoin de vous voir quatre fois par semaine et
une heure ne suffit pas ! Je commence à peine la séance, puis je dois partir et mes
parties n’arrivent même pas à vous parler. Vous ne comprenez pas à quel point je souffre
à chaque minute. Je n’en peux plus. Ça m’aide de vous voir, c’est la seule chose qui
m’aide ! Comment pourriez-vous ne pas m’aider ?! Je suppose que vous ne voulez pas
me voir parce que je n’ai pas les moyens de payer vos honoraires complets. Je savais
que vous vous fichiez de moi. Bien ! Je ne sais pas si je serai là pour d’autres séances
de toute façon. » Serena quitta le bureau en pleurant et claqua la porte, laissant la
thérapeute se sentir incompétente et accablée, se demandant ce qu’elle devait faire et
craignant pour la sécurité de sa patiente.
Serena évite ses besoins de façon phobique. Elle espère que si elle peut exiger la
présence et l’apaisement de la thérapeute, elle n’aura pas à ressentir d’inconfort ou de
douleur ni à faire face à des besoins qui ne sont pas satisfaits dans la vie. Elle a aussi
une phobie de la perte d’attachement, recherchant frénétiquement la thérapeute et
en même temps ayant honte de ses besoins.

&YFNQMFEFDBTEFMVUJMJTBUJPOEFMBDPMÒSFDPNNFSÏTJTUBODF5JN

Tim avait une partie en colère avec une tendance à devenir violent envers les autres. En
séance, lorsqu’il jeta soudainement un coussin vers sa thérapeute, cette dernière lui dit
d’arrêter et de s’asseoir et de parler au lieu de lancer des objets. Tim réagit avec colère :
« Vous voulez me faire un lavage de cerveau pour que je sois un de ces robots soumis
et silencieux, juste comme tout le monde dans la société. Vous voulez que je me débarrasse
de ma colère. J’ai le droit d’être en colère ! C’est vous qui ne supportez pas ma colère. Et
quoi, si je jette quelque chose dans votre bureau ? Le coussin ne vous a pas touchée et
je n’avais pas l’intention de vous frapper ! Vous faites tout un plat à partir de rien du tout.
Je croyais que vous deviez accepter mes sentiments. Je me sens totalement trahi. »
Tim résistait à se rendre compte que la façon dont il exprimait sa colère était inappropriée
et effrayante pour les autres. Il était plus facile pour lui d’exprimer sa colère et de blâmer
la thérapeute parce qu’il évitait phobiquement de réfléchir effectivement sur sa colère
et de découvrir ce qui pourrait se trouver en dessous : de la douleur, de la honte et de
l’impuissance. Il était aussi honteux d’avoir jeté impulsivement le coussin et attaquer
ainsi la thérapeute lui permettait d’éviter la honte.

La résistance comme un évitement phobique : une introduction 281


La thérapeute fut intimidée par Tim. Bien qu’elle fût apparemment calme, intérieurement,
elle craignait de poser d’autres limites par peur qu’il ne devînt violent. Tim lui rappelait
son père, qui était coléreux. Elle ne put répondre à l’énergie de la colère de Tim avec
des limites fermes et compassionnelles. Au lieu de cela, elle essaya de le convaincre
qu’elle acceptait sa colère et qu’elle avait peut-être un peu exagéré. Elle finit par s’excuser
auprès de Tim. Sa contre-résistance consista à ne pas fixer de limites appropriées, à ne
pas aider Tim à accepter sa colère et sa honte et à ne pas lui apprendre la distinction
entre avoir une émotion et passer à l’acte. Tant la thérapeute que le patient quittèrent
la séance en se sentant dépassés et frustrés.

&YFNQMFEFDBTEVOFMVUUFEFQPVWPJSDPNNFSÏTJTUBODF-BVSB

Laura avait des parties enfant et adulte extrêmement exigeantes et déraisonnables. Au


cours d’une séance, elle apprit que la thérapeute quittait la ville. Habituellement, la
thérapeute lui disait approximativement où elle se trouvait, car cela aidait la patiente
à maintenir une certaine permanence de l’objet et c’était quelque chose que la
thérapeute faisait avec la plupart de ses patients. Mais cette fois-ci, Laura switcha vers
une partie enfant qui commença à poser sans cesse des questions de plus en plus
précises à la thérapeute sur ce qu’elle allait faire et où elle allait. La thérapeute se sentit
contrainte et envahie et décida qu’il valait mieux ne rien dire du tout à Laura sur sa
destination. La partie enfant de Laura eut une crise de colère, allongée sur le sol du
bureau, donnant des coups de pied tout en hurlant. Plus la thérapeute lui demandait
de se calmer, plus Laura criait, pleurait et exigeait de savoir où allait la thérapeute. La
thérapeute fut finalement épuisée et hésitante : « Si tu arrêtes de crier, que tu t’assieds
et que tu t’ancres un peu, je te dirai où je vais. » Laura s’assit rapidement et se tut bien
qu’elle fût toujours fâchée contre la thérapeute.
Laura était résistante aux limites de base et au confinement des parties enfant d’elle-
même. Elle avait un style d’interaction avec les autres contrôlant/punitif, surtout avec
la thérapeute, et se sentait en droit d’obtenir ce qu’elle voulait ou ce dont elle avait
besoin de la part de la thérapeute. La thérapeute était contre-résistante à la mise en
place de limites consistantes lorsqu’elle se sentait débordée. Elle mettait aussi en scène
son désir de punir la patiente en ne divulguant pas les informations qu’elle partageait
normalement. Au cours de nombreux épisodes comme celui-ci, la thérapeute apprit
peu à peu à être moins réactive à l’égard des crises de colère de la patiente et à insister
pour que la patiente adopte un comportement différent, tout en restant connectée
avec elle.

&YFNQMFEFDBTEVODonflit JOUFSOF
FOUSFMFTQBSUJFTDPNNFSÏTJTUBODF&NNBOVFMMF

Emmanuelle, et plusieurs parties de sa vie quotidienne, apparurent très motivées à


changer. Mais d’autres parties d’Emmanuelle semblaient avoir un degré élevé de phobie
du changement. Une partie, appelée « Fêtarde » voulait seulement s’amuser et restait
dehors toute la nuit de sorte qu’Emmanuelle ne puisse pas arriver au travail à l’heure

282 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


le lendemain matin. Emmanuelle, en tant que Fêtarde, était fixée au niveau
développemental dans l’évitement des responsabilités. Le thérapeute soupçonnait
qu’être responsable était accablant et effrayant pour cette partie d’Emmanuelle. Fêtarde
se sentait en droit de s’amuser à cause de son enfance douloureuse et croyait qu’elle
devait être prise en charge par les autres. Elle trouvait que boire et faire la fête était
une échappatoire efficace aux douloureuses réalités de sa vie terne et solitaire et elle
était furieuse contre toutes les conséquences négatives, les qualifiant d’« injustes ».
Fêtarde vivait toute rencontre avec une figure d’autorité, y compris la thérapeute,
comme une menace à sa liberté et son contrôle.
Les parties responsables d’Emmanuelle trouvaient Fêtarde répugnante et immature,
n’avaient aucune compassion pour elle et n’acceptaient certainement pas les conflits
majeurs que Fêtarde représentait. Fêtarde voulait par exemple la liberté sans
responsabilité, alors que les parties « travail » d’Emmanuelle se concentraient uniquement
sur le travail et les corvées, sans avoir le temps de se détendre et de s’amuser. Fêtarde
était enthousiasmée par l’excitation de fêter et de boire, tandis que d’autres parties
d’Emmanuelle étaient terrifiées par l’excitation, car elle était corrélée trop étroitement
au sentiment de peur. Fêtarde pensait que le monde lui devait beaucoup pour ses
souffrances, alors qu’Emmanuelle, en tant qu’adulte, croyait qu’elle ne méritait rien de
bon du tout et niait tout besoin ou désir.
Ni Fêtarde ni les parties du travail d’Emmanuelle n’avaient suffisamment de compétences
en régulation émotionnelle. La première était sous-régulée et les secondes étaient
sur-régulées, représentant les deux côtés de la médaille de la dérégulation (Van Dijke
et al., 2010a, b). Emmanuelle en tant que Fêtarde luttait pour prendre le contrôle et la
domination sur Emmanuelle en tant que travailleuse, et vice versa. Entre ces deux
parties principales d’Emmanuelle, la collaboration était loin d’être une réalité. Les parties
du travail d’Emmanuelle se plaignaient amèrement de la réticence de Fêtarde à coopérer,
mais ne faisaient rien pour essayer d’améliorer la situation. Les parties du travail étaient
donc en collusion implicite avec la résistance, même en déclarant haut et fort que la
résistance était un problème douloureux.
Une autre partie d’Emmanuelle croyait que s’améliorer signifiait qu’elle ne pouvait plus
jamais demander de l’aide, car elle « devrait » être complètement autonome une fois qu’elle
irait mieux. Une autre était trop désespérée pour essayer d’obtenir un changement positif.

&YFNQMFEFDBTEFMBsouffrBODFDPNNFSÏTJTUBODF/BODZ

Nancy, une patiente dans la soixantaine avec un TDI, semblait avoir fait de grands pas
au cours de nombreuses séances, ayant apparemment réalisé de façon décisive qu’elle
échouait à prendre soin d’elle-même, et elle se sentait heureuse et optimiste lorsqu’elle
quittait ces séances. Cependant, elle retombait invariablement dans une dépression
grave, une autoprivation et des souffrances intenses, éprouvant une sorte de réaction
brutale intérieure. La séance qui suivait une « bonne » séance était exceptionnellement
douloureuse, et tant le thérapeute que la patiente se sentaient frustrés et déconnectés.
Leur expérience était un pas en avant, deux pas en arrière.
L’exploration répétée de cette tendance au cours de nombreuses années ne fut pas
très fructueuse bien que Nancy progressât quand même dans l’ensemble. Finalement,
après des années de traitement, Nancy put partager un souvenir précis de maltraitance

La résistance comme un évitement phobique : une introduction 283


terrible par quelqu’un qui avait joui de sa douleur. Elle avait alors commencé à
transformer la rage contre son agresseur en colère contre elle-même parce que c’était
trop dangereux de lui en vouloir. Elle s’attaquait aussi par honte profonde. Elle avait
développé une partie enfant qui imitait l’agresseur qu’elle appelait « Ça ».
Cette partie de Nancy lui donnait des coups de pied et de poing à l’intérieur, ce qui
lui causait une douleur intense ; la faisait « accidentellement » se brûler sur le poêle ou
avec le fer à repasser ; la privait de nourriture et de liquides ; ou la faisait tomber dans
les escaliers. Cette partie enfant en colère, très forte et très intense, développa un mantra
pour se protéger de la douleur que l’agresseur lui avait infligée. Cela provoquait sa
propre souffrance masochiste : « Tu veux que je souffre ? Je vais te montrer combien
je peux souffrir ! Tu peux me faire du mal, ôter tout ce que j’aime ; et je peux me faire
du mal plus que toi. Je peux me priver jusqu’ à ce qu’il ne me reste plus rien et que je
puisse quand même survivre. Je ne me laisserai jamais rien avoir de bon. Je suis plus
forte que toi ! »
C’était la seule façon pour « Ça » de contrôler les souffrances horribles, l’impuissance
et la honte face aux abus sadiques, tout en se punissant simultanément par évitement
phobique de ces expériences. Nancy avait évité de s’occuper de cette partie d’elle-même
pendant tellement d’années à cause de la honte et de la rage profonde, qu’elle ne
voulait pas accepter comme étant les siennes. Après de nombreuses années de travail
patient et lent en thérapie, Nancy se rendit finalement compte qu’elle avait intériorisé
le sadisme de son agresseur sous la forme de Ça. Elle comprit à quel point elle avait
honte de Ça. Elle ne voulait pas que le thérapeute connaisse cette partie d’elle, qui se
cachait à la vue de tous depuis de nombreuses années en thérapie malgré les tentatives
répétées de reconnaître et de travailler avec Ça.
Ce n’est qu’après des années de construction de la confiance, en gardant constamment
à l’esprit le modèle de progrès suivi d’une régression, en acquérant des compétences,
en travaillant avec succès sur des souvenirs moins intenses et en ayant de nombreuses
petites expériences positives dans la vie actuelle, que Nancy fut finalement en mesure
de reconnaître vis-à-vis d’elle-même et de son thérapeute la racine de son autosabotage
de longue date. Ce fut le début d’un tournant majeur de la thérapie, dans laquelle elle
put enfin prendre conscience du présent, travailler sa colère et son chagrin. Tant la
partie Ça que la partie adulte de Nancy devinrent beaucoup plus compassionnelles
l’une envers l’autre.
En l’espace de quelques mois, elles ont fusionné la plupart du temps, et Ça devint
beaucoup moins distinct. Bien que, par la suite, Nancy continuât d’avoir des régressions
mineures de temps en temps, ses progrès se firent beaucoup plus constants et rapides,
et son automutilation diminua. Cette partie fut invitée à participer activement à la
thérapie, et Nancy exprima beaucoup de gratitude et de compassion à son égard ; elle
la rebaptisa temporairement « Valérie », ce qui signifie forte et vaillante. À ce moment,
Nancy fut en mesure de commencer sérieusement la phase 2 du travail sur les souvenirs
traumatiques, intercalée avec d’autres buts intégratifs entre les parties, et l’amélioration
de sa vie quotidienne continua.

284 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


7. Explorations supplémentaires
1. Qu’avez-vous appris dans votre formation sur la résistance et la
contre-résistance ? En quoi cela aide-t-il ou entrave-t-il votre approche
pour vous thérapeute ? et pour vos patients ?
2. Dressez une liste des résistances ou des phobies internes les plus diffi-
ciles à gérer pour vous. Qu’est-ce qui les rend difficiles ?
3. Dressez une liste de vos propres contre-résistances ou phobies habi-
tuelles à l’égard d’un patient. Comment les reconnaissez-vous ? Parlez
avec un collègue de confiance ou votre superviseur pour explorer vos
contre-résistances.
4. Choisissez un de vos cas et explorez les résistances. Ensuite, pour
chaque résistance, recherchez votre contre-résistance venant soit de
vos propres antécédents, soit de votre réaction au patient.

La résistance comme un évitement phobique : une introduction 285


cHAPITRE 12
La résistance
comme évitement phobique :
approches pratiques

En acceptant la résistance comme un fait clinique inévitable,


voire souhaitable, nous sommes mieux outillés pour être vérita-
blement réceptifs à nos clients et thérapeutiques en interagissant
avec eux. Par conséquent, je dis : vive la résistance.
Stanley Messer (2002, p. 163)

Bien qu’il n’existe jamais une seule bonne manière d’aborder la résistance,
plus le thérapeute est respectueux et compréhensif à l’égard de ce qui rend le
patient évitant, meilleur sera le début d’une approche bienveillante et efficace.
En outre, plus les thérapeutes sont conscients de leurs contributions, pour le
meilleur et pour le pire, à la thérapie, plus la contre-résistance peut être traitée
rapidement et efficacement. Bien sûr, le principe fondamental est le travail à
l’intérieur de la fenêtre de tolérance de toutes les parties du patient, souvent en
allant aussi lentement que la partie la plus lente, un petit pas à la fois.
Comme spécifié dans le chapitre précédent, la phobie de l’expérience
intérieure est la raison principale de la résistance suivie par les phobies des
parties dissociatives, l’attachement et la perte, le souvenir traumatique et le
changement. Malheureusement, les thérapeutes n’évaluent pas assez souvent
l’évitement de l’expérience intérieure et la raison de son existence. Être au fait

La résistance comme évitement phobique : approches pratiques 287


du degré de résistance des patients à envisager leur propre vécu est une aide
considérable pour le thérapeute.
L’une des premières et des plus importantes étapes dans la résolution de
l’évitement phobique chez les patients dissociatifs est pour le thérapeute de
reconnaître que la résistance est souvent contenue dans les parties dissocia-
tives qui ne sont pas à l’avant-plan dans les séances et, simultanément, de
reconnaître que la résistance est une question systémique qui n’est pas limitée
à une seule partie dissociative.

CONCEPT CLÉ

Le comportement de résistance survient souvent dans des parties qui ne sont pas aisé-
ment accessibles en thérapie et que le patient a tendance à rendre responsables du pro-
blème alors que la résistance concerne véritablement un problème pour l’ensemble du
système du patient. Même si c’est seulement en évitant et en faisant des reproches aux
parties évitantes, toutes les parties ont un rôle dans le maintien de la résistance.

Ci-dessous nous décrivons certaines approches pratiques souvent utiles


pour venir à bout de la résistance.

1. Approches pratiques pour travailler


avec l’évitement phobique
La première étape dans le traitement réussi de la résistance, comme noté dans le
chapitre précédent, est d’évaluer le patient de manière approfondie tant du côté
des forces que des faiblesses en thérapie. Il s’agira notamment de déterminer l’im-
portance et la ténacité de la résistance : est-elle présente dans certaines parties
ou touche-t-elle à tout le système. Plus la résistance est durable et installée, plus
l’allure sera méthodique et lente et le thérapeute devra faire preuve de patience.
Ensuite, les thérapeutes doivent être conscients de et ouverts à leurs propres
contre-résistances pouvant interférer avec la thérapie. La contre-résistance du
thérapeute varie en fonction des problèmes traités et des résistances d’un patient
donné, et de ce fait cette vigilance doit être continue. En troisième lieu, le thé-
rapeute devrait mettre en place une supervision sur la résistance et la contre-
résistance. Une telle supervision devra être efficace et un réel soutien.

1.1. Rester curieux avec compassion de connaître


la fonction de la résistance
L’évitement phobique est une protection. Donc, la première étape pour venir à
bout de la résistance est d’explorer avec le patient le rôle joué par l’évitement.

288 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Par exemple, quel est celui de l’automutilation ? Provoque-t-elle chez le patient
un sentiment de plus de réalité, soulage-t-elle la détresse, punit-elle une partie
en train de pleurer par le silence ou évite-t-elle des souvenirs traumatiques ?
Poser activement ce type de questions permet au patient de se sentir davantage
entendu et compris. Lorsque la fonction de l’évitement est comprise, d’autres
façons d’atteindre le soulagement peuvent être explorées. Par exemple, si le
patient se sent plus réel lorsqu’il voit le sang pendant l’automutilation, alors le
thérapeute peut l’aider à découvrir des approches d’ancrage adaptées, comme
percevoir une odeur forte et agréable, toucher un objet transitionnel comme
une pierre ou aider les parties intérieures à se sentir plus calmes.

1.2. Construire des ressources intérieures


pour surmonter l’évitement phobique
Pour que les patients prennent confiance dans l’abord de l’évitement pho-
bique chronique, un certain type de ressources psychologiques doivent être
disponibles. Les ressources incluent toute chose positive et adaptée qui aide les
patients à rester à l’intérieur de leur fenêtre de tolérance. Il existe des milliers
de ressources et des dizaines de façons d’y accéder, dont l’hypnose et l’imagerie
(p. ex., Hammond et Cheek, 1988), l’EMDR (p. ex., Gonzalez et Mosquera,
2012 ; Korn et Leeds, 2002) et les approches somatiques (p. ex., Ogden et al.,
2006 ; Ogden et Fischer, 2015). Ci-dessous, nous en discutons certaines qui
sont souvent utiles aux patients dissociatifs.

CONCEPT CLÉ

Les compétences et le renforcement de ressources sont essentiels pour que le patient


comme un tout se sente capable d’aller au-delà de l’évitement phobique.

Les ressources peuvent être n’importe quelle bonne expérience : positive,


de réconfort, de soutien, de sécurité ou de calme, aussi petite soit-elle. Elles
peuvent inclure une autre personne (réelle ou imaginaire), un animal (réel ou
imaginaire), la nature, une sensation somatique, une image d’un lieu sécurisé
ou de guérison, un « guide spirituel » ou un symbole religieux ou encore un
simple moment tel que savourer une tasse de thé fumant ou la sensation du
soleil sur le visage. On demande aux patients de se souvenir ou d’imaginer
l’expérience et de remarquer à quoi elle ressemble dans leur corps. Il peut être
utile de poser des questions au sujet de sensations spécifiques : par exemple,
« Il y a de la chaleur dans ma poitrine, mes muscles sont relâchés », ou « Tout
s’apaise dans ma tête ». Les thérapeutes qui pratiquent l’EMDR utilisent sou-
vent la stimulation bilatérale pour l’installation de la ressource (p. ex., Korn
et Leeds, 2002). Ceux qui utilisent l’hypnose peuvent utiliser l’imagerie et

La résistance comme évitement phobique : approches pratiques 289


les suggestions hypnotiques pour développer des ressources. L’hypnose et la
stimulation bilatérale peuvent être très aisément combinées (p. ex., Fine et
Berkowitz, 2001).
Lorsque les patients sont capables d’avoir accès à la ressource, le thérapeute
devrait s’assurer qu’ils gardent l’expérience positive de façon à se l’approprier
réellement et la rendre significative. Bien trop souvent, le thérapeute ainsi que
le patient passent aux choses suivantes avant que l’expérience positive ne soit
solidifiée. L’idée est de savourer le moment de façon à ce que cela puisse deve-
nir une expérience beaucoup plus familière (Ogden et al., 2006).
Le thérapeute peut encourager le patient à pratiquer la ressource chaque
jour. Lors des séances de suivi, le thérapeute devrait vérifier que le patient et
diverses parties dissociatives sont capables d’utiliser la ressource pour se sen-
tir plus calmes et compétents. Si ce n’est pas le cas, il faut explorer ce qui
est arrivé et revenir à d’autres interventions. Souvent, de petites expériences
de changement positif doivent être réitérées pour devenir une partie du vécu
continu du patient.

1.3. Utiliser le questionnement socratique


Il y a des moments, tant qu’il n’est pas trop utilisé, où le questionnement socratique
peut être utile pour remettre en question les croyances inadaptées des patients
dissociatifs et les conflits entre les parties. En posant une série de questions, le
thérapeute conduit le patient à découvrir par lui-même ses croyances inadaptées
et des contradictions logiques, sans que ce soit énoncé directement par le théra-
peute. Un tel questionnement intellectuel du patient ne devrait cependant pas
se substituer à l’aspect relationnel avec le patient, l’écoute de sa parole ou l’atten-
tion à ses émotions non verbales (sans essayer d’emblée de les changer). Cela ne
devrait, évidemment, pas se faire d’une manière condescendante ou sarcastique.
Par ailleurs, lorsqu’une partie du patient est fixée dans une forte défense émotion-
nelle comme le combat, la fuite, le figement, la flacidité, l’évanouissement ou le
pleur d’attachement, la régulation et la sécurité sont les premières interventions
et non le questionnement cognitif. Le questionnement socratique devrait idéale-
ment conduire le patient à mettre sous la loupe les émotions, souvenirs ou autres
expériences intérieures évités. Il ne devrait pas uniquement diriger le patient vers
le niveau cognitif mais devrait être mêlé à la connexion relationnelle, à la com-
passion et l’intérêt pour l’expérience du patient.
Ces types de questions sont ouvertes et ont pour intention d’aider le patient
à réfléchir sur des croyances ou des comportements très ancrés qui peut-être
n’ont jamais été examinés auparavant. Par exemple, le thérapeute pourrait
avec le plus grand respect demander au patient :
• Vous souffrez tellement. Je me demande ce qui vous a conduit à croire
que votre mission dans la vie est de souffrir.

290 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


0 Est-ce une nouvelle croyance ou l’avez-vous toujours eue ? Com-
ment en êtes-vous venu à cette conclusion ?
0 Hum, vous avez cette croyance depuis si longtemps. Cela doit être
terrible de croire que votre destin dans la vie est de souffrir. Pouvez-
vous m’en dire davantage à ce propos ?
0 Pensez-vous que d’autres aussi croient que c’est votre mission ?
0 Pourriez-vous m’aider à comprendre comment blesser votre corps
vous aide ?
0 Avez-vous encore d’autres manières de vous blesser pour vous aider
à ressentir moins de souffrance ?
0 Je me demande si vous blesser vous-même aide toutes vos parties ou seu-
lement quelques-unes. Pourriez-vous vérifier à l’intérieur ce qu’il en est ?
0 Y a-t-il quelque chose dans le fait de vous blesser qui ne vous est
pas utile ?
0 Comment gérez-vous le conflit entre les parties qui trouvent cela
utile et celles qui en souffrent ? Cela doit être vraiment un équi-
libre difficile à trouver.
0 Pouvez-vous m’aider à y voir plus clair ? Êtes-vous en train de dire
que boire est la seule option disponible pour vous soulager de votre
douleur ?
0 Comment avez-vous géré cette douleur émotionnelle avant de
commencer à boire ?

• Qu’imaginez-vous qu’il puisse survenir si vous vous mettiez à ressentir


votre colère ou votre tristesse ?
• Quelle est la pire chose que vous pouvez imaginer survenir si vous
reconnaissiez cette voix qui pleure en vous ?
• Avez-vous déjà entendu quelqu’un exprimer une autre opinion sur la
dissociation que votre croyance que cela signifie que vous êtes fou ?
Que pensez-vous de ces opinions différentes ?
• Si vous parliez d’un autre enfant, conseilleriez-vous qu’il/elle soit
puni(e) de la même manière que vous punissez cette partie petit enfant
à l’intérieur de vous ? Sinon, qu’y a-t-il de différent chez l’autre enfant ?
• Vous (une partie imitant l’agresseur) dites que votre seule charge ou
fonction est de blesser les enfants (intérieurs). Comment en êtes-vous
venu à accomplir ce travail ? Avez-vous toujours eu cette charge ?
• Y avait-il d’autres tâches disponibles dont vous n’avez pas choisi de
vous charger ?
0 Que faites-vous pour vous-même pendant votre temps libre en
dehors de cette tâche (blesser ou effrayer des parties à l’intérieur) ?

La résistance comme évitement phobique : approches pratiques 291


0 Vous ne prenez jamais congé ? Vous devez être épuisé ! Voudriez-
vous faire une pause ?
0 Je me demande ce que vous pourriez faire si ces parties enfant
n’étaient plus présentes ?

• Vous faites l’expérience d’être séparé de cette autre partie de vous. Mais
je vois la même personne lorsque je vous vois et lorsque je vois cette
autre partie de vous. C’est un vrai casse-tête, n’est-ce pas ? Pouvez-vous
m’aider à comprendre cela ?
• Vous m’avez dit avoir 3 ans. Pouvez-vous regarder vos mains un
moment et remarquer cette alliance ? Où avez-vous eu cela ? et quand ?
Si ce n’est pas à vous, pouvez-vous m’expliquer d’où cela vient ?
• Comment savez-vous que votre partie coléreuse serait violente si elle
était présente en séance ? Est-ce déjà arrivé qu’elle soit violente avec
autrui ?
• Qu’est-ce qui vous indique que je suis dégoûté ou en colère sur vous ?
Avez-vous remarqué chez moi quelque chose de la sorte ?
• Comment la croyance de devoir être parfait affecte-t-elle votre vie
quotidienne ? Votre thérapie ? Croyez-vous que les autres doivent être
parfaits ? Sinon, pourquoi est-ce différent pour eux et pour vous ?
• Pouvez-vous supposer qu’il y ait d’autres façons de penser concernant
ces parties de vous, comme ne pas croire qu’elles sont dangereuses et
doivent être détruites ?
• Qu’arriverait-il ou qu’est-ce que cela signifierait si vous acceptiez ce qui
vous est arrivé enfant ?

1.4. Travailler avec l’expérience ressentie de la résistance


La conversation est souvent cruellement insuffisante pour traiter la résistance.
En fait, certains patients peuvent parler de la résistance indéfiniment et avec
introspection mais sans aucun changement. Travailler avec le vécu ressenti
(somatique) de la résistance peut être extrêmement efficace pour aider vrai-
ment le patient à avancer. Le travail somatique, comme toutes les approches
thérapeutiques, requiert un entraînement et de l’expérience. Les lecteurs sont
encouragés à se former et à pratiquer (p. ex., Levine et Frederick, 1997 ; Ogden
et al., 2006 ; Ogden et Fisher, 2015).

CONCEPT CLÉ

Travailler avec le vécu somatique de la résistance ou l’évitement phobique peut être une
façon puissante d’aider le patient à accéder au changement.

292 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Le thérapeute pourrait demander : « Qu’éprouvez-vous à l’intérieur de
vous-même lors de l’évitement ? À quel endroit le ressentez-vous le plus ? » Le
patient peut décrire, par exemple, une tension dans la poitrine, si c’est chaud
ou froid, un tremblement qui se centre dans l’estomac, un sentiment d’être
blindé partout, un sentiment d’enfermement, d’être enfermé dans une boîte
vitrée ou d’être entouré de noirceur à travers laquelle la lumière ne peut pas
pénétrer, ou d’être très éloigné du thérapeute, ou le ressenti d’un bouclier ou
d’un mur qui se glisse entre le thérapeute et le patient.
Le thérapeute peut encourager le patient à noter l’expérience avec plus
de curiosité que de peur. « Comment est-ce de remarquer cette expérience ?
Toutes les parties ont-elles le même vécu ? » Quand le patient reste avec cette
expérience, qu’arrive-t-il ? « L’expérience change-t-elle d’une façon ou d’une
autre ? Y a-t-il un mouvement physique qui accompagne l’expérience ? » Le
patient pourrait imaginer faire un mouvement ou le faire vraiment très lente-
ment (pour prévenir la dysrégulation).

1.5. Travailler avec l’imagerie de résistance


Puisque les patients dissociatifs sont généralement très hypnotisables, l’utili-
sation d’images hypnotiques et de suggestions hypnotiques positives peut être
d’une valeur inestimable (p. ex. Kulft, 1992a, 1992b ; Van der Hart, 2012).
Cependant, les patients ne peuvent utiliser l’imagerie de résistance que lors-
qu’ils peuvent reconnaître l’existence de la résistance. Souvent, cela ne sur-
vient que plus tard dans la thérapie.
Le thérapeute utilise l’imagerie du patient pour soutenir les changements
progressifs dans la capacité de réfléchir et de modifier la résistance. Par exemple,
si le patient (ou une partie du patient) imagine un mur, la première étape
pourrait être d’encourager le patient ou cette partie, à seulement identifier les
qualités du mur : sa hauteur, son épaisseur, sa longueur et de quoi il est fait.
« Vous avez construit un excellent mur pour votre protection. C’est votre mur,
il est extrêmement solide et cette force vient de vous. » Après avoir exploré et
admiré ce mur, le thérapeute pourrait encourager le patient à imaginer qu’il le
touche et qu’il s’appuie sur lui pour sentir sa solidité et sa robustesse. « Pouvez-
vous vous appuyer sur le mur pour ressentir comme il est solide, combien vous
l’avez fait robuste ? Cette solidité du mur est disponible pour vous de bien des
manières, d’une façon que vous ne pouvez pas encore imaginer, qui vous aidera
et vous fera vous sentir davantage capable de vous adapter, de vous sentir com-
pétent et calme. » Ce type d’intervention commence par exploiter la force de
la résistance en tant que ressource qui soutient la thérapie au lieu de l’entraver.
D’autres approches d’imagerie comprennent, par exemple, l’exploration des
petites étapes du changement par rapport au mur. Peut-on placer un petit judas
ou un interphone dans le mur ? Y a- t-il une porte ? Le patient peut-il grimper

La résistance comme évitement phobique : approches pratiques 293


sur une échelle et regarder de l’autre côté du mur en utilisant des jumelles dans
le mauvais sens, de sorte que tout ce qui est proche paraisse très lointain ? Le
thérapeute explore avec le patient en quoi consisterait une approche plus effi-
cace. Par exemple : « Bon, regarder par-dessus le mur et y faire un petit trou ne
semble pas possible pour le moment. C’est bien. Soyons curieux de savoir quelle
pourrait être l’étape suivante. Il y a toujours tant d’options, des options sans fin.
Il y a toujours un moyen d’aller de l’avant, même si nous ne le voyons pas en ce
moment. La sagesse de nos esprits travaillant ensemble nous montrera le che-
min au moment voulu. » Si le patient est incapable ou hésite à tenter un pas en
avant, le thérapeute le reconnaît simplement en explorant en collaboration avec
lui ce qui est difficile à ce sujet afin de trouver une solution potentielle.

&YFNQMFEFDBTEFUSBWBJMBWFDMJNBHFSJFEFSÏTJTUBODF

5IÏSBQFVUF  C’est un merveilleux mur que vous avez là. Il est grand et robuste. Je
me demande ce que cela ferait, n’est-ce pas, si vous vous permettiez de vous appuyer
dessus et de juste noter comment c’est.
1BUJFOU  Je me sens détendu comme si je me décharge d’un lourd fardeau. Je me
sens soutenu. Je peux me reposer.
5IÏSBQFVUF Bien, laissez-vous vous débarrasser de ce fardeau et vous sentir soutenu.
La force de ce mur est votre force. Imprégnez-vous de cela. (Le thérapeute attend ; s’il
utilise l’EMDR, il peut faire ici des stimulations bilatérales.)
1BUJFOU : Oui, je me sens bien.
5IÏSBQFVUF : Vous vous sentez bien. Prenez-en simplement note et acceptez-le.
Comment ressentez-vous cela dans votre corps ? Et considérez maintenant votre mur
à nouveau, le mur qui vous soutient et qui porte votre fardeau.
1BUJFOU Je l’aime plutôt bien. Ce n’est pas si redoutable en fait. C’est plus comme un
lieu de repos où je suis soutenu. J’en suis heureux. Je peux voir le sommet à présent.
5IÏSBQFVUF Pas si redoutable. C’est maintenant un lieu calme de soutien. (Il attend.)
Cela vous intéresse de jeter un regard par-dessus le sommet ?
1BUJFOU Peut-être juste un peu (les larmes aux yeux). C’est si beau là-bas. Si incroyablement
beau. Je ne le savais pas.
5IÏSBQFVUF Humm, une beauté que vous ne connaissiez pas. C’est quelque chose
ça, n’est-ce pas. Prenez seulement tout le temps dont vous avez besoin pour regarder
cette beauté.
1BUJFOU Je réalise que le mur ne me protège plus. Le mur est ma douleur : il est fait
de tout ce qui m’a blessé et dont je ne veux rien savoir. Cela maintient ma douleur
pour moi-même mais cela me garde loin de cette vie magnifique. Je pense que je peux
commencer à la laisser devenir mienne maintenant. (Beaucoup de larmes de soulagement,
tristesse et réalisation.)
5IÏSBQFVUF Oui, vous pourriez, n’est-ce pas, commencer à laisser cela devenir vôtre…
Pourriez-vous vérifier et voir ce qui vous arrive à vous et au mur maintenant ?
1BUJFOU Le mur apparaît très différent. Très relâché, et les pierres deviennent plus légères,
flexibles. (Riant de joie) Comme si elles devenaient des bulles qui flottent dans les airs. De
belles bulles. Oui, de petites bulles qui sont vraiment vivantes ! Elles flottent sur cette
scène merveilleuse dans le respect de ce qui est là. C’est comme si elles étaient finalement
arrivées à la maison. Je suis finalement arrivé à la maison (encore plus de larmes).

294 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


1.6. Réexaminer les buts partagés de la thérapie
et le progrès de la thérapie
Lorsque l’évitement phobique empêche le patient de travailler les objectifs
sur lesquels il y avait un accord, le thérapeute devrait revenir vers les buts du
traitement et demander aux patients ce qu’ils souhaitent et se sentent capables
de travailler. Cela devrait être fait d’une manière curieuse et compassionnelle,
plutôt que d’une manière punitive qui voudrait dire que les patients ne tra-
vaillent pas comme ils devraient le faire.

CONCEPT CLÉ

Un bilan des objectifs thérapeutiques avec le patient peut être utile lorsque l’évitement
phobique est fort.

Ce bilan des objectifs n’est pas seulement destiné au patient mais aussi
au thérapeute. Ce sont parfois les thérapeutes qui développent implicitement
leurs propres objectifs pour le patient, comme travailler sur les souvenirs trau-
matiques ou rencontrer les parties dissociatives, avant que le patient n’en
ait fait un but personnel. L’entretien motivationnel peut être utile lorsqu’il
semble que le patient est bloqué et ne peut aller de l’avant (Miller et Rollnick,
2012). Toutes les parties devraient être comprises dans le processus (voir cha-
pitres 7-9 pour la mise en place de buts de traitement appropriés).

2. Questions particulières dans le travail


avec la résistance chez les patients dissociatifs
Travailler avec la résistance chez les patients dissociatifs peut être complexe
parce que les parties fonctionnent souvent implicitement ensemble pour
maintenir la résistance et peuvent le faire de façon telle qu’elles n’apparaissent
pas tout à fait clairement au thérapeute. Ci-dessous nous discutons plusieurs
questions courantes.

2.1. La résistance d’une partie dissociative


et l’absence de résistance d’une autre
La résistance peut apparaître chez une partie mais pas chez une autre. Cer-
taines parties reconnaissent la résistance chez d’autres parties et ne la vivent
pas comme la leur. C’est évidemment une autre manifestation du cœur de la
non-réalisation dans la dissociation : cela ne m’appartient pas, cela n’est pas

La résistance comme évitement phobique : approches pratiques 295


moi. Certaines parties du patient dissociatif peuvent donc sembler complè-
tement désireuses de changer et prêtes à le faire tandis que d’autres parties
apparaissent profondément résistantes. Le système dans son ensemble, c’est-
à-dire l’individu, a placé la résistance en quarantaine dans certaines parties et
donc la renie : « Je souhaite aller mieux mais cette partie ne le veut pas. Cette
autre partie est le problème. » Bien sûr, cette partie exprime quelque chose
que le patient dans sa globalité ne peut pas encore s’approprier mais elle vient
néanmoins du patient. Le patient est souvent incapable de réaliser comment le
reste du système, par le déni et l’impuissance face au conflit ou à la résistance,
soutient tacitement la résistance constante de ses autres parties. Souvent, ce
n’est que lorsque le patient dans sa globalité peut s’approprier de manière com-
passionnelle la responsabilité de toutes les parties du conflit qu’on peut venir à
bout complètement de la résistance.

CONCEPT CLÉ

La résistance est un problème systémique. En fait, bien qu’une ou plusieurs parties


puissent être étiquetées comme résistantes alors que d’autres parties apparaissent en de-
mande de progrès, toutes les parties du patient servent à maintenir le statu quo de la
personne comme un tout. Il faut dès lors que le thérapeute traite de manière compassion-
nelle le rôle de chaque partie dans le maintien explicite ou implicite de l’évitement
phobique.

2.2. La résistance dans les parties dissociatives


inaccessibles
La dissociation est un trouble de camouflage et de dissimulation. Il est donc
tout à fait courant que certaines parties hostiles, sadiques ou extrêmement
craintives ou encore honteuses, restent cachées « derrière les coulisses », par-
fois inconnues du patient et souvent ignorées (ou seulement soupçonnées) par
le thérapeute. Le thérapeute doit faire preuve d’une grande patience et d’une
persévérance compassionnelle à l’égard du patient pour qu’il trouve le courage
d’autoriser ces parties à être plus présentes dans le traitement. En attendant,
ces parties restent très effrayées par le changement et souvent par la relation
thérapeutique. Le patient ne comprend pas sa propre résistance, car elle est
contenue dans plusieurs parties (au moins partiellement) hors de sa conscience.

2.3. La complexité du conflit intérieur


chez les patients dissociatifs
Le conflit est souvent beaucoup plus complexe qu’une pièce à deux faces, par-
ticulièrement chez les patients dissociatifs. Par exemple, une partie du patient

296 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


peut aimer et idéaliser sa mère qui était parfois nourricière et attentive, et être
fortement loyale à celle-ci ; une autre partie hait sa mère et ne veut plus jamais
lui parler ; une autre dénie avoir jamais eu de mère ; tandis qu’une autre partie
encore croit qu’elle-même est sa mère. Cette complexité peut être source de
confusion pour le thérapeute. Cependant, chaque facette du conflit commence
par faire sens dans le contexte du monde chaotique et douloureux de l’enfant
abusé. Un enfant pourrait bien sûr vouloir à la fois aimer et haïr sa mère mal-
traitante. L’enfant pourrait souhaiter n’avoir jamais eu de mère et, dans un état
de transe ou d’absorption profonde, être amené à croire cela. Et bien entendu,
l’enfant introjecte le mauvais self de sa mère qui se met à vivre sa propre vie. Sa
mère est tellement abominable, déroutante et terrifiante que l’enfant ne peut
pas l’intégrer comme une personne à part entière. L’enfant ne peut pas non
plus intégrer ses propres conflits divers et insolubles au sujet de sa mère ni ses
propres sentiments discordants en relation avec elle. Donc, chaque partie dis-
sociative a des réalisations limitées concernant l’expérience propre du patient
et concernant sa mère.
Souvent une ou plusieurs faces d’un conflit sont cachées au patient et donc
aussi au thérapeute, comme noté plus haut. Les thérapeutes doivent apprendre
à reconnaître et à rechercher les conflits typiques et à faire des enquêtes et des
hypothèses sur les conflits qui pourraient opérer sous un évitement phobique.
Ils devraient insister avec compassion pour que toutes les parties apprennent
à participer à la compréhension et à la résolution de ces conflits plutôt que de
les mettre en scène. Bien sûr, ce travail peut être long et ardu mais comprendre
que les conflits cachés abondent peut être utile à garder à l’esprit.
Le thérapeute a besoin d’une certaine tournure d’esprit eu égard aux parties
dissociatives, à savoir que si vous n’êtes pas une partie de la solution, vous êtes
une partie du problème. Par exemple, certaines parties critiques se plaignent
toujours des autres parties du patient, souvent celle(s) qui fonctionne(nt) dans
la vie quotidienne : « Elle est paresseuse, stupide, mange trop, une perdante. »
Le thérapeute peut aider ces parties hostiles critiques du patient à apprendre à
réfléchir plus efficacement : « Bon, vous êtes vraiment concernées par le fait
qu’elle n’arrive pas à faire tout son ménage. Il me semble que vous êtes très atten-
tives, ainsi je peux voir que vous n’êtes pas du tout paresseuses. Vous souhaitez
qu’elle soit capable d’accomplir ce qu’elle a besoin de faire. Dites-moi ce que
vous êtes en train de faire pour l’aider à être plus motivée parce qu’il semble que
vous souhaitiez réellement qu’elle change. Je parie qu’elle ne souhaite pas être
paresseuse ou stupide ou une perdante. Explorons cela ensemble, d’accord ? » À
un moment où le patient est prêt, le thérapeute peut aller un peu plus loin dans
la confrontation concernant l’évitement de l’intégration : « Eh bien, c’est aussi
votre maison, ainsi je peux voir pourquoi il vous est si important qu’elle soit
propre et bien soignée. Mais quelque chose me trouble. Précisément parce que
c’est votre maison, je me demande pourquoi vous ne participez pas, comme si ces
responsabilités quotidiennes ne vous appartenaient pas aussi ? »

La résistance comme évitement phobique : approches pratiques 297


Plus il y a de communication et de collaboration entre les parties appa-
remment opposées dans le conflit, plus le patient acquiert une capacité d’inté-
gration. Cette approche permet aussi de prévenir que le conflit à propos de la
résistance ne s’externalise dans la relation patient-thérapeute. La résistance est
finalement un conflit au sein du patient qui doit se résoudre intérieurement.

2.4. La complexité de l’évitement chez les patients


dissociatifs
L’évitement phobique est généralement multicouche chez les patients disso-
ciatifs, ce qui le rend plus complexe que chez ceux qui n’ont pas de troubles
dissociatifs. Par exemple, il y a la phobie initiale du vécu lui-même (p. ex., la
honte, la colère, la douleur ou le rejet) et ensuite celle des parties dissociatives
contenant cette expérience, ou celle des souvenirs de celle-ci ou la phobie de
la possibilité de la perte relationnelle potentielle si le thérapeute « découvre »
l’expérience et juge le patient pour celle-ci, ou la phobie de n’importe quel
changement qui exige la réalisation du vécu. Donc, l’évitement phobique peut
être complexe et durable et le thérapeute ne devrait pas supposer que toutes les
phobies sont résolues parce qu’une d’entre elles est dépassée.

2.5. La résistance « relais » entre les parties


dissociatives
Le thérapeute peut vivre une sorte de résistance « relais » troublante avec les
patients dissociatifs, quand une partie apparaît dominante dans la résistance
et qu’ensuite la résistance est soudainement transmise comme le bâton d’une
course relais à une autre partie qui continue à maintenir l’évitement phobique.
Par exemple, une partie coléreuse peut switcher vers une partie terrorisée qui
se sent écrasée lorsque le thérapeute met des limites à ce comportement colé-
reux. Donc, lorsque le thérapeute change d’approche ou évolue émotionnelle-
ment, le patient répond en évoluant en accordage. Le thérapeute est peut-être
apte à gérer la colère du patient en mettant des limites mais hésite face aux
supplications d’une partie enfant. Souvent, c’est la séquence particulière de
switch qu’il est hautement instructif d’observer puisqu’elle implique les rela-
tions entre les parties et des schémas émotionnels qui peuvent être traités avec
fruit. Dans l’exemple ci-dessus, le thérapeute a appris à demander à la partie
terrorisée de permettre à la partie coléreuse d’être à nouveau présente. Ensuite,
le thérapeute qui avait travaillé sa capacité à tolérer la plainte et la douleur du
patient fut capable de travailler plus efficacement tant avec les parties enfant
qu’avec les parties coléreuses du patient.
Une partie peut paraître résistante tandis qu’une autre ne l’est pas et
ensuite toutes les parties paraissent renverser les rôles. À la séance suivante,

298 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


ou même plus tard au cours de la même séance, la partie résistante commence
à faire alliance avec le thérapeute tandis que la partie précédemment coopé-
rative disparaît ou rejette la nouvelle partie coopérative, ce qui maintient la
résistance. C’est une dynamique habituelle entre les parties adulte et les par-
ties enfant. La partie adulte du patient insiste sur le fait qu’elle souhaite que
la partie enfant se sente mieux mais, en réalité, elle en est dégoûtée et rejette
ses besoins en ne prenant aucun moment dans la semaine pour réfléchir et
accepter la partie enfant d’elle-même. La partie enfant appelle le thérapeute
au secours, se sentant rejetée et abandonnée par la partie adulte. À un cer-
tain moment, le patient passe à nouveau de la partie enfant à la partie adulte
qui insiste alors sur le fait qu’elle souhaite réellement aider, mais maintenant
la partie enfant la tourmente et refuse de lui parler : « Comment pourrais-je
l’aider alors qu’elle ne veut pas venir en thérapie ou ne me donne aucune
information ? » Le thérapeute a besoin de comprendre que les deux parties
sont à égalité dans l’évitement et cette approche « en équipe », bien que non
consciente, est une stratégie efficace pour empêcher chaque partie d’accom-
plir un quelconque changement et de réaliser des questions douloureuses.

2.6. Les préférences parmi les parties dissociatives


prises comme résistance
Certains patients TDI qui sont fortement investis dans la compartimentali-
sation créent de nombreux conflits entre les parties au sein de la thérapie. Le
thérapeute doit discerner si les conflits servent à maintenir l’évitement de la
thérapie ou s’ils sont capitaux dans le traitement.
Par exemple, un patient avait un certain nombre de parties qui se battaient
constamment quant à la nourriture à acheter. Par conséquent, le patient ren-
trait chez lui avec des aliments non diététiques ou avec plusieurs sortes de
crème glacée, ou parfois avec rien du tout. Les parties se plaignaient amère-
ment en thérapie qu’elles n’avaient pas leurs aliments préférés et qu’elles ne
pouvaient arriver à un compromis. Le thérapeute se demanda à haute voix si
ces disputes aidait le patient dans sa globalité à éviter ce qui était beaucoup plus
douloureux et difficile. Le patient nia vigoureusement. Cependant, quelques
semaines après cette séance, il switcha vers une partie enfant et dit qu’il était
en proie à des souvenirs traumatiques de négligence sévère et de privation de
nourriture et que ce combat autour de l’alimentation était à la fois une façon
d’éviter d’avoir affaire à ce sujet très douloureux et une remise en acte pour
certaines parties du fait de ne pas avoir la nourriture dont elles avaient besoin.
La partie adulte du client n’était pas consciente de ces souvenirs et la fonction
de ces disputes était de détourner radicalement l’attention de la réalisation de
cette histoire douloureuse.

La résistance comme évitement phobique : approches pratiques 299


2.7. La honte, la dissociation et la résistance
La honte maintient la dissociation (Talbot, Talbot et Tu, 2005) : c’est une ques-
tion centrale à résoudre dans le traitement du patient dissociatif résistant (Chefetz,
2015 ; Herman, 2011 ; Kluft, 2007). Comme le disait une patiente à l’issue heu-
reuse de son travail autour de la honte : « Je suis venue en thérapie pour aller
mieux et traiter de tout à l’exception de ce dont je me sentais la plus honteuse.
Je m’apprêtais à ne jamais parler de ces choses et à les emporter avec moi dans la
tombe. Mais c’est exactement ce qui m’empêchait d’aller mieux. » Des approches
spécifiques pour le travail autour de la honte seront envisagées dans le chapitre 15.
Ce travail est souvent omis ou évité ou minimisé par le thérapeute, qui se sent
incompétent pour traiter d’une dynamique si douloureuse et enracinée.

2.8. Étapes pour solidifier le changement


chez les patients dissociatifs
Étant donné que le changement peut être si effrayant et si permanent pour les
patients avec une résistance tenace, il peut être utile de les aider (avec leurs
différentes parties) à remarquer les différences entre le vécu de l’évitement
phobique et sa résolution. Qu’y a-t-il de différent par la suite, à la fois à l’inté-
rieur et dans la vie quotidienne ? Les différences sont-elles meilleures ou pires ?
Le but est que s’ancre dans l’esprit et dans l’expérience vécue du patient le fait
que la réalisation est non seulement plus adaptée mais aussi plus confortable
que l’évitement phobique.
À cette fin, le thérapeute peut diriger le patient à faire des allers-retours
entre une expérience positive de changement et une expérience négative ou
inconfortable de résistance. Ce phénomène est appelé la pendulation, une tech-
nique somatique qui aide le patient à osciller entre la dérégulation et la régu-
lation par l’utilisation des ressources (Levine et Frederick, 1997 ; Miller-Karas,
2015). Le mouvement doux de pendule entre les sentiments et les sensations
de régulation et de dérégulation contrôlée, couplé avec un dosage de sensations
et d’émotions par petites augmentations, contribue à diminuer la tension. De
plus, un focus sur l’expérience présente empêche le patient d’entrer dans une
spirale de pensées, de souvenirs ou d’émotions négatifs.

3. Explorations supplémentaires
1. Quelles sont les résistances qui vous interpellent le plus avec les
patients dissociatifs ?
2. Certains de vos patients se plaignent-ils que des parties d’eux-mêmes
soient résistantes ? Et si c’est le cas, pouvez-vous les aider à accepter que
toutes les parties ont un rôle dans cette protection ?

300 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


3. Exercez-vous avec un collègue par un jeu de rôle pour que chacun de
vous devienne plus efficace avec les résistances. Partagez l’un avec
l’autre ce avec quoi vous vous débattez le plus en ce qui concerne la
résistance. Chaque thérapeute lutte pour s’en sortir avec la résistance.
4. Remarquez vos propres réactions quand vous rencontrez un puissant
évitement phobique chez un patient. Avez-vous tendance à travailler
plus dur que le patient ? Ou renoncez-vous ? Ou êtes-vous fâché ou
frustré ?

La résistance comme évitement phobique : approches pratiques 301


cHAPITRE 13
Dépendance en thérapie :
toujours, parfois, jamais ?

Il est essentiel d’accepter et de comprendre avec empathie et la


nature parfois intense, désespérée et douloureuse de la dépen-
dance du patient ou, inversement, la honte et le désaveu véhé-
ment de la dépendance, puisque cela constitue la base pour la
résolution de l’attachement insécure et de la dépendance.
Kathy Steele, Onno van der Hart
et Ellert Nijenhuis (2001, p. 96)

La dépendance est une composante naturelle de n’importe quelle psychothérapie


à long terme. En soi, la dépendance n’est pas quelque chose de mauvais ; elle peut
cependant aller de l’adaptation et de l’utilité à la destructivité. Nous examinerons
certains défis que la dépendance peut entraîner chez les patients dissociatifs.
Comment le thérapeute peut-il traiter efficacement le patient qui appelle
à l’aide tard dans la nuit pour la troisième fois en une semaine ou qui laisse, le
même jour, une douzaine de messages vocaux en menaçant d’automutilation
ou de suicide, ou qui envoie des courriels incessants avec de grandes quantités
d’informations et de questions qui exigent une réponse immédiate ? Que devrait
faire le thérapeute lorsqu’une partie enfant demande à être tenue en séance ou
lorsque le patient switche vers une partie bébé, ou que la patiente insiste qu’elle
ne peut fonctionner que si les séances sont augmentées à quatre fois par semaine
et si le contact est maintenu pendant les week-ends ? Quelle réponse le théra-
peute devrait-il offrir lorsque des parties adulte du patient demandent comment

Dépendance en thérapie : toujours, parfois, jamais ? 303


elles pourraient s’attendre à ce qu’elles s’occupent des enfants (intérieurs) alors
qu’elles n’ont jamais reçu de soins elles-mêmes ? Les solutions à ces dilemmes et
d’autres dilemmes thérapeutiques difficiles résident dans la façon dont les théra-
peutes comprennent et travaillent avec la dépendance.
Nous sommes tous dépendants les uns des autres jusqu’à un certain degré,
à certains moments, pour différents besoins (et désirs). Nous pouvons certai-
nement comprendre comment la négligence et l’abus engendrent chez nos
patients un désir profond et puissant d’être soignés. Le désir et le besoin ne
sont pas des problèmes mais les manifestations de dépendance et les réponses
du thérapeute peuvent se combiner de façons problématiques. La question
n’est donc pas de savoir si la dépendance est bonne ou mauvaise, mais plu-
tôt si elle procure un plus grand sentiment de sécurité et de compétence au
patient et lui sert de tremplin vers un intérêt accru pour l’exploration de soi et
du monde. Il est souvent particulièrement difficile de répondre à cette ques-
tion si on considère des patients qui ont un attachement sévèrement insé-
curisé, puisqu’ils peuvent rechercher un attachement incessant (ou l’éviter
entièrement) plutôt que l’utiliser pour développer une base de sécurité à partir
de laquelle ils peuvent aller de l’avant dans la vie. Un besoin permanent de
connexion réelle avec le thérapeute est une dépendance perdue et ne conduit
pas à un attachement sécurisé (voir chapitre 4 ; Steele et al., 2001).
Pour être efficaces dans les questions de dépendance, il est utile que les
thérapeutes comprennent :
• les manières dont l’attachement sécurisé, la dépendance et la prise en
charge sont et ne sont pas reliées ;
• comment évaluer la capacité des patients à tolérer et à surmonter les
problèmes de dépendance ;
• l’importance centrale de la compréhension et de la gestion de son
contre-transfert, en particulier de sa contre-résistance à l’égard de la
dépendance (et de l’indépendance) qui peut s’entrelacer avec les pro-
blèmes du patient ;
• les formes appropriées de dépendance en thérapie ;
• les différences cliniques entre la dépendance adaptée et inadaptée
dans le traitement et comment soutenir la première sans encourager
la seconde ; et
• comment travailler chez les patients dissociatifs les conflits intérieurs
entre des parties qui sont profondément honteuses et évitent la dépen-
dance d’une part et des parties qui recherchent frénétiquement chez
le thérapeute un parent de substitution ou un objet de réconfortant
d’autre part.

Ces questions essentielles seront discutées ci-après.

304 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


1. Attachement sécurisé versus dépendance
L’attachement sécurisé est un des buts principaux de la thérapie chez nos
patients. Pour cette raison, les thérapeutes sont encouragés à développer
une relation thérapeutique forte. Parfois, l’attachement sécurisé comprend
des éléments de dépendance mais ce sont deux concepts tout à fait diffé-
rents.

CONCEPT CLÉ

La dépendance et l’attachement sécurisé sont deux concepts différents. La dépendance


consiste à compter sur une autre personne compétente pour obtenir de l’aide, du soin et
de l’attention. Le but final est de voir ses besoins rencontrés par une autre personne.
L’attachement sécurisé est un sentiment de sécurité intérieure. L’objectif final est de se
sentir suffisamment en sécurité pour explorer, apprendre et développer un sentiment de
compétence et d’interdépendance.

1.1. La dépendance
La dépendance implique de pouvoir compter sur une autre personne pour
le soin, l’attention et l’assistance (Sroufe, Fox et Pancake, 1983). Le but
de la dépendance est de recevoir du soin et de l’aide d’un autre plus fort,
plus sage et pas nécessairement de développer un attachement sécurisé. La
dépendance consiste à élaborer une stratégie pour satisfaire ses besoins plutôt
que d’utiliser la disponibilité du thérapeute pour créer un sentiment de sécu-
rité intérieure. Un patient bloqué dans la dépendance se sentira fortement
affligé lorsque le thérapeute n’est pas disponible et son énergie sera dirigée
soit vers davantage de tentatives de contact avec le thérapeute, soit vers des
comportements qui atténuent le stress, comme l’alcool ou l’automutilation.
Le patient peut ressentir de la panique, de la rage ou du désespoir. Cela se
passe le plus souvent entre les séances. Cependant, cela peut aussi survenir
pendant une séance lorsque le patient ne partage pas explicitement ses sen-
timents de dépendance et que le thérapeute ne les reconnaît pas ou ne s’en
occupe pas directement.

&YFNQMFEFDBTEFEÏQFOEBODF+PTJBOF

Josiane réclamait fréquemment des séances supplémentaires, éprouvait des difficultés


à quitter la séance et appelait souvent son thérapeute en crise. Elle faisait de gros efforts
pour rester au téléphone avec lui pendant longtemps quand il la rappelait. Elle insistait
sur le fait qu’elle ne pouvait pas fonctionner sans ces appels. Lorsque le thérapeute ne
l’appelait pas dans ce qu’elle considérait un délai raisonnable, elle se mettait en colère

Dépendance en thérapie : toujours, parfois, jamais ? 305


et lui laissait des messages vocaux agressifs, puis se retrouvait en état de panique et
s’automutilait (précipitant encore plus la crise) et lui laissait d’autres messages implorants.
Le thérapeute répondait au contenu des crises mais ne comprenait pas la dépendance
de Josiane envers lui. En conséquence, ses réponses envenimaient encore plus ses
comportements.

1.2. Un sentiment éprouvé de sécurité


L’attachement sécurisé n’est pas basé sur le besoin de dépendance, sur la
force ou l’intensité de la relation (Sroufe, 1977) ou sur la disponibilité phy-
sique d’une autre personne (p. ex., le thérapeute). Il est plutôt fondé sur un
sentiment intériorisé de sécurité (Bowlby, 1988). L’attachement sécurisé est
un état d’être en l’absence de l’autre personne (Bowlby, 1969/1982). Donc,
le développement d’un attachement sécurisé chez nos patients dépend d’une
réorganisation des façons dont ils composent avec leurs vécus intérieurs d’at-
tachement et leurs relations aux autres plutôt que sur un thérapeute particu-
lièrement disponible.

1.3. La qualité de la relation


En fait, comme noté aux chapitres 2 et 4, la quantité de temps pendant lequel
quelqu’un est disponible est moins importante que la qualité de temps qui se
centre sur l’accordage dans le moment, et le réaccordage et la réparation quand
c’est nécessaire (Lyons-Ruth, 2007 ; Trevarthen et Aitken, 1994 ; Tronick et
Cohn, 1989). La recherche montre que ces qualités de relation sont plus essen-
tielles dans le développement de l’attachement sécurisé que la proximité rela-
tivement constante et la disponibilité (Lyons-Ruth, 2007 ; Trevarthen, 1980 ;
Tronick et Cohn, 1989). Le sentiment d’être compris et la capacité de se com-
prendre soi-même et les autres est peut-être ce que nos patients attendent le
plus de nous. Le thérapeute aide donc les patients à se focaliser sur leur expé-
rience intérieure (p. ex., avoir un besoin, lutter avec une émotion ou être hon-
teux d’une partie dissociative) plutôt que sur la résolution du problème ou son
élimination. Le trajet de la thérapie consiste à aider les patients à percevoir et
changer la manière dont ils font face au vécu de dépendance. En particulier,
elle consiste à modifier les interactions rigides entre les parties dissociatives du
patient qui se sentent impuissantes et recherchent la dépendance et les parties
qui en ont honte.

CONCEPT CLÉ

Une base sécurisée est un moyen de pouvoir explorer son monde en toute confiance.

306 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


1.4. Une base sécurisée pour l’exploration
La sécurité ne peut pas trouver sa source dans une proximité généralisée mais
plutôt dans la capacité de l’enfant d’utiliser le parent comme base d’explora-
tion de l’environnement. En effet, l’incapacité de trouver du réconfort dans le
contact avec une figure d’attachement est un signe important que le système
comportemental d’attachement ne remplit pas la fonction adaptative qu’il
exerce pour la plupart des nourrissons (Ainsworth, Blehar, Waters et Wall,
1978). Des enfants dont l’attachement est insécure ou inadapté peuvent avoir
besoin d’être en contact même si le stress environnemental est minime, ils
peuvent être incapables de retrouver de la sécurité ou de reprendre l’explo-
ration lors des retrouvailles, ou ils peuvent activement y éviter le contact ou
l’interaction.
Bowlby (1988) a insisté sur le fait qu’une base sécure avec autrui est essen-
tielle pour le développement sain et constitue le moyen par lequel les enfants
se sentent soutenus et compétents pour explorer le monde (à la fois intérieur
et extérieur). Un des buts principaux de la thérapie est l’exploration colla-
borative et la stimulation d’un fonctionnement plus adapté et profondément
satisfaisant dans la vie quotidienne, et non d’être pris en charge par le théra-
peute. Bien sûr, une forme de soin a un certain intérêt dans la thérapie mais
le but devrait plutôt être l’augmentation de la compétence du patient que la
promotion d’une impuissance encore plus importante. Par exemple, consoler
un patient sévèrement dérégulé peut être extrêmement aidant si l’intervention
ne s’arrête pas là. L’objectif est de calmer suffisamment les patients pour qu’ils
puissent ensuite revenir à un problème de façon mesurée pour le résoudre avec
un soutien. Cet apaisement finit par enseigner aux patients comment s’engager
dans leur propre consolation, y compris des parties intérieures dissociatives.

CONCEPT CLÉ

Notre but principal comme thérapeutes n’est pas de prendre soin du patient mais de lui
fournir la possibilité d’une exploration collaborative et d’améliorer son fonctionnement
dans la vie.

Comme Bowlby (1988) l’a noté, notre tâche principale comme thérapeutes
est d’être :
« une base sécurisée à partir de laquelle des patients peuvent explorer
divers aspects malheureux et douloureux de la vie, passée et présente, aux-
quels pour beaucoup d’entre eux il est difficile ou peut-être impossible de
réfléchir, voire même de les envisager, sans un compagnon fiable pour leur
procurer du soutien, de l’encouragement, de la sympathie et même, à l’oc-
casion, de la guidance » (p. 138).

Dépendance en thérapie : toujours, parfois, jamais ? 307


CONCEPT CLÉ

Le but de l’attachement sécurisé, d’un sentiment éprouvé de sécurité, est une capacité
d’explorer le monde à partir d’une base sécurisée. Le thérapeute soutient donc les patients
dans l’examen de leur expérience du moment avec compassion, curiosité et confiance
plutôt que de chercher à être immédiatement disponibles ou à secourir les patients de la
détresse.

L’attachement sécurisé mène en fait à une diminution des comportements


de recherche d’attachement et à une augmentation de l’exploration des mondes
à la fois intérieurs et extérieurs. Inversement, l’activation des besoins d’at-
tachement conduit à la désactivation de l’exploration. Traduit en pratique
clinique, cela signifie que le patient bloqué dans la dépendance au thérapeute
se concentre sur le réconfort et la présence du thérapeute, non sur l’accepta-
tion et le changement de ses schémas internes. Inversement, le patient dans
un attachement relativement sécurisé ne recherche pas souvent frénétique-
ment le thérapeute pour son réconfort et son attention. Ce patient utilise
plutôt tout sentiment de sécurité qui existe pour explorer ce qui se passe au
moment même, pour comprendre, pour accepter et tolérer avec compassion,
pour expérimenter ce qui est positif dans la vie et pour faire le deuil des pertes.
Cette exploration et cette acceptation sont des buts majeurs de la thérapie. La
route vers une telle réalisation, par le sentiment éprouvé de sécurité, peut être
longue et ardue pour certains patients mais il est essentiel que le thérapeute ne
perde pas de vue ce qui doit être accompli.

CONCEPT CLÉ

L’activation des besoins d’attachement a pour conséquence la désactivation de l’explo-


ration et vice versa. Donc, un patient qui est fortement à la recherche du thérapeute ne
peut pas explorer son vécu intérieur et ne peut pas s’engager dans le travail de la thérapie.

La capacité du patient à utiliser le soutien du thérapeute en séance pour


explorer augmente progressivement la prise de risque en dehors de la séance,
en travaillant de façon plus adaptée avec les expériences internes, y compris
avec les parties dissociatives. Inversement, le patient dépendant est centré à
l’extérieur sur la disponibilité du thérapeute et à l’intérieur sur sa détresse.
Très souvent, les patients dépendants ont des difficultés à utiliser les expé-
riences positives d’apaisement du thérapeute pour aller de l’avant. Ils sont
plutôt dans une boucle de rétroaction continue de détresse et de recherche
d’attachement. Nous avons discuté des manières d’aider les patients à obtenir
le soutien du thérapeute pour développer un sentiment constant de sécurité
dans le tableau 4.3 du chapitre 4.

308 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


CONCEPT CLÉ

Des comportements de recherche d’attachement ne sont pas seulement une stratégie


pour réduire des vécus de perte d’attachement ; ils constituent parfois aussi une stratégie
pour prévenir le contact avec des vécus intérieurs douloureux, comme la dépendance, les
désirs, la colère, la honte ou la peur.

La phobie de l’expérience intérieure et dépendance. Un des aspects les


plus difficiles dans le traitement des personnes fortement traumatisées est leur
perception du danger pas seulement à l’extérieur mais aussi en eux-mêmes.
Leurs propres expériences intérieures (pensées, sensations, émotions, besoins,
parties dissociatives, etc.) sont perçues comme envahissantes ou dangereuses.
Les comportements de pleur d’attachement sont déclenchés quand une phobie
de la perte d’attachement est réactivée chez le patient. Mais les comporte-
ments de recherche d’attachement chez nos patients peuvent être aussi provo-
qués parce qu’ils cherchent à éviter le contact avec des expériences intérieures
effrayantes ou honteuses y compris des aspirations de dépendance. En fait, c’est
quand surgissent des désirs de dépendance, précisément parce qu’ils sont telle-
ment douloureux et envahissants en eux-mêmes que nos patients se mettent à
nous rechercher le plus frénétiquement. La retraite momentanée dans le port
d’attache de la relation thérapeutique peut donner au patient le soutien pour
traiter des expériences douloureuses. Mais certains patients essaient de se caler
dans un cocon de réconfort et de soutien avec le thérapeute qui les protège de
la confrontation avec des réalités douloureuses, tant du passé que du présent.
La première démarche est adaptative tandis que la seconde perpétue la dépen-
dance insécure et mène à l’impasse.

CONCEPT CLÉ

Le développement de l’attachement sécure dans la thérapie implique des changements


dans l’organisation intérieure du patient qui sont soutenus par un thérapeute compas-
sionnel, mais pas par celui qui offre attention et contact accrus.

Bien sûr, l’attachement sécure implique une certaine disponibilité du thé-


rapeute, mais plus important, il implique la stabilité, la prédictibilité, la répa-
ration et un focus sécurisé sur l’exploration approfondie du vécu du patient à
l’intérieur de la fenêtre de tolérance. Comme discuté dans le chapitre 4, cela
inclut un accordage soigneux avec l’expérience ressentie du patient dans le
moment même, c’est un être avec le patient. Donc, le thérapeute aide le patient
à partager l’expérience de se sentir dans ce manque et est avec le patient dans la
compréhension collaborative et le travail plutôt que d’agir simplement pour le

Dépendance en thérapie : toujours, parfois, jamais ? 309


soulager. Être avec le patient dans ces moments les plus douloureux en séance
– où le thérapeute est totalement présent et concentré et peut s’assurer que le
patient ressent sa présence d’une manière positive –, est infiniment plus cica-
trisant et utile qu’un contact régulier en dehors de la séance. Bien sûr, il y a
une progression pas à pas vers le développement (souvent lent) de la capacité
d’utiliser le thérapeute dans cette voie de l’exploration, et certains vécus sont
beaucoup plus difficiles à explorer ou à résoudre que d’autres.

&YFNQMFEFDBTEFUSBWBJMBWFDMBEÏQFOEBODF"SUIVS

Arthur était un homme de 45 ans avec une longue histoire d’abus dans l’enfance, de
nature physique, sexuelle et émotionnelle, par sa mère sévèrement alcoolique. Son
père avait abandonné la famille quand Arthur avait 3 ans. Sa mère disparaissait
fréquemment pendant plusieurs jours de suite ou partait dans des épisodes
d’alcoolisation, laissant Arthur seul avec sa sœur qui n’avait que deux ans de plus que
lui. La sœur était très anxieuse et pleurait des heures durant après leur mère. La sœur
fit une overdose de méthamphétamine à 26 ans et en est morte. Arthur fut capable
d’obtenir une maîtrise mais ne put garder un travail plus de quelques mois suite à une
anxiété sévère, des flash-back et de la dépression. Arthur avait suivi six thérapies
différentes et accompli deux sessions de thérapie dialectique comportementale. Son
trouble dissociatif était resté non diagnostiqué et le traitement se focalisait sur un
trouble de personnalité borderline avec des traits dépendants et des épisodes dépressifs
majeurs. Il était invalide depuis l’âge de 35 ans.
Arthur se présentait des heures avant ses séances, traînant dans la salle d’attente et s’y
attardait longtemps après les séances soit dans la salle d’attente soit sur le parking,
effrayé d’être trop loin du thérapeute. Il téléphonait ou expédiait des courriels plusieurs
fois par semaine, en crise ou très anxieux, parfois de manière importante ou parfois
mineure. Arthur n’avait jamais arrêté la thérapie ; au contraire, ses divers thérapeutes
devenaient chaque fois plus frustrés par ses besoins constants et son absence de progrès
et ils le réadressaient. Finalement, il aboutit chez un thérapeute qui diagnostiqua un
TDI et, peut-être de manière aussi importante, comprit les dynamiques de sa dépendance.
Arthur était très fragmenté avec de nombreuses parties enfant, la plupart d’entre elles
fixées dans le pleur d’attachement. Son fonctionnement adulte impliquait de nombreuses
parties, toutes passives et anxieuses. Il décrivait son expérience intérieure comme une
école pleine d’enfants pleurant dans sa tête, enfermés dans des douzaines de salles de
classe sans professeur, capables de voir à l’extérieur grâce à de petites fenêtres dans
les portes mais incapables de demander de l’aide. Ces parties enfant avaient peu ou
pas de conscience du présent, vivant au temps du trauma. Cette description a
immédiatement permis au thérapeute de mieux comprendre pourquoi Arthur n’était
pas capable de développer le ressenti d’un autre interne comme soutien. Les parties
d’Arthur qui en avaient le plus besoin et y avaient le moins accès étaient si centrées
sur la souffrance qu’elles étaient incapables de percevoir la présence du thérapeute.
Un peu plus tard, Arthur décrivit une partie cruelle imitant l’agresseur calquée sur sa
mère qui hantait les couloirs de l’école avec une batte de base-ball, frappant sur les
portes, enjoignant aux enfants de se taire. Il avait aussi une sorte de parent interne
gentil mais inefficace qui ressemblait à une très vieille, frêle, grand-mère et qui avait

310 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


les qualités de sa sœur, en détresse et accablée. Cette partie grand-maternelle se tordait
les mains et pleurait souvent en disant : « Je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas quoi
faire. » Elle voulait aider et protéger les enfants mais était incapable de le faire, tout
comme sa sœur et tout comme Arthur lui-même au présent.
Comprendre ces dynamiques internes ouvrit la porte à des interventions spécifiques
qui aidèrent Arthur à traiter son anxiété et sa dépendance en travaillant avec ses parties
dissociatives et son paysage interne, comme discuté ci-dessous. Bien sûr, les schémas
d’Arthur étaient très enracinés, de sorte que la thérapie ne fut ni facile ni rapide même
après qu’un diagnostic correct eut été posé, particulièrement en ce qui concerne la
mise en place d’un nouveau cadre thérapeutique et de limites appropriées. Mais sur
une durée de sept ans, le thérapeute fut capable d’aider Arthur à changer lentement
son monde intérieur pour le meilleur.
Le thérapeute a immédiatement débuté en plaçant des limites fermes quant au contact
en dehors des séances, en renforçant le cadre strict de la thérapie qui maintint Arthur
en sécurité si pas joyeux. Arthur était attendu à ses rendez-vous 15 minutes et pas
davantage avant la séance et devait quitter les lieux au plus tard 15 minutes après la
fin des séances. Ce fut extrêmement difficile au début pour Arthur et provoqua
beaucoup de pleurs, supplications, menaces de suicide ou épisodes de rage. Mais le
thérapeute tint bon avec compassion, tolérant qu’Arthur râle et soit anxieux. Le
thérapeute travailla d’arrache-pied pour aider Arthur à trouver certaines activités qu’il
pourrait apprécier dans la vie quotidienne en l’encourageant à sortir de la maison au
moins certains jours et à faire une petite promenade presque chaque jour. Arthur était
encouragé à tenir un agenda, non pas de ses besoins ou de son histoire douloureuse,
qui le submergeaient, mais aussi de ses buts quotidiens et comment les réaliser. En
séance, le thérapeute fut progressivement capable de travailler avec la partie mère
abusive d’Arthur. Elle renonça à sa batte de base-ball et prit le travail d’un directeur
strict mais distant assis dans son bureau : une menace vague, persistante en arrière-plan
mais qui permettait au travail de progresser. Le thérapeute aida Arthur à trouver de
nouveaux modèles pour la prise en charge intérieure : « des personnes bonnes qui
sont compétentes et compassionnelles ». Les portes des salles de classe se sont
progressivement ouvertes, avec des images de ces bons parents bienveillants – certains
étaient des personnages de livres ou de la télévision et certains étaient des animaux –
entrant et offrant aux enfants du réconfort, de la nourriture et des soins.
Pendant que lui et le thérapeute travaillaient avec les parties enfant, Arthur fut mieux
à même de parler de ses besoins de dépendance sans être envahi. Il eut l’idée que la
partie grand-mère puisse recevoir un tonique spécial qui l’égaie. Avec le soutien du
thérapeute, il put se rappeler certaines expériences lorsqu’il se sentit compétent et put
transférer ces expériences à la grand-mère intérieure ainsi qu’aux autres figures de
personnes qui s’occupent de lui ; et les laisser s’infiltrer sous les fissures du bureau du
directeur, pour que la partie mère puisse aussi se sentir compétente. Lentement, très
lentement, Arthur commença à se sentir un peu moins dans le besoin, sa rage face au
manque de disponibilité constante du thérapeute s’apaisa. Sa tendance réflexe à
téléphoner au thérapeute diminua, bien qu’il continuât toujours à se plaindre de la
rigidité des « règles ». Les parties enfant devinrent plus curieuses de l’école et de
l’apprentissage ouvrant la possibilité à une croissance intérieure et au développement.
Arthur voulait toujours consacrer tout son temps au thérapeute mais était néanmoins
capable et désireux de participer au traitement.

Dépendance en thérapie : toujours, parfois, jamais ? 311


Après plusieurs années, Arthur recueillit un chien battu et éprouva une grande fierté
d’avoir sorti ce chien de sa coquille. Il réalisa que le chien avait besoin d’amour mais
aussi de jeu, de repos, de temps de tranquillité sans contact, et le plus important, de
temps pour explorer et s’adapter à son environnement et à une personne non
menaçante. La métaphore n’était pas perdue pour lui bien que cette attitude lui fût
difficile à maintenir plus que de courtes périodes. Néanmoins, le fait qu’il pouvait tenir
bon dans un nouveau paradigme d’attachement sécurisé, qui ne concernait pas
seulement du réconfort, était un réel progrès. Arthur avait toujours très peu de contacts
– et était très résistant à les entreprendre vu son extrême phobie sociale – mais il était
déjà capable d’améliorer la qualité de son monde intérieur avec lequel il commençait
à se sentir plus en sécurité et confortable. Le chien offrait une compagnie essentielle
d’une façon qu’il n’avait jamais expérimentée auparavant.
Bien que son statut d’handicapé dût être maintenu, Arthur resta un participant actif
au processus thérapeutique et ses comportements de dépendance diminuèrent
considérablement. Son thérapeute fut capable de créer un cadre thérapeutique qui
perdura au long cours pour eux deux. Récemment, Arthur a été capable d’aborder avec
succès certains souvenirs traumatiques.

Dépendance et crise chronique. La crise chronique – comme des automu-


tilations continuelles ou des ruptures relationnelles même lorsque le patient a
acquis des compétences – requiert une approche différente que la disponibilité
régulière du thérapeute en dehors des séances. Lorsque le patient est en train
d’apprendre certaines compétences, il peut être indiqué d’avoir des contacts
entre les séances dans le but de l’encourager à appliquer ces compétences ;
comme recommandé par exemple dans la thérapie comportementale dialec-
tique (DBT, Linehan, 1993, 2014). Et en effet la thérapie ne s’effectue pas
pendant ces contacts, qui sont circonscrits à la pratique de compétences spé-
cifiques et à l’ancrage. Ces appels téléphoniques sont donc limités à quelques
minutes, pour explorer ce que le patient a tenté, pourquoi cela n’a pas fonc-
tionné et ce que le patient peut essayer ensuite. Tout travail thérapeutique qui
surgit pendant l’appel téléphonique peut être contenu et faire l’objet d’une
reprise lors de la séance suivante.

&YFNQMFEFDBTEBQQFMTUÏMÏQIPOJRVFTEFGBÎPO
ËHÏSFSMBEÏQFOEBODF(BÑMMF

Gaëlle appelait fréquemment son thérapeute après des disputes avec son petit ami.
Elle pleurait de façon hystérique et était quasi incohérente. Pendant les séances, le
thérapeute aida Gaëlle à apprendre des techniques d’ancrage et de calme qu’elle
pratiquerait à domicile. Alors lorsque Gaëlle appelait en crise, le thérapeute lui conseillait
de faire usage de ces techniques : « Gaëlle, puisque nous sommes ensemble au
téléphone, vous souvenez-vous de la technique de respiration que vous avez apprise ?
Prenons ensemble plusieurs respirations profondes après avoir compté jusqu’à trois.

312 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Bien. Maintenant, recommençons une nouvelle fois. OK. Je sais que vous voulez parler
de ce qui est arrivé mais ça, ça mérite vraiment qu’un temps y soit consacré lorsque
nous serons ensemble. Maintenant je souhaite vous aider à vous ancrer et m’assurer
que vous êtes en sécurité. Quelque chose d’autre pourrait vous aider à être ancrée au
moment présent ? » Si le patient ne peut pas faire de proposition, le thérapeute peut
suggérer quelque chose : « OK, percevez-vous à quel point vos pieds sont fermement
placés sur le sol et sentez la chaise sur laquelle vous êtes assis. Laissez toutes les parties
de vous écouter le son de ma voix. Vous êtes en sécurité. Vous avez certains sentiments
forts et c’est OK. Nous allons faire le tri ensemble lorsque vous viendrez en séance.
Maintenant pouvez-vous imaginer laisser ces sentiments dans un récipient sécurisé
pour ne pas vous déranger jusqu’à ce que vous arriviez à mon bureau la prochaine
fois ? Entre-temps, exercez vos compétences, celles qui ont un rapport avec la respiration
et l’instauration du calme. Vous avez très bien fait ça, continuez ! Je verrai tout cela avec
vous quand vous viendrez pour votre séance. »

Une fois que le patient a des compétences pour réguler et moduler mais
continue toujours à faire des appels de crise chronique, le thérapeute a besoin
de réévaluer si des contacts en dehors des séances servent un but utile (voir par
exemple le cas de Marjorie et Pam à la fin du chapitre). La crise chronique peut
requérir une réévaluation des limites thérapeutiques et des capacités du patient
pour la psychothérapie, et nécessite peut-être une référence à un plus haut
niveau de soin (p. ex., un programme ambulatoire ou hospitalier ou un centre
qui dispose d’une équipe de crise disponible). Il peut être important d’évaluer
la situation de façon plus approfondie dans le cas où le patient continue à être
abusé au présent car il peut en résulter une décompensation déstructurante
et une crise dont le thérapeute n’a pas connaissance. Le thérapeute devrait
explorer soigneusement si un rythme inapproprié de la thérapie peut contri-
buer à la dérégulation du patient (Van Dijke, 2008). Le thérapeute devrait
aussi explorer le sens et la fonction de la crise dans la relation thérapeutique et
vérifier s’il ne serait pas en train d’encourager ou de perpétuer la crise de façon
inconsciente.

La souffrance en tant que stratégie relationnelle. Certains patients


semblent capables d’entrer en contact avec le thérapeute seulement via la
souffrance. Plus le thérapeute cherche à les réconforter, plus ils retournent
vers la souffrance. Ils sont comme des seaux percés de trous dans le fond. Ils ont
une phobie débordante du contact et de la perte de contact. Plus le thérapeute
tente de les combler avec une connexion positive plus ils sont incapables de
l’utiliser à leur avantage. Par exemple, pendant l’expérience (présumée posi-
tive) de recevoir du soutien en séance de la part du thérapeute, ils sont déjà
centrés sur le moment de la fin de la séance quand ils devront partir, sur le
prochain souvenir stressant, sur la peur ou la honte en ce qui concerne leurs
besoins ou le fait que ce qui a été donné n’est pas suffisant. Il semble que

Dépendance en thérapie : toujours, parfois, jamais ? 313


les expériences positives leur rappellent seulement douloureusement ce qu’ils
n’ont pas eu comme enfants ou ce dont ils manquent maintenant. Ils doivent
être aidés pour rester centrés sur l’expérience positive dans le moment présent.
Un temps considérable doit donc être consacré à explorer le ressenti d’être
avec le thérapeute et ce qui se passe à l’intérieur lorsque le patient a une expé-
rience positive.
Les patients craignent inconsciemment de risquer de perdre la seule chose
sûre qu’ils ont apprise pour maintenir la connexion avec le thérapeute – c’est-
à-dire via leur détresse. De plus, certains patients ont une phobie sévère de
leurs sentiments de dépendance, sans considérer comment ils sont régulés, au
moins au début dans la thérapie. Ces sentiments incroyablement douloureux
et urgents ont pour résultat des comportements d’accroche frénétique et de
recherche. De tels comportements sont motivés par la panique et la peur de la
peur, que le thérapeute doit explorer et comprendre bien plus qu’y réagir.

Dépendance comme répétition. Les sentiments et comportements de


dépendance sont souvent la remise en actes d’une aspiration non satisfaite et
d’une panique issues du passé et peuvent être considérés comme des flash-back
émotionnels, une possibilité souvent négligée par les thérapeutes. Diverses
parties dissociatives du patient – tout spécialement les parties enfant – sont
fixées dans une solitude désespérée ainsi qu’un besoin et une aspiration de
soin. Quand les thérapeutes comprennent que des besoins intenses de dépen-
dance sont des répétitions, similaires à la peur ou à la honte ou aux ressentis
sexuels dans la relation thérapeutique, ils peuvent adopter une approche soit
pour contenir le souvenir traumatique entier jusqu’à un temps meilleur, soit
pour aider le patient à intégrer le souvenir. Bien sûr, la dépendance n’est vir-
tuellement jamais limitée à un seul souvenir mais constitue plutôt une partie et
un fragment de l’enfance entière de l’individu. Il peut néanmoins être utile de
travailler sur certains souvenirs spécifiques dans lesquels les besoins de dépen-
dance non rencontrés sont centraux.

CONCEPT CLÉ

Les besoins non rencontrés de dépendance impliquent la panique et la souffrance et


peuvent faire partie d’un flash-back, car ils sont souvent au cœur des expériences trauma-
tiques précoces.

Lorsque la dépendance mène à davantage de dépendance. Bien sûr, le


patient expérimente souvent un soulagement lorsque le thérapeute est dis-
ponible pour l’aider à se calmer, pour l’encourager, pour lui proposer des
ressources et de l’information. Certains patients sont capables d’utiliser ces
expériences positives pour gagner un plus grand sens de compétence et de

314 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


confiance. Mais d’autres deviennent toujours plus dépendants du thérapeute,
l’absence de contact avec lui provoquant toujours le besoin de rechercher
sa présence encore et encore. Pour eux, cette présence devient comme une
drogue qui annule la douleur, empêche la réalisation et le deuil et réduit
les efforts du patient pour devenir plus efficace dans la vie. Nous discutons
plus bas les différences dans les capacités de ces patients. Cela peut paraître
contre-intuitif mais le thérapeute doit réaliser que les patients les plus dans
le besoin ou les plus désespérés sont généralement les moins susceptibles de
faire un usage efficace de la présence du thérapeute entre les séances, tout au
moins au début.
Ces patients considèrent généralement la dépendance de façon littérale,
s’attendant à ce que le thérapeute prenne soin d’eux et soit disponible lors-
qu’ils en ont besoin. Ils requièrent la construction soigneuse de ressources, le
développement d’un sens de compétence, une limitation de leurs besoins et de
leurs affects de dépendance ainsi qu’un soutien de leurs expériences et ressentis
positifs avec le thérapeute en premier lieu. Cependant, l’élément primordial
pour une thérapie réussie, quelle que soit la tolérance du patient, c’est la capa-
cité du thérapeute à maintenir un cadre stable de thérapie et de limites comme
illustré auparavant, et de gérer le contre-transfert et les contre-résistances à la
dépendance.

1.5. Évaluer les patients quant à la tolérance


aux sentiments de dépendance en thérapie
Comment le thérapeute peut-il faire la distinction entre les patients qui
peuvent tolérer l’émergence de sentiments intenses de dépendance et ceux qui
seront submergés par ces mêmes sentiments ; entre les patients qui feront un
usage positif des contacts en dehors des séances et ceux qui ne le feront pas ?
C’est une question essentielle à se poser parce que les approches de traite-
ment diffèrent, au moins au départ. Le thérapeute peut moduler ou limiter les
besoins de dépendance chez le patient une fois mis au clair ce que le patient
peut tolérer.
On trouvera ci-dessous certaines questions qui aident le thérapeute à
déterminer si le patient est capable de tolérer l’émergence d’une aspiration de
dépendance en thérapie. Si beaucoup de ces questions reçoivent une réponse
affirmative, alors le thérapeute doit être extrêmement attentif à ne pas pro-
voquer une dépendance jusqu’à ce que le patient ait acquis une plus grande
capacité intégrative.
• Le patient a-t-il une histoire de comportements exacerbés et paniqués
de recherche d’attachement, comme des appels téléphoniques fréquents
ou des e-mails entre les séances, des demandes chroniques d’avoir plus
de temps ou des difficultés à terminer les séances ou à quitter le bureau ?

Dépendance en thérapie : toujours, parfois, jamais ? 315


0 S’il en est ainsi, le patient est-il incapable d’identifier, d’accepter et
de modifier ces comportements ?
0 Le patient comme un tout refuse-t-il de réduire les comportements
des parties dissociatives avec une certaine compassion ?

• Le patient vient-il chroniquement en thérapie avec des parties enfant


et est-il incapable ou refuse-t-il de voir présentes des parties adulte dans
les séances ?
• Le patient présente-t-il des parties enfant à la fin de la séance qui
refusent qu’une partie adulte retourne à la maison ? C’est une remise en
acte classique, car le thérapeute doit faire partir la partie enfant, et sou-
vent les parties adulte disent alors aux parties enfant : « Tu vois, elle te
renvoie comme faisait ta mère » ou « Tu vois, elle ne veut pas de toi. »
• Le patient ou des parties du patient ont-ils des attentes et demandes
implicites ou explicites que le thérapeute et d’autres donneront et peut-
être même devront donner au patient l’amour et le soin absents pen-
dant l’enfance ?
• Le patient (ou certaines parties du patient) se fixe-t-il sur les moments
où le thérapeute n’est pas disponible ?
• Le patient est-il capable d’emporter le ressenti de la présence du théra-
peute avec lui/elle après la séance ?
• Les parties du patient sabotent-elles la relation thérapeutique ou le sen-
timent de sécurité que le patient gagne du fait d’être avec le thérapeute ?
• Le patient manque-t-il de relations saines en dehors de celle avec le
thérapeute ?
• Le patient est-il très dépendant des autres en dehors de la thérapie ?
• Le patient est-il incapable de comprendre la dépendance comme une
expérience – comme d’autres expériences – à travailler ; ou peut-être
s’attend-il plutôt à ce que le thérapeute la soulage ou la répare ?
• Le patient est-il incapable de reconnaître la dépendance sans honte
excessive, culpabilité, rage, revendication ou conflit intérieur grave ?
• Le patient est-il incapable de tolérer ou de moduler l’émotion intense
et la perte qui sont activées avec les aspirations de dépendance ?

2. Les problèmes du thérapeute concernant


la dépendance : le contre-transfert
Les thérapeutes doivent s’évaluer eux-mêmes attentivement parce que, parfois,
les aspirations de dépendance d’un patient peuvent être travaillées en principe

316 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


en thérapie mais le thérapeute est incapable de fournir le cadre qui soutient le
travail. À cette fin, ils pourraient réfléchir aux questions suivantes :
• Quelles sont mes expériences et croyances concernant la dépendance
et l’indépendance chez les adultes ?
• Quel est mon ressenti lorsqu’un patient est dépendant de moi ?
• Est-ce que j’apprécie, déteste, crains ou simplement accepte un senti-
ment de dépendance chez un patient ?
• Est-ce que je me sens obligé de donner ou de refuser quand un patient
est en demande ou dans le besoin ?
• Est-ce que suis désolé pour mon patient ou est-ce que je le plains et
suis-je amené à lui procurer du réconfort ?
• Est-ce que je ressens une forte envie de prendre soin de mon patient et
de faire quelque chose pour soulager sa souffrance ?
• Puis-je supporter la souffrance de mon patient sans confusion avec mes
propres sentiments ?
• Suis-je clair sur la différence entre s’occuper de (être avec) et prendre
en charge (faire pour) un patient ?
• L’automutilation, la suicidalité chronique ou l’intense souffrance de
mon patient m’effraient-elles ou me submergent-elles au point d’avoir
un contact constant ou régulier avec lui pendant de longues périodes
de temps ?
• Est-ce que je ressens le besoin de porter secours à mon patient lors de
mauvaises décisions, de circonstances de vie difficiles ou injustes, ou
lorsque d’autres membres de l’équipe de traitement sont en désaccord
avec mon approche ?
• Est-ce que je traite ce patient particulier différemment des autres
patients ? Si c’est le cas, ai-je un raisonnement clinique explicite pour
agir de la sorte ? Ai-je un soutien de mon superviseur, consultant ou
d’une équipe de traitement pour faire ainsi ?
• Est-ce que je me sens souvent préoccupé du patient en dehors des
séances ? Est-ce que j’entre en contact avec le patient entre les séances
lorsque je me sens soucieux de lui ou est-ce que j’attends et lui permets
de rentrer en contact avec moi ?

Tous les thérapeutes ont leur propre contre-transfert unique et leur


contre-résistance vis-à-vis des patients qui ont des aspirations de dépendance.

Thérapeute évitant, patient évitant. Un thérapeute évitant, couplé à


un patient à prédominance évitante, rentrent en collusion pour maintenir
la thérapie à la surface avec très peu voire pas de focalisation sur le transfert

Dépendance en thérapie : toujours, parfois, jamais ? 317


et le contre-transfert. Le patient est implicitement récompensé de ne pas
amener les questions de dépendance dans le traitement. Le thérapeute ne
fait probablement pas de supervision, souvent inconscient des profondes
questions sous-jacentes d’attachement insécurisé. Les thérapeutes évitants
peuvent rapidement mettre fin à la thérapie et adresser le patient ailleurs
et peuvent trouver difficile de mettre au défi leurs croyances concernant la
dépendance.
Les thérapeutes évitants peuvent échouer à remarquer ou à traiter la dépen-
dance du patient, ou ils peuvent ressentir du dégoût, de l’aversion, ou se sentir
submergés à la seule pensée d’un patient qui a besoin d’eux. Ils sont parfois
intolérants à l’intensité émotionnelle ou aux besoins d’une autre personne.
Souvent, des thérapeutes évitants évitent leurs propres besoins non satisfaits
d’attachement autant que ceux du patient. L’évitement des questions de dépen-
dance sert à moduler les émotions à la fois du thérapeute et du patient à l’inté-
rieur de la fenêtre de tolérance du thérapeute, au moins en ce qui concerne les
questions de dépendance. Le thérapeute évitant a souvent la croyance erronée
que la dépendance est mauvaise et des valeurs d’autosuffisance excluant l’in-
terdépendance adaptative.
Sur le spectre de l’évitement, les patients – ou certaines parties du
patient – évitent même la moindre trace de dépendance. Ces parties sont
mobilisées par la honte et le dégoût, souvent avec une rage punitive à l’égard
des parties dépendantes et parfois envers le thérapeute. Généralement, les
principales parties adulte du patient sont dégoûtées ou rejetantes des parties
enfant et veulent en être débarrassées.

Thérapeute évitant, patient anxieux. Malheureusement, lorsque les thé-


rapeutes évitants répondent, ils peuvent le faire avec frustration, colère ou
dégoût plutôt que compassion et patience. Cela provoque panique, honte,
rage et désespoir chez le patient. Le patient peut s’engager dans des dommages
croissants envers lui-même et des tentatives de suicide, il peut devenir enragé
ou désespéré et peut abandonner la thérapie parce qu’il y a peu ou pas d’har-
monie. Les thérapeutes évitants peuvent ne pas aller en consultation excepté
pour s’occuper du « problème » de dépendance du patient et ils peuvent voir
le patient comme « impossible ».
Le patient anxieux est celui qui recherche désespérément une connexion,
ressent de la panique à la séparation, craint l’abandon et le rejet et est sou-
vent préoccupé d’être en contact avec le thérapeute. De nombreuses parties
enfant ont ces caractéristiques mais souvent aussi certaines parties adulte du
patient. Lorsque les parties adulte sont en collusion avec les parties enfant ou
abdiquent devant elles, il en résulte une dépendance très intense. Cela peut
mener à une augmentation de passage à l’acte du côté du patient pour attirer
l’attention du thérapeute évitant.

318 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Thérapeute anxieux, patient évitant. Les thérapeutes anxieux peuvent
se concentrer sur des activités bienveillantes et se soucier excessivement du
patient ; ils peuvent confondre un attachement sécurisé et de la dépendance ;
poursuivre le patient, peut-être en disant aux patients qu’ils doivent dépendre
du thérapeute afin de guérir ; ou appeler le patient quand il est soucieux. Les
thérapeutes anxieux sont centrés sur les besoins de soin, d’assistance et d’aide.
Le patient à prédominance évitante réagira avec peur ou dégoût et s’en
ira. Le patient suicidaire évitant est particulièrement problématique pour le
thérapeute anxieux, qui fait toujours de plus grands efforts pour obtenir du
patient qu’il parle de ses pensées suicidaires, de ses plans ou intentions et pour
se rassurer qu’il sera sauf. Le patient devient toujours plus réticent à partager,
par peur que le thérapeute fasse des interventions qui le submergent en créant
une impasse. Souvent, le patient quitte le traitement.

&YFNQMFEFDBTEVOUIÏSBQFVUFBOYJFVYFUEVOQBUJFOUÏWJUBOU
"OOFU$POTUBOU

Ann avait Constant en traitement, un homme qui consommait régulièrement de la


cocaïne et s’engageait dans des épisodes de boisson excessive qui interféraient avec
son travail. Il finit par perdre son travail et devint chroniquement suicidaire. Constant
refusa d’aller aux Alcooliques Anonymes ou à un groupe d’habiletés émotionnelles, de
prendre une médication anxiolytique et antidépressive ou d’arrêter les drogues et
l’alcool.
Il annulait souvent les rendez-vous et Ann – inquiète à cause de sa suicidalité – voulait
continuer à le suivre et essayait d’avoir des séances de thérapie par téléphone. Constant
souffrait de TDI mais ne voulait pas reconnaître ou travailler avec les parties et ne
permettait pas au thérapeute d’y avoir accès. Cependant, des parties du patient étaient
en switch constant en séance et envoyaient des courriels à Ann concernant diverses
questions qui ne pouvaient pas être discutées en thérapie. Les séances de thérapie
étaient consacrées à l’argumentation d’Ann plaidant pour que Constant s’engage dans
quelque action thérapeutique – n’importe laquelle – et Constant refusait. Après
consultation, Ann fut capable de réaliser qu’elle avait besoin de soutien pour être moins
bienveillante et plus curieuse avec le patient concernant son expérience et ce qui
l’empêchait de changer. Elle avait besoin d’explorer sa motivation à faire des changements.
Elle devint plus claire sur ce dont elle avait besoin pour continuer le traitement. Tout
aussi important, elle réalisa qu’elle et le patient avaient besoin de trouver au moins un
but de traitement partagé qui pourrait être travaillé régulièrement en thérapie.

Thérapeute anxieux, patient anxieux. La dyade du traitement anxieux est


celle qui risque de se terminer avec les violations de limites les plus sérieuses.
Des thérapeutes anxieux se sentent habituellement envahis par les besoins et
la souffrance du patient et peuvent se sentir coupables, excessivement respon-
sables et préoccupés par le bien-être du patient. Ils recherchent des façons
de prendre soin activement du patient ou de l’aider. Le soin sert à soulager

Dépendance en thérapie : toujours, parfois, jamais ? 319


temporairement l’anxiété à la fois du thérapeute et du patient, et à contourner
le travail difficile avec l’expérience intérieure de l’une ou l’autre des parties.
Les thérapeutes anxieux ont beaucoup plus de difficultés à mettre des limites
appropriées du fait de leur incapacité à tolérer le malaise et la douleur soit chez
eux, soit chez leurs patients. De tels thérapeutes ont souvent appris à s’adapter
aux relations via des stratégies contrôlantes/attentionnées.
Le patient anxieux monte en escalade en réaction à l’anxiété du thérapeute,
devenant toujours plus dérégulé et en détresse, dans une spirale d’excitation
en escalade réciproque (Beebe, 2000 ; cf. aussi chapitre 4). L’objectif pour le
patient anxieux et le thérapeute est de soulager la détresse intense plutôt que
d’explorer la raison pour laquelle ils réagissent ainsi l’un envers l’autre et ce qui
pourrait changer. Les thérapeutes anxieux demandent souvent une consulta-
tion après qu’ils sont épuisés par le contact et la crise mais estiment que la seule
option est d’en faire encore davantage. Ils peuvent être très réticents à adresser
le patient ailleurs ou à modifier leurs schémas de réponse au patient.

3. De quoi ont réellement besoin les patients


pour dépendre du thérapeute ?
Les patients sont dépendants des thérapeutes jusqu’à un certain degré. Mais
la question principale est « à quelle fin ? ». Ils ont besoin du thérapeute pour
leur servir de guide dans un passage sécurisé à travers des transferts chaotiques
et intenses et des remises en acte, à travers les défis de la vie quotidienne et à
travers l’évitement phobique, de sorte qu’ils essaient de reconnaître et d’accep-
ter des souvenirs douloureux, des émotions et des parties dissociatives d’eux-
mêmes. Ils peuvent compter sur le thérapeute pour une réponse humaine dans
le moment même, en tant que témoin compassionnel et participant actif, dans
une relation qui offre honnêteté, curiosité, compassion, clarté, régulation,
réparation et sentiment de compétence. Ils ont besoin du thérapeute pour faire
valoir leur compétence comme adultes, tout en étayant leurs manques. Les
patients doivent apprendre à se procurer ce qui leur est indispensable quand ils
sont seuls, comme n’importe qui d’autre, de façon à pouvoir, comme personne
entière, s’engager dans des relations saines et pleines de sens.
Les patients dépendent de la présence du thérapeute pour la séance, pour
commencer et finir à l’heure, pour les informer à temps d’absences ou de
vacances prévues. Ils dépendent de lui pour minimiser des réactions person-
nelles défensives autant que possible et pour surveiller et contrôler ses com-
portements contre-transférentiels. Ils dépendent du thérapeute pour s’engager
dans la réparation si c’est nécessaire et donner une attention particulière non
seulement au vécu du patient mais aussi à sa propre expérience subjective qui
peut l’informer du vécu du patient.

320 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Les patients en viennent lentement à réaliser que bien que le thérapeute
ne soit pas toujours physiquement disponible, il est constant et prévisible aussi
humainement que possible et est vraiment présent sur le moment durant les
séances. Bien qu’ils ne puissent pas entrer en contact avec le thérapeute à
trois heures du matin lorsqu’ils ont un flash-back, si le thérapeute les a aidés
en leur apprenant des techniques pour s’ancrer et rester calmes (Boon, 2011),
ils savent que le thérapeute sera là pour les aider à la séance suivante. Ils
apprennent à attendre, à se consoler eux-mêmes, à introjecter le bon self du
thérapeute de même que d’autres personnes positives, pour un réconfort et une
guidance intrapsychiques.
Les patients apprennent une leçon de vie essentielle : tous nous devons
parfois attendre pour avoir de l’aide, mais en général l’aide est disponible. Nous
avons tous à apprendre à supporter la souffrance jusqu’au moment où nous
pouvons obtenir de l’aide. Même les enfants doivent apprendre à s’aider eux-
mêmes en l’absence temporaire d’une aide extérieure. La vie réelle ne consiste
pas dans la disponibilité constante et la consolation mais elle est plutôt une
danse sans fin de proximité et de distance toujours changeante, à la fois pré-
vue et inattendue. Les patients doivent donc développer des représentations
mentales d’autres personnes qui les soutiennent et sur lesquelles ils peuvent
compter. Ils doivent non seulement le savoir intellectuellement mais doivent
ressentir ces expériences dans leur corps.

CONCEPT CLÉ

Les patients dépendent de nous pour les aider à apprendre à tolérer des fluctuations limi-
tées de connexion, séparation, rupture, reconnexion et réparation dans la relation thé-
rapeutique.

Un problème particulier avec les patients dissociatifs est que seules cer-
taines parties sont capables d’avoir ces expériences positives au début. Il est
donc important pour le thérapeute de réaliser que les expériences d’une partie
ne se transfèrent pas automatiquement à d’autres parties. Par conséquent, le
thérapeute doit encourager ces parties à avoir un sentiment de sécurité accru
à partager avec d’autres parties. Nos patients ont besoin de nous pour les aider
à bâtir des ponts de conscience et d’empathie entre leurs parties dissociatives
pour que soient soutenues croissance, maturité et compétence.
Les patients dépendent du thérapeute pour les aider à accepter et à s’adapter
à la séparation et à la perte comme des expériences de vie normales et inévi-
tables. Nous les aidons à réaliser les pertes du passé, du présent et du futur, à les
tolérer et à se les approprier. Et seulement par la suite, ils sont capables d’avoir
des expériences positives et des émotions comme fondation à ce soutien. Donc,
nous reconnaissons avec compassion la souffrance du patient quant au fait que

Dépendance en thérapie : toujours, parfois, jamais ? 321


nous ne sommes pas toujours présents, que nous ne pouvons pas être le parent du
patient ou le partenaire ou l’ami ou une autre figure d’attachement de la « vraie
vie » et que nous ne pouvons pas rendre le patient meilleur de façon magique.

4. Les conflits du patient dissociatif


à propos de la dépendance
Les patients dissociatifs ont tendance à avoir différentes parties qui expriment
différentes facettes du conflit de la dépendance. Par exemple, un patient peut
avoir une partie enfant qui recherche désespérément du soin – au sens litté-
ral – du thérapeute ; une partie adulte indifférente, détachée, qui trouve les
relations non pertinentes ou sans intérêt et ne veut rien avoir à faire avec la
partie enfant intérieur ; une partie imitant l’agresseur qui trouve la dépendance
de la partie enfant horrible, et punit donc l’enfant à l’intérieur et ainsi de suite.
Plus fort est ce conflit entre les parties du patient, plus grande est la pression
sur le thérapeute pour choisir son camp, ce qui sert ultérieurement à accroître
la division intérieure du patient. Une guerre intérieure perpétuelle entre ces
parties s’ensuit, amplifiée par le seul fait d’être en thérapie. Des parties qui
souhaitent – ou même demandent – du soin seront activées par l’accordage et
la compassion du thérapeute. En retour, cette activation déclenche des parties
qui trouveront la dépendance effrayante, honteuse ou repoussante. Les théra-
peutes sont trop souvent tirés d’un côté ou de l’autre. Plus nous agissons ainsi,
plus cela provoque de la dépendance dans certaines parties, plus grande est la
menace intérieure pour d’autres parties, créant ainsi un cercle vicieux.

Le cycle dépendance-menace
Le patient et le thérapeute peuvent être pris dans un cercle vicieux de dépen-
dance et de menace. Le patient (typiquement une ou plusieurs parties enfant
dissociatives) se sent en insécurité en raison d’un déclencheur extérieur ou
interne, souvent les deux simultanément. Le pleur d’attachement est activé et
aboutit à une recherche et un accrochage frénétiques au thérapeute. Le patient
ou certaines parties du patient ressentent de la honte et de la peur à cause de
la vulnérabilité de ce besoin et de la détresse. Souvent, certaines parties du
patient deviennent enragées par défense contre la honte : « Vous êtes mauvais
et dégoûtant parce que vous êtes tellement dans le besoin », ou se lâchent
contre le thérapeute : « Vous n’êtes pas là quand j’ai besoin de vous ! Vous
ne vous préoccupez pas de moi, vous voulez seulement mon argent ! » Ces
parties enragées du patient activent davantage la peur de l’abandon et le rejet
chez l’enfant ou d’autres parties dépendantes, ce qui exacerbe la dépendance,
l’incompétence et la détresse.

322 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


L’expérience intérieure du patient est maintenant chaotique et désorgani-
sée menant à une poursuite toujours plus frénétique de soulagement de la part
du thérapeute et à toujours plus de rage interne, de honte et de désorganisa-
tion. Plus le thérapeute prend soin ou prend du recul plutôt que de construire
de la compétence et aider le patient à comprendre et à arrêter le cercle, plus
le cycle s’aggrave.

&YFNQMFEFDBTEFUSBWBJMBWFDMFDFSDMFEÏQFOEBODFNFOBDF$BSPMJOF

Caroline était une patiente extrêmement phobique d’une partie enfant qui pleurait
tout le temps, implorant de l’aide à l’intérieur, ainsi que d’une partie critique qui disait
toujours à la partie enfant de se taire. Ce conflit intérieur était si intense qu’elle
commença à appeler fréquemment sa thérapeute, Suzanne, entre les séances, pour
être soulagée de son anxiété. Dans un premier temps, Suzanne aida Caroline à
comprendre et à verbaliser davantage le conflit concernant sa dépendance à la
thérapeute et lui partagea ses préoccupations. Elle demanda ensuite la permission de
parler à la partie hostile de Caroline et détermina que la fonction de cette partie était
de maintenir la sécurité en gardant calme le « bébé braillard » de façon à ce que la
partie enfant ne pleure pas trop et n’aie pas des ennuis. Cette partie hostile était en
vie au moment du trauma, sans conscience du présent, et était bien défendue contre
les besoins de dépendance par la rage.
Suzanne aida Caroline à orienter la partie critique dans le présent et fut d’accord avec
cette partie pour refuser que la partie enfant (ou n’importe quelle partie de Caroline)
soit dans un tel état douloureux. La thérapeute encouragea alors Caroline à comprendre
les fonctions de la partie critique tout comme les aspirations de dépendance de la
partie enfant. Caroline devint progressivement moins phobique et éprouva davantage
de compassion à l’égard des parties d’elle-même et put accepter leurs fonctions. La
thérapeute soutint une alliance entre la partie critique et la partie adulte de Caroline
ce qui, à son tour, soutint la partie enfant à être reconnue et aidée de manière adéquate.
Cela réduisit significativement le conflit intérieur.

Nous terminons ce chapitre avec un exemple de cas qui examine le défi


qu’est la tâche thérapeutique quand il s’agit de mettre des limites appropriées
auprès d’un patient dépendant une fois que le thérapeute réalise qu’elles ont
été dépassées.

&YFNQMFEFDBTEFSÏQBSBUJPOEFMJNJUFT.BSKPSJFFU1BN

Marjorie prit en charge une patiente dans le cadre d’un programme en hôpital de jour.
Pam, une célibataire de 42 ans en invalidité, était chroniquement suicidaire et souffrait
intensément. Elle avait reçu un diagnostic de trouble dépressif majeur, de TDI et de
trouble de personnalité limite. Elle avait fait plus de trois ans de thérapie DBT sans
amélioration. Marjorie commença le protocole DBT standard, se montra disponible en

Dépendance en thérapie : toujours, parfois, jamais ? 323


dehors de cela pour de la construction de ressources et commença aussi à travailler
avec les parties dissociatives de Pam pour la stabiliser. Cependant, Pam ne fit
qu’augmenter ses appels téléphoniques suicidaires et ses courriels au cours du temps,
jusqu’à ce que Marjorie reçoive de nombreux appels et courriels chaque jour. Quels
que soient l’intensité de l’accompagnement de Pam ou les essais de l’aider à analyser
pourquoi les ressources étaient sans effet, Pam ne s’améliorait pas.
Marjorie se sentit envahie, pleine de ressentiment et épuisée et chercha une supervision.
Elle apprit qu’elle ne pouvait plus continuer de cette manière et devait modifier quelque
chose dans la thérapie. Elle commença par réfléchir à la phobie de l’attachement sous-
jacente et de la perte d’attachement chez Pam et comprit à quel point le contact dans
ce cas contribuait à accroître la dépendance insécurisée de Pam plutôt que de soutenir
le déploiement de ses compétences. Elle ressentit un peu de soulagement et sut qu’elle
serait capable de continuer le traitement si elle avait le choix de remettre des limites.
À la séance suivante, elle commença la tâche difficile de rétablir des limites thérapeutiques.
.BSKPSJF : Je veux partager quelque chose qui peut être difficile pour vous à entendre.
Mais je veux être claire que ce que je vais dire n’a pas pour but de vous rendre honteuse
ni de vous faire des reproches ; cela appartient à ma responsabilité, pas à la vôtre. Avec
nos contacts par téléphone ou par e-mail entre les séances de l’année passée, je me
suis comportée d’une manière qui ne vous rend pas service. Bien que nous ayons toutes
deux espéré que ce contact supplémentaire vous aiderait à développer davantage de
compétences et à diminuer votre suicidalité, en fait l’opposé est arrivé. Nous devons
repenser la manière d’aborder votre souffrance. Je pense comprendre ce qui s’est passé
et voudrais partager avec vous à ce propos mais d’abord je veux vérifier et savoir
exactement ce qui se passe pour vous en ce moment.
1BN  Vous allez couper tout contact entre les séances ! Vous savez que je ne peux
pas le supporter !
.BSKPSJF J’entends que c’est très dur mais j’ai confiance que nous pourrons traverser
cela. Nous avons seulement commencé à en parler et c’est tout à fait normal que vous
ressentiez de la panique. Je veux vous rassurer sur le fait que je ne suis pas en train de
suggérer d’arrêter la thérapie. Au contraire, je souhaite que nous continuions de façon
à ce que nous puissions atteindre les buts que nous nous sommes fixés et que nous
avons tant de peine à atteindre.
1BN Je ne peux pas supporter de ne pas avoir de contact. Je n’y arriverai pas !
.BSKPSJF Vous éprouvez beaucoup de panique là tout de suite. Ralentissons et prenons
du recul. Comme nous avons toujours fait ensemble, si quelque chose ne fonctionne
pas, nous y revenons. Je suis consciente que vous avez tenté cette solution avec
beaucoup d’autres thérapeutes et maintenant avec moi depuis un certain temps, mais
il faut reconnaître que cela n’a pas permis d’atteindre vos objectifs. En fait, votre
suicidalité et votre détresse entre les séances ont même augmenté. Je respecte et
apprécie le travail que nous effectuons ensemble et j’espère que vous continuerez avec
moi parce que j’ai confiance que nous trouverons une manière plus efficace de vous
aider. Voudriez-vous en savoir plus ?
1BN Je n’ai pas le choix, n’est-ce pas ? Vous contrôlez tout et je n’ai rien à dire.
.BSKPSJF  C’est difficile d’être là-dedans, vous sentir impuissante et à la merci de
quelqu’un d’autre. Je sais que c’est un état familier pour vous et j’éprouve de l’empathie
car cela doit être vraiment effrayant et provoquer aussi de la colère. Or certaines parties
de vous me connaissent très bien. Est-ce que ces parties de vous peuvent vous aider
à vous accrocher à moi même quand vous avez ces très fortes émotions de façon à

324 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


pouvoir les dépasser ? Vous et moi savons que c’est mon travail, si difficile que ce soit
pour toutes les deux, de diriger la thérapie de façon à ce qu’elle soit efficace et aidante.
Je fais de mon mieux pour faire cela maintenant.
1BN Me priver de quelque chose d’important ne m’aide pas !
.BSKPSJF  Hum, peut-être et je suis certaine que cela ne semble pas donner un
sentiment d’aide pour l’instant. Mais il y a une manière différente de voir les choses.
Par exemple, vous avez décidé l’an passé de ne plus boire ; vous avez enlevé l’alcool
de chez vous même si certaines parties le trouvaient quand même vraiment utile et
vous en avez eu vraiment envie. C’était un aspect important pour amortir votre
souffrance. Vous souvenez-vous comme cela a été dur d’abandonner cela ? Peut-être
y a-t-il quelque chose dans cette analogie que nous devons considérer.
1BN Mais boire me faisait du mal ! Ici, c’est complètement différent.
.BSKPSJF Bien sûr, il y a des différences mais il y a aussi des similitudes. C’est vrai que
je prends la mesure de combien cela vous blesse. Pouvons-nous poursuivre ?
1BN Je suppose, mais je pense que vous faites ça parce que vous en avez marre de
moi.
.BSKPSJF Je fais cela parce que je vois que cela ne fonctionne ni pour vous ni pour
moi. Vous êtes fatiguée de votre souffrance. Je suis fatiguée aussi. Ce niveau d’intensité
et cette détresse sont des choses qu’aucune de nous deux ne peut soutenir. Nous
sommes toutes les deux fatiguées à présent. C’est OK ; c’est seulement un signal que
nous devons regarder ce qui est en train d’arriver de façon à pouvoir faire quelque
chose de plus utile. Au lieu de m’essouffler, je souhaite vraiment être ici avec vous et
faire ce travail pour toutes les deux. De cette façon, nous pouvons nous recentrer et
mettre notre énergie de concert pour vous faire avancer.
1BN Vous êtes fatiguée de moi ! Je le savais ! Je savais que je vous dérangeais trop.
J’essayais de ne pas vous appeler et je me battais quand je le faisais parce que je savais
que vous en auriez marre de moi.
.BSKPSJF Oui, c’est exactement mon idée. Nous sommes sur la même longueur d’onde.
Je me sens fatiguée lorsque je reçois tellement d’appels téléphoniques de votre part
entre les séances. Pour rester au mieux de ma forme, je dois me sentir reposée. Même
si cela peut être angoissant pour vous de savoir que je suis fatiguée, je pense que c’est
réellement important pour toutes les deux de le reconnaître. Vous m’avez dit que tout
le monde en avait marre de vous et est parti. Je ne veux pas faire cela. C’est notre
boulot de jeter un coup d’œil sur ce qui arrive dans notre relation et dans les relations
avec d’autres qui se sont sentis excédés et vous ont repoussée, vous rendant désespérée
et effrayée. Je pense que c’est la dernière chose au monde que vous souhaitez de la
part des autres. En même temps, je réalise que vous vous sentez si fortement en
demande d’aide. C’est un terrible dilemme pour vous : de vous sentir désespérée et
de vous inquiéter d’épuiser les gens.
1BN Ouais, ça arrive tout le temps. Je ne suis qu’une perdante. Si je me tue, vous ne
devrez plus vous sentir fatiguée. Je ne suis qu’une charge pour vous.
.BSKPSJF  Je vous entends et j’entends que vous ne voulez pas être une charge et
que vous avez besoin d’aide. Cela doit sembler comme un vrai double lien. Je sais que
vous êtes traversée par des pensées de suicide lorsque les choses semblent désespérées
mais j’ai certaines idées sur la façon de vous aider. J’espère réellement que vous choisirez
de travailler tout cela avec moi.
1BN Il semble qu’il n’y ait pas d’autre façon.

Dépendance en thérapie : toujours, parfois, jamais ? 325


.BSKPSJF  Eh bien, nous pourrions d’abord essayer de voir si nous pouvons trouver
une voie de sortie.
1BN Soit.
.BSKPSJF OK. Merci d’essayer. Donc, certaines parties de vous se sentent en panique
et dans le désespoir et ensuite me téléphonent. Mais d’autres parties sont vraiment
soucieuses de la manière dont cela m’affectera et affectera notre relation. Et il en est
de même concernant vos relations avec les autres. À ce stade de la thérapie, nous nous
sommes seulement concentrées sur les parties qui ressentent le besoin mais non sur
ces parties qui se sentent en grande protection de notre relation. Elles sont importantes
aussi et peut-être ont-elles la solution. Supposez-vous que ces parties de vous se sentent
honteuses quand vous ressentez le besoin ?
1BN Ouais, c’est dégoûtant. Je me déteste quand je dois vous appeler.
.BSKPSJF  Ouais. C’est ce que nous avons raté. Vous êtes en état de besoin et vous
m’appelez et ensuite vous vous sentez honteuse.
1BN : Ben, je ne ressens rien du tout.
.BSKPSJF : Ainsi d’autres parties de vous ressentent le besoin et la honte ?
1BN Je pense bien, ouais.
.BSKPSJF : Comment supposez-vous que votre engourdissement vous aide ?
1BN Je suppose que je ne veux pas avoir affaire à cela.
.BSKPSJF  C’est compréhensible. Ce serait super si je m’occupais de cela pour vous,
n’est-ce pas ? Je voudrais me sentir si utile, comme une Super-Thérapeute, et vous
pourriez vous sentir bien sans faire quoi que ce soit, comme par magie ! Quel bel accord
pour toutes les deux ! (en souriant)
1BN (souriant aussi) Oui, exactement !
.BSKPSJF Oui, exactement ! Eh bien, laissons Madame Super-Thérapeute et Madame
Patiente Magique sur le côté pendant un moment – elles ont beaucoup travaillé et
méritent du repos. C’est un magnifique conte de fées à aimer toutes les deux mais je
dois admettre que ces deux-là ne nous aident pas beaucoup à comprendre cette
situation ! Donc certaines parties de vous ressentent un besoin et demandent à être
soulagées de leur souffrance. D’autres parties ressentent de la honte et du dégoût et
se déchaînent sur ces parties. Comment imaginez-vous que se sentent les parties en
demande lorsque les autres parties se déchaînent ? Pourriez-vous vérifier avec elles ?
1BN Je crois qu’elles se sentent mal – il y a beaucoup de cris et de pleurs à l’intérieur
après vous avoir appelée.
.BSKPSJF  Elles – vous – se sentent mal. Ainsi, il y a un besoin, un appel à moi, un
certain soulagement, un contrecoup et alors les parties se sentent mal à nouveau et
vous êtes paralysée face à tout ça. C’est exactement ce que je sens qui se passe et qui
ne vous est pas du tout utile. SI vous acceptez, j’aimerais passer un certain temps à
regarder cet enchaînement. Maintenant, vérifions et regardons comment vous êtes et
ce que vous pensez de cette idée.
1BN Plus calme mais toujours effrayée. Folle. Je ne sais pas à quoi m’attendre – comme
si vous étiez en train de tirer un tapis en dessous de mes pieds.
.BSKPSJF : Oui, un flot d’émotions en ce moment. Et d’incertitude. Je ressens aussi un
peu d’incertitude. Je souhaite travailler cela et je ne me sens pas très sûre que vous ne
vous accrochiez pas à moi et de pouvoir parler de façon tout à fait juste dans un premier
temps. Je devine que nous partageons cela, n’est-ce pas ? C’est dur et une forme de
risque pour toutes les deux. Enfin, je suis confiante que nous pouvons faire des choses
difficiles ensemble – nous l’avons déjà fait.

326 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


1BN Peut-être.
.BSKPSJF Bon, je vais proposer de nouvelles recommandations qui nous aideront à travailler
ce cercle vicieux. Je les ai écrites pour toutes les deux parce que j’y ai consacré pas mal de
réflexion et c’est tellement important pour moi de bien le faire. Nous n’aurons pas de
contacts entre les séances et je souhaite vous aider à mettre d’autres formes de soutien en
place dans votre vie. Nous allons travailler en séance avec les parties qui ressentent le besoin
et avec les parties qui sont honteuses de ce besoin et vous aider toutes ensemble à travailler
de concert et plus efficacement. Vous pouvez écrire un journal et amener vos pensées en
séance et nous pouvons nous en occuper à ce moment-là. Vous pouvez appeler si vous
avez besoin d’un rendez-vous ou si vous devez changer un rendez-vous mais c’est la seule
raison de m’appeler en dehors des séances. Si vous êtes suicidaire de manière imminente,
vous pouvez composer les numéros d’urgence en vue d’être prise en charge par une équipe
de crise et ils pourront m’appeler ensuite. Si vous vous sentez en détresse, vous pouvez
appeler quelqu’un qui vous soutient. Qui appelleriez-vous ?
1BN (en pleurs et en colère) Je n’appellerai personne, je ne veux pas les déranger.
MBSKPSJF : Hum, c’est aussi une partie de notre dilemme. Vous éprouvez de la honte
d’appeler et donc votre besoin de moi augmente. Vous ne voulez pas « ennuyer » les
autres mais c’est OK alors de me téléphoner ? Aidez-moi à comprendre cela.
1BN C’est votre travail d’être là quand je ne vais pas bien.
.BSKPSJF  Oh, maintenant je commence à voir comment je ne vous ai pas aidée à
bien comprendre mon rôle. J’en suis vraiment désolée. Mon travail est de vous aider à
remarquer ce qui se passe en vous et de vous apprendre à en faire quelque chose,
comme travailler vous-même de façon interne ou faire appel à d’autres dans votre vie
d’une façon qui ne les épuise pas. Ensemble, nous travaillons à comprendre ce qui se
passe et ce qui pourrait aider. OK, construisons un plan de sécurité pour vous en ce
qui concerne l’intervalle entre les séances.

Pam fut capable de rester une semaine sans entrer en contact avec la thérapeute. Elle
restait en colère, blessée et peu convaincue concernant la suite du traitement mais elle
fut engagée dans la séance et n’eut pas de crises durant la semaine. La deuxième
semaine, elle envoya un e-mail avec une question à Marjorie concernant le fait d’apporter
son journal à la séance suivante parce qu’elle avait beaucoup écrit sur les progrès
réalisés. Marjorie se réjouissait que Pam soit motivée pour son journal et fut tentée de
répondre à cette question légitime. Après consultation, elle décida de maintenir la limite
de non-contact parce qu’elle sentait que c’était une manière de tester les limites. À la
séance suivante, Pam était en colère que Marjorie n’ait pas répondu à son e-mail.

1BN Vous pourriez seulement répondre avec un oui ou un non. C’est tout ce que je
demande ! J’étais en train d’essayer de comprendre ce qui serait utile en séance – J’essaie
vraiment. Vous êtes tellement rigide.
.BSKPSJF C’est OK d’être en colère à mon sujet. Oui, vous essayez vraiment. C’est aussi
important que vous puissiez compter sur moi pour être cohérente. La recommandation
était que nous n’aurions aucun contact par courriel. Je ne veux pas manquer de respect
à tout ce travail difficile que vous avez réalisé dans les deux semaines passées en faisant
marche arrière vers quelque chose qui ne fonctionnait pas. J’ai aussi confiance que
vous prendrez les bonnes décisions à propos de ce que vous apportez en séance, et
que vous savez qu’au cas où vous amenez quelque chose, c’est encore toujours votre
choix de le partager ou non.

Dépendance en thérapie : toujours, parfois, jamais ? 327


Plusieurs mois plus tard, Marjorie et Pam travaillaient toujours ensemble et les crises
entre les séances avaient presque complètement disparu. Pam avait identifié une partie
enfant qu’elle appelait « Pammie » qui gardait des aspirations à la dépendance. Elle
avait aussi identifié une partie adolescente qu’elle appelait « la Fille Coléreuse », qui se
sentait à la fois dans l’envie et le dégoût pour l’envie. Cette partie essayait de prendre
soin de Pammie mais était aussi frustrée et épuisée par elle et par ses propres besoins.
La partie adulte de Pam continua à être désengagée et engourdie par rapport à Pammie
et à la Fille Coléreuse. Finalement, Pam décrivit aussi une partie qu’elle appelait
« la Reine » qui imitait sa mère qui était émotionnellement et physiquement abusive
et négligente, et froide comme « une reine de glace ». Pam et Marjorie furent capables
de se représenter le cycle conflictuel comme suit :
• Pammie était activée à cause de ses interactions intérieures avec la Reine pendant
lesquelles la Reine lui hurlait dessus et la giflait. La Reine comme la Fille Coléreuse
ne pouvaient tolérer les besoins et les aspirations de la partie enfante.
• Pammie se sentait terrifiée et souhaitait du réconfort en poussant Pam à appeler
Marjorie.
• La Fille Coléreuse tentait de protéger Pammie de la Reine en réprimandant le besoin
de la partie enfant et en lui disant d’être tranquille. Elle voulait enfermer Pammie
dans un réduit (ce qui ne faisait qu’accroître sa peur et son isolement) et la Fille
Coléreuse elle-même devenait l’objet de la rage de la Reine.
• La Fille Coléreuse devenait alors furieuse, craintive et en détresse, ce qui l’amenait à
se sentir intensément suicidaire. Pam, une combinaison d’engourdissement et de
détresse à ce moment-là, se sentait inexpliquablement suicidaire et avait un besoin
urgent de téléphoner à Marjorie parce que le chaos intérieur était tel qu’elle ne
pouvait pas le comprendre et ni le contrôler.
• Lorsque Pam avait téléphoné à sa thérapeute, la Reine était activée à punir la Fille
Coléreuse et Pammie pour leur « état de nécessité dégoûtant qui est pire que n’im-
porte quel bébé que j’ai élevé ». La honte ne menait qu’à augmenter la suicidalité,
qui à son tour provoquait les appels à la thérapeute.

Marjorie commença à travailler avec ces diverses parties de Pam en séance pour
envisager et interrompre cette dynamique interne entre les parties dissociatives. Elle
choisit de travailler avec la Reine d’abord puisque cette partie était celle qui était la
plus évitante du besoin. Travailler avec les autres parties sur la dépendance à ce
moment-là ne pouvait qu’activer davantage la Reine et accroître l’autodestructivité.
Marjorie commença à simplement parler à la Reine et lui faire remarquer qu’elle pensait
avoir une certaine compréhension de ses soucis. Voudrait-elle en parler davantage ?
(Travailler avec les parties imitant l’agresseur est discuté au chapitre 17 et donc nous
ne nous centrerons pas sur ce travail avec la Reine.) Au début, la Reine refusa de
répondre mais autorisa Marjorie à lui parler. Progressivement, la Reine commença à
répondre d’une voix hostile intérieure que Pam pouvait répercuter à Marjorie. Après
deux mois d’un travail régulier, la Reine commença à s’assouplir lorsqu’elle réalisa que
Marjorie ne la dénigrait pas comme le faisaient d’autres parties de Pam mais qu’elle
cherchait en fait à la comprendre. Elle voulut participer plus activement au traitement,
bien qu’elle restât dégoûtée par Pammie et la Fille Coléreuse mais de manière moins
intense et malveillante.

328 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


5. Explorations supplémentaires
1. Comment vous sentez-vous face à des patients qui développent des
comportements dépendants ?
2. Dans votre vie, quels messages avez-vous reçus sur le fait d’être dépen-
dant ? Comment influencent-ils votre manière d’être avec les patients
qui se débattent avec la dépendance ?
3. À quel point vous est-il aisé de mettre des limites à des patients dont
la dépendance est une vraie question ? Échangez avec un collègue sur
les manières spécifiques de parler des limites aux patients avec une cer-
taine compassion.
4. Avez-vous tendance à souhaiter sauver ou prendre en charge certains
patients ? Qu’est-ce qui vous aiderait à tolérer ce désir sans le mettre
en œuvre ?
5. Pouvez-vous décrire pour vous-même la différence entre l’attachement
sécurisé et la dépendance et comment cela se manifeste chez un patient
donné ?

Dépendance en thérapie : toujours, parfois, jamais ? 329


cHAPITRE 14
Travailler avec les parties
enfant du patient

Travailler avec des personnalités qui se présentent comme de


jeunes enfants amène souvent une différente forme de vulnérabi-
lité à commettre des erreurs en psychothérapie… Ces identités
enfant sont des personnifications du patient comme enfant, non
des enfants réels.
James Chu (2011, p. 222)

Je devais trouver un moyen d’intégrer l’enfant nocturne…


Jusqu’à ce que l’enfant nocturne ait été complètement entendu,
honoré et intégré, moi, l’adulte, je continuais à craindre la nuit
et à étreindre mon corps serré.
Marilyn Van Derbur (2003, p. 546)

Les parties enfant (et adolescent) dissociatives sont des représentations


de nombreuses blessures développementales et déficiences endurées par le
patient. Elles sont souvent bloquées dans des systèmes d’action particuliers
de défense comme le pleur d’attachement, la fuite, le combat, le figement,
la flacidité ou l’évanouissement. Les parties enfant sont souvent en état de
besoin ou terrifiées, tandis que les parties adolescent ont tendance à être
coléreuses, en révolte et dégagées de toute responsabilité. Bien sûr, cela
varie largement. Dans le chapitre 13, nous avons donné des exemples de
la manière de travailler avec des parties enfant hautement dépendantes et,
dans le chapitre 15, nous donnerons des exemples de travail avec des parties

Travailler avec les parties enfant du patient 331


enfant coléreuses. Mais il existe aussi d’autres présentations, comme la par-
tie enfant joueuse, la partie enfant sexualisée et la partie enfant bloquée au
temps du trauma, l’enfant figé ou éteint et l’enfant qui revendique ou est
honteux. Il peut y avoir des parties enfant et des parties tout-petit qui sont
préverbales, des parties qui sont blessées physiquement ou malades ou même
des parties enfant « mortes » qui sont perçues comme décédées lors de l’abus.
Certaines de ces parties dissociatives semblent être sourdes ou muettes. Des
parties enfant sont parfois dépeintes par le patient comme nues ou sales,
n’ayant pas de bouches, d’yeux ou de mains.
Ces images, bien sûr, représentent la terreur et la détresse du patient
comme enfant, la peur de raconter, la honte d’être vu ou connu, la négligence
profonde qui faisait partie de leur existence. Souvent, ces parties sont vécues
comme se trouvant dans les scènes originales du trauma ; par exemple, dans un
lit ou un sous-sol, battues ou abusées. Elles sont souvent bloquées au temps du
trauma et dans des défenses contre le danger ou la menace de mort. Certaines
continuent d’être abusées intérieurement par des parties qui imitent l’agresseur
dans des reviviscences intérieures permanentes (voir chapitre 17).

CONCEPT CLÉ

Les parties enfant dissociatives représentent généralement les expériences les plus vul-
nérables, douloureuses, désemparées et désavouées du patient. Cependant, elles peuvent
aussi contenir de la rage désavouée, des revendications, des sentiments sexuels et un fort
besoin de contrôler les autres.

Certaines parties enfant sont très actives dans la vie quotidienne, certaines
sont seulement actives à l’intérieur et d’autres encore sont complètement iso-
lées des autres parties et inconnues, gardées à l’intérieur dans des trous sombres,
derrière des murs ou autrement profondément cachées. Le thérapeute doit se
souvenir que le monde dissociatif intérieur ne suit pas une pensée linéaire et
logique. Par exemple, les parties que l’on dit mortes peuvent ne pas être effec-
tivement mortes mais seulement apparaître ainsi pour un moment et les parties
sourdes peuvent comprendre sans entendre.
Comme toujours, le thérapeute et le patient doivent commencer à com-
prendre la signification de ces présentations et spécifiquement les non-
réalisations qu’elles contiennent. Par exemple, un enfant décédé peut s’être
développé quand la patiente a perdu ou a failli perdre connaissance durant
l’abus et a cru qu’elle était morte. Donc, ni cette partie ni d’autres parties de
la patiente ne réalisent qu’elle a survécu. Un enfant mort peut représenter le
sentiment que l’abus « a tué mon âme » ou peut représenter un autre enfant
qui n’est pas la patiente. Certaines parties enfant fonctionnent dans la vie
quotidienne ou influencent fortement la partie adulte du patient.

332 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


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Daniel, un homme âgé de 40 ans, avait une partie enfant appelée « Danny ». C’était
une partie enfant intelligente et joueuse dont la fonction était d’aller à l’école quand
Daniel était un garçon, inconscient de l’abus qui se déroulait à la maison. Danny a arrêté
de grandir à l’âge de 11 ans parce qu’il ne pouvait pas réaliser que sa grand-mère, une
figure capitale d’attachement dans sa vie, était morte et n’était plus là pour le protéger
de ses parents abusifs. Danny était convaincu que sa grand-mère était toujours en vie
et parlait à une partie intérieure qu’il vivait comme étant sa grand-mère. Cette partie
de Daniel faisait souvent surface lorsque Daniel était déprimé afin d’influencer son
humeur (pour le rendre plus heureux).

CONCEPT CLÉ

Les parties enfant ne sont pas réellement des enfants. Ce sont des représentations et elles
ne devraient pas être traitées par le thérapeute comme des enfants mais comme des as-
pects d’un patient adulte.

1. Réaction intérieure aux parties enfant


Les parties enfant sont souvent vilipendées par d’autres parties du patient, en
particulier par les parties adulte, puisqu’elles représentent une grande partie de
ce que le patient souhaite éviter : des sentiments intolérables de peur, dégoût,
crainte, horreur, honte, besoin, rage, détresse et dépendance ainsi que d’into-
lérables sensations, pensées ou croyances. Comme l’écrit Marilyn Van Derbur
(2003), une survivante qui a relaté son expérience :
« Mon enfant de la nuit remplissait sa part de l’accord. Elle avait “pris en
charge” [l’abus] jusqu’à ce que je [l’adulte] fus assez forte et suffisamment
en sécurité pour revenir la secourir. Maintenant, au lieu de la remercier de
s’être sacrifiée, je l’ai détestée, méprisée et blâmée. » (p. 191)

Parfois, ces parties sont vécues comme des cris, des pleurs ou des gémissements
incessants, ce qui effraie davantage et submerge la partie du patient qui se présente.
Certains patients éprouvent au moins un peu de compassion envers leurs
parties enfant, ce qui est généralement de bon augure pour le traitement. À
l’intérieur, il peut y avoir des parties bienveillantes pour les parties enfant ; par
exemple, des enfants plus âgées encourageants, des adolescents, des grands-
mères aimables ou d’autres parties adulte du patient qui peuvent être d’une
certaine aide en thérapie. À d’autres moments, la disposition envers ces parties
est, au mieux, sommaire et conduite avec une attitude hargneuse et pleine de

Travailler avec les parties enfant du patient 333


ressentiment qui reflète peut-être la manière dont le patient a été soigné pen-
dant son enfance, ainsi que l’épuisement et l’écœurement du patient adulte
dans le présent. Certains patients trouvent les parties enfant complètement
dégoûtantes ou effrayantes et en sont très phobiques.
Les parties qui imitent l’agresseur sont le plus souvent abusives à l’égard des
parties enfant, les injuriant à l’intérieur, les humiliant, les privant d’aliments et
d’eau, les frappant ou les giflant, en se servant de l’automutilation pour les blesser
et même en les torturant. Le travail avec ces parties, qui avaient à l’origine une
fonction protectrice, est discuté en profondeur au chapitre 17. La partie adulte
du patient ignore et néglige souvent les parties enfant en reproduisant de vieux
schémas. La partie adulte peut se plaindre amèrement de la faiblesse et de l’état de
besoin des parties enfant tout en refusant de rencontrer ces besoins pour les atté-
nuer. Le thérapeute doit prendre soin d’aider les parties adulte à réaliser leurs rôles
dans le maintien des parties enfant qui restent bloquées dans le besoin ou la peur.

2. Approches pratiques du travail


avec les parties enfant dissociatives
Le concept le plus important dans le travail avec les parties enfant est peut-être
d’assurer que ces parties restent la responsabilité du patient, pas celle du théra-
peute. À cette fin, lorsque le thérapeute travaille avec des parties enfant, il est
utile et nécessaire d’avoir présente en séance et la majeure partie du temps une
partie adulte qui fonctionne dans la vie quotidienne ; Cela peut aider à protéger le
patient de s’attendre à ce que le thérapeute re-parentifie les parties enfant pendant
que la partie adulte continue à désavouer ses besoins de dépendance. Il y a cepen-
dant quelques exceptions à cette recommandation, qui seront discutées plus bas.

CONCEPT CLÉ

Les parties enfant dissociatives devraient toujours être de la responsabilité du patient


dans son ensemble et non celle du thérapeute. Bien que le thérapeute puisse aider la ou
les parties de la vie quotidienne à apprendre à comprendre et à éprouver de la compassion
pour ces parties, ce sont les parties adulte du patient qui doivent en prendre soin et, en
fin de compte, les intégrer dans l’expérience du patient.

2.1. Comprendre les fonctions des parties enfant


Il est important de comprendre le rôle des parties enfant dissociatives dans le
maintien du statu quo du système global et leurs fonctions individuelles dans
le maintien des phobies intérieures. Les parties enfant peuvent représenter les
fonctions suivantes chez la personne dans sa totalité :

334 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


• maintenir les actions défensives comme le pleur d’attachement, la fuite,
le combat, le figement, la flacidité, l’évanouissement ou même le jeu ;
• conserver les souvenirs traumatiques ;
• éviter la responsabilité en tant qu’adulte ;
• préserver une version idéalisée des parents abusifs ;
• contenir l’attachement et les besoins de dépendance ;
• conserver la colère, la rage, la honte, la peur et d’autres émotions
intenses ou sensations ou
• conserver un sentiment de joie et de jeu.
Beaucoup de parties enfant gardent des souvenirs traumatiques intolérables
et des sentiments de dépendance de telle façon que d’autres parties du patient
peuvent continuer à éviter ces expériences. Ainsi, les efforts (des parties) du
patient pour maintenir les parties enfant cachées ou tranquilles à l’intérieur pro-
tègent le patient contre la nécessité d’accepter des réalités douloureuses. Garder
ces parties silencieuses implique souvent des tactiques abusives de l’enfance du
patient, des mises en scène internes qui racontent l’histoire sans narration.
D’un autre côté, certaines parties enfant ont l’intention de raconter l’his-
toire, se sentant oppressées et ignorées si elles ne sont pas entendues. Parfois,
elles interrompent la séance, sont bloquées dans les flash-back, incapables
d’être ancrées. Elles peuvent être aisément déclenchées dans la vie quoti-
dienne et dans la thérapie. Plus ces parties font intrusion, plus d’autres parties
tentent de les supprimer et donc, plus la perturbation interne est importante
pour le patient. Elles peuvent éprouver du ressentiment à l’égard de la partie
adulte du patient qui les méprise et les ignore et être en colère contre le thé-
rapeute pour avoir tenté de contenir une prise de parole prématurée sur le
traumatisme. Néanmoins, le thérapeute soutient toujours les deux parties du
conflit, conscient que d’autres parties du patient peuvent ne pas encore être
prêtes et trouveraient bouleversant de connaître toute l’histoire.
Le thérapeute peut ainsi demander à la partie enfant de vérifier à l’inté-
rieur et de voir si toutes les parties sont d’accord pour dire que l’histoire peut
être racontée. Parfois, la partie enfant ignore les avertissements intérieurs ou
n’est pas disposée à les reconnaître. À ce stade-ci, si les thérapeutes savent que
le partage de souvenirs traumatiques n’est pas encore approprié, ils doivent
insister gentiment mais fermement pour que la partie enfant s’arrête, avec le
soutien compassionnel du patient dans son ensemble.

2.2. Comprendre les dynamiques des parties enfant


à l’intérieur du système dissociatif du patient
Le thérapeute peut commencer à explorer les dynamiques internes liées aux
parties enfant. Par exemple :

Travailler avec les parties enfant du patient 335


• Qu’est-ce qui est difficile à accepter au sujet des parties enfant pour les
autres parties du patient ?
• Que signifierait pour les autres parties du patient d’accepter les parties
enfant ?
• Quelles émotions, quelles croyances, quelles sensations, quelles pen-
sées, quels désirs et quels besoins contiennent les parties enfant qui
sont désavouées par les autres parties dissociatives du patient ?
• Dans quelle mesure le patient, en tant qu’adulte, est-il conscient des
parties enfant ?
• Quel est le degré d’activité des parties enfant à la fois dans le monde
intérieur et extérieur du patient ? Sont-elles une aide dans le fonction-
nement quotidien ou, au contraire, un obstacle ?
• Est-ce que la partie adulte du patient (et aussi peut-être le thérapeute)
a une difficulté à mettre des limites avec certaines parties enfant – par
exemple, celle qui désire jouer la nuit, ou agir au travail, ou prendre le
contrôle en séance ?
• Y a-t-il d’autres parties qui s’occupent déjà des parties enfant ou qui
sont disposées à le faire ?
• Y a-t-il d’autres parties qui blessent ou effraient ou même torturent des
parties enfant ?
• Des parties enfant continuent-elles à vivre dans le temps du trauma,
inconscientes du présent ? Dans l’affirmative, réagissent-elles à l’orien-
tation dans le temps ?
• Quelles pourraient être les raisons qui empêchent les parties enfant de
continuer à se développer et grandir ?
• Quels sont les schémas dynamiques observés qui concernent les parties
enfant (p. ex., le patient switche constamment vers un enfant pour ren-
contrer ses besoins de dépendance ou pour éviter un sujet douloureux
en thérapie) ?
• Quelles sont les principales non-réalisations des parties enfant (p. ex.,
des événements traumatisants, des besoins de dépendance, la rage, des
sensations d’excitation sexuelle ou de plaisir pendant l’abus, ou les pos-
sibilités de jeu et de joie) ?

Une fois les dynamiques cartographiées, le thérapeute a des facilités à pla-


nifier les étapes suivantes. Par exemple, si une partie enfant particulièrement
intrusive a principalement des besoins de dépendance, le thérapeute peut com-
mencer à soutenir d’autres parties en leur apprenant à accepter et tolérer ces
besoins comme normaux et en les aidant à construire des compétences pour
se débrouiller plus efficacement avec les sentiments et désirs de dépendance.
Cela permet au patient dans sa globalité d’éprouver plus de compassion pour

336 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


une partie enfant et d’offrir une aide intérieure. Si une partie enfant est blo-
quée au temps du trauma et que les interventions habituelles pour orienter
dans le présent ne sont pas efficaces, le thérapeute peut considérer que la partie
enfant a des raisons de rester bloquée. Par exemple, une partie enfant peut
être bloquée dans la mémoire traumatique parce que d’autres parties refusent
de réaliser ce qui est arrivé, une partie imitant l’agresseur punit en continu
la partie enfant, la partie adulte du patient ne souhaite pas accepter que les
parties enfant existent ou il existe des conflits significatifs incessants entre la
partie enfant et d’autres parties du patient. Ensuite, le thérapeute peut aider
le patient dans sa globalité à commencer à traiter les raisons pour lesquelles la
partie enfant souhaite rester un enfant et apprendre à la soutenir plus efficace-
ment. Ou le thérapeute peut inciter activement la partie imitant l’agresseur à
commencer à apaiser lentement sa rage et devenir plus compassionnel au cours
du temps envers la partie enfant.

2.3. Travailler avec les parties hostiles et les parties imitant


l’agresseur avant de travailler avec les parties enfant
Il est souvent utile de travailler avec les parties imitant l’agresseur avant de tra-
vailler avec des parties enfant. Cela suit la loi générale en psychothérapie invi-
tant à travailler la résistance avant de s’occuper d’une question particulière.
Les parties hostiles, comme les parties adolescent coléreuses qui n’imitent pas
les agresseurs sont souvent protectrices des parties enfant et ont peur que le
thérapeute n’interfère ou ne blesse ces parties. Leur colère envers le théra-
peute est une façon de protéger les parties enfant. Donc, une alliance théra-
peutique doit tout d’abord être érigée avec ces parties, qui sont fréquemment
des gardiennes des parties enfant. Elles peuvent être encouragées à regarder et
écouter, à participer à la thérapie et à apprendre que le thérapeute s’arrêtera si
elles le souhaitent. Elles peuvent apprendre que le thérapeute a des buts simi-
laires de protection des parties vulnérables du patient, seulement avec d’autres
méthodes que l’hostilité et la punition. Les façons de travailler avec les parties
hostiles ou coléreuses du patient sont discutées au chapitre 16.
Si les parties coléreuses sont typiquement des parties enfant protectrices à
l’égard des blessures infligées par autrui, celles qui imitent l’agresseur évitent
la conscience de la vulnérabilité détenue par les parties enfant. Elles ont com-
plètement désavoué la douleur que les parties enfant prennent en charge.
Lorsqu’une partie enfant est dans la reviviscence permanente d’événements
traumatiques et que l’ancrage et l’orientation dans le présent ne réussissent
pas, le thérapeute devrait prendre en considération la possibilité qu’une partie
cachée imitant l’agresseur est en train de punir, à l’intérieur, la partie enfant.
Des exemples de travail avec les parties imitant l’agresseur peuvent être trou-
vés au chapitre 17.

Travailler avec les parties enfant du patient 337


3. Venir à bout des problèmes avec les parties
dissociatives dans la vie quotidienne
Les parties enfant entravent souvent le bon fonctionnement de la vie quo-
tidienne. Par exemple, elles préfèrent jouer au lieu de travailler ; elles sont
paniquées si le patient a une visite médicale ; ou elles voient des souvenirs
traumatiques facilement déclenchés, laissant le patient débordé. Elles peuvent
faire partiellement intrusion, en laissant par exemple le patient avec des senti-
ments déroutants de terreur ou d’incontrôlables envies de manger des aliments
malsains ou de se cacher au lit. Les interventions suivantes peuvent être utiles
pour améliorer la coopération au quotidien.
• D’abord et avant tout, le thérapeute devrait encourager les parties
adulte qui fonctionnent dans la vie quotidienne à accepter les par-
ties enfant, à leur répondre et à en être responsable. Souvent, les parties
enfant agissent parce que la partie adulte ignore leurs besoins. Plus elles
se sentent comprises et sont prises en considération par le patient et le
thérapeute, plus elles deviennent coopératives.
• Aider les parties adulte du patient à mettre en place des lignes de
conduite raisonnables dans la vie quotidienne : aller au lit selon une
routine, avoir une nutrition adéquate, aménager un équilibre entre tra-
vail et temps de loisirs et la possibilité de se réjouir dans la vie. Par
exemple, le patient dans sa globalité peut partager à l’intérieur que
toutes les parties doivent dormir à la même heure, que se lever pour
jouer pendant la nuit complique le fonctionnement durant la journée,
et que l’adulte a besoin de soutien pour prendre en charge et prendre
soin de toutes les parties. En retour, le patient dans sa globalité devrait
offrir de l’attention aux parties enfant puisque l’absence de soin est
souvent ce qui les pousse à être actives le soir. Cela suit simplement le
principe de tendre vers tous les besoins d’une personne avec compas-
sion et acceptation et particulièrement les besoins émotionnels.
• Aider la partie adulte du patient à apprendre à orienter ces parties
au présent. Des exemples d’approches sont incluses ci-dessous dans
la section qui traite du travail avec les parties bloquées au temps du
trauma.
• Procurer des espaces intérieurs sécurisés ou calmes pour des parties
enfant vulnérables lorsque le patient doit s’engager dans une activité
qui peut être particulièrement déclenchante (p. ex. avoir des rapports
sexuels, avoir affaire à un patron difficile, se rendre à un examen gyné-
cologique ou dentaire ou être parent). Pendant cette activité, les par-
ties enfant peuvent dormir ou jouer ou réaliser quoi que ce soit qui fait
le plus sens pour le patient.

338 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


• Graduellement, au fur et à mesure que la sécurité et l’orientation dans
le temps sont établies, des parties enfant peuvent être encouragées à
observer la vie quotidienne et la thérapie de leur place sécurisée avec
des parties adulte les assurant que ces situations ne sont pas dangereuses
même si elles peuvent être inconfortables ou douloureuses. En fin de
compte, le patient devrait être capable d’approcher ces événements
de vie avec des parties enfant totalement présentes et la partie adulte
co-consciente avec elles et responsable. Après tout, le but n’est pas de
protéger pour toujours les parties du patient des réalités et inconforts
de la vie quotidienne mais de leur offrir une approche progressive qui
les aide à distinguer comme une personne adulte le présent du danger
passé et de construire ensuite leur tolérance pour ces activités néces-
saires d’une personne adulte.

4. Venir à bout des problèmes avec des parties


enfant dissociatives en séance
Parfois, le patient switche totalement vers une partie enfant durant la séance.
Dans ce cas, le thérapeute peut suivre les suggestions sur la façon de gérer
efficacement le switch (voir chapitre 10). Le thérapeute devrait explorer les
raisons pour le switch en général et les raisons pour le switch vers cette partie
spécifique en particulier (p. ex., pourquoi maintenant et pourquoi le switch
avec cette partie particulière). Les patients switchent habituellement vers
des parties enfant (a) parce qu’elles ont été déclenchées, (b) pour exprimer
des besoins de dépendance désavoués, (c) pour éviter un sujet douloureux ou
(d) en réponse à un conflit intérieur ou au chaos. Bien sûr, il peut y avoir
d’autres raisons ; le thérapeute doit simplement explorer cela avec le patient
jusqu’à ce qu’ils comprennent tous les deux ce qui s’est passé.

4.1. La partie enfant dissociative bloquée


au temps du trauma
Certaines parties enfant sont très orientées dans le présent bien qu’elles conti-
nuent à être incapables de réaliser qu’elles ont grandi. Cependant, beaucoup de
parties enfant, tout comme d’autres parties dissociatives, ne sont pas souvent
orientées dans le présent ou seulement partiellement. Dans ces cas, puisque
les besoins de sécurité sont le fondement de l’attachement, le thérapeute doit
d’abord utiliser l’ancrage et l’orientation dans le présent avant la connexion
relationnelle. Le thérapeute peut utiliser beaucoup de méthodes pour soute-
nir l’ancrage, l’orientation et une meilleure conscience du présent. En voici
quelques-unes.

Travailler avec les parties enfant du patient 339


• Soutenir d’autres parties dissociatives à l’intérieur pour aider à orienter
la partie enfant dans le présent.
• Avoir la partie enfant qui « regarde avec les yeux de l’adulte » et
« écoute avec les oreilles de l’adulte » le vécu du présent.
• Utiliser l’ancrage de la perception comme l’odeur, le goût, le toucher,
le son et la vue.
• Demander à la partie enfant désorientée de noter ce qui est différent
dans le présent au lieu de voir ce qui est similaire au passé (p. ex., il y a
un sofa comme celui du passé mais il est d’une couleur différente ; le thé-
rapeute est une personne qui n’était pas dans le passé du patient ; ou le
thérapeute peut avoir la même couleur d’yeux que l’agresseur mais a des
cheveux différents, d’autres types de vêtements et une voix différente).
• Faire en sorte que la partie enfant remarque sa main, ses bagues, sa
montre ou son bracelet. Le thérapeute pourrait demander quelque
chose comme ; Quand avez-vous eu cela ? Quelle taille a votre main ?
À qui appartient cette main ? Vos parties peuvent-elles vous aider à
savoir quelque chose à propos de cette main ? (La même chose peut
être faite avec les vêtements du patient, ses chaussures ou autres effets
personnels du patient.)
• Quand une partie enfant est bloquée au moment de l’abus, il est parfois
possible de l’aider à se connecter à une partie différente qui sait que
l’abus est terminé. Ou le thérapeute peut encourager la partie enfant :
« Écoutez le son de ma voix et suivez-la du début à la fin en notant que
c’est fini, que tout est fini, et que vous êtes en sécurité maintenant dans
mon bureau, dans le présent. »

La plupart de ces techniques peuvent être intégrées à des approches spéci-


fiques comme le travail somatique ou l’EMDR (p. ex., Gonzalez et Mosquera,
2012).

4.2. Les parties enfant dissociatives joueuses


Les parties joueuses peuvent avoir différentes fonctions et significations et
sont fixées dans le système d’action du jeu. Plus simplement, les parties enfant
joueuses peuvent garder la mémoire de la joie et du plaisir de l’enfance comme
une manière de la préserver face au trauma qui submerge. Ces parties sont
souvent inconscientes du trauma. Elles ne ressentent pas la tristesse, la rage, la
peur et la honte que d’autres parties enfant ressentent. Elles peuvent conserver
des rêves enfants nourris d’espoir qui seront d’une grande utilité pour le patient
en sa totalité.
Aider les autres parties du patient à entrer en contact avec les sentiments
positifs des parties joueuses est important avant d’aider la partie joueuse à

340 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


devenir plus consciente de la gamme complète des expériences enfants. On
peut demander à la partie enfant, si possible, de partager des expériences posi-
tives avec toutes les parties. Le patient craint parfois que les parties fortement
traumatisées ne « contaminent » la partie joueuse et donc il n’est pas toujours
possible de partager directement l’expérience positive au début. Il peut encore
être possible de travailler avec une stimulation bilatérale ou d’aider somatique-
ment les autres parties à ressentir l’expérience dans leur corps sans entrer en
contact direct avec la partie enfant joueuse.
D’autres parties joueuses sont plus complexes. Leur but n’est pas de pré-
server la joie et le jeu mais plutôt de détourner l’attention des expériences
douloureuses. Ces parties ont souvent une qualité qui pousse au jeu et ne sont
pas spécialement réceptives aux interactions avec le thérapeute.

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Denise a une partie enfant dissociative qui se vit à l’âge de 5 ans et qui ne fait que
danser. Elle se sentait heureuse et libre quand elle dansait et rêvait d’être une ballerine
un jour. Bien sûr, ce rêve n’était plus possible, mais elle a pu partager avec sa partie
adulte le sens du bonheur et de la liberté, ce dont toutes les parties pouvaient se réjouir
quand Denise a inscrit des leçons de danse dans sa vie. Denise put intégrer,
progressivement, un sentiment de joie et de liberté dans sa vie quotidienne.

&YFNQMFEFDBTEVOFQBSUJFFOGBOUKPVFVTF(FPSHFT

Georges était un homme de 28 ans avec un diagnostic de TDI. Une partie jeune
adolescent de Georges interrompit la thérapie quand du matériel douloureux émergea.
Cette partie du patient faisait semblant de jouer de la batterie de manière frénétique,
imitant le bruit de la batterie, secouant sa tête sauvagement à chaque son, semblant
Inconscient de son environnement. Plus le thérapeute tentait d’engager cette partie,
plus elle devenait bruyante et frénétique. C’était très difficile pour le thérapeute d’obtenir
que la partie adulte du patient s’ancre à nouveau dans le présent. Progressivement, le
thérapeute aida d’autres parties dissociatives de Georges à connaître « le batteur » et
aida cette partie à s’orienter davantage dans le présent. Il aida toutes les parties à
apprendre à mieux tolérer la détresse car des habiletés étaient mises en pratique au
cours de la thérapie. Progressivement, Georges eut moins besoin du batteur pour
interrompre la thérapie. George devint plus capable de dire au thérapeute qu’il était
activé et ils pouvaient ainsi, ensemble, ralentir avant que le batteur ne se déclenche.
Le patient en est arrivé à comprendre que le batteur était une partie de lui-même qui,
en tant qu’enfant plus âgé et jeune adolescent pouvait se perdre dans la musique afin
d’éviter la douleur de son abus à la maison.

Certaines parties dissociatives peuvent commencer à jouer et glisser rapi-


dement vers des souvenirs traumatiques. Le jeu peut avoir été un prélude à

Travailler avec les parties enfant du patient 341


l’abus chez l’enfant ou l’activation physique du jeu dans le présent peut être
un déclencheur ou simplement une voie royale vers la sur-activation liée au
trauma.

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FYQSJNBOUMFUSBVNBQBSMFKFV.POJRVF

À la maison, Monique, une patiente souffrant de TDI, permit à sa partie âgée de 8 ans
de dessiner. Au début, les images enfants étaient simples, des représentations heureuses
d’arbres et de soleil, etc. Cependant, cette partie devait bientôt prendre des crayons
sombres et commencer à colorier vigoureusement toute la page d’une façon chaotique
jusqu’à ce qu’elle soit entièrement couverte. Plus cette partie de Monique coloriait, plus
la partie enfant devenait agitée, effrayée ou enragée. À maintes reprises, les images
devenaient des représentations graphiques de l’abus. Même lorsque Monique n’autorisait
plus ce comportement pendant la journée, elle se réveillait souvent avec du papier
déchiré par des griffonnages intenses au crayon ou au stylo.
Le thérapeute soutenait toutes les parties du patient à aider cette jeune partie à être
plus consciente du présent. Au fil du temps, Monique comprit que cette partie d’elle-
même représentait les menaces de son père à ne pas parler de l’abus. Enfant, elle
éprouvait du ressentiment à devoir agir comme si tout était normal et heureux alors
que sa vie à la maison était, en fait, épouvantable. Les amorces d’images heureuses
étaient détruites de façon à raconter l’histoire. Finalement, l’adulte Monique fut
capable d’aider cette jeune partie à devenir plus verbale, et les comportements
destructeurs se transformèrent progressivement davantage en un récit. La jeune partie
dissociative apprit à tolérer ses émotions et à les partager à la partie adulte de
Monique.

4.3. Parties enfant dissociatives revendicatrices


La revendication accompagne souvent la dépendance d’un côté et le nar-
cissisme de l’autre. La partie enfant hautement dépendante (ou autre) qui
revendique que ses besoins soient rencontrés par les autres a souvent un noyau
fragile et narcissique. Le patient dans sa globalité se sent nul, insécurisé et
construit des défenses narcissiques contre cette vulnérabilité. La revendication
implique un échec à faire son deuil et à accepter que quelqu’un ne puisse pas
toujours obtenir ce qu’il veut ou ce dont il a besoin. Cela comprend un échec à
accepter le côté fondamentalement injuste de l’existence dans lequel un abus
dans l’enfance ne peut être annulé. Être un survivant ne signifie pas obtenir un
libre accès pour une compensation – comme insistait un patient : « J’ai souffert
suffisamment ; je ne devrais pas travailler. Je devrais être capable de me relaxer
et faire ce que je veux maintenant. »
Un sentiment de revendication peut peser sur le thérapeute, qui sent une
pression constante à donner plus et à faire davantage pour le patient. Les
demandes peuvent être vraiment intenses et lorsque les besoins ne sont pas

342 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


rencontrés, le thérapeute peut se trouver face à une furie d’humiliation de la
part du patient ou d’une partie du patient. D’autres parties dissociatives sont
plus subtilement revendicatrices, avec des croyances implicites plutôt que
conscientes.
Le thérapeute devrait d’abord déterminer si la revendication fait partie
d’une plus grande blessure de la personne dans son entièreté ou si elle est logée
dans une ou plusieurs parties des patients. S’il s’agit plutôt d’une question de
caractère, le thérapeute peut suivre les directives pour traiter le narcissisme
tout en incluant le travail avec les parties dissociatives. Certaines lectures
sont recommandées pour comprendre et traiter le narcissisme, notamment les
travaux de Gabbard (1989), Jallema (2000), Johnson (1987), Kohut (1971),
Stark (2000, 2002) et Wurmser (1987).

4.4. La résistance dans les parties dissociatives


Bien sûr, les interventions avec des parties enfant ne sont pas toujours effi-
caces. Il est important d’évaluer les résistances, y compris les phobies (voir cha-
pitres 11 et 12). Pourquoi, par exemple, les parties enfant continueraient-elles
à interrompre la vie quotidienne ou resteraient-elles bloquées au temps du
trauma ? Le thérapeute pourrait se demander ce qui empêche les parties enfant
de grandir. Il peut y avoir de nombreuses raisons, le plus souvent liées à un
manque de réalisation et à l’échec du travail de deuil.

CONCEPT CLÉ

Il est utile d’explorer pourquoi les parties enfant ont échoué à « grandir ». Des non-ré-
alisations diverses forment le cœur de ce blocage. Une fois que le thérapeute et le pa-
tient peuvent reconnaître les non-réalisations, le travail peut débuter afin d’en arriver
à bout.

Les parties enfant ont des intérêts à la non-réalisation, en évitant de faire le


deuil de ce qui était et de ce qui ne peut être. Par exemple, une partie peut ne
pas grandir parce que devenir adulte implique la reconnaissance qu’un trauma
est survenu ou signifie que les patients doivent être maintenant responsables
de leurs propres décisions. Certaines parties peuvent désirer rester un enfant de
manière à être prises en charge par d’autres (y compris le thérapeute). La partie
adulte du patient peut ne pas savoir comment intégrer les besoins enfants ou
jouer dans un cadre adulte. Des parties adulte peuvent ne pas souhaiter avoir
affaire à ce que des parties enfant contiennent, ce qui maintient ces parties
bloquées dans leur développement. Certaines parties enfant ont le fantasme
qu’aussi longtemps qu’elles restent jeunes, il y aura toujours une chance pour
que leurs parents changent et qu’elles soient aimées.

Travailler avec les parties enfant du patient 343


4.5. Les parties dissociatives nourrison et tout-petit
Il n’est pas rare pour les patients de rapporter qu’elles ont des parties dissocia-
tives nourrisson. Souvent, de très jeunes comportements sont associés avec
l’activité de ces parties, comme le fait de sucer son pouce, se balancer et uriner
au lit. Le thérapeute peut encourager le patient à prendre soin de ces parties
et à comprendre leurs fonctions au cours du temps. Puisque ces parties sont
généralement non verbales et que le trauma qu’elles détiennent est préverbal,
un travail somatique ou l’EMDR peut les aider à résoudre leurs problèmes et les
aider à s’intégrer au patient.

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Vicky, un patient avec TDI, rapportait des cauchemars chroniques et des épisodes de
mictions nocturnes qui lui faisaient fortement honte. À la demande de son thérapeute,
Vicky consulta son médecin généraliste, qui exclut toute cause médicale à l’énurésie.
Le thérapeute et Vicky pouvaient ensuite explorer d’autres possibilités. Une partie jeune
enfant que Vicky appelait « Reggie » admit qu’il y avait un « bébé dans la benne à
ordures » à l’intérieur. Le bébé avait froid, était affamé, mouillé et sans surveillance.
Grâce à un travail par l’imagination, la thérapeute aida Reggie et Vicky à récupérer le
bébé et à en prendre soin. Vicky était choquée de retrouver ce nourrisson intérieur
mais commença facilement à en prendre soin et fut agréablement surprise lorsque
l’enfant commença à grandir après quelques semaines. Elle dit : « Je suppose que c’est
cette partie de moi qui a été si négligée bébé. On me laissait dans le berceau. Je suis
si triste pour elle et pour moi. » Une fois cette prise de conscience réalisée, Vicky ne
mouilla plus jamais son lit.

5. Résumé
Les parties enfant sont le plus généralement organisées par des systèmes d’ac-
tion de défense mais certaines sont impliquées dans des fonctions de la vie
quotidienne. Le thérapeute ne devrait pas traiter les parties enfant comme
des enfants réels mais comme un des nombreux aspects du patient adulte. Il
est essentiel d’encourager le patient comme un tout à accepter et prendre soin
de ces parties de façon à ce que le thérapeute n’endosse pas un rôle de don-
neur de soin. Il existe de nombreux conflits intérieurs à propos des parties
enfant qui ont souvent des aspirations désavouées pour le soin et l’amour et
qui détiennent des souvenirs traumatiques. Ces conflits devraient être résolus
soigneusement et en profondeur afin de réduire le besoin d’avoir des parties
enfant à l’intérieur de la personnalité du patient.

344 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


6. Explorations supplémentaires
1. Est-il plus difficile pour vous de maintenir des limites avec les parties
enfant ? Pourquoi ou pourquoi pas ?
2. Avez-vous tendance à travailler davantage ou à préférer les parties
enfant plutôt que les parties adulte ?
3. Pensez-vous qu’un certain reparentage limité puisse être utile avec
des parties enfant puisque cette fonction a été si déficitaire pendant
l’enfance du patient dans son ensemble. Discutez des avantages et des
inconvénients avec vos collègues.
4. Êtes-vous capable d’identifier des conflits intérieurs chez le patient en
ce qui concerne les parties enfant et à travailler avec les parties qui
méprisent, punissent ou évitent les parties enfant ?
5. Votre système de prodiguer des soins est-il activé par des parties enfant ?
Comment pourriez-vous gérer cette tendance sans agir d’après elle ?

Travailler avec les parties enfant du patient 345


cHAPITRE 15
Approches intégratives
de la honte

La honte est ressentie comme un tourment intérieur, une maladie


de l’âme.
Sylvan Tomkins (1963, p. 118)

Du début à la fin de nos relations thérapeutiques avec des patients


souffrant de honte chronique, nous avons à être présents, soi
émotionnel à soi émotionnel.
Patricia DeYoung (2015, p. 78)

Joanne est une patiente qui est gentille et pleine de compassion pour autrui,
s’engageant avec beaucoup de bienveillance dans ses relations. Elle est souvent
préoccupée de savoir si le thérapeute se porte bien ou est fatigué. Un beau jour,
sa thérapeute était très en retard à la séance et Joanne l’a rassurée que ce n’était
pas du tout un problème parce qu’elle était bien certaine que la thérapeute
avait d’autres patients qui avaient davantage besoin de la thérapeute qu’elle.
Mais elle était racrapotée sur elle-même, fuyait le contact visuel et souriait
pendant toute la conversation. Dean, un autre patient, n’était pas gentil du
tout. Selon tous les témoignages des autres, il était égoïste et irritable, sa phrase
préférée était quelque chose comme « Tu dois prendre ce qui t’appartient parce
que les gens ne te le donneront pas ». Il a une attitude tendue, souvent penché
en avant et pointant l’autre du doigt agressivement pour souligner son propos.
Jody souffrait d’anxiété sociale sévère. Quand il sortait, il était convaincu que

Approches intégratives de la honte 347


les gens parlaient et se moquaient de lui, bien qu’il ne présentât aucun autre
signe de paranoïa ou de psychose. Il avait les sourcils froncés, était tendu et
regardait sans cesse autour de lui. Avant d’avoir été abusé sexuellement de
8 à 12 ans par une tante, il avait été un petit garçon sociable. Maintenant, il
évitait les gens autant que possible et passait son temps à la maison à jouer à
des jeux vidéo et à dormir. Nelly était assise en silence en séance la plupart du
temps, voûtée et visiblement angoissée. Elle ne regardait jamais le thérapeute
dans les yeux et ne pouvait pas souvent mettre des mots sur son vécu. Elle se
sentait dans le brouillard et en confusion.
Aussi différentes que soient leurs présentations, chacun de ces patients pré-
sentait une honte chronique persistante et profondément ancrée. Joanne a cou-
vert sa honte d’une stratégie de contrôle-bienveillance, considérant les autres
comme bien plus en besoin qu’elle-même. Ses propres besoins ne pouvaient pas
être importants tant ils étaient remplis de honte. Dean était honteux de ne pas
être assez bon et se défendait contre la honte en attaquant les autres pour être sûr
que ses propres besoins seraient toujours satisfaits. Comme Joanne, Dean était
secrètement honteux de ses propres besoins et il tentait ainsi de s’assurer qu’il
ne vivrait jamais l’état de nécessité. Jody évitait les gens et sa propre expérience
intérieure de manière à éviter sa honte. Nelly était paralysée par la honte, avec
une voix intérieure cruelle qui l’attaquait, criant bruyamment : « Tout le monde
se fiche de toi. T’es une perdante totale, garce ! »
Dans ce chapitre, nous décrirons la honte ; nous examinerons aussi la
recherche qui nous informe à ce sujet et partagerons quelques façons d’iden-
tifier, comprendre et travailler avec elle efficacement. Toutes les publications
majeures sur le traumatisme complexe et la dissociation soulignent le problème
de la honte. La honte est endémique et profondément enracinée dans le vécu
de nos patients. Elle se cache sous de nombreux symptômes et est souvent
tacite et implicite. La plupart du temps, les thérapeutes sous-estiment l’effet
de la honte en psychothérapie (Naouri, 2013) et ne savent pas comment tra-
vailler avec elle, au-delà de la reconnaissance de son existence. Le premier pas
consiste à comprendre les fonctions de la honte.

1. Comprendre la honte
Il n’est pas surprenant que l’abus dans l’enfance soit un facteur de risque pour
la honte (Karan, Niesten, Frankenburg, Fitzmaurice et Zanarini, 2014) et que
la honte soit un médiateur entre l’abus chez l’enfant et la psychopathologie
de l’adulte (Talbot, 1996) incluant la dissociation (Andrews, Brewin, Rose
et Kirk, 2000). En fait, la honte est permanente chez les patients dissociatifs
(Dorahy, Gorgas, Hanna et Wijngaard, 2015) et l’hypothèse a été formulée
d’un maintien de la dissociation par la honte (DeYoung, 2015 ; Irwin, 2018 ;
Kluft, 2006 ; Van der Hart et al., 2006). La honte a un effet négatif sur les rela-

348 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


tions interpersonnelles (Dorahy, 2010 ; Dorahy et al., 2013, 2015 ; Middleton,
Seager, McGurrin, Williams et Chambers, 2015) et sur l’alliance thérapeu-
tique (Black Curran et Dyer, 2013 ; Dalenberg, 2000). Elle est corrélée avec
l’ESPT (Leskela, Dieperink et Thuras, 2002) et avec moins d’empressement à
recourir à un traitement pour l’ESPT (Bratton, 2011). Être cachée aux autres,
y compris au thérapeute, est un trait clinique important de la honte et, par
nature, elle est souvent évitée dans le traitement à la fois par le thérapeute
et par le patient (De Young, 2015 ; Hultberg, 1988 ; Kaufman, 1989 ; Kluft,
2013 ; Lewis, 1992 ; Nathanson, 1989 ; Nouri, 2013 ; Wurmser, 1987).

CONCEPT CLÉ

La honte est un signal important indiquant qu’il y a un désaccordage ou une menace plus
sérieuse dans nos relations et qu’elle a donc d’importantes fonctions. Avant que la honte
chronique ne puisse être traitée, ses fonctions doivent être entièrement comprises et le
patient et le thérapeute doivent éprouver ensemble avec compassion la profonde décon-
nexion et l’occultation de la honte.

Bien que notre tendance soit d’essayer de se débarrasser de la honte telle-


ment elle est dysphorique, le fait est qu’elle est l’une des émotions primaires
et qu’elle revêt d’importantes fonctions (Nathanson, 1992 ; Tomkins, 1963).
Ainsi, elle sera pour toujours une partie de notre vécu. Plutôt que de l’éradiquer
complètement, la honte chronique doit être atténuée, mise à sa propre place
et comprise avec compassion. Nous devons apprendre à accepter et à réguler
la honte comme une partie occasionnelle de la condition humaine. En guise
de signal, la honte a d’importantes fonctions que nous décrivons ci-dessous.

1.1. La physiologie de la honte


Une raison pour laquelle la honte est si puissante est qu’elle implique une
activation physiologique intense, qui nous fait sortir hors de la fenêtre de
tolérance. Certains théoriciens pensent que la honte est fondamentalement
hypo-activante et est relayée par le système parasympathique (Hill, 2015 ;
Nathanson, 1989 ; Schore, 2003) tandis que d’autres considèrent qu’elle est
classiquement sur-activante et relayée par le système sympathique (DeYoung,
2015). Il peut être difficile de distinguer les défenses contre la honte qui sont
sur-activantes, comme la colère, de la physiologie de la honte elle-même. Il peut
s’agir d’une sur-activation immédiate (le rougissement, la fréquence cardiaque
rapide) rapidement suivie par la sous-activation. Les sensations physiques de
la honte sont souvent comparées à celles correspondant au figement, à la fla-
cidité ou à la feinte, et comprennent l’effondrement et la dissimulation, qui
sont des attitudes de sous-activation. Selon les contributions anecdotiques de

Approches intégratives de la honte 349


nos patients, il est bien possible que la honte soit vécue différemment suivant
les différentes circonstances. Les défenses contre la honte sont si instantanées
qu’il peut être difficile de différencier la honte en tant que réponse physiolo-
gique et la honte comme réponse défensive. Quoi qu’il en soit, la honte est
certainement une expérience physiologique éprouvante, car elle augmente les
taux de cortisol et d’hormone adrénocorticotropique (ACTH), ce qui indique
une réponse de stress (Dickerson et Kermeny, 2004).
D’une manière ou d’une autre, l’engagement social est immédiatement
désactivé jusqu’à des degrés divers. Lorsque nous vivons la honte, nous voulons
disparaître, nous cacher, nous camoufler ou nous renfermer. Ces impulsions
généralement impliquent la sous-activation et sont typiquement accompa-
gnées par un abaissement de la tête, une perte du contact visuel et l’incur-
vation de la colonne. Mais nous pouvons aussi souhaiter nous défendre, nous
enfuir ou attaquer, ce qui inclut la sur-activation. En tout cas, nous ne souhai-
tons pas être vus ou découverts. La honte peut couper toute connexion rela-
tionnelle sur le moment et nous laisser avec un sentiment de non-intégration
émotionnelle, cognitive et physique. Ce sentiment peut être dysphorique et
catastrophique, de sorte que presque toute stratégie sera employée pour l’éviter
(DeYoung, 2015). Pourquoi avons-nous une telle expérience négative alors
qu’il s’agit d’une tendance innée ?

1.2. La honte comme un inhibiteur


La honte a une fonction de diminution ou d’inhibition d’autres émotions, pen-
sées et comportements, les positifs, un peu comme un interrupteur d’arrêt. La
honte était, à l’origine, comprise comme un inhibiteur plus général d’intérêt
et d’excitation (Tomkins, 1963 ; Demos, 1995). Schore (1991, 1994) rapporta
plus tard sa fonction de passer rapidement d’une sur-activation affective posi-
tive à une sur-activation affective plus économe en énergie, mais négative, qui
ne peut plus être ensuite régulée par le patient.

CONCEPT CLÉ

La honte bloque l’émotion positive, particulièrement l’intérêt, l’excitation et la joie dans


le contexte relationnel. Elle peut aussi bloquer des expériences que le patient vit comme
inacceptables pour les autres, comme la colère, le besoin des autres ou des attirances ou
pulsions sexuelles.

Dans la pratique clinique, nous observons que la honte met un frein non
seulement à l’excitation et à la joie mais peut aussi bloquer toute émotion,
pensée, sensation, croyance ou comportement perçus comme non réciproques
ou inacceptables par d’autres comme la colère ou le désir sexuel. Lorsque la

350 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


honte est chronique, elle devient entrelacée avec la phobie de l’expérience
intérieure. Des émotions prenant leur origine dans des expériences pleines de
honte sont bloquées ou séquestrées dans des parties dissociatives, qui sont alors
désavouées, comme dans le cas d’Étienne, ci-dessous :

&YFNQMFEFDBTEFMBIPOUFDPNNFVOJOIJCJUFVS²UJFOOF

Étienne était un professionnel de 38 ans avec un trouble dissociatif, qui vint en


thérapie à la recherche d’une aide dans ses relations romantiques. Il allait à de
nombreux premiers rendez-vous mais jamais à un deuxième. Avant chaque rendez-
vous, il se sentait émoustillé et plein d’espoir. Mais lorsqu’il rencontrait effectivement
une femme, il se sentait extrêmement honteux et pouvait à peine parler. Son corps
était tendu et le ramenait à lui-même plutôt qu’à son rendez-vous. Une partie enfant
s’activait et lui faisait revivre des expériences issues de son enfance. Étienne apprit
en tant qu’enfant que l’excitation et la connexion étaient non seulement inacceptables
mais qu’elles étaient très dangereuses. Par exemple, lorsque sa mère déprimée et
colérique revenait du travail et qu’il courait pour l’embrasser, elle le repoussait
violemment et s’en allait. Lorsqu’il exprimait une quelconque joie, elle lui hurlait dessus
de se taire et déplorait le fait d’avoir eu des enfants. Sa joie dans les relations
rencontrait l’hostilité et un rejet ouvert. La partie enfant d’Étienne apprit à inhiber
son excitation avec honte, accompagnée de tensions qui rabotaient ses besoins et
empêchaient l’expression de ses émotions. Étienne lui-même avait honte de la partie
enfant qui avait des besoins inacceptables pour lui en tant que personne dans sa
globalité. Étienne se sentait aussi honteux de ce qu’il était, ce qui limitait sérieusement
toute possibilité d’intimité.

1.3. La honte en tant que fonction sociale


au cours de l’évolution
La honte comme inhibiteur de sur-activation fait sens dans le contexte de
la relation avec d’autres. Certains auteurs ont postulé que la honte a évolué
comme une composante de la tendance de soumission à l’intérieur du système
d’action de hiérarchie et de compétition qui nous mène à trouver notre place
sociale (Boehm, 2012 ; Gilbert, 1989). Nous avons une tendance innée, par-
tagée par les mammifères, à montrer de quoi nous sommes capables à notre
groupe et à prendre conscience des comportements qui pourraient être sociale-
ment inacceptables ou déplaisants.

CONCEPT CLÉ

La honte nous aide à apprendre les limites du comportement socialement acceptable de


façon à pouvoir faire partie de notre groupe avec le niveau optimal de proximité ou de
distance. Donc, elle a des fonctions sociales importantes.

Approches intégratives de la honte 351


La honte peut servir de détecteur de la menace sociale, nous poussant à
corriger des comportements qui pourraient aboutir au rejet social. Lors de la
deuxième année de vie, les enfants montrent des signes de honte en réaction
au désaccordage ou à la désapprobation (Schore, 1991). C’est crucial pour
notre survie comme êtres humains et pour notre besoin d’être socialement
en sécurité. Nous avons besoin de susciter des expériences positives chez
les autres de façon à être intéressants pour eux (Gilbert, 1997). La honte
est un signal que nous ne plaisons pas aux autres et que les autres n’ont pas
d’agrément avec nous. Cela nous rend insécurisés et la sécurité est essentielle
pour l’engagement social et les relations. Mais quand nous ressentons de la
honte qui n’est pas due à notre comportement inapproprié, cela bloque notre
capacité d’être avec les autres. La honte chronique altère la capacité de dis-
tinguer précisément la sécurité de la menace dans les relations, aboutissant à
un sentiment permanent de rejet et de danger relationnel et d’activation de
la défense plutôt que d’engagement social. DeYoung (2015) a rapporté qu’un
jeune enfant apprend ce qui est acceptable pour les parents et ce qui ne l’est
pas et développe une conception de lui basée sur « un certain soi qu’elle/
il veut que les autres voient ; un bon soi qui, par définition, n’est pas une
certaine forme de mauvais soi » (p. 47). Les enfants développent certaines
stratégies d’adaptation à la honte chronique, le plus typiquement par des
approches contrôlantes, attentionnées ou punitives à l’égard de leurs parents
(Lyons-Ruth et Jacobvitz, 1999), qui peuvent devenir une partie de leurs
modes durables d’attachement. Ces enfants développent un conflit intérieur
majeur à propos de leurs besoins, qui sont à la fois justifiés et sources de
honte. Ces besoins douloureux font inextricablement partie du sentiment de
soi en développement.
Plusieurs cliniciens ont souligné que la honte n’est pas seulement une
réaction au trauma interpersonnel mais est aussi provoquée chez des enfants
lorsque des aspects d’eux-mêmes sont inacceptables ou non reconnus par leurs
donneurs de soins tout au long de relations relativement normales (Bromberg,
2011 ; Ogden et Fischer, 2015). Ainsi, nous avons tous une certaine honte de
ce que nous percevons comme des aspects inacceptables de nous-mêmes. Ce
ressenti est amplifié dans le trauma, et la honte est doublement reniée dans
la dissociation : non seulement les patients évitent la honte, mais sont aussi
honteux de certaines parties d’eux-mêmes.
La honte est un régulateur des extrêmes de la distance et de la proximité
interpersonnelles (Herman, 2011). Nous pouvons ressentir la honte si nous
sommes ostracisés d’une part ou si nos limites personnelles sont violées d’autre
part. En général, les patients se replient sur eux-mêmes, s’effondrent ou se
crispent et s’éloignent lorsqu’ils se sentent honteux ; ou bien ils peuvent pro-
voquer de la honte chez le thérapeute pour l’inciter à s’éloigner.

352 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


&YFNQMFEFDBTEFIPOUFDPNNFSÏHVMBUFVSSFMBUJPOOFM4BCJOF

4BCJOF Je ne comprends pas mais je me sens toujours honteuse quand Dana [l’amie
de la patiente] m’embrasse ou est réellement chaleureuse avec moi. Je détourne mon
corps en fait ; peut-être parce que je ne le mérite pas ?
5IÏSBQFVUF Est-ce ce que vous croyez ?
4BCJOF  Pas réellement. C’est seulement une pensée. Je commence réellement à
accepter que je suis une personne OK.
5IÏSBQFVUF Hmm, je me demande si, peut-être, votre honte vous empêche de laisser
Dana s’approcher tout près ? Vous la décrivez comme la personne la plus accueillante
et chaleureuse que vous connaissez. Peut-être est-ce effrayant de la laisser s’approcher
parce que vous pourriez être vulnérable.
4BCJOF Eh bien, ça c’est sûr ! Autant je la souhaite être proche, autant cela ne me fait
pas me sentir en sécurité.
5IÏSBQFVUF Donc, peut-être que la honte essaye de vous aider à rester en sécurité
en diminuant votre désir d’être proche d’elle ?
4BCJOF Je n’avais pas pensé de cette façon, mais cela correspond. Je peux peut-être
essayer autre chose la prochaine fois.

1.4. La honte comme émotion de conscience de soi


La honte est une réponse à l’abandon (réel ou perçu), au rejet ou à la critique et
est donc profondément inscrite dans le système d’attachement et le pleur d’at-
tachement, en particulier pour ceux qui ont vécu un trauma relationnel. C’est
une des émotions de la conscience de soi, un jugement chargé d’affects que
nous portons sur qui nous sommes (Mitmansgruber, Beck, Höfer et Schussler,
2009 ; Tangney et Fischer, 1995). Ce jugement sur soi-même commence à peu
près au moment où l’enfant acquiert un sentiment explicite de soi, c’est-à-dire
une conscience du « je » et du « moi » et le ressenti de savoir si ce moi est
acceptable aux yeux des autres.

CONCEPT CLÉ

La honte n’est pas seulement un sentiment sur ce que nous ressentons, pensons, sentons
et faisons. C’est un jugement sur qui nous sommes depuis la perspective d’un autre, cri-
tique, rejetant, dirigé depuis nous-mêmes sur nous-mêmes.

La honte est un regard sur nous-mêmes du point de vue de l’autre reje-


tant : lorsque nous nous sentons honteux, nous regardons toujours à travers les
yeux de l’autre vers nous-mêmes. La honte chronique ne requiert pas la pré-
sence effective d’un autre, elle est alimentée par des représentations internes
des autres humiliantes qui peuvent être basées sur des expériences du passé et
peuvent ne pas refléter la réalité courante. Ainsi, la honte peut être ressentie
aussi vivement en privé qu’en public.

Approches intégratives de la honte 353


Les patients dissociatifs ont des parties d’eux-mêmes qui sont enfermées
dans des cycles perpétuels de honte et d’humiliation mutuelle. Ils entendent
souvent des voix critiques intérieures qui leur disent qu’ils sont stupides ou
affreux ou des perdants absolus et ils ont peur que d’autres personnes puissent les
débusquer. Ils peuvent donc faire des efforts acharnés pour cacher ces voix aux
thérapeutes. Les personnes chroniquement honteuses se croient elles-mêmes
fondamentalement défectueuses, mauvaises, dégoûtantes ou méchantes. Elles
condamnent non seulement ce qu’elles font (ou échouent à faire) mais aussi
comment elles apparaissent physiquement (p. ex., laides, trop grosses, trop dis-
proportionnées pour une certaine partie de leur corps), ce qu’elles éprouvent
(p. ex., la colère, la tristesse, le désir sexuel, la peur) et, fondamentalement, qui
elles sont. En fin de compte, les patients chroniquement honteux manquent
de compassion pour eux-mêmes et pour les parties dissociatives et trouvent
impossible de croire que quelqu’un puisse être bienveillant à leur égard. Mais,
en même temps, ils aspirent à être vus, entendus et acceptés.

1.5. La honte et les défenses animales dans le trauma


Les patients souvent se sentent honteux parce qu’ils ont été abusés, croyant
soit qu’ils auraient dû mettre fin à cet abus, soit qu’ils l’ont bien mérité. Ils
ressentent de la honte parce qu’ils se sont battus, figés ou soumis ou parce
qu’ils n’ont rien fait de tout cela et qu’ils « auraient dû » le faire. Ainsi, ils
éprouvent de la honte pour les défenses animales exprimées ou inhibées qui
sont en fait involontaires (Nathanson, 1989 ; Ogden et al., 2006 ; Ogden et
Fischer, 2015).

CONCEPT CLÉ

Les patients éprouvent souvent de la honte face à ce qu’ils ont fait pour collaborer dans
le passé ou n’ont pas fait pour y mettre fin pendant un traumatisme relationnel. En
d’autres mots, ils ont honte des défenses animales qui étaient activées naturellement,
telles que le figement, le combat ou l’effondrement, même si ces réactions n’étaient pas
sous leur contrôle.

&YFNQMFEFDBTEFIPOUFTVSEÏGFOTF.BSHBVY

Margaux se figeait fréquemment en situation de flirt ou d’avance sexuelle. Ses épaules


se resserraient, sa posture s’affaissait et elle devenait très calme. Elle avait fait la même
chose lorsque sa tante avait sexuellement abusé d’elle de 3 à 11 ans. Margaux ressentait
une honte incroyable de s’être prostrée et d’avoir été incapable de bouger durant l’abus
et elle croyait que cela signifiait qu’elle avait souhaité l’abus. Pourtant, plus elle avait
honte de sa prostration automatique, plus cela survenait dans sa vie actuelle. La honte
était elle-même devenue un déclencheur pour sa défense contre l’effondrement.

354 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Margaux et sa thérapeute découvrirent qu’une jeune partie était figée et qu’elle s’activait
quand Margaux était confrontée à quelque chose de sexuel. La partie enfant n’était pas
honteuse mais plutôt craintive, tandis que Margaux était celle qui était honteuse du
comportement de l’enfant et de la peur.

1.6. Honte cachée


La nature de la honte est de cacher, de se protéger de la vulnérabilité de l’expo-
sition. Malheureusement, c’est contraire à la thérapie, qui est, par nature, cen-
trée sur la connexion relationnelle et sur l’exposition de ce qui est caché. Cette
dissimulation peut être consciente mais beaucoup plus souvent la honte est
simplement hors de la conscience des patients, qui ont réussi à se la cacher si
bien qu’ils ne se rappellent plus des souvenirs qui l’expliquent. Les expériences
qui provoquent une honte chronique sont dissociatives et non accessibles au
patient (p. ex. DeYoung, 2015 ; Hill, 2015 ; Kluft, 2013). Même si les parties
dissociatives sont connues du patient, ces expériences peuvent être séquestrées
et indisponibles. Le thérapeute doit être extrêmement attentif pour recon-
naître la honte afin que ces expériences puissent être dévoilées et résolues,
autrement elles continueront à exercer une influence toxique sur les patients.

CONCEPT CLÉ

La nature de la honte est d’être cachée. Il n’est peut-être pas évident pour le thérapeute
que le patient soit honteux et le patient lui-même peut l’ignorer. Le thérapeute doit de-
venir un expert de la reconnaissance du langage verbal et corporel de la honte, de ses
paramètres cognitifs et des déconnexions relationnelles qui la signalent.

1.7. La honte déclenchée par la thérapie


La honte peut être provoquée par des événements apparemment anodins et
normaux dans la thérapie. Par exemple, lorsque le thérapeute est quelques
minutes en retard ou peut-être fatigué, le patient peut non seulement se sentir
en colère mais interpréter le retard comme ne pas valoir la peine que le théra-
peute lui consacre du temps ou de l’attention et se sentir honteux. Le besoin
fondamental du patient d’aide ou de soutien de la part du thérapeute peut
provoquer de la honte. En fait, Dalenberg (2000) a noté dans sa recherche que
les patients rapportent un sentiment de honte dans la thérapie le plus souvent
en réponse à leur propre dépendance au thérapeute. La dépendance laisse le
patient dans un statut « plus bas » que le thérapeute, vulnérable aux caprices
du thérapeute. Certains déclencheurs de la honte dans la thérapie incluent :
• Se sentir rejeté ou critiqué par le thérapeute (réel ou perçu).

Approches intégratives de la honte 355


• Ne pas savoir donner une réponse à une question ou être incapable
d’avoir une compétence ou de faire une activité recommandée par le
thérapeute.
• Se sentir abandonné ou négligé par un thérapeute fatigué ou inattentif.
• Expérimenter le désaccordage, perçu ou réel.
• Se sentir incapable de trouver les mots ou de parler en séance ; être
incapable de penser clairement.
• Avoir des émotions, des pensées, sensations ou fantasmes en séance
que le patient croit inacceptables ou croit que le thérapeute pense
inacceptables.
• Se souvenir d’une expérience honteuse en présence du thérapeute.
• Partager une expérience de honte en présence du thérapeute.
• Faire une erreur ou croire qu’une erreur a été commise.
• Avoir besoin de l’aide du thérapeute (peut impliquer que le patient est
incompétent ou inadéquat et installer une situation possible de critique
ou de rejet).
• Se sentir jugé (implicitement ou explicitement) par le thérapeute ou
un feed-back négatif.
• Se sentir disqualifié lorsque le thérapeute refuse une demande du
patient, comme le contact physique ou des séances supplémentaires.
• Avoir à attendre le thérapeute, parce que cela provoque un sentiment
d’impuissance et un sentiment de rejet (p. ex. le thérapeute est en
retard à la séance ou ne rappelle pas immédiatement après un appel
téléphonique du patient).

Lorsque les patients disent au thérapeute qu’ils ne « peuvent pas » faire


quelque chose et se sentent honteux implicitement, le thérapeute est souvent
amené à les rassurer : « Oui, vous le pouvez. J’ai foi en vous. » Mais à un niveau
émotionnel, cela peut ne pas tenir compte de leur sentiment profond d’inadé-
quation et d’inefficacité, les laissant seuls avec ces sentiments envahissants.
Au lieu de cela, le thérapeute peut s’interroger : « Comment avez-vous appris,
ou savez-vous que vous ne pouvez pas ? » Ou « Oui, vous ne pouvez pas main-
tenant parce que vous n’avez pas encore appris à le faire. Travaillons là-dessus
pour que vous vous sentiez capable de le faire. »
Le thérapeute devrait apprendre les réactions singulières de honte du
patient et être capable de les reconnaître en séance. Par exemple, lorsque des
patients s’engagent dans les défenses contre la honte (cf. Nathanson, 1992),
les thérapeutes peuvent remarquer que quelque chose a changé. Ils peuvent
alors demander si peut-être ils ont fait quelque chose pour provoquer la décon-
nexion chez le patient (DeYoung, 2015). Cette approche ne place pas le blâme
chez le patient et offre une approche ouverte et curieuse sur ce qui pourrait

356 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


être arrivé. Il est important initialement que les thérapeutes ne soient pas trop
directs dans la mention de la honte car cela peut submerger le patient (Dorahy
et al., 2015). Bien plutôt, les thérapeutes peuvent parler du sentiment d’être
déconnecté, mortifié, éteint et ainsi de suite.

&YFNQMFEFDBTEFIPOUFQSPWPRVÏQBSMBUIÏSBQJF$ISJTUJOF

Christine était en train de parler avec sa thérapeute à propos de sa mère, qui lui faisait
rarement un compliment ou disait rarement quelque chose de bien à son sujet. Tandis
que Christine faisait ce récit, elle s’est interrompue soudainement et a rompu le
contact visuel avec la thérapeute. Elle dit : « Une partie de moi souhaite que vous
sachiez que j’ai été faire du shopping hier. » La thérapeute a cru que cela signifiait
un évitement du sujet et ainsi elle a gentiment suggéré qu’elle et Christine continuent
de parler de ses expériences avec sa mère. Christine a semblé se renfermer et est
devenue silencieuse. Elle baissa la tête et resta immobile. La thérapeute identifia
qu’une forme de rupture venait de survenir. Elle demanda à Christine : « Je remarque
que quelque chose est survenu qui a semblé nous déconnecter. Je me demande s’il
y a quelque chose que j’ai dit ou fait pour que vous vous sentiez dans le besoin de
déconnecter ? » Christine leva finalement les yeux et répliqua : « La petite Christine
est contrariée parce que vous ne souhaitez pas entendre parler de sa petite virée
shopping. »
La thérapeute commença à expliquer pourquoi elle avait arrêté la conversation sur le
shopping mais décida qu’elle suivrait un peu plus les dynamiques relationnelles. « Ainsi,
lorsque j’ai dit que nous devions recommencer à parler de votre mère, cette partie de
vous s’est sentie réellement invalidée et non écoutée, est-ce correct ? » Christine opina
du chef avec des larmes coulant sur son visage. Le thérapeute dit : « Alors, cette partie
de vous qui est la petite Christine peut-elle remarquer qu’on se rend compte toutes
les deux qu’elle s’est sentie si dévalorisée ? Peut-elle entendre que je suis vraiment très
désolée parce que je réalise que je dois avoir raté quelque chose d’important ? J’imagine
à quel point cela doit être douloureux pour elle. » Christine opina à nouveau du chef.
Et avec une voix tranquille, elle déclara : « Et pour moi aussi. » Le thérapeute dit : « Oui,
pour vous aussi. Comme cela doit être douloureux de ne pas être vue par moi. Et
combien cela a dû être douloureux de ne pas avoir été vue par votre mère. » Encore
plus de larmes vinrent à Christine qui commença à sangloter. La thérapeute était à côté
d’elle, faisant savoir à Christine qu’elle était présente à sa peine. Christine leva finalement
les yeux et dit tranquillement : « Vous avez raison. » La honte de Christine commença
à se réparer par la reconnexion avec la thérapeute, qui pouvait reconnaître la honte
sans jamais l’avoir énoncée.
À la séance suivante, Christine et sa thérapeute furent capables de revisiter la dernière
séance et Christine put expliquer que son trip shopping était actuellement relié au fait
de parler au sujet de sa mère dans l’esprit de la petite Christine. Christine avait acheté
une belle robe comme une étape supplémentaire dans la manière de se traiter avec
gentillesse et Petite Christine désirait partager cela avec la thérapeute comme une
source de fierté dans ses progrès. La méconnaissance et la dévalorisation de la part de
la thérapeute de sa fierté et de sa compétence avaient provoqué de la honte. Il aurait
peut-être été plus efficace de demander d’abord l’aide de Christine pour comprendre
qu’aller faire du shopping était enrelation avec le fait de parler au sujet de sa mère.

Approches intégratives de la honte 357


Au lieu de cela, la thérapeute tira ses conclusions rapidement, ce qui rendit honteuse
la patiente. Heureusement, la thérapeute répara la rupture de telle façon que Christine
et petite Christine furent capables de continuer à montrer plus de compassion l’une
pour l’autre. Ainsi, elles réalisèrent plus complètement l’incapacité de leur mère à
exprimer de la bienveillance à l’égard de Christine. Remarquez que la honte a été prise
en considération sans une confrontation ou une mention directe en travaillant avec
l’expérience ressentie de la relation thérapeutique.

1.8. Défenses contre la honte


Nous nous engageons tous dans une défense contre la honte à certains
moments. Cependant, lorsque ces défenses deviennent chroniques, elles
font problème. La boussole de la honte selon Nathanson est une aide consi-
dérable pour comprendre comment nous réagissons à la honte (DeYoung,
2015 ; Kluft, 2006 ; Nathanson, 1992, 1997). Nathanson décrit quatre scé-
narios défensifs qui aident à éviter la honte : l’attaque de soi-même, l’attaque
des autres, l’isolement vis-à-vis des autres et l’évitement des expériences
intérieures. Ce sont ces scénarios-là qui sont en jeu dans les cas cités au
début du chapitre.
Chaque partie dissociative peut avoir sa propre approche de la honte. Une
partie imitant l’agresseur attaque d’autres parties à l’intérieur ou d’autres per-
sonnes à l’extérieur. Une partie enfant traumatisée peut croire qu’elle est à blâ-
mer pour son abus sexuel en s’attaquant elle-même. Certaines parties évitent
d’autres gens en étant plus impliquées dans le travail ou bien ont un style d’at-
tachement rejetant dans le but d’éviter la honte. La dissociation est un échec
intégratif qui peut être utilisé en conséquence comme une stratégie d’évite-
ment majeure pour échapper à la honte. Toutes les parties évitent au moins
certaines expériences intérieures de peur d’être honteuses d’elles. Le théra-
peute trouvera peut-être utile de dresser la carte de la manière dont chaque
partie du patient compose avec la honte en attaquant le soi, en attaquant les
autres (y compris d’autres parties), en évitant l’expérience intérieure ou en
s’isolant des autres (y compris d’autres parties à l’intérieur).

CONCEPT CLÉ

Nous nous défendons contre la honte à l’aide de quatre stratégies fondamentales : (a)
nous attaquer à nous-mêmes comme mauvais, incompétents ou inadéquats ; (b) attaquer
les autres comme mauvais, incompétents ou inadéquats ; (c) éviter les expériences inté-
rieures qui provoquent la honte ou éviter les sentiments de honte eux-mêmes ; et (d)
éviter le contact avec les autres pour prévenir la survenue des expériences de honte
(Nathanson, 1987). Le thérapeute doit être capable de reconnaître et de s’occuper de ces
défenses.

358 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


1.9. La honte du thérapeute
Les thérapeutes sont pris dans une sorte de dilemme lorsqu’ils travaillent avec
la honte. D’un côté, ils sont supposés aider le patient par rapport à sa honte,
c’est-à-dire que le thérapeute devrait être compétent. D’un autre côté, ils res-
sentent quasi généralement, à un moment ou un autre, un sentiment d’être
profondément incapables de s’occuper des besoins des patients qui ont des
difficultés si nombreuses et complexes. Plus spécifiquement, s’occuper de la
honte des patients peut constituer pour eux un défi extraordinaire. En outre,
des patients peuvent projeter leur honte sur le thérapeute et, en effet, la honte
peut être le bain dans lequel le thérapeute et le patient sont immergés à leur
insu, invisible mais étouffante.
Les thérapeutes doivent avoir leurs propres réactions face aux défenses du
patient contre sa propre honte et face à la honte du patient et ils peuvent se
sentir honteux face à ces réactions. Finalement, les thérapeutes peuvent ne
pas avoir travaillé leur propre honte à un degré suffisant. Donc, inévitable-
ment, le thérapeute ressentira de la honte à certains moments du traitement
du trauma complexe (Dalenberg, 2000 ; DeYoung, 2015). Nous devons faire
de notre mieux pour reconnaître et travailler avec notre honte, devenant plus
volontaires et capables de nous l’approprier en séance (DeYoung, 2015).

2. Comment travailler avec la honte


Dans le film Good Will Hunting (Bender et Van Sant, 1997), Sean McGuire est
un thérapeute peu orthodoxe qui prend en charge un jeune homme sous-perfor-
mant, dédaigneux, dur et brillant, Will Hunting. Will est profondément hon-
teux et très protégé contre sa honte. Dans une scène, le thérapeute confronte
Will (et ce n’est pas une intervention thérapeutique recommandée) sur son
histoire terrible d’abus, que Will a toujours évitée. Sean commence à répéter
et à répéter : « Ce n’est pas ta faute. » Will répond d’abord en disant : « Je
sais, je sais. » Mais Sean continue de répéter. Will recule comme s’il évitait ses
émotions et McGuire continue de dire : « Ce n’est pas ta faute. » Il comprend
que la reconnaissance par Will que ce n’est pas sa faute sonne creux et exprime
surtout un jugement cognitif plus qu’une véritable croyance. Finalement, Will
se met en colère et s’effondre en larmes, acceptant enfin que, en effet, son abus
n’était pas sa faute. C’est le grand tournant pour lui dans le film, qui ouvre la
porte à ses relations à risque.
Si seulement la résolution de la honte était aussi rapide et facile ! Malheu-
reusement, elle ne l’est pas. Beaucoup de thérapeutes ont essayé cette approche
cognitive en cherchant à convaincre les patients qu’ils ne sont pas en faute et
n’ont pas de raison d’être honteux. Non seulement cette approche est la plu-
part du temps inefficace, mais elle laisse les patients complètement seuls et non

Approches intégratives de la honte 359


rencontrés dans leur vécu de honte. Les patients ressentent qu’ils ont tort de
se sentir honteux, ce qui ne fait qu’augmenter leur sentiment d’incompétence
et d’inadéquation. En plus, le patient qui ressent de la honte vit un ralentisse-
ment ou une extinction cognitive de sorte que les interventions cognitives ne
sont souvent d’aucune aide. Les traitements basés sur l’exposition qui peuvent
être utiles avec la peur ne peuvent qu’enraciner ou exacerber davantage la
honte, qui peut être plus efficacement approchée quelque peu indirectement
(Dorahy et al., 2015) ou d’une manière graduée (Kluft, 2013). Cela revêt de
nombreuses implications pour le traitement.
Il existe de nombreux points d’entrée dans le travail de la honte. Elles
peuvent être cognitives, émotionnelles, sensorielles, imaginaires ou relation-
nelles. Plusieurs approches sont discutées ci-dessous.

2.1. Principes généraux de travail avec la honte


Puisque la honte est une émotion si puissamment débordante et jetant dans l’iso-
lement, il est très difficile d’avoir sur elle une perspective réaliste. Cliniquement,
le thérapeute doit alors créer l’environnement relationnel le plus sécurisé possible
avant que la honte puisse être traitée en thérapie. À n’importe quel moment du
sentiment de honte, les patients humiliés, embarrassés ou vulnérables peuvent se
déconnecter d’eux-mêmes et du thérapeute. Donc le thérapeute doit être forte-
ment en résonance avec les signes à la fois implicites et explicites de la honte et
avec d’autres émotions de malaise qui peuvent mener à la rupture relationnelle.

Reconnaître la honte. Les signes classiques de honte sont le regard abaissé,


la perte du contact visuel, la tête penchée ou détournée, la rougeur de la peau,
se courber ou d’autres efforts pour rendre le corps plus petit et moins visible,
se couvrir les yeux ou le visage avec les mains, le rougissement, un tonus mus-
culaire ou une posture raides ou effondrés, un ralentissement du langage ou un
mutisme et des nausées. Certains décrivent l’expérience d’avoir de la glace ou
de l’eau glacée dans leurs veines, avec une sensation de froid ou de gel. D’autres
décrivent une boule ou un serrement dans leur ventre, quelque chose d’associé
souvent à la peur ou à une intense anxiété. Certains décrivent une expérience
de dépersonnalisation avec une vision en tunnel ou une décorporation. Des
patients peuvent être soit en sous-, soit en sur-activation. Ils peuvent soudai-
nement s’engager dans une des défenses contre la honte : attaque de soi ou des
autres, y compris le thérapeute ; retrait ; ou évitement de l’expérience inté-
rieure. Lorsque le thérapeute croit que la honte a été provoquée en séance, il
devrait immédiatement porter son attention sur la déconnexion relationnelle.

Ralentir quand la honte est provoquée. Lorsque les patients se sentent


honteux, ils sont dans un état de sensibilité exacerbée et ont un degré d’extinc-

360 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


tion cognitive. Dans le but d’être réellement avec le patient, les thérapeutes
ont besoin de tout ralentir. Ils devraient parler plus lentement avec seulement
quelques phrases bien pensées à la fois. Les questions peuvent être modifiées
pour être ouvertes, ce qui nécessite moins de temps de parole de la part des
patients au moment où ils peuvent être incapables de beaucoup parler ou de
penser clairement. Le but est d’abord d’aider le patient à retourner à la fenêtre
de tolérance et de maintenir l’interaction à l’intérieur de cette fenêtre, sans
sur-activer la honte ni l’ignorer, tout en permettant au patient et au thérapeute
de capter ce qui est en train de se passer.

CONCEPT CLÉ

La honte crée une extinction cognitive. Le thérapeute devrait prendre un rythme lent
quand il s’en occupe, avec un débit de parole plus lent et plus simple, des pauses, un suivi
soigneux des réactions du patient, un ajustement en conséquence et un rythme très res-
pectueux.

Lier la honte à l’expérience vécue. Si les patients sont prêts et capables, le


thérapeute peut avec douceur lier la honte du présent aux vécus du passé. Si
le patient n’est pas encore prêt, le thérapeute peut demander si le sentiment
est familier au patient selon une approche plus prudente. Il n’est pas utile de
provoquer de manière directe des souvenirs de honte jusqu’à ce que le patient
puisse la tolérer et que le patient et le thérapeute soient prêts pour cela. Les sou-
venirs de honte sont expérimentés de la même façon que les autres souvenirs
traumatiques (Matos et Pinto-Gouveia, 2010 ; Pinto-Gouveia et Matos, 2011)
et l’évocation prématurée peut mener le patient à être submergé. Cependant,
la conscience que le patient ressent quelque chose de familier issu du passé
l’aide à s’ancrer et lui donne une perspective sur la honte plutôt que d’être pro-
fondément enfoncé dans l’expérience : « Je ressens quelque chose de familier
de mon passé » versus « Je suis une horrible personne qu’on ne peut aimer ».

CONCEPT CLÉ

La honte est vécue comme un souvenir traumatique avec intrusion, évitement et éveil
(Matos et Pinto-Gouveia, 2010). Ainsi, le thérapeute doit veiller à ne pas l’évoquer sans
une préparation soigneuse et, lorsque c’est nécessaire, sans un dosage adapté.

Travailler avec la honte dans les parties dissociatives. La honte est la


raison principale pour laquelle des parties restent phobiquement évitantes les
unes envers les autres. La honte est donc une barrière à la communication et
à la coopération internes et, finalement, à l’intégration. Le thérapeute devrait
prudemment explorer le rôle de la honte dans le maintien de la séparation

Approches intégratives de la honte 361


des parties. Par exemple, un homme, qui avait une partie enfant qui pleurait
la nuit, était mortifié de se réveiller en larmes. Il ressentait cela comme une
émasculation et était furieux contre sa partie enfant. Il était donc engagé dans
la défense contre la honte de type « attaquer l’autre ». Cela prit longtemps en
thérapie pour qu’il puisse commencer à tolérer cette partie de lui-même.
La honte est une dynamique qui maintient des interactions inadaptées entre
les parties dissociatives. Il y a presque toujours des parties humiliantes et des
parties honteuses qui interagissent en dessous de la surface dissociative, créant
une dysphorie intense. Comme DeYoung (2015) l’a remarqué, cela survient
tout le temps pour les patients. Interrompez ce cycle en aidant les patients à
être curieux des parties et de leurs modes d’interaction et en encourageant les
patients (ou des parties d’eux-mêmes) à apprendre à accepter et à travailler
avec des parties qui sont honteuses ou qui sont humiliantes. Des parties humi-
liantes sont souvent des parties hostiles, spécialement des parties qui imitent
l’agresseur. Le chapitre 17 se concentre sur le travail avec ces types de parties.

2.2. Être avec la honte : une approche relationnelle


La honte est surmontée au fur et à mesure qu’elle est maintenue dans la com-
passion et la sécurité du lien relationnel lorsque les patients ressentent l’accord,
l’acceptation et la compassion pour les parties les plus sombres, les plus désa-
vouées d’eux-mêmes (Brown, 2009, 2012, 2015 ; DeYoung, 2015). D’abord et
avant tout, les thérapeutes doivent être prêts à entrer complètement dans le
monde obscur de la honte avec leurs patients, à entendre et à ressentir com-
ment c’est d’être si honteux (sans essayer de les dissuader de leur honte), et à
avoir de la compassion et de l’empathie. La honte ne peut pas être bannie avec
des mots mais doit être invitée à faire partie de l’ensemble de notre propre
expérience humaine et de celle de nos patients. Nous devons être avec nos
patients dans leur expérience de la honte et avec notre propre expérience de la
honte, et l’accepter, ce qui est un fameux défi (DeYoung, 2015). Cependant,
le patient profondément honteux est celui qui ne peut tolérer la connexion au
moment présent. Remarquez que dans les exemples de ce chapitre, la honte n’a
pas toujours besoin d’être nommée explicitement.

CONCEPT CLÉ

Le contact direct avec le patient profondément honteux peut être envahissant et deman-
der un contact visuel peut s’avérer aliéner davantage le patient. Les interventions rela-
tionnelles initiales peuvent être plus indirectes comme l’empathie pour les effets de la
honte ou l’exploration de la manière dont le patient gère la honte, plutôt que se concen-
trer sur l’émotion elle-même.

362 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Tandis que la honte modérée répond aux interventions relationnelles
directes, la honte profonde peut nécessiter davantage de circonspection et
d’approches indirectes. Le thérapeute doit trouver le degré optimal de proxi-
mité et de distance que le patient peut tolérer à chaque moment. Par exemple,
il arrive parfois que demander à un patient très honteux d’établir un contact
visuel direct avec le thérapeute peut s’avérer beaucoup trop douloureux, pro-
voquant des défenses plutôt que l’engagement social.
Le thérapeute peut inviter les patients à partager plus sur le conflit entre le
besoin de rester caché, isolé tout en désirant ardemment se connecter et être
accepté. L’empathie pour la solitude incroyable et la douleur de la honte peut
être utile, puisqu’elle met l’accent sur les résultats de la honte plutôt que sur la
honte elle-même, tout en reconnaissant entièrement l’émotion.

2.3. La psychoéducation
La psychoéducation peut servir à procurer un cadre cognitif utile pour com-
prendre la raison pour laquelle des patients peuvent se sentir honteux et pour
comprendre les comportements ou sentiments qu’ils craignent être inaccep-
tables. Cependant, le moment opportun est important. Dans les phases pré-
coces de la thérapie, certains thérapeutes peuvent donner un peu d’éducation
dans le cadre d’un enseignement plus général sur les émotions et leurs fonc-
tions et sur la façon dont le traumatisme relationnel provoque tant de honte.
Normaliser l’expérience de la honte est essentiel étant donné que beaucoup de
patients se sentent honteux d’être honteux.
Le thérapeute peut faire allusion à la possibilité que la honte surgisse pen-
dant la thérapie et, le cas échéant, le patient devrait savoir que c’est normal,
attendu et que le thérapeute peut leur apporter une aide. Pour soutenir cela,
le thérapeute peut partager une anecdote (réelle ou factice) de quelqu’un qui
a vécu la honte, en suivant pendant tout ce temps la réponse non verbale du
patient et en ajustant l’intervention. Beaucoup de patients ressentent un peu
de soulagement en sachant que d’autres, y compris le thérapeute, vivent aussi
la honte comme un défi. Il se peut que certains patients n’aient jamais consi-
déré qu’ils ressentent de la honte, l’étiquetant autrement ou seulement comme
faisant partie d’une série de sentiments dysphoriques.
Cela pourrait servir les patients d’avoir la notion que les défenses animales
ne sont pas des choix mais des réactions automatiques au danger et que l’ex-
citation sexuelle est naturelle quand le corps est stimulé, qu’on le veuille ou
non. Les patients doivent aussi savoir que la honte est une réaction naturelle
à l’impuissance, la détresse et la blessure. Un peu plus tard dans la thérapie,
expliquer la boussole de la honte (Nathanson, 1992, 1997) peut aussi aider
les patients à reconnaître leurs réactions à la honte et à les voir aussi chez
les autres. Cela peut les aider à éprouver plus de compassion envers les parts

Approches intégratives de la honte 363


dissociatives qui s’engagent dans des défenses, comme l’attaque intérieure du
patient ou le rejet de la relation thérapeutique.

2.4. Approches cognitives


Les approches cognitives de la honte ciblent des croyances et des schémas spé-
cifiques qui y sont reliés. Cela peut inclure des jugements comme : « Je suis sans
valeur ; je ne mérite rien de bien ; si vous me connaissiez réellement, vous seriez
tellement dégoûté ; je suis né mauvais. » Une fois que ces énoncés sont clairs
pour le thérapeute, il existe une myriade de façons de travailler sur eux. Remettre
en question les croyances du style tout ou rien et les surgénéralisations est la pre-
mière étape évidente. Cependant, les patients ne trouvent pas souvent cela très
utile car c’est le ressenti de la croyance qui est ancré et ils la vivent comme vraie.
Il peut être plus avantageux de soutenir les patients à observer leurs croyances
avec distance. Ainsi, ils peuvent plutôt les observer comme des croyances que
les vivre comme des vérités. Le ressenti de la croyance dans le corps peut être
une entrée dans la résolution. Des questions inattendues peuvent parfois servir à
aider les patients à mettre davantage les choses en perspective lorsqu’elles sont
faites prudemment, au moment voulu, de façon à être tolérées et lorsqu’elles sont
posées avec respect. Par exemple, le thérapeute peut dire : « Vous me dites que
vous ne méritez rien de bien. Je suis curieux, qui a décidé que vous ne méritez
rien de bien ? Vraiment rien du tout ou seulement certaines choses ? Comment
supposez-vous que soient décidées les bonnes choses dont vous pouvez disposer
et celles dont vous ne pouvez pas disposer ? » Ces questions peuvent induire de la
confusion chez le patient, ce qui est l’expérience initiale de la dissonance cogni-
tive. Comme les patients commencent à s’étonner de leurs croyances rigides
basées sur la honte, le thérapeute peut découvrir d’autres entrées dans le travail
sur la honte, comme discuté plus bas.
Diverses approches TCC de troisième génération qui vont au-delà de la
technique d’exposition ont été utilisées pour diminuer la honte. Cela inclut
la Thérapie Dialectique Comportementale (Linehan, 1993, 2014), la psycho-
thérapie analytique fonctionnelle (FAP ; Kohlenberg et Tsai, 2012 ; Tsai et
Kohlenberg, 2009) et la Thérapie de l’acceptation et de l’engagement (Hayes,
Strosahl et Wilson, 2011). Il est vraisemblable que la compassion et l’accep-
tation qui sous-tendent toutes ces approches soient ce qui aide le mieux les
patients à réduire la honte (Luoma et Platt, 2015). Bien sûr, ces approches
ne sont pas strictement cognitives, même si elles sont étiquetées comme des
approches cognitives. Elles comprennent la pleine conscience, qui est bien plus
une activité sensorielle, et la compassion qui est une approche relationnelle.

Thérapie dialectique comportementale (TDC). Un travail a été réalisé


pour aider les patients à utiliser la ressource TDC de l’action opposée dans la

364 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


gestion de la honte (Rizvi et Linehan, 2005). Le but est d’aider les patients à
diminuer leur engagement dans la défense contre la honte, comme l’isolement
ou l’attaque de soi ou de l’autre. Les patients pourraient plutôt être encouragés
dans l’action inverse. Par exemple, ils peuvent exprimer leur compassion pour
une partie dissociative d’eux-mêmes même s’ils ne la ressentent pas, seulement
en faire l’essai comme une expérimentation de ce que cela pourrait être de
l’éprouver. Ils peuvent rechercher une connexion avec un autre en qui ils ont
confiance ou avec une autre partie dissociative, même s’ils peuvent souhaiter
éviter le contact. Le thérapeute peut aider le patient à explorer ce qui arrive
quand une action opposée est envisagée ou prise et si cela aide à diminuer la
honte ou non. Bien que cela puisse aider, il est crucial que l’expérience de
la honte ne soit pas dévalorisée au cours du processus. Il faudrait porter une
attention particulière au ressenti du patient lorsqu’il tente une action, autre-
ment cela risque d’être invalidant. Des suggestions d’actions opposées, comme
toutes les interventions, devraient être proposées dans un esprit compassion-
nel et curieux, le thérapeute invitant les patients à explorer simplement, sans
porter de jugement, ce qui se passe.

La psychothérapie analytique fonctionnelle. La psychothérapie analytique


fonctionnelle se concentre sur les comportements des patients en séance, par-
ticulièrement dans la relation thérapeutique. Les antécédents de honte dans
la relation, c’est-à-dire ce qui déclenche la honte dans la relation avec le thé-
rapeute, sont examinés de près. Les patients sont encouragés à s’engager dans
des comportements compassionnels qui réduisent leur honte (Koerner, Tsai et
Simpson, 2011).

La thérapie par l’acceptation et l’engagement. On a démontré l’amélio-


ration de la honte par l’ACT (Luoma et Platt, 2015). L’ACT insiste sur la
compassion pour soi-même et la défusion qui inclut l’observation de sa propre
expérience sans jugement et avec une pensée réflexive. Elle met aussi l’ac-
cent sur le soi comme contexte. C’est le soi observant qui est séparé de ce qui est
observé. Par exemple, lorsqu’une patiente observe ses propres émotions, elle
remarque qu’elle observe ses sentiments plutôt que d’« être ses sentiments ».
Les interventions du soi comme contexte incluent des observations en
pleine conscience qui augmentent les manières adaptées et compassionnelles
du patient d’entrer en relation à soi (et donc aussi avec parties dissociatives)
tout en mettant aussi l’accent sur ses relations aux autres ou au moins au thé-
rapeute. Le thérapeute aide également le patient à se centrer sur les valeurs
relationnelles, c’est-à-dire ce qui est important pour les patients dans leurs
relations. Les valeurs peuvent inclure la sécurité, la bienveillance ou l’écoute.
Les patients sont encouragés à appliquer ces valeurs aux façons dont ils se
traitent et se voient eux-mêmes (Luoma et Platt, 2015).

Approches intégratives de la honte 365


La thérapie centrée sur la compassion. Bien que la thérapie centrée sur
la compassion soit considérée comme une approche TCC, c’est en fait bien
davantage. La thérapie centrée sur la compassion a émergé non seulement de
la théorie cognitive mais aussi des psychologies sociale, développementale,
évolutionnaire et bouddhiste et également de la neuroscience (Gilbert, 2009).
Dans cette approche, le thérapeute aide les patients à vivre la sécurité dans les
interactions thérapeutiques, à apprendre à tolérer et à se sentir en sécurité avec
tout ce qui émerge de la thérapie et à apprendre à remplacer l’autocritique par
l’autocompassion (Gilbert, 2009, 2011). Le thérapeute commence à travail-
ler avec la honte en exprimant constamment les attributs de la compassion,
notamment :
• la motivation à s’occuper du bien-être du patient ;
• la sympathie, être émotionnellement touché par la souffrance et le
vécu du patient ;
• l’empathie, comprenant la mentalisation, la compréhension qui sous-
tend les comportements du patient et sa détresse ;
• la tolérance à la détresse, être capable de tolérer et d’être avec les vécus
du patient plutôt que les éviter ;
• la sensibilité à la détresse du patient et à ses besoins ;
• le non-jugement des vécus du patient, même si le thérapeute a des pré-
férences ou des perspectives différentes (Gilbert, 2009, 2011).

Le thérapeute, par l’exemple et par l’enseignement, aide les patients à


apprendre ces qualités, ainsi que des compétences spécifiques de compassion.
Ci-dessous, nous avons adapté ces compétences centrées sur la compassion
pour les utiliser avec des patients dissociatifs.
• L’attention de compassion : prendre en compte les forces ou les res-
sources positives.
0 Pouvez-vous remarquer que la partie coléreuse de vous est en train d’es-
sayer de vous protéger et donc doit être fortement concernée par votre
sécurité ? Pouvez-vous remarquer que peut-être cette partie de vous ne
se sent pas en sécurité du tout et à quel point elle doit se sentir dans la
frayeur ?
0 En essayant de vous connecter à cette petite partie enfant de vous-même,
pouvez-vous offrir à vous-même un peu d’encouragement et de compas-
sion pour la pénibilité que tous ces sentiments vous procurent ?
0 D’autres parties peuvent-elles remarquer le courage que vous avez d’es-
sayer de travailler sur votre honte ?
0 Pouvez-vous me sentir avec vous, vous encourageant et vous soute-
nant quand vous essayez de connaître cette partie de vous qui se sent si
honteuse ?

366 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


• Le raisonnement de compassion : être capable d’avoir un raisonne-
ment plus équilibré, tempéré avec gentillesse et compassion, ce qui
implique que ce qui a été appris peut être désappris.
0 Vous me dites que vous êtes mauvais. C’est si douloureux. Pouvez-vous
m’aider à comprendre comment vous avez appris être si mauvais ?
0 Même si vous haïssez cette partie sexuelle de vous pour ce qu’elle fait, je
me demande si vous pourriez aussi être capable de considérer avec com-
passion comment elle a pu en venir à apprendre ces manières d’entrer
en relation ?

• Le comportement de compassion : utiliser la chaleur, la compassion


et la gentillesse pour s’impliquer dans des activités difficiles (confron-
ter un souvenir traumatique douloureux ou aller à un entretien d’em-
bauche) ou s’engager dans des expériences positives qui soutiennent la
sécurité et la compassion
0 Quand vous commencez à penser comment approcher cette partie tout à
fait figée de vous qui se sent si désespérée et terrifiée, créons ensemble un
lieu de chaleur, de compassion et de respect pour vous-même, un espace
de sécurité et de courage. Pouvez-vous accomplir le prochain petit pas
pour simplement percevoir cette partie pendant que vous ressentez un tel
espace de compassion ?
0 Des parties de vous peuvent-elles prendre soin et éprouver de la compas-
sion envers cette partie figée de vous ? Peut-elle ressentir leurs bonnes
intentions avec les vôtres et les miennes, de façon à être baignée dans les
intentions bienveillantes et sereines ?

• La sensation de compassion : explorer les sensations d’être dans la


compassion.
0 Si vous ressentez ma compassion à présent, à quoi cela ressemble-t-il à
l’intérieur de vous ?
0 Si vous ressentez de la compassion envers cette partie de vous-même,
remarquez seulement ce qui se passe dans votre corps ; les sensations,
vos muscles, votre posture.
0 Remarquez maintenant, si vous éprouvez de la compassion pour ce que
la honte vous a fait ressentir dans toute votre vie, combien cela a été
pénible, combien cela vous a isolé. Prenez seulement note de votre com-
passion pour votre souffrance.

• Le sentiment de compassion
0 Pouvez-vous vous permettre de ressentir la compassion pour tout ce que
vous avez vécu ? Pour vos pensées ? Pour ce que vous ressentez dans
votre corps ? Pour des parties de vous ? Pour vos combats ?

Approches intégratives de la honte 367


0 Pouvez-vous expérimenter de la compassion quand vous pensez à
d’autres parties de vous, même si vous pourriez aussi être effrayé ou
hésitant ? Combien c’est important de réaliser que chaque partie de vous
a un rôle particulier en vous aidant à survivre ?

Notez que ces approches faisant appel à la compassion peuvent évoquer


des émotions ou des parties dissociatives de sorte que le patient devienne
submergé, ce qui augmente la honte. Ou encore, elles peuvent stimuler des
besoins d’attachement que le patient ne peut peut-être pas encore intégrer, de
sorte qu’un suivi et un ajustement soigneux sont essentiels.

2.5. Les approches d’imagerie


La thérapie centrée sur la compassion utilise aussi l’imagerie d’une figure de
compassion en tant que ressource pour le patient. Les patients sont encouragés
à ajouter tous les attributs qui sont idéaux pour eux comme la compassion,
la sagesse, la force, le courage, l’amour, la compréhension et la perspective.
Toutes les parties peuvent être invitées à participer. Dans certains cas, cer-
taines parties dissociatives peuvent avoir besoin de leur propre figure idéale
unique. La figure n’a pas besoin d’être humaine. Certains patients préfèrent
un animal, un guide spirituel, un ange, Dieu, une fée marraine, mère ou une
bonne sorcière ou même un objet comme un arbre ou une pierre. Tout ce
que le patient peut évoquer comme compassionnel, sage ou utile peut être
utilisé. Plus ces images viendront du patient et non du thérapeute trop impa-
tient d’être créatif, plus efficaces seront-elles. Cependant, si le patient ne peut
amener aucune image, le thérapeute peut lui suggérer des exemples. Voici des
questions pour aider les patients à utiliser une figure idéale :
• Pouvez-vous imaginer une figure idéale qui aurait tous les attributs de la
compassion, de la sécurité et de la dignité, de la gentillesse et du respect ?
À quoi cette figure pourrait-elle ressembler ? Que pourrait vous dire cette
figure ? Que pourrait dire cette figure à d’autres parties de vous ?
• Pouvez-vous imaginer votre figure idéale de compassion allant vers ce petit enfant
effrayé à l’intérieur ? Que pourrait faire cette figure ? Que pourrait dire cette
figure ? Comment cette figure pourrait-elle être capable d’aider cet enfant ?
• Et ce petit enfant à l’intérieur, peut-il remarquer que la figure pleine de com-
passion, de sécurité, de chaleur, de gentillesse est en tout cas sans intention
de vous blesser ?
• Pouvez-vous imaginer une figure de compassion être avec vous tandis que
nous commençons à nous occuper de votre honte ? Que vous dirait cette
figure maintenant ? Comment cette figure vous encouragerait-elle main-
tenant, en vous offrant soutien et chaleur, bienveillance et compassion ?
Pouvez-vous ressentir tout cela de la part de votre figure ?

368 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


L’imagerie peut aussi être utilisée de bien d’autres façons. Le ressenti de
honte peut être combiné à l’imagerie pour aider les patients à concrétiser leur
expérience, à se distancier de la honte et à trouver de nouvelles voies vers la
résolution. Des patients peuvent décrire leur honte en termes de forme, taille,
couleur, texture et ainsi de suite. Ils peuvent dialoguer avec elle et noter seule-
ment si elle change et comment elle change tandis qu’ils sont avec elle.

&YFNQMFEFDBTEFUSBWBJMBWFDMJNBHFSJFEFMBIPOUF$PSJOOF

$PSJOOF  La honte est un mur de glace. Il m’enferme, loin de tout un chacun. C’est
froid, glissant ; je ne peux pas grimper dessus. Je pense que cela sent mauvais, comme
si quelque chose de pourri était enfermé dans la glace. La douleur, le rejet, le désespoir,
toutes ces mauvaises choses que j’ai faites, tout ce mauvais que je suis. L’idée même
d’être née et d’occuper de l’espace. C’est ce qui est dans la glace. C’est si haut que je
ne peux pas voir le ciel et si long que je ne peux pas en voir la fin. Il n’y a aucun moyen
de s’en sortir.
5IÏSBQFVUF  Hmm, froid, glissant, une odeur de pourriture. Restons avec cela pour
un moment. C’est d’accord ? Juste pour remarquer cela et accepter que c’est là ?
$PSJOOF Je déteste cela. Cela me tient loin de la vie. J’en frissonne.
5IÏSBQFVUF Oui, allez-y et frissonnez et notez ce qui arrive. Ne faisons aucun jugement
là maintenant et restons centrées avec notre compassion.
$PSJOOF  C’est froid comme un froid de solitude, vous comprenez ? Comme être
abandonnée dans le froid.
5IÏSBQFVUF Absolument, comme être abandonnée dans le froid, terriblement seule.
Je suis avec vous là-dedans. Notez seulement le frisson et le mur.
$PSJOOF (se serrant dans ses bras comme si elle essayait de se réchauffer) Je voulais de
l’amour. Juste être admise dans le cœur de quelqu’un. Si honteuse que personne ne
m’aime.
5IÏSBQFVUF Seulement y être admise. Ces mots sont si puissants : seulement y être
admise. Remarquez vos bras qui vous serrent pendant que vous avez le sentiment de
juste vouloir y être admise. Remarquez ce qui se passe ensuite.
$PSJOOF Je me sens si triste pour cette petite fille que j’étais. (En larmes et silencieuse
pendant un moment.) Je l’étreins pour le moment. Je peux la laisser entrer dans mon
cœur maintenant. (Pleurs et une longue pause.) J’ai plus chaud, comme si une braise
brûlait en moi-même.
5IÏSBQFVUF Ressentez ainsi que la braise embrase, ressentez la chaleur de vous laisser
entrer, d’être admise, sans vous sentir plus longtemps abandonnée dans le froid.
$PSJOOF (souriant) Oui ! Je peux la laisser entrer maintenant !

C’est une affirmation pleine de joie, ce que Pierre Janet appelait un acte de
triomphe (1925b), une action d’achèvement et d’intégration qui est remplie de
fierté, compétence et compassion.
Si ce n’est pas dans cette séance, alors dans une autre, le thérapeute peut
retourner à l’image du mur et à ses autres caractéristiques (glissant, odeur ter-
rible) et travailler de la même manière avec elles. La mauvaise odeur indique

Approches intégratives de la honte 369


que l’émotion de puanteur est active (Kluft, 2007, 2013 ; Tomkins, 1963). La
puanteur est étroitement reliée à la honte, tout comme le dégoût. La puanteur
et le dégoût sont, à l’origine, un moyen de protection de l’évolution contre les
aliments nocifs. La puanteur est une odeur nocive et est transcrite dans « Tu
pues ! » à un niveau relationnel. Le dégoût concerne un goût détestable et est
transcrit dans « Tu me rends malade ».
Certains patients, qui ont des problèmes avec n’importe quel type de visua-
lisation, sont incapables d’utiliser leur imagination. Dans ces cas, le thérapeute
peut aider le patient de manière plus concrète ; par exemple en l’aidant à dessi-
ner ou à construire une figure, à faire un collage d’attributs idéaux, à écrire des
caractéristiques idéales et les mettre dans une boîte, ou à utiliser une pierre ou
d’autres objets transitionnels.

2.6. Les approches somatiques et non verbales


Parce que la honte est une expérience de tout le corps qui comprend une émo-
tion catastrophique et de la déconnexion, des interventions cognitives sont
rarement suffisantes en elles-mêmes. Travailler avec le processus implicite, à
la fois dans la relation thérapeutique et somatiquement, peut être hautement
efficace car cela atteint ce que l’esprit est incapable ou réticent à saisir.

Travailler avec le sens corporel de la honte. Une manière aidante d’ap-


procher la honte est de se centrer sur le ressenti de la honte dans le corps.
Les patients peuvent être soutenus dans l’examen de leur sensation corpo-
relle, posture et mouvement plutôt que dans les interprétations cognitives de
la honte, peut-être davantage activantes. Dès lors que les composants phy-
siques eux-mêmes reflètent et entretiennent la honte, ces éléments somatiques
« attirent » le patient dans la honte. Si le patient ne remarque et ne change
pas ces corrélations somatiques, la honte peut devenir générale et être beau-
coup plus difficile à traiter et à résoudre.
Identifier les précurseurs somatiques de la honte peut aider les patients à
reconnaître le début du sentiment de honte avant qu’il ne « prenne le dessus ».
Ils peuvent apprendre à intervenir somatiquement en exécutant une action
alternative ou en implémentant une ressource somatique qui peut atténuer les
effets de la honte (P. Ogden, communication personnelle, 15 octobre 2015).
Le thérapeute peut demander aux patients de décrire des sensations associées
avec la honte comme : « J’ai mal à l’estomac ; mon cœur bondit dans ma poi-
trine ; je me sens comme dans un tunnel et je me sens loin. » Les tendances du
mouvement peuvent être explorées, par exemple : « Je veux me pelotonner ;
je veux tomber par terre ; je veux m’encourir et ne jamais revenir. » On peut
aider les patients à explorer les mouvements à l’extrême ralenti, en prêtant
attention à ce qui se passe lors des micromouvements plutôt qu’en essayant

370 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


d’achever le mouvement rapidement (Ogden et Fischer, 2015). Souvent, une
réalisation ou une ressource peuvent être trouvées en ralentissant le mouve-
ment. Par exemple, une patiente peut réaliser qu’elle souhaitait repousser son
abuseur mais que ses bras étaient maintenus baissés. Elle réalise donc ensuite
qu’elle voulait effectivement qu’il s’arrête mais qu’elle en a été empêchée, plu-
tôt que de croire qu’elle voulait que cela arrive ou qu’elle était seulement trop
passive pour faire quoi que ce soit.

Travailler avec le sens corporel de compassion, fierté et compétence en


tant que ressources. Certains proposent que l’antidote de la honte sont la fierté
et la compétence (Nathanson, 1992, 1997), tandis que d’autres disent que c’est
l’empathie et la compassion (Brown, 2009, 2012, 2015 ; Gilbert, 2009, 2011).
En fait, ces deux remèdes ne sont peut-être pas très différents, car la compétence
et la fierté chez l’enfant se manifestent dans le contexte d’un accordage com-
passionnel du parent. La fierté et la compétence sont des sentiments qui ne sont
pas isolés de ce que nous faisons ou accomplissons mais sont vécus lorsque nous
nous sentons comme aimables à travers les yeux de l’autre compassionnel. C’est
la condition humaine, paradoxale, que nous échouons, que nous sommes vulné-
rables et que nous n’avons aucun contrôle, mais que nous demeurons pourtant
aimables et compétents comme êtres humains. L’antidote à la honte est, donc,
la compassion, la compassion pour soi-même, la fierté et la compétence d’être
un être humain, le sentiment d’être acceptable et capable.
Le thérapeute peut aider les patients à se centrer sur l’expérience de s’être
senti autrefois compétent et fier d’un comportement à succès (p. ex., apprendre
à rouler à vélo, le sentiment agréable d’apprendre une compétence émotion-
nelle, réaliser un projet au travail). Le thérapeute éduque le patient à se centrer
sur le ressenti corporel de la fierté, la compétence ou l’adéquation, en insistant
sur les sentiments et les sensations positifs, les postures et les mouvements. Un
sentiment majeur de compétence devrait venir des expériences relationnelles
en thérapie. Les patients peuvent être encouragés à se centrer sur le ressenti,
par exemple d’être capables de se sentir plus confortables avec le thérapeute
ou d’être capables de parler d’un sujet difficile ou d’éprouver de la compassion
et compréhension pour une partie dissociative. Les thérapeutes peuvent sou-
tenir des sentiments de compétence et adéquation en suivant leurs indicateurs
physiques, comme une légère levée du menton, une respiration profonde, une
posture plus droite ou un contact visuel direct.
Cependant, le thérapeute est aussi avec les patients dans leur honte et leur
vulnérabilité d’une façon qui les aide à se sentir vus et acceptés de manière sereine.
Cela aide le patient à accepter avec compassion les échecs et la vulnérabilité
que tous les êtres humains partagent. Les thérapeutes reflètent automatique-
ment l’organisation physique du patient (et vice versa) et peuvent se retrou-
ver dans une posture effondrée ou voûtée, ce qui peut indiquer implicitement

Approches intégratives de la honte 371


au patient que le thérapeute est « avec » eux dans leur honte sans même le
verbaliser.
Un des défis dans l’aide aux patients à vivre ces expériences positives consiste
dans le fait qu’ils puissent être trop effrayés ou honteux pour se permettre de
ressentir quelque chose de positif. Ils peuvent croire qu’une expérience de
compétence annonce encore un autre échec. Ils peuvent implicitement être
effrayés de perdre le thérapeute s’ils ont trop d’expériences positives. Ces résis-
tances sont compréhensibles et peuvent être traitées avec compassion (voir
chapitres 11 et 12 pour suggestions).

Explorer et accomplir les défenses animales. Il a été dit précédemment que


des patients peuvent se sentir honteux soit de s’engager dans des défenses ani-
males, soit de ne pas faire ce qu’ils croient qu’ils auraient dû faire (Nathanson,
1987 ; Ogden et Fischer, 2015). L’accomplissement des défenses, à nouveau
de façon très ralentie avec une pleine conscience de « ce qui se passe » peut
donner au patient un sentiment de soulagement et de ressource. Par exemple,
un patient a pu être honteux de ne pas s’être enfui devant l’agresseur. Cette
tendance avait été inhibée parce que l’agresseur aurait puni le patient en tant
qu’enfant si ce dernier l’avait fait. Soutenir les patients à permettre à leur corps
de s’engager dans les mouvements de course, par exemple, en bougeant par-
fois seulement les jambes, peut offrir une réalisation du fait que les patients
ne pouvaient pas fuir, ou un soulagement du fait de sentir qu’ils pourraient
courir aujourd’hui si nécessaire. Les patients sont encouragés à prendre seule-
ment note de ce qui est arrivé sans jugement ou attentes (Ogden et al., 2006 ;
Ogden et Fischer, 2015). Lorsque le sens corporel d’être incapable d’exécuter
une réponse défensive active est une source potentielle de honte, l’exécution
de ces défenses au moment présent peut atténuer la honte associée au fait d’en
avoir été incapable par le passé.

2.7. EMDR
Les approches pour venir à bout de la honte avec l’EMDR (Eye Movement
Desensitization and Reprocessing, désensibilisation et retraitement par les
mouvements oculaires) ont été décrites par de nombreux cliniciens (p. ex.,
Balcom, Call et Peralman, 2000 ; Gonzalez et Mosquera, 2012 ; Knipe, 2009a,
2014 ; Leeds, 1998). Une des grandes valeurs de l’EMDR est qu’il peut aider
les patients à accéder et à venir à bout de questions qui sont non verbales
ou trop envahissantes pour être verbalisées du moment que le thérapeute sait
comment travailler à l’intérieur de la fenêtre de tolérance avec le patient. On
a démontré que l’EMDR peut diminuer l’expérience de honte chez certains
patients (Balcom, Call et Pearlman, 2000). Leeds a préconisé l’installation de
ressources à titre de précurseur à l’approche directe des émotions anxiogènes

372 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


comme la honte. Tandis que le protocole standard de l’EMDR peut être trop
déclencheur à utiliser directement avec la honte relationnelle profonde, des
approches modifiées peuvent être utilisées. Par exemple, Knipe (2009a) cible
l’évitement phobique (résistance) à changer une croyance (p. ex., « Je suis
mauvais dans le fond ») ou le sentiment de honte en demandant : « Qu’y a-t-il
de bien et comment cela vous aide-t-il… à croire que vous êtes mauvais, ou
à éviter la honte ? » La stimulation bilatérale est ensuite utilisée. Les unités
subjectives de détresse (SUDs) peuvent être utilisées pour suivre la diminu-
tion d’intensité des croyances négatives et la croissance des croyances posi-
tives : « Sur une échelle de 1 à 10, jusqu’à quel point avez-vous la croyance
d’être mauvais jusqu’au plus profond ? Jusqu’à quel point croyez-vous que vous
n’êtes pas en faute ? » À nouveau, la stimulation bilatérale est utilisée à chaque
déclaration.
Plusieurs auteurs ont proposé de cibler les émotions et les expériences posi-
tives puisqu’elles incluent parfois l’évitement phobique ou d’importantes réa-
lisations (Gonzalez et Mosquera, 2012 ; Knipe, 2009a, 2014). Par exemple,
l’EMDR peut cibler l’idéalisation défensive d’un parent qui maintient la honte
chez le patient, qui à l’inverse doit se voir lui-même comme un mauvais objet.

2.8. Développer une résilience de honte


Bréne Brown (2009) a développé un protocole pour aider les gens à apprendre
à être davantage résilients à la honte. Elle observe qu’il existe quatre étapes
majeures de résilience à la honte. Elles sont très utiles pour le thérapeute, qui
pourra les employer avec les patients de façon régulière. En effet, les théra-
peutes devront apprendre leurs propres compétences de résilience à la honte.
1. Le premier pas est d’accepter et de tolérer la vulnérabilité personnelle
ce qui inclut la reconnaissance des déclencheurs de honte et des réac-
tions de honte. Il est essentiel de reconnaître et d’accepter que nous
sommes faillibles et imparfaits.
2. La deuxième étape est de contextualiser la honte à l’intérieur des
attentes sociales, culturelles ou religieuses. Les patients peuvent voir
comment certaines attentes (p. ex., être mince, avoir de l’argent, appa-
raître dans une vie parfaite sans aucun problème ou se vivre soi-même
comme un individu unifié) mènent à la honte et ne sont, en elles-
mêmes, ni raisonnables ni réalistes à atteindre tout le temps. Il peut
être utile de sortir de l’horreur de la honte et de réaliser que certaines
pressions sociales façonnent notre honte et que nous pouvons changer
nos attitudes à l’égard de ces attentes.
3. La troisième étape est de tendre la main aux autres avec notre propre vulné-
rabilité et d’accepter la vulnérabilité des autres avec compassion. De cette
façon, nous apprenons que nous ne sommes pas seuls et que la compassion

Approches intégratives de la honte 373


d’un autre peut soulager notre honte. Les thérapeutes doivent vouloir par-
tager dans une juste mesure que la honte est aussi pénible pour eux-mêmes
et qu’en effet ils ressentent la honte et la vulnérabilité par moments.
4. La dernière étape consiste à parler de la honte, c’est-à-dire à pouvoir en
parler ouvertement avec des personnes de confiance, à la distinguer de
la culpabilité, de l’embarras et de l’humiliation et à la séparer des autres
émotions, comme la colère ou la peur.

Ces approches visant à composer avec la honte peuvent fournir un contexte


relationnel qui empêche l’activation d’une honte inutile. Toutes les parties du
patient peuvent être encouragées à faire ces pas, chacune les unes avec les
autres et avec le thérapeute. Le patient dans sa globalité peut essayer de petites
expériences avec ces approches dans ses relations aux autres lorsqu’il peut s’y
risquer avec suffisamment de sécurité.

3. Explorations supplémentaires
1. Décrivez ce qui constitue le plus grand défi pour vous dans le travail
avec des patients profondément honteux.
2. Décrivez un événement ou une situation en thérapie avec un patient,
où vous, le thérapeute, avez ressenti de la honte. Faites la liste de vos
pensées, sentiments et sensations.
3. Décrivez comment vous utilisez l’un ou l’autre pour vous protéger contre
la honte que vous ressentez avec un patient (attaque de soi, des autres,
isolement des autres, évitement de l’expérience intérieure). Comment cela
vous affecte-t-il lorsque vous êtes en présence d’un patient ?
4. Décrivez une situation dans une séance où vous ressentez un sentiment
de fierté quand vous travaillez avec un patient. Remarquez votre res-
senti de mémoire, vos pensées, sentiments et sensations.
5. Imaginez votre propre figure idéale, qui vous soutient de façon com-
passionnelle dans votre travail. Imaginez cette figure debout à côté de
votre chaise, vous offrant une sagesse tranquille et de la compassion à
vous, le thérapeute.
6. Pratiquez la compassion avec vous-même comme thérapeute. Tous les
thérapeutes – même chevronnés – ressentent parfois de l’incertitude
ou de la confusion, font des erreurs ou ne savent pas quoi faire, et ont
des moments de gêne et un contre-transfert intense. Ce sont des expé-
riences humaines normales qui peuvent être acceptées avec beaucoup
de compassion comme faisant partie de l’identité de thérapeute
7. Trouvez un pair, superviseur ou consultant avec lequel vous pouvez
partager en toute sécurité vos expériences de honte comme thérapeute.

374 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


cHAPITRE 16
Le travail avec les parties
coléreuses et hostiles
du patient

L’apparence spontanée d’un alter hostile est un repère majeur


parce que ces alters exercent habituellement leur impact dans le
monde des alters et sont peu disposés à reconnaître ou à s’engager
dans le processus thérapeutique.
Richard P. Kluft (1993b, p. 113)

La colère, la rage et l’hostilité envers soi-même, envers d’autres parties disso-


ciatives ou envers d’autres personnes est le noyau commun du travail avec les
patients dissociatifs. Il existe plusieurs raisons pour lesquelles la colère et l’hos-
tilité deviennent chroniques chez les patients dissociatifs. D’abord, les patients
ont été généralement très mis à mal, ignorés, blessés, trahis et parfois même
torturés pendant de longues périodes, tout en étant impuissants à arrêter cela.
En soi, cela est suffisant pour générer une énorme rage chez n’importe qui dans
le cadre d’une réaction de défense naturelle de combat. En second lieu, quand
ils étaient enfants, les patients n’avaient souvent que peu ou pas d’aide pour
apprendre à réguler ou à exprimer adéquatement une colère normale, et encore
moins pour y faire face. Souvent, il était inacceptable pour beaucoup d’entre eux,
lorsqu’ils étaient enfants, d’exprimer n’importe quel type de colère puisque les
adultes autour d’eux étaient incontrôlés et manifestaient une colère destructrice.
D’autres patients n’avaient aucune limite dans leurs comportements coléreux.

Le travail avec les parties coléreuses et hostiles du patient 375


CONCEPT CLÉ

L’acceptation avec compassion de la part du thérapeute des parties coléreuses du patient


crée une grande opportunité pour elles de s’engager dans la thérapie et ainsi de venir à
bout de leur colère. Le thérapeute peut être compassionnel tout en mettant des limites à
un comportement inapproprié.

La plupart des parties, en particulier celles qui fonctionnent dans le quotidien,


craignent et évitent en interne les parties dissociatives coléreuses. Après tout, des
comportements coléreux envers soi-même et les autres peuvent interférer avec
le fonctionnement dans diverses situations personnelles et sociales. Il s’ensuit un
cercle vicieux continuel de rage et de honte intérieures : plus les patients évitent
les parties dissociatives coléreuses et destructrices, plus ces parties montent en
colère et plus elles font honte aux autres parties et sont rendues honteuses par elles.
Les parties en colère peuvent être très menaçantes pour le patient, ce qui
renforce un évitement constant non seulement chez bon nombre de parties du
patient mais parfois aussi chez le thérapeute. La colère chronique qui est ancrée
dans la manière d’être générale du patient peut accabler et mettre à bout le
thérapeute qui peut se sentir effrayé, intimidé, humilié, paralysé, frustré, hon-
teux ou qui peut s’engager dans une lutte réciproque ou avoir des réactions
désobligeantes. La thérapie peut rapidement dérailler si ces parties du patient
ne sont pas prises en compte dès le début. Lorsque les thérapeutes se sentent
hésitants à travailler avec des parties coléreuses et hostiles, ils devraient cher-
cher immédiatement une consultation de soutien.
Les parties coléreuses, hostiles, sont souvent des obstacles majeurs à la thérapie,
à la participation aux relations, à la réduction de l’automutilation et de la suici-
dalité et à la résolution des souvenirs traumatiques. Il est donc important pour les
thérapeutes de nouer au plus tôt une alliance thérapeutique avec ces parties.

CONCEPT CLÉ

Plus vite les parties coléreuses du patient peuvent être engagées au sein d’une alliance
thérapeutique, plus il est probable que le patient dans son ensemble apprendra à faire face
à la colère de manière appropriée.

Cependant, les parties coléreuses ont une honte profonde et d’importantes


défenses contre une croyance forte qu’elles sont très mauvaises. Leur défense est
renforcée par la honte des patients que de telles parties d’eux-mêmes puissent
exister. Ces parties du patient sont terrifiées par l’attachement au thérapeute,
principalement parce qu’elles ont peur que le thérapeute ne les accepte jamais.
C’est donc souvent un défi d’aider ces parties à surmonter leur honte et de les

376 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


convaincre qu’elles sont bienvenues comme participantes importantes dans
la thérapie. Une fois qu’une alliance de travail a pu s’établir, l’acceptation
compassionnelle de ces parties leur permet de devenir des collaboratrices de
taille dans le traitement et de changer considérablement le cours de la théra-
pie. C’est particulièrement vrai pour les parties imitant l’agresseur, dont il sera
question dans le prochain chapitre.

1. Les fonctions de la colère


La colère a de nombreuses fonctions. Celles-ci comprennent l’affect qui oriente
la défense en mode de combat, une stratégie d’attachement et une émotion
secondaire qui protège de la vulnérabilité.

1.1. La colère et la défense par le combat


La colère est, évidemment, une composante émotionnelle naturelle du système
de défense par le combat, dans laquelle des parties dissociatives particulières du
patient sont habituellement fixées. La colère est un affect dérivé de l’activation
du système nerveux sympathique visant à stimuler le corps en vue d’un effort
maximum pour repousser un danger perçu. Psychologiquement, elle protège de
la conscience de la vulnérabilité et du manque de contrôle et, par ce biais, de
la honte. En mode combat, nous sommes tous prêts à percevoir les indices du
danger plutôt que les indices de sécurité et de connexion relationnelle. Dans
un tel état d’activation, il est facile de mal comprendre les intentions d’autrui.
Lorsque les patients (ou les parties) restent fixés sur le mode combat, ils ne sont
pas capables de faire la différence entre des erreurs relationnelles mineures et
des trahisons majeures puisqu’ils sont préparés à l’expectative du danger.

CONCEPT CLÉ

La colère est la première émotion de la défense « de combat ». Lorsque le patient (ou des
parties du patient) est coincé dans cette défense, la colère devient chronique. La pre-
mière intervention est donc de créer de la sécurité.

Aussi longtemps que la réaction de combat reste non résolue, la colère restera
chronique. Cependant, il est bon de réaliser que toutes les parties coléreuses ne
sont pas toujours hostiles envers le patient ou le thérapeute. Parfois, ces parties
veulent vraiment être aidées pour gérer leur colère plus efficacement et sont volon-
taires pour coopérer en thérapie. De telles parties peuvent aisément devenir de
véritables alliés et la phobie interne pour ces parties peut s’améliorer relativement
vite. C’est particulièrement vrai lorsque le thérapeute n’a pas peur et peut accepter
avec compassion ces parties, amenant ainsi le patient à faire de même.

Le travail avec les parties coléreuses et hostiles du patient 377


1.2. La colère dans les stratégies d’attachement
contrôlantes/punitives et contrôlantes/attentionnées
Comme noté précédemment, les patients peuvent développer des stratégies d’at-
tachement pour gérer les relations (Liotti, 2011 ; Main et Cassidy, 1988). Les
patients (ou les parties) qui développent des stratégies d’attachement contrô-
lantes/punitives sont enclins à manifester leur colère de façon à obtenir ce qu’ils
souhaitent en réponse à leurs besoins. Ceux qui développent des stratégies
contrôlantes-attentionnées tendent à diriger leur colère contre eux-mêmes. Les
patients ont donc appris que la colère est une méthode pour obtenir ce dont ils
ont besoin dans les relations ou qu’elle doit être complètement éliminée parce
qu’elle risque de les submerger ou parce qu’elle est dangereuse à ressentir. Le plus
souvent, différentes parties dissociatives chez le patient manifestent différentes
stratégies de gestion de la colère, ce qui crée de nombreux conflits intérieurs.
Que la colère forme ou non une partie de la réponse de combat, elle est souvent
une émotion secondaire qui protège le patient de sentiments de tristesse, d’im-
puissance extrême, de honte, de culpabilité et de perte.

CONCEPT CLÉ

Des parties du patient qui ont développé des stratégies contrôlantes-punitives devien-
dront coléreuses avec autrui pour obtenir ce dont elles ont besoin, tandis que celles qui
ont des stratégies contrôlantes-attentionnées se puniront elles-mêmes d’être coléreuses
ou d’éprouver des besoins.

1.3. La colère comme une émotion secondaire


La colère peut servir d’émotion défensive qui protège de la honte, du chagrin,
de la vulnérabilité, de la détresse et de l’impuissance. C’est souvent le cas chez
des parties hostiles comme celles qui s’automutilent ou encouragent d’autres
parties à s’automutiler, à se prostituer, à abuser de médicaments ou d’alcool, ou
à s’engager dans d’autres comportements autodestructeurs. Elles sont souvent
bloquées dans des comportements destructeurs et dommageables qui sont une
défense « attaque de soi » contre la honte (voir chapitre 15 sur la honte et
chapitre 18 sur les comportements à risque).

1.4. Introjection de la rage de l’agresseur


Finalement, la rage de l’agresseur est souvent une expérience incarnée
à laquelle les patients ne peuvent pas encore échapper faute d’une réalisa-
tion suffisante et d’une intégration ultérieure. Certaines parties dissociatives
imitent les agresseurs à l’intérieur, répétant les dynamiques familiales du passé

378 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


avec d’autres parties d’une manière plutôt littérale (voir chapitre 17). Ce type
de partie dissociative fait l’objet d’une discussion approfondie dans le chapitre
suivant car ces situations comportent des dynamiques relationnelles complexes
qui n’incluent pas nécessairement la défense de combat en soi.

2. Le traitement des parties coléreuses


De nombreuses interventions permettent d’aider les patients à composer avec
la colère. Elles vont du plan cognitif au plan comportemental, psychodyna-
mique, l’EMDR et l’hypnose. Il peut être utile pour les thérapeutes de disposer
d’une large gamme de techniques. Le défi consiste à aider le patient dans sa
globalité, en lui apprenant à s’adapter à la colère, ce qui signifie que ces inter-
ventions doivent être assimilées par chaque partie du patient.

2.1. La gestion de l’expression de la colère


Les thérapeutes se demandent souvent quand permettre au patient d’expri-
mer sa colère et quand l’interrompre ou l’arrêter parce qu’elle est destructrice.
La simple expression de la colère ou de toute autre émotion substantielle
n’est pas utile en soi. « Faire sortir la colère » est rarement utile puisque le
problème est que le patient a besoin d’apprendre comment exprimer effica-
cement la colère de manière verbale plutôt que physique et dans des formes
socialement acceptées et contenues de façon à être entendu par d’autres. Ce
qui importe est moins le fait que les patients expriment de la colère que la
manière dont ils le font et si cette expression leur permet de rester ancrés
dans le présent et de garder des relations importantes, en évitant d’être auto-
destructeurs.
L’expression courante de la colère véhémente peut être une stratégie pour
éviter des expériences plus douloureuses comme la honte, la vulnérabilité ou
l’impuissance qui ont besoin d’être réalisées. Si le patient (ou la partie dissocia-
tive) est capable de rester ancré dans le présent, de maintenir une connexion
relationnelle et de se réguler jusqu’à un certain point, alors il peut être utile
d’entendre l’extériorisation de la colère du patient sur un mode qui ne juge pas
et qui fait preuve de compassion.

CONCEPT CLÉ

L’expression de la colère n’est pas nécessairement thérapeutique en soi. C’est la manière


dont le patient (les parties) la vit et l’exprime qui est importante, c’est-à-dire la question
de savoir si elle s’inscrit à l’intérieur de la fenêtre de tolérance et si elle est socialement
appropriée et sécurisée. Les thérapeutes doivent apprendre quand l’expression de la co-
lère est thérapeutique et quand la retenue de la colère est plus utile.

Le travail avec les parties coléreuses et hostiles du patient 379


Lorsqu’une partie dissociative monte clairement en escalade, est incapable
ou ne veut pas rester ancrée, ou hurle ou crie, il vaut mieux interrompre le
comportement immédiatement et aider le patient à s’ancrer. Le thérapeute
peut alors aider le patient à trouver une voie différente pour se débrouiller
avec la colère. Souvent, l’escalade de la colère est due au fait que le patient
ne se sent pas sécurisé. Le retrait du thérapeute, la peur ou l’anxiété qui aug-
mentent ou bien un apaisement excessif et une attitude de sollicitude peuvent
susciter davantage de colère. Le thérapeute devrait, autant que possible, rester
imperturbable, calme et clair en mettant les limites nécessaires tout en res-
tant connecté avec empathie aux communications explicites et implicites du
patient. Lorsqu’il ne peut le faire, une certaine métacommunication avec le
patient sur le besoin de se calmer et d’être en sécurité s’impose.
Par exemple, le thérapeute pourrait dire : « Vous savez, là tout de suite on
a du mal à s’entendre. Trouvons un moyen de nous calmer et de recommencer
à zéro. Arrêtons ce que nous faisons et pratiquons ensemble un de ces exer-
cices d’ancrage et de pleine conscience. Ou, si vous le souhaitez, nous pouvons
faire une courte interruption et nous promener à l’extérieur pendant quelques
minutes et ensuite revenir et voir si cela nous aide. » La clé pour le thérapeute
est d’intervenir pour briser l’impasse des défenses dans les deux parties.
Les thérapeutes doivent avoir de la compassion pour la tristesse, la honte
et le sentiment négatif de soi nichés derrière la colère du patient. Les parties
fixées en mode combat ont peur que les autres, à la fois à l’intérieur et l’exté-
rieur, ne condamnent leur comportement et ne les écouteront ni ne les accep-
teront jamais. Elles se sentent donc chroniquement aliénées et isolées à la fois
à l’intérieur et l’extérieur.
Nous proposons ci-dessous quelques suggestions concernant la façon d’in-
tégrer les approches standard de la colère aux besoins des parties dissociatives
du patient :
• Les thérapeutes ont besoin de s’efforcer de maintenir une position
calme, non défensive.
• Prenez le temps d’éduquer le patient dans sa globalité au sujet des fonc-
tions de la colère et des parties coléreuses. Bien qu’elles puissent appa-
raître comme des « fauteurs de troubles », elles peuvent être comprises
comme des tentatives de résoudre des problèmes avec des moyens inef-
ficaces ou insuffisants.
• Encouragez toutes les parties du patient à comprendre, accepter et
écouter les parties coléreuses plutôt que de les éviter.
• Lorsque le patient se montre hostile ou coléreux en séance, les théra-
peutes devraient arrêter immédiatement et vérifier ce qui est en train
d’arriver : « Vous semblez en colère là. Pouvons-nous nous arrêter et
essayer de comprendre ce qui vient d’arriver ? »

380 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


• Faites des efforts pour comprendre ce qui provoque les parties colé-
reuses. Il y a beaucoup de déclencheurs potentiels. Par exemple :
0 Le thérapeute a dit ou fait quelque chose qui est perçu comme un
rejet ou une critique d’une autre partie du patient.
0 Une partie coléreuse du patient s’inquiète de trop de vulnérabilité,
par exemple parce que des parties enfant ressentent des besoins
importants de dépendance au thérapeute ou parce que les souvenirs
traumatiques ont été évoqués prématurément.
0 Une patrie coléreuse se sent attaquée, rejetée ou incomprise par le
thérapeute ou d’autres parties du patient.

• Validez les sentiments coléreux du patient même s’il est nécessaire de


mettre des limites aux comportements coléreux : « Je peux comprendre
pourquoi vous, ou cette partie de vous, peut se sentir si coléreuse à
ce sujet et je voudrais beaucoup en entendre davantage sur votre
expérience. »

Les thérapeutes devraient s’excuser lors d’une erreur thérapeutique ou lors-


qu’ils n’ont pas été à l’écoute. Même si aucune erreur n’a été faite, les théra-
peutes peuvent toujours éprouver de l’empathie avec l’expérience ressentie du
patient : « Je suis désolé que vous vous sentiez si blessé (ou incompris). Ce
n’était certainement pas mon intention mais je peux voir que vous vous sentez
très blessé par moi. »
• Interrompez les comportements abusifs ou inacceptables.
0 Votre colère est compréhensible et je souhaiterais que vous en parliez
davantage. Cependant, je vais vous demander d’arrêter de crier. Je veux
vraiment régler cela avec vous, mais quand vous criez, c’est difficile de se
concentrer sur la manière dont nous pouvons dépasser cela ensemble. De
plus, vos cris perturbent les autres patients qui sont aussi venus chercher
de l’aide.
0 Restez, s’il vous plaît, assis sur votre chaise. C’est important pour tous
les deux de se sentir en sécurité. Lorsque vous vous levez et venez vers
moi comme si vous alliez me frapper, je ne me sens pas en sécurité
comme sans doute aucune partie de vous ne se sent en sécurité. Nous
devons garder ce lieu sécurisé et respectueux pour tous les deux.
0 Je serai heureux d’éloigner ma chaise si cela peut vous aider à vous sentir
plus en sécurité.
0 Ne frappez pas le fauteuil ou vous-même. Nous trouverons une manière
de régler le problème, mais la violence physique n’est pas acceptable.
Essayons de vous ancrer et alors je vous promets que nous mettrons cela
au clair. Je vais demander que les autres parties à l’intérieur de vous vous
aident à vous contenir jusqu’à ce que vous deveniez plus calme.

Le travail avec les parties coléreuses et hostiles du patient 381


0 Ce n’est pas OK de me menacer et de m’injurier. Je suis heureux de
parler avec vous mais nous devons nous traiter l’un l’autre avec respect
même si nous avons des sentiments difficiles.
0 Faisons une interruption de quelques minutes pour vous aider à vous cal-
mer un peu. Voudriez-vous vous lever et faire le tour de la pièce ou sor-
tir pour une minute et faire quelques respirations. Après nous pouvons
continuer notre conversation parce que je souhaite régler cela avec vous.

• Vérifiez si d’autres parties dissociatives sont au courant de cette ques-


tion et s’il y a différentes perspectives sur ce qui se passe.
0 Toutes les parties se sentent-elles comme la partie coléreuse ?
0 Si non, ces parties peuvent-elles écouter et accepter la perspective
de la partie coléreuse ?
0 La partie coléreuse voudrait-elle entendre les autres perspectives
internes ?

• Une fois que le patient est plus calme, invitez les autres parties du
patient à « regarder et écouter » si possible.
• S’il y a trop de débordement pour le patient, travaillez seulement avec
la partie coléreuse. Le but est de diminuer la menace, de promouvoir
la sécurité et d’ensuite introduire progressivement un sentiment de
connexion avec le thérapeute et entre les parties dissociatives. Il est
primordial d’aider la partie coléreuse à se sentir en sécurité avant la
connexion relationnelle.
• Encouragez le patient à mettre des limites aux comportements inap-
propriés de la partie coléreuse. Cependant, la maîtrise doit être couplée
avec la compréhension compassionnelle de la partie coléreuse : mettre
des limites ne doit pas être punitif.
• Demandez l’aide des autres parties pour orienter la partie coléreuse vers
le temps présent. Comme c’est le cas pour de nombreuses autres parties,
les parties coléreuses souvent ne comprennent pas qu’elles sont dans le
présent.
• Le patient dans sa globalité (et la partie coléreuse) a besoin d’apprendre
que des relations saines n’incluent pas la punition, l’humiliation ou la
force.
• Engagez les parties coléreuses au service de la thérapie :
0 J’apprécie que vous soyez en train de protéger d’autres parties de vous
du danger ou de l’échec. Je suis d’accord avec vous qu’il est important
d’être en sécurité ou de vous sentir compétent dans votre vie. Je voudrais
vous aider à trouver d’autres façons qui pourraient être plus efficaces.
Êtes-vous intéressé à les explorer avec moi ?

382 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


0 Je suis d’accord avec vous qu’aucune partie de vous ne devrait raconter
ce qui est arrivé sauf si cela se fait en toute sécurité. Vous semblez croire
que ce n’est pas sécurisé pour l’instant. J’aimerais en savoir plus de votre
part et je voudrais votre aide pour savoir comment mieux adapter la thé-
rapie de façon à ce que toutes les parties de vous se sentent en sécurité.
0 Je peux comprendre votre souci à propos des parties enfant de vous qui
s’approchent trop de moi. Vous êtes inquiet qu’elles puissent être bles-
sées ou déçues. Je suis d’accord avec vous que nous avons besoin d’être
certains qu’elles sont sécurisées. Seriez-vous prêt à travailler avec moi
pour trouver un bon équilibre où toutes les parties se sentent OK avec
ce qui se passe ?
0 Oui, vous voyez la partie adulte de vous comme une mauviette et une
perdante parce qu’elle ne va pas se défendre et est trop passive. Ce qui
entraîne le fait d’être blessée parfois, ainsi il est très compréhensible
que vous soyez énervé. Vous avez beaucoup de force et semblez savoir
quand vos limites sont franchies. Elle peut apprendre tellement de vous.
Voudriez-vous travailler avec moi à l’aider à devenir plus assertive ?

• Utilisez le dosage. Aidez les parties du patient à vivre seulement une


petite quantité de colère tout en restant ancrée dans le présent ; par
exemple, pour seulement quelques secondes, une quantité de 1 ou 2 sur
une échelle de 1 à 10, une cuiller à thé, une petite goutte, etc.
• Aidez les parties plus ancrées à partager le ressenti corporel de calme
ou de sécurité avec des parties coléreuses. Cela peut être accompli par
l’imagerie en hypnose, l’EMDR et des approches somatosensorielles
(voir le cas d’une partie enfant enragée ci-dessous).
• Permettez aux patients de s’emmitoufler ou de se couvrir avec une cou-
verture ou de fortifier leur corps avec des coussins pour se sentir plus
protégés ou contenus pendant les séances, ce qui peut réduire des réac-
tions de colère envers la vulnérabilité.
• Utilisez un input sensoriel calmant comme de la musique ou des odeurs
ou des goûts agréables (une orange ou un cookie).
• Faites se centrer sur une respiration lente en pleine conscience.
• Utilisez une imagerie sécurisante, calme, pleine de beauté ou dans un
espace guérisseur.

2.2. Travailler avec des parties enfant coléreuses


Des parties enfant en colère ou enragées sont fréquentes, se manifestant par-
fois dans ce qui ressemble à des crises de colère ou des tempêtes affectives.
Ces parties sont souvent une source de dérégulation émotionnelle majeure,
assez active dans le monde dissociatif intérieur du patient – criant, blessant

Le travail avec les parties coléreuses et hostiles du patient 383


d’autres parties ou même d’autres personnes. Elles n’ont généralement que
peu de contrôle de l’impulsion et n’ont que peu voire aucune capacité verbale
ou cognitive, contenant peut-être une rage préverbale qui est principalement
somatosensorielle. Parfois, elles sont vécues comme étant des enfants sauvages
ou des animaux sauvages par le patient (et par le thérapeute).
Souvent les parties enfant ne sont pas seulement fâchées avec le théra-
peute mais aussi avec des parties adulte du patient car elles leur reprochent
de ne pas les protéger ou prendre soin d’elles. Leur logique de transe est que
le patient était d’une certaine manière un adulte présent au temps de l’abus
et donc aurait pu « sauver » les parties jeunes. Réaliser que la patiente était
un enfant sans un adulte intérieur et qu’elle faisait du mieux qu’elle pouvait
pour survivre est souvent un moment décisif pour ces parties. Cela ouvre la
porte au deuil de l’impuissance et de la vulnérabilité qui est endémique en
cas de trauma.

&YFNQMFEFDBTEVOFQBSUJFFOGBOUEJTTPDJBUJWFFOSBHÏF$IBSMFT

Charles était un patient âgé de 33 ans qui avait été précédemment diagnostiqué
schizophrène parce qu’il entendait des voix et se comportait dans des lieux publics en
faisant des mouvements de boxe, ce qui effrayait ceux qui l’approchaient. Parfois, il
frappait soudainement le mur avec son poing, se cognait la tête à plusieurs reprises
ou se frappait dans l’estomac. Les rapports de l’hôpital confirmaient qu’il avait eu de
nombreuses fractures et d’autres blessures sérieuses par suite d’abus physiques sévères
subis avant d’avoir été retiré de son domicile à l’âge de 10 ans. Charles avait été placé
dans une famille d’accueil stricte sur le plan religieux, où l’expression de la colère n’était
pas autorisée et était sévèrement punie. Le seul recours était pour Charles de retourner
la colère contre lui-même.
Après une évaluation approfondie, il est devenu clair pour son nouveau thérapeute
que Charles était fortement dissociatif. Il avait une partie enfant de 2 ans qu’il appelait
« Bobby » qui frappait Charles (intérieurement) dans l’estomac et il pouvait subitement
se courber comme s’il avait été frappé. Bobby était coléreux tout le temps bien qu’il
ne sache dire pourquoi. Il frappait les parties dissociatives intérieures au hasard et ne
faisait que hurler. Bobby avait une colère très primitive sans mots ou pensées cohérentes
et voulait donner des coups et hurler du sommet de ses poumons (intérieurement).
Sa colère se manifestait aussi dans les comportements de combat qui avaient été
précédemment étiquetés comme psychotiques.
Le thérapeute travailla d’abord avec la partie adulte de Charles en commençant avec
de très courts contacts avec Bobby. Charles était encouragé à regarder Bobby sur un
très petit écran TV et à diminuer le son. Il reçut comme instruction de seulement
observer et voir ce qu’il remarquait. Charles a remarqué que Bobby était « comme un
animal sauvage blessé qui ne comprend pas ce qui lui arrive ». Charles ne pouvait pas
voir sur l’écran ce qui arrivait à Bobby mais il avait le sentiment que c’était terrifiant et
douloureux. Cela lui donna une perspective pleine de compassion à l’égard de Bobby.
Bobby était encouragé à ouvrir les yeux sur l’écran pour de brefs moments et à s’orienter
davantage dans le présent quelques secondes à la fois. Tant Charles comme adulte que

384 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


le thérapeute ont rassuré Bobby qu’il était en sécurité et qu’il ne serait pas blessé plus
longtemps. Ils ont exprimé de l’empathie pour sa colère véhémente. Progressivement,
Charles et le thérapeute purent inviter Bobby à sortir de l’écran et à s’orienter un peu
plus dans la pièce.
Le thérapeute tenta différentes approches pour aider Bobby à se calmer. Le thérapeute
découvrit que Bobby répondait au fait de s’envelopper étroitement dans une couverture
et de se barricader avec des oreillers sur le sofa pendant les séances. Un sac de glace
sur son visage le calmait. Certaines musiques aussi étaient utiles. Il pouvait peler et
manger une orange, ce qui le calmait aussi. Charles créa un lieu intérieur de sécurité
imaginaire pour Bobby qui incluait toutes les choses qui l’aidaient à se calmer et pratiqua
ces interventions à domicile. Le thérapeute encouragea Charles à rappeler à Bobby
que le passé était terminé et à utiliser des ancrages dans le présent pour l’aider à
renforcer ce fait.
Bobby commença à avoir de brèves périodes où il se sentait beaucoup plus calme. Il
arrêta de hurler et de donner des coups aussi souvent, bien qu’il continuât à être
mutique. Durant une séance, le thérapeute offrit différentes poupées à Bobby, avec la
partie adulte du patient qui regardait d’une distance intérieure. Bobby commença à
rejouer l’abus de son père, dans lequel la poupée-père frappait la poupée-enfant
répétitivement dans l’estomac et sur le visage. La poupée-enfant recula et reçut des
coups encore plus violents.
Le thérapeute utilisa une poupée supplémentaire pour tendre la main à Bobby et l’aider
à s’éloigner de la poupée-père. Avec l’aide de la partie adulte de Charles, Bobby prit la
poupée-père, ouvrit la porte du cabinet et la laissa tomber dehors. Après s’être calmé,
il commença à articuler quelques phrases avec hésitation. Le thérapeute encouragea
la partie adulte de Charles à s’approcher de Bobby et donc à le soutenir, et il se sentit
beaucoup plus à l’aise et en sécurité pour la première fois. À l’intérieur, Bobby tendit
ses mains vers Charles et lui fit des excuses de l’avoir blessé. Charles y répondit et serra
Bobby dans ses bras en lui disant qu’il acceptait et comprenait sa colère et même qu’il
la partageait. Après cette séance, Bobby fut capable de participer activement à la
thérapie et ne s’extériorisa plus jamais sous forme d’une colère aveugle.

3. Que faire si le patient devient abuseur


Des parties coléreuses du patient peuvent être extrêmement hostiles aux thé-
rapeutes, au moins au départ. Cela mène à la question de savoir quand les
thérapeutes pourraient être amenés à mettre des limites aux comportements
violents. Bien sûr, cette estimation peut être complètement subjective. Les
thérapeutes ont leur propre niveau de tolérance, basé sur leur histoire person-
nelle avec l’agression verbale et physique et sur leur propre capacité de rester
dans le présent. La plupart du temps, cependant, nous découvrons qu’un com-
portement est inacceptable lorsque nous y sommes confrontés.
Quoi qu’il en soit des niveaux de tolérance, les thérapeutes qui sont effrayés
ou agressifs dans certaines situations de thérapie ne sont pas efficaces à ce
moment. Pas plus que les thérapeutes qui ont une attitude cavalière ou dédai-
gneuse envers l’agressivité car ils peuvent tolérer des comportements que le

Le travail avec les parties coléreuses et hostiles du patient 385


patient ferait mieux de contrôler. Le patient et le thérapeute peuvent entrer
dans une escalade de la situation d’excitation réciproque (Beebe, 2000 ; cf.
chapitres 4 et 13), dans laquelle la peur combinée du thérapeute et du patient
provoque une agression toujours croissante de la part du patient. Souvent, les
patients viennent en thérapie précisément parce qu’ils ont perdu des relations
à cause de leurs comportements difficiles, et donc les thérapeutes ont une obli-
gation de ne pas les reproduire avec eux. Les thérapeutes ont aussi la responsa-
bilité de prendre soin d’eux-mêmes. Maltraiter le thérapeute n’est en aucune
façon une manière d’aider le patient à guérir.
Les thérapeutes doivent avoir un certain degré de confiance dans leur
connaissance d’eux-mêmes et du patient dans sa globalité lorsqu’ils déter-
minent le moment où fixer des limites. Les limites qui sont trop rigides peuvent
mettre à l’écart et rendre honteuses ces parties, tandis que trop peu de limites
vont les renforcer. Les questions concernant le pouvoir, le contrôle et la vulné-
rabilité sont potentiellement explosives. Le patient dans sa globalité a besoin
de sentir que le thérapeute est à la fois solide et accueillant. Il a besoin de sentir
qu’il est contenu de manière sécure à l’intérieur de limites raisonnables, même
s’il peut protester contre ces limites, parce qu’il se sent incapable d’assurer une
maîtrise de lui-même. La supervision peut être très utile pour découvrir le juste
équilibre pour un patient donné.
Certains thérapeutes ont une disposition psychique qui les porte à croire
que la thérapie est une opportunité pour le patient d’exprimer enfin sa colère si
longtemps réprimée, peu importe le degré d’agressivité ou d’irrespect. Cepen-
dant, ce n’est pas l’expression de l’agressivité en soi qui est utile au patient. La
clé est que le patient apprenne à exprimer sa colère tout en maintenant une
relation respectueuse, tout en restant ancré dans le présent et en se penchant
sur ce qui est en train d’arriver. La capacité de mentaliser malgré la colère est
essentielle.
En général, des comportements inacceptables comprennent des insultes ;
des courriels, des appels téléphoniques, des lettres ou textes harcelants ou mena-
çants ; la présence ou l’utilisation d’armes de quelque nature qu’elles soient en
séance ; des hurlements ou des cris ou des injures répétés ; des comportements
qui nuisent à d’autres patients qui sont en thérapie au cabinet ou qui insécu-
risent le thérapeute, l’équipe ou d’autres patients, comme le lancement d’ob-
jets, la destruction des biens dans les locaux (même sur les emplacements de
parking) ou des automutilations ou tentatives de suicide chez le thérapeute ;
des menaces dirigées contre le thérapeute, ses collègues ou la famille du théra-
peute ou le harcèlement du thérapeute ou des membres de sa famille.
Bien sûr, l’agression ne survient pas dans le vide. Les thérapeutes doivent
être conscients des façons dont ils pourraient être provocants pour le patient.
Voici quelques comportements susceptibles de susciter l’agression :
• entrer dans une lutte de pouvoir (le thérapeute perd toujours) ;

386 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


• échouer à établir un rythme thérapeutique approprié ;
• s’engager dans un travail prématuré sur les souvenirs (c’est-à-dire avant
la stabilisation) ;
• travailler avec des parties coléreuses ou sadiques sans préparation suffi-
sante ou d’une manière mettant directement au défi ;
• travailler avec des parties enfant d’une manière qui suscite trop de
dépendance ;
• ne pas inclure les parties adulte du patient en séance ;
• échouer à reconnaître ou faire attention aux défenses contre la honte ;
• être défensif avec le patient.

Certains thérapeutes peuvent excuser un comportement maltraitant parce


que cela ne concerne qu’une partie dissociative particulière et non les autres.
Les patients peuvent insister sur le fait qu’ils n’ont pas de contrôle sur cette
partie et les thérapeutes pourraient croire que la seule façon de prendre contact
avec cette partie est d’accepter son comportement. Cependant, c’est un piège
qui ne fait seulement que renforcer les habitudes inadaptées du patient. Bien
plutôt, le thérapeute pourrait dire quelque chose du style :
• Il est important pour toutes les parties de vous de participer à la thérapie.
Certaines parties de vous savent parfaitement bien comment gérer votre com-
portement. Explorons comment ces parties peuvent aider les parties de vous
qui sont si bouleversées par leur comportement.
• Si le maintien du contrôle de cette partie ne peut être assuré ici, peut-être une
autre partie de vous voudrait être le porte-parole de cette partie.
• La partie adulte de vous doit être aussi présente avec cette partie de façon à
ce que vous puissiez maintenir le contrôle.

En général, il est nécessaire de discuter un cadre thérapeutique clair au


début de la thérapie et de dire aux patients quels sont les comportements
inacceptables. Les thérapeutes devraient aussi mentionner ce qui arriverait
au cas où ces recommandations seraient mises à mal. Lorsqu’un patient viole
des recommandations qui ont été suffisamment claires, les thérapeutes doivent
immédiatement répliquer par les conséquences. Selon la sévérité du comporte-
ment, celles-ci peuvent être l’arrêt de la séance jusqu’à la prochaine ; prendre
un petit break et retourner en séance pour voir si le patient a modifié son
comportement ; passer une séance ou deux ; décider d’un break plus long de la
thérapie ou même parfois terminer la thérapie (ceci survient en cas de violence
exceptionnelle ou de passages à l’acte dangereux répétés).
La plupart des patients n’outrepasseront pas les règles fondamentales de la
thérapie mais quelques-uns le font et les thérapeutes devraient être préparés à
se débrouiller avec ces patients de manière ferme, mais toujours avec respect.

Le travail avec les parties coléreuses et hostiles du patient 387


Si le patient n’a pas d’antécédents de passages à l’acte, on peut être assez sûr
que l’aboiement des parties en colère est pire que leur morsure, ce qui est bien
plus souvent le cas que le contraire.

CONCEPT CLÉ

Le meilleur prédicteur de violence de la part des parties coléreuses est une histoire passée
de violences. Des précautions particulières devraient être prises avec les patients disso-
ciatifs qui ont une histoire de comportement violent non contrôlé.

Le meilleur indicateur de passage à l’acte violent est une histoire d’acting


out par le patient dans le passé. Néanmoins, les menaces verbales ne peuvent
pas être acceptées par le thérapeute et des limites doivent être mises. Le théra-
peute pourrait dire quelque chose comme : « Je comprends que vous soyez en
colère et que vous souhaitiez que je me retire. C’est d’accord et je le ferai. Par
contre, ce n’est pas correct de me menacer (ou l’équipe, ou ma famille, etc.).
Vous avez été menacé comme enfant et cela vous a vraiment blessé. Tout ce
que vous avez à faire, c’est de me faire savoir ce qui vous met en colère et je
vous répondrai. Je ne vous menacerai jamais. Les menaces ne sont pas néces-
saires ou acceptables ici. Je suis confiant dans le fait que nous pouvons trouver
un moyen pour être respectueux l’un envers l’autre car nous commençons à
nous comprendre et à apprendre les limites l’un de l’autre. »

4. Résumé
La colère est une émotion difficile tant pour les patients que pour les thé-
rapeutes. Plus tôt dans le traitement les thérapeutes s’occupent des parties
coléreuses du patient en combinant la compassion et la mise de limites au com-
portement inadéquat, plus efficace sera la thérapie. Quand les patients dans
leur globalité commencent à comprendre les fonctions de ces parties, ils sont
plus aptes à accepter la colère comme une émotion humaine naturelle et ils
peuvent aider ces parties d’eux-mêmes à aller au-delà de la réaction de défense
et à développer de plus grandes capacités relationnelles.

5. Explorations supplémentaires
1. Décrivez les règles familiales quant à l’expression de la colère dans votre
propre famille d’origine. Étiez-vous autorisé à exprimer de la colère et si
c’est le cas de quelle façon et de quelle façon cela ne l’était pas ? Com-
ment votre expérience de la colère vous a-t-elle aidé ou bloqué dans
votre travail avec les patients ?

388 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


2. Qu’avez-vous vécu dans votre corps lorsqu’un patient a été en colère
contre vous ?
3. Comment avez-vous tendance à répondre à un patient fâché ou hostile
(p. ex., apaisement, confusion, peur, honte) ?
4. Si vous avez des difficultés à tolérer la colère du patient, pourriez-vous
imaginer quel est le soutien dont vous auriez besoin (imaginaire ou
autre) pour être moins effrayé ?

Le travail avec les parties coléreuses et hostiles du patient 389


cHAPITRE 17
Travailler avec les parties
du patient qui imitent
l’agresseur

Ce prédateur intérieur n’est pas du tout ce qu’il paraît être. Un


regard plus attentif révèle un guide de survie incorporé écrit par
un enfant, une armure écailleuse qui protège un ventre tendre et
vulnérable. Il est constitué d un patchwork de leçons doulou-
reuses récoltées dans le monde sinistre de… l’enfance.
Kathy Steele (2009, p. 10)

Nous développons des représentations mentales (aussi appelées « objets »


dans la théorie de la relation d’objets, ou « modèles opérants internes » dans
la théorie de l’attachement) des personnes qui ont pris soin de nous, pour le
meilleur et pour le pire. Ces représentations servent de modèles pour notre
représentation de nous-mêmes et d’autrui. Idéalement, avec le temps, nous
sommes capables d’intégrer plus complètement leurs qualités positives dans
ce que nous sommes et de tamiser à un degré raisonnable leurs qualités plus
négatives. Les représentations intérieures positives issues des donneurs de soin
sont des miroirs qui nous aident à construire et à soutenir un sentiment de
soi sain. Mais nous conservons aussi souvent certaines habitudes et manières
d’être dans le monde de nos principaux donneurs de soins qui sont négatives.
Les représentations intérieures négatives des autres restent nos pires critiques
intérieurs, lorsqu’elles ne sont pas encore intégrées efficacement.

Travailler avec les parties du patient qui imitent l’agresseur 391


Dans les cas d’abus et de négligence sévère, les représentations négatives
(les mauvais objets, en termes de relations d’objet) servent de fondement à
des parties dissociatives du patient qui imitent plus ou moins fidèlement les
agresseurs. Mais les parties dissociatives sont aussi enracinées dans des pro-
cessus hypnotiques profonds de sorte qu’elles se vivent comme réelles et sont
vécues par les autres parties de la personne comme réelles. Dans cette équi-
valence psychique, certaines parties croient qu’elles sont les agresseurs réels,
imperméables à la réalité et au passage du temps pendant lequel les abuseurs
véritables ont vieilli, souffrent de maladies ou même sont morts. Dans leur
monde hypnotique de non-réalisation, ces parties intérieures restent pour tou-
jours jeunes, fortes, dans le contrôle et invincibles dans leur propre esprit et
semblent aussi l’être pour d’autres parties. Elles croient qu’elles n‘ont jamais
été blessées ou vulnérables, et attribuent plutôt la douleur à d’autres parties ;
c’est une projection intérieure qui les aide à conserver un sentiment de pou-
voir. Malheureusement, ces dynamiques font que le cycle de l’abus continue à
l’intérieur du patient.

CONCEPT CLÉ

Les parties qui imitent l’agresseur se ressentent souvent elles-mêmes et sont vécues par
les autres parties comme de véritables agresseurs. Il est donc compréhensible qu’elles
provoquent de la peur et de la honte chez le patient dans sa globalité, et parfois de la peur
chez le thérapeute.

Il est essentiel que les thérapeutes comprennent le rôle des parties qui
imitent l’agresseur dans le développement de la personnalité globale et le
soi du patient. Elles ne sont pas quelque chose dont il faut se « débarras-
ser » comme le patient le souhaite très souvent. Elles ne sont pas l’agres-
seur réel et leurs sentiments et pensées n’appartiennent pas seulement à
l’agresseur. Elles contiennent certaines des expériences les plus difficiles à
intégrer pour les patients, y compris leurs propres sentiments et tendances
sadiques. L’acceptation par le thérapeute de ces parties et émotions, tout
en ne tolérant pas les comportements abusifs, peut mener ces parties hau-
tement défensives à devenir parmi les meilleurs alliés dans le traitement
(Blizard, 1997 ; Boon et al., 2011 ; Howelll, 2011 ; Kluft, 2006 ; Schwartz,
2013 ; Van der Hart et al., 2006). En effet, un tournant majeur survient en
thérapie une fois que ces parties ont développé une alliance avec d’autres
parties du patient et le thérapeute, même si cela peut prendre beaucoup de
temps pour y arriver.

392 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


1. Comprendre les fonctions des parties
qui imitent l’agresseur
Les parties qui imitent l’agresseur semblent prendre plaisir à s’infliger des puni-
tions intérieurement, ou du moins en surface. Il s’agit toutefois là d’une façade,
bien que solide, d’un moyen de défense que le thérapeute doit reconnaître,
d’une tentative originale du patient de prévenir l’abus en prenant une lon-
gueur d’avance sur l’agresseur. La logique de ces parties les mène à s’engager
dans des comportements qui sont comme ceux des agresseurs, mais qui ont une
fonction protectrice implicite, situées bien en dehors de toute conscience du
patient dans sa globalité.

CONCEPT CLÉ

Les fonctions des parties imitant l’agresseur sont de (1) protéger le patient contre les
menaces de l’agresseur, qui continuent à être vécues comme réelles dans le présent ;
(2) défendre le patient contre les prises de conscience insupportables d’être dans la dé-
tresse et impuissant comme lorsqu’il était enfant ; (3) rejouer les souvenirs traumatiques
à partir de la perspective de l’agresseur tels que mentalisés par l’enfant ; (4) servir de dé-
fense contre la honte en attaquant le patient et en évitant les expériences intérieures de
honte ; (5) offrir une issue pour les tendances sadiques et punitives reniées du patient ; et
(6) retenir les souvenirs traumatiques insupportables.

Nous pouvons comprendre les fonctions des parties imitant l’agresseur


comme semblables par certains côtés aux parties en colère. Elles sont protec-
trices du fait qu’elles résistent à tout mouvement vers des réalisations insup-
portables du vécu du patient comme enfant. Elles protègent le patient en ce
sens qu’elles détiennent souvent l’abus le plus sadique et insupportable. Elles
conservent aussi le sadisme propre du patient, qui est une réaction naturelle
face à l’abus mais intolérable pour le patient et parfois pour le thérapeute (Boon
et al., 2011 ; Schwartz, 2013 ; Van der Hart et al., 2006). Elles ne réalisent pas
que l’abus leur est arrivé à elles, bien qu’elles puissent souvent se souvenir de
l’abus à partir de la perspective de l’agresseur.
Par exemple, elles peuvent rejouer les scénarios d’abus internes avec d’autres
parties en laissant le patient avec un sentiment chronique de terreur inlassable
et de détresse. Elles aident les patients à éviter une souffrance supplémentaire
ainsi que la honte en les immergeant paradoxalement dans un monde intérieur
de douleur chronique et de honte. Par l’utilisation de la peur, de la logique de
la transe et de la honte, ces parties cherchent à maintenir le statu quo fragile
du système interne du patient comme un tout en se souvenant au travers d’une
remise en scène, tout en ne se rappelant pas de manière explicite parce qu’elles
maintiennent la non-réalisation.

Travailler avec les parties du patient qui imitent l’agresseur 393


Les parties qui imitent l’agresseur font en sorte que les patients gardent
une image négative d’eux-mêmes, se blâmant eux-mêmes pour ce qui s’est
passé. Lorsque le patient a des croyances critiques persistantes, les thérapeutes
peuvent être curieux de savoir si une partie imitant l’agresseur agit en coulisse.
Chacun possède à tout le moins des modèles opératoires internes ou des intro-
jections négatives ; le fait qu’il s’agisse ou non des parties réellement dissocia-
tives devrait être déterminé par l’évaluation.

CONCEPT CLÉ

Les thérapeutes devraient être proactifs pour accepter et inclure dans la thérapie les
parties imitant l’agresseur aussi rapidement et de manière aussi sécurisée que possible. Le
travail prématuré avec ces parties peut effrayer le patient, qui alors fuit la thérapie ou
décompense. D’un autre côté, le fait d’éviter de travailler avec ces parties laisse le patient
vulnérable face à un chaos intérieur continu, la punition, la peur ou la honte et rend la
thérapie vulnérable aux impasses.

Bien sûr, ces comportements ne sont pas efficaces sur le long terme, de
même que la scarification ou l’abus de substance peuvent être efficaces momen-
tanément mais non adaptés pour résoudre les problèmes dans la durée. Mais il
est essentiel que le thérapeute comprenne que l’intention de ces parties est la
protection. Et le plus important est que le thérapeute travaille activement pour
inclure ces parties dans la thérapie. Comme l’a noté Kluft (2006), ces parties
« provoquent souvent un chaos et incitent à l’automutilation dans les cou-
lisses mais sont probablement mieux disposées si on y accède régulièrement
et si on les amène en thérapie. Leurs constellations narcissiques défen-
sives les empêchent souvent de se sentir inclus dans des approches qui ne
s’adressent pas directement à eux » (p. 293).

Tous les patients n’ont peut-être pas des parties qui imitent l’agresseur mais
c’est certainement très fréquent. Elles sont un enjeu central à résoudre chez la
grande majorité des patients, un noyau de résistance qu’il faut comprendre et
transformer progressivement. Il se peut qu’elles ne soient pas identifiées pen-
dant un long moment en thérapie, parce que le patient en a honte et qu’il en
est terrifié et ces défenses ne peuvent être résolues aussi longtemps qu’elles ne
se sont pas engagées pleinement dans la thérapie. Le tableau 17.1 décrit les
diverses fonctions des parties imitant l’agresseur.

394 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


• Protéger le patient contre les menaces de l’agresseur originel qui peuvent servir de
suggestions malignes post-hypnotiques, le patient croyant par réflexe qu’elles sont
toujours vraies dans le présent. La partie imitant l’agresseur répète les menaces à
l’intérieur pour empêcher le patient de parler (p. ex. : « Si jamais tu en parles à
quelqu’un, je ferai du mal à ta sœur ; Si tu ne fais pas exactement ce que je te dis,
ta mère disparaîtra et tu ne la verras plus jamais ; C’est ta faute et si quelqu’un
découvre cela, tu iras en prison »).
• Se défendre contre les sentiments de vulnérabilité, comme la honte, la culpabilité,
la peur, la solitude, la tristesse, l’impuissance.
• Contenir les désirs et les sentiments de pouvoir ou de contrôle propres du patient
qui étaient inacceptables ou dangereux dans le passé.
• Contenir les tendances et désirs sadiques propres du patient qu’il ne peut pas encore
accepter ou tolérer.
• Protéger le patient par la critique et la punition.
• Rejouer le trauma passé de manière littérale intérieurement, ce qui finalement
empêche la réalisation.
• Empêcher le patient de se sentir lié au thérapeute (ou à d’autres personnes) de façon
à éviter le rejet, la perte ou des sentiments insupportables de dépendance ; ce qui
veut dire que ces parties ont une phobie de l’attachement.

TABLEAU 17.1
Fonctions des parties imitant l’agresseur

2. Le contre-transfert avec les parties


imitant l’agresseur
Il n’existe rien de pareil à la rage et au sadisme du patient pour déstabiliser et
submerger les thérapeutes, particulièrement pour ceux qui ont affaire pour la
première fois avec ce genre d’intensité. Les thérapeutes débutant dans ce tra-
vail hésitent souvent et sont même effrayés de s’engager avec ces parties. Leur
intensité et leur sadisme sont pour le moins déconcertants. Ils peuvent avoir
l’impression que le véritable agresseur est dans la pièce, reflétant la projection
du patient effrayé qui ne peut distinguer l’expérience interne de l’expérience
externe lorsqu’adviennent ces parties. Se souvenir que ces parties sont des
aspects du patient et ont une fonction défensive aide toujours.
L’un de nos outils les plus puissants en tant que thérapeutes est peut-être de
devenir capables d’accepter notre propre « mauvais soi » ou « ombre de soi »,
la partie de notre propre soi que nous vivons comme détestable, invalidante,
critique, hostile, honteuse. Lorsque nous pouvons accepter ces tendances
humaines comme une partie de notre expérience globale, nous n’avons besoin
ni de les désavouer ni d’agir sur elles. Elles peuvent simplement faire partie d’un
ressenti qui nous informe. Notre capacité de réaliser ce travail d’intégration en

Travailler avec les parties du patient qui imitent l’agresseur 395


nous-mêmes ouvre la porte aux patients pour faire de même. Il est beaucoup
plus facile d’accepter les aspects négatifs de nos patients lorsque nous réalisons
que nous ne sommes pas à l’abri des mêmes expériences.
Il est vrai que, dans la plupart des cas, les patients vivent les parties qui
imitent l’agresseur, ainsi que la plupart des parties agressives, comme étant
beaucoup plus dangereuses et violentes à l’intérieur qu’elles ne le sont réelle-
ment en thérapie. Et même si certaines parties du patient peuvent être assez
agressives verbalement, elles ne le sont habituellement pas physiquement.
Le meilleur prédicteur pour savoir si ces parties passeront réellement physiquement
à l’acte au cours de la thérapie est de savoir si le patient a des antécédents de vio-
lence. Dans certains cas, plus le thérapeute s’attend à la mise en acte, plus
elle survient. Les patients ayant des antécédents de violence peuvent ne pas
convenir au traitement en pratique privée, à moins que le thérapeute n’ait
une certaine habitude de travailler avec des populations potentiellement
violentes et qu’il dispose d’un soutien adéquat et de l’appui d’une institution
pour le faire.
Néanmoins, même si le patient n’a pas d’histoire de violence, il est sage
d’aller de l’avant prudemment lorsque le patient craint qu’une partie puisse
être violente ou verbalement maltraitante. La clé est de trouver une forme
de respect et d’intérêt plutôt que d’éviter les parties imitant l’agresseur ou
coléreuses ou de les provoquer exagérément. Le thérapeute ne devrait ni
mettre ces parties au défi ni les apaiser. Une approche plutôt directe, hon-
nête et claire s’avère bien plus efficace. Malheureusement, certains thé-
rapeutes tendent à être plus craintifs que le patient lui-même, tandis que
d’autres pourraient se mettre en mouvement trop rapidement sans s’adapter
au rythme du patient.
Il n’est pas facile d’être l’objet de la rage du patient. Prendre conscience
que la colère du patient ne concerne pas réellement le thérapeute peut évi-
demment aider comme savoir qu’il s’agit en fait d’une remise en scène de la
manière dont le patient a appris à s’adapter face au danger, une souffrance,
un rejet ou une humiliation perçus. Certains thérapeutes trouvent utile
d’imaginer s’écarter de la colère du patient et seulement l’observer (une
forme d’expérience imaginaire hors du corps qui implique de la réflexion
plus que de la dissociation).
Le simple fait de noter vos réactions peut vous aider à mieux comprendre ce
que le patient peut être amené à éviter en étant l’agresseur et en projetant des
sentiments de vulnérabilité sur le thérapeute. C’est-à-dire que souvent le thé-
rapeute se sent envahi, effrayé, figé, incompris et rejeté. Ce sont précisément
les expériences de l’histoire du patient qui sont projetées sur le thérapeute
parce que le patient ne peut pas encore les tolérer. Lorsque le thérapeute peut
supporter ces expériences sans s’y enfermer, il a la possibilité de les restituer
progressivement au patient.

396 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


CONCEPT CLÉ

Les thérapeutes doivent reconnaître les remises en scène dans lesquelles les parties imi-
tant l’agresseur jouent un rôle central. Les thérapeutes peuvent être entraînés dans ces
mises en scène et ressentir la même chose que le patient en tant qu’enfant ou en tant
qu’agresseur. Ces expériences au sein du thérapeute doivent être reconnues plutôt
qu’agies dans la mesure du possible

Certaines parties imitant l’agresseur sont assez sadiques, ce qui submerge le


patient et souvent le thérapeute qui peut n’avoir jamais rencontré auparavant
un comportement sadique flagrant. Certaines parties peuvent paraître prendre
un plaisir énorme à blesser d’autres parties et peuvent éprouver du plaisir à
jouer avec le thérapeute. Les thérapeutes peuvent avoir le sentiment étrange
qu’ils sont avec le réel agresseur. Il est essentiel de se souvenir que tel n’est
pas le cas, et qu’en conséquence ce sont des défenses et des vécus partiels du
patient et non des personnes. Mais néanmoins, ces vécus parfois peuvent être
troublants et même effrayants.
Le contre-transfert va du dégoût à la rage et la peur. Les thérapeutes
peuvent se mettre en retrait et éviter d’avoir affaire avec les parties en colère
ou imitant l’agresseur, ce qui ne fait qu’exacerber les conflits intérieurs des
patients et le sentiment qu’ils sont inacceptables. Ou les thérapeutes peuvent
être dégoûtés par le comportement de ces parties et juger rudement le patient,
une expérience humiliante qui peut faire dérailler la thérapie. Il est naturel
que les thérapeutes comme toute autre personne se mettent en colère quand
ils sont provoqués déraisonnablement afin qu’ils puissent répondre à ces parties
avec de la colère. Il est en fait assez commun pour des thérapeutes d’avoir des
fantasmes et des sentiments sadiques vis-à-vis du patient. Ceux-ci peuvent être
acceptés et utilisés comme une information importante plutôt que d’être évités
ou mis en acte.

CONCEPT CLÉ

Les thérapeutes ont besoin d’un équilibre raisonnable entre l’acceptation compassion-
nelle des parties imitant l’agresseur et la fixation de limites par rapport aux comporte-
ments agressifs ou sadiques du patient, tant à l’intérieur pour le patient qu’à l’extérieur
avec le thérapeute ou d’autres personnes dans la vie du patient.

Même en étant très compassionnel et respectueux envers le patient en


colère, le thérapeute devrait toujours mettre des limites appropriées aux com-
portements agressifs ou sadiques (voir dans le chapitre précédent à propos du
maniement du comportement abusif par le patient). Bien sûr, plus le thérapeute

Travailler avec les parties du patient qui imitent l’agresseur 397


est capable de ne pas prendre ces provocations personnellement, mieux c’est.
Et plus les limites posées par le thérapeute sont claires et fermes, moins les
mises en acte à l’égard du thérapeute apparaissent. La réparation relationnelle
est toujours essentielle lorsque le thérapeute devient coléreux et défensif.

3. Comment travailler avec les parties


imitant l’agresseur
Il est souvent plus facile de développer une alliance thérapeutique avec des
parties en colère fixées dans la défense plutôt qu’avec des parties imitant
l’agresseur, bien que les mêmes approches discutées dans le chapitre 16 sur
le travail avec des parties en colère du patient soient toujours valables. Les
parties imitant l’agresseur constituent souvent la cheville qui maintient la
non-réalisation et sont donc parfois les dernières à vouloir s’engager avec
le thérapeute. Habituellement, une fois que ces parties sont acceptées et
apprennent à être en compassion avec elles-mêmes, la thérapie franchit un
cap. Cependant, cela peut prendre beaucoup de temps et nécessiter beaucoup
de patience.
Même si ces parties sont difficiles à impliquer, il est impératif de le faire
dans la thérapie aussi tôt et de façon aussi consistante que possible. Après avoir
donné une psychoéducation sur les fonctions des parties imitant l’agresseur
(voir ci-dessous), le thérapeute devrait poursuivre avec la résistance de ces
parties avec compassion et curiosité. Il doit leur donner de l’espace dans la thé-
rapie pour expliquer leurs raisonnements et accepter des défis d’abord minimes
et ensuite progressifs selon leur logique de transe.

CONCEPT CLÉ

Plus les parties vulnérables (comme les parties enfant) sont activées dans la thérapie, plus
les parties imitant l’agresseur résistent contre la vulnérabilité et passent à l’acte en punis-
sant ces parties. Le thérapeute doit généralement travailler avec les parties imitant
l’agresseur avant de travailler avec les parties vulnérables et en besoin.

Plus les parties vulnérables sont actives en thérapie, plus le conflit intérieur
autour de la sécurité et de la honte en ce qui concerne leurs besoins augmente
et plus les parties imitant l’agresseur deviennent actives dans leur résistance à
la thérapie. Ainsi, même si cela peut paraître contre-intuitif aux thérapeutes,
travailler avec les parties imitant l’agresseur doit donc avoir lieu avant de tra-
vailler avec les parties enfant ou au moins simultanément selon un aller-retour
utilisant une sorte de navette diplomatique. Les thérapeutes (idéalement avec
l’aide de parties plus objectives du patient) vont et viennent entre les parties

398 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


pour reconnaître et résoudre les conflits. De cette manière, les besoins et les
buts radicalement divergents de chaque partie sont graduellement compris et
des compromis acceptables sont réalisés. Cependant, puisque les patients ont
peur et honte de ces parties, il est souvent (mais pas toujours) nécessaire de
travailler avec ces parties individuellement avant de faire appel à d’autres par-
ties pour développer davantage de collaboration intérieure. Comme noté au
chapitre 10, le thérapeute devrait choisir le niveau d’intervention systémique
avec les parties du patient qui répondent au mieux à la capacité intégrative la
plus élevée du patient. Si le patient dans sa globalité peut tolérer d’être avec
une partie imitant l’agresseur, il n’est pas nécessaire de travailler avec cette
partie séparément.
Une fois qu’il y a un contact initial, les thérapeutes peuvent expliquer
le cercle vicieux des expériences et des façons d’interrompre ces processus
internes permanents, par exemple en aidant le patient à créer et autoriser
des espaces intérieurs sécurisés ou calmes pour les parties. Plus une alliance
avec des parties imitant l’agresseur est solide, plus les thérapeutes peuvent se
confronter graduellement aux comportements rigides dans lesquels ces par-
ties sont bloquées, comme punir des parties enfant ou livrer des commentaires
constamment négatifs envers des parties adulte qui essaient de fonctionner
dans la vie quotidienne.
• OK, vous ne voulez donc pas qu’elle échoue dans son nouveau job. C’est
super ! Comment allez-vous faire pour l’aider à réussir ? Que pouvez-vous
faire pour l’aider plutôt que de rester en retrait et la pointer du doigt en lui
prédisant qu’elle va échouer ?
• Je comprends que vous vouliez que les parties enfant cessent de pleurer.
Et oui, c’est efficace momentanément de hurler et de les frapper à l’inté-
rieur, cela les rend plus calmes. Cependant, à long terme cela ne fait que
les rendre encore plus craintives, plus honteuses et davantage submergées,
ce qui ne peut que les rendre encore plus enclines à pleurer la prochaine fois.
Après tout, vous avez fait ça de cette manière pendant plus de 40 ans et elles
pleurent encore chaque jour. Voulez-vous apprendre une autre manière qui
les aiderait vraiment à se sentir mieux ?
• Puis-je demander où vous avez appris à crier et à frapper les enfants comme
cela ? Est-ce que quelqu’un vous a appris d’autres manières de venir en aide
aux enfants ?
• Je comprends que tu veuilles que Marie (la partie adulte qui fonctionne dans
la vie quotidienne) meure parce qu’alors toute cette souffrance arrivera à sa
fin. Mais prends-tu conscience que vous partagez le même corps ? Ce que tu
fais à son corps, c’est à toi que tu le fais. Et il y a des tas, vraiment des tas de
manières de réduire la souffrance. Je suis heureux de t’aider à en découvrir
plusieurs d’entre elles. C’est bien limité que de n’avoir qu’une option à portée
de main.

Travailler avec les parties du patient qui imitent l’agresseur 399


3.1. La psychoéducation à propos des fonctions
des parties imitant l’agresseur
Le thérapeute commence d’abord par l’éducation du patient considéré dans sa
globalité à propos des rôles et des fonctions des parties imitant l’agresseur. Les
parties imitant l’agresseur sont particulièrement encouragées à écouter.
• Ces parties de vous sont complètement compréhensibles et naturelles. Elles
sont aussi importantes que toutes les autres parties qui vous composent. Elles
se sont développées pour vous aider dans les situations les plus difficiles dans
le passé et ont réussi à vous aider lorsque la douleur, la peur ou la honte
étaient insupportables. (Ici il peut être utile de donner quelques exemples
de l’histoire du patient : La partie de vous qui ressemble à votre oncle s’est
probablement développée dans ce sens : votre oncle vous faisait du mal et vous
vous sentiez si vulnérable, si impuissante que cette partie en est arrivée à croire
qu’elle était votre oncle, qui avait tout le pouvoir et n’était pas vulnérable ou
blessé. De telle manière que cette partie pouvait vous protéger des menaces
que votre oncle vous ferait de pires choses si vous parliez et de plus de douleur
et d’impuissance.) Bien que je comprenne que leurs comportements soient
souvent menaçants ou blessants pour vous ou d’autres personnes, et que vous
n’allez certainement pas considérer leur comportement comme une aide, ces
parties de vous essaient de vous protéger, mais sans être très efficaces. Par
exemple, elles ne souhaitent pas raconter ce qui est arrivé parce que parler
semble trop douloureux et envahissant en ce moment et peut avoir été très
dangereux dans le passé. Ces parties sont en fait en train de vous aider à vous
rythmer de sorte que vous n’alliez pas trop vite jusqu’à ce que nous soyons
sûrs que toutes les parties sachent que vous êtes sauf maintenant. Elles vous
disent que vous allez échouer, que vous êtes un perdant parce qu’elles ne
souhaitent pas que vous essayiez des choses et que vous échouiez et que vous
ressentiez alors de la déception et que vous soyez blessé. Elles vous disent
que la thérapie est inutile parce qu’elles ne souhaitent pas que vos espoirs se
réveillent et qu’alors vous soyez déçu et peut-être elles se font des soucis que
changer puisse rendre les choses pires plutôt que meilleures. Elles ont foi dans
les frappes préemptives : prévenir avant que cela n’arrive. Puisqu’elles n’ont
pas pu contrôler ce qui est arrivé à l’extérieur de vous, elles essaient de vous
contrôler vous. Pouvez-vous comprendre, aussi rétrogrades que soient leurs
manières, que leur intention est de vous protéger ?

Après avoir aidé le patient à gagner une compréhension cognitive plus


grande de la fonction de ces parties, le thérapeute peut continuer à « parler
à travers » le patient directement aux parties imitant l’agresseur, en faisant
preuve de compréhension à leur égard. Cependant, trop d’empathie, de dou-
ceur ou de reconnaissance de la vulnérabilité ne sont pas une aide avec ces par-
ties au départ parce que c’est une attaque frontale de leurs stratégies défensives

400 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


primaires contre la honte et la connexion. Le thérapeute peut plutôt apprécier
leur force et leur dureté, en prenant en compte que le patient a besoin aussi de
ces qualités. Le thérapeute doit apprécier sincèrement les fonctions de ces par-
ties, les considérer comme faisant partie du patient dans sa globalité, même en
détestant peut-être leurs comportements. Ce type de psychoéducation devrait
être répété de différentes façons au fil du temps. L’idée est de reconnaître la
présence et le pouvoir de ces parties comme essentiels dans la collaboration
globale de la thérapie. Les thérapeutes peuvent suivre de façon libre cette
séquence :
• Reconnaître ces parties et leur pouvoir interne ainsi que leurs fonc-
tions protectrices initiales sans mettre au défi leurs défenses contre la
vulnérabilité.
0 Vous avez eu un travail ardu pour protéger Marie dans des situations
très difficiles. Vous avez une endurance et une force incroyables. Vous
êtes en mesure de noter les plus petites transgressions de Marie de façon
à ce que je sache que vous êtes très vigilante et que vous donnez de
l’attention aux détails. Je sais que vous devez vous ressentir très frustrée
avec les autres parties et je peux comprendre cela. Vous les voyez comme
faibles et je pense que je comprends cela aussi. Vous avez le droit d’exis-
ter et vous êtes importante. Je voudrais réellement mieux savoir quels
sont votre position et votre point de vue.

• Ensuite, apprécier comment ces parties aident le patient (p. ex., elles
tentent de s’assurer que le patient ne fasse jamais d’erreur, ou bien elles
forcent le patient à éviter les situations sociales pour prévenir humilia-
tion ou rejet, ou encore elles gardent les parties enfant calmes à l’inté-
rieur en leur criant de se taire ou en les battant).
• Graduellement et avec respect offrir des faits qui confrontent les
croyances de ces parties qu’elles sont l’agresseur (p. ex., l’agresseur est
en fait mort, ou est très vieux, ou vit dans une autre ville, ou est en pri-
son ; le patient a grandi et a sa propre famille ; le thérapeute n’était pas
là quand le patient était jeune et être dans son bureau est une indication
que le temps a passé ; la partie partage le même corps que le patient).
0 Même si vous pouvez croire que vous êtes le père de Marie, il y a des
différences importantes. Par exemple, vous dites que vous avez 35 ans
mais le père de Marie est un très vieil homme maintenant et il souffre
d’Alzheimer. Le saviez-vous ? Vous êtes une partie de Marie même si
cela ne vous paraît pas être le cas du tout pour l’instant pour vous.
0 Même si Marie dit qu’elle veut se débarrasser de vous et que vous sou-
haitez vous débarrasser de Marie ce n’est réellement pas possible. Si vous
tuez Marie, vous vous tuerez vous-même et vice versa. Vous ne pouvez
pas vous débarrasser l’une de l’autre comme vous le voudriez maintenant.

Travailler avec les parties du patient qui imitent l’agresseur 401


Bien que je puisse certainement me tromper, je me demande si en réalité
vous ne souhaitez pas vous débarrasser l’une de l’autre mais que vous
souhaitez plutôt simplement que votre vie aille mieux et que vous n’avez
pas beaucoup d’espoir que cela puisse arriver. La vérité est que vous êtes
tous dans le même bateau. À l’heure actuelle, il y a une tempête et dans
votre bateau certains pagaient, certains se balancent pour le faire cha-
virer, certains préparent une mutinerie, certains percent des trous dans
la coque, d’autres écopent par-dessus bord, certains tentent de hisser
les voiles et d’autres attendent que quelqu’un vienne les sauver, et per-
sonne, vraiment personne ne s’occupe du gouvernail et de la roue. Mais
il vous appartient de faire naviguer tous ensemble un seul bateau, même
si vous ne prêtez pas vraiment attention à certains de vos coéquipiers. Je
pense que vous pouvez réussir à faire voguer ce bateau.
0 Travailler en même temps avec toutes les parties de Marie et avec moi
ne signifie pas que vous allez perdre le contrôle. Vous jouez un rôle très
important comme conseiller et comme partenaire de discussion dans la
thérapie et je me repose sur vous pour me prévenir si je vais trop lente-
ment ou si je fais une erreur ou si je demande à Marie de faire quelque
chose avec quoi vous êtes en désaccord. J’attache beaucoup de valeur à
votre contribution et j’en ai vraiment besoin.

3.2. Aider le patient à faire une distinction


entre l’agresseur intérieur et externe
Au début de ce travail avec les parties s’identifiant à l’agresseur, le thérapeute
peut non seulement confronter ces parties sur les différences entre elles et les
agresseurs réels mais il peut aussi aider le patient, dans sa globalité, à tenir
compte de ces différences. Par exemple, les parties imitant l’agresseur sont sou-
vent vécues comme ayant l’âge de l’agresseur lorsque le patient était un enfant
ou disant des choses en relation avec le présent mais avec la même voix que
l’agresseur. Le thérapeute devrait introduire les jalons d’une dissonance cogni-
tive et encourager toutes les parties du patient à arrêter de réagir à ces parties
pour s’engager davantage dans la réflexion à propos de leur vécu intérieur.
• Avez-vous une image de cette part ? Ressemble-t-elle à votre frère ? Pouvez-
vous noter les différences entre l’aspect de cette partie à l’intérieur de vous et
celui de votre frère réel au présent ?
• Cette partie semble-t-elle avoir un âge ? Est-ce que cela répond à l’âge de
votre agresseur dans le présent ? Cette partie semble avoir l’âge de votre mère
quand vous étiez petit et votre mère est très âgée aujourd’hui. Pensez-vous
que cette partie de vous sait que votre mère est vieille ?
• Je me demande s’il y a une manière de vous aider à distinguer cette part
intérieure de votre oncle réel qui vous a fait du mal quand vous étiez enfant.

402 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Peut-être pourriez-vous remarquer que « l’oncle intérieur » porte une che-
mise différente ou un chapeau différent de votre oncle réel. Est-ce quelque
chose que vous pourriez remarquer ? Les autres parties peuvent-elles vous
aider à exprimer la différence ?

3.3. Valoriser les objectifs mais pas les moyens


des parties imitant l’agresseur
Avec respect, le thérapeute peut faire remarquer que même si ces parties
travaillent dans un but (p. ex., garder les parties enfant tranquilles pour les
empêcher de parler car ces parties croient que les menaces d’origine contre le
fait de parler sont toujours en vigueur, ou empêcher le patient d’entreprendre
quoi que ce soit qui pourrait mener à l’échec), elles ne parviennent toutefois à
atteindre un but que temporairement, et que donc le problème revient.
• Je comprends que vous faites de votre mieux pour protéger Marie. Pourtant,
en dépit de vos efforts réitérés, Marie continue à avoir des difficultés dans la
vie quotidienne, les parties enfant continuent à pleurer, les choses continuent
d’aller mal, vous continuez à menacer les parties de s’automutiler ou de se
tuer la plupart du temps. Je me demande si vous pourriez être intéressé d’ap-
prendre quelques nouvelles manières qui pourraient fonctionner en plus de
celles que vous connaissez déjà.
• Je peux à peine imaginer à quel point vous éprouvez des difficultés avec ces
parties enfant qui pleurent tout le temps. Il n’est pas étonnant que vous vou-
liez qu’elles se taisent ! Et je me demande aussi si vous avez peut-être le souci
que si elles ne sont pas calmes, quelque chose de terrible pourrait survenir
comme c’est arrivé par le passé ? Il est important pour vous de vous rappe-
ler, même si cela peut être difficile, que vous êtes en sécurité maintenant et
que mon bureau est un endroit tranquille où toutes les parties de vous sont
acceptées et sont les bienvenues. Mais, voudriez-vous essayer une manière
différente de gérer ces parties enfant bouleversées, ici dans mon bureau, avec
moi maintenant ? Est-ce que vous leur permettriez d’aller dans un endroit
intérieur où c’est calme et tranquille, où elles pourraient peut-être se reposer
ou jouer ? C’est une expérience que vous pourriez tenter ici pour voir si cela
les aide à être plus calmes.
• Je sais que vous avez beaucoup de soucis à propos de la capacité de Marie
de fonctionner au travail, et je partage votre inquiétude. Nous voulons tous
les deux qu’elle réussisse et garde son travail. Je ne peux m’empêcher de me
demander si, au cas où ce serait plus calme à l’intérieur, alors Marie pourrait
davantage se focaliser sur son travail. Vous savez combien ces parties enfant
vous ennuient quand elles pleurent ? Je me demande si vos engueulades vis-
à-vis de Marie toute la journée ressemblent à cela pour elle ? Je sais que vous
ne lui faites pas fort confiance mais pourriez-vous faire une autre expérience,

Travailler avec les parties du patient qui imitent l’agresseur 403


comme de faire en sorte que les parties enfant aillent vers un endroit spécial à
l’intérieur ? Pourriez-vous essayer de permettre à Marie d’avoir une matinée
au travail sans lui crier dessus ? Je suis presque certain que si elle fait une
erreur, elle s’en rendra compte. Regardons si cela fait une différence.

3.4. Aider le patient à reconnaître tout ce qui se rejoue


à l’intérieur
Le thérapeute peut aussi aider le patient dans sa globalité à reconnaître le
cercle vicieux actuel de ce qui est rejoué par toutes les parties à l’intérieur
(Boon et al., 2011).
• Ces parties [imitant l’agresseur] peuvent ressembler pour vous de bien
des manières aux personnes qui vous ont blessé. Elles apparaissent à la
surface comme ayant les mêmes émotions, pensées et comportements que
ces personnes. Elles disent essentiellement l’histoire de ce qui est arrivé
en le mettant en actes au lieu d’en parler. En fait, à l’intérieur, toutes les
parties se déclenchent (ou s’activent) l’une l’autre constamment. La peur,
la tristesse et la douleur peuvent déclencher des sentiments d’impuissance,
de honte et de colère. Il en résulte des vécus d’envahissement à l’intérieur
de sorte que, afin d’y mettre fin, vous vous blessez. Mais l’automutilation,
même si cela fonctionne sur le moment, déclenche à nouveau de la honte
et de mauvais sentiments à votre propos. Cela provoque encore plus de
vulnérabilité et de douleur, d’autocritique et ainsi de suite. Si nous prenons
une vue d’ensemble, nous pouvons voir que chaque partie de vous raconte
une partie de l’histoire par la façon dont chacune agit, ressent et perçoit.
Bien qu’il puisse sembler que les parties qui sont comme l’agresseur causent
le problème, en fait toutes les parties ont un rôle dans ce cercle. Il y a plu-
sieurs manières de changer ce cercle vicieux en cours. L’une d’elles consis-
terait à trouver des lieux sécurisés et calmes pour les parties qui pleurent
ou souffrent.

3.5. Aider le patient à reconnaître et à modifier


les réactions à l’égard des parties imitant l’agresseur
Chaque patient et chaque partie dissociative a des réactions particulières habi-
tuelles, somatiques, émotionnelles ou cognitives, vis-à-vis des autres parties. Il
s’avère utile pour le thérapeute d’encourager le patient à prendre note de ces
réactions, à travailler avec elles et à les changer.
• J’ai remarqué que chaque fois que vous entendez cette partie crier sur vous,
vous vous figez et votre esprit s’absente et vous regardez autour de vous
comme si vous aviez très peur. Avez-vous remarqué cela ? Cherchons une
manière de vous aider à réagir d’une autre façon.

404 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


• Je me demande si, plutôt que de croire à tout ce que la partie dit, vous pour-
riez prendre du recul et voir qu’au moins un élément de ce qu’elle dit de vous
n’est pas pertinent ?
• Qu’arriverait-il si vous exprimiez le fait que vous commencez à comprendre
et ressentir un peu de compassion envers cette partie de vous-même, même si
vous ne la ressentez pas très fortement ? Je suis sûr que cette partie de vous
n’a pas vécu cela avant et je crois que cela pourrait l’aider.
• Qu’arriverait-il si vous commenciez à rassurer cette partie de vous puisque
vous êtes maintenant en sécurité ?
• Serait-il possible pour vous de débuter un dialogue avec cette partie plutôt que
d’être simplement craintive ?
• Je me demande si peut-être vous et cette partie avez quelques valeurs impor-
tantes en commun ? Par exemple, vous ne souhaitez pas échouer. Cette par-
tie vous qualifie de perdante parce que, je crois, elle ne veut pas vous voir
échouer. Ainsi, tous deux vous ne souhaitez pas échouer. Est-ce quelque
chose avec laquelle vous pourriez être d’accord ?

3.6. Aider les parties imitant l’agresseur à souligner


leurs propres vulnérabilités et forces
À mesure que l’alliance se développe lentement, le thérapeute aide graduel-
lement les parties imitant l’agresseur à accepter et à réaliser leurs propres vul-
nérabilités. Cela peut s’étendre sur une longue période de temps et peut-être
cela n’arrivera-t-il que tardivement dans la thérapie. Ces interventions ne
devraient pas être les premières effectuées avec ces parties. Parce que ces par-
ties ont un investissement narcissique dans le maintien de leur pouvoir et de
leur contrôle, le thérapeute ne doit pas mettre au défi leur statut ou essayer de
dévoiler leurs vulnérabilités en premier lieu (par exemple, Kluft, 1996a).
• Je peux imaginer que vous avez une position difficile à l’intérieur parce que
les autres parties de Marie ont peur de vous, sont en colère contre vous, ne
vous comprennent pas et vous évitent. Je pourrais tout à fait comprendre que
vous n’aimeriez pas que les autres parties sachent, donc vous pourriez juste
hochez la tête oui ou non, que vous vous sentez un peu seul parfois, peut-être
comme Marie quand elle était une enfant solitaire ?
• Vous n’êtes pas mauvaise même si vous pouvez agir parfois d’une manière
agressive ou sadique à l’égard des parties intérieures ou des gens à l’extérieur.
Mal vous comporter, ce n’est pas la même chose qu’être mauvaise. C’est une
manière d’exprimer votre colère et d’autres sentiments parce que vous n’avez
pas appris comment vous débrouiller avec ces sentiments d’une manière diffé-
rente. Je suis certain que vous pouvez apprendre à gérer ces sentiments d’une
manière différente qui fonctionnerait mieux pour vous, de façon à empêcher

Travailler avec les parties du patient qui imitent l’agresseur 405


qu’ils ne reviennent constamment et ne vous harcèlent. Seriez-vous intéres-
sée par cela ?
• Votre colère est une source de force et de vitalité. Vous pouvez apprendre à
utiliser cette force de différentes manières non contre vous ou d’autres parties
à l’intérieur mais pour vous-même et pour les unes et les autres parties à
l’intérieur.
• Je devine que vous ne souhaitez pas du tout apparaître faible et vulnérable
si vous participez au traitement et commencez à parler de vos sentiments
comme d’autres parties à l’intérieur. Mais êtes-vous consciente qu’accepter
tous vos sentiments n’est pas une faiblesse mais bien plutôt une grande force ?
Cela demande beaucoup de courage et de force d’accepter des sentiments dif-
ficiles, de ne pas avoir peur d’eux et de les gérer d’une façon utile. En fait,
c’est souvent la chose la plus difficile que les personnes apprennent à faire.
• Je me demande comment vous en êtes arrivée à protéger Marie ? Quelle était
la première chose dont vous vous souvenez ?
• Marie doit s’être sentie si fort en détresse et vulnérable et effrayée quand son
père lui faisait du mal. Je ne peux m’empêcher de me demander si vous avez
appris à endosser son sens du contrôle et du pouvoir de telle sorte que vous
n’aviez pas à ressentir ces terribles sentiments que Marie a ressentis ?
• S’il vous plaît, prenez votre temps pour penser à ces choses, et nous pourrons
continuer à discuter de vos pensées et soucis à votre rythme.

3.7. La coopération graduelle


Les thérapeutes ne devraient pas s’attendre de la part des parties imitant
l’agresseur qu’elles collaborent de manière immédiate. Elles peuvent souvent
venir à la surface et juste après aussi vite disparaître à nouveau ou rester plus
présentes seulement pour fustiger le thérapeute et dire sans équivoque possible
que la thérapie est inutile, que le patient est désespéré et que le thérapeute est
incompétent. Les thérapeutes doivent simplement accepter cela sans sourciller
et continuer d’avancer doucement lorsque c’est le bon moment.
Parfois, en parlant à travers le patient aux parties imitant l’agresseur, un
switch surviendra ou bien le thérapeute peut soudain voir un regard mépri-
sant ou coléreux, ce qui peut être déconcertant. Beaucoup de thérapeutes
ont le sentiment étrange que « quelqu’un d’autre regarde à travers les yeux
du patient ». C’est une éventualité commune avec des patients souffrant de
troubles dissociatifs. Lorsque cela survient, le thérapeute peut continuer en le
prenant comme un bon signe que ces parties veulent écouter, même si elles ne
rentrent pas encore tout à fait dans un dialogue.
Le thérapeute pourrait dire quelque chose comme : « C’est vraiment bien
de la part de ces parties de vous de me regarder en profondeur quand nous

406 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


sommes ensemble, et j’apprécie beaucoup qu’elles veulent écouter. J’invite ces
parties de vous à être présentes au moment où elles sont prêtes et je suis très
ouvert à quoi que ce soit qu’elles souhaiteraient partager avec moi. »
La psychoéducation et des incursions relationnelles subtiles doivent être
proposées encore et encore. Comprendre, encore moins coopérer, ne viendra
certainement pas après une séance ni même plusieurs. Le thérapeute doit être
patient, satisfait de la lente érosion des défenses. En fait, lorsqu’on travaille
avec ces parties, c’est un bon signe si rien de plus dramatique ne survient que
des reproches et des protestations de la part de ces parties.
• Le thérapeute prend du temps pour valider, comprendre et travailler
avec la partie imitant l’agresseur, et se montre compassionnel pour
cette tâche dure et épuisante d’être en colère tout le temps et de punir
pour maintenir les choses en l’état.
• Ces parties ont aussi une peur intense de ce qui pourrait arriver si elles
n’ont pas le contrôle et ne peuvent pas empêcher le patient de parler des
vécus traumatiques car elles ont très souvent retenu les menaces – par
l’agresseur originel – de ce qui arriverait si elles parlent. Elles peuvent
être appréciées pour leur force.
• Les thérapeutes pourraient travailler avec d’autres parties du patient,
en validant avec compassion leur vécu d’avoir été traitées si mal par ces
parties et en reconnaissant combien cela doit être difficile d’avoir de
telles voix intérieures mal intentionnées et la plupart du temps actives ;
tout en partageant aussi les fonctions protectrices de ces parties.
• Le thérapeute recherche ensuite avec le patient des objectifs communs
entre la partie imitant l’agresseur et les autres parties.
0 Je me demande s’il est vrai qu’aucune de vous deux ne souhaite souffrir
dans sa vie et que toutes deux vous souhaitez un certain apaisement ?
0 Il semble qu’aucune de vous ne souhaite être une perdante, une salope,
une grossière, une paresseuse, etc.
0 Peut-être toutes les parties de vous espèrent-elles dans une certaine
mesure que la thérapie puisse vous aider.
0 Même si cette partie dit qu’elle ne veut pas venir en thérapie, elle vous
permet de venir chaque semaine. Je devine que vous partagez tout de
même quelque part un espoir même si elle n’est peut-être pas tout à fait
consciente de cela.

Les parties imitant l’agresseur peuvent grandement bénéficier de l’atten-


tion si nécessaire et constante des thérapeutes. Elles se sentent entendues et
respectées pour la première fois. Elles réalisent que le thérapeute n’est pas en
train de se « débarrasser » d’elles et est même en train d’aider les autres parties
à les accepter davantage. Elles se montrent plus curieuses de la thérapie et de

Travailler avec les parties du patient qui imitent l’agresseur 407


la manière dont elle pourrait les aider. Progressivement, leur acceptation tout
à la fois par le patient et par le thérapeute rend les patients bien plus capables
d’assumer leur propre colère et sadisme et par là même de les transformer.

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JNJUBOUMBHSFTTFVS4BNBOUIB

Samantha avait deux voix vicieuses, « Maman » et « Papa » qui l’admonestaient, la


battaient, la menaçaient de punitions et lui disaient de se suicider. Elle avait aussi une
partie très jeune de 4 ans, appelée « Dolorès » loyale aux parties Maman et Papa
intérieures et amèrement et continuellement en colère. Cette partie de Samantha lui
donnait souvent des coups dans l’estomac, causant une douleur intense, et ne permettait
pas à Samantha de manger suffisamment ou d’acheter des vêtements.
Dolorès était furieuse sur la thérapeute parce qu’elle ne voulait pas changer l’histoire de
Samantha pour qu’elle ait de bons parents ; mais dans le même temps, Dolorès insistait
parfois pour dire que ses parents étaient merveilleux. Elle restait cachée et refusait d’être
présente en thérapie et ainsi la thérapeute continuait à parler à travers Samantha à cette
partie. Le thérapeute reconnut que Samantha et Dolorès travaillaient en tandem pour se
punir l’une l’autre comme façon d’éviter la réalisation du passé. À d’autres moments,
Dolorès s’alignait sur Maman et Papa intériorisés en punissant Samantha.
Après quelques années d’un traitement ardu marqué par l’automutilation et la suicidalité,
Dolorès en vint à réaliser que sa loyauté à Maman et Papa intériorisés la protégeait car
elle serait blessée si elle désobéissait. Elle réalisa de plus que ses tentatives de priver
Samantha de nourriture et d’habits étaient non seulement des remises en scène
d’expériences vécues réelles de déprivation mais aussi une façon de tester sa force.
Tant que Samantha arrivait à tolérer ces privations inutiles, Dolorès croyait qu’elle était
suffisamment forte pour survivre à tout ce qui pouvait arriver. Très lentement, au cours
des années de thérapie, Dolorès comme Papa et Maman intériorisés, devinrent plus
enclins à accepter Samantha et vice versa. Plus ces parties montraient de la compassion
l’une envers l’autre, plus la vie de Samantha s’améliora, plus elle put s’occuper de sa
propre santé et ses automutilations et sa suicidalité diminuèrent très fortement.

&YFNQMFEFDBTEFUSBWBJMMFSBWFDVOFQBSUJF
JNJUBOUMBHSFTTFVS.BSJF

Marie était une femme de 45 ans avec des épisodes dépressifs récurrents et une histoire
d’abus sexuel et de maltraitance physique par son père et d’autres membres de la famille.
Après plusieurs années dans le système de santé mentale, elle a été diagnostiquée TDI et
le traitement pour son trouble dissociatif a débuté. Après quelques interventions de
stabilisation initiale, Marie rapporta avec hésitation qu’elle entendait constamment des
voix d’enfants pleurant dans sa tête et souvent la voix d’un homme qui ressemblait à celle
de son père et qui lui criait dessus et faisait pleurer ses voix enfants intériorisées. Elle était
terrifiée que cette partie prenne le dessus et fasse du mal à elle-même ou au thérapeute.
Le thérapeute lui délivra de la psychoéducation (comme décrit plus haut) sur les fonctions
de cette partie et parla à travers Marie à cette partie paternelle d’elle-même.

408 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


En réponse à cette séance, le thérapeute reçut sur son répondeur un message de la
patiente qui déclarait d’une voix en colère : « Pourquoi interférez-vous ? Vous êtes inutile
et répandez toutes sortes de mensonges. Laissez-nous tranquilles ! C’est dangereux
pour elle [Marie] de vous écouter et maintenant ces enfants stupides qui pleurent sont
énervés et le pire de tout, c’est que vous suggérez qu’il y a de l’espoir. Comment
pouvez-vous seulement penser que d’avoir de l’espoir pourrait l’aider ? Qu’est-ce que
ce foutu espoir de toute façon ? Cela n’existe pas ! Je ne prendrai jamais part à cette
thérapie ridicule qui est en fait la manière de vous faire beaucoup d’argent sur son dos.
Je connais les gens comme vous. Vous semblez gentil et puis vous utilisez les gens. Je
vais faire en sorte que Marie arrête de venir vous voir et si elle ne le fait pas, je le lui
ferai regretter. C’est de sa faute si on est dans la merde et maintenant vous aggravez
les choses, tous ces bébés qui pleurent en souhaitant que vous les sauviez ! Je vais leur
apprendre comment fermer leur gueule et être solides. Nous n’avons pas besoin que
vous vous mêliez de nos affaires, alors stop et n’essayez pas d’avoir le culot de me parler
encore ! »
Ce type de message (qui peut aussi se manifester directement en thérapie ou peut-être
par courriel ou par lettre) est une réaction plutôt typique et attendue d’une partie
imitant l’agresseur après le premier contact pris par le thérapeute avec elle. Bien sûr,
ces parties ne peuvent et ne voudront pas laisser tomber leurs défenses immédiatement
car elles sont trop craintives que le thérapeute ne leur fasse du mal ou ne se « débarrasse »
d’elles. La clé pour le thérapeute est de rester suffisamment en retrait tout en continuant
délicatement à être curieux et à faire des tentatives de contact au cours du temps.
Par exemple, le thérapeute pourrait dire qu’il est important d’avoir le feed-back de cette
partie sur certaines questions et voudrait-elle donner son opinion ? Dans certains cas,
une communication très hostile continuera pendant un bon moment et le thérapeute
restera patient sans cesser d’essayer de comprendre ce qui meut l’intensité de ces
parties.
Lors de la séance suivante, Marie dit au thérapeute qu’elle avait eu une semaine
éprouvante avec des absences pendant plusieurs jours. Elle s’était aussi retrouvée seule
au milieu d’un bois en pleine nuit, terrifiée, trempée et frigorifiée. Elle était menacée
tout le temps par la voix de son père dans sa tête qui lui disait qu’elle devait arrêter la
thérapie ou qu’il la tuerait. Cependant, il y avait aussi d’autres voix qui lui disaient que
c’était OK de continuer et elle avait résisté à la pression d’annuler son prochain rendez-
vous.

5IÏSBQFVUF : Je suis désolé d’apprendre cela. Il semble qu’il y ait beaucoup de conflits
à l’intérieur de vous et la partie paternelle de vous a ressenti que je ne suis pas sécurisant.
Je me demande si j’ai été trop vite ou si j’ai fait quelque chose qui l’a perturbée ? Mais
je me demande aussi si cette partie de vous ne pouvait pas avoir ressenti un choc et
de la confusion d’avoir été reconnue si directement. Qu’en pensez-vous ? Je me
demande si d’autres parties de vous ont des idées à ce sujet ?

Si la communication venant d’une partie survient en dehors des séances, le thérapeute


devrait toujours la ramener en séance car le patient peut être amnésique.
5IÏSBQFVUF : Pouvons-nous vérifier le message que vous m’avez laissé sur le répondeur
après la dernière séance ? À vous entendre, vous étiez quelque peu en colère et énervée.
.BSJF : Quoi ? Je vous ai laissé un message ? De quoi parlait-il ?

Travailler avec les parties du patient qui imitent l’agresseur 409


5IÏSBQFVUF  Oui, oui, une partie de vous l’a fait [le thérapeute répète l’essentiel du
message et propose de faire entendre le message, ce que la patiente refuse avec véhémence].
Cette partie de vous ne souhaite pas me voir interférer mais d’autres parties veulent
bien collaborer. C’est tout un conflit en vous, non ? Mais c’est vraiment bien que nous
nous comprenions maintenant et que nous puissions parler un peu plus de ce conflit.
Je suis si content que la partie de vous en colère ait décidé de communiquer même
si vous pourriez ne pas aimer la façon dont cela se produit. Nous sommes sur le bon
chemin et c’est un très bon début. Je suis reconnaissant que cette partie de vous veuille
être entendue. Je n’ai certainement pas l’intention de rendre les choses pires pour vous.
Cette partie de vous pense que c’est ce que j’ai fait et je suis vraiment intéressé à
comprendre le point de vue de cette partie. Le fait que vous êtes ici aujourd’hui signifie
que la partie vous permet de venir même si toute une série de doutes sur la thérapie
ont été émis.
.BSJF : Eh bien cette partie est la cause principale de toute cette merde. J’étais terrifiée
dans les bois ! Pourquoi me suis-je rendue là ? Pourquoi me fait-elle tout ce mal ? Je
ne veux rien avoir à faire avec elle. Je veux qu’elle s’en aille.
5IÏSBQFVUF : Je comprends à quel point vous avez dû être effrayée et je suis d’accord
qu’aller dans les bois au milieu de la nuit est dangereux. Mais peut-être pouvons-nous
chercher la raison pour laquelle cette partie a ressenti que c’était important. C’est
quelque chose dont nous pouvons être curieux de même que tout votre comportement
a d’importantes significations que nous pouvons commencer à entrevoir. Sur la
messagerie vocale, cette partie de vous a dit que vous étiez dans une grande difficulté
à cause de vous et des autres parties. Apparemment, vous vous blâmez l’une l’autre et
le combat à l’intérieur empire. Qu’en pensez-vous ?
.BSJF : Cela a toujours été ainsi depuis aussi longtemps que je m’en souvienne,
mais c’est bien pire maintenant. Peut-être a-t-elle raison et que je devrais cesser
de venir ici ?
5IÏSBQFVUF : Eh bien, pensez-vous que cela va résoudre ce conflit terrible et vous
aider à vous sentir mieux ?
.BSJF : Je ne sais pas… non, cela ne le fera pas. Je me suis sentie mieux depuis que
je viens vous voir parfois et je ne pense finalement pas être folle. Beaucoup de ce que
vous avez expliqué a du sens et m’a aidé. Je commence à comprendre ces parties
d’enfants et de bébés stupides et j’ai essayé de vous suivre dans vos idées en leur
assurant un lieu sécurisé. Mais alors elle est devenue furieuse et a détruit leur lieu sûr.
Je suis si effrayée qu’elle fasse réellement quelque chose de destructeur, comme vous
tuer vous ou moi. Vous ne pouvez pas la faire partir ?
5IÏSBQFVUF Bien que je comprenne que vous soyez craintive, faire partir cette partie
ne fonctionnera pas. Et bien que vous ne puissiez pas encore entièrement le comprendre,
cette partie de vous est essentielle. Vous avez développé cette partie pour vous protéger
vous-même dans le passé et je pense que cette partie souhaite toujours vous aider.
Cette partie de vous a des raisons de penser que la thérapie est mauvaise pour vous.
Je souhaite que nous comprenions ces raisons. Ainsi, peut-être, au plus profond,
souhaite-t-elle aussi sortir de ce merdier parce qu’elle vous a malgré tout permis de
venir en thérapie tout ce temps.
.BSJF Je ne veux pas qu’elle soit ici. Cela me terrifie. Elle est en train d’écouter et elle
a de nouveau commencé à crier après moi. [La patiente met ses mains sur ses oreilles
pour faire taire les cris.]

410 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


5IÏSBQFVUF : Bien, je suis content qu’elle écoute et je comprends que peut-être ce
n’est pas encore le moment pour elle d’être directement en séance. Mais peut-être
cette partie pourrait-elle souhaiter m’écrire dans votre journal ou sur un morceau de
papier et m’en dire davantage sur le besoin de terminer la thérapie et d’aller dans les
bois au milieu de la nuit. Je pense que nous pouvons trouver pour tout le monde une
porte de sortie à ce conflit et à ce pétrin. Est-ce que cette partie a quelque chose à
dire maintenant ? Je souhaite réellement l’entendre.
.BSJF : Elle ne hurle pas maintenant mais elle me dit qu’elle ne va pas changer d’avis
et… Je me sens honteuse… Elle dit vraiment de vilaines choses à votre sujet. Je ne
vais pas vous les dire.
5IÏSBQFVUF : Je suis content que cette partie de vous se sente libre de partager avec
vous et je devine que quelques parties de vous doivent avoir une série de sentiments
à mon égard, pas toutes positives. C’est OK. J’ai plein d’espoir que cette partie de vous
trouvera un chemin pour continuer à communiquer verbalement avec moi.
Un jour ou deux après la séance, le thérapeute reçut un message sur sa messagerie vocale
de la partie qui ressemble au père : « Tu parles que je l’ai emmenée dans les bois. Elle ne
mérite pas un endroit sécurisé ; il n’y a pas de sécurité et elle ferait mieux de réaliser qu’il
n’y aura jamais moyen pour elle de s’échapper de moi ! J’aime la violer dans les bois, c’est
bien amusant et, là au moins, je ne suis pas dérangé. J’aime aussi la violer dans la maison.
Il n’y a rien pour elle qui ressemble à un endroit sécurisé, il n’y a nulle part où se cacher.
Je vous l’ai dit, n’intervenez pas, parce vous n’y comprenez rien. »
Dans la séance suivante, le thérapeute remercia la partie qui ressemble au père (à
nouveau en parlant à cette partie à travers le patient) pour la communication. Le
thérapeute demanda ensuite si cette partie savait que le père réel était un homme très
âgé en fauteuil roulant qui ne pouvait plus leur faire de mal à présent. Cela déclencha
soudainement un switch et la partie paternelle vint directement à l’avant-plan.

.BSJF DPNNFQBSUJFSFTTFNCMBOUBVQÒSF : Je savais que vous étiez dangereuse,


que vous racontiez des mensonges ; je ne suis pas vieux, mes jambes sont fortes. Tu
vois une chaise roulante quelque part ? Je ne suis pas stupide. Tu ne m’auras pas avec
tes mensonges. Elle [la patiente] souhaite croire que je suis vieux mais c’est de
l’imagination. Elle ne me quittera jamais !
5IÏSBQFVUF : Non, vous êtes ici et vous n’êtes pas vieux ou en fauteuil roulant, bien
sûr. Mais pouvez-vous m’aider à comprendre qui est, sur la photo que Marie m’a
apportée, cet homme en fauteuil roulant qu’elle appelle son père ?
.BSJF DPNNF QBSUJF QBUFSOFMMF : [Regardant momentanément confuse] Je ne sais
pas ! Pourquoi êtes-vous centré sur une image stupide ? Qui s’occupe de qui c’est ? Je
suis ici. C’est tout ce qu’il faut savoir.
5IÏSBQFVUF Bien, sincèrement, nous avons tous les deux besoin de comprendre une
série de choses et cela viendra avec le temps. Pour ce qui est de maintenant, je
comprends que vous êtes en réalité ici et je suis content parce que vous m’aidez à
vous comprendre davantage ainsi que les relations avec les autres parties intériorisées.
.BSJF<DPNNFQBSUJFQBUFSOFMMF] : Ouais, je les viole, je les frappe, j’ai du bon temps.
5IÏSBQFVUF : Humm, qu’est-ce qui vous donne un sentiment d’avoir du bon temps ?
Et comment passez-vous votre temps lorsque vous ne les violez pas ou ne les frappez
pas ? Qu’est-ce qui vous fait plaisir en plus de leur faire du mal ? [Ici le thérapeute
commence à mettre au défi la partie paternelle à élargir son attention au-delà du trauma.]

Travailler avec les parties du patient qui imitent l’agresseur 411


.BSJF<DPNNFQBSUJFQBUFSOFMMF> : De quoi parlez-vous ? Je leur fais du mal tout le
temps.
5IÏSBQFVUF : Oui, je suis sûr que c’est ce qu’il vous semble mais tout le monde a
besoin de temps libre. Je pense, par exemple, à la façon dont vous avez emmené les
parties au bois pour les violer. Avez-vous déjà été dans les bois seul ? Aimez-vous les
bois, vous y promener, les sentir, les écouter ?
.BSJF <DPNNF QBSUJF QBUFSOFMMF> : Je n’ai pas le temps pour ce genre de choses.
Question stupide ! J’aime les oiseaux, parfois.
5IÏSBQFVUF Oui, je sais que mes questions peuvent paraître très stupides à certains
moments. Je m’en excuse. Parlez-moi davantage de ce que vous aimez chez les oiseaux.
.BSJF <DPNNF QBSUJF QBUFSOFMMF> : Pour quelle raison ? Pour pouvoir m’humilier ?
Non merci. [Cette affirmation aide le thérapeute à reconnaître la honte profonde contre
laquelle cette partie se défend.]
5IÏSBQFVUF Non, je suis vraiment intéressé par ce que vous aimez. Les oiseaux sont
vraiment incroyables : leurs couleurs, les différents sons qu’ils produisent, leurs plumes,
la manière dont ils font leur nid, leur façon de voler et même parfois dont ils ne volent
pas, les oiseaux de proie, les oiseaux chanteurs. Ce sont des créatures très étonnantes,
n’est-ce pas ?
.BSJF<DPNNFQBSUJFQBUFSOFMMF> : Oui, ils sont vraiment chouettes. J’aime leur chant.
Mais, une minute, vous me tendez un piège. Taisez-vous maintenant avec les oiseaux.
Je m’en vais. [La patiente switche de la partie paternelle vers la partie adulte de Marie.]

La partie paternelle commence une alliance difficile avec le thérapeute qui alterne
doucement des mises au défi de la réalité de la partie, l’acceptation de son rôle
intériorisé actuel en tant que bourreau principal et l’incitation respectueuse à élargir la
conscience de la partie vers un certain type d’expérience positive.
Au cours du temps, le thérapeute travaille à davantage mettre au défi la réalité figée de
la partie. « Réalisez-vous que vous vivez maintenant dans une autre maison, une autre
ville, que Marie a sa propre famille, un mari, des enfants ? Réalisez-vous que Marie a 45 ans
et votre père 79 et que du temps a passé ? Et que votre père est maintenant vraiment
un vieil homme dans une chaise roulante et qu’il ne peut plus vous faire du mal ? »
Le thérapeute profite aussi de la petite opportunité laissée par cette partie concernant
son attrait pour les oiseaux. Le thérapeute peut engager cette partie dans d’autres
conversations sur les oiseaux, utiliser des métaphores sur les oiseaux et proposer
éventuellement à cette partie de développer un espace calme sur le thème des oiseaux.
Le thérapeute pourrait demander quand cette partie a commencé à aimer les oiseaux,
ce qui est une sorte d’intervention d’orientation dans le temps. Le thérapeute peut aussi
utiliser le travail imaginaire couplé à un travail somatique pour développer une ressource
somatique pour cette partie : « Je me demande ce que ce serait d’être capable de voler ?
Pouvez-vous imaginer à quoi cela ressemblerait ? Observez cela dans votre corps. »
La partie devient progressivement plus confuse quant au fait d’être le père réel ou non.
Le thérapeute ne devrait pas insister là-dessus mais continuer, avec le plus grand respect
et au moment approprié, à souligner les différences entre la partie et le père. « J’ai vu
que vos chaussures [celles de la patiente] sont rouges aujourd’hui. Est-ce que votre
père avait des chaussures rouges ? J’ai noté que vous aviez un smartphone. Ils n’existaient
pas dans le temps. J’ai remarqué que vous n’avez pas de barbe mais que votre père
en a une. Que faites-vous avec cela ? Si vous étiez une partie de Marie, qu’est-ce que
cela vous ferait ? »

412 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Le thérapeute encourage d’autres parties à aider aussi la partie à s’orienter dans le
présent : « Pouvez-vous permettre à cette partie de regarder et d’écouter quand vous
faites une promenade ou jouez avec votre chien ? Cette partie peut-elle regarder votre
maison à travers vos yeux d’adulte et voir où elle est actuellement ? Savez-vous que
cette partie aime les oiseaux ? Qu’arriverait-il si vous achetiez un livre sur les oiseaux
comme cadeau pour cette partie de vous ? »
Progressivement, la réalisation s’installe là-dedans : en effet, cette partie fait partie de
Marie, et non du père. Mais encore, cette partie peut s’accrocher à être celle qui fait
du mal plutôt que celle qui a été blessée il y a un bon moment déjà. La vulnérabilité
et la détresse sont incroyablement difficiles à accepter et à réaliser. Le thérapeute peut
continuer à aider à l’élargissement d’expériences positives pour cette partie. Par exemple,
si cette partie n’avait pas besoin de garder d’autres parties dans le droit chemin ni de
leur faire du mal, que souhaiterait-elle faire de sa vie ? Que pense-t-elle de la vie de
Marie et en quoi voudrait-elle qu’elle soit différente ?

3.8. Une hiérarchie des parties dissociatives


Le système des parties dissociatives du patient peut être organisé hiérarchique-
ment s’il y a plus d’une partie imitant l’agresseur. Souvent le « pire » agres-
seur est le plus caché, mais c’est aussi le plus puissant. De telles parties sont
souvent les dernières à décider si elles souhaitent participer à la thérapie et
elles peuvent saboter le traitement pour un bon moment. Chez ces patients, il
n’est pas rare que les thérapeutes croient qu’ils connaissent à présent toutes les
parties imitant l’agresseur mais que les comportements autodestructeurs ou de
sabotage continuent. Il leur faut alors prendre en considération l’existence de
plus de parties cachées, souvent très sadiques.
Certains patients très complexes ont des (sous-)systèmes de parties avec
des groupes supplémentaires émergeant seulement lorsque le premier groupe
a été travaillé et intégré (voir chapitre 19). Tant le thérapeute que le patient
peuvent trouver décourageant qu’après avoir pensé être proches de la fin du
traitement, ils se retrouvent confrontés à davantage de travail. Mais ces sous-
systèmes peuvent être compris comme des versions plus concrètes de résis-
tances très complexes trouvées chez certains patients non dissociatifs avec des
troubles sévères de la personnalité, représentant des défenses contre la honte,
la vulnérabilité, la dépendance et ainsi de suite. Les patients peuvent avoir
différents groupes de parties organisés autour de différents agresseurs (un au
sein de la famille, un à l’église ou ailleurs en dehors de la maison). Bien sûr, ces
groupes de parties s’influencent l’un l’autre car ils font tous partie du patient
dans son ensemble.
Dans certains cas, les patients en arrivent à comprendre que ces parties imi-
tant l’agresseur sont en fait des parties enfant très jeunes d’eux-mêmes, qui ont
des souvenirs très traumatiques et beaucoup de peurs, de honte, de vulnérabi-
lité et de douleur de ne pas avoir été désirées. Dans d’autres cas, cela peut être

Travailler avec les parties du patient qui imitent l’agresseur 413


des parties enfant (ou d’autres types de parties) qui sont fortement corrélées
avec une partie imitant l’agresseur à l’intérieur.

4. Résumé
Les parties imitant l’agresseur sont de fortes défenses contre la réalisation,
peut-être les plus fortes. Leur incapacité à réaliser qu’elles ne sont pas l’agres-
seur réel peut créer beaucoup de détresse et de douleur pour le patient. Plus les
thérapeutes parviennent à accepter et inclure ces parties en étant sincèrement
curieux et compassionnels, plus la thérapie avancera sans heurts. Un problème
majeur tient aux fortes réactions contre-transférentielles des thérapeutes pour
de telles parties. Le thérapeute devrait bénéficier de supervisions régulières si
des sentiments intenses émergent et devrait recevoir une aide pour poser des
limites si nécessaire. Au fur et à mesure que ces parties acceptent progressi-
vement qu’elles sont des parties réelles du patient, elles peuvent devenir des
alliées dans le traitement.

5. Explorations supplémentaires
1. Nous avons tous des introjections négatives ou des modèles opérants
internes de nos parents. Pourriez-vous décrire les vôtres ? Comment
ont-ils changé au cours du temps ? Pouvez-vous utiliser votre propre
travail avec vos introjections négatives pour mieux comprendre les
parties imitant l’agresseur de vos patients ?
2. Quels ont été vos succès et défis dans le travail avec les parties imitant
l’agresseur dans le passé ? Après la lecture de ce chapitre, ferez-vous
différemment la prochaine fois ?

414 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


cHAPITRE 18
Résoudre
les comportements
à risque

Les clients se sentent profondément incompris lorsque les théra-


peutes et d’autres échouent à distinguer l’automutilation délibérée
du comportement suicidaire… L’automutilation est destinée à
mettre fin à un état émotionnel insupportable tandis que le com-
portement suicidaire vise à apporter une échappatoire permanente
grâce à la mort.
Jon G. Allen (2001, p. 218)

Pour la plupart des thérapeutes, le travail avec les patients qui s’engagent
dans des comportements à risque, c’est-à-dire des comportements qui peuvent
potentiellement causer un dommage au patient et à autrui, est un énorme
défi. Il est important de considérer ces comportements comme des actions de
substitution, des tentatives de résoudre un problème qui sont moins adaptées
au long cours que, par exemple, l’acceptation d’émotions douloureuses ou
être capable de réfléchir (Janet, 1945 ; Van der Hart et al., 2006).

CONCEPT CLÉ

Les comportements à risque sont des stratégies d’adaptation et des tentatives de résoudre
des problèmes avec des comportements de substitution qui ne sont pas adaptés.

Résoudre les comportements à risque 415


La plupart des patients sont très réticents et même phobiques à l’idée de
révéler des comportements à risque à leur thérapeute. Ils en sont profondé-
ment honteux, du moins à un certain niveau et craignent aussi que ces stra-
tégies d’adaptation ne leur soient « enlevées », de sorte qu’ils n’auront plus
aucun moyen de faire face à des expériences insupportables. Certains patients
sont même dépendants à des comportements à risque comme les coupures ou
la recherche de sensations fortes à risque qui libèrent des endorphines, menant
à un sentiment euphorique qui soulage les émotions insupportables et qu’il est
difficile d’abandonner.
La dissociation est fortement corrélée avec l’automutilation et la suicidalité
(Boon et Draijer, 1993a, 1993b ; Foote, Smolin, Neft et Lipschitz, 2008 ; Lowq,
Jones, MacLeod, Power et Duggan, 2000) chez 60 % des patients rapportant
une amnésie durant, pendant ou après des épisodes d’automutilation (Coons et
Milstein, 1990). Les patients peuvent, par exemple, se réveiller avec des bles-
sures qui les laissent perplexes, ou peuvent « en venir à » et se retrouver dans
la salle de bains après une purge. Il peut s’agir de vécus terrifiants qui semblent
hors de contrôle et honteux. Certaines parties peuvent ne pas être conscientes
que d’autres parties s’engagent dans un comportement à risque. Certaines parties
peuvent forcer d’autres parties à se blesser. Il y a souvent une forte résistance des
patients à reconnaître et accepter les parties d’eux-mêmes qui s’engagent dans
des comportements à risque, et encore moins à avoir de la compassion pour elles.

CONCEPT CLÉ

Certaines parties dissociatives sont engagées dans des comportements à risque et les
aborder directement peut aider à éliminer ces comportements.

&YFNQMFEFDBTEFUSBWBJMBWFDMBVUPNVUJMBUJPO²MJTF

Élise vint en séance avec son bras gauche enveloppé de bandages infiltrés de sang par
endroits. Elle n’en fit pas mention jusqu’au moment où la thérapeute l’interrogea. Elle
déclara simplement : « Oh, ça a été pris en charge. » C’est seulement après les questions
insistantes de la thérapeute et une énorme hésitation qu’elle avoua qu’elle s’était
« réveillée » deux jours avant et avait trouvé son bras coupé, saignant abondamment.
Elle l’avait enveloppé et s’était rendue à l’hôpital où elle fut recousue. Élise n’était pas
du tout curieuse de ce qui était arrivé à son bras, un symptôme classique de « la belle
indifférence », une sévère non-réalisation assumée par la partie d’Élise qui fonctionnait
dans la vie quotidienne.

Un but majeur de la Phase 1, et en fait le but premier, est d’établir la sécu-


rité. Cependant, les comportements à risque peuvent prendre assez bien de
temps pour décroître tout au long de la thérapie et c’est un des défis les plus

416 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


difficiles à relever. Les thérapeutes doivent savoir quand ils ont à se centrer sur
les comportements à risque et examiner la possibilité que des comportements
à risque en cours servent l’objectif majeur de distraire d’un autre travail impor-
tant. Ils doivent découvrir le moyen de trouver le bon rythme de la thérapie,
reconnaître quand une question particulière submerge trop le patient et a de
fortes probabilités d’accroître les comportements à risque. Mais aussi distinguer
à quel moment traiter cette question, bien que douloureuse et effrayante, pour
aider le patient à réduire ses comportements à risque. Ces décisions sont com-
plexes et les thérapeutes sont encouragés à consulter lorsqu’ils apprennent à
naviguer dans les eaux tumultueuses des comportements à risque.
Les thérapeutes peuvent se sentir frustrés lorsque le patient se blesse répéti-
tivement mais doivent être patients et fermes en reconnaissant que les rechutes
peuvent survenir sous stress et qu’un certain niveau de sécurité doit exister
pour que le traitement soit efficace. Parfois le patient est trop honteux pour
révéler l’automutilation jusqu’à ce que la thérapie soit bien avancée, ou bien
la partie présente en thérapie est amnésique ou encore montre un évitement
sévère et une non-réalisation, c’est-à-dire, la belle indifférence, comme dans le
cas d’Élise, ci-dessus. Le thérapeute peut fortement suspecter un comporte-
ment à risque mais le patient peut le nier longtemps. Plus le patient apprend
des voies adaptatives et constructives pour résoudre le problème du stress inté-
rieur, plus l’acceptation et la compassion sont grandes entre les parties, plus
stable est la relation thérapeutique, moins ces comportements vont survenir.
Souvent, le premier défi dans le traitement des comportements à risque est
d’accepter et de gérer le contre-transfert du thérapeute.

1. Le contre-transfert dans le travail


avec des comportements à risque
Les patients s’engagent dans des comportements à risque comme autant de stra-
tégies d’adaptation lorsqu’ils sont au comble du désespoir et cherchent à éviter
des émotions ou des vécus qui les débordent. Donc, leur niveau d’activation
est au plus haut au moment où ils s’engagent dans ces stratégies à risque. Les
thérapeutes sont très vulnérables au contre-transfert intense et à leurs propres
actions de substitution impulsives en face de patients qui s’engagent dans des
comportements à risque chroniques. La gamme de ces contre-transferts va des
efforts quasi surhumains pour être constamment disponible et sauver le patient à
la peur et l’anxiété, à la frustration profonde et la punition du patient, aux senti-
ments d’impuissance, d’incompétence et de honte ; à l’évitement de se confron-
ter aux comportements à risque ou, enfin, au fait de mettre un terme prématuré
au traitement. Lorsqu’à la fois le patient et le thérapeute sont enlisés dans d’in-
tenses émotions et ressentent le besoin urgent d’agir, une escalade de réactivité
mutuelle (Beebe, 2000) peut mener à l’échec d’un traitement efficace.

Résoudre les comportements à risque 417


CONCEPT CLÉ

Le contre-transfert avec des comportements à risque, spécialement l’automutilation et


la suicidalité, peut être intense. Les thérapeutes ont besoin de soutien et de moyens pour
rester ancrés, calmes et capables de mettre des limites claires avec compassion.

Donc, le thérapeute doit trouver des moyens de rester calme, curieux et en


contact avec le patient face à l’énorme pression qu’il ressent à agir. Il a besoin
d’une approche cohérente et relationnelle à portée de main. Il est essentiel
de comprendre que les propres réactions du thérapeute aux comportements
à risque persistants du patient jouent un rôle primordial quant à la capacité
d’adopter avec succès des stratégies plus adaptées. On ne saurait trop insister
sur la valeur de la consultation ou de supervisions continues.

1.1. Une position thérapeutique utile


Les thérapeutes doivent d’abord et avant tout comprendre les comportements
à risque comme des stratégies d’adaptation ou des tentatives de résolution de
problèmes, souvent dans le cadre de conflits relationnels ou face à la solitude.
Cela nous permet de rester curieux quant à la manière dont ces actions de
substitution viennent en aide au patient. Une fois que c’est compris, nous nous
concentrons sur les stratégies alternatives et plus adaptées que le patient peut
apprendre.
En deuxième lieu, les thérapeutes doivent reconnaître l’énorme quan-
tité de douleur et de souffrance qui mène à des comportements à risque.
Cela nous permet de rester compassionnels face à un être humain souffrant
plutôt que de voir ce comportement comme contrecarrant les efforts du
thérapeute. À tout moment, le patient devrait être traité avec dignité et
respect comme un adulte capable. Une attitude relationnelle, soutenante,
compassionnelle, dans laquelle des limites raisonnables sont constamment
maintenues, est la stratégie la plus efficace pour réduire et éliminer les
comportements à risque. En même temps, le thérapeute et le patient ont
besoin de comprendre que la thérapie ne peut progresser tant que ces com-
portements ne sont pas maîtrisés.

CONCEPT CLÉ

Bien que les thérapeutes puissent jouer un rôle déterminant dans l’aide et l’orientation,
c’est le patient, dans son ensemble, qui est en dernier ressort responsable de rester en
sécurité. Le thérapeute ne peut pas sauver le patient et la sécurité ne doit pas devenir une
lutte de pouvoir entre eux.

418 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Troisièmement, les thérapeutes doivent accepter que le patient seul décide
en dernier ressort s’il doit rester ou non en sécurité (Chu, 2011). C’est parfois
l’un des faits les plus durs à accepter pour les thérapeutes. Il est tout naturel que
notre système de soins soit fortement activé lorsqu’ un patient est blessé. Ce
n’est pas dans notre nature de rester les bras croisés et de regarder un désastre
se dérouler.
Pourtant, les thérapeutes ne peuvent pas mieux contrôler ce que font
leurs patients sur leur propre vie que d’ailleurs n’importe quel autre adulte.
Les patients font leurs propres choix pour le meilleur ou pour le pire. Le rôle
du thérapeute est d’être un témoin compassionnel, de souligner les pour et
les contre, d’offrir des alternatives plus adaptées et d’explorer les buts et les
conflits du patient. Parfois, les thérapeutes doivent intervenir par l’hospitalisa-
tion du patient lorsque la blessure physique est sévère ou que l’automutilation
ne cesse pas. Mais les comportements à risque ne doivent pas devenir une lutte
de pouvoir entre le patient et le thérapeute.
Les thérapeutes peuvent encourager et soutenir le patient en essayant
diverses stratégies mais sont finalement impuissants de ce point de vue. Les
patients peuvent se sentir désemparés et tenter désespérément d’amener le
thérapeute à s’engager dans des actions de sauvetage. Mais finalement nous
ne pouvons pas sauver le patient ou aimer le patient jusqu’à le guérir, ni être
suffisamment disponibles pour empêcher le comportement à risque tant qu’il
continue à choisir ce chemin. En fait, trop de disponibilité déforce le patient
en lui donnant le message implicite qu’il est incompétent. Être trop disponible
peut susciter des besoins de dépendance débordants, ce qui déclenche alors
d’autres comportements à risque (voir chapitre 13 sur la dépendance).
Les thérapeutes doivent rappeler au patient à maintes reprises avec respect
et compassion qu’ils ont marqué leur accord sur un contrat de traitement col-
laboratif qui comprend la sécurité et que si le thérapeute veut les aider autant
que possible, les patients doivent faire leur part du travail et être responsables
de leur propre sécurité.
Finalement, les thérapeutes doivent savoir quand intervenir ou non et com-
ment intervenir de façon à soutenir la compétence et l’autonomie du patient
plutôt que de favoriser la dépendance à leurs actes. Les patients vivent souvent
des crises à long terme. Nous n’aidons pas le patient en nous enlisant dans une
atmosphère d’urgence constante. Placer une limite précisant combien de fois
et dans quelles circonstances le thérapeute répondra au patient en dehors des
séances est primordial. L’exception survient si le thérapeute est un strict adhé-
rent au protocole de thérapie comportementale dialectique de disponibilité
pour l’encadrement des compétences (Linehan, 1993, 2014). Bien que cela
puisse aider de nombreux patients, il peut y avoir un effet indésirable en appe-
lant encore plus pour de l’encadrement (voir la section ci-dessous « Lorsque le
patient n’est pas prêt à prendre la responsabilité en matière de sa sécurité »).

Résoudre les comportements à risque 419


Les appels téléphoniques de crise devraient être très brefs, ciblés sur ce que le
patient a déjà tenté pour traverser la crise, sur un peu d’ancrage et un plan de
sécurité jusqu’à la séance suivante. La thérapie ne devrait pas, dans ces cas-là,
être réalisée au téléphone.
Les thérapeutes privés de sommeil ne seront pas aptes à prendre les meil-
leures décisions ou à faire les meilleures interventions face à un patient qui
appelle pendant la nuit ou pour le reste de leurs patients le lendemain Donc,
certaines limites concernant les appels téléphoniques après les heures sont
nécessaires. Nous recommandons fermement que les thérapeutes ne donnent
pas leur numéro d’appel privé mais plutôt qu’ils se raccordent à un répondeur
ou s’appuient sur un secrétariat. Le thérapeute peut dire aux patients quelque
chose comme : « Je vérifie ma boîte à messages pendant la journée, et ce jusqu’à
sept heures le soir. Si vous vous trouvez dans une crise urgente entre 7 heures
du soir et 8 heures du matin, voici les numéros que vous pouvez composer (ser-
vices de crise, lignes d’urgences, 101, etc.). »
Bien sûr, à l’occasion, il peut y avoir une raison pour laquelle le thérapeute
offre davantage de contact qu’à l’habitude. Cela devrait être fait, au moins
pendant un moment, avec une supervision, dans la mesure où il y a beau-
coup de raisons complexes pour lesquelles cela peut être utile ou non pour un
patient donné. Souvenez-vous, tous les patients ne sont pas les mêmes et il
peut y avoir des patients pour lesquels il peut être utile d’être légèrement plus
laxiste et d’autres qui ont besoin de limites plus strictes.
Une liste de comportements à risque est présentée ci-dessous. Elle n’est
pas exhaustive mais comprend la majorité des catégories des comportements
à risque.

2. Les comportements à risque


• L’automutilation (se couper, se brûler, se cogner la tête, se tirer les
cheveux ou les ongles, etc.).
• Les gestes ou tentatives de suicide (à distinguer de l’auto-agression).
• L’abus sévère d’alcool ou de drogue ; abus de prescription (les addic-
tions ont été décrites comme des troubles de l’attachement (Flores,
2011), ce qui aide les thérapeutes à mieux comprendre le besoin de
sécurité, la collaboration et la gestion soigneuse des questions d’atta-
chement en thérapie).
• Les problèmes sévères d’alimentation : restriction, excès, fringale et purges.
• La prostitution et les comportements à risque sexuel.
• Le vol ou autres activités illégales comme la vente de drogues.
• Les dépenses excessives, le jeu.

420 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


• Les comportements recherchant des sensations fortes incluant la prise
de risque excessive (excès de vitesse, alpinisme sans équipement adé-
quat ou préparation, traîner dans une partie dangereuse d’une ville).
• La violence physique.
• Le sadisme envers soi-même et autrui.
• Le masochisme dans lequel le patient se soumet volontairement à une
douleur physique ou émotionnelle de la part d’autrui.
• La recherche de relations dangereuses ou à risque.
• Abus en cours par les agresseurs d’origine ou autres.

3. Les fonctions des comportements à risque


Les comportements à risque sont presque toujours des tentatives de moduler
les émotions insupportables et l’isolement social, la haine de soi et la honte,
les sentiments de rejet et d’abandon, la rage, les souvenirs traumatiques ou le
vide profond et la dépersonnalisation (Ferentz, 2014 ; Klonsky, 2007 ; Walsh,
2014). De plus, les conflits intérieurs entre les parties dissociatives peuvent
avoir pour conséquence des comportements à risque (Boon et al., 2011). Par
exemple, une partie du patient punit une autre partie avec une automutilation
pour avoir ressenti du plaisir pendant l’abus sexuel ou une partie s’engage dans
la prostitution, tandis qu’une autre est très religieuse et mortifiée par n’importe
quel comportement sexuel ou une partie boit et consomme de la drogue alors
qu’une autre trouve ce comportement immature et destructeur. L’amnésie et
le conflit à propos des comportements à risque entre les parties du patient
compliquent le traitement de ces actions de substitution. À moins que le thé-
rapeute ne puisse travailler à résoudre les conflits avec les parties qui sont enga-
gées dans ces comportements, soit en parlant au travers soit directement, il est
peu probable qu’ils diminuent. Les approches spécifiques du travail avec les
parties dissociatives qui s’automutilent seront discutées ci-dessous.

4. L’automutilation et la suicidalité
L’automutilation et la suicidalité sont probablement les comportements à risque
les plus communément rencontrés chez les patients avec un trouble dissociatif
complexe. Ils peuvent perturber la thérapie et paralyser à la fois le patient et le
thérapeute. Le début de l’automutilation chez des patients qui ne se sont pas
fait du mal jusque-là requiert une attention particulière du thérapeute. Il est
tout à fait possible que le thérapeute n’adapte pas la thérapie suffisamment au
rythme du patient et que celui-ci se sente débordé. C’est particulièrement vrai
lorsque les souvenirs traumatiques sont au centre du traitement actuel.

Résoudre les comportements à risque 421


Le thérapeute doit faire des investigations prudentes sur les comportements
à risque avec toutes les parties du patient. Parfois, alors qu’une partie affirme
que le rythme du traitement est atteint, et même trop lent, d’autres parties
sont débordées. Cela peut inclure des parties enfant fixées au temps du trauma
ou des parties imitant l’agresseur qui tentent d’arrêter les remémorations du
patient parce qu’il les perçoit comme dangereuses (voir chapitres 14 et 17 pour
les approches spécifiques au travail avec ces types de parties). Si c’est le cas, le
thérapeute doit discuter du problème avec le patient et ralentir la thérapie, ces-
ser de se concentrer sur le travail de mémoire avec une explication soigneuse et
retourner aux habiletés de stabilisation et donc, travailler sur les conflits entre
les parties dissociatives qui peuvent sous-tendre les comportements à risque.
Une autre possibilité est qu’une certaine perturbation dans la relation thé-
rapeutique ait précédé l’automutilation et dans laquelle des craintes d’abandon
du patient ont été déclenchées ou de la honte sur les besoins de dépendance
ou d’autres malentendus relationnels sont survenus. Le thérapeute peut dire
quelque chose comme : « Je me demande s’il y a quelque chose que j’ai fait ou
manqué qui a provoqué une brèche douloureuse entre nous et si vous avez eu
des sentiments assez envahissants à ce propos. Pourrions-nous explorer cette
possibilité ? »
Bien sûr, des comportements à risque ne sont pas seulement dus aux évé-
nements de la thérapie. Ils peuvent survenir dans le sillage de toute forme
de détresse ou déclencheur de la vie en général qui submerge un patient en
particulier, comme une erreur au travail, une rupture de relation avec un parte-
naire sentimental, être critiqué, se sentir incapable de s’occuper de ses propres
enfants, l’émergence spontanée d’une partie dissociative ou d’un souvenir trau-
matique, une augmentation de la dépression ou de l’anxiété ou, enfin, le fait
d’avoir un enfant qui quitte la maison pour aller à l’école pour la première fois .

4.1. L’automutilation
La douleur et la blessure auto-infligées sont des tentatives pour résoudre un
problème. Il peut s’agir de moyens concrets de manifester de la honte et du
dégoût à un corps vulnérable qui fut incapable de protéger le patient et qui a
dû endurer des souffrances et des humiliations insupportables. L’automutila-
tion est souvent une tentative de réduire la tension, de soulager des émotions
insupportables et de communiquer d’une façon concrète ce que les patients ne
peuvent partager avec des mots (la blessure physique est la seule manière avec
laquelle je puis vous communiquer la profondeur de ma douleur). Certains
patients se font du mal d’une façon qui ne peut être vue ou découverte (comme
les organes génitaux ou la mutilation de la poitrine) et le révèlent rarement.
D’autres peuvent se blesser à des endroits qui seront probablement vus, comme
les avant-bras, et cela de façon à montrer directement leur souffrance inté-

422 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


rieure et recevoir de l’aide ; cela sert de communication relationnelle. Certains
patients s’automutilent pour éviter les dommages plus graves d’une tentative
de suicide. Malheureusement, à de rares occasions, une automutilation sévère
peut aboutir à la mort même si le patient n’avait pas l’intention de se suicider.
L’automutilation peut prendre plusieurs formes mais se couper, se brûler,
s’arracher les cheveux, taper son poing sur le mur et se cogner la tête sont
parmi les plus habituelles. Cela va des griffures superficielles aux blessures
profondes qui nécessitent une intervention médicale urgente. Bien sûr, ces
comportements peuvent provoquer d’intenses sentiments de honte chez les
patients et toutes sortes de réactions non aidantes chez les personnes qui les
entourent y compris les thérapeutes. Par exemple, le personnel médical d’ur-
gence (et même parfois l’équipe psychiatrique de crise) qui doit soigner les
blessures auto-infligées ou l’après de la tentative de suicide peut blâmer, rendre
honteux ou même blesser le patient (p. ex. pendant la suture des blessures)
en ne montrant aucune compassion ou compréhension. Ils peuvent traiter le
patient rudement comme s’il ne méritait qu’un traitement minimal à cause
d’un comportement répugnant. Cela ne fait qu’amplifier la honte et la propen-
sion à se blesser chez les patients qui ont, en fait, de plus grandes chances de
s’améliorer lorsqu’ils sont traités avec dignité et respect (Christoffersen, Mohl,
DePanfilis et Vammen, 2015).
Certaines automutilations addictives impliquent une routine organisée ou
un rituel. Par exemple, un patient peut intentionnellement « préparer l’am-
biance » et mettre une certaine musique, allumer des bougies et disposer des
instruments spécifiques pour se blesser et même préparer des bandages et des
médications à appliquer par la suite. L’automutilation ou d’autres comporte-
ments à risque peuvent survenir d’une façon spécifique ou dans un lieu par-
ticulier (p. ex., la chambre du patient ou sa salle de bains, dans un parc la
nuit). Certes, l’automutilation survient souvent dans l’intimité ou lorsque le
patient est seul. Cependant, elle peut aussi survenir impulsivement pendant
les séances ; par exemple, se taper la tête de manière soudaine ou un coup
de poing dans le visage lorsqu’une émotion ou une frustration intense surgit.
Quelques patients peuvent, en fait, planifier de se blesser en séance. C’est dû
le plus souvent à une rupture dans la relation thérapeutique ou à une tentative
flagrante de mettre fin à la thérapie par des parties qui veulent rester dans
l’évitement.
Après avoir ancré le patient, le thérapeute devrait clarifier que s’infliger
des blessures en séance n’est acceptable en aucune circonstance et que toutes
les parties doivent se mettre d’accord de l’empêcher. Autrement, le patient
peut continuer et le thérapeute devra intervenir encore et encore. Le patient
comme un tout devrait être responsable de ne pas s’automutiler en séance.
Cela doit être fait sans humilier le patient, d’une façon compassionnelle mais
ferme, soulignant ainsi l’importance de maintenir un espace de sécurité en

Résoudre les comportements à risque 423


thérapie. Le thérapeute et le patient devraient examiner minutieusement et
attentivement ce qui a provoqué l’automutilation et déterminer si la thérapie
doit être ajustée pour mieux maintenir le patient dans une fenêtre de tolérance.
Un comportement ritualisé d’automutilation a un effet de transe sur le
patient, en accroissant la probabilité d’un comportement à risque. Si le théra-
peute peut aider le patient à changer la routine et introduire de la nouveauté,
la transe et les comportements à risque ont moins de chance de survenir. Par
exemple, on peut demander au patient de se débarrasser d’un instrument
favori d’automutilation comme une lame de rasoir. Cela, en soi, réduit parfois
l’automutilation.

4.2. La suicidalité
Les sentiments suicidaires chroniques constituent une très grande partie de
l’expérience de la plupart des patients avec des troubles dissociatifs. Les patients
qui s’automutilent sont aussi très probablement suicidaires (Paul, Tsypes, Eid-
litz, Ernhout et Whitlock, 2015) et la suicidalité chronique est habituelle chez
les patients dissociatifs (Foote et al., 2008). La plupart des patients peuvent
faire la distinction entre un désir chronique de mourir et une intention claire.
Cependant, un problème majeur chez les patients dissociatifs, c’est qu’ils ne
sont pas toujours conscients des parties hautement suicidaires et de leurs inten-
tions. Ainsi, certains patients finissent par être hospitalisés après avoir fait une
tentative soudaine pour laquelle ils ont une amnésie, laissant tous deux, le
thérapeute et le patient, perplexes sur ce qui est arrivé et la raison.

CONCEPT CLÉ

Un problème majeur chez les patients dissociatifs est de ne pas être conscients des parties
dissociatives qui s’engagent dans des comportements à risque et de ne pas pouvoir les
contrôler. Ainsi, ils ne peuvent souvent pas expliquer pourquoi ils se sont blessés.

Les thérapeutes devraient faire attention à ne pas trop se focaliser sur les
mesures d’urgence à prendre, échouant ainsi à explorer les questions de sui-
cidalité avec le patient. Ils devraient prendre le temps d’explorer les raisons
pour lesquelles le patient ou une partie dissociative particulière est suicidaire,
ce qui pourra donner une forme de regard sur des interventions pertinentes.
Beaucoup de parties suicidaires sont bloquées dans les temps du trauma et mal
orientées dans le présent.

424 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


&YFNQMFEFDBTEVOFQBSUJFEJTTPDJBUJWFTVJDJEBJSF
CMPRVÏFBVUFNQTEVUSBVNB$BSJOF

Carine était une femme âgée de 36 ans avec un TDI et qui avait une partie de 13 ans
qui avait l’intention de se suicider. Plutôt que d’arranger immédiatement une
hospitalisation, le thérapeute prit le temps d’explorer l’intention. Lorsqu’il interrogea
Carine sur ses projets, elle lui répondit qu’elle allait se tirer une balle avec l’arme de son
oncle. Le thérapeute savait que l’oncle était décédé et commença à poser davantage
de questions pour déterminer si cette partie était orientée dans le temps.
5IÏSBQFVUF Bon, comment comptez-vous acquérir le fusil de votre oncle ?
$BSJOF DPNNFQBSUJFRVJBBOT  J’attendrai jusqu’à ce qu’il se rende au travail
et je le prendrai dans son armoire.
5IÏSBQFVUF Où vit votre oncle ?
$BSJOF DPNNFQBSUJFRVJBBOT  Dans la rue juste en dessous de chez moi
5IÏSBQFVUF Dans quelle ville est-ce ?
$BSJOF DPNNFQBSUJFRVJBBOT : San Francisco
5IÏSBQFVUF  Savez-vous où nous sommes maintenant – je veux dire, dans quelle
ville ?
$BSJOF DPNNF QBSUJF RVJ B  BOT   (Un peu irritée) Évidemment, je suis à San
Francisco.
5IÏSBQFVUF Non, en fait, vous êtes à Atlanta. Vous êtes dans mon bureau à Atlanta.
$BSJOF DPNNFQBSUJFRVJBBOT  Je ne comprends pas, je veux seulement son
arme.
5IÏSBQFVUF Oui, je peux voir que tout cela provoque de la confusion chez vous. Mais
voyez-vous, vous ne vivez plus à San Francisco. Vous vivez ici à Atlanta. Et vous n’avez
plus 13 ans, vous avez 36 ans aujourd’hui et vous êtes une adulte en sécurité. Vous
avez quitté San Francisco il y a très longtemps. Votre oncle est mort il y a quelques
années et ne vit donc plus dans cette maison là-bas. Son arme n’est pas là.
$BSJOF DPNNFQBSUJFRVJBBOT  (Avec un regard traduisant une confusion extrême
et de l’anxiété) Je ne comprends pas de quoi vous parlez, je vais seulement descendre
la rue et aller prendre l’arme.
5IÏSBQFVUF Je suis désolé que vous soyez si confuse mais c’est très important que
vous sachiez que votre oncle ne vous fait plus de mal. C’est fini maintenant. Je peux
imaginer que vous ayez eu envie de vous tuer à l’époque mais peut-être avez-vous
besoin d’un peu de temps pour vous habituer à être ici, de telle façon que vous puissiez
mettre de l’ordre dans tout cela avec moi. Examinons ensemble quelles parties à
l’intérieur de vous pourraient vous aider là maintenant.
La partie adolescente de Carine croyait qu’elle était toujours abusée et que la seule
manière de s’en sortir était de se suicider. Une fois mieux orientée dans le présent et
malgré qu’elle se sentait toujours suicidaire, l’intention suicidaire de se procurer l’arme
de son oncle diminua drastiquement.

Les parties complètement coincées dans le temps du trauma vivent dans des
flash-back chroniques, dans la douleur physique, la peur, la terreur, la défiance,
la honte, la culpabilité, le désespoir, la colère et la tristesse. Elles n’ont aucun
espoir pour le futur et ne participent pas à la vie courante. Il n’est pas étonnant

Résoudre les comportements à risque 425


qu’elles soient si suicidaires. Elles tendent à avoir des croyances négatives très
rigides à leur égard et à l’égard des autres, y compris la croyance qu’elles ne
méritent pas de vivre ou que personne ne se soucie d’elles ou que le monde
est mieux débarrassé d’elles. D’autres parties comme celles qui fonctionnent
dans la vie quotidienne peuvent avoir différentes croyances, bien que chez
les patients extrêmement suicidaires la plupart des parties partagent un lien
suicidaire commun. Plus les parties qui fonctionnent dans la vie quotidienne
évitent les parties bloquées au temps du trauma, plus ces dernières peuvent
s’enliser au sein de leur propre monde rigide de solutions appartenant à une
logique de transe. Et plus ces parties causent de la détresse à l’intérieur, plus
les parties de la vie quotidienne cherchent une solution à leurs souffrances,
souvent dans des comportements à risque.

La suicidalité des parties qui fonctionnent dans la vie quotidienne. La sui-


cidalité peut aussi être un problème pour les parties du patient qui fonctionnent
dans la vie quotidienne. Les patients sont souvent constamment en train d’éviter
les expériences intérieures qui les débordent ou la prise de conscience que les
expériences traumatiques se sont vraiment passées. Dans ces parties, les senti-
ments ou les impulsions suicidaires peuvent être causés par :
• l’épuisement graduel dû à un évitement constant, menant à peu de
choix, à une vie de plus en plus étriquée et au désir de mourir ;
• une prise de conscience graduelle ou soudaine que quelque chose de
mauvais est réellement arrivé ;
• des injonctions de voix (habituellement des parties imitant l’agresseur)
qui deviennent plus fortes et leur disent d’en finir avec leur vie, surtout
si elles sont proches de révéler des événements traumatiques ;
• une prise de conscience qu’elles adoptent, à leur avis, des comporte-
ments dégoûtants (par exemple la prostitution, le vol). Cela active des
pensées du style : « Si je suis réellement comme cela, je ne veux pas
vivre » ou « Si j’aimais réellement le sexe avec mon grand-père, je ne
mérite pas de vivre ».

5. Les interventions pour traiter


des comportements à risque
Il existe de nombreuses méthodes pour réduire ou éliminer des comportements
à risque. La majorité d’entre elles proviennent d’approches cognitivo-compor-
tementalistes de la troisième génération comme la TCD (la thérapie compor-
tementale dialectique ; Ferentz, 2014 ; Gratz et Gunderson, 2006 ; Linehan,
1993, 2014 ; Walsh, 2014). Cependant, nous devrions toujours nous souve-
nir que la régulation émotionnelle, l’antidote essentiel aux comportements à

426 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


risque, survient d’abord en relation avec l’autre. Notre relation thérapeutique
avec le patient à risque est, ou doit être, le facteur de guérison essentiel. Être vu
et entendu, être accepté avec dignité et compassion sont souvent de nouvelles
expériences pour nos patients et celles qui peuvent leur offrir le soutien dont ils
ont besoin pour aller des actions de substitution vers des actions d’adaptation.
Leurs comportements à risque sont un cri profond contre l’isolement et l’ef-
froyable, voire même catastrophique expérience d’une solitude absolue au sein
de leurs souffrances. La capacité du thérapeute à être avec les patients dans ces
moments dévastateurs s’avère souvent fondamentale pour qu’ils puissent pro-
gressivement dépasser une honte profonde et apprendre à s’accepter en même
temps que leurs propres vécus et leurs émotions.

5.1. L’importance de se renseigner


sur les comportements à risque
D’abord et avant tout, les thérapeutes devraient toujours poser des questions
sur les comportements à risque de façon non jugeante en faisant preuve de
compassion et plutôt sur les questions de fait. Cela ne garantit pas d’être tou-
jours informés de tout comportement à risque, mais au moins le sujet aura été
abordé et les thérapeutes devraient continuer à poser des questions si la situa-
tion le requiert. Ils ne devraient jamais croire que le patient est en sécurité sans
s’interroger au préalable.
Le patient peut bénéficier d’une approche réductrice de la honte, ce qui
peut être accompli avec la compréhension compassionnelle du thérapeute et
avec la psychoéducation sur les raisons pour lesquelles les patients recourent
à des comportements à risque. Le thérapeute peut expliquer que ce sont des
actions de substitution, c’est-à-dire des tentatives pour résoudre les problèmes
et s’adapter à des sentiments difficiles. Cette approche réduit la honte et la
stigmatisation et met l’accent sur la façon dont le patient peut apprendre de
nouvelles stratégies. Lorsque le sens du comportement est compris, des stra-
tégies appropriées pour utiliser d’autres compétences peuvent être précisées.

5.2. Travailler avec des parties dissociatives


pour arrêter des comportements à risque
Le patient, dans sa globalité ou des parties présentes dans la thérapie, doit
être d’accord que rester en vie est une condition pour la poursuite du trai-
tement et que c’est sa propre responsabilité et non celle du thérapeute, bien
que le thérapeute apporte son aide. Il peut y avoir un conflit majeur chez le
patient, en particulier entre les parties, sur la question de savoir si le patient
souhaite réellement vivre ou même aller mieux. Souvent, les parties imitant
l’agresseur s’opposent farouchement, du moins à première vue à la thérapie,

Résoudre les comportements à risque 427


aux améliorations de toutes sortes et à l’idée même de la sécurité qui apparaît
comme un concept étranger. Les raisons de cette attitude doivent être explo-
rées soigneusement au cours du temps.
Les thérapeutes peuvent régulièrement « parler au travers » (voir cha-
pitre 10), à toutes les parties du patient, en leur rappelant que :
• la sécurité est primordiale pour que la thérapie soit efficace ;
• la thérapie peut être rythmée selon ce qui peut être toléré et on demande
aux parties d’aider le thérapeute à reconnaître quand le rythme est trop
rapide ;
• toutes les parties sont responsables de l’aide à apporter au patient,
comme un tout, afin de plus se sécuriser ;
• la sécurité dépend en fin de compte du patient dans sa globalité, et non
du thérapeute ;
• le thérapeute fera de son mieux pour aider le patient à trouver d’autres
façons plus efficaces de composer avec des sentiments insupportables ;
• plus le patient et le thérapeute peuvent comprendre et résoudre les
conflits internes entre les parties, plus vite le patient se sentira sécurisé ;
• il est essentiel que les parties commencent à faire preuve de compassion
l’une pour l’autre car cela favorise aussi la sécurité et la réduction des
dommages.

Le thérapeute doit servir d’« d’intermédiaire » ou de négociateur entre les


parties, en expliquant les fonctions d’un comportement à risque aux parties qui
fonctionnent dans la vie quotidienne et en essayant d’améliorer la communi-
cation intérieure et une certaine compassion entre les parties. Les parties qui
fonctionnent dans la vie quotidienne ont besoin d’être aidées à surmonter leur
phobie pour les parties fixées dans les comportements à risque et à développer
une compréhension et une certaine compassion pour ces parties.
Des comportements à risque peuvent survenir lorsque le patient ou une partie
du patient est bloquée au temps du trauma et non entièrement orientée dans l’ici
et maintenant ou lorsqu’il est déclenché par des expériences intérieures insup-
portables ou des déclencheurs externes. Il y a souvent peu ou pas de prise de
conscience chez le patient dans sa globalité à propos de ce qui a déclenché ces
comportements parce que le patient manque de capacité de réflexion posée. En
outre, certains comportements à risque sont addictifs puisqu’ils peuvent sécréter
des endorphines et donc agir comme une sorte d’automédication. Le patient aura
donc beaucoup de mal à lâcher ces moments d’euphorie.
Des suggestions pour des modalités alternatives plus adaptées concernant la
régulation des émotions ne font sens qu’à la condition d’une alliance thérapeu-
tique minimale avec la partie du patient qui s’engage dans un comportement
à risque et avec le patient dans sa globalité. Si la partie se sent comprise par

428 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


le thérapeute et, de manière encore plus importante, si la partie du patient
ne se sent pas rejetée par les autres parties (particulièrement celles qui fonc-
tionnent dans la vie quotidienne), la volonté d’abandonner de vieilles habi-
tudes et d’apprendre de nouvelles techniques pour traiter avec les émotions
augmentera. Plus il y a d’acceptation et de compassion entre les parties, plus
les interventions seront réussies.

5.3. Établir un plan de sécurité


Le patient et le thérapeute devraient ensemble mettre en place un plan de sécu-
rité écrit que le patient puisse emporter avec lui à tout moment. Ce plan peut
inclure des compétences en matière de régulation des émotions, d’ancrage, de
pleine conscience et de retour sur soi qui ont été démontrées efficaces dans
la diminution voire l’élimination des comportements à risque (p. ex. Ferentz,
2014 ; Gratz et Gunderson, 2006 ; Linehan, 2014 ; Walsh, 2014).

CONCEPT CLÉ

Un plan de sécurité écrit est essentiel. Il devrait inclure des façons pour le patient d’en-
gager les parties internes dans la recherche de la sécurité et des moyens de se moduler et
de s’apaiser.

Les interventions pour l’acceptation compassionnelle de l’émotion, la régu-


lation de l’émotion, la tolérance au stress, la distraction et d’autres peuvent
aider à la réduction du besoin de comportements à risque. Un exemple de plan
de sécurité est inclus dans l’annexe C.

5.4. Lorsque les comportements à risque


surviennent en séance
Le thérapeute devrait arrêter immédiatement tout type de comportement à
risque pendant les séances ou aux alentours du cabinet, comme se cogner la
tête, se frapper ou se gifler. Ce comportement interfère non seulement avec
le traitement du patient mais est aussi perturbateur pour l’équipe soignante et
d’autres patients. Cela crée une atmosphère de crise et un manque de sécurité
qui n’est pas porteur d’un environnement de travail raisonnable.

CONCEPT CLÉ

L’auto-agression en séance n’est pas acceptable, quelles que soient les circonstances, et
doit être immédiatement arrêtée.

Résoudre les comportements à risque 429


Le thérapeute demande d’abord, de manière à la fois ferme et compassion-
nelle que le patient arrête immédiatement : « Je demande à toutes les parties
de vous de vous aider à arrêter de vous frapper (ou arracher vos cheveux, etc.)
tout de suite. Ce comportement n’est pas acceptable dans le bureau, qui doit
rester un endroit sécurisé, exempt de toute forme d’agression. » Après avoir
patienté un bref moment, si le comportement ne cesse pas, le thérapeute
peut dire : « Je vais tendre la main et tenir vos poignets fermement de telle
façon que vous ne puissiez plus continuer à vous comporter comme cela.
Essayons de vous calmer et ensuite vous pourrez essayer de mettre des mots
pour décrire ce que vous ressentez. » Ou, si le thérapeute n’utilise pas le tou-
cher : « Je demande à toutes les parties de vous aider à cesser de vous frapper
immédiatement. Autrement, je devrai arrêter la séance jusqu’à ce que vous
puissiez reprendre le contrôle. »

5.5. Lorsque le patient ne veut pas prendre


la responsabilité de se maintenir en sécurité
Dans les rares cas où un patient refuse d’assumer la responsabilité fondamen-
tale de rester en vie ou en sécurité et après un travail conséquent sur les com-
portements à risque de manière traditionnelle comme la TCD ou l’utilisation
de modèles d’addiction, les thérapeutes peuvent avoir besoin de modifier le
plan de traitement ou même de réévaluer s’ils ont l’expérience et la capacité
de mettre des limites pour poursuivre la thérapie. Pour quelques patients, plus
on est attentif à leurs comportements à risque, plus ils s’intensifient. Ils abou-
tissent à des boucles répétitives de crises et d’hospitalisations. Cela implique
souvent une dépendance accrue à l’égard du thérapeute. Les patients peuvent
constamment appeler, envoyer des courriels ou des textos, jour et nuit, au
milieu de leur scarification ou lorsqu’ils s’apprêtent à tenter de se suicider.
• Je suis au bord d’un pont prêt à me jeter.
• Je roule à 160 km/h et je vais foncer vers le bas-côté.
• J’ai 12 boîtes de pilules et je vais les prendre si vous n’appelez pas dans les
15 prochaines minutes
• Je viens de brûler mes deux bras avec un fer à repasser et je suis occupé avec
mes jambes maintenant. J’espère que vous pourrez m’arrêter.
• Je vous écris juste pour vous dire adieu et pour vous remercier pour tout ce
que vous avez fait pour moi. Pas besoin de me répondre car je sais que c’est
le week-end et que vous n’êtes pas disponible.
• C’est juste pour vous faire savoir que j’ai pris 30 cachets il y a une minute.
Plus que 200 à prendre.
• Je suis dans la rue sur le point de monter dans une voiture avec un homme.
Ne me dites pas d’avoir du sexe sans risques. C’est ridicule.

430 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Parfois ces patients se blessent aussi pendant la séance ou juste après sur
le parking ou pendant l’hospitalisation. Le thérapeute peut être de deux avis.
Une tendance est d’offrir davantage de thérapie, de séances, d’appels télé-
phoniques, d’hospitalisations. Pour ces patients, cependant, plus n’est pas la
bonne réponse. Même lorsqu’ils sont hospitalisés, ils peuvent continuer à s’en-
gager dans des comportements qui prolongent uniquement leur hospitalisa-
tion. L’autre tendance est que les thérapeutes baissent les bras, répugnés et en
colère, ayant envie de dire « Allez-y et faites ce que vous voulez. J’en ai marre
de vous ». Ce n’est pas la bonne réponse non plus. La clé pour le thérapeute
est de ne pas s’engager excessivement dans le sauvetage ou le soin d’un côté ou
d’être trop distancié d’un autre.
Il est essentiel d’adopter une attitude compassionnelle centrée sur le pro-
cessus et les compétences, qui place clairement la responsabilité de la sécurité
du patient chez le patient.

CONCEPT CLÉ

Dans le cas rare d’un patient qui continue une escalade d’appels téléphoniques de crise à
propos de comportements à risque en dépit du fait qu’il ait acquis de bonnes compétences
et que le rôle des parties dissociatives ait été abordé, une approche particulière peut être
nécessaire dans laquelle le thérapeute, après une consultation attentive, devient moins
disponible sauf au cours des séances.

Les thérapeutes doivent avoir un courage considérable et de l’expérience


pour traiter ce type de problème ; car ils doivent prendre un certain degré de
risque pour permettre au patient d’accepter leur responsabilité pour la sécurité.
Cependant, prendre un tel risque devrait être fait seulement en concertation
et dans le contexte d’une équipe de traitement unifiée, peut-être même avec
une consultation légale. Les thérapeutes ne devraient jamais traiter un tel
patient seul et dans l’isolement. Par exemple, le thérapeute, psychiatre, théra-
peute de groupe et peut-être un médecin d’urgence et tout autre professionnel,
devraient se rencontrer et se mettre d’accord sur un plan spécifique modifié.
Sinon, le risque de clivage dans l’équipe augmente drastiquement avec l’un qui
souhaite intervenir plus tandis que l’autre non.
Le thérapeute insiste auprès du patient qu’afin de continuer le traitement,
une équipe thérapeutique est nécessaire et que ses membres doivent com-
muniquer les uns avec les autres. Le thérapeute réitère que toutes les parties
du patient sont, comme d’habitude, responsables de la sécurité, et ne tombe
pas dans le piège de croire qu’une partie est responsable des comportements
à risque ou que les patients sont complètement incapables de contrôler leur
comportement.

Résoudre les comportements à risque 431


&YFNQMFEFDBTEBJEFEVQBUJFOUBÐUSFSFTQPOTBCMF
QPVSTBQSPQSFTFDVSJUÏ3FCFDDB

Rebecca, patiente avec un TDI, fut récemment hospitalisée pendant plusieurs semaines
pour traitement d’une boulimie-anorexie. Cependant, elle continua à osciller autour de
son poids minimum acceptable et à s’engager dans des attitudes de restriction et de
purge au point d’altérer ses électrolytes sanguins. La thérapeute devait décider si elle
pouvait travailler avec Rebecca en consultation ambulatoire ou si elle devait l’orienter
vers un niveau de soins plus intensif.
5IÏSBQFVUF  Je veux vraiment continuer la thérapie avec vous mais si votre poids
descend à nouveau si bas au point de mettre votre vie en danger, je devrai vous envoyer
à l’hôpital pour un traitement et ne pourrai plus vous voir avant que vous ne soyez
stabilisée. Je voudrais vraiment beaucoup continuer notre traitement et espère dès lors
que vous déciderez qu’il en soit ainsi.
3FCFDDB Mais vous savez que je n’ai pas de contrôle sur ce comportement. Je peux
parfois sentir que j’ai vomi mais cela a lieu pendant un black-out. Comment pouvez-
vous affirmer que c’est ma responsabilité ? J’ai une amnésie ! Je veux réellement que
cela finisse ! Je pensais que vous étiez une experte en dissociation et que vous pourriez
m’aider !
5IÏSBQFVUF Je veux absolument vous aider et vous aider à essayer de comprendre
pourquoi une partie de vous souhaite refuser la nourriture ou la purger et vous aider
comme personne entière à réaliser des changements positifs. Mais le traitement est
une voie à double sens où nous avons toutes les deux des responsabilités Je ne peux
vous maintenir en vie ; vous seule pouvez choisir de le faire. Il est impossible de vous
soigner en ambulatoire si votre état de santé physique nuit à votre capacité de suivre
un traitement. Notre accord concerne la psychothérapie que nous pouvons seulement
continuer si votre poids se situe hors de la zone de danger et que vous êtes donc
en sécurité. Vous êtes proche d’un état de dénutrition, ce qui affecte votre pensée
et votre jugement. Et donc, oui, je veux vraiment beaucoup continuer avec vous et
oui, c’est totalement votre choix de maintenir un état de santé physique qui rende
la thérapie possible et je ne veux pas entrer dans un rapport de force avec vous. C’est
à vous de tenir votre part du contrat. Je suis certaine que la partie de vous qui ne
mange pas doit avoir une raison et j’espère que nous pourrons aborder cela. Mais
vous évitez cette partie de vous, ce qui explique pourquoi vous avez de l’amnésie.
Je suis heureuse de vous aider à prendre de petits pas gérables vers davantage de
conscience, mais votre poids doit rester au moins à 54 kg et vos électrolytes doivent
se situer à l’intérieur des limites normales pour que nous puissions poursuivre. Et
vous devez le vérifier régulièrement auprès de votre médecin et lui et moi collaborerons
avec vous dans cette démarche. J’espère sincèrement que vous pourrez mener à bien
le contrat thérapeutique et je crois que c’est cela que nous souhaitons toutes les
deux.

Comme nous l’avons mentionné plus haut, le thérapeute établit un plan de


sécurité très précis avec le patient par écrit et ensuite le remet au patient avec
certains paramètres décrits ci-dessous. Ces derniers peuvent varier dans une
certaine limite, mais peuvent ressembler à ce qui suit :

432 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


• Le thérapeute définit son rôle comme soignant ambulatoire qui n’est
pas un intervenant d’urgence.
• Le patient est supposé être présent en thérapie comme à l’habitude et
peut se consacrer aux questions de sécurité durant les séances.
• Le patient a la liste habituelle des nombreuses interventions qui lui
permettent de prévenir les comportements à risque.
• Le patient ne doit pas s’automutiler ou adopter d’autres comportements
à risque dans le bureau ou aux alentours ou bien il sera référé pour un
traitement ailleurs.
• Plutôt que d’appeler le thérapeute, le patient appellera le 112 ou se ren-
dra dans le service d’urgences le plus proche s’il se sent en insécurité,
car ils sont plus aptes à pourvoir une réponse rapide et efficace.
• Le patient n’enverra pas de textos ou de courriels au thérapeute à pro-
pos d’aucun comportement à risque car il ne s’agit pas de moyens adé-
quats pour faire part d’une urgence.
• Le patient n’appellera pas le thérapeute en dehors des heures mais
appellera le 112 pour se rendre au service d’urgences le plus proche.
• Certains thérapeutes précisent aussi que ces quelques patients ne
devraient pas les appeler pendant les heures de travail en cas de crise
concernant leur sécurité, mais toujours appeler le 112 ou se rendre dans
un service d’urgences. Ce n’est pas habituel mais il s’agit d’une inter-
vention thérapeutique spécifique pour laquelle l’équipe thérapeutique
tout entière doit être d’accord.
• Les thérapeutes devraient obtenir des consultations et des conseils juri-
diques sur ce qui est approprié dans leur situation particulière.
• Si le patient appelle le thérapeute pendant les heures de travail pour
signaler des comportements à risque et refuse de révéler le lieu où il se
trouve, le thérapeute lui dira avec compassion qu’il doit faire ce qui est
nécessaire pour se sécuriser et qu’il n’y a pas d’aide qu’il puisse offrir
dans cette situation.
• Si une partie confuse ou une partie enfant appelle pour faire état de
comportements à risque et dit qu’elle ne sait pas où elle se trouve, le
thérapeute répondra : « Il y a toujours une partie en vous qui sait où
vous vous trouvez et cette partie doit vous aider maintenant à aller dans
un lieu sécurisé. Je suis désolé mais je ne peux pas vous aider si je ne
sais pas où vous êtes. Autorisez simplement cette partie de vous à venir
vous aider et je serai heureux de parler avec vous de tout cela lors de
notre prochaine séance. »

Un GPS est une aide potentielle pour des patients très dissociatifs ; ainsi,
ils peuvent se localiser et rentrer chez eux ou trouver leur adresse domiciliaire

Résoudre les comportements à risque 433


et le numéro de téléphone d’un ami proche ou d’un partenaire dans leur por-
tefeuille ou leur sac à main.
• Si le patient est hospitalisé, le thérapeute communiquera avec l’équipe
pour coordonner le traitement, mais ne sera en contact direct avec
le patient qu’après sa sortie de l’hôpital et seulement lors des séances
prévues.
• Au début de ce plan de traitement modifié, on ne proposera pas des
appels téléphoniques au patient, des visites de contrôle ou des séances
additionnelles. Lorsque le comportement du patient s’améliore,
il pourrait être possible de laisser un message vocal au thérapeute
pour lui permettre de signaler la gestion réussie de comportements
à risque après coup. Cela peut renforcer la compétence et la fierté
du patient. Cependant, certains patients seront incapables de sup-
porter ce contact et leur comportement peut retomber alors dans la
scarification.
• Une fois que le patient a assumé une responsabilité raisonnable quant
à sa sécurité, la thérapie peut à nouveau se centrer sur des parties par-
ticulières du patient qui sont en insécurité, en mettant l’accent sur la
manière dont toutes les parties du patient peuvent aider.

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RVJTFOHBHFOUEBOTEFTDPNQPSUFNFOUTËSJTRVF
.BSJB

Le cas suivant illustre les nombreuses couches et la complexité des fonctions des
comportements à risque et les dynamiques du système entre les parties qui maintiennent
ces comportements. Bien que de nombreux patients ne soient pas si complexes, les
interventions du thérapeute restent quasiment similaires.
Maria était une femme de 28 ans qui avait été en traitement pour TDI pendant
deux ans et était toujours en Phase 1. Elle était étudiante et vivait seule. Elle avait
déjà été traitée en ambulatoire pour anorexie-boulimie sévère, une combinaison
de troubles du comportement alimentaire qui n’est pas rare dans les troubles
dissociatifs. Pendant le traitement pour son trouble du comportement alimentaire,
il était clair qu’elle était dissociative et fut donc adressée pour le traitement de son
trouble dissociatif. Dans la première année de traitement pour son TDI, la thérapie
continuait à se concentrer sur son trouble du comportement alimentaire parce qu’il
restait un problème sévère. Maria craignait de devoir entrer dans un hôpital pour
traiter son trouble alimentaire comme cela lui était arrivé durant son adolescence.
Elle se sentait furieuse, craintive et impuissante face à ses parties qui avaient pris
le contrôle et refusaient de manger ou qui la faisaient ingurgiter et vomir sans
conscience apparente. La thérapeute essaya d’engager ces parties de Maria en
thérapie mais elles étaient défensives et gardaient une distance, refusant le dialogue
avec le thérapeute.

434 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


La thérapeute enchaînait les séances de psychoéducation les unes après les autres en
parlant au travers à ces parties de Maria. Une fois qu’elles comprirent que la thérapeute
souhaitait les aider et n’avait pas l’intention de les hospitaliser, à condition que Maria
se maintienne à un certain poids, ces parties de Maria commencèrent finalement à
s’engager dans le traitement. La thérapeute introduisit bien des compétences
d’adaptation pour Maria comme l’ancrage, la régulation émotionnelle et le travail avec
les parties dissociatives et l’aida à développer un plan de sécurité détaillé. Néanmoins,
plusieurs de ses problèmes d’alimentation persistaient et Maria continua à souffrir
d’amnésie pendant de longues périodes la plupart du temps.
Au fur et à mesure que la thérapeute explorait le monde intérieur de la patiente, une
partie âgée de 13 ans, dénommée « Lydia » émergea finalement. Elle raconta à la
thérapeute qu’elle avait peur de tomber enceinte et qu’elle gardait son poids à un
niveau bas de telle manière à ne pas avoir ses menstruations, quelque chose qui la
dégoûtait. Elle était convaincue qu’elle était constamment en danger et la restriction
alimentaire lui donnait un sentiment de contrôle. Elle semblait inconsciente des dangers
de la chronification d’un poids aussi bas. Lydia avait aussi honte de son corps et détestait
le sexe et les hommes. Elle ne voulait pas que la thérapeute interfère avec ses habitudes
alimentaires.
Maria elle-même semblait indifférente à son alimentation, une sorte de belle indifférence,
comme si ce qu’elle mangeait n’était pas important pour elle. Maria était généralement
très passive et déprimée en thérapie, ne connaissant souvent pas les réponses aux
questions et se réfugiant dans la rêverie ou même le sommeil. Elle faisait état
d’énormément de temps perdu mais semblait fonctionner adéquatement à l’école.
La thérapeute passait de nombreuses séances à valider les raisons de Lydia à ne pas
manger comprenant que, bien sûr, elle ne voulait pas tomber enceinte et que peut-être
ne pas manger était la seule façon d’être certaine que cela n’arrive pas. Elles parlaient
de la honte de Lydia pour son corps de femme bien que Maria était tout à fait indifférente
à son corps et, en effet, souvent physiquement insensible. Progressivement, cette partie
de Maria surmonta sa méfiance de la thérapeute et devint moins hostile et distante.
Lydia commença à se plaindre d’« Alexa », une partie de Maria qui se bourrait de
nourriture. Pendant l’exploration, la thérapeute comprit qu’il s’agissait d’une partie enfant
qui avait tendance à manger trop et même volait de la nourriture au magasin comme
une remise en scène et une façon d’éviter des sentiments de solitude. Ce comportement
dérangeait Lydia car elle souhaitait maintenir son poids à un niveau bas. À l’intérieur,
Lydia refusait d’interagir avec Alexa mais rapportait l’« avoir enfermée à l’intérieur » de
façon qu’elle ne puisse pas manger. Lydia était dégoûtée par Alexa et n’était pas curieuse
de savoir pourquoi elle voulait toujours manger. Et peu importe le nombre de fois où
Lydia enfermait cette partie enfant, Alexa continuait à trouver des moyens de se gaver
de nourriture. La thérapeute comprit donc qu’au moins deux parties de Maria était
impliquées dans l’anorexie-boulimie et probablement pour des raisons différentes.
La thérapeute suggéra à Maria qu’elle pourrait communiquer avec Alexa avec son aide.
Elle proposa d’abord qu’elles essaient toutes deux de comprendre quelle sorte de
problèmes Alexa était en train de résoudre avec son alimentation exactement comme
elle l’avait fait pour comprendre Lydia.
Alexa apparut effrayée et se plaignit de faim car sa mère la punissait toujours en
l’enfermant dans la cave sans nourriture. Elle était toujours en train de manger parce
qu’elle ne savait jamais quand sa mère l’enfermerait à nouveau sans nourriture.

Résoudre les comportements à risque 435


Manifestement, Alexa était fixée au temps du trauma et n’était pas orientée dans le
présent. Elle semblait à nouveau revivre ses expériences du passé avec sa mère chaque
fois que Lydia « l’enfermait à nouveau ». Maria, qui était la partie principale fonctionnant
dans la vie quotidienne, n’avait pas pris conscience de ces conflits intérieurs et, en fait,
n’était pas consciente de Lydia et Alexa bien qu’elle fût consciente de ses pertes de
temps et ressentait que son trouble alimentaire était hors contrôle. Maria fut très
honteuse lorsqu’elle entendit qu’une partie d’elle-même petite fille volait parfois de la
nourriture mais fut aussi furieuse que Lydia l’ait enfermée. Elle était également fâchée
que Lydia s’inquiète de tomber enceinte car elle niait avec force avoir des relations
sexuelles.
La thérapeute aidait ces parties de Maria à trouver un but commun pour éviter une
hospitalisation ultérieure. Avec quelques explications de la thérapeute, Lydia comprit
qu’enfermer Alexa à l’intérieur provoquait des souvenirs douloureux et ne faisait donc
qu’augmenter la tendance à manger trop. Un espace de sécurité imaginaire fut
développé pour Alexa, un lieu empli de nourriture et de lumière. Maria devint plus
volontaire pour prendre soin de cette jeune partie d’elle-même en s’assurant qu’elle
était en sécurité et en l’invitant à faire régulièrement l’expérience avec elle de plats bien
réels. Elle l’aida également à s’orienter dans le présent aussi bien qu’à utiliser des
ancrages comme des rappels. Lydia marqua son accord avec ce poids plancher même
si elle continua la restriction alimentaire. Ce processus prit plusieurs mois d’intense
travail. Maria rapporta un grand sentiment de paix intérieure et l’intensité de ses fringales
et de ses comportements de purge diminua drastiquement. Ce fut un succès majeur.
Cependant, Lydia était toujours convaincue qu’elle risquait de tomber enceinte tandis
que Maria continuait de nier avoir des rapports. Maria continuait aussi à souffrir
d’amnésie importante dans la vie quotidienne et particulièrement pendant les soirées.
La thérapeute se demandait ce qui se passait durant ces moments-là, mais ni Maria ni
Lydia ne semblaient le savoir. Un jour, Lydia rapporta d’étranges flashs d’images d’elle-
même avec des hommes et insista sur le fait que cela se passait dans le présent et non
dans le passé. La thérapeute n’avait aucun moyen de savoir si cela arrivait effectivement
dans le présent ou pas.
Un jour, Maria arriva en séance extrêmement contrariée. Elle refusa le contact visuel
avec la thérapeute, disant finalement qu’elle avait trouvé des « trucs dégoûtants » dans
un tiroir à la maison. Il fallut toute la séance pour comprendre que Maria avait trouvé
des sex-toys, y compris des menottes. Lydia vint à l’avant-plan et dit : « Tu vois, je te
l’avais dit, j’ai vu des hommes ! C’est une menteuse. C’est dangereux après tout ; je
n’aurais jamais dû te faire confiance. » Immédiatement après, Maria vint à l’avant-plan
bouleversée et en pleurs : « Je ne veux plus vivre ; c’est trop horrible. Ce n’est pas moi.
Je ne peux pas vivre comme cela. »
La thérapeute fit de son mieux pour ancrer Maria et contenir ses nombreuses émotions
mais dut terminer la séance qui était déjà très avancée dans l’heure. Afin de terminer
la séance à l’heure, la thérapeute dit : « Maria, je voudrais parler à toutes les parties de
vous à l’intérieur. Cela doit être un vrai choc à un certain niveau pour vous et peut-être
vous vous sentez insécurisée. Mais pourrions-nous nous accorder sur le fait que nous
avons besoin d’un peu plus de temps pour bien comprendre ce qui se passe, tout
comme nous en avions besoin lorsque nous travaillions avec Lydia et Alexa il y a quelque
temps ? Je suis d’accord avec vous lorsque vous dites que vous avez besoin d’être en
sécurité. Je me demande si peut-être une certaine partie de vous vous a autorisée à

436 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


prendre connaissance de ce “truc” de façon à ce que vous puissiez maintenant obtenir
de l’aide à ce sujet. En attendant, aidons toutes vos parties à mettre ces pensées et ces
sentiments à l’abri dans un coffre-fort, à ouvrir quelques minutes après le début de la
prochaine séance. »
Maria donna son accord pour se protéger. Elle vint au rendez-vous suivant deux
jours plus tard. Elle s’était enfermée dans la maison pour « rester en sécurité »
pendant ce temps mais au moins avait eu une certaine compassion pour le sentiment
de trahison de Lydia et, en retour, Lydia avait permis à Maria de manger un peu. La
thérapeute demanda à Maria s’il y avait une partie de son esprit qui en savait
davantage sur ce qu’elle avait découvert. Maria affirma qu’elle l’ignorait mais passa
à une autre partie d’elle-même à ce moment-là, une partie que la thérapeute n’avait
jamais rencontrée.

.BSJB FO UBOU RVF DFUUF QBSUJF : Qu’est-ce que tu veux ? Je parie que tu ne t’es
jamais engagée dans du sexe sadomasochiste ; t’es trop ennuyeuse comme Maria. Elle
est si stupide. Elle se demande ce qui arrive les soirées. A-t-elle une idée de qui paie
pour son école ? Sa bourse ne couvre pratiquement rien. Elle n’y pense même pas.
C’est sa façon de faire, ne pas penser aux choses qu’elle ne désire pas savoir.
5IÏSBQFVUF  Oui, Maria a effectivement difficile à réaliser des choses douloureuses
dont elle ne veut pas parler et elle y travaille. Il semble que tu sois capable d’en savoir
plus à ce sujet que Maria. D’une certaine manière, tu aides Maria à payer son école
sans qu’elle le sache. Est-ce que ça a quelque chose à voir avec le fait qu’elle ne se
souvienne pas de ses soirées ?
.BSJB FOUBOURVFQBSUJF  Ouais (rires). Elle n’a aucune idée de la manière dont je
gagne de l’argent. Et cette stupide Lydia devrait savoir qu’évidemment je prends des
précautions. Je ne veux pas tomber enceinte. Maria déteste les hommes ; elle devrait
aimer ce que je leur fais ! Je les fais souffrir. Ces jouets ne sont pas pour rien ! Et vous
n’allez pas m’enlever cela. Personne ne le peut !

Immédiatement après, Maria revint mais la thérapeute continua à parler à cette partie
de Maria.

5IÏSBQFVUF J’apprécie que vous m’expliquiez un peu à propos de ce qui est arrivé
et j’espère que vous voudrez bien encore parler avec moi. Il est curieux que vous
n’attendiez pas ma réponse. Je me demande si peut-être vous êtes inquiète que je
puisse essayer de vous enlever quelque chose. En fait, j’aimerais beaucoup mieux
comprendre votre position.
$FUUFQBSUJFEF.BSJFSFWJOUËMBWBOUQMBO
.BSJB FOUBOURVFDFUUFQBSUJF  Lydia sait beaucoup plus de mon travail qu’elle ne
vous a dit. [Une expérience habituelle avec les patients dissociatifs : l’amnésie n’est pas
toujours aussi complète qu’il y paraît.] Elle prétend simplement qu’elle ne me connaît pas
parce qu’elle est honteuse. Mais elle était avec moi dans le passé quand j’étais avec des
hommes. Je couche avec eux. Je les blesse. Je devais prendre le relais parce qu’elle
n’était pas assez costaude. Elle n’aimait pas vraiment ça, mais moi si. C’est excitant et
au moins les gens me voient et m’écoutent ! Et maintenant je peux garder l’argent que
je me fais ; dans le passé ma mère prenait tout. Elle me vendait aux hommes – vous
saviez cela ? Maintenant, c’est moi le patron !

Résoudre les comportements à risque 437


5IÏSBQFVUF Oui, Maria m’a dit que ta mère te donnait aux hommes pour de l’argent.
Cela a dû être vraiment horrible. Je suis contente d’avoir l’occasion de mieux comprendre
que vous éprouvez un plus grand sentiment de contrôle lorsque vous avez des rapports
sexuels avec des hommes et que vous utilisez votre propre argent.
.BSJB FOUBOURVFDFUUFQBSUJF  Ouais, ouais. C’est pas grave, ce truc sexuel. Vous
dites des choses gentilles mais je sais que vous pensez que je suis dégoûtante, tout
comme Maria. Vous voulez seulement que j’arrête. Laissez tomber !
5IÏSBQFVUF Vous savez, je ne suis pas du tout intéressée à vous enlever quoi que ce
soit ; et, en fait, ce serait tout à fait impossible. Ce que vous faites vous appartient
complètement en tant que personne globale. Cependant, il est clair qu’il y a un certain
conflit à l’intérieur de vous sur ce qui arrive ; êtes-vous d’accord ? Aussi, je suis surprise
que vous croyiez que je vous trouve dégoûtante. Comment êtes-vous arrivée à cette
conclusion ? [Il est important de ne pas rassurer exagérément le patient sur les bonnes
intentions du thérapeute, car les actions seront plus convaincantes que les mots au fil du
temps. Mais le thérapeute devrait fermement rassurer le patient que le lieu de contrôle reste
tout à fait entre les mains du patient. Finalement, le thérapeute renvoie le conflit d’où il vient :
à l’intérieur du patient, et non entre le patient et le thérapeute.]
.BSJB DPNNFQBSUJF  Je connais les gens. Ils sont toujours dégoûtés. Je suis certaine
que lorsque Maria prendra conscience de qui paie pour ses livres, elle sera dégoûtée
et ne voudra plus jamais d’argent d’une pute dominatrice (rit) ! Mais alors elle sera
financièrement dans de sales draps. Vous avez vraiment tout gâché. Elle allait bien
jusqu’à ce qu’elle commence la thérapie. (Se mettant en colère.)
5IÏSBQFVUF Je suis d’accord que c’est un choc pour Maria mais je comprends que
vous essayez de l’aider même si c’est d’une manière que Maria peut ne pas aimer.
Bien que vous puissiez ne pas me croire, je ne vous juge pas. Je suspecte que vous
avez aidé Maria depuis qu’elle est enfant. En fait, vous m’avez dit que vous deviez
prendre le relais pour protéger Lydia. Ainsi, je sais que vous essayez aussi de l’aider.
Mais je me demande, pensez-vous réellement que tout allait bien quand Maria est
venue me voir ?
.BSJB DPNNFQBSUJF  Oui ma vie était parfaite ! Et Maria pouvait faire ses études
ennuyeuses comme elle le voulait ! Regardez ce qui s’est passé ces deux derniers jours,
elle n’est même pas sortie de la maison. Vous trouvez cela une amélioration ? C’était
beaucoup mieux quand elle ne savait rien de moi.
5IÏSBQFVUF Vous avez raison. Mais elle m’a raconté combien elle était déprimée et
anxieuse, ressentant souvent de la confusion sur qui elle était ou ce qui venait d’arriver.
Êtes-vous consciente de cela ? (Pas de réponse.) Comment se fait-il que vous avez
toujours trouvé le moyen de cacher les jouets sexuels et que maintenant tout à coup
Maria les a trouvés ? Je me demande si quelque part à l’intérieur de vous il y avait un
espoir que peut-être ce conflit puisse être résolu si nous pouvions y travailler ensemble.
Et aussi, je me demande d’une certaine manière si Maria était prête à les trouver, à
accepter que vous êtes une partie de sa vie, aussi honteux et douloureux que cela
puisse lui sembler. J’ai d’une certaine façon confiance dans le fait que vous travaillez
ensemble en thérapie pour rendre votre vie finalement meilleure.
.BSJB DPNNFQBSUJF  Tu dis toujours des conneries. Je ne sais pas pourquoi nous
sommes venues ici.
5IÏSBQFVUF Je devine que vous le savez quelque part au fond de vous, autrement
vous ne viendriez pas ici. Seriez-vous d’accord de partager avec Maria ce dont nous
avons parlé ?

438 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


.BSJB DPNNFQBSUJF  Absolument pas ! Elle ne veut pas me parler.
5IÏSBQFVUF  OK, et si on partageait cela avec Lydia qui pourrait, alors, le faire avec
Maria ?
.BSJB DPNNF QBSUJF   Peu importe. Lydia écoute de toute façon. Elle peut dire à
Maria tout ce qu’elle veut. Je m’en fiche.
5IÏSBQFVUF Bien. J’espère vraiment que nous pourrons continuer notre conversation
car vous êtes une partie très importante de Maria.

La thérapeute s’assit tranquillement avec Maria tandis que Lydia partageait avec elle
intérieurement quelques faits sélectionnés sur cette autre partie d’elle-même que Lydia
appelait « la Tigresse ». D’un côté, Maria fut choquée et consternée mais, d’un autre
côté, elle se demanda vaguement comment elle disposait d’argent tout le temps pour
acheter des livres et des vêtements coûteux. Elle semblait accepter la Tigresse plus que
cette partie ne le craignait.
La thérapeute continua à travailler pendant de nombreux mois avec la Tigresse et aida
d’autres parties à accepter cette partie de Maria. Dynamiquement, elle nota que Maria
en tant que Tigresse avait des problèmes majeurs d’attachement comme le besoin
d’« obtenir de l’attention des hommes » et de se sentir importante. Bien que Maria fût
en état de sous-activation et comme éteinte, la Tigresse était en état de sur-activation
et souvent fortement dérégulée.
Elle se débattait avec une solitude intense, l’ennui et la rage et l’amertume face à l’abus
précoce par sa mère. La Tigresse avait une forme d’addiction au sentiment d’être
puissante et en contrôle, une solide défense contre la vulnérabilité et la honte. Elle avait
une importante libido qu’elle utilisait agressivement, alors que Maria était complètement
dépourvue de tout désir sexuel. Lentement, au fil du temps, la Tigresse admit entendre
une voix de femme qui lui disait qu’elle était une putain et que c’était le seul travail
pour lequel elle était bonne. Cela la rendit furieuse, honteuse et effrayée. La thérapeute
suspectait que cette voix puisse être une partie imitant l’agresseur mais n’en était pas
certaine.
La thérapeute était aussi consciente de plusieurs parties enfant bloquées au temps du
trauma et qui étaient retraumatisées chaque fois que la Tigresse avait une relation
sexuelle avec un homme. La Tigresse admit qu’elle n’avait pas toujours le contrôle dans
son travail sexuel. Elle admit à contrecœur être parfois blessée parce qu’elle était
incapable d’utiliser un mot sûr, car la voix punitive intérieure l’empêchait de parler. De
cette façon, la patiente dans son ensemble rejouait ses expériences en tant qu’enfant
entre les parties d’elle-même.
Un tournant se produisit dans la thérapie quand la Tigresse réalisa que les parties enfant
étaient blessées par son travail car elle avait un cœur compassionnel sous son extérieur
dur et dédaigneux. Elle devint plus consciente que sa voix punitive intérieure la contrôlait
parfois, lorsqu’elle était si fière d’être complètement en contrôle. Elle expliqua à la
thérapeute qu’elle avait toujours voulu protéger les parties enfant et se venger pour
ce qui leur était arrivé. Elle quitta son job de dominatrice peu après la séance.
Finalement, la thérapeute put accéder à la partie imitant l’agresseur, qui était comme
la mère de Maria. Cela lui prit encore deux autres années mais cette partie qui ressemblait
à sa mère, développa graduellement plus de compassion et réalisa finalement qu’elle
était une partie de Maria.

Résoudre les comportements à risque 439


6. Explorations supplémentaires
1. Que ressentez-vous lorsqu’un patient adopte des comportements à
risque ? En colère ? Effrayé ? Confus ? Dégoûté ? Impuissant ? Discutez
de vos sentiments avec des collègues de façon à trouver des moyens
pour vous aider à ne pas être excessivement réactif ou trop en retrait
des patients qui s’automutilent.
2. Quelles sont vos limites face aux comportements à risque et comment
les faites-vous respecter ? Discutez avec des collègues et apprenez dif-
férentes manières qu’utilisent les thérapeutes pour mettre ces limites.
3. Assurez-vous que vos patients instables ont un plan de sécurité écrit et
mis à jour.
4. Quels sont les paramètres de votre disponibilité après les heures ? Ayez
une discussion avec vos collègues sur les différentes limites qui peuvent
être fixées et des raisons pour lesquelles les thérapeutes ont certaines
limites.
5. Avez-vous déjà eu un patient qui a fait une tentative de suicide ou qui
a commis un suicide ? Comment l’avez-vous vécu ? Avez-vous fait une
démarche de consultation ou de soutien par la suite ? De quelle façon
ces expériences, si vous les avez vécues, ont-elles affecté votre approche
de la suicidalité chez vos patients ?

440 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


cHAPITRE 19
Sélection de thèmes

Les êtres humains sont immergés dans un récit auquel tout le


monde participe mais qui peut créer des problèmes tout en ayant
simultanément le potentiel de les dissoudre.
Gianfranco Cecchin, Gerry Lane
et Wendel Ray (1993, p. 128)

Ce chapitre traite d’une série de sujets qui sont fréquemment amenés en consul-
tation et en supervision et qui représentent de sérieux défis dans le traitement.
Ils incluent la manière d’aider les patients avec leurs relations actuelles, la
parentalité, l’intimité, la sexualité et la victimisation actuelle et comment se
débrouiller lors de conflits dans l’équipe thérapeutique.

1. Aider le patient à s’adapter


aux relations actuelles
Les relations actuelles du patient sont souvent chargées de conflits. Une partie
du rôle du thérapeute est d’aider le patient à apprendre à entrer en relation
différemment avec les autres, ce qui change naturellement les dynamiques
des relations. Souvent, les patients entrent en thérapie avec des relations pro-
blématiques caractérisées par un manque de limites, une confusion des rôles,
des soins inappropriés, des négligences, et des abus qui sont répandus de part
et d’autre. Le thérapeute devrait discuter avec les patients s’ils soutiennent
d’autres personnes dans leur vie et de quelle manière, et s’ils sont soutenus
par d’autres. Des décisions doivent être prises à propos de quand et comment

Sélection de thèmes 441


introduire les partenaires en thérapie et si ce partenaire doit être adressé à
un psychothérapeute individuel. Tant le patient que le thérapeute devraient
prendre en considération ce qui doit être dit à un partenaire ou même aux amis
du patient sur le diagnostic de celui-ci, son traitement et son histoire. Parfois,
d’autres personnes dans la vie du patient ont commencé à interagir avec ses
parties dissociatives et l’interrogent à propos d’événements traumatisants, le
rendant encore plus fragmenté, ce qui complique fortement la thérapie.

CONCEPT CLÉ

Il est essentiel, lorsqu’on planifie le traitement, de prendre en compte les relations du


patient avec les personnes significatives pour lui. Il faut statuer de l’opportunité et de la
manière dont les autres pourraient être inclus dans le soutien au patient.

1.1. La relation de couple


Les dynamiques entre les patients et leurs partenaires peuvent servir de recom-
mandations sur ce qui peut être ou non utile à partager (Sachs, 1986). Le
partenaire risque-t-il de devenir trop impliqué, voire même d’essayer d’assumer
un rôle de thérapeute ou de parent à l’égard du patient ? Ou le partenaire est-il
plus susceptible de se tenir à distance du patient et d’être indisponible ? À quel
point le patient souhaite-t-il s’appuyer sur le partenaire ? Le patient est-il très
dépendant ? Quelle est la probabilité que le patient puisse utiliser des parties
dissociatives pour voir ses besoins rencontrés (p. ex., passer à une partie enfant
effrayée pour éviter la colère d’un partenaire ou à une partie dépendante pour
être cajolé) ? Quelle est la probabilité que le partenaire puisse exploiter les
parties dissociatives pour voir ses propres besoins rencontrés (p. ex., appeler
les parties sexualisées pour des rapports sexuels alors que la partie adulte du
patient ne souhaite pas de rapport) ? Quelle est la probabilité que le partenaire
pathologise le patient et lui reproche les problèmes relationnels de couple à
partir des caractéristiques de la santé mentale du patient ? Une fois que le
thérapeute comprend les dynamiques du couple et les souhaits du patient, une
séance de couple peut s’avérer utile. Cette séance a un but de psychoéducation
mais devrait toujours prendre place après une discussion avec le patient sur ce
qu’il serait acceptable de partager et ce qui ne l’est pas. Le thérapeute pourrait
partager une information générale sur la dissociation ou l’ESPT plutôt que des
détails spécifiques sur le vécu du patient.
Si le patient souhaite révéler le diagnostic de trouble dissociatif, le théra-
peute explique soigneusement au partenaire que les parties dissociatives sont
des aspects du patient adulte et devraient être traitées comme telles. Il est
important pour le partenaire de ne pas faire appel aux parties autres que le soi
adulte du patient mais d’apprendre des techniques simples d’ancrage qui aident

442 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


la partie adulte du patient à rester dans le présent ou à y retourner s’il y a eu
un switch entre les parties. Les partenaires ne devraient pas interagir régulière-
ment avec les parties enfant ou autres du patient à l’exception de l’aide envers
le patient pour retourner vers une partie adulte et un lieu de sécurité. C’est
essentiel parce que plus il y a de parties actives dans la vie quotidienne, plus
elles deviennent autonomes, et plus les questions relationnelles importantes
peuvent être évitées par les deux partenaires en ne traitant qu’avec des parties
adulte plus fonctionnelles.
En général, notre expérience avec les partenaires et les amis proches
montre qu’ils ne comprennent pas les comportements dissociatifs du patient.
Ils peuvent être très soulagés de recevoir de l’éducation et du soutien. En fait,
il a été démontré que les groupes psychoéducatifs pour les partenaires sont
efficaces pour améliorer les relations et offrir une aide aux partenaires (Tijdink
et Cuijpers, 2016). Ceux-ci ont besoin de recommandations pratiques et spé-
cifiques pour se débrouiller avec la dissociation. Bien sûr, la participation à un
tel groupe nécessite d’abord un consentement éclairé de la part du patient, une
certaine compréhension des dynamiques dans la relation et un travail initial
avec le couple.
Dans certains cas, un couple (ou une famille) devrait être adressé à un autre
thérapeute pour le recevoir en thérapie de couple ou familiale, et cela en plus
de la thérapie individuelle du patient. Pour éviter le conflit d’intérêts avec le
patient et prévenir des divulgations involontaires de la thérapie individuelle du
patient, les thérapies de couple ou de famille ne devraient pas être entreprises
par le thérapeute individuel du patient. Cependant, il faudrait une collaboration
étroite entre le thérapeute de couple ou de famille et le thérapeute individuel.

1.2. Les questions de parentalité


Une autre question qui se pose pour les patients est l’opportunité et la manière
d’expliquer aux enfants. Bien sûr, cela dépend dans une large mesure de l’âge
des enfants et de la relation que le patient entretient avec eux. Il pourrait être
utile pour les enfants de comprendre mieux leur parent si le patient s’engage
dans un comportement chaotique. Une certaine psychoéducation peut en fait
les aider à ne pas s’en vouloir pour les problèmes de leur parent (Benjamin et
Benjamin, 1993 ; ISSTD, 2011).
De toute évidence, les enfants ne devraient jamais être responsables de
traiter directement avec les parties dissociatives d’un parent. Ils peuvent être
encouragés à se diriger, si nécessaire, vers un autre adulte pour répondre à
leurs besoins. Le patient doit être fortement encouragé à gagner du contrôle
sur les switchs entre les différentes parties et sur leurs agissements lorsqu’ils
sont en présence de leurs enfants. Ils devraient rester dans le rôle de parent en
tant qu’adulte. Ils peuvent avoir besoin d’aide pour acquérir des compétences

Sélection de thèmes 443


parentales (Benjamin et Benjamin, 1994a, 1994b) et dans la protection de
leurs enfants contre l’abus et d’autres dommages (ISSTD, 2011).
La parentalité n’est jamais simple et beaucoup de patients avec des troubles
dissociatifs doivent davantage lutter que les autres. Dans une étude portant sur
75 mères avec TDI, Kluft (1987d) a répertorié que 38 % étaient des parents
compétents, 16 % avaient un comportement abusif et 45 % étaient inadéquats
ou déficitaires au point d’être parfois émotionnellement abusifs ou négligents.
Bon nombre d’entre eux disaient que leurs symptômes dissociatifs les empê-
chaient de faire de leur mieux pour être de bons parents (Benjamin, Benjamin
et Rind, 1998 ; Kluft, 1987c). Les enfants dont les parents sont dissociatifs
sont plus à risque d’attachement insécure et de devenir eux-mêmes dissociatifs
(Coons, 1985). Les enfants de certains parents dissociatifs sont clairement à
risque et peuvent avoir besoin d’une intervention thérapeutique à un certain
moment.

CONCEPT CLÉ

Dans certains cas, les symptômes dissociatifs peuvent interférer avec la parentalité mal-
gré les meilleurs efforts du patient. Le thérapeute devrait veiller à aider le patient dans ses
compétences parentales et sa gestion du stress et s’assurer que les enfants du patient sont
évalués si nécessaire.

Certains patients ont des parties enfant qui veulent jouer avec leurs enfants
réels. La seule manière acceptable est la présence complète et co-consciente
de la partie adulte en même temps que les parties enfant. De cette manière,
les parties enfant peuvent se réjouir de voir à quel point le patient est un bon
parent et comment des enfants peuvent se réjouir eux-mêmes dans un environ-
nement sécurisé. Les parties adulte peuvent aussi apprendre à être joueuses et
prendre conscience que le jeu ne doit pas être réservé aux enfants seulement.
Les parties enfant dissociatives d’un parent ne devraient jamais être en posi-
tion de contrôle direct en présence des enfants réels du patient.
L’âge d’un enfant peut être un déclencheur pour un parent qui a vécu des
événements traumatisants au même âge. Les parents peuvent être déclenchés
par le comportement de leurs enfants et glisser vers la colère ou vers des par-
ties dissociatives apeurées. Elles peuvent se sentir jalouses que l’enfant reçoive
davantage d’amour et de soin qu’elles n’en ont eu. Certains parents éprouvent
du dégoût à l’égard de leur enfant, une projection de leur honte déniée. Ces
comportements et sentiments peuvent aboutir à des comportements effrayants
ou effrayés de la part du parent, des types d’expériences qui peuvent mener à
un attachement désorganisé chez l’enfant si ceux-ci perdurent (Main et Hesse,
1990). D’autres parents trouvent guérison et rédemption dans le soin apporté
à des enfants vulnérables de manière positive et saine, en étant heureux de

444 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


leur donner ce qu’ils n’ont pas reçu. Ils observent la détresse et la vulnérabilité
de leurs propres jeunes enfants et mesurent ainsi l’impact de leurs succès et
échecs dans l’exercice de leur parentalité. Cela peut contribuer à une prise de
conscience ultérieure de la situation difficile vécue dans le passé par le parent
quand il était enfant. Souvent, ces parents peuvent permettre à leurs parties
jeunes dissociatives de trouver un bénéfice dans l’expérimentation de leurs
capacités parentales positives avec leurs enfants actuels.
Il est important de vérifier régulièrement avec les patients comment vont
leurs enfants et de quelle manière ils gèrent leur parentalité. Lorsque les
patients rapportent une perte de conscience du temps ou le switch vers d’autres
parties en présence de leurs enfants, surgit une sérieuse préoccupation car ils ne
seront pas en mesure de tenir un récit clair de leur mode de parentalité. C’est
un sujet difficile pour les patients car beaucoup sont terrifiés de ne pas être de
bonnes mères ou de bons pères et que les services de protection de l’enfance
puissent être sollicités. Dans certaines situations, il est nécessaire d’adresser les
enfants à un pédopsychologue ou un pédopsychiatre pour évaluation et, dans
quelques cas, il faudra bien appeler ces services. Le thérapeute devrait aider le
patient à surmonter sa réticence à évoquer la parentalité et lui offrir autant de
ressources que possible.
Récemment, des initiatives ont été prises pour la prévention du trauma
intergénérationnel en développant des groupes psychoéducatifs structurés
pour les parents dissociatifs (Friberg, 204 ; Ruismäki et Mankila, 2013). Le
focus dans ces groupes est centré sur la discussion et le partage des peurs, doutes
et problèmes vécus comme parent et sur l’apprentissage d’attitudes parentales
adéquates. La plupart des patients dissociatifs veulent être de meilleurs parents
et s’efforcent de le devenir. Les études de suivi n’ont pas encore été réalisées
mais le retour des patients rapporte qu’ils se sentent fortement soutenus par ces
groupes structurés.

1.3. La divulgation à la famille et aux amis


Si le patient a actuellement une famille, avec un partenaire et peut-être des
enfants ou des amis proches, le patient doit prendre une décision quant à
l’énoncé du problème dissociatif et de l’arrière-plan traumatique (si cela n’a
pas déjà été fait). Il existe une controverse concernant le partage avec d’autres
sur la traumatisation du patient (sans détails) et les diagnostics qui y sont atta-
chés. Le thérapeute pourrait commencer à explorer avec le patient ce que cela
pourrait signifier de partager avec autrui quelque chose en rapport avec sa lutte
psychologique. Qu’attendrait le patient de cette autre personne ? Quelles sont
les peurs du patient en ce qui concerne le partage – par exemple, l’insécurité,
ou le souci que les autres pourraient penser que le patient est fou, qu’ils pour-
raient interpréter erronément certaines informations ou en parler à d’autres,

Sélection de thèmes 445


ou qu’ils jugeront la famille d’origine ? Et ensuite, qu’est-il exactement impor-
tant de partager avec la famille et les amis ?
Certains patients rechignent à partager des éléments de leur expérience
personnelle avec autrui, peu importe le degré d’intimité. Cependant, beaucoup
d’entre eux peuvent se sentir complètement isolés dans leur travail thérapeu-
tique si douloureux et souhaitent être compris et partager leur souffrance. Il est
certain que la plupart du temps il existe des conflits entre les parties dissocia-
tives sur le contenu et le moment opportun de ce partage. Un certain consen-
sus interne entre les parties doit être obtenu avant la divulgation.
Il arrive que les patients partagent trop de choses personnelles et ils doivent
bénéficier d’aide pour rester dans une approche plus relationnelle. Par exemple,
plutôt que de partager des détails descriptifs de l’abus ou une information hau-
tement sensible ou très révélatrice, contenant des spécificités sur les parties
dissociatives, ils peuvent apprendre à dire quelque chose du genre « Pour le
moment, je suis aux prises avec des choses vraiment pénibles de mon enfance
et je me sens triste et déprimé ». Ou ils peuvent switcher vers des parties enfant
geignant pour recevoir de l’attention et du soin de la part de leur partenaire.
Les thérapeutes peuvent rendre service à leurs patients en leur apprenant à
davantage divulguer leurs sentiments du présent sans passer à une autre partie,
ce qui idéalement rend le partage avec la famille ou les amis beaucoup plus
sécurisé et réel.

CONCEPT CLÉ

Avant que les patients ne divulguent des informations sur leur histoire, leur diagnostic
ou leur traitement, les parties dissociatives devraient arriver à un accord intérieur sur ce
qui peut être partagé. Sans cela les patients peuvent ressentir une réaction intérieure
négative brutale.

Une question qui se pose à la fois au thérapeute et aux patients est celle
de la nécessité ou de l’utilité de partager le diagnostic avec un partenaire
ou un ami proche. Cela dépend de la situation de chaque patient. Les per-
sonnes étrangères à cette matière ne comprennent pas vraiment la nature
des troubles dissociatifs et le patient fera très certainement face à la possi-
bilité d’une combinaison de fascination, peur et stigmatisation. Cependant,
la plupart des gens peuvent capter le concept de stress post-traumatique par
empathie. Certains patients peuvent simplement raconter aux autres qu’ils
souffrent d’ESPT ou qu’ils sont aux prises avec des questions en lien avec
un trauma ou un abus enfant. Ils peuvent avoir besoin d’apprendre quels
types de questions les autres peuvent poser et s’ils souhaitent y répondre et
de quelle manière. Un jeu de rôle avec le thérapeute peut être d’un certain
secours. Il est important d’explorer ce que le patient souhaite gagner en par-

446 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


tageant le diagnostic et si c’est réaliste, et de vérifier que toutes les parties du
patient sont d’accord qu’il soit révélé. Quel type de soutien un partenaire ou
un ami peut-il offrir, et qu’est-ce qui est sain ou ne l’est pas pour le patient
ou le partenaire ou l’ami ?

2. Aider le patient à s’adapter


à la famille d’origine
Rester ou non en contact avec des membres de la famille abusive est un choix
extrêmement difficile pour beaucoup de patients. Le besoin de maintenir des
liens est fort mais il entre en concurrence avec le besoin d’être en sécurité
et d’avoir une existence plus stable et apaisée. En général, le thérapeute ne
devrait pas être la personne qui suggère de couper le contact parce que cela
peut même créer une plus grande résistance à le faire. Le thérapeute peut
cependant souligner les conséquences d’être en famille. Par exemple, « J’ai
remarqué que chaque fois que vous rendez visite à votre famille vous devenez
suicidaire. Regardons ensemble ce qui pourrait s’être passé ». Le patient doit
être assisté dans la lutte avec des sentiments douloureux et conflictuels, même
lorsqu’il fait l’apprentissage de rester sécurisé.
Si le patient est capable de mentaliser sur la famille et d’aller de l’avant
sans être bloqué dans la colère ou l’amertume, ou dans des sentiments de rejet
complet, c’est plus probablement un mouvement sain. Par exemple, un patient
a noté : « Je me sens triste de ne pas avoir de contact avec ma famille. Je prends
conscience que d’une certaine manière ils ont fait du mieux qu’ils ont pu. Mais
lorsque je suis en leur présence, ils sont si verbalement maltraitants que je ne
peux le tolérer. C’est mieux pour moi de ne pas avoir de contact même si j’ai
une foule de sentiments provoqués par cette situation. » Un autre patient est
resté furieux et incapable de faire un deuil : « Chaque fois que je pense à eux,
mon sang bout. Ils m’ont blessé et ils ne méritent rien qui vienne de moi. »
Un troisième patient affirma : « Je ne me préoccupe pas d’eux. Je n’ai aucun
sentiment pour eux. Ils sont morts pour moi. »
Le premier patient a fait un travail jusqu’à la résolution, le second patient
est coincé dans la colère et le troisième patient a développé tous les sentiments
complexes associés à des parents abusifs. La plupart des patients se battront
pour trouver un moyen terme permettant des contacts limités. Le thérapeute
devrait aider les patients à apprendre à franchir des étapes saines lors des visites
à la famille d’origine ; par exemple, en planifiant des séjours plus courts, en
emmenant un ami au cours de la visite, en logeant dans un hôtel plutôt qu’au
domicile de la famille, en quittant si la tension monte et en ménageant des
interruptions comme des promenades ou des emplettes seul ou avec quelqu’un
de rassurant.

Sélection de thèmes 447


La plupart des patients dissociatifs doivent toujours se débrouiller avec
leurs familles en dissociant les conflits intérieurs à propos du contact avec elles.
Certaines parties dissociatives peuvent continuer un contact, inconscientes ou
incapables de prendre conscience de l’abus ou de la négligence, ce qui abou-
tit souvent à des conflits intérieurs féroces. Durant le processus d’intégration
de toutes les parts, une capacité plus réaliste de maîtriser ces conflits puis de
les résoudre devrait survenir. Les patients devraient devenir capables d’avoir
une vision plus réaliste du « bon » et du « mauvais » de la famille abusive et
de donner une approbation à l’opportunité d’un contact et, dans ce cas, à sa
modalité.

2.1. S’adapter avec les parents vieillissants ou mourants


Un dilemme se pose quant à la manière de répondre à l’âge, l’infirmité ou la
mort des parents qui furent (et sont peut-être toujours) maltraitants (Brown,
2012). Beaucoup de patients se font du souci pour leurs parents sans penser à
ce que cela leur coûte. D’autres ne s’en font pas mais se sentent coupables. Pour
les patients qui n’ont pas beaucoup de contacts avec les parents, les conflits
surgissent lors du rétablissement d’un contact avec les parents devenus infirmes,
malades ou mourants. Souvent, il y a chez le patient un retour de l’espoir qu’une
certaine résolution puisse prendre place et que, finalement, le parent recon-
naisse l’abus. Si ce cas de figure existe, il reste rare. Les thérapeutes doivent
soutenir les patients dans leur lutte avec ces espoirs et avec la réalité telle qu’elle
est. Plus important encore, les patients doivent apprendre à s’engager à bien se
soigner et à respecter leurs limites, peu importe le type de soin dont il s’agit.

2.2. La confrontation
Certains patients veulent se confronter à leur abuseur. Ce débat est complexe
et on ne s’y hasardera pas tant que le patient n’aura pas obtenu la coopération
entre toutes les parties. Bien que les patients puissent croire que la confron-
tation est nécessaire ou les aidera, le contraire peut également être vrai. La
question n’est pas de savoir si la confrontation doit avoir lieu mais plutôt quel
résultat le patient souhaite obtenir de cette confrontation. Donc, le théra-
peute doit d’abord et avant tout aider les patients à comprendre leurs attentes.
« Qu’en attendez-vous ? Quelle est votre idée de la manière dont cela va se
passer ? Qui, à votre avis, pourrait être là ? Qu’imaginez-vous comme discours
de la part de votre père ou de votre mère ? Comment pensez-vous que vous réa-
girez si vous n’obtenez pas ce que vous en attendez ? Comment réagirez-vous
probablement s’ils sont dans le déni que quoi que ce soit s’est passé ? Quelle
sera votre attitude s’ils vous demandent de leur pardonner ? Et s’ils recon-
naissent les événements mais disent que tout cela, c’est du passé et qu’il faut
laisser tomber ? »

448 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Souvent les patients ou au moins certaines de leurs parties souhaitent
désespérément avoir un certain type de validation de la part d’un parent abu-
sif. Ils souhaitent des excuses et une reconnaissance de l’abus qui est survenu.
Certains veulent justice et vengeance. Certains ressentent qu’il est nécessaire
pour leur guérison que leur agresseur admette ce qui s’est passé. Aucun de ces
désirs n’est atteint par la confrontation parce que le patient a un désir irréaliste
qu’un changement intérieur puisse arriver comme si l’agresseur pouvait d’une
manière quelconque être différent. Malheureusement, il est relativement rare
pour les survivants de trauma infantile de recevoir beaucoup de validation des
événements au cours de ces confrontations et les patients doivent être préparés
à toutes les réactions possibles des membres de la famille. Dans ces cas où la
reconnaissance survient, elle ne semble pas offrir une source majeure de guéri-
son au-delà de la validation de sa réalité.
Lorsqu’il y a un accord intérieur de la part de toutes les parties et lorsque les
préparations ont été faites au cours du traitement, quelques patients peuvent
décider qu’il est important de parler simplement de leur vérité à leur agresseur :
« Je veux que tu saches que je me souviens de ce qui est arrivé et cela m’a affecté
dans une mesure que tu aurais probablement difficile à imaginer. » Ils peuvent
aller vers cette situation complètement préparés aux réactions qu’ils reçoivent
parce que le but poursuivi n’a rien à voir avec la réaction de l’agresseur. Dans
quelques cas, un thérapeute de famille bien formé et sensible peut travailler avec
efficacité avec la famille d’origine et le survivant pour soutenir des relations de
guérison même s’il y a un déni d’abus par la famille (Barrett et Trepperr, 2004).
Cela ne devrait pas être tenté par le thérapeute individuel et les choix délicats
des familles qui ont accès à de telles thérapies sont importants.

2.3. La caractéristique du pardon


Certains patients se demandent s’ils doivent pardonner à leurs abuseurs. Il n’est
pas facile de donner une réponse à cette question, d’abord parce que la notion
de pardon est souvent différente pour chaque personne. En premier lieu, le
thérapeute ne doit pas insister pour que le patient pardonne. Cela appartient
au patient et ce n’est pas indispensable à la guérison. En second lieu, le théra-
peute devra s’enquérir de ce que signifie le pardon pour le patient et en quoi
cela provoquerait une différence dans sa vie actuellement.

CONCEPT CLÉ

Les patients peuvent pardonner ou non à leurs abuseurs ; cela dépend des individus et ce
sujet devrait être amené en thérapie par le patient. Dans ce cas, le thérapeute devrait
soigneusement explorer ce que le pardon signifie pour le patient et si c’est ce que le pa-
tient désire et pour quelles raisons.

Sélection de thèmes 449


Le pardon ne devrait pas signifier que le patient doive oublier ce qui est
arrivé ou croire que ce qui est arrivé était acceptable. Il ne devrait pas être
motivé par la culpabilité, la peur ou un sentiment de devoir religieux. Il peut
s’agir de mentaliser au sujet d’un abuseur, en reconnaissant que peut-être l’au-
teur a fait du mieux de ce qu’il ou elle pouvait et avait lui aussi peut-être des
antécédents traumatiques. Cela n’atténue en rien le mal fait au patient mais
cela ôte la faute du patient et lui permet de voir l’abuseur comme un être
humain. Il est beaucoup plus dur de résoudre le trauma lorsque le patient voit
l’abuseur comme un monstre plus grand qu’il n’est.
D’autres fois, les patients peuvent arriver à la conclusion que leur abuseur
était vraiment un grand malade mental ou animé par le Mal et ils continuent à
investir de l’énergie émotionnelle dans la colère, ce qui les éloigne de leur vie
propre. Ceci, aussi, peut être un moyen de lâcher prise et d’aller de l’avant. Les
patients ne doivent pas avoir à pardonner mais ils doivent vraiment réinvestir
leur énergie émotionnelle dans le présent et avec des personnes dans leur vie
actuelle, cependant ils choisissent de faire ainsi.

3. Les relations sexuelles


Beaucoup de patients dissociatifs, spécialement ceux qui ont été abusés étant
enfants, ont des problèmes dans leurs relations sexuelles actuelles. Certains
peuvent éviter le sexe à tout prix, même avec leur partenaire. Ils choisissent
parfois des partenaires qui n’ont pas de problème à avoir une relation dénuée
de sexe pour des raisons qui leur sont propres. D’autres patients ont une partie
dissociative qui accepte les relations sexuelles avec le partenaire et se sentent
engourdis. Certains ont seulement des rapports sexuels s’ils en sont à l’origine
et contrôlent leur partenaire. Les patients peuvent avoir des parties haute-
ment sexualisées qui adorent le sexe tandis que d’autres parties du patient sont
effrayées et trouvent cela repoussant, ce qui amène de sérieux conflits inté-
rieurs. Quelques-uns ont des parties prostituées qui s’engagent dans le sexuel
pour des raisons variées. Certains partenaires recherchent intentionnellement
des parties sexualisées, ce qui est un problème relationnel sérieux et un pro-
blème de traitement maintenant la dissociation. Le sexe peut comprendre la
réactivation du contrôle, de la domination, de l’apaisement, du figement ou de
l’effondrement.
Au cours du traitement, lorsque les patients commencent à prendre davan-
tage conscience et ont moins de déconnexions entre les parties dissociatives,
des problèmes supplémentaires dans les relations sexuelles peuvent surgir. Plus
de parties du patient peuvent devenir co-présentes durant l’activité sexuelle.
Les parties qui ont préalablement évité le sexuel peuvent être présentes et le
trouver difficile à supporter. Les patients et leurs partenaires peuvent être dans
la confusion ou frustrés par cette tournure des événements.

450 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


3.1. Les parties sexualisées
Les parties sexualisées du patient contiennent des impulsions sexuelles désa-
vouées ainsi que des comportements du patient dans sa globalité et elles sont
souvent incapables d’être dans l’intimité émotionnelle. Elles peuvent se mani-
fester sous des formes enfant, adolescentes et adultes. Généralement, des par-
ties très sexualisées se développent en réaction à un abus sexuel chronique
afin de s’engager dans des comportements sexuels qui étaient submergeants
émotionnellement ou inacceptables. Elles peuvent utiliser l’activité sexuelle
comme une action substitutive, par exemple pour réduire la tension, se proté-
ger contre les sentiments ou éviter l’intimité émotionnelle. Certaines peuvent
confondre intimité sexuelle et émotionnelle.
Ces parties peuvent jouer un rôle important dans les relations actuelles car
elles assument la responsabilité de toute activité sexuelle quelle qu’elle soit.
Cela peut être assez déroutant pour le partenaire qui, à un moment donné,
peut être confronté avec une personne très sexuelle, qui devient alors inexpli-
cablement furieuse ou terrifiée lorsqu’elle est approchée ou touchée de manière
sexuelle. Par exemple, un partenaire décrit l’expérience de s’être trouvé au
milieu d’une relation sexuelle tendre et intime lorsque soudainement sa parte-
naire (dissociative) a bondi hors du lit rageusement et a commencé à déchirer
les draps du lit en lui hurlant de sortir.
Les thérapeutes qui n’ont pas rencontré de parties sexualisées auparavant
peuvent être choqués par les propositions sexuelles manifestes de quelques
patients en séance. Il faut garder à l’esprit que ces comportements sont des
remises en scène qui ne sont pas vraiment différentes d’autres comportements
dans lesquels les patients tentent de s’engager avec les thérapeutes. Il va sans
dire – mais cela doit être redit – que les thérapeutes ne devraient jamais être
dans le contact sexuel avec un patient pour n’importe quelle raison à quelque
moment que ce soit. Cependant, il est aussi important de ne pas rendre le
patient honteux de ces parties et des comportements qui y sont liés et de l’aider
à maintenir sa dignité. Les thérapeutes devraient donc être préparés à com-
poser avec les parties sexualisées, si elles devaient émerger. Il convient de les
approcher d’une manière accueillante et calme tout en mettant des limites au
comportement sexualisé. Le thérapeute est encouragé à consulter lui-même
concernant ses sensations intenses et à travailler sur le plan pratique avec ces
parties dans des jeux de rôle avec d’autres collègues.
Les parties sexualisées sont souvent fixées au trauma et ont typiquement
plusieurs fonctions qui peuvent avoir des chevauchements significatifs :
• S’engager dans le sexuel pour rester en sécurité. Ces parties dissocia-
tives ont appris que donner du plaisir sexuel à un adulte plus puissant
n’est pas seulement leur rôle dans la vie mais pourrait aussi apaiser cette
personne. Alors l’adulte peut ne pas les blesser ou au moins ne pas les

Sélection de thèmes 451


blesser autant que s’ils étaient en train de combattre l’inévitable. Le
sexe peut aussi donner l’illusion de proximité mais sans la vulnérabilité
de la vraie intimité et il peut ainsi protéger ces parties de sentiments
trop vulnérables dans les relations.
• Se voir eux-mêmes comme le séducteur plutôt que comme la victime.
Peut-être l’agresseur leur a-t-il raconté qu’ils ont provoqué l’abus ou peut-
être en sont-ils arrivés eux-mêmes à cette croyance. Le sexe est un moyen
de maintenir un sentiment de contrôle et d’éviter un sentiment de vulné-
rabilité et de non-secourabilité, à la fois dans le présent et le passé.
• Éprouver des sensations sexuelles agréables ou douloureuses qui pro-
voquent une profonde honte et répugnance chez le patient. Parfois,
la psychoéducation aide, en assurant au patient que les sensations
sexuelles sont normales chez les enfants et peuvent être provoquées
même si l’enfant ne souhaite pas se sentir stimulé durant l’abus. Cepen-
dant, la honte est rarement résolue par le seul savoir, ainsi un travail
plus long et plus dur est souvent à faire afin d’aider l’adulte à accepter
ce type de partie enfant ou adolescente (voir chapitre 15 pour le trai-
tement de la honte). Certains patients deviennent parfois programmés
à jouir de la douleur couplée à l’excitation sexuelle. Les parties dis-
sociatives peuvent s’engager dans de l’automutilation ou être blessées
par un partenaire sexuel. Souvent, durant le travail avec les souvenirs
traumatiques, cela peut être partagé avec d’autres parties et un certain
degré de découplage peut survenir.
• Forger une relation pleine de sens de la seule manière qui leur est
disponible. Souvent, ces parties dissociatives n’ont aucune idée de la
manière de développer une relation si ce n’est par des comportements
sexuels. Certains agresseurs donnent de l’affection au moment de l’abus
sexuel, provoquant une confusion troublante chez l’enfant qui naturel-
lement recherche et apprécie l’affection. Certaines parties sexualisées
peuvent tenter de séduire le thérapeute comme moyen d’entrer en rela-
tion avec lui.

Travailler avec les parties sexualisées du patient. Le thérapeute peut tra-


vailler avec les parties sexualisées de plusieurs manières. La partie adulte du
patient est généralement effrayée que ces parties puissent passer à l’acte avec le
thérapeute ou en dehors de la thérapie et ressentent une honte intense. D’un
autre côté, la partie adulte fonctionnant dans la vie quotidienne est souvent
dépendante des parties pour avoir des rapports sexuels avec un partenaire et,
afin de continuer à éviter le sexe, peut ne pas souhaiter intégrer davantage les
parties sexualisées.
Souvent, le patient peut être extrêmement réticent à autoriser ces parties
à se montrer à l’avant-plan. La partie du patient qui se présente en thérapie

452 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


peut être si effrayée de ces parties que le thérapeute peut avoir des difficultés
à accéder à elles de manière thérapeutique. Cette résistance bien compréhen-
sible doit être résolue sans force et peut prendre un certain temps. Le patient,
dans sa globalité, aura probablement besoin d’une vaste psychoéducation sur
la nature et le fonctionnement de ces parties et devra être aidé pour surmonter
une honte extrême.
Il faudra peut être consacrer un temps considérable à explorer les raisons
pour lesquelles ces parties se sont développées chez un patient donné et pour-
quoi elles adoptent des comportements sexualisés ; et à comprendre ce que
la partie adulte du patient ressent à propos de ces parties dissociatives. Les
patients sont souvent inconscients que les enfants sains puissent avoir de
façon normale des sensations sexuelles, notamment des orgasmes. Lorsque ces
réponses normales sont exploitées dans l’abus, elles peuvent devenir sur-acti-
vées et adoptées soit comme des remises en scène, soit comme des stratégies
pour résoudre les problèmes, comme des efforts pour éviter l’émotion ou mettre
fin à la tension. Par exemple, certaines parties dissociatives se masturbent
obsessionnellement, jusqu’à se blesser, tandis que d’autres peuvent avoir des
rapports sexuels sans discernement.

CONCEPT CLÉ

Les patients doivent être aidés à ressentir qu’ils ont un contrôle d’impulsion suffisant pour
permettre au thérapeute de travailler en toute sécurité avec les parties dissociatives
sexualisées. Il peut être important qu’une partie observatrice du patient soit coprésente
pendant que le thérapeute travaille avec ces parties.

Les patients doivent avoir une certaine confiance dans leur propre contrôle
d’impulsion pendant les séances et une confiance suffisante que le thérapeute
ne se montrera ni exploitant ni rejetant durant le travail avec des parties
sexualisées. Parfois, il est suffisant d’obtenir un accord à la fois du thérapeute
et du patient de s’asseoir à des places séparées et de ne pas se lever durant la
séance et de rappeler au patient qu’une partie du contrat thérapeutique est
de ne pas être sexuel l’un envers l’autre. Ce qui peut aider le patient, c’est
de l’assurer que, à deux, lui et le thérapeute ensemble, ils travailleront avec
cette partie dissociative et chercheront à comprendre, ancrer et guérir juste
comme pour n’importe quelle autre partie. Le thérapeute pourrait alors être à
même d’encourager la partie adulte du patient ou d’autres parties dissociatives
à travailler intérieurement avec la partie sexualisée, avec le thérapeute parlant
à cette partie. Ou le patient pourrait se sentir suffisamment en sécurité pour
permettre à la partie sexualisée de se manifester à l’avant-plan pour travailler
directement avec le thérapeute.

Sélection de thèmes 453


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Cathy était une patiente de 36 ans avec un TDI, en traitement avec une femme
thérapeute. Elle avait une partie sexualisée âgée de 7 ans qu’elle appelait « Cat » qui
était perçue intérieurement comme portant des « vêtements adultes sexy » et du
« rouge à lèvres rouge ». Cette partie était visualisée comme une « petite pute » avec
les jambes écartées et un regard sensuel sur son visage. D’autres parties de Cathy
rejetaient cette partie sexualisée et étaient honteuses d’elle, croyant qu’elle souhaitait
être abusée et qu’elle avait provoqué l’abus par son comportement séducteur. Cathy
avait une longue histoire de promiscuité dans laquelle cette part dissociative jouait un
rôle dominant. Pendant des années, Cathy ne pouvait pas admettre avoir cette partie
et elle la conserva bien loin de la thérapie. Le seul signe de cette partie en séance
émergea lorsque Cathy voulut se frotter les lèvres avec un tissu de manière incessante,
essayant d’enlever le rouge à lèvres ou lorsque d’autres parties firent de vagues
références à la « pute ».
La thérapeute travailla avec toutes les parties de Cathy pour qu’elle comprenne et
accepte mieux Cat. Cathy voulut finalement prendre plus de risques en thérapie pour
obtenir de l’aide pour cette partie d’elle-même et ses parties plus punitives le permirent.
Lorsque Cat vint à l’avant-plan, la patiente commença à prendre une posture sexualisée,
écartant très légèrement les jambes avec un regard séducteur sur le visage. La thérapeute
eut un contact visuel et demanda à Cat de se redresser et de ramener ses jambes
ensemble, et elle demanda aux parties à l’intérieur d’aider Cat à maintenir une posture
appropriée. Elle fournit aussi à Cat une couverture pour mettre sur ses genoux et conclut
un accord selon lequel ni la patiente ni la thérapeute ne se lèveraient de leur siège
pendant la durée de la séance. La thérapeute reconnut qu’il était important de maintenir
la dignité et la sécurité de la patiente et de contenir un comportement inapproprié.
Cat fit plusieurs invitations sexuelles déplacées à la thérapeute qu’elle a fermement
mais gentiment déclinées, indiquant qu’il n’y aurait jamais de rapport sexuel mais qu’elles
avaient plutôt d’autres buts à atteindre ensemble. Ce but était de commencer à
comprendre Cat et de l’aider à lui faire prendre conscience qu’elle avait d’autres options
dans la vie. Elle demanda à Cat de regarder autour de la pièce et de voir si elle
reconnaissait où elle était. Cat ne le savait pas. Le thérapeute demanda aux parties à
l’intérieur, dont la partie adulte, d’aider Cat à s’orienter dans le présent et dans la thérapie.
Le regard sensuel sur le visage de Cat commença à se transformer en confusion. Elle
commença à vigoureusement se frotter les lèvres comme pour tenter d’enlever le rouge
à lèvres. Le thérapeute demanda si Cat pourrait être plus consciente des autres parties
intérieures et informer les différentes parties qu’elle ne souhaitait pas avoir du rouge à
lèvres. Cat déclara qu’elle détestait le rouge à lèvres et que l’agresseur lui en avait mis
avant de la donner à d’autres hommes. Ce fut la première fois que toutes les parties
de Cathy commencèrent à prendre conscience que peut-être Cat avait été forcée plutôt
qu’avoir désiré être abusée.
Au fil du temps, Cat fut capable de raconter son histoire – elle avait été utilisée dans
des films et des images pornographiques – et Cathy put commencer à l’accepter avec
compassion comme faisant partie de sa propre histoire. Les réalisations les plus
douloureuses vinrent quand Cathy put accepter qu’une partie de l’abus sexuel fut
ressenti comme agréable et que son agresseur était « super-chouette » avec elle quand
elle jouait bien son rôle dans les films. Elle prit conscience qu’elle avait tout à fait

454 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


confondu son interprétation d’un rôle sexuel scénarisé dans les films avec ses propres
désirs. Au cours de plusieurs années, Cat évolua de la « petite pute » vers une partie
réfléchie qui entreprit la tâche de grandir et de devenir adulte ; elle trouva la compassion
des autres parties de Cathy d’un énorme soutien. Elle devint la partie centrale du désir
grandissant de Cathy de ressentir une connexion créative avec d’autres personnes et
d’avoir des relations intimes saines pour la première fois.

Travailler avec les parties sexuelles sadomasochistes. Certaines parties


dissociatives sont profondément impliquées dans le sexe sadomasochiste,
généralement comme une manière d’être soulagées de sentiments insuppor-
tables. Certains patients rapportent qu’ils se sentent plus acceptés dans une
sous-culture bondage-discipline-soumission / domination / sadomasochisme
(BDSM) mais il existe généralement un conflit entre les parties dissociatives à
ce sujet. Bien que ces groupes mettent l’accent sur le consentement, beaucoup
de patients très traumatisés se figent durant ces rencontres et sont incapables
d’utiliser un mot sécurisé pour arrêter. Donc, ils sont re-traumatisés. Ils sont
pris dans un monde dans lequel les différentiels de pouvoir sont mis en place
dans des jeux de rôle, ce qui leur offre la possibilité de gagner en maîtrise.
Mais leur expérience ressentie, ou du moins celle de certaines parties, est que
le pouvoir et le contrôle sont réels et non un scénario. Certains patients ne
veulent pas cesser de s’impliquer dans ces comportements tandis que d’autres
sont honteux et souhaitent y mettre fin.
De toute évidence, lorsque les parties sexualisées ou sadomasochistes sont
actives dans une relation en cours avec un partenaire, le thérapeute devrait
aborder les questions de sécurité. Dans un premier temps, le thérapeute devrait
reconnaître que ces parties re-traumatisent le patient à chaque fois qu’elles
répètent des scènes anciennes. Souvent, la partie du patient qui fonctionne
dans la vie quotidienne peut avoir une amnésie pour ce type de relation
sexuelle et peut être horrifiée une fois qu’elle/il le découvre. Certains patients
répètent leurs histoires traumatiques en choisissant des partenaires qui sont
addicts sexuels et certaines parties du patient peuvent être addicts également.
Le cas de Nicky ci-dessous illustre certains de ces problèmes et comment ils
peuvent être résolus.

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Nicky était une patiente avec un TDI qui était fortement impliquée dans la sous-culture
BDSM. Son corps était couvert de centaines de piercings, tatouages et cicatrices de
scarifications. Une partie forte et adulte de Nicky, qu’elle appelait « Marcheur de feu »,
trouvait du plaisir dans le couplage de la douleur intense avec l’excitation sexuelle

Sélection de thèmes 455


qu’elle aimait à la fois recevoir et donner. Elle avait substitué ce comportement à une
addiction précédente à la cocaïne. Cependant, d’autres parties de Nicky étaient terrifiées
et figées et n’aimaient pas ces comportements. Nicky était dominante avec son
partenaire, qui était également un survivant du trauma mais elle rencontra d’autres
membres de la communauté BDSM et ainsi elle put être aussi soumise et expérimenter
la douleur. La partie sexuelle de Nicky ne voulait pas considérer que les comportements
d’automutilation sexuels n’étaient pas sains, disant de manière assertive que c’était son
choix de vie. Même si elle reconnaissait que d’autres parties d’elle estimaient son
comportement difficile, elle évitait ces parties. Le thérapeute suspectait que, que ce
soit un choix de surface ou non, au moins à un certain niveau des parties de Nicky
étaient à nouveau en train de remettre en acte l’histoire du trauma dans laquelle elle
avait été prostituée par sa mère dès l’âge de 10 ans.
La thérapeute travailla à comprendre Marcheur de feu, particulièrement ce qu’elle
appréciait ou trouvait sensé dans ces comportements. Elle explora aussi d’autres façons
dont Marcheur de feu trouvait du plaisir et de la gaieté dans sa vie et l’aida à se
connecter plus étroitement avec ces parties. Elle découvrit que Marcheur de feu entrait
dans un état de transe pendant les sévices sexuels et qu’elle éprouvait de la douleur
seulement longtemps après que l’événement fut passé.
Alors que Nicky était d’une certaine manière co-consciente avec Marcheur de feu, elle
n’exerçait plus de contrôle complet sur son comportement lorsque cette partie était
activée. Marcheur de feu se décrivit comme ayant 14 ans. Elle fit état qu’elle avait appris
les techniques BDSM de plusieurs hommes auxquels sa mère l’avait prostituée. Elle
avait appris qu’elle pouvait éprouver du contrôle de ces situations même si elle avait
été abusée. Au cours du temps, Marcheur de feu devint dominante dans les rencontres
en contrôlant les hommes qui voulaient être soumis. Cela lui donna un sentiment
enivrant de puissance, une sortie radicale du désarroi chronique qu’elle avait éprouvé
comme enfant. Cependant, elle aimait aussi recevoir un préjudice physique pendant
le sexe car cela lui donnait aussi un sentiment de contrôle. Toutefois, ceci n’était qu’une
partie de l’histoire complète : d’autres parties ressentaient les sévices sexuels comme
accablants et hors de leur contrôle. Marcheur de feu utilisait rarement son mot de
sécurité lorsqu’elle devenait engourdie et ne ressentait plus la douleur, alors que d’autres
parties l’éprouvaient intensément mais étaient incapables d’utiliser le mot de sécurité.
La thérapeute commença alors à comprendre à quel point le monde BDSM était
séduisant pour Marcheur de feu. Il offrait un sentiment de contrôle, de puissance et
d’acceptation qu’elle n’avait jamais eu comme enfant. Le thérapeute commença en
offrant simplement un type de relation différente à Marcheur de feu, une relation de
collaboration, de respect, d’intérêt et de sollicitude maintenue aussi égalitaire que
possible. Elle prit soin de ne pas juger Marcheur de feu tout en insistant toujours sur
le fait que les automutilations sérieuses n’étaient pas acceptables. Nicky était encouragée
à communiquer avec cette partie et eut une meilleure compréhension de ses
fonctionnements.
Au début, cette partie tenta de s’offrir elle-même à la thérapeute pour des relations
sexuelles. La thérapeute, avec un bon suivi personnel, fut capable de rester ferme. Elle
aida Marcheur de feu à vivre pour la première fois une relation vraiment sécurisée sans
domination ni soumission. La thérapeute était constamment à l’affût des questions
évidentes et subtiles de pouvoir et de contrôle, du plaisir de la douleur et de la
souffrance et d’autres dynamiques liées dans la relation thérapeutique, et pour travailler
ces questions avec la patiente comme un tout, de façon régulière.

456 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Marcheur de feu fut progressivement capable d’éliminer l’automutilation de son activité
sexuelle et de diminuer de manière significative les dommages durant les rapports
sexuels. Elle fut aidée à apprendre à ressentir son corps lorsqu’elle n’était pas active
sexuellement et progressivement à pouvoir réguler la douleur plus adéquatement
lorsqu’elle l’était. Elle fut encouragée à donner de l’attention aux autres parties qui
n’aimaient pas ce qu’elle faisait et en ressentaient de la douleur.
Au fur à mesure que Marcheur de feu devint plus connectée à Nicky, elle gagna aussi
plus d’intérêt pour d’autres activités en plus du sexe et de l’automutilation, explorant
avec la partie adulte de la patiente ses talents artistiques considérables. Elle commença
à vouloir parler de certaines de ses expériences douloureuses comme enfant. Plus cette
partie réalisait la détresse de l’enfant, plus elle avait besoin de s’engager dans un
comportement sexuel dominant/soumis. Bien que la patiente continuât à rester dans
la communauté BDSM aussi longtemps qu’elle fut avec son partenaire, ses
comportements d’automutilation s’arrêtèrent.
Dans la septième année de thérapie, Nicky décida de quitter son partenaire. Au début,
elle continua à s’engager dans le sexe BDSM avec d’autres mais, après une année, elle
fit état qu’elle éprouvait de l’ennui dans ces rencontres et qu’elle était intéressée par
un type différent de relations. À la dixième année de thérapie, la patiente avait achevé
la Phase 2, l’intégration des souvenirs traumatiques ; avait commencé son propre
commerce d’art avec beaucoup de succès ; était presque complètement intégrée et
formait un couple avec un homme avec lequel elle avait une relation beaucoup plus
saine et égalitaire. Son besoin de coupler douleur et plaisir avait cessé. Ses comportements
sexuels restaient à un niveau léger à modéré du BDSM dans des paramètres de sécurité
émotionnelle et physique.

Le contre-transfert du thérapeute avec les parties sexualisées du patient.


Les thérapeutes doivent être fortement conscients de leur contre-transfert
avec les sentiments et les comportements d’ordre sexuel du patient. Il y a sou-
vent une règle mutuelle implicite de ne pas parler de sexe à la fois du côté du
thérapeute et du patient parce que cela peut être inconfortable ou même hon-
teux. Le thérapeute devrait passer du temps avec ses collègues pour discuter des
manières d’être plus à l’aise avec ce sujet important.
Les thérapeutes qui ont des jugements sévères sur le sexe sadomasochiste
pourraient connaître un passage particulièrement difficile. De plus, les théra-
peutes pourraient ne pas être préparés à l’intensité des sentiments érotiques qui
peuvent être provoqués pendant les séances, à la fois en eux et chez les patients.
Comme avec d’autres sentiments comme la colère, la honte ou l’amour, le thé-
rapeute doit graduellement apprendre à accepter et tolérer les ressentis sexuels
ou simplement à les utiliser comme une voie de plus pour explorer ce qui se
passe à l’intérieur du patient au moment même, plutôt que d’agir dessus. Il
est aussi aidant de comprendre que les problèmes d’attachement profond sont
habituellement sous-jacents au transfert érotique et qu’il peut être utile de se
concentrer dessus. Consulter au sujet de ces cas est important pour soutenir les
thérapeutes dans le travail sur leurs propres réactions intenses.

Sélection de thèmes 457


CONCEPT CLÉ

Le thérapeute doit apprendre à accepter et tolérer les ressentis sexuels comme tous les autres
ressentis et les utiliser pour explorer ce qui arrive au patient dans le moment présent

4. Conflits dans l’équipe de traitement


Lorsque les patients ont été traités par plus d’un thérapeute ou par une
équipe thérapeutique dans une unité d’hospitalisation ou en hôpital de
jour, il n’est pas rare que les conflits intérieurs du patient soient « endos-
sés » par les différents membres de l’équipe thérapeutique. Cela aboutit à
un processus parallèle dans lequel différents membres de l’équipe jouent le
rôle des parties du vécu du patient à leur insu. Si cela n’est pas repéré, un
clivage entre les membres de l’équipe peut survenir menant à une impasse
et à un échec thérapeutique. Le clivage peut aboutir à des conflits féroces
et souvent non dits, entre les membres d’une équipe, qui peuvent voir le
patient sous différentes perspectives. Par exemple, l’un peut voir le patient
comme fragile avec un besoin de stabilisation et de protection tandis qu’un
autre voit le patient en besoin de prendre davantage de responsabilité pour
le traitement.

CONCEPT CLÉ

Des processus parallèles, clivages et conflits dans l’équipe thérapeutique peuvent sérieu-
sement interférer dans un traitement adéquat. Il est essentiel que les buts thérapeutiques
soient partagés par tous les membres de l’équipe thérapeutique. Lorsqu’il y a un conflit
que l’équipe ne peut résoudre, il faudrait appeler un consultant.

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Angela était une femme de 40 ans avec TDI qui était en thérapie dans une clinique
ambulatoire du trauma. Elle avait une thérapeute individuelle, Laura, et aussi une
art-thérapeute, Jane, et elle participait à un groupe de thérapie comportementale
dialectique (DBT). Elle était en début de Phase 1 avec le but majeur de l’aider à se
stabiliser dans la vie quotidienne et arriver à accepter et tolérer ses parties dissociatives.
L’art-thérapie avait été ajoutée pour aider Angela à mieux s’exprimer car elle devait
souvent lutter pour trouver les mots. Elle utilisait aussi l’art pour entrer en contact
avec ses parties. Le groupe de DBT était adjuvant pour aider Angela à apprendre
davantage de comportements régulateurs. Cette approche d’équipe fonctionna bien
pendant six mois.

458 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Ensuite, Angela eut une crise pendant laquelle elle fut profondément dérégulée. Laura
lui demanda de travailler afin de calmer les parties enfant en utilisant ses compétences
DBT et d’autres ressources. Angela répondit : « Comment peux-tu attendre de moi que
je calme ces parties ? Tu sais bien que personne ne m’a jamais apaisée ! La DBT ne
fonctionne pas ! Ils ne parlent même pas de parties ici. Comment peux-tu attendre de
moi que je sache quoi faire ? J’ai parlé à ces parties et leur ai dit que c’est sécurisé
maintenant mais elles continuent à pleurer. Le seul moment où elles sont calmes, c’est
lorsque je suis avec Jane [l’art-thérapeute]. Jane sait comment les calmer mais toi, tu
refuses ! Jane comprend que je ne peux pas le faire moi-même. Elle prend soin d’elles.
Pourquoi ne parles-tu pas à Jane ? Elle peut te dire ce qu’il faut faire ! »
Puisque la thérapie semblait bien fonctionner au départ, Laura, Jane et les cothérapeutes
du groupe DBT n’avaient pas communiqué sur le processus thérapeutique pendant un
certain temps et s’étaient progressivement clivés en ce qui concerne les buts
thérapeutiques. Par conséquent, les thérapeutes furent clivés dans l’esprit du patient,
avec Jane, l’art-thérapeute, devenant le « bon » thérapeute et les autres les « mauvais »
thérapeutes. Les quatre thérapeutes décidèrent d’une rencontre pour parler de l’aide
à apporter à Angela. Il devint clair qu’Angela switchait vers ses parties enfant pendant
les séances artistiques sans être présente et qu’elle n’était pas soutenue dans le groupe
DBT à utiliser ses compétences avec ses parties. Jane, l’art-thérapeute, se sentait
responsable de calmer les parties enfant très stressées plutôt que d’aider Angela à
rester présente et à apprendre à le rester. Les thérapeutes DBT n’étaient pas conscients
des différents défis provoqués par les différentes parties dissociatives. La partie adulte
d’Angela qui fonctionnait dans la vie quotidienne n’était pas présente pendant la plupart
des séances artistiques et ne permettait pas aux parties enfant d’apprendre les
compétences DBT. Plus Jane prenait soin des parties enfant et interagissait avec elles
sans la présence de la partie adulte d’Angela, plus celle-ci ignorait ses parties enfant
dans la DBT, plus le traitement entrait dans le clivage.
Au départ, l’équipe thérapeutique se sentait frustrée et en colère les uns avec les autres.
Mais ils prirent conscience qu’ils n’avaient pas communiqué suffisamment et s’attelèrent
à un plan thérapeutique plus intégré. Jane réalisa qu’elle avait besoin d’inclure le soi
adulte du patient en séance. Les thérapeutes DBT réalisèrent qu’ils avaient besoin
d’encourager Angela à utiliser ses compétences avec ses différentes parties. Laura, la
thérapeute principale, prit conscience qu’elle devait être plus attentive à ce qui se
passait dans les séances d’Angela et l’aida à intégrer le travail plus efficacement et à
mieux coordonner le traitement. Par la suite, l’équipe se mit d’accord sur un contact
mensuel et sur des rencontres en fonction des nécessités. Laura et l’art-thérapeute
décidèrent de rencontrer Angela ensemble une fois sur quatre afin d’être certaines
d’être en ligne. La thérapie se déroula beaucoup plus facilement et Angela apprit à
travailler avec ses parties enfant plus efficacement.

Malheureusement, une telle évolution favorable n’est pas toujours possible.


Parfois, un thérapeute ne veut pas changer son comportement. Parfois, d’autres
personnes peuvent interférer avec la thérapie. Occasionnellement, un patient
commencera à voir un autre thérapeute et ne le dira pas au premier thérapeute.
Les gens bien intentionnés qui sont très investis dans la prise en charge peuvent
s’impliquer dans le soin des parties enfant comme s’ils étaient des enfants réels

Sélection de thèmes 459


ou encourager les patients à partager les souvenirs traumatiques bien avant
qu’ils soient capables de les intégrer. Ces relations peuvent bloquer la thé-
rapie. Il s’agit de personnes qui peuvent être d’autres professionnels, comme
les médecins ou des masso-thérapeutes, les avocats, les voisins et les membres
d’une Église. Le thérapeute doit autant que possible préserver le cadre du trai-
tement lorsque ces relations fonctionnent contre les buts de la thérapie. Aider
de tels individus à mettre de meilleures limites avec le patient sans mettre à
l’écart ni le patient ni ces personnes peut être un équilibre délicat. S’il y a plus
d’un thérapeute impliqué dans le traitement d’un patient, une communication
régulière et des finalités thérapeutiques partagées sont essentielles.

5. Victimisation en cours
Malheureusement, la retraumatisation à la fois dans des relations anciennes
et nouvelles n’est pas rare pour les patients dissociatifs (Kluft, 1990a, 1990d ;
Myrick, Brand et Putnam, 2013). Par une combinaison complexe de disso-
ciation, de détresse apprise, d’absorption et de remises en scène, les patients
chroniquement traumatisés sont souvent incapables de prendre garde aux
signaux de danger dans les relations menant à ce que Kluft (1990d) a appelé
le « syndrome du canard assis ». Beaucoup de patients sont empêtrés dans des
relations actuelles dans lesquelles survient un abus émotionnel, physique ou
sexuel. Certains sont abusés par d’autres professionnels, y compris des théra-
peutes, dans le présent. Une minorité de patients ont été abusés en continu
depuis leur enfance. Le sujet de la victimisation en cours est très complexe et
est plus commun que beaucoup ne le pensent (Boon, 2014, 1997a ; Middleton,
2013, 2014 ; Muyrick et al., 2013 ; Sakheim, 1996 ; Schwartz, 2000, 2013 ; Van
der Hart, Boon et Heijtmajer, 1997). C’est une chose de traiter des patients
sévèrement traumatisés mais c’est beaucoup plus difficile si le trauma continue
dans le présent. Les thérapeutes devraient toujours mener une enquête afin de
savoir si les patients sont maltraités d’une certaine manière dans leurs relations
actuelles et ne pas présumer qu’ils sont en sécurité.
Généralement, les comptes rendus de la victimisation actuelle peuvent
émerger graduellement pendant le cours de la thérapie, souvent avec des allu-
sions et des indices subtils mais sans aveu ouvert pendant longtemps. Lorsque
cela devient finalement clair dans la thérapie, les patients peuvent expéri-
menter une aggravation brutale des symptômes (automutilation en augmen-
tation ou suicidalité) car de la divulgation résulte une énorme ambivalence,
de la honte et de la peur. Ces patients peuvent (mais pas toujours) différer
des autres patients dans le fait qu’ils peuvent avoir davantage d’amnésie pour
leur passé et pour leur vie quotidienne actuelle. Ils peuvent montrer de plus
grands conflits, plus d’ambivalence à propos de la thérapie et de plus sévères
passages à vide ou de switchs vers une autre personnalité au cours des séances.

460 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Ils appartiennent souvent à la catégorie du mauvais pronostic. Les groupes
de symptômes sévères et sans rémission, qui sont habituels en dépit d’un bon
traitement, sont les troubles pseudo-épileptiques, les troubles du comporte-
ment alimentaire, les formes sévères d’automutilation et de suicidalité chro-
nique, la panique extrême ou chronique et la honte, et enfin la paranoïa. Une
augmentation de ces symptômes coïncide souvent avec des épisodes d’abus
rapportés.
Un phénomène remarquable comprend les croyances des patients à propos
de la puissance et de l’omniscience de leurs agresseurs. Ils croient dans un
pouvoir quasi surnaturel de leur agresseur, qui aurait la capacité de contrôle et
d’atteinte à la fois du patient et du thérapeute.

CONCEPT CLÉ

L’enchevêtrement courant avec des agresseurs d’enfants ou des réseaux criminels organi-
sés requiert de se centrer sur la sécurité. Le thérapeute doit être préparé à ces questions
complexes tout en restant ancré et centré sur les buts de la thérapie.

5.1. La véracité des rapports sur la victimisation actuelle


Le thérapeute ne peut pas toujours savoir si l’abus courant a lieu en réalité
actuellement ou s’il s’agit d’une réactualisation intérieure ou d’un fantasme
que le patient ne peut pas distinguer de la réalité (ISSTD, 2011). Comme
nous l’avons noté, l’équivalence psychique est un problème pour beaucoup
de patients dissociatifs. Par exemple, une partie enfant du patient a témoigné
de menaces téléphoniques et par courriels d’un agresseur qui l’ont terrifiée.
Après quelques mois, il devint clair que ces mails avaient été « envoyés »
par la partie interne du patient imitant l’agresseur. La logique de la transe
de tout le système du patient a créé une atmosphère dans laquelle il était
littéralement incapable de discerner qu’il était à l’écoute de sa propre voix
sur le répondeur. Dans un autre cas, une patiente rapporta que son frère la
harcelait, la menaçant de mort. Elle déposa plainte à la police qui investigua
et reconnut que les menaces étaient crédibles. Dans les deux cas, ce n’est pas
le rôle du thérapeute de déterminer l’exactitude du témoignage mais plutôt
de s’assurer que le patient a pris des mesures pour rester en sécurité et est
resté centré sur les buts du traitement.

CONCEPT CLÉ

Le thérapeute ne devrait pas supposer que les patients dissociatifs sont en sécurité dans
le présent car ils peuvent être revictimisés. Se renseigner spécifiquement sur la sécurité
dans le présent est important.

Sélection de thèmes 461


Il existe un sous-groupe de patients adultes qui continuent au présent à
être abusés et qui restent mêlés à leurs agresseurs initiaux (p. ex., Middleton,
2013, 2014). Ils restent craintifs et intensément loyaux envers eux, ce qui
engendre un conflit intérieur énorme. La partie du patient qui se présente
en thérapie peut être inconsciente de la victimisation en cours ou peut être
trop honteuse ou craintive pour en parler au thérapeute. Certains patients
font état d’être mêlés à un certain type d’abus organisationnel en cours qui
peut comprendre des gangs, des cultes religieux, du trafic sexuel, des dro-
gues et du commerce des armes et d’autres activités illégales (Boon, 2014 ;
Kluft, 1997a ; ISSTD, 2011 ; Sakheim, 1996 ; Schwartz, 2000, 2013 ; Van
der Hart et al., 1997). Dans certains cas, la partie qui se présente n’a pas
de mémoire d’une histoire d’abus (Boon, 2014 ; Boon et Draijer, 1993a,
b ; Schwartz 2000, 2013 ; Van der Hart et al., 1997), même si les patients
souffrent de symptômes sévères d’ESPT et d’un trouble dissociatif. Les thé-
rapeutes devraient trouver une consultation immédiate si un patient signale
un abus en cours, car ce sont des sujets complexes et ils tendent à susciter un
contre-transfert fort. Les thérapeutes peuvent avoir besoin de guidance dans
le maintien du cadre d’un traitement sain.

5.2. Le traitement dans le cas de victimisation en cours


Le but premier du traitement est d’aider les patients à mettre fin à un abus en
cours et à obtenir de la sécurité. Le travail est donc similaire à celui avec les
femmes battues qui n’ont pas encore quitté leurs agresseurs (Dutton, 1992 ;
Walker, 2009). Les thérapeutes doivent prendre soin de ne pas être déviés
par le contenu des entretiens avec le patient et par l’urgence de « sauver » le
patient. Il y a un challenge important dans le travail avec la victimisation en
cours. Beaucoup de patients sont extrêmement résistants à parler de ce qui
se passe, alors que quelques patients souhaitent raconter au thérapeute des
détails horribles, sans quoi ils se sentent non vus ou craignent de ne pas être
crus. Dans quelques cas, le narcissisme mène les patients à essayer de prouver
que leur abus est « spécial » dans sa sévérité. Les récits d’abus en cours peuvent
être une manière de s’assurer des bons soins du thérapeute. D’autres fois, les
patients ne peuvent pas faire la part entre des fantasmes internes et ce qui se
passe réellement ou ils se centrent sur des événements fantastiques de telle
façon que le thérapeute ne les croie pas, comme une défense contre des évé-
nements plus ordinaires mais non moins traumatisants. Dans chaque cas, le
thérapeute devrait explorer avec le patient la peur de ne pas être cru ou d’être
cru et les significations dynamiques de leurs récits. Le thérapeute ne devrait
pas se prononcer sur la croyance totale ou l’absence de croyance mais plutôt se
positionner de manière compassionnelle sur la question des conflits intérieurs
à propos de ce qui (peut-être) se produit actuellement. Les faits sont à épingler
par le patient non par le thérapeute.

462 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Le traitement des patients qui sont en train d’être abusés au présent peut
être complexe, long et chargé de conflits. Il existe un grand risque d’une pro-
fonde autodestructivité et d’un minage de la relation thérapeutique (Boon,
1997, 2014 ; Kluft, 1997a ; Sakheim, 1996 ; Schwart, 2000, 2013 ; Van der
Hart et al., 1997). Les patients vont combattre avec des convictions rigides
qui sont souvent basées sur des menaces très systématiques, dans certains cas
combinées avec de la torture, telles que « Je ne suis pas autorisé à parler ; si je
parle, ils me tueront. Je dois me tuer » ou « Mon thérapeute va m’abandonner
lorsqu’il apprendra ce que j’ai fait ». Cela peut prendre des années pour établir
une relation de travail stable avec ces patients sévèrement traumatisés.
Souvent, des parties particulières du patient sont loyales vis-à-vis des agresseurs
et peuvent exercer une puissante influence sur le patient dans sa globalité pour
rester en contact avec eux. Elles peuvent ordonner au patient de se blesser ou de
miner la relation thérapeutique. Ces parties doivent être travaillées de façon régu-
lière par le thérapeute qui ne doit pas être intimidé par elles. Le thérapeute doit
se retenir d’être sauveur ou détective et rester centré constamment sur la manière
dont les patients peuvent se garder en sécurité et sur les dynamiques internes qui
maintiennent le patient dans cette situation. Les phases de traitement devraient
être poursuivies comme avec les autres patients dissociatifs. Généralement, la
Phase 1 par son insistance sur la stabilisation et la sécurité est longue et ardue.

CONCEPT CLÉ

L’accent sur la sécurité et la stabilisation est une partie importante, de longue durée et
difficile du traitement des patients qui continuent à être abusés. Généralement, les in-
cursions dans le travail avec des souvenirs traumatiques devraient être reportées jusqu’au
moment où le patient est en sécurité.

L’organisation dissociative de ce sous-groupe de patients peut être plus com-


plexe, conflictuelle et stratifiée que celle des autres patients. Le thérapeute doit
rester organisé et concentré afin de donner un sens à cette complexité.
Quelques patients peuvent dire que les agresseurs menacent même le thé-
rapeute. Il est souvent impossible de déterminer si c’est vraiment le cas, si
c’est un fantasme ou si cela émane de parties qui veulent démolir la thérapie.
Les thérapeutes doivent faire un choix éclairé quant à savoir s’ils souhaitent
continuer à travailler avec un patient qui témoigne de menaces par d’autres.
Par-dessus tout, les thérapeutes doivent se sentir en sécurité dans l’adminis-
tration d’un traitement. Un excès de peur ou, au contraire, un mépris pour les
menaces peuvent faire dérailler une thérapie
Le patient peut mettre beaucoup de temps pour se dégager des agresseurs,
résoudre des conflits de loyauté et s’engager vraiment dans la guérison, ce
qui implique des prises de conscience extrêmement difficiles. Abandonner la

Sélection de thèmes 463


croyance dans la toute-puissance des agresseurs signifie devenir douloureuse-
ment conscient de la déception, de la douleur et de l’abandon. Les parties dis-
sociatives qui sont particulièrement loyales aux agresseurs ont souvent effectué
les expériences les plus débordantes ; leur loyauté les aide à éviter la prise de
conscience. Ces parties comme d’autres requièrent la compassion constante du
thérapeute et son attention constante pour augmenter la réalisation.

5.3. Le pronostic des patients emmêlés


dans des relations abusives
Le pronostic général des patients dissociatifs a été abordé au chapitre 6. De
toute évidence, le traitement des patients qui continuent à être abusés dans
le présent est compliqué et long sans garantie de succès. Le pronostic est en
partie déterminé par le degré de volonté et de capacité de ces patients de se
séparer des agresseurs et de rester en sécurité, de former une bonne alliance
de travail avec le thérapeute, de confronter les croyances magiques détenues
par certaines de leurs parties sur le pouvoir des agresseurs ; et aussi de créer de
nouvelles relations pleines de sens ou de renforcer les liens sains existants.

5.4. Le contre-transfert
De tous les défis difficiles inhérents au traitement des patients qui continuent à
être victimisés dans le présent, le plus exigeant est peut-être la gestion d’un contre-
transfert intense. Les réactions des thérapeutes peuvent comprendre : fascina-
tion ou débordement par les détails crus de l’abus, urgence de sauver le patient,
croyance ou non-croyance sans esprit critique, collusion avec un patient dans une
folie à deux de peur et de paranoïa, échec à rester dans le processus plutôt que
dans le contenu ; ou bien rejet et retrait émotionnel de la part du patient. Les
thérapeutes peuvent s’engager avec le patient dans une escalade mutuelle de peur
de la rétorsion de la part des agresseurs et dans une croyance sans esprit critique de
tout ce qu’il dit. Le contenu devient primordial alors que le processus est ignoré
ou minimisé. Cela peut mener à briser le cadre du traitement et à violer les limites
lorsque les thérapeutes deviennent de plus en plus désespérés à sauver le patient, à
traquer l’agresseur et ainsi de suite. D’autres thérapeutes peuvent se trouver isolés,
refusant de discuter le cas avec des collègues de peur du ridicule ou de l’incrédulité.
Les thérapeutes peuvent être si débordés qu’ils développent une trauma-
tisation vicariante ou un burn-out (Saakvitne et Pearlman, 1996). D’autres
thérapeutes peuvent se méfier de tout ce que les patients leur disent en consi-
dérant que ce sont des récits farfelus ou histrioniques qui doivent être rejetés
ou ignorés autant que possible. Nous estimons obligatoire que les thérapeutes
consultent pour être soutenus lorsqu’ils ont un patient qui rapporte ou fait
allusion à une victimisation en cours.

464 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


5.5. Les patients qui victimisent les autres
Quelques patients peuvent être eux-mêmes des agresseurs actifs. Les patients
peuvent s’engager dans une parentalité abusive ou négligente ou abuser leur
partenaire. Ils peuvent harceler ou maltraiter leurs employés. Certains patients
peuvent agir violemment ou sexuellement d’autres façons. Par exemple, une
patiente s’attardait la nuit dans les parkings des bars et attaquait les hommes avec
un couteau au moment où ils rejoignaient leur véhicule. Un patient a rendu son
enfant malade répétitivement pour obtenir de l’attention, un trouble dénommé
Munchausen par procuration (Meadow, 1977). Un autre patient s’est exhibé à
de jeunes enfants et avait des fantasmes de les violer. Une patiente a séduit ses
employés ; une autre a attaqué verbalement et même physiquement dans des
situations où d’autres avaient de l’autorité sur lui. Si ces comportements peuvent
être compris comme des passages à l’acte dans bien des cas, le thérapeute doit
être vigilant avec le fait qu’ils constituent une menace sévère pour les autres
et ne doit pas s’aveugler face à ce problème. En fait, certains comportements
peuvent être signalés – par exemple aux services de protection de la jeunesse. À
nouveau, les thérapeutes sont encouragés à consulter pour obtenir du soutien et
de l’aide dans la gestion du contre-transfert et, si nécessaire, un conseil juridique.
Ils seraient bien inspirés de se référer aux lois existant dans leur contrée.

6. Explorations supplémentaires
1. Comment interagissez-vous – si c’est le cas – avec les familles de vos
patients ?
2. Est-il facile de parler de sexualité avec vos patients ? Avez-vous vérifié
si les patients ont des fantasmes érotiques vous concernant ? Avez-vous
eu affaire à un transfert érotique et, si c’est le cas, comment vous êtes-
vous débrouillé avec cela ?
3. Avez-vous des patients également suivis par d’autres professionnels
pour leur traitement (clergé, art-thérapeute, thérapeute de couple ou
de groupe, etc.) ? Avez-vous des rencontres régulières avec l’équipe
thérapeutique ? Avez-vous jamais eu des conflits dans l’équipe théra-
peutique ? Si c’est le cas, comment les avez-vous gérés et comment
pourriez-vous faire différemment – si cela devait arriver dans le futur ?
4. Vous arrive-t-il de demander à un patient s’il est vraiment en sécurité
dans le présent ? Quels sont vos sentiments à l’égard des patients qui
continuent à être victimisés ? Comment imaginez-vous que cela puisse
affecter votre capacité thérapeutique ?

Sélection de thèmes 465


PARTIE IV
Traitement
de la Phase 2
cHAPITRE 20
Le traitement
du souvenir traumatique :
un survol

Les survivants n’ont pas eu seulement besoin de survivre pour


pouvoir raconter leur histoire ; ils ont aussi eu besoin de raconter
leur histoire pour survivre. Dans chaque survivant, il y a un
besoin impérieux de raconter et donc d’apprendre à connaître son
histoire, sans être affecté par les fantômes du passé, contre les-
quels il faut se protéger.
Dori Laub (1991, p. 78)

Le traitement orienté par phases a été adopté comme le traitement de choix


pour le trauma complexe et les troubles dissociatifs, comme nous l’avons déjà
souligné tout au long de ce livre. La Phase 2 se concentre principalement sur
le traitement des souvenirs traumatiques, c’est-à-dire l’intégration de ces sou-
venirs dans des récits autobiographiques qui ne sont plus revécus comme des
expériences présentes mais plutôt comme des chapitres de la propre autobio-
graphie du patient (Janet, 1928).
Il est essentiel pour le thérapeute d’inclure activement le travail avec les
parties dissociatives dans le traitement des souvenirs traumatiques des patients
dissociatifs. Une partie peut faire part d’un souvenir traumatique d’une manière
complètement calme mais aussi fortement dépersonnalisée en induisant en

Le traitement du souvenir traumatique : un survol 469


erreur le thérapeute, qui croit que le souvenir est résolu, c’est-à-dire intégré.
Cependant, d’autres parties restent fixées dans le souvenir traumatique et dans
des actions de défense incomplètes qui continuent à se répéter. Même après
des années de thérapie, tel patient peut continuer à rester non complètement
intégré et à se plaindre de flash-back et de remises en acte.

CONCEPT CLÉ

Le but principal du traitement des souvenirs traumatiques n’est pas la décharge d’émo-
tions intenses mais la réalisation. Même si l’émotion peut être intense, elle doit rester
dans la fenêtre de tolérance pour le patient dans sa globalité.

Le thérapeute peut être sous la fausse impression que l’intensité émotion-


nelle extrême est thérapeutique en soi. L’intensité émotionnelle pendant le
travail sur le souvenir traumatique n’est pas une mauvaise chose mais elle doit
être maintenue à l’intérieur d’une fenêtre globale de tolérance pour le patient.
L’expression intense de l’émotion, l’abréaction dans le sens original du mot (cf.
Howell, 2011 ; Van der Hart et Brown, 1992), n’est pas le but principal du
travail du souvenir traumatique. La réalisation est plutôt la finalité, ce qui veut
dire qu’il y a connaissance de la fin de l’événement et de sa place dans le passé.
En fait, le thérapeute a besoin de comprendre que ce souvenir en soi n’est pas
suffisant. Au lieu de cela, la véritable clé de la résolution des souvenirs trau-
matiques est parfois un travail long et difficile de réalisation après le souvenir.
Les approches thérapeutiques entre les thérapeutes qui utilisent les termes de
synthèse et réalisation et d’abréaction sont similaires, c’est sûr. Cependant, nous
croyons que le concept de réalisation décrit plus précisément le principe et
l’objectif essentiels du travail avec le souvenir traumatique. Le concept d’abré-
action peut par contre insister trop sur la décharge d’une émotion intense (van
der Hart et Brown, 1992 ; Van der Hart et al., 1993, 2006).
L’intégration ou la résolution des souvenirs traumatiques chez les patients
dissociatifs (et ceux qui souffrent d’un ESPT complexe) devrait faire partie
d’une psychothérapie relationnelle plus complète orientée par phases qui
aborde bien d’autres aspects (p. ex., Herman, 1997). Il est beaucoup trop sim-
pliste d’expliquer les difficultés complexes des patients dissociatifs qui ont une
comorbidité sévère seulement par le trauma et des souvenirs traumatiques
non résolus. Le trauma est presque toujours profondément imbriqué chez ces
patients dans des déficits développementaux larges et d’autres difficultés cogni-
tives, émotionnelles, somatiques, relationnelles et sociales. En général, ils ont
grandi dans des environnements précaires émotionnellement et furent exposés
à un large éventail d’expériences et de modèles défavorables. Leur milieu quo-
tidien a contribué à leur problème tout autant que les événements spécifique-
ment traumatisants (p. ex., Gold, 2000). En fait, pour beaucoup de patients

470 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


dissociatifs, les événements traumatisants sont si communs qu’ils furent une
partie de leur vie quotidienne et ne peuvent en être complètement séparés.
Beaucoup de patients dissociatifs sont aussi accablés par des apports à leur
souffrance de nature génétique et liés à leur tempérament ainsi que par la trans-
mission transgénérationnelle du trauma, les assuétudes et une sévère maladie
mentale. Certains ont aussi des lésions d’un traumatisme cérébral au cours de
l’enfance qui peut conduire à de grandes difficultés émotionnelles et fonction-
nelles permanentes. Beaucoup ont des traits de personnalités persistants qui se
sont développés en réponse à un trauma chronique et à de la négligence, traits
qui ne sont pas adaptés dans d’autres circonstances.

CONCEPT CLÉ

Il n’y a pas une seule bonne façon d’aider les patients à résoudre les souvenirs trauma-
tiques. Une diversité de méthodes apparaît efficace. Le thérapeute et le patient devraient
collaborer et déterminer la meilleure approche basée sur les préférences et la capacité
intégrative du patient.

Il n’y a pas une technique « bonne pour tout » dans le traitement du souve-
nir traumatique. Les questions du quand et du comment aborder les souvenirs
traumatiques sont des questions complexes étant donné que chaque patient
est relativement unique dans ses besoins. Les thérapeutes doivent établir une
évaluation soignée en consultation avec leur patient pour identifier quelles
approches sont les plus aidantes et à quel moment, tout en s’assurant que le
travail se situe dans la fenêtre de tolérance.
Bien qu’il existe beaucoup d’approches et de techniques pour le traitement
des souvenirs traumatiques, il est de première importance que le thérapeute
comprenne ce qui doit être fait pour que les patients intègrent ces souvenirs.
Le travail avec la mémoire traumatique nécessite à la fois des changements
physiologiques et psychologiques, qui ne peuvent être séparés. Les souve-
nirs traumatiques n’ont pas les mêmes corrélations psychobiologiques que la
mémoire narrative. Ils comprennent des systèmes d’action de défense chroni-
quement sur-activés qui doivent être désactivés. Dans le même temps, les effets
psychologiques de la non-réalisation doivent être pris en compte.

1. Comprendre la mémoire traumatique :


de la reviviscence à la réalisation
Les souvenirs traumatiques ne sont par définition pas intégrés dans la mémoire
autobiographique du patient (Janet, 1919/1925a, 1928 ; Van der Hart et al.,
1993 ; Van der Kolk et Fisler, 1995 ; Van der Kolk et van der Hart, 1991).

Le traitement du souvenir traumatique : un survol 471


De plus, chez les patients avec des troubles dissociatifs complexes, des parties
dissociatives particulières contiennent des souvenirs traumatiques. Non seule-
ment les souvenirs ne sont pas intégrés mais la personnalité du patient et le soi
lui-même restent non intégrés. Cela complique ce qui pourrait autrement être
un processus d’intégration relativement simple.
Il existe pas mal de théories qui suggèrent des changements neurobiolo-
giques en ce qui concerne le passage de la non-réalisation à la réalisation,
depuis un vécu purement somato-sensoriel jusqu’à une mémoire narrative
autobiographique, depuis les souvenirs dissociatifs jusqu’aux souvenirs inté-
grés. Elles suggèrent toutes que les souvenirs traumatiques sont vécus différem-
ment des souvenirs narratifs. Nous décrivons brièvement trois de ces théories
ci-dessous.

1.1. Théorie du système de la représentation duelle


La théorie du système de représentation duelle établit qu’il existe deux types
de systèmes de mémoire – la mémoire non verbale (mémoire accessible en
situation ou MAS) et la mémoire verbale (mémoire verbalement accessible
ou MVA ; Brewin, 2001, 2003 ; Brewin, Dalgleish et Joseph, 1996). Le sys-
tème MAS est primitif, d’essence amygdalienne, non verbal, somato-senso-
riel et très chargé. Les souvenirs somato-sensoriels du trauma ne peuvent pas
être réalisés par la conscience à cause du très haut niveau d’activation qui les
accompagne. Ils sont considérés comme des souvenirs « chauds » et incluent
des « cognitions chaudes » qui peuvent impliquer des croyances fortement
chargées, comme « Je suis une mauvaise personne ; Tout est de ma faute ; Je
suis en danger là, maintenant ; Je ne dois rien dire sinon je mourrai. » Les
souvenirs traumatiques sont bloqués dans le système MAS sans récit (Van der
Kolk et Fisler, 1995). Donc ces souvenirs restent sans prise de conscience (Van
der Hart et al., 1993, 2006).
Le système MVA est plus lent, il implique l’hippocampe et le cortex pré-
frontal. Ces souvenirs sont typiquement plus linéaires, cohérents et complets.
Le MVA est une composante centrale de la mémoire autobiographique et
est reconnu comme un souvenir « frais » ou « froid » sans la marque forte-
ment émotionnelle et indélébile du MSA (Brewin, 2001, 2003 ; Grey, Young
et Holmes, 2002). Les MVAs peuvent être pris par la conscience car ils ne
sont pas trop débordants ou jamais présents d’une manière somatique. Tous
les MAS ne sont pas inadaptés mais tous les MAS ne sont pas adaptatifs. Les
souvenirs traumatiques sont des MAS inadaptés qui devraient être en fait des
MVAs.
Les parties bloquées dans le temps du trauma sont surtout des MASs ou
des souvenirs non réalisés (MAS, des informations inadéquatement stockées)
qui font soit partiellement soit complètement intrusion dans les parties qui

472 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


fonctionnent dans la vie quotidienne. Le traitement du souvenir traumatique
est destiné à la rémission des symptômes de ces souvenirs chauds et à leur
dépassement avec une prise de conscience et avec une mémoire autobiogra-
phique froide. De cette manière, toutes les parties du patient peuvent pla-
cer le passé dans son propre contexte lorsqu’elles sont capables d’apprendre
à coopérer, être présentes dans l’ici et maintenant et réfléchir sur les signifi-
cations de ce qui est arrivé de façon à soutenir un fonctionnement adapté en
tant que personne complète (voir Gonzalez et Mosquera, 2012 ; Van der Hart,
Groenendijk, Gonzalez, Mosquera et Solomon, 2014). La phobie principale
des souvenirs traumatiques étant écartée, la porte vers une intégration ulté-
rieure des parties dissociatives du patient s’ouvre.

1.2. Processus de l’information adaptative


Le modèle du traitement adaptatif de l’information de l’EMDR (TAI ; Sha-
piro, 2001) est globalement cohérent avec le modèle de la représentation
duelle de la mémoire traumatique. Le modèle TAI suggère que les difficultés
ou la pathologie sont le résultat d’un « non-processus » – c’est-à-dire d’une
non-réalisation – d’expériences qui sont stockées de manière inadaptée dans
des réseaux neuronaux (MAS, les souvenirs chauds) et les patients sont inca-
pables de les lier à une « information adaptative » (MVA, les souvenirs froids).

1.3. La théorie de la dissociation structurelle


de la personnalité
Ni la théorie de la représentation duelle ni le modèle TAI n’abordent le
problème central des troubles dissociatifs complexes, c’est-à-dire le fait que
l’identité et le moi sont aussi dissociatifs, en plus de la mémoire traumatique.
Cela ajoute un niveau de complexité à la compréhension et au travail avec la
mémoire traumatique qui ne devrait pas être ignoré. Alors que les patients dis-
sociatifs ont des réseaux MAS inadaptés, ils ont aussi des parties dissociatives,
chacune d’entre elles ayant son propre ensemble de souvenirs, à la fois MVA
et MAS. Et aucune de ces deux théories ne justifie explicitement pourquoi les
patients qui ont des troubles liés au trauma n’ont pas de capacité intégrative
suffisante pour prendre conscience et intégrer les souvenirs traumatiques. Pour
donner une explication à cela, nous avons besoin d’un modèle spécifique de la
dissociation.
Comme décrit au chapitre 1, la théorie de la dissociation structurelle
postule qu’une capacité intégrative diminuée rend le patient incapable de
synthétiser et de réaliser des expériences traumatiques, y compris d’avoir un
sentiment de soi-même cohérent (Van der Hart et al., 2006). La thérapie
vise à aider le patient en vue du développement d’une capacité intégrative

Le traitement du souvenir traumatique : un survol 473


suffisante comme préalable au travail des souvenirs traumatiques. Les
patients dissociatifs ont développé des résistances complexes et habituées à
la réalisation et à l’intégration des souvenirs traumatiques. Ces résistances
comprennent des phobies d’origine traumatique et doivent être résolues en
Phase 1, avant l’essentiel du travail qui concerne les souvenirs traumatiques.
Si l’évitement phobique n’est pas pris en compte, les tentatives de travail
avec les souvenirs traumatiques peuvent aboutir à une impasse thérapeutique
ou une décompensation.
Nous sommes revenus encore et encore sur les problèmes de non-réalisation
chez les patients dissociatifs. Ils ont été incapables de prendre conscience de
leurs propres souvenirs traumatiques, à savoir que ces événements sont bien
survenus, qu’ils sont passés, qu’ils appartiennent à toutes les parties, qui elles-
mêmes appartiennent à une seule personne dans son entièreté. Les parties
dissociatives sont bloquées dans certaines actions liées au trauma ou dans l’évi-
tement du trauma. Comme le nota Janet, elles sont « toujours en train de pour-
suivre l’action, ou plutôt une tentative d’action, entamée lorsque le trauma
survint ; et elles s’épuisent dans ces recommencements sans fin » (1919/1925a,
p. 668). La réalisation est un élément clé de l’intégration et a trois compo-
santes majeures, donc importantes à comprendre comme guide du patient et
du thérapeute dans une approche intelligible du mode d’intégration des sou-
venirs traumatiques.

La Synthèse. Le premier pas vers la prise de conscience est la synthèse, qui


est la mise en relation (liaison) et la différenciation de l’expérience (Van der
Hart et al., 1993 ; Van der Hart et al., 2006). L’étape unique dans le traitement
des souvenirs traumatiques chez les patients dissociatifs est la synthèse ou le
partage du souvenir entre les parties dissociatives, y compris celles qui peuvent
avoir différents degrés d’amnésie pour ce qui s’est passé (Howell, 2011 ; Van
der Hart et al., 2006). Bien que toutes les parties ne puissent pas participer au
début, chaque partie doit finalement devenir consciente de ce qui est arrivé,
l’accepter en se l’appropriant et s’adapter au présent. Diverses parties partagent
ce qui s’est passé de leur perspective (relation) et leur histoire devient plus
cohérente et moins intense.

CONCEPT CLÉ

La synthèse est le partage des souvenirs traumatiques entre les parties dissociatives et
l’accès à la perspective de chaque partie vis-à-vis du souvenir. C’est une étape unique
dans la Phase 2 du traitement des patients dissociatifs.

Par exemple, le patient est capable de distinguer le souvenir comme


une expérience du passé, non comme quelque chose qui se passe ici et

474 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


maintenant. En effet, la synthèse permet la différenciation de la sécurité et
du danger, même au niveau des neurones. C’est un phénomène beaucoup
plus complexe que juste l’extinction de la peur comme discuté dans les
approches basées sur l’exposition. La désactivation des systèmes de défense
inappropriés et l’activation de l’engagement social comme stratégie d’adap-
tation dans le présent grâce à une connexion sécurisée avec le thérapeute
sont cruciales pour le traitement du souvenir traumatique. La synthèse per-
met le lien approprié entre les parties des systèmes d’actions de la vie quo-
tidienne, ce qui entraîne une fluidité beaucoup plus naturelle et organique
ancrée dans le présent. Par exemple, une partie figée dans la terreur peut
commencer à se relaxer et se sentir en sécurité ; une partie fixée dans un
pleur d’attachement peut ressentir une connexion réelle dans le présent,
une partie fixée dans un effondrement peut commencer à explorer le pré-
sent ; et une partie fortement honteuse peut expérimenter compassion et
compétence.

La réalisation. La synthèse par elle-même – la conscience que quelque


chose s’est produit – n’est pas adéquate pour soutenir l’intégration. Les
patients doivent non seulement être conscients des faits, mais doivent
prendre conscience que ces faits leur appartiennent, en tant qu’histoire per-
sonnelle. Ils doivent prendre conscience que le présent en est affecté, mais
qu’il ne doit pas nécessairement être dirigé par eux, ni par le passé ni par un
futur anticipé. La réalisation permet une acceptation maximale de la réa-
lité telle qu’elle est et non comme nous voulons qu’elle soit. Lorsque nous
pouvons accepter ce qui est réel dans le présent, nous sommes davantage
capables d’agir adéquatement. Comme décrit au chapitre 1, l’appropriation
de l’expérience (la personnification) et la capacité d’être adéquatement pré-
sent dans l’ici et maintenant fondées sur la réalisation (la présentification)
sont les deux modalités d’actions nécessaires pour l’intégration complète
de la mémoire traumatique et des parties dissociatives (Van der Hart et al.,
1993, 2006).

CONCEPT CLÉ

La réalisation implique l’appropriation de son propre souvenir (personnification) comme


partie de sa propre autobiographie ; et en même temps la capacité d’être dans le présent
en acceptant la réalité telle qu’elle est (présentification).

En bref, le traitement de la mémoire traumatique devrait commencer avec


un certain type d’exposition à celle-ci par la synthèse (le partage) entre cer-
taines ou toutes les parties du patient. Elle devrait être suivie par un processus
de personnification et de présentification.

Le traitement du souvenir traumatique : un survol 475


2. Considérations dans l’approche du traitement
des souvenirs traumatiques
Quelle que soit l’approche, les patients ont généralement besoin d’une capa-
cité globale d’intégrer les souvenirs traumatiques, ce qui requiert de surmon-
ter d’abord graduellement la phobie générale de leur expérience intérieure et
ensuite la phobie de leurs parties dissociatives.

CONCEPT CLÉ

Les phobies liées au trauma doivent être dans une certaine mesure dépassées avant que
ne commence le travail sur les souvenirs traumatiques. La présence de ces phobies in-
dique que le patient n’a pas encore les aptitudes et la capacité intégrative pour intégrer
les souvenirs traumatiques.

Dans la Phase 1 et au-delà, les patients doivent acquérir des aptitudes à


la stabilisation de telle manière qu’ils surmontent la phobie de l’expérience
intérieure. Ils doivent apprendre la tolérance et la régulation émotionnelle,
la réflexion et la connexion sécurisée avec autrui (Boon, 1997 ; Boon et al.,
2011 ; Courtois et Ford, 2013 ; Kluft, 1993a, 1993b ; Korn et Leeds, 2002 ;
Steele et Colrain, 1990 ; Van der Hart et al., 2006 ; Van Dijke, 2008). En
général, ils ont besoin de la capacité de :
• Maintenir un degré significatif de sécurité intérieure et extérieure. Cela
inclut la coopération des parties imitant l’agresseur et d’autres qui pour-
raient fortement résister aux souvenirs traumatiques.
• Réguler et tolérer l’émotion intense sans s’engager dans des comporte-
ments dangereux.
• Reconnaître et utiliser des signaux somatiques de régulation et
dérégulation.
• Rester ancré dans le présent et maintenir une attention duelle lors du
rappel des souvenirs traumatiques.
• Avoir des expériences positives et des affects dans le présent qui contre-
balancent les souvenirs douloureux.
• Avoir de la compassion pour soi-même à la place de la honte prolon-
gée, du désespoir, des réactions de rage face au matériel traumatique.
• Maintenir une alliance thérapeutique positive sans une dépendance
excessive.

La Phase 2 peut être initiée lorsque la capacité intégrative a été atteinte à


un niveau où les parties dissociatives les plus importantes ont la capacité de

476 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


fonctionner plus ou moins adéquatement dans le présent, de maintenir une
relation de collaboration raisonnablement stable avec le thérapeute, de s’en-
gager jusqu’à un certain degré de mentalisation et d’accès à d’autres fonctions
de réflexion, de tolérer et réguler la vigilance jusqu’à un certain point et de
montrer une certaine capacité pour l’empathie intérieure et la coopération.
Une certaine controverse persiste sur le moment et les conditions oppor-
tunes de l’approche des souvenirs traumatiques. La majorité des thérapeutes
valident qu’une solide stabilisation est un préalable mais d’autres ont avancé
que la stabilisation n’est pas indispensable. Cependant, ces derniers se réfèrent
à des patients qui souffraient d’ESPT complexe et non de troubles dissociatifs
(Bicanic, De Jongh et Ten Broeke, 2015 ; Van Minnen, Arntz et Keijsers,
2006 ; Van Minnen, Harned, Zoellner et Mills, 2012). Notre conclusion pro-
visoire conduit à l’insuffisance d’éléments en faveur d’une absence de nécessité
de la stabilisation. Les thérapeutes doivent donc être prudents quant à ces
données limitées qui remettent en cause l’approche par phases. Celle-ci reste
la recommandation de soins de référence (ISSTD, 2011).

2.1. La cadence collaborative du traitement


des souvenirs traumatiques
Le travail de Phase 2 ne devrait pas être acharné (Kluft, 1989, 2013 ; Phillips et
Frederick, 1995 ; Van der Hart et al., 1993, 2006), quelle que soit l’approche utili-
sée. Il est plutôt utile d’aller de façon mesurée, à petites doses, pour que le patient
dispose de beaucoup de temps pour réaliser pleinement toutes les implications
qu’ont ses souvenirs dans le présent. Une ou deux séances de travail direct avec
un souvenir traumatique particulier peuvent ainsi être alternées avec quelques
séances de travail sur la réalisation et les conflits intérieurs et quelques séances sur
la vie quotidienne ou d’autres questions de ce type (Phillips et Frederick, 1995).
Il convient que le thérapeute adopte une attitude de collaboration pour
décider du moment opportun et de la manière d’aborder un souvenir trauma-
tique particulier en donnant une information complète sur les effets béné-
fiques et négatifs potentiels au patient. Le traitement du souvenir traumatique
devrait être œuvre de collaboration non seulement entre le patient et le thé-
rapeute mais aussi entre les parties dissociatives. Même quand certaines parties
ne participent pas à un segment précis du travail thérapeutique, il devrait y
avoir un accord de ces parties sur le début du travail.

CONCEPT CLÉ

Il est essentiel d’obtenir un accord entre les parties dissociatives pour que le travail sur la
mémoire traumatique puisse débuter. C’est une étape indispensable de préparation. Faute
de cela, un contrecoup peut survenir avec une déstabilisation potentielle du patient.

Le traitement du souvenir traumatique : un survol 477


Le tableau 20.1 comprend certaines considérations spécifiques qui aident à
la fois le patient et le thérapeute à planifier le moment favorable au traitement
de la mémoire traumatique (Boon, 1997 ; Boon et Van der Hart, 1997 ; Kluft,
1996b, 1997b, 2013 ; Steele et Coltrain, 1990 ; Van der Hart et Steele, 1997 ;
Van der Hart et al., 1993, 2006).

• La vie du patient est-elle relativement stable et sans crise régulière ? Les périodes de
crise ou les grands changements réclament de l’énergie, ce n’est donc pas le moment
pour le patient de s’engager dans un intense travail sur la mémoire. Ceci dit, les sou-
venirs traumatiques sont souvent provoqués par des changements et un moment de
crise et le thérapeute peut aider le patient à les contenir jusqu’au moment adéquat.
Cependant, il existe des occasions appropriées pour intégrer le souvenir et il est impor-
tant de les saisir. Par exemple, si une patiente se blesse lors de la reviviscence d’un
souvenir et qu’elle a, en général un haut niveau de capacité intégrative, intégrer le
souvenir pourrait être essentiel de façon à arrêter l’autodestruction.
• Le patient et le thérapeute peuvent-ils dresser un plan de collaboration spécifique
à propos de la façon et du moment opportun pour travailler les souvenirs trauma-
tiques ? Comme noté ci-dessous dans la section sur la préparation, la première étape
dans le traitement des souvenirs traumatiques ne se fait pas de façon spontanée
mais requiert une planification soigneuse.
• Le thérapeute a-t-il été capable d’amener les parties imitant l’agresseur à un stade
où elles peuvent consentir à ce que le travail avec certains souvenirs traumatiques
puisse être entrepris ? Ce travail est essentiel pour prévenir des contrecoups majeurs
en réaction à la révélation de souvenirs traumatiques.
• La partie principale du patient qui se présente (habituellement une partie adulte)
a-t-elle la capacité de prendre conscience au moins en partie que le trauma s’est
produit ? C’est souvent une indication que le travail peut se réaliser.
• Y a-t-il une communication explicite entre les parties fixées au temps du trauma et
les parties qui assurent le fonctionnement dans la vie quotidienne ? Si c’est le cas, y
a-t-il de la compassion entre ces parties ? Plus la communication est sereine et
constructive, plus grande est la compassion intérieure, meilleur est le travail avec les
souvenirs traumatiques car il y a des efforts de collaboration pour se réguler et se
calmer.
• Le patient (ou les parties impliquées dans le travail avec les souvenirs traumatiques)
a-t-il la capacité de rester ancré et présent jusqu’à un certain point lorsque les sou-
venirs traumatiques émergent ?
• Y a-t-il un conflit crucial vrai-faux entre les parties à propos du passé ? En d’autres
termes, est-ce que certaines parties attestent du trauma tandis que d’autres en
contestent l’existence ? Si tel est le cas, cela pourrait nécessiter une plus grande réso-
lution avant que le travail sur la mémoire traumatique ne commence. Le thérapeute
peut aider le patient à développer une certaine acceptation et une compassion envers
le fait que toutes les parties souffrent à leur manière, quelle que soit la cause de leur
souffrance. Ou peut-on éventuellement tomber d’accord sur le fait que certains sou-
venirs parlent de faits établis tandis que d’autres peuvent être encore débattus. Le
passé pourrait alors être le centre du traitement. Il est impératif que le thérapeute ne
prenne pas parti dans ce conflit qui appartient au patient en tant qu’entité.

478 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


• Comment la mémoire traumatique se présente-t-elle ? Par exemple, apparaît-elle
soudain sous forme de flash-back en réaction à des déclencheurs ? Si oui, le patient
devrait être ancré, le flash-back contenu, et un accord de collaboration devrait être
conclu entre le patient et le thérapeute sur les étapes suivantes. Apparaît-elle dans
les écrits, dessins ou autres productions des parties ? Si c’est le cas, cela devrait être
discuté au moins à un niveau cognitif et d’abord en séance. Une partie du patient
la partage-t-elle par courriel ou dans des lettres avec le thérapeute mais refuse-t-elle
d’en parler en séance ? Il est alors indispensable d’aborder le conflit entre dire ou ne
pas dire.
• Le patient fait-il apparaître en séance une partie qui insiste pour parler au thérapeute ?
Le piratage d’une séance n’aide pas le patient. Le thérapeute peut arrêter la partie
et inviter le patient à vérifier ce qui se passe avec les autres parties internes pour
voir si elles sont au courant que ladite partie veut partager un souvenir. Souvent, il
peut être intéressant de demander si toutes les parties donnent leur accord pour le
partage de ce souvenir parce qu’assez habituellement elles font objection. Le thé-
rapeute peut aider en ce cas le patient à se centrer sur les conflits entre les parties
concernant l’émergence de ce souvenir, ce qui facilitera le processus d’un travail plus
direct sur le souvenir.
• Une partie veut-elle parler au thérapeute et insiste-t-elle sur le fait qu’il s’agit
d’un secret qui ne peut être partagé avec les autres parties ? C’est fréquent et
le thérapeute peut devenir médiateur dans un conflit entre les parties. Il peut
explorer la raison du secret plutôt que d’être à l’écoute du contenu. La réponse
est souvent que le patient ou une partie du patient pourrait être émotionnelle-
ment submergé. Le thérapeute peut alors retourner le dilemme au patient en
demandant à toutes les parties (autant qu’il est possible) de participer à la réso-
lution du conflit avant que les préparatifs d’une synthèse guidée effective ne
soient mis en route.
• Existe-t-il une forte dépendance envers le thérapeute ou une tendance de ce type
durant des crises fréquentes ? Dans ce cas, le thérapeute et le patient peuvent-ils
reconnaître et travailler avec ces désirs de dépendance et ne pas faire collusion pour
qu’elles s’expriment ? C’est essentiel pour l’intégration sécurisée et contenue des
souvenirs traumatiques. Faute de quoi, durant leur traitement, le besoin du patient
envers son thérapeute peut augmenter, il peut devenir incapable de tolérer l’inten-
sité de sa dépendance, avec pour conséquence une crise ou une impasse de la
thérapie.
• Quelle est la force des barrières amnésiques entre les parties ? Comment peuvent-
elles être créées temporairement par l’hypnose et les techniques d’imagerie pour
prévenir l’intrusion du souvenir traumatique avant qu’il soit approprié de le partager
avec certaines parties du patient ? L’amnésie est une épée à double tranchant. D’un
côté, les barrières amnésiques peuvent permettre un travail potentiellement débor-
dant émotionnellement qui doit être fait temporairement hors de la conscience de
certaines parties. D’un autre côté, plus grandes sont les barrières amnésiques, plus
grand est le niveau de la non-réalisation, ce qui veut dire que même si le travail est
fait avec certaines parties, d’autres parties peuvent ne pas encore être capables
d’accepter que ce travail est le leur. Finalement, il n’y a rien de magique ou d’invin-
cible dans les barrières entre les parties. Même les barrières dissociatives solides
peuvent céder sous la contrainte.

Le traitement du souvenir traumatique : un survol 479


• Le thérapeute a-t-il eu quelques réussites avec des approches particulières en Phase 1
(p. ex. la thérapie sensorimotrice, l’hypnose ou l’EMDR pour la stabilisation et les
ressources) ? Si c’est le cas, l’approche qui est déjà familière au patient peut bien
fonctionner en Phase 2.
• Le patient est-il capable de rester en sécurité après le travail sur les souvenirs trau-
matiques ? Si des comportements autodestructeurs ou la suicidalité surviennent
après les séances, il faudrait que ce soit immédiatement exploré. Les contenus de la
mémoire peuvent aller au-delà de la tolérance du patient et le travail devrait être
arrêté jusqu’au moment où la sécurité est assurée. Dans certains cas cependant, des
comportements à risque après une séance de synthèse peuvent indiquer qu’une
partie significative de la mémoire n’a pas été intégrée et nécessite une attention
ultérieure. L’exploration soigneuse de ce qui a précipité le comportement à risque
aidera le thérapeute à savoir quand il doit ralentir ou se focaliser plus spécifiquement
sur un souvenir.
• Le patient est-il capable d’être conscient et d’utiliser les expériences somatiques
(sensation, posture, mouvement) lorsqu’il accède à la mémoire traumatique dans
chaque partie dissociative, au besoin ? Cette capacité a son importance puisque la
mémoire traumatique est d’abord une expérience somato-sensorielle détenue dans
certaines parties et pas dans d’autres. Par exemple, lorsque le patient peut intention-
nellement modifier une posture d’effondrement ou faire aboutir un mouvement de
défense qui était bloqué, ces interventions somatiques facilitent l’intégration du
souvenir traumatique. Ou une partie combative peut soutenir avec compassion une
partie effondrée, éteinte, en lui donnant un sentiment de compétence qui encourage
son mouvement depuis la fixation dans le désespoir jusqu’à la prise de conscience
et l’intégration dans le présent. L’expérience physique du patient dans les deux par-
ties correspond alors à un récit plus inscrit dans la pleine conscience et le présent.
• Une partie imitant l’agresseur punit-elle les autres parties en les forçant à revivre ce
qui s’est passé ? Si c’est le cas, c’est une reviviscence en soi et cela doit être directe-
ment traité. Les approches de ces parties du patient ont été discutées dans le cha-
pitre 17.

TABLEAU 20.1
Considérations sur l’approche du traitement
des souvenirs traumatiques

2.2. La relation thérapeutique


La plupart des publications sont axées sur les techniques ou sur les théories
impliquées dans le traitement de la mémoire traumatique. Un aspect rarement
discuté et pourtant implicite est la nécessité d’une relation thérapeutique forte
et stable. Si les techniques abondent, l’importance de la relation thérapeu-
tique dans l’intégration réussie des souvenirs traumatiques ne devrait pas être
sous-estimée (Kluft, 2013 ; Phelps, 1996). La présence authentique et pleine
de compassion du thérapeute est la raison principale du sentiment de sécurité
dans le présent des patients face à des souvenirs traumatiques extrêmement
menaçants. Le thérapeute est la pierre angulaire de l’engagement vis-à-vis

480 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


d’autrui qui contrecarre les réponses de menace et le stress négatif issu du
débordement émotionnel. Et le partage social de terribles événements avec
un autre compassionnel qui peut supporter le témoignage est un facteur de
guérison vital.

CONCEPT CLÉ

La relation thérapeutique est un facteur essentiel de stabilisation et d’intégration dans le


traitement des souvenirs traumatiques. Les thérapeutes ne devraient pas perdre de vue sa
place centrale et ne devraient pas trop mettre l’accent sur l’utilisation de techniques. Les
techniques sont uniquement des moyens pour le patient de rester en connexion avec le
thérapeute et elles aident le patient à rester dans la fenêtre de tolérance.

Le thérapeute est actif dans le soutien, l’encouragement, la guidance, l’an-


crage, la cadence, la compassion lorsque les patients sont engagés dans la lutte
pour intégrer les souvenirs traumatiques. En effet, pour quelques patients, tout
ce qui est requis pour l’intégration est la présence solide du thérapeute ; il
n’est pas question de techniques. Habituellement, ce sont des cas de disso-
ciation atypique, dans lesquels les barrières entre les parties sont limitées ou
alors, un travail suffisant en thérapie a été fait pour éroder les barrières. Toutes
les parties peuvent partager ensemble l’une avec l’autre et avec le thérapeute
simultanément.

Le contexte relationnel des flash-back. Le thérapeute doit être attentif


aux contextes relationnels et sociaux dans lesquels les souvenirs traumatiques
émergent. Ces contextes peuvent avoir des communications inconscientes
qu’il vaut mieux aborder en premier lieu par un processus relationnel avant
de se centrer sur le contenu des souvenirs. Comme tout symptôme, les flash-
back peuvent avoir de multiples significations y compris être le véhicule d’une
communication relationnelle non verbale. Par exemple, des flash-back non
contenus sont au service de l’attachement recherché par certains patients.
Donc, la recrudescence de souvenirs peut potentiellement être l’occasion d’un
pleur d’attachement afin d’obtenir une attention de la part du thérapeute ou
d’un partenaire.

CONCEPT CLÉ

Les flash-back qui créent une crise peuvent avoir dans certains cas une fonction straté-
gique additionnelle de recherche d’un attachement pour obtenir de l’attention de la part
du thérapeute (ou d’autres personnes). Les thérapeutes devraient être conscients du
contexte situationnel et relationnel des flash-back, en plus du contenu des souvenirs.

Le traitement du souvenir traumatique : un survol 481


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Le thérapeute de Yolande s’est aperçu que ses flash-back survenaient toujours à la fin
des séances. Ce n’était pas un acte conscient de la part de la patiente et c’était parfois
dû à la réticence de Yolande à se débrouiller avec le matériel douloureux jusqu’à la
dernière minute. Un regard attentif révéla toutefois que Yolande tendait à avoir
davantage de flash-back lorsque surgissait la crainte d’être seule. Le flash-back servait
partiellement à maintenir l’attention du thérapeute et à prolonger la séance. Les flash-
back étaient quelque peu contenus en aidant Yolande à se sentir plus connectée
lorsqu’elle quittait la séance. Le thérapeute l’encouragea à établir des contacts avec les
autres pendant la semaine et à prendre du temps pour soutenir les parties intérieures.
Elle fut encouragée à imaginer une figure idéale. Yolande était capable de réconforter
une partie enfant d’elle-même qui se sentait seule, ce qui réduisit aussi les flash-back.

Le contre-transfert dans le traitement des souvenirs traumatiques. Les


thérapeutes ont souvent des fortes réactions et émotions en entendant les ter-
ribles histoires du trauma (Dalenberg, 2000 ; Figley, 1995, 2015 ; Pearlman et
Saaktvine, 1995 ; Saaktvine et Pearlman, 1996 ; Wilson et Thomas, 2004).
Ils peuvent pencher vers un des deux pôles du contre-transfert (Van der Hart
et Steele, 1999 ; Van der Hart et al., 2006). Premièrement, ils peuvent déve-
lopper une fascination morbide pour le contenu des souvenirs et se concentrer
surtout sur les détails visuels en demandant au patient des détails effrayants.
S’il est vrai que les aspects pertinents d’un souvenir sont parfois contenus dans
les détails, l’attention du thérapeute devrait porter sur le processus du patient
dans le présent et sur la question de savoir si une intégration suffisante a eu lieu
plutôt que sur le contenu en soi. Les détails sont seulement importants dans
la mesure où ils permettent au patient de prendre conscience et d’intégrer le
souvenir.
Les thérapeutes fascinés peuvent se centrer excessivement et prématuré-
ment sur les souvenirs traumatiques comme si le traitement ne nécessitait que
cela et ils négligent les besoins du patient d’avoir des pauses et du temps pour
assimiler les souvenirs. Nous avons vu plusieurs cas dans lesquels les théra-
peutes travaillaient sur les souvenirs traumatiques à chaque séance pendant
un temps prolongé ou avaient des séances quotidiennes pendant des mois dans
l’espoir qu’une fois tous les souvenirs résolus, le patient irait mieux. Aucun de
ces patients n’allait mieux, en partie parce qu’ils se trouvaient en dehors de
leur fenêtre de tolérance et en partie parce qu’ils développaient une dépen-
dance inadéquate au thérapeute qui ne reconnaissait pas qu’il s’agissait d’un
problème à résoudre.
D’un autre côté, les thérapeutes peuvent s’identifier de manière excessive
avec l’évitement et la souffrance du patient et faire collusion avec le contour-
nement des souvenirs traumatiques. Même si la stabilisation est importante,

482 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


le traitement du souvenir traumatique l’est aussi. Il est compréhensible qu’un
thérapeute néophyte dans le traitement de la mémoire traumatique soit hési-
tant et n’appréhende de faire du mal au patient. Cela peut être surmonté avec
une bonne supervision et de petites incursions précautionneuses dans le tra-
vail avec le patient dans le travail. Dans ce cas, le thérapeute et le patient
acquièrent ensemble la maîtrise et peuvent avancer.
Certains thérapeutes sont débordés ou craintifs devant la souffrance du
patient. Peut-être ne peuvent-ils pas supporter d’écouter les détails d’abus hor-
ribles. Peut-être se sentent-ils trop désarmés face à la souffrance intense et leur
désir de sauver et de prendre soin est-il activé de manière excessive.
Le trauma personnel irrésolu du thérapeute ou d’autres problèmes perti-
nents peuvent être ainsi activés. Ils peuvent provoquer une position beau-
coup trop impliquée ou trop distanciée. Une bonne thérapie personnelle, une
consultation régulière ou une supervision ainsi que le maintien de limites
claires, tout cela aidera le thérapeute qui se sent trop proche dans l’intensité
ou au contraire trop distant.

2.3. La résolution des conflits principaux


concernant les souvenirs traumatiques
Le cœur des troubles liés au trauma est l’évitement des souvenirs traumatiques.
Dans le trauma relationnel, l’évitement n’est pas seulement dû à la peur. Il peut
être dû à la honte, la trahison, la douleur, la solitude, le désespoir, l’abandon,
entre autres. Lorsque les patients ont dissocié leurs souvenirs traumatiques,
leur évitement peut être extrême. Cet évitement se manifeste dans diverses
phobies liées au trauma et aboutit à la résistance. Le thérapeute doit prendre
soin de s’assurer que chaque phobie est traitée suffisamment avant le travail
direct sur les souvenirs traumatiques. De cette manière, au cours de la Phase 1,
les phobies sont progressivement traitées, ce qui permet au patient d’approcher
avec maîtrise et en toute sécurité les souvenirs traumatiques. La figure 20.1
dépeint les couches des phobies liées au trauma et la séquence par laquelle le
thérapeute les approche en général.

Le souvenir traumatique
Les conflits et les menaces
La phobie du souvenir traumatique
La phobie des parties dissociatives
La phobie de l’expérience interne

FIGURE 20.1
Les résistances à l’intégration des souvenirs traumatiques

Le traitement du souvenir traumatique : un survol 483


Conflits vrai-faux. Comme Judith Herman le notait : « Nier des événe-
ments horribles et les proclamer haut et fort a été la préoccupation centrale des
personnes traumatisées » (1990, p. 289). Certaines parties du patient peuvent
nier que quelque chose est survenu, tandis que d’autres tentent désespérément
de raconter leur histoire. Dans ce cas, le thérapeute ne doit pas prendre parti
mais devrait montrer une empathie compassionnelle avec le conflit : « D’un
côté, une partie de vous semble terrifiée et veut raconter ce qui a provoqué
cette terreur. D’un autre côté, une partie de vous affirme que vous mentez. Il
me semble que, en dehors de toute question de vrai ou faux, le fait est que vous
souffrez. Est-ce là quelque chose sur quoi toutes les parties s’accordent ? »
Les thérapeutes ne devraient pas être amenés à dire au patient qu’ils croient
ce qui s’est passé. Ce conflit de réalisation doit rester à charge du patient.
Cependant, le thérapeute peut réfléchir avec le patient sur ce qui est connu
et sur ce qui ne l’est pas (Van der Hart et Nijenhuis, 1999). « Eh bien, nous
savons que votre père buvait beaucoup et que votre mère était déprimée et
passait beaucoup de temps au lit. Nous savons que votre père battait votre frère
et votre sœur. Vous questionnez cette partie de vous qui affirme qu’il vous bat-
tait. Au moins, vous avez été témoin de choses plutôt brutales à domicile qui
étaient terrifiantes et provoquaient de la confusion. Peut-être pourriez-vous
être simplement à l’écoute de ce que cette partie a à dire sans la juger immé-
diatement ? Je suis sûr qu’au cours du temps vous et cette partie vous allez
pouvoir faire la part des choses. Mais en premier lieu vous avez besoin d’un peu
d’espace pour vous écouter l’une l’autre. »
Il peut arriver parfois que l’histoire racontée par le patient soit si inconce-
vable que le thérapeute ne la croie pas. Il peut y avoir de nombreuses raisons
pour lesquelles le patient fait état d’inexactitudes, dont la moindre n’est pas la
nature imparfaite de la mémoire et la compréhension limitée des événements
par un jeune enfant. Cela ne signifie pas que le patient est en train de mentir.
Les souvenirs mal retenus ou modifiés peuvent coexister avec les souvenirs
exacts et les fantasmes peuvent être confondus avec la réalité. La mémoire
n’est pas comme un enregistrement vidéo ; elle est une représentation de ce qui
est arrivé et peut changer avec le temps. Parfois, des distorsions de la mémoire
ont pour but d’empêcher le patient d’avoir affaire à des souvenirs très réels et
douloureux qui étaient plus « ordinaires » mais qui sont encore trop doulou-
reux à réaliser. Ils sont appelés des souvenirs écrans.
Cependant, il arrive parfois qu’une histoire mirobolante se révèle être vraie.
Une patiente raconta une histoire invraisemblable selon laquelle elle avait été
kidnappée à l’âge de 3 ans par une femme étrange, en plein jour dans son salon
alors que ses parents étaient à la maison. Elle avait servi de bouclier humain
lors d’une poursuite policière et sa kidnappeuse avait été tuée par balles et était
tombée sur elle, les faisant rouler d’une falaise. Elle raconta que ses parents
et ses frères et sœurs niaient ces événements. Cependant, elle fut capable de

484 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


retrouver un extrait de presse qui racontait les faits, qui collaient exactement
à sa description, et elle fut en mesure d’obtenir le rapport de police qui faisait
mention de son nom. Ses parents continuèrent de nier que c’était arrivé pour
des raisons qu’ils étaient les seuls à pouvoir comprendre.

Menaces. Un conflit majeur pour de nombreux patients dissociatifs est la


terreur chronique d’être menacé s’ils « parlent ». Le plus communément, ces
menaces sont proférées par des parties internes imitant l’agresseur à nouveau
actives. Le patient peut entendre des choses du genre : « Ta gueule ! Tais-toi,
si tu parles, t’es morte ! » Le patient se sent sévèrement menacé parce qu’il a
une prise de conscience limitée que les menaces sont situées maintenant dans
le passé et non dans le présent. Les menaces internes sont aussi protectrices
dans la mesure où elles défendent le patient contre d’intolérables souvenirs.
Raconter est une étape proche de la réalisation et est souvent accompagné
d’une certaine pensée magique du type « Si je ne l’énonce pas tout haut, ce
n’est pas réel ».
Les menaces sont souvent des souvenirs d’intimidations par les abuseurs qui
craignaient que le patient (lorsqu’il était enfant) ne les mette dans les ennuis.
Les parties qui vivent au temps du trauma vivent ces menaces comme actuelles
et réelles. Certaines menaces cependant ne proviennent pas de l’agresseur au
sens propre mais sont des contraintes générées intérieurement pour empêcher
la prise de conscience. Quoi qu’il en soit, le patient a le sentiment que c’est
dangereux ou même une menace pour la vie de parler des événements. Il est
important d’avoir accès à ces menaces et de résoudre le pouvoir qu’elles ont
sur le patient. Avant le travail sur la mémoire traumatique, le thérapeute peut
travailler intensivement avec les parties imitant l’agresseur pour diminuer
les menaces internes et obtenir leur coopération pour aborder les souvenirs
traumatiques.

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Thomas a raconté à son thérapeute qu’à l’âge de 10 ans il avait été abusé sexuellement
par son voisin quand il vivait chez sa grand-mère depuis à peu près six semaines.
Dans la séance suivante, il confia avoir développé un tic : lorsqu’il était à l’extérieur,
sa tête faisait un mouvement incontrôlable : il la tournait soudain aussi loin que
possible comme s’il voulait regarder derrière lui. Lorsque le thérapeute explora le tic
avec Thomas, ils trouvèrent que c’était le comportement répétitif d’une partie enfant
terrifiée bloquée au temps du trauma, cherchant derrière lui l’agresseur. La partie
enfant effrayée signalait que l’agresseur lui avait dit : « Ne t’avise pas d’en parler à
qui que ce soit, parce que où que tu sois et quoique tu fasses, je le saurai et je viendrai
pour te tuer. » Une fois que Thomas devint conscient de la menace, il put aider la
partie enfant à prendre plus conscience du présent, du fait qu’il était en sécurité, le
tic cessa.

Le traitement du souvenir traumatique : un survol 485


Une fois que les conflits intérieurs ont été amoindris et qu’une certaine
coopération et compassion a été établie entre les parties, le travail avec la
mémoire traumatique peut commencer par étapes prudentes. Les approches
spécifiques et les techniques seront discutées dans le chapitre suivant.

3. Explorations supplémentaires
1. Comment vous sentez-vous pour aider les patients à travailler les sou-
venirs traumatiques ? Êtes-vous hésitant ? Si oui, pourquoi ? Discutez
de vos sentiments avec vos collègues.
2. Avez-vous eu l’expérience d’un patient qui a travaillé la mémoire trau-
matique trop tôt et qui a été submergé ? En ayant un regard rétrospectif
sur votre expérience, qu’auriez-vous pu faire différemment pour aider à
contenir le souvenir ou le garder à l’intérieur de la fenêtre de tolérance
du patient ?
3. Croyez-vous toujours les souvenirs traumatiques de vos patients ? Êtes-
vous parfois sceptiques ? Comment vous débrouillez-vous avec le fait
de ne pas croire le patient, si vous avez eu cette expérience ? Comment
pouvez-vous être dans la compassion à l’égard d’un patient si dans le
même temps vous êtes dubitatif sur le souvenir ?
4. Quelles théories avez-vous sur la nature des souvenirs traumatiques et
comment vous affectent-elles dans votre pratique thérapeutique ?

486 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


cHAPITRE 21
Le traitement
du souvenir traumatique :
recommandations
et techniques

Je suggère que ce n’est pas la décharge de tension, l’expression,


qui aide mais la communication de l’émotion et du souvenir à une
autre personne (par exemple dans une psychologie du face-à-
face) et d’autres parties du soi, c’est cela qui guérit.
Elizabeth Howell (2011, pp. 178-179)

Dans ce chapitre, nous décrivons les approches et techniques qui sont le


plus communément utilisées avec les patients dissociatifs pour résoudre les
souvenirs traumatiques en Phase 2. Une fois que le thérapeute et le patient
ensemble ont déterminé qu’il est utile de travailler les souvenirs traumatiques,
ils doivent se donner le temps de préparer ces séances et prendre des décisions
sur les approches qui seront les plus efficaces. Quelles que soient l’approche
ou les techniques employées, les thérapeutes devraient être capables de se les
approprier de telle façon qu’elles soient intégrées dans la séance autant que
possible. Le thérapeute devrait toujours expliquer les techniques avant qu’elles
ne soient utilisées et obtenir un consentement éclairé.

Le traitement du souvenir traumatique : recommandations et techniques 487


Bien des techniques décrites ci-dessous peuvent être utilisées d’une manière
ou d’une autre en Phase 1 de telle sorte que le patient et le thérapeute aient
tous deux une perception de ce qui marche le mieux et de ce qu’ils ont mis
en pratique ensemble. Nous ne pouvons pas insister assez sur le fait que la
connexion relationnelle est toujours première, suivie d’un effort collaboratif
pour maintenir le patient à l’intérieur de sa fenêtre de tolérance. Les tech-
niques sont uniquement des adjuvants pour maintenir la régulation et soutenir
l’intégration ; ce ne sont pas des formules magiques qui créent une alchimie de
l’intégration. Kluft (2013) a sagement noté qu’une fois que le thérapeute sait
ce qui marche dans une technique, alors souvent cette notion peut être utilisée
sans la nécessité de recourir à la technique.

CONCEPT CLÉ

La relation thérapeutique est de première importance dans le traitement des souve-


nirs traumatiques chez les patients dissociatifs. Les techniques de travail avec les
souvenirs traumatiques devraient être uniquement des ajouts dans l’aide apportée au
patient tout en l’aidant à rester dans sa fenêtre de tolérance et dans la présence au
thérapeute.

Le traitement du souvenir traumatique est rarement simple chez les


patients dissociatifs. Même si les approches et techniques suivantes paraissent
claires, le travail apparaît souvent confus et brouillon dans la pratique. Une
technique qui a marché magnifiquement une semaine peut être complète-
ment inefficace la semaine suivante. L’ancrage et le maintien dans le pré-
sent peuvent être un défi terrible et irrégulier pour le patient. Des parties
qui étaient d’accord avec l’objectif de travail peuvent soudainement être
submergées dans la progression. Tant le patient que le thérapeute peuvent
parfois être perplexes sur la manière de traiter un souvenir. Le thérapeute
a besoin d’être aguerri aux défis, incertitudes et imperfections du travail,
comme avec tout aspect de la thérapie, afin de maintenir des attentes réa-
listes ainsi qu’une attitude patiente à mesure que les souvenirs traumatiques
émergent. Le tableau 21.1 offre un panorama de l’approche intégrative pour
résoudre les souvenirs traumatiques.
Les aptitudes à la stabilisation sont décrites en détail dans d’autres
publications (p. ex., Boon et al., 2011 ; Chu, 2011 ; Cloitre et al. 2002,
2006 ; Courtois et Ford, 2013 ; Kluft et Fine, 1993). Elles sont le premier
objectif de la Phase 1 et ne seront donc pas discutées ici. Les thérapeutes
doivent cependant s’assurer que les patients sont prêts et en mesure de
s’approcher des souvenirs traumatiques et doivent être familiers avec les
contre-indications.

488 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


• Une relation thérapeutique stable
• Une psychoéducation adéquate à propos du travail de la mémoire traumatique
• Un consentement éclairé, comprenant les bénéfices potentiels, les conséquences
négatives et les options en ce qui concerne les différentes méthodes
• Un temps de préparation dans le premier tiers (ou moins) de la séance (Kluft, 1991,
2013 ; Van der Hart et al., 1993 ; Van der Hart et al., 2006)
0 Discussion de ce dont le patient aura besoin après la séance pour sa sécurité, son
confort et son soutien
0 Discussion sur la manière dont la séance sera menée (p. ex. quel souvenir, quel
type de fractionnement, quelles parties seront inclus)
0 Imagerie guidée dans le début de la séance, incluant potentiellement
– Un espace de rencontre, comme la table dissociative (Fraser, 1991, 2003) pour l’accord
intérieur sur l’objectif du travail et sur les parties participantes et non participantes
– Un espace sécurisé ou de guérison ou une autre imagerie pour contenir les par-
ties qui ne sont pas participantes (Boon et al., 2011 ; Fraser, 1991, 2003 ; Hammond,
1990b ; Kluft, 1982, 1988a, 1989, 1994b, 2013 ; Steele et Colrain, 1990 ; Van der
Hart, 2012 ; Van der Hart et al., 1993, 2006)
– Un idéal, une figure de sage ou de conseiller pour le soutien intérieur et la guidance
(Bresler, 1990 ; Krakauer, 2001 ; Parnell, 2013 ; Phillips et Frederick, 1995 ; Rossman, 1987)
– Une imagerie de contenance pour les autres souvenirs qui pourraient émerger et
pour la fin de la séance (Boon et al., 2011 ; Steele et Colrain, 1990 ; Van der Hart,
2012)
• La synthèse guidée – le partage entre les parties dissociatives, le lien et la différen-
ciation entre le passé et le présent dans le deuxième tiers de la séance
0 L’exposition imaginaire
0 La modulation optimale de l’expérience
– L’attention duelle entre le passé et le présent et la capacité de rester ancré même
quand l’émotion est intense (p. ex., Kluft, 1982, 2013 ; Knipe, 2009b, 2014 ; Van
der Hart et al., 2006)
– La capacité à se ré-ancrer et à devenir présent si en dehors de la fenêtre de
tolérance (Kluft, 2013 ; Knipe, 2009b, 2014)
– L’utilisation des techniques de distanciation (par exemple Spiegel et Spiegel,
1978)
– L’utilisation des techniques de fractionnement qui incluent le travail avec seule-
ment une petite portion de l’expérience à un moment donné (p. ex., Boon, 1997 ;
Greenwald, 2013 ; Gonzalez et Mosquera, 2012 ; Kluft, 1982, 1988a, 1990a, 1990b,
1994b, 2013 ; Johnson et Lubin, 2005 ; Lazrove et Fine, 1996 ; Ochberg, 1996 ;
Paulsen et Lanius, 2014 ; Spiegel, 1981 ; Twombly, 2000 ; Van der Hart et al., 2014 ;
Van der Hart et al., 2006 ; Wolpe, 1982 ; Wright et Wright, 1987)
0 Clôture adéquate et élaboration d’une synthèse guidée dans le dernier tiers de la séance
• Réalisation guidée – cela peut prendre place au cours du temps (Van der Hart et al.,
1993, 2006)
0 La personnification
0 La présentification

TABLEAU 21.1
Les approches de traitement du souvenir traumatique
chez les patients dissociatifs

Le traitement du souvenir traumatique : recommandations et techniques 489


1. La psychoéducation et le consentement éclairé
Il faut que les patients comprennent la nécessité d’une approche des souvenirs
traumatiques. Ils ont évité ces derniers pendant si longtemps qu’ils ont besoin
d’une réelle motivation pour intégrer ce qui est si douloureux. Les thérapeutes
peuvent contribuer à tracer des liens entre les souvenirs traumatiques non
intégrés et les cauchemars actuels, les réactualisations relationnelles, la peur, la
honte et la souffrance continues des parties, par exemple. Il est important pour
le patient de comprendre, au moins cognitivement, les différences entre se
souvenir de quelque chose de douloureux et le revivre. Par exemple, la plupart
des patients peuvent habituellement se rappeler une expérience émotionnelle
mineure qu’ils ne peuvent plus ressentir de manière aiguë.

CONCEPT CLÉ

Le thérapeute pourrait décrire les différences entre la reviviscence et la réminiscence en


utilisant les exemples propres du patient. On souligne particulièrement le besoin de
rester, tout en se souvenant, dans le présent et connecté avec le thérapeute.

L’enseignement le plus important consiste peut-être à rassurer le patient


sur le fait qu’il a le contrôle et peut interrompre à tout moment. Cela pourrait
même se pratiquer dans la phase de préparation avec un patient qui est prêt
à dire « Stop ! » ou qui fait un signal stop de la main. Le thérapeute doit en
effet arrêter et peut s’enquérir auprès du patient s’il est pertinent de poursuivre.
Dans cette mesure, un partenariat collaboratif et confiant est utilisé pour sou-
tenir ce travail exigeant.
La psychoéducation implique l’exploration, avec le patient, d’un besoin
éventuel au cours du travail en cas d’émergence d’un souvenir particulier,
et ce qu’il faudrait prévoir après la séance comme type d’attentions. Cer-
tains patients ont besoin de beaucoup de soutien après les séances et peuvent
demander à leur partenaire ou à d’autres personnes qui les soutiennent de les
reconduire à la maison. Cependant, la séance devrait être planifiée de telle
façon que le patient ait assez de temps pour récupérer et réfléchir après celle-ci.
Donc, cela ne sera pas fait le matin avant la journée de travail du patient ou le
premier jour d’une semaine exigeante.
Le consentement éclairé est une partie essentielle de toute thérapie et, bien
sûr, devrait être donné avant que tout traitement des troubles dissociatifs soit
entamé. Cependant, le traitement des souvenirs traumatiques devrait avoir
son propre consentement éclairé étant donné les techniques et les approches
que le patient et le thérapeute peuvent choisir mais également les effets secon-
daires potentiels. À nouveau, cela donne au patient un sentiment de choix et

490 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


de contrôle, ce qui est une bonne base pour tout qui démarre un travail sur un
souvenir traumatique

1.1. La préparation
Des séances planifiées et prolongées de 75 ou 90 minutes peuvent être utiles, non
pas pour augmenter l’intensité ou la durée des vécus mais plutôt pour fractionner
plus lentement les souvenirs traumatiques en vue d’une synthèse adéquate et d’une
prise de conscience ainsi que pour laisser au patient beaucoup de temps pour se
ré-ancrer et se réorienter complètement dans le présent. Kluft (1991, 2013) a noté
que la préparation devrait survenir précocement dans le premier tiers de la séance
ou même avant ; la synthèse dans le second tiers et l’ancrage, l’orientation et le
travail cognitif dans le troisième tiers. Le travail débutant trop tard dans la séance
va probablement laisser le patient submergé à la fin, d’autant qu’il n’y a pas assez
de temps pour clôturer. Il est essentiel de terminer la séance de synthèse à temps,
parce que cela donne au patient un sentiment de contenance.

CONCEPT CLÉ

Les séances consacrées au traitement du souvenir traumatique doivent être rythmées de


manière à disposer de suffisamment de temps à la fin pour que toutes les parties du patient
soient ancrées et calmes et ainsi contenir n’importe quel travail inachevé, et terminer la
séance à temps.

Le thérapeute prépare d’abord le patient pour le travail avec des souvenirs


traumatiques en l’aidant à rester orienté et ancré dans le présent, dans le contact
avec le thérapeute. Cette attention ancrée et duelle est maintenue avec soin
(autant que possible) durant tout le travail avec des souvenirs traumatiques.

Choisir un souvenir traumatique. La plupart des patients ont beaucoup


de souvenirs traumatiques, alors comment choisir un souvenir en premier ? Le
plus simple est de débuter, si possible, par les souvenirs les moins intenses et
les moins débordants. De cette façon, les patients apprennent qu’ils peuvent
effectivement faire le travail et ils acquièrent de la pratique avant d’intégrer
des événements plus envahissants.
Idéalement, un survol cognitif de la mémoire peut être obtenu de l’une ou
l’autre partie du patient sans le risque d’une reviviscence, mais ce n’est pas
toujours possible. Parfois, il n’y a que de vagues allusions à un trauma, comme
ce moment au sous-sol, ou au moment où mon frère était méchant. D’autres fois, il
n’y a pas de contenu cognitif du tout mais seulement des symptômes émotion-
nels ou même sensorimoteurs, comme la panique, la peur, la honte, la douleur
physique ou un mouvement répétitif.

Le traitement du souvenir traumatique : recommandations et techniques 491


CONCEPT CLÉ

La synthèse guidée devrait débuter avec un thérapeute et un patient (et ses parties disso-
ciatives) bien présent et ancré.

Les décisions sur les parties participantes. Planifier implique aussi des
décisions concernant les parties qui peuvent et devraient participer. Il existe
une différence majeure dans le travail sur les souvenirs traumatiques avec les
patients dissociatifs et ceux qui ne le sont pas. Certains patients, mais sûre-
ment pas la majorité, ont une capacité intégrative telle que toutes les parties
participent simultanément. Quand un patient a un TDI et une vie quotidienne
exigeante qui pourrait s’effondrer – par exemple, un travail hautement qualifié
ou l’éducation de plusieurs enfants –, la partie ou les parties qui fonctionnent
dans la vie quotidienne peuvent être laissées en dehors du travail. Elles peuvent
éventuellement être capables de regarder à une distance « respectable » lors de
la synthèse. Ce qui permet de donner davantage de temps pour construire une
capacité intégrative des parties adulte. Cependant, les barrières dissociatives
ne tiennent pas toujours, de sorte que le travail devrait être fractionné pru-
demment jusqu’à ce qu’on puisse déterminer ce que ces parties peuvent tolérer.
Lorsque le moment est propice, le thérapeute doit être capable d’aider les par-
ties à réaliser que ces souvenirs leur appartiennent également.

Gérer l’activation. Il est essentiel que le niveau d’activation du patient


reste dans la fenêtre de tolérance et que tant le patient que le thérapeute aient
suffisamment de contrôle. Il faut s’assurer d’empêcher la panique et le switch
entre les parties qui, de cette façon, rendraient le souvenir inaccessible à la
partie qui est présente.

Le commencement et la fin d’un souvenir. Le thérapeute et le patient


ont besoin d’avoir une idée du commencement et de la fin d’un souvenir
limité dans le temps. Ce cadre temporel peut être utilisé pour aider le patient
à prendre conscience que le souvenir a un commencement, un milieu et une
fin. Une difficulté rencontrée réside dans le fait que le patient présente souvent
des traumas répétitifs de telle sorte que la fin d’un souvenir ne signifie pas la
fin de l’état de traumatisé. Donc, même s’il sait qu’un épisode est terminé, il
sait aussi que bien plus est encore à venir. C’est pourquoi le thérapeute devrait
aussi aider toutes les parties à se connecter avec le présent, après que le tout
dernier moment soit arrivé.

Les noyaux pathogènes. Il est utile pour le thérapeute de savoir ou au


moins d’avoir une vague notion des parties les plus menaçantes ou envahis-

492 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


santes du souvenir traumatique ; les parties dont le patient désire l’évitement
à tout prix ont été appelées noyaux pathogènes (Van der Hart et al., 2006).
Elles peuvent inclure n’importe quoi, comme tel sentiment, telle sensation
corporelle, une cognition, une croyance (par exemple, je meurs) ou quelque
chose qui a été entendu, vu ou fait. Pour qu’un tel souvenir traumatique
soit complètement intégré, ces noyaux pathogènes doivent être résolus. Bien
sûr, ce n’est pas toujours possible à savoir et donc le thérapeute devrait être
préparé à ce qu’une partie inattendue de la mémoire puisse émerger dans
une séance de synthèse. Par exemple, un patient était centré sur la mémoire
de son père abusant de lui au lit, et soudain émergea alors la conscience de
la présence du plus jeune frère dans la chambre. Il se souvint que le père
les avait fait abuser l’un par l’autre alors qu’il les regardait. Ce souvenir fut
dévastateur pour lui et le maintenait dans une terrible honte parce qu’il se
sentait responsable comme frère aîné d’avoir abusé de son cadet. La honte
a besoin d’être partagée explicitement pendant la synthèse guidée ainsi que
par la suite.

CONCEPT CLÉ

Les souvenirs traumatiques contiennent des noyaux pathogènes, c’est-à-dire des expé-
riences, des émotions, des sensations ou des croyances qui furent les plus accablantes. Il
faut que le patient y ait accès, en prenne conscience et les intègre pour que le traitement
des souvenirs traumatiques soit efficace.

Le thérapeute devrait faire attention dans ses suppositions quant à l’as-


pect le plus difficile d’un événement traumatisant. Beaucoup de patients, par
exemple, rapportent que bien qu’avoir été violé ait été terrible, c’était le sen-
timent d’avoir été totalement seul par après ou d’avoir eu à dire que rien ne
s’était passé qui fut le plus émotionnant et dévastateur.

1.2. La synthèse guidée


La synthèse guidée est un effort planifié collaboratif de réactivation et de
partage contrôlés (voir chapitre 9). La première étape dans la synthèse avec
les patients dissociatifs est de partager le souvenir entre les parties dissocia-
tives, sur le plan cognitif si c’est possible. Il y a habituellement un certain
degré d’amnésie ou un autre manque de réalisation de ce qui est arrivé chez
au moins certaines parties dissociatives du patient. Bien que toutes les parties
ne puissent pas participer au départ, l’entièreté de la personne doit finalement
savoir et accepter qu’un événement lui soit arrivé.

Le traitement du souvenir traumatique : recommandations et techniques 493


CONCEPT CLÉ

La synthèse guidée est le partage planifié et intentionnel d’un souvenir traumatique au


sein des parties dissociatives de telle façon qu’il n’y ait plus d’amnésie de l’expérience
vécue et que le long processus de réalisation puisse débuter.

La synthèse est différente de la reviviscence ou d’un flash-back. Le patient


reste ancré dans le présent et connecté avec le thérapeute tandis que, petit à
petit, il se souvient intentionnellement. À cet égard, le fractionnement ou
des techniques de prise de distance peuvent être nécessaires pour le patient ;
certaines d’entre elles sont décrites ci-dessous.

La synthèse versus l’exposition. Le terme exposition est d’abord et avant


tout une description de la venue à la conscience et de la prise de contact avec
le souvenir traumatique. Cela ne donne pas nécessairement lieu à une inté-
gration. Tout traitement de souvenir traumatique implique par définition au
moins un certain degré d’exposition. Cependant, le mot est plus communé-
ment utilisé pour décrire des approches particulières.
Les thérapies d’exposition traditionnelles (y compris l’exposition prolon-
gée, l’immersion et l’implosion) insistent sur l’importance de revivre le sou-
venir intensément et en détail encore et encore jusqu’à ce qu’il perde son
intensité émotionnelle (p. ex., Foa et al., 2009 ; Foa et Kozak, 1986 ; Foa et
Rothbaum, 1998). Le but principal de la thérapie traditionnelle d’exposition
est de soulager et de diminuer la peur et l’anxiété. Il devrait aussi y avoir une
diminution concomitante des pensées inadaptées et des croyances qui sont
associées à la peur (Foa et Kozak, 1986). Cependant, beaucoup de patients dis-
sociatifs ne peuvent tout simplement pas tolérer des vécus aussi intenses et des
techniques qui n’offrent pas de modulation peuvent donc être destructrices.
Bien plus encore, le cœur de nombreux souvenirs de trauma relationnel
n’est pas la peur mais la honte ou d’autres émotions intenses comme la rage,
la culpabilité, le deuil, la solitude insupportable, la nostalgie ou des conflits
insolubles entre la sécurité et la défense dans l’attachement désorganisé. Les
patients avec TDI exposés à un souvenir ne peuvent peut-être pas ressentir de
la peur mais pourraient s’abandonner au désespoir d’avoir eu un parent abusif
ou parce que tant de choses dans leur vie ont été affectées négativement par
ce qui leur est arrivé. En effet, il n’y a pas d’évidence claire que les approches
d’exposition prolongées seules soient aidantes pour des vécus relationnels
compliqués. Par exemple, dans une étude, une exposition intense à des vécus
de honte a été évaluée par les patients comme n’étant d’aucun secours (Dorahy
et al., 2015) alors que l’intervention la plus efficace était centrée sur la manière
dont le patient gérait la honte.

494 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Finalement, l’exposition à un souvenir traumatique en soi ne garantit pas
que toutes les parties du patient soient conscientes du souvenir ou ne garantit
pas la synthèse. Les patients peuvent être exposés à un souvenir et continuer à
le vivre comme si cela était arrivé à quelqu’un d’autre.

CONCEPT CLÉ

L’exposition n’est pas la synthèse. L’exposition est seulement le début de la synthèse et


ne répond pas au besoin des parties dissociatives de partager les souvenirs.

Le lien et la différenciation. La synthèse implique à la fois le lien (ou


mise en relation) et la différenciation (Van der Hart et al., 1993, 2006). Alors
que les parties partagent ce qui arrivé de leur point de vue (mise en relation),
la personne dans sa globalité peut développer une perspective plus nuancée
et réfléchie sur ce qui est arrivé (différenciation). Par exemple, le patient est
capable de mettre en relation, de relier, des sensations somatiques et des émo-
tions au souvenir et ensuite de différencier le souvenir comme un vécu passé,
et non comme ce qui arrive ici et maintenant. Une partie peut aider à clari-
fier que la peur d’une autre partie d’un monstre dangereux qui vivait dans sa
chambre était en fait une défense contre la prise de conscience que le frère du
patient l’avait abusé. Donc le patient peut alors différencier le fantasme et la
réalité et aider la partie jeune de lui-même à accepter la réalité comme telle.
Une partie bloquée au milieu du souvenir peut entrer en relation avec une
autre partie qui a vécu la fin de la situation, menant à la prise de conscience et
à un grand soulagement de ce que l’événement est terminé. La partie bloquée
au milieu du souvenir peut alors distinguer le passé du présent.
Beaucoup de cliniciens utilisent le modèle CASC (BASK) de la dissocia-
tion comme guide pour s’assurer que tous les aspects du vécu sont inclus dans
la synthèse. BASK est un acronyme qui rassemble comportement (behavior),
affect, sensation et cognitions, croyances ou connaissances (knowledge) (Braun,
1988a, 1988b). Le thérapeute peut aider le patient à savoir ce qui est arrivé à
un niveau cognitif, ce qui était ressenti émotionnellement et corporellement
(y compris tous les sens), et ce qu’étaient les comportements et les actions du
patient comme de l’agresseur . Toutes les composantes CASC devraient être
intégrées.

Le début de la séance de synthèse. Toutes les parties qui participent au


travail du souvenir sont rassemblées, peut-être dans une salle de réunion, ou
sont imaginées dans la séance d’une manière qui est familière au patient. Les
parties qui ne participeront pas, s’il y en a, sont priées de se rendre dans l’es-
pace sécurisé ou calme pour faire une « sieste » ou pour être contenues d’une

Le traitement du souvenir traumatique : recommandations et techniques 495


autre façon. Toutes les questions concernant le travail à suivre sont briève-
ment discutées et le thérapeute s’assure une nouvelle fois que toutes les parties
ont donné leur accord pour ce travail. Le patient peut tenir une pierre ou
n’importe quel objet d’ancrage comme rappel concret au présent.

2. Les techniques spécifiques


Il existe de nombreuses approches des souvenirs traumatiques pour les patients
dissociatifs. Bien qu’il ne soit pas possible de décrire chaque approche en
détail, nous avons essayé de donner des exemples de chacune. Les thérapeutes
sont vivement encouragés à suivre la formation appropriée et la supervision
des approches qu’ils souhaitent utiliser. Sans formation suffisante, le risque de
dommage est sérieux avec les patients dissociatifs, particulièrement dans le
travail avec les souvenirs traumatiques.
• Approches hypnotiques, y compris la thérapie des états du moi :
Boon, 1997 ; Brown et Fromm, 1986 ; Fine, 1993, 1999, 2012 ; Kluft,
1982, 1988a, 1989, 1990a, 1990b, 1992a, 1992b, 1994b, 1996b, 2001,
2013 ; Phillips et Frederick, 1995 ; Steele et Colrain, 1990 ; Van der
Hart, 1991 ; Van der Hart et al., 1993, 2014 ; Watkins et Watkins,
1991, 1997.
• Approches EMDR : Fine et Berkowitz, 2001 ; Gelinas, 2003 ; Gonzalez
et Mosquera, 2012 ; Knipe, 2009a, 2009b, 2014 ; Lazrove et Fine,
1996 ; O’Shea, 2009 ; Paulsen et Lanius, 2014 ; Twombly, 2000 ; Van
der Hart et al., 2014.
• Combinaison d’hypnose et d’EMDR : Beere, Simon et Welch, 2001 ;
Fine et Berkowitz, 2001 ; Forgash et Copeley, 2007 ; Forgash et Knipe,
2008 ; Paulsen et Lanius, 2014
• Approches somatiques : Fisher, 2011 ; Levine et Frederick, 1997 ;
Ogden et Minton, 2002 ; Ogden et al., 2006 ; Ogden et Fisher, 2015.

Les entrées dans la mémoire traumatique sont innombrables. La plus évi-


dente est une prise en compte cognitive de la mémoire. On peut deman-
der aux patients de se rappeler un souvenir et juste noter ce qui arrive au
moment où ils accèdent au souvenir. Parfois, une partie distincte commen-
cera à participer avec d’autres parties ou peut-être à une petite distance.
N’importe quel type de sensation corporelle peut être utilisé : « Si vous res-
sentez cette constriction dans la poitrine, permettez à votre esprit de retour-
ner à ce temps où vous la ressentiez si fortement et prenez note de ce qui
vous arrive ensuite. » Les approches sensorimotrices utilisent les entrées
somatiques (Ogden et Minton, 2002 ; Ogden et al., 2006 ; Ogden et Fischer,
2015) comme les approches EMDR (p. ex., Gonzalez et Mosquera, 2012 ;
Frewen et Lanius, 2015).

496 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


John Watkins (1971) a développé une technique hypnotique appelée le
Pont d’Affect. Avec cette technique, le patient cible un affect particulier,
peut-être la peur, et suit l’émotion en remontant le temps jusqu’au moment
où elle fut ressentie dans le passé (durant le souvenir traumatique) comme si
l’émotion constitue un pont pour le patient pour aller du présent au passé. La
technique EMDR du Float Back (Shapiro, 1994, 1996) est basée sur la tech-
nique du Pont d’Affect et peut être utilisée de la même façon.

2.1. La distance optimale vis-à-vis du souvenir


Les techniques d’exposition imaginaire encouragent le patient à vivre l’inten-
sité complète du souvenir. Cependant, la plupart des patients dissociatifs sortent
rapidement de leur fenêtre de tolérance ou s’engagent dans davantage de disso-
ciation comme le switch d’une partie vers une autre pendant ce type d’exposi-
tion. Le thérapeute a donc besoin d’une diversité d’abords pour aider le patient
à s’approcher d’un souvenir avec une modulation lente et prudente, en construi-
sant une tolérance pour le vécu et le maintien dans le présent. Les techniques de
prise de distance incluent d’abord l’imagerie qui aide le patient à ressentir une
distance plus physique et émotionnelle d’un souvenir traumatique.

La technique de l’écran. Le souvenir traumatique peut être observé sur un


petit écran par les parties du patient qui participent à la séance de synthèse.
Le patient, comme partie adulte, pourrait imaginer une pièce ou un théâtre
dans lequel les parties sont assises à bonne distance de l’écran. Elles peuvent
avoir une télécommande qui contrôle l’image sur l’écran. Elles peuvent arrê-
ter, avancer, reculer ou geler l’image et changer de canal si elles en éprouvent
le besoin. Elles peuvent enlever les couleurs ou le son ou brouiller l’image si
nécessaire pour diminuer l’intensité.

L’écran divisé. La technique de l’écran divisé (p. ex., Kluft, 2013 ; Spiegel,
1981 ; Spiegel et Spiegel, 1978) comprend deux écrans côte à côte, l’un qui
montre un souvenir traumatique et l’autre une image d’un lieu sécurisé et
serein. Si le patient devient trop dérégulé, l’image sécurisée est superposée et
efface le souvenir traumatique. Cela procure une sorte de balancement entre
la régulation et la dérégulation (Levine et Frederick, 1997).

D’autres techniques de prise de distance. Les parties du patient peuvent


s’imaginer en train de regarder le souvenir par le mauvais bout de jumelles ou
d’un télescope de telle façon qu’il semble à une grande distance. Les parties
jeunes bloquées au temps du trauma peuvent regarder le souvenir à travers les
yeux de la partie adulte du patient, en s’asseyant sur ses genoux et en étant
tenu par celle-ci ou encore à travers le regard d‘une figure idéale.

Le traitement du souvenir traumatique : recommandations et techniques 497


2.2. L’attention duelle
Le thérapeute a besoin de s’assurer que toutes les parties du patient qui sont
impliquées dans une séance de synthèse sont ancrées dans le présent (tandis
que d’autres parties sont mises à part, en sécurité). Cela peut inclure l’encou-
ragement de la pleine conscience pendant le rappel des souvenirs trauma-
tiques (Walser et Hayes, 2006) ou l’aide au patient pour s’engager dans ce que
Shapiro (2001) appelle l’attention duelle simultanée au passé et au présent. Ce
centrage duel aide à empêcher le patient d’être complètement absorbé dans le
souvenir, ce qui peut être retraumatisant.
L’attention duelle à « ici et maintenant » et « alors et là » aide le patient
à faire l’expérience de la présence du thérapeute, ce qui crée une certaine dis-
tance avec la reviviscence. C’est une aide pour le patient à observer le souvenir
plutôt que d’être complètement bloqué dans ce souvenir. Donc, le patient sait :
« Je me souviens et je suis ici, même si je vis l’intensité du souvenir. » Être dans
le présent aide le patient à rester dans sa fenêtre de tolérance.
La clé pour l’utilisation du dosage est de s’assurer d’une distance optimale
afin que le patient puisse tolérer l’expérience, mais pas trop grande afin que les
aspects saillants du souvenir ne continuent pas à être évités. En effet, beaucoup
de patients, spécialement les parties dissociatives qui fonctionnent dans la vie
quotidienne, sont très forts pour faire le récit détaillé de leur trauma mais d’une
manière entièrement dépersonnalisée de telle façon qu’ils continuent à être en
proie à des flash-back et à d’autres symptômes de l’intégration en train d’échouer.

2.3. Les techniques de dosage


Il existe d’innombrables techniques pour soutenir le travail d’un souvenir trau-
matique à petites doses croissantes. Quelques-unes sont décrites ci-dessous.

La connexion avec le thérapeute dans le présent. La relation thérapeu-


tique est l’aspect d’ancrage et de régulation le plus important dans le travail
avec le souvenir traumatique.

Les unités subjectives de détresse (SUDs). Les patients peuvent noter


leur niveau de détresse sur une échelle de 1 à 10. « À combien estimez-vous
votre calme et votre présence ? À quel chiffre devrions-nous nous arrêter ?
Est-ce que les parties de vous ont différentes expériences des SUDs ? Si c’est
le cas, arrêtons-nous lorsque la partie de vous la moins capable de tolérance
atteint sa limite. »

Le rhéostat. Les patients peuvent imaginer un rhéostat ou un thermomètre


avec lequel ils peuvent diminuer les émotions ou des sensations particulières.

498 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Cette technique requiert une certaine pratique avant d’être utilisée avec un
sentiment intense. Elle peut être couplée avec une relaxation et des tech-
niques de respiration qui aident le patient à se calmer.

Le balancement. Le patient peut être aidé à diriger son attention, de l’un à


l’autre, entre les sensations de régulation et dérégulation (Levine et Frederick,
1997). « Prenez note seulement du sentiment de sécurité dans l’ici et main-
tenant ainsi que de ma présence avec vous. Maintenant, prenez note d’une
petite sensation de peur. Dirigez votre attention de façon alternative, comme
un pendule, entre le sentiment de sécurité et le sentiment de peur et observez
ce qui arrive. » Le patient peut aussi imaginer tracer une voie entre les sensa-
tions positives et négatives sous la forme du symbole de l’infini (∞) qui s’ajoute
dans une stimulation bilatérale.

L’espace de sécurité, de calme ou de guérison. Pendant les interruptions


dans la synthèse, les parties peuvent imaginer regagner leur espace de calme et
se reposer en se ressourçant et en se remplissant de compassion, de sécurité, de
calme, de sérénité, d’apaisement et de soins.

La mise entre parenthèses. Un souvenir peut être mis entre parenthèses


avec un souvenir positif qui est survenu avant l’événement et un autre survenu
après (ce dernier peut être dans le présent) de telle façon que le patient sait
qu’il y a un début et une fin, c’est fini et cela commence et finit avec une expé-
rience positive.

Les distorsions temporelles. Les distorsions temporelles sont des tech-


niques hypnotiques qui perturbent le sens de la chronologie du patient.
L’orientation dans le temps est généralement perdue pendant les événe-
ments traumatiques et les souvenirs traumatiques sont ressentis comme s’ils
n’avaient pas de fin (Van der Hart et Steele, 1997). Certaines techniques
peuvent aider en mettant en relation le patient avec la fin d’un événement
pour qu’il sache qu’il est terminé. Cependant, le thérapeute devrait être
certain que la fin d’un événement ne mène pas au début d’un autre. Par
exemple, une patiente évoquait un moment où son père abusait d’elle. Le
père qui quittait la chambre signifiait la fin logique de l’événement. Cepen-
dant, dans ce cas, un moment plus tard, la mère de la patiente entra dans la
chambre et la battit fortement pour avoir « séduit » le père. La « fin » réelle
ne se situe donc pas après son viol mais après que la mère l’ait trahie et battue
jusqu’à la laisser inconsciente.
Ancrer la fin d’un événement. Le thérapeute peut faciliter l’orientation dans
le temps du patient en aidant toutes les parties à être conscientes de la fin d’un

Le traitement du souvenir traumatique : recommandations et techniques 499


événement avant que ne démarre la synthèse. Par exemple, le thérapeute pour-
rait dire quelque chose comme « Vous êtes ici et maintenant de telle façon
que votre esprit, une certaine partie de votre esprit sait parfaitement bien que
l’événement a pris fin. Il est arrivé un moment, un moment précis dans le
temps où vous avez su dans une partie de votre esprit que c’était terminé. Ce
moment dans le temps peut être un ancrage et lorsque vous vous souvenez,
cela vous rappellera que vous êtes ici et maintenant et pas alors. Cette pièce,
votre personnalité adulte et ma présence avec vous vous permettent et à toutes
les parties de vous de savoir avec une certitude absolue que c’est réellement
terminé ; et de savoir que vous et toutes les parties de vous ont survécu et
peu importe où vous vous trouvez dans votre mémoire, ces faits vous accom-
pagnent et vous ancrent. Savoir que c’est fini et être ici et maintenant sont
des compagnons fidèles qui vous offrent le soutien et la confiance dans votre
remémoration. Prenez seulement un moment pour vous souvenir et ressentez
cela dans tous les recoins de votre esprit et de votre corps, dans toutes les par-
ties de vous-même. »
Bien sûr, dans le trauma chronique, la fin d’un événement n’annonce pas
la fin de l’abus. Le thérapeute pourrait aussi ajouter une mise en relation plus
définitive au présent comme « Même si vous tenez pour certain que l’événe-
ment est terminé, vous êtes aussi consciente d’ici et maintenant avec moi, que
tous les moments où vous avez été blessée sont terminés. C’est la fin après la
toute fin où vous n’êtes plus blessée. C’est ici et maintenant, où c’est sécurisé et
où vous n’êtes plus vulnérable ou blessée. Laissez votre esprit, votre corps tout
entier, toutes les parties de vous, ressentir et sentir et tenir pour certain que le
passé, tout le passé, est terminé et que vous êtes dans le présent. »

&YFNQMFEFDBTEVOEÏCVUEFTZOUIÒTF
BWFDMBfin EVOÏWÏOFNFOU-VDJF

Lucie, une patiente avec un TDI et une histoire d’abus particulièrement horrible, avait
besoin d’intégrer un souvenir traumatique qui incluait la croyance qu’elle allait mourir
(pendant le trauma). Lucie pensait qu’une partie enfant était morte quand elle perdit
connaissance durant l’abus et était donc catégorique dans son refus d’effectuer la
synthèse guidée, croyant que cette partie mourrait chaque fois qu’elle revivrait
l’événement. Le thérapeute fut capable de s’arranger avec les autres parties de telle
sorte qu’elles pourraient synthétiser d’abord la façon dont cet événement avait pris fin,
ce qui incluait, bien sûr, un sentiment puissant que la patiente avait survécu au supplice.
Suite à une synthèse réussie de la fin de l’expérience, le travail put en effet être réalisé
sans le vécu de la « mort » au préalable.

La contraction temporelle. Dans certains cas, l’accélération de l’orientation


dans le temps aide ou peut aider pendant la synthèse, spécialement si le patient
se rappelle un événement traumatique qui a duré pendant une longue période ;

500 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


par exemple, un viol répété et une violence qui sont survenus pendant plu-
sieurs jours. Le thérapeute peut suggérer quelque chose comme « Si vous vous
souvenez, vous réaliserez que la durée de l’événement semble très courte, si
courte qu’elle est comparable au battement d’un cil, il semble que ça s’est passé
il y a longtemps. Vous avez seulement besoin de vous concentrer sur ce que
vous avez le plus évité à propos de ce souvenir, la partie qui était la plus difficile
pour vous. Il n’est pas nécessaire de connaître chaque détail. Seulement ce que
vous avez évité. Si vous vous souvenez, vous avez la capacité de contrôler le
temps écoulé, comme les aiguilles d’une horloge qui bougent de plus en plus
vite, de telle façon que les heures semblent être des minutes et les minutes des
secondes et les secondes si brèves que vous pouvez savoir et vous rappeler tout
ce dont vous avez besoin juste en quelques courts moments qui sont à peine
notables dans le passage du temps. Souvenez-vous que vous avez seulement
besoin de savoir, d’accepter et de réaliser ce que vous avez évité, ce qui était le
plus difficile pour vous. »
L’expansion du temps. Ralentir l’orientation dans le temps peut aider durant
les interruptions quand le patient se repose ou imagine un espace sécurisé,
ce qui donne au patient le sentiment d’une récupération tranquille. Ce thé-
rapeute peut dire quelque chose comme « Alors que vous prenez un repos
bien mérité après un travail bien fait, alors que vous vous reposez dans votre
magnifique chez-vous, observez juste comment vous commencez à ressentir
la relaxation et une plénitude, bénéficiant de confort et de sollicitude, dans
la sécurité et la subsistance ici pour vous. Vous enveloppant, vous entourant,
chaque partie de vous, chaque coin de votre esprit et de votre corps. Dans les
tout prochains moments, vous pouvez prendre tout le temps dont vous avez
besoin. Les secondes de repos et de ressourcement vous sembleront de très lon-
gues minutes, comme si l’horloge… s’était… ralentie… tout doucement. Les
minutes ont ralenti comme… de… longues… heures… tranquilles. Ces heures
de confort et de sollicitude semblent être de longs… jours… tranquilles. Jours
et semaines, mois et années, aussi longs qu’il vous est nécessaire et que vous le
souhaitez, prenez du repos et ressourcez-vous, dans le confort et la sollicitude,
la sécurité et la sérénité. »

Le fractionnement. Beaucoup d’approches insistent sur la nécessité de


petites doses de souvenir chez les patients dissociatifs. En plus de maintenir
une attention duelle, une certaine modulation est souvent indispensable. Cela
peut venir sous forme de divers types de fractionnement. Le fractionnement a
été décrit pour la première fois à la fin du xixe siècle par Oskar Vogt. Cette tech-
nique avait pour intention l’approfondissement de la transe par une émergence
rapide et répétée et ensuite la réinduction d’une transe (Kroger, 1977), mais ce
n’était pas une méthode pour traiter les souvenirs traumatiques. La technique
de l’abréaction fractionnée pour traiter les souvenirs traumatiques chez les

Le traitement du souvenir traumatique : recommandations et techniques 501


patients dissociatifs a été décrite pour la première fois par Kluft (1982b, 1990a)
qui a aussi décrit une variante appelée la technique de la fuite lente (Kluft, 1982,
2013). Elle a été réélaborée par la suite (Fine, 1991, 1993, 1999 ; Kluft, 2012,
2013 ; Paulsen et Lanius, 2014 ; Van der Hart et al., 1993, 2006). Depuis, elle
a été utilisée avec de nombreuses variations pour aider les patients à intégrer
les souvenirs traumatiques de manière pacifiée, ce qui prévient le débordement
émotionnel pour ces patients. Cependant, dans la ligne de notre insistance sur
la synthèse et la prise de conscience, nous l’avons appelée la synthèse guidée
fractionnée (Van der Hart et al., 1993, 2006).
Au cours de la synthèse, les techniques de fractionnement peuvent ainsi
limiter pour le patient la durée d’expérience du souvenir à 10 ou 15 ou
30 secondes. Elles peuvent limiter la quantité d’expériences à un petit pour-
centage d’une durée donnée en lieu et place d’une pleine intensité.
Limiter la quantité de temps consacrée à l’expérience du souvenir peut être
atteint en se mettant d’accord sur une certaine durée, de 15 ou 30 secondes,
suivie de repos et ainsi de suite, autant qu’il est nécessaire. La durée peut être
augmentée au besoin et peut être limitée à de très courtes périodes de temps en
débutant, par exemple par 10 secondes ou même moins. Cela donne au patient
un sentiment de maîtrise pour faire face sur de plus longues périodes.
Le thérapeute peut aussi utiliser diverses méthodes de comptage, ce qui
inclut que le thérapeute compte à voix haute jusqu’à un nombre préalablement
convenu avec le patient visualisant le trauma (Greenwald, 2013 ; Johnson et
Lubin, 2006 ; Ochberg, 1996 ; Van der Hart et al., 1993, 2006). Le comptage
progressif (Greenwald, 2013) prévoit que le patient visualise progressivement
une série « des films » du trauma plus longs, alors que le thérapeute compte à
voix haute, en commençant de 1 à 10, puis de 1 à 20, puis de 1 à 30 et ainsi de
suite. Cependant, lorsque cette méthode est utilisée avec des patients dissocia-
tifs, il faut avoir au préalable une décision sur les parties qui vont participer.
Il existe de nombreuses variantes de l’expérience de fractionnement :
• Un segment de la mémoire, par exemple, le tout début ou la fin et
rien de plus. Van der Hart et al. (1993) a décrit une variante rapide
de la synthèse dans laquelle l’expérience traumatique est divisée en un
nombre élevé de petits segments (p. ex. 1 à 5 ou 1 à 10). C’est réalisé en
collaboration avec le patient qui détermine combien chaque segment
devrait inclure. Le thérapeute dit : « Quand vous serez prêt, hochez la
tête. » Une fois que le patient est prêt, le thérapeute dit : « D’accord,
on commence. Un, partagez ce segment de souvenir l’un avec l’autre.
Deux, partagez le segment suivant et ainsi de suite… » La vitesse de
comptage est ajustée aux besoins du patient à ce moment particulier. Le
thérapeute continue à compter, en encourageant les parties du patient
à partager l’expérience, à en faire un tout entier, à les mettre ensemble.
Après le décompte final, le thérapeute dit Stop ! Des suggestions sont

502 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


alors données pour le repos et la récupération pendant de nombreuses
minutes en gardant tout le long le contact avec le thérapeute ainsi
qu’un un ancrage dans le présent. Cela peut être répété autant de
fois que nécessaire. Le thérapeute peut demander après chaque tour :
« Combien [en donnant un pourcentage] a été maintenant partagé ? »
Un niveau SUD peut aussi être évalué avant et après chaque tour.
• Un pourcentage ou une petite quantité d’intensité d’un segment ou la
mémoire entière (p. ex., un pour cent seulement, une goutte de l’océan,
quelques gouttes, une cuillère à thé remplie).
• Une partie spécifique ou un groupe de parties, tandis que d’autres sont
gardées en sécurité ; par exemple, seulement les parties de vous qui
étaient présentes à la fin.
• Les noyaux pathogènes – les pires aspects de l’événement sont souvent
dévastateurs pour le patient et ont donc été fortement évités ; par exemple
« Je ne pouvais pas respirer quand il m’étouffait. Ma mère riait quand il me
violait. Je ne pouvais supporter l’odeur et le goût. Je savais que j’étais en
train de mourir. Je devais faire comme si j’y prenais plaisir mais j’étais en
train de mourir en dedans de moi. Je ne pouvais hurler mais je ressentais
tellement de douleur que je ne pouvais le supporter. Je savais que c’était
sans espoir et que je ne pouvais m’échapper. J’étais faible. J’aurais dû me
débattre. J’étais une sale petite fille pour faire ces trucs. »
• La connaissance – elle inclut ce qui s’est passé, c’est-à-dire les faits
comme le patient les perçoit et ce que le patient pense à ce moment-là.
• L’émotion – ce que le patient a ressenti ; par exemple, triste, effrayé,
honteux, en colère. Une émotion spécifique peut être ciblée à un
moment ; par exemple, la peur et non la rage.
• La sensation – ce que le patient a éprouvé dans son corps ; par exemple,
l’excitation sexuelle, la douleur, la chaleur, le froid, la sidération ou
la paralysie. Une sensation à la fois peut être ciblée ; par exemple, la
douleur mais non l’excitation sexuelle. Cela inclut aussi les sensations
en relation avec le toucher et le fait d’être touché par un autre ou par
quelque chose de l’environnement ; par exemple, la dureté des fauteuils
ou la pomme de pin qui s’enfonçait dans le dos du patient. La synthèse
guidée de la douleur extrême a souvent besoin d’être fractionnée, par
exemple, à un pour cent à un certain moment.
• La vue – ce que le patient a vu ; par exemple, l’émotion exprimée sur
le visage de l’agresseur (« Elle ressemblait à un animal sauvage, com-
plètement folle et dans le vague ») ; une menace (« J’ai vu un cou-
teau dans sa main et je me suis figé ») ; un certain comportement (« Je
l’ai vu défaire sa ceinture et j’ai su que quelque chose de terrible allait
arriver »).

Le traitement du souvenir traumatique : recommandations et techniques 503


• L’ouïe – ce que le patient a entendu est souvent un composant impor-
tant de la synthèse. Par exemple, « Je l’ai entendu lécher et cela m’a
dégoûtée ; je l’ai entendu armer le revolver et j’ai su que j’étais mort. »
Un des aspects les plus importants du souvenir traumatique est souvent
ce que l’agresseur a dit au patient au cours de l’événement. Il est indis-
pensable d’y avoir accès, particulièrement toutes les assertions sur la
faute du patient ou les menaces ; par exemple, « Tu es si belle, c’est à
cause de toi que je l’ai fait ; Tu es une putain ; C’est notre petit secret ;
Ne t’avise pas de dire quelque chose ou alors je te tue (ou ton chien, ou
ta sœur ou ta mère) ; Si tu dis quelque chose de tout ceci tu le regret-
teras pour le reste de ta courte vie ; Je t’observerai et je saurai ce que
tu diras. »
• L’odorat – c’est un sens essentiel à travailler car il est directement lié
à l’émotion de la répugnance olfactive, à la honte et au sentiment de
dégoût qui peut maintenir la honte si ce n’est pas intégré.
• Le goût – comme l’odorat, le mauvais goût est intimement lié à la honte
et au dégoût et il doit être mis au travail pour intégrer complètement
le souvenir.
• Le comportement – ce que le patient et l’abuseur ont fait ou non.

Bien sûr, l’entièreté de la mémoire a finalement besoin d’être synthétisée


et réalisée mais le fractionnement permet une approche gérable et séquentielle
qui est tolérable pour le patient. L’idée est de commencer avec un épisode frac-
tionné très réduit et relativement mineur pour donner au patient une maîtrise
et aller vers un matériel progressivement plus difficile. Ce qui ne fait aucun
doute, c’est que le thérapeute a besoin de collaborer avec le patient pour déter-
miner l’équilibre idéal de fractionnement, ni trop ni trop peu. Et le thérapeute
devrait faire attention à ne pas être trop occupé à utiliser des techniques créa-
tives au point que la connexion relationnelle ou l’attention à ce qui se passe
avec le patient soit perdue sur le moment.

2.4. Finir la séance de synthèse


Après les deux tiers de la séance de synthèse, le thérapeute devrait aider
le patient à terminer le travail, l’ancrer dans le présent et contenir tous les
aspects non résolus du souvenir jusqu’à la prochaine fois. Le dernier tiers de la
séance est centré sur l’ancrage, la contenance et la connexion avec le patient,
en aidant les parties à se réconforter l’une l’autre, et sur certaines prises de
conscience mineures guidées. Parfois, la dernière partie de la séance pourrait
inclure une appréciation cognitive du travail mais le thérapeute doit être pru-
dent à ne pas réactiver le patient. Le thérapeute devrait toujours demander
ce dont le patient et toutes les parties ont besoin et ce qu’elles vivent après la
synthèse de manière à s’assurer qu’une partie n’est pas bloquée dans le souvenir

504 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


et que le patient n’est pas perdu ou débordé. Certaines questions générales sur
la réalisation peuvent être posées comme : « Maintenant que vous vous sou-
venez, qu’avez-vous appris de vous-même ? Pouvez-vous vérifier à l’intérieur
de vous et examiner comment vont toutes vos parties ? Y a-t-il quelque chose
qu’une partie de vous veuille dire à propos de ce dont vous vous êtes souvenu
aujourd’hui ? »
Le patient peut être encouragé à commencer à prendre soin de lui-même
de façon adéquate et à prendre du temps pour la réflexion pour autant qu’il le
tolère. On peut, si besoin, lui rappeler également un plan de sécurité qui a déjà
été mis en place. Le thérapeute peut aider le patient à trouver un équilibre
entre le besoin d’un temps seul pour prendre davantage conscience du souvenir
et de toutes ses significations et celui d’un temps passé avec d’autres personnes
bienveillantes, ce qui procure soutien relationnel et guérison ou cicatrisation.
Beaucoup de patients disent à quel point ils se sentent très seuls au cours du
travail sur les souvenirs, car il ne semble pas approprié d’en partager les détails
avec d’autres à l’exception du thérapeute. C’est en effet une aventure solitaire
et cela fait partie de la réalisation. Cependant, le thérapeute peut rappeler aux
patients que le méta-partage est très efficace. Par exemple, on peut les encou-
rager à dire quelque chose comme : « Je pourrais avoir besoin de ton soutien
parce que je traverse un moment difficile pour l’instant ; Je travaille quelques
aspects douloureux » ; ou « Je me sens réellement seul et triste et ça m’aiderait
beaucoup si nous pouvions passer un peu de temps ensemble aujourd’hui. » Pas
besoin de donner des détails, le message essentiel d’avoir besoin de soutien et
de connexion peut être partagé.

La contenance. En général, n’importe quelle partie non partagée d’un sou-


venir traumatique qui persiste devrait être synthétisée dans les séances futures
de telle façon que l’entièreté de la mémoire puisse être reléguée en paix dans
le passé. Le patient peut être encouragé à imaginer un certain type de stockage
ou de contenant où placer le souvenir ou les aspects non intégrés du souvenir
comme les émotions, sensations et ainsi de suite. Si possible, le patient devrait
développer une imagerie de contenance et cela peut avoir déjà été mis en
place pour contenir les flash-back (voir précédemment l’action sur les flash-
back pour des exemples d’imagerie de contenant).
Diverses parties, au besoin, peuvent se rendre dans un endroit sécurisé ou
calme et peuvent même avoir un sommeil récupérateur et profond par la suite.
Kluft (1982, 1990b, 1994b, 2012, 2013) a décrit la technique hypnotique de la
fuite lente, dans laquelle il suggère que tous les aspects non intégrés de la mémoire,
comme la douleur en cause, peuvent être divulgués aussi lentement que néces-
saire pour que toutes les parties puissent le tolérer. Cette technique peut être
particulièrement aidante lorsqu’il y a clairement une expérience non intégrée à
la fin de la séance de synthèse. Aussi utile que puisse être le confinement, il ne

Le traitement du souvenir traumatique : recommandations et techniques 505


peut certainement pas toujours être maintenu, et cette technique anticipe alors
le problème et mène à une situation de maîtrise potentielle (Kluft, 2013).

2.5. La réalisation guidée


La réalisation guidée est le processus thérapeutique qui a lieu lorsque les patients
sont aidés à prendre conscience de leur histoire, à faire le deuil des pertes et à
aller de l’avant. À la suite des séances de synthèse, le thérapeute aide le patient à
se centrer sur davantage de prise de conscience et sur l’intégration qui y est liée.
Quelles sont les croyances qui sont changées ou mises à l’épreuve ? Qu’est-ce qui
est différent pour les diverses parties ? Comment les parties pourraient-elles se
connecter plus efficacement maintenant que la phobie du souvenir traumatique
est résolue ? Comment le patient pourrait-il s’adapter différemment et être en
relation avec les autres sous de nouvelles modalités ? Comment la vie va-t-elle
changer maintenant que le patient n’est plus mené par la honte et la peur ?
La réalisation du trauma infantile implique un énorme sentiment de perte ;
des changements de croyances sur soi, les autres et le monde ; un changement des
comportements dans le présent. Les parties qui ont toujours été effrayées ou hon-
teuses auront maintenant besoin de prendre de nouveaux risques pour être dans
le monde du présent. Les parties qui ont toujours renié le trauma doivent main-
tenant réfléchir à la façon dont l’appropriation de ce qui est arrivé pourrait faire
une différence dans le présent. Les parties qui se sont toujours défendues contre
le souvenir ont maintenant besoin d’une autre attention. L’intégration du souve-
nir traumatique implique pour les parties une moindre nécessité à rester séparées.
Les parties du patient peuvent naturellement s’intégrer ou s’approcher davantage.
(Nous discuterons l’intégration des parties dissociatives au chapitre 22.)

2.6. Faire le deuil


Réussir la traversée du deuil est essentiel, c’est une tâche majeure non seulement
en Phase 2 mais aussi en Phase 3 (voir chapitre 23). Les patients font le deuil aussi
bien de ce qui leur est arrivé que de la perte des fantasmes idéalisés de leur famille.
Certaines parties peuvent avoir eu des versions vraiment irréalistes de leur enfance
et peuvent se sentir ravagées tandis que d’autres parties sont davantage capables
d’accepter la réalité de ce qui fut. Certaines parties sont soulagées de savoir fina-
lement que le trauma est terminé tandis que d’autres parties sont sous le choc,
réalisant seulement que le trauma est vraiment arrivé, ou leur est arrivé à elles. Le
thérapeute peut encourager toutes les parties à rester ensemble à éprouver de la
compassion et parler du sens de ce qui est arrivé et comment le présent peut être
différent maintenant que le souvenir a été accepté et progressivement intégré.
Dans le processus de deuil, les patients doivent être capables de rester
connectés avec ce qui est bon pour leur vie dans le présent même s’il ne s’agit

506 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


que de réjouissances, de petits plaisirs ou d’une gratitude d’être en vie. La mise
en relation d’émotions et d’expériences positives au moment du deuil en cours
est un pas très important dans l’avancement du processus avec davantage
d’énergie dirigée vers le présent que vers le passé.

2.7. Exemples de synthèse guidée


Beaucoup de patients sont débordés par les moindres tentatives de traiter
directement les souvenirs traumatiques, tandis que d’autres sont plus à l’aise
avec des périodes courtes et répétées de stabilisation suivies d’incursions limi-
tées dans le travail sur les souvenirs. Certains patients semblent se trouver au
mieux lorsque le thérapeute est capable de travailler avec des parties spéci-
fiques au-delà des barrières dissociatives de telle façon que les parties adulte
puissent continuer à fonctionner relativement bien dans la vie quotidienne.
Les souvenirs ne seront partagés que plus tard entre toutes les parties du patient
lorsque la capacité intégrative des parties adulte a augmenté et que les parties
fixées au temps du trauma sont stabilisées,

CONCEPT CLÉ

Il n’y a pas une seule bonne voie pour aider les patients dissociatifs à intégrer les souvenirs
traumatiques et chaque patient peut avoir besoin de différentes approches. Dans chaque cas,
le thérapeute doit collaborer avec les patients pour trouver ce qui fonctionne pour eux plutôt
que d’essayer de traiter les souvenirs traumatiques avec une seule technique ou approche.

Certains patients avancent bien lorsque des groupes de parties travaillent


initialement sur les souvenirs traumatiques avant de partager les souvenirs
avec d’autres parties. (Toutefois, les souvenirs traumatiques appartiennent à
la personne dans son ensemble et ce sont toutes les parties qui doivent finale-
ment en prendre conscience et les intégrer.)
D’autres ont besoin d’une érosion progressive des barrières entre les parties
dissociatives de telle façon que les souvenirs soient partagés par toutes les par-
ties lentement et progressivement. Comme l’évoquait une patiente : « Je prends
conscience lentement comme une légère pluie de printemps qui pénètre petit à
petit dans le sol. » Elle se disait de plus en plus souvent : « Mon père m’a violée »,
tout en s’abstenant de reconnaître les détails. Sur une longue période de temps, elle
pouvait progressivement raconter une histoire spécifique et rester présente avec
toutes les parties participantes. De cette façon, elle intégra la signification globale
du trauma avant qu’elle ne s’occupe des détails. En d’autres mots, elle fit des progrès
dans la réalisation avant qu’elle ne soit capable d’accepter complètement et de
connaître les composantes émotionnelles, cognitives et sensorimotrices de certains
souvenirs. Pour d’autres patients, c’est l’opposé.

Le traitement du souvenir traumatique : recommandations et techniques 507


La synthèse en dehors des séances. Quelques patients travaillent princi-
palement leurs souvenirs traumatiques principalement eux-mêmes et ne les
amènent en thérapie que lorsqu’ils sont bloqués ou après les avoir intégrés.
Pas mal de personnes sont de plus en plus capables de travailler leurs souve-
nirs par elles-mêmes à mesure que la Phase 2 progresse et qu’ils ont davantage
confiance en leur habilité à aborder leurs souvenirs.

Les approches additionnelles. Certains patients ont trouvé que l’EMDR stan-
dard les avait aidés, tandis que d’autres n’aiment pas la stimulation bilatérale ou
décompensent sauf si des approches beaucoup plus titrées sont utilisées comme le
bout du doigt (Gonzalez et Mosquera, 2012). Des techniques hypnotiques sont très
aidantes pour la plupart des patients et, en fait, les approches les plus titrées s’ap-
puient sur ces techniques qu’elles soient reconnues ou non comme telles.

Les thérapies créatives. Certains patients ont besoin de parler de leurs


souvenirs tandis que d’autres les intègrent mieux à travers certains types d’art,
ce qui n’oblige pas le patient à utiliser la parole. Cela devrait être fait en col-
laboration avec un art-thérapeute de façon à aider le patient à rester contenu.

2.8. Autres questions liées à la synthèse


Bien que les thérapeutes soient fortement encouragés à aider les patients
à rester dans le présent quand ils abordent les souvenirs traumatiques, en
réalité un certain nombre de patients ne peuvent pas le faire pleinement,
mais sont quand même capables d’intégrer leurs souvenirs avec du soutien.
Certains patients ne retrouveront jamais des souvenirs précis et doivent
apprendre à se satisfaire avec un récit et une prise de conscience plus
généraux – « quelque chose de mauvais m’est arrivé et cela m’a effrayé et
blessé » – sans jamais savoir les détails de ce qui est arrivé. Certains patients
ne sont jamais capables de gérer leurs souvenirs traumatiques ou pas tous les
souvenirs : la capacité intégrative peut faire défaut ou les patients sont trop
en contradiction ou encore ils restent dans l’évitement pour pouvoir effec-
tuer le travail de la Phase 2.

2.9. Exemples de cas de prise de conscience que le trauma


est terminé sans qu’il y ait traitement des détails
Un des auteurs (Kathy) a traité trois cas, deux TDI et un trouble dissociatif aty-
pique, dans lesquels la plupart des parties dissociatives enfant étaient capables
d’intégration moyennant une aide à être présentes. Elles ont réalisé que le
trauma était terminé et d’avoir maintenant des vies d’adultes tout à fait hono-
rables sans avoir à entrer dans les détails de ce qui leur est arrivé. Chacune de

508 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


ces trois patientes a atteint une intégration complète et elles se portent bien
avec un recul de 10 à 14 ans après la fin de la thérapie. Par ailleurs, certains
patients ont besoin d’entrer dans les plus petits détails pour intégrer leurs sou-
venirs traumatiques.

&YFNQMFEFDBTPáUPVUFTMFTQBSUJFTQBSUJDJQFOU
ËVOFTÏBODFEFTZOUIÒTF&EEZ

Eddy, un patient très performant, avec un trouble dissociatif atypique, avait établi une
excellente coopération et communication entre la majorité de ses parties dissociatives
en utilisant son propre concept spirituel de totalité et d’unité comme un paradigme
de restructuration empathique de son monde intérieur. Après 18 mois de stabilisation,
il s’est senti prêt pour l’approche d’un souvenir très douloureux et honteux d’abus
sexuel par une tante, où ils furent pris sur le fait et pour lequel il fut blâmé. Il imagina
toutes ses parties assises dans la pièce de la thérapie. En utilisant cette image, il donna
une pierre à chaque partie comme signe de rappel du présent et ensuite chaque partie
fit part d’une partie du souvenir aux autres parties.
Tout au long de la séance d’Eddy, une échelle d’unités subjectives de perturbation
(SUDs) de 0 à 10 fut utilisée afin qu’il puisse indiquer le niveau de stress du point de
vue de n’importe quelle autre partie de lui-même. Ceci permit au thérapeute et au
patient, en étroite collaboration, de maintenir un niveau d’activation supportable pour
toutes les parties. Pendant la synthèse, le patient eut d’intenses sentiments et sensations
mais pas au-delà de ce que chaque partie put tolérer. À la fin de la séance, toutes les
parties en étaient arrivées à reconnaître : « Cela m’est arrivé et ce n’était pas ma faute,
même si j’ai été blâmé. »

&YFNQMFEFDBTEFUSBJUFNFOUEVOTPVWFOJSUSBVNBUJRVF
EBOTMBQTZDIPTFEJTTPDJBUJWF$FMJB

Celia, une patiente avec un trouble dissociatif atypique souffrait d’épisodes de


psychose dissociative qui pouvaient durer plusieurs semaines à chaque fois (cf. Van
der Hart et Witzlum, 2008), même si par ailleurs elle disposait d’une très haute capacité
intégrative. Pendant ces moments-là, elle n’était pas orientée dans la réalité
quotidienne, avait des hallucinations auditives et visuelles de personnes qui la
poignardaient, lui parlaient en salade de mots. Elle faisait des bruits de succion comme
un bébé, errait en gémissant et agrippait son estomac comme si elle souffrait de
douleurs intenses. Ensuite, elle se relâchait complètement, devenait lucide et entrait
facilement en transes profondes lorsqu’elle était amenée à se rendre dans son « lieu
de sécurité » intérieur. Des signaux avec les doigts étaient utilisés pour déterminer si
une partie était particulièrement active durant la « psychose ». C’était le cas et cette
partie était aussi invitée à se détendre et à entrer en transe profonde. La thérapeute
demandait à la partie adulte d’imaginer ce qui était arrivé en regardant à travers les
yeux de l’enfant tout en utilisant son esprit adulte. Habituellement, on demande à la
partie enfant de regarder à travers les yeux de l’adulte mais cette patiente ne pouvait
pas répondre à cette suggestion.

Le traitement du souvenir traumatique : recommandations et techniques 509


La thérapeute utilisa alors une méthode de comptage. « Si je compte de 1 à 5, vous
pouvez simplement vous autoriser à savoir et à vous souvenir qu’il y a eu un début, un
milieu et une fin à ce qui est arrivé. » L’attention fut portée sur la prise de conscience
qu’il y avait une fin et pas encore sur le contenu. Pendant ce temps, la partie enfant
émettait des gémissements et des bruits de succion. La partie adulte de Celia reçut
comme instruction de rester avec la partie enfant et un autre tour de comptage
commença, cette fois centré sur ce qui s’était passé. « Au fur et à mesure que je compte
de 1 à 5, vous pouvez avancer du début vers le milieu et puis vers la fin, en sachant
seulement ce que vous avez besoin de savoir et ce que vous êtes capable de savoir à
propos de ce qui s’est passé. » Tandis que le thérapeute comptait, la partie enfant criait
et pleurait et le thérapeute ne put impliquer la partie adulte. Le comptage fut fait deux
fois encore et la partie enfant s’apaisa de plus en plus. La respiration de la patiente se
régula et elle parut plus calme. Finalement, une partie adulte fut accessible et révéla
au thérapeute un peu de ce dont elle se souvenait. Les symptômes psychotiques
disparurent. Celia atteignit finalement la réduction complète des symptômes et elle
choisit de ne pas continuer la thérapie plus d’une année après le dernier épisode
psychotique. Neuf ans après, elle est retraitée à la suite d’une carrière réussie, profite
de sa famille et d’activités dans sa communauté et son église et continue à se sentir
bien, ne montrant plus aucun signe de dissociation ou de psychose.

&YFNQMFEFDBTEFTZOUIÒTFHVJEÏF&WB

Eva, une femme de 32 ans avec un état dissociatif atypique, nous est adressée après
que son compagnon l’ait quittée avec un petit bébé. Cette rupture a été un point
d’effondrement pour elle : elle a décompensé et a été plongée dans des souvenirs
d’abus. Elle travaillait comme infirmière de nuit et fut incapable de poursuivre son
travail. Eva eut besoin de quatre ans de travail de stabilisation avant d’être prête pour
entamer le travail de la Phase 2. Durant ces quatre années, elle débuta une toute
nouvelle vie, en assumant sa parentalité, changeant d’appartement, organisant ses
dépenses, trouvant un nouveau travail et une solution de garderie pour sa fille. Comme
la partie principale fonctionnait dans la vie quotidienne, Eva eut à surmonter la phobie
des autres parties et apprit à coopérer au niveau interne. Au début, elle insista sur le
fait qu’elle savait tout de l’abus et qu’elle ne voyait pas la nécessité de travailler autour
de ses souvenirs traumatiques. Cependant, après plusieurs années, elle réalisa que même
si elle était bien plus capable de moduler ses émotions et ne perdait plus de temps
ou ne se montrait plus autodestructrice, les souvenirs traumatiques la ramenaient dans
le passé, spécialement la nuit. Elle surmonta progressivement sa phobie des souvenirs
traumatiques, prenant conscience que des parties plus jeunes continuaient à souffrir
aussi longtemps qu’elles restaient en dehors de toute intégration. Elle était très motivée
à devenir « meilleure mère que la mienne » et voulait s’approprier son trauma pour
être totalement présente pour sa fille.
Eva était capable elle-même de décrire plusieurs épisodes d’abus commençant à 4 ans
et jusqu’à sa quinzième année. Comme jeune enfant, elle fut abusée par un oncle
lorsque sa mère et elle vivaient chez les parents de la mère. Elle avait aussi des souvenirs
effrayants de sa mère qui avait des explosions de colère extrême quand Eva était très
jeune. Sa mère trouva un nouvel amant quand Eva eut 5 ans et elle la laissa avec ses

510 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


grands-parents pendant de nombreuses années. À l’âge de 8 ans, elle retrouva la
nouvelle famille de sa mère, et dut s’occuper de ses deux demi-frères plus jeunes. Elle
fut abusée par son beau-père dès qu’elle les rejoignit. À l’âge de 15 ans, elle fugua et
fut placée dans une bonne maison d’accueil par les services de protection de l’enfance.
Comme première tentative de synthèse, Eva et son thérapeute choisirent un souvenir
moins intense, à savoir l’extraction des amygdales, une expérience à la fois effrayante
et douloureuse. Elle se souvint être restée plusieurs jours à l’hôpital, alors qu’elle savait
que d’autres enfants retournaient le jour même de l’intervention à domicile mais
personne ne lui expliqua pourquoi elle ne pouvait pas rentrer chez elle. Sa mère n’était
pas là pour la rassurer.
Eva a d’abord écrit les fragments de souvenir dont elle pouvait se souvenir. Elle reçut
le support d’un aidant cognitif intérieur, une femme sage et plus âgée qui affirma
garder tous les souvenirs d’Eva. Avec l’aide de cette partie, elle identifia les parties
dissociatives qui avaient été présentes : une d’entre elles retenait la douleur et une peur
de mourir quand elle vomissait du sang ; une autre retenait des sentiments d’un désir
intense de la présence maternelle ; une partie contenait de la colère parce que la mère
n’était pas venue la réconforter et une partie imitant l’agresseur comme la mère était
habitée de sentiments d’impuissance, de sentiments négatifs à son propre égard, de
colère et de honte. Eva fut capable d’identifier plusieurs noyaux pathogènes d’expériences
qui faisaient partie de ses flash-back chroniques : (a) panique, abandonnée seule à
l’hôpital avec des gens étranges et ne connaissant rien ou ne comprenant rien à ce
qui allait arriver ; (b) le vécu de goûter le sang et d’avoir du sang dans la gorge ; (c) la
peur de mourir ; (d) être abandonnée à l’hôpital alors que les parents d’autres enfants
les ramenaient à la maison à la fin de la journée ; et (e) la honte et l’humiliation, avec
l’idée qu’elle devait être une horrible fille et qu’elle méritait ce qui arrivait.
Avec sa thérapeute, Eva fut capable de diviser cette « histoire » en huit étapes plus
petites. Par exemple, le premier pas incluait d’être emmenée à l’hôpital sans explication
et la deuxième étape était d’avoir été maintenue pour la prise de sang. Toutes les parties
d’Eva reçurent de la psychoéducation à propos de la synthèse. Eva et la femme âgée
et sage ressentirent qu’il y aurait encore trop à partager entre toutes les parties et donc
certaines d’entre elles gagnèrent le lieu de sécurité. Eva s’organisa avec une amie pour
que cette dernière l’emmène à la séance et la ramène à la maison et elle s’arrangea
avec quelqu’un d’autre pour s’occuper de sa fille ce jour-là après l’école afin qu’elle
puisse se reposer, si nécessaire. Comme ce fut la première séance de synthèse pour
Eva, sa thérapeute avait convenu d’un rendez-vous téléphonique le jour après la séance
pour vérifier son état et prendre de ses nouvelles.
Pendant les 90 minutes de séance de synthèse, Eva et ses parties furent capables de
synthétiser l’expérience pas à pas. L’aspect le plus difficile, qui était aussi à mettre
fortement en relation avec d’autres expériences tout au long de sa vie, relevait des
sentiments d’abandon de la part de la mère. La thérapeute eut à l’aider à retourner à
ces sentiments de nombreuses fois, en demandant un score de SUDs à chaque fois
pour évaluer l’intensité rémanente de ce sentiment. Le score SUD de Eva n’atteignit
pas zéro mais était très bas et Eva ressentit que c’était suffisant. Pendant la synthèse,
un moment important vint lorsqu’elle se souvint soudain qu’il y avait eu une infirmière
sympathique qui lui avait donné une glace, lui avait parlé et l’avait réconfortée à l’hôpital.
C’était un moment important dans sa vie dont elle ne s’était pas souvenu, et cela lui
offrit espoir et réconfort. Elle prit conscience que cet événement avait influencé sa
propre décision de devenir infirmière.

Le traitement du souvenir traumatique : recommandations et techniques 511


Le retour d’Eva le lendemain et une semaine plus tard était positif ; elle se sentait
calme et affirma qu’elle avait été capable de réconforter ses jeunes parties. Elle n’avait
pas eu de flash-back d’un vécu traumatique : c’était maintenant « seulement un
souvenir ». Elle voulait maintenant ensemble avec la femme âgée et sage poursuivre
des séances de synthèse d’autres expériences traumatiques. Elle vint avec plusieurs
thèmes dans l’ordre suivant : abus sexuel précoce par son oncle, abus sexuel un peu
plus tard par son beau-père et finalement la peur et la douleur en relation avec la
violence de sa mère à son égard. Au cours des trois années qui suivirent, elle fut
progressivement capable d’intégrer ces vécus. La plupart du temps, la thérapeute
pouvait travailler en même temps avec Eva, avec la partie aidante et avec les parties
qui contenaient certains noyaux pathogènes appartenant à ces expériences
traumatiques. Le focus était toujours mis sur « qu’est-ce qui vous ennuie maintenant,
lorsque vous (et toutes les parties de vous) pensez à ce vécu ? » Il ne fallait donc pas
se concentrer sur chaque petit détail.
Dans une séance de synthèse, la thérapeute décida de travailler temporairement avec
une seule partie sans Eva ou la partie aidante. Cette décision fut prise parce qu’Eva
était très effrayée par cette partie qui gardait une sensation corporelle d’orgasme très
honteuse. L’oncle d’Eva lui avait raconté (à cette partie adolescente d’elle-même)
combien elle adorait les rapports sexuels, en fait elle en avait presque demandé. Elle
était sa petite putain et il avait sûrement raison puisqu’elle avait eu des orgasmes. La
partie adolescente se découvrit vraiment très mauvaise mais fut aussi injuriée par les
autres parties qui croyaient qu’elle avait intentionnellement sollicité l’abus. Elle
ressentit que son corps l’avait trahie et elle se sentait extrêmement honteuse et
parfois suicidaire. La thérapeute travailla d’abord avec cette partie pour l’aider à réduire
l’intensité de ses sensations corporelles et de ses sentiments de honte et d’humiliation.
Comme ce vécu était caché à l’intérieur et donc jamais discuté, la thérapeute proposa
aussi une psychoéducation à toutes les autres parties pour arriver à davantage de
compréhension de cette partie et des réactions physiologiques normales de l’excitation
sexuelle.

3. Résumé
Il existe beaucoup de manières différentes d’aider les patients à intégrer les
souvenirs traumatiques. Le thérapeute et le patient ensemble ont besoin de
prendre des décisions éclairées sur les approches qui donneront vraisembla-
blement le plus de résultats efficaces et rencontreront les besoins du patient.
Un indicateur important du traitement réussi est l’élimination des symptômes
ESPT en relation avec les souvenirs qui ont été intégrés. Souvent, la par-
tie la plus difficile de l’intégration des souvenirs traumatiques est la prise de
conscience progressive que ces événements ont eu lieu et ont profondément
influencé la vie des patients au cours du temps. Cette personnification et cette
présentification vont croissant et sont atteintes tout au long de la Phase 3, qui
est décrite dans les chapitres 22 et 23. Beaucoup de patients doivent faire le
deuil de ce qu’ils ont perdu.

512 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


4. Explorations supplémentaires
1. Quelles techniques vous sont les plus familières et quelles sont celles
que vous aimeriez utiliser le plus souvent ?
2. Quelles sont vos hésitations, si vous en avez, dans le travail avec un
patient au point de vue de ses souvenirs traumatiques ? Qu’est-ce qui
vous rendrait service pour des petits pas avec votre patient ?
3. Quelles sont vos expériences du travail avec les souvenirs trauma-
tiques ? Qu’est-ce qui s’est bien passé ? Qu’est-ce qui n’aurait pas bien
fonctionné ?
4. Discutez avec des collègues de la manière de savoir si un patient donné
est prêt pour un travail avec les souvenirs traumatiques.

Le traitement du souvenir traumatique : recommandations et techniques 513


PARTIE V
Traitement
de la Phase 3
cHAPITRE 22
Intégration des parties
dissociatives en
une personnalité cohésive

La lutte dans l’expérience post-traumatique consiste à reconsti-


tuer le soi en un soi unique, à nouveau intégré.
Robert Lifton (dans Lifton et Caruth, 2015, p. 12)

Le but principal de la Phase 3 se définit par l’intégration des parties disso-


ciatives du patient en une personnalité qui présente une certaine cohésion
et un sentiment d’appartenance à soi-même. Le traitement est centré sur la
réduction et l’élimination au cours du temps des causes de la dissociation, en
particulier les phobies en rapport avec le trauma. Il n’existe plus de nécessité
alors de produire des parties dissociatives. Au cours de la thérapie, chaque par-
tie devrait devenir plus souple, plus ouverte à l’apprentissage, plus coopérante
avec les autres parties et celles-ci devenir davantage capables de partager entre
elles leurs expériences respectives. Certaines parties sont plutôt mineures, de
simples fragments, et ne font rien de plus que de fusionner spontanément en
arrière-plan avec le patient dans sa globalité au fur et à mesure que celui-ci
s’engage à surmonter ses phobies intérieures. Cela peut également survenir de
temps à autre au cours des deux premières phases. D’autres parties sont plus
élaborées et autonomes et ont davantage besoin d’un travail direct pour s’inté-
grer avec les autres parties.

Intégration des parties dissociatives en une personnalité cohésive 517


Certains patients au pronostic défavorable n’atteindront jamais l’intégra-
tion et ne pourront dépasser leurs souvenirs traumatiques, c’est-à-dire passer
à la Phase 2. Ces patients-là peuvent être capables d’atteindre un certain
degré de stabilité mais ils restent très sujets aux crises et aux décompen-
sations. Tous les patients n’atteindront pas le stade de l’intégration com-
plète de toutes les parties mais beaucoup sont au moins capables d’aboutir à
créer suffisamment de coopération entre les parties pour atteindre un fonc-
tionnement convenable. Le débat se poursuit chez les spécialistes quant à
savoir si l’intégration complète des parties dissociatives est nécessaire ou si la
conscience réciproque de chaque partie est suffisante, avec l’idée qu’elles tra-
vaillent ensemble en harmonie comme cela se présente normalement pour
les états du moi. Ce débat sémantique est en rapport avec l’idée que nous
avons tous des états du moi et donc que les parties dissociatives devraient
être capables de coexister effectivement bien que séparées jusqu’à un certain
point (Watkins et Watkins, 1993 ; Watkins et Watkins, 1997). Cependant,
comme noté dans le chapitre 1, des différences significatives existent entre
les états du moi et les parties dissociatives, tout d’abord en termes de senti-
ment de soi-même, en termes de degré de séparation et d’élaboration et en
termes de présence ou d’absence de symptômes dissociatifs. Il se peut que
les parties dissociatives chez certains patients redeviennent des états du moi
normaux ; elles sont alors reléguées à un fonctionnement coopératif d’ar-
rière-plan sous la bannière de la personne dans son entièreté. Si c’est le cas,
un « groupe intérieur » coopératif est vraisemblablement adaptatif. D’autres
patients ne présentent aucun signe de parties dissociatives après l’intégra-
tion, se ressentant simplement comme « moi, moi-même et Je ». Quoi qu’il
en soit, notre expérience clinique montre que si des raisons significatives
de dissociation de la personnalité subsistent, alors le patient court un grand
risque de souffrir davantage (cf. Brand, Loewenstein et Spiegel, 2014 ; Kluft,
1988a, 1993a, 1993b).

1. La route vers l’intégration des parties


dissociatives
L’intégration comporte une série globale d’actions continues qui vont bien
au-delà de la mise ensemble des parties dissociatives en un tout constitué. C’est
un accomplissement fondamental de toute psychothérapie. Nous sommes
tous engagés dans l’intégration à tout moment, comme discuté au chapitre 1.
Puisque l’intégration est en cours, elle est, par définition, toujours imparfaite
et par certains côtés incomplète. Cependant, elle devrait être suffisante pour
nous aider à nous adapter efficacement à notre monde et à accepter notre passé
et ses leçons. Elle devrait être au minimum l’expérience de la continuité de
notre unité au cours du temps et des situations.

518 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Même lorsque toutes les parties dissociatives sont intégrées dans une per-
sonnalité cohérente avec un sens de soi, les patients continuent de changer et
de grandir. Comme nous l’avons noté, la personnalité et le soi ne sont pas des
entités statiques. Le soi et la personnalité de quelqu’un sont des représentations
de qui est cette personne et de son accomplissement continu, de ses change-
ments, de ses adaptations et de ses réorganisations (Damasio, 1999 ; Janet, 1929 ;
Schore, 1994). Le problème pour les patients dissociatifs est que les parties de
leur personnalité sont devenues trop rigides et séparées, incapables de changer
et de s’adapter au présent. Depuis le début, le traitement soutient chaque partie
dissociée dans le chemin vers un fonctionnement plus souple et comme faisant
partie d’un être humain entier aussi bien que dans l’acceptation de la part du
patient que toutes ses parties appartiennent à un soi cohérent et adaptatif.
Les patients qui ne présentent plus de symptômes de dissociation ou d’exis-
tence de parties devraient avoir une permanence du sentiment de soi au travers
des différentes situations, réalisant qu’ils peuvent croître et changer tout en res-
tant la même personne. Leurs vécus sont alors ceux de « moi, moi-même et Je »
sans considérer leurs pensées, sentiments ou actions ; sans considérer non plus
leurs souvenirs du passé, leur vécu du présent ou leur imagination du futur. Ils
n’ont pas de flash-back dissociatifs, quoique – bien évidemment – le passé surgisse
– comme pour tout le monde, parfois en mode mineur et parfois de façon intense.

CONCEPT CLÉ

L’intégration des parties dissociatives favorise un sens de soi cohérent qui est fiable et peut
s’adapter quels que soient le moment ou les situations. Les patients n’auront plus à vivre
des symptômes dissociatifs comme l’amnésie, le passage d’un état à un autre, l’audition
de voix ou une influence passive.

L’intégration complète de toutes les parties dissociatives du patient en un


tout cohérent a été appelée unification (p. ex. Kluft, 1982, 1993b). L’unification
s’accomplit au cours du temps au travers de l’intégration successive de deux par-
ties ou plus à un moment donné : un processus appelé fusion (Braun, 1986). La
fusion temporaire entre deux parties ou davantage est appelée être ensemble (blen-
ding) temporairement (Boon et al., 2011 ; Fine, 1991, 1993 ; Fine et Comstock,
1989 ; Kluft, 1982, 1993b). Chacun de ces concepts sera discuté ci-dessous.

1.1. S’occuper des résistances sur la route


de l’intégration des parties dissociatives
Le thérapeute ne devrait jamais essayer de forcer l’intégration des parties (p. ex.
ISSTD, 2011). Même si certains patients ne sont pas investis dans des parties
qui restent séparées dans le but de maintenir des identités séparées en soi, tous

Intégration des parties dissociatives en une personnalité cohésive 519


les patients au début sont plutôt phobiques d’intégrer les vécus des parties,
parce que l’intégration requiert d’accepter des réalisations douloureuses que
les parties peuvent garder pour elles. La plupart des patients dissociatifs sont
phobiques quant à l’idée de parties qui se réunissent d’une manière ou d’une
autre et deviennent extrêmement stressés lorsque le thérapeute commence à
leur en parler. Dès lors, même si cela peut être un but majeur du traitement
des troubles dissociatifs, la manière dont le thérapeute en parlera fera toute la
différence.

Psychoéducation. Le thérapeute doit être prudent quant à l’abord précoce


de l’idée d’intégration des parties. Bien que certains patients, souvent des
TDAS, aient un but partagé d’intégration dès le début du traitement, d’autres
peuvent être craintifs à cette idée. Certains pensent que les parties mourront ;
d’autres craignent de ne pas avoir de stratégies d’adaptation majeures dispo-
nibles. Cela ne signifie pas que le thérapeute s’accorde à dire avec le patient
que l’unification n’est pas nécessaire. Simplement, c’est une question de che-
minement et de temps opportun. Par exemple, les patients peuvent être rassu-
rés par le fait que c’est un choix qui est complètement en leurs mains (ce qui
est le cas). Ils ne seront pas forcés à intégrer, et, de toute façon, forcer ne serait
pas efficace.

CONCEPT CLÉ

Les patients peuvent résister à l’intégration des parties parce qu’ils ont peur de ces parties
et des vécus intérieurs qui leur sont liés, parce qu’ils sont effrayés par le changement,
qu’ils craignent un changement ou sont fortement attachés aux parties comme des enti-
tés séparées avec lesquelles ils sont en relation. Ces résistances doivent être résolues
avant toute intégration des parties.

Le thérapeute peut dire quelque chose du genre : « Je sais que c’est difficile
à imaginer pour vous mais beaucoup de gens ont découvert que c’est tout à fait
naturel et bon pour toutes les parties de se retrouver ensemble lorsque c’est le
bon moment pour elles. Elles vivent cela comme quelque chose de tout à fait
positif et aidant. Les parties sont confortables avec cela. Vous pouvez prendre
votre temps et vous retrouver juste là où vous êtes en ce moment, sans avoir
besoin de vous faire du tracas à ce propos. Quand vous serez prête, nous nous
en occuperons ensemble, tout comme nous faisons avec tout ce à quoi nous
devons faire face en ce moment. Nous sommes une équipe et vous avez le
choix. Mais pour l’instant, nous sommes d’accord de nous centrer sur l’aide à
apporter aux parties pour vous sentir bien et pour qu’elles travaillent ensemble
de manière plus efficace. Ainsi, chaque partie de vous peut acquérir davantage
ce dont vous avez besoin dans votre vie. »

520 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Plusieurs raisons expliquent que des patients puissent être résistants à l’uni-
fication des parties. Celles-ci comprennent : (a) l’évitement phobique des
parties dissociatives et des expériences ; (b) la peur de la perte – c’est-à-dire
la perte de son identité, la perte de certaines parties spécifiques ou la perte
de certains fonctionnements délégués à certaines parties ; (c) l’investissement
intensif dans le maintien d’une séparation de l’identité et du mode de vie.
Ainsi, un patient réagissait à l’idée de l’unification, mentionnée prématuré-
ment, en criant sur le thérapeute : « Je quitte la thérapie, je ne veux pas tra-
vailler avec quelqu’un qui est en train de tuer mes personnes intérieures. » Un
autre patient disait : « Il n’y a pas de parties. Elles ne m’appartiennent pas.
Elles sont des âmes. Chaque âme a sa place dans l’univers. Elles ne peuvent
se rassembler. C’est impossible. Vous ne comprenez rien ! » Heureusement,
les deux patients eurent des vécus complètement différents quelques années
plus tard et constatèrent que l’intégration était naturelle et non quelque chose
qui devait les préoccuper. Le thérapeute n’en a pas forcé l’idée mais a pris en
compte la résistance du patient et a centré son travail sur d’autres actions inté-
gratives, ce qui a ouvert une voie naturelle vers l’unification au cours du temps.

L’évitement phobique. La phobie des parties dissociatives est la raison


principale et la plus commune rencontrée par les patients dans leur crainte
de la fusion et de l’unification. Ils sont honteux et craintifs des parties ou les
méprisent. Donc, à bon escient, ils peuvent ne pas souhaiter intégrer une par-
tie qui imite leur agresseur doté d’une colère terrifiante, ou une partie qui passe
à l’acte sexuellement d’une façon qui déplaît fortement au patient, ou une par-
tie enfant qui maintient des aspirations de dépendance que la partie adulte du
patient trouve honteuses. La thérapie doit se consacrer progressivement à ces
questions, en aidant le patient à se les approprier, c’est-à-dire à les personnifier,
avec les parties dissociatives qui les contiennent.
Si le thérapeute est plutôt insistant sur l’intégration des parties, certains
patients peuvent rapporter une fausse intégration, ce qui est une manière
d’éviter un travail plus douloureux. D’autres patients peuvent avoir une stra-
tégie relationnelle particulièrement forte contrôlante/attentive qui peut inter-
férer avec la pression même la plus subtile de la part du thérapeute menant à
un succès apparent dans le traitement avec un évitement restant sous-jacent.
Comme les recommandations du traitement des troubles dissociatifs le notent,
« les essais précoces de fusion peuvent causer… une compliance superficielle
où les identités alternatives en question essaient de plaire au thérapeute en
semblant disparaître » (ISSTD, p. 144).
Le travail intégratif avec les parties dissociatives débute déjà en Phase 1
lorsque le thérapeute soutient le patient à accepter et à comprendre les parties
dissociatives. Une étape vers la fusion de deux parts est la réalisation par le
patient : « Oui, bien sûr, cette partie est en colère. Je peux comprendre pour-

Intégration des parties dissociatives en une personnalité cohésive 521


quoi elle est tellement en colère. » Une autre étape peut impliquer la personni-
fication : « Oui, cette partie est en colère et c’est ma colère aussi ou cette partie
en colère est une partie de moi. » Les étapes suivantes incluent la résolution de
la colère, souvent comme partie du travail de la Phase 2.

CONCEPT CLÉ

Pendant le cours de la thérapie, le thérapeute devrait continuer à vérifier avec le patient


les raisons du maintien de la séparation des parties. Un focus sur le besoin de la dissocia-
tion en cours peut cibler des problèmes spécifiques qui maintiennent les parties dissocia-
tives, comme la phobie de la colère ou un manque de réalisation d’avoir été abusé
sexuellement.

Lorsque la thérapie a progressé jusqu’au point où les parties travaillent bien


ensemble la plupart du temps et qu’au moins certains souvenirs traumatiques
ont été intégrés, le thérapeute peut commencer à piquer la curiosité du patient
sur la fusion dans un style indirect. Le thérapeute pourrait régulièrement
demander, curieux : « Je me demande ce qui maintient ces parties de vous
séparées de vous ? », ou « N’avez-vous jamais pensé aux raisons pour lesquelles
ces parties ont besoin de rester séparées les unes des autres ? », ou « Avez-vous
parfois songé aux raisons pour lesquelles cette partie de vous n’a jamais grandi ?
Je suis curieux de savoir comment ce serait pour vous si ces parties étaient plus
proches ? » Cette approche maintient la cible du traitement sur les causes de
l’existence de la dissociation, c’est-à-dire les phobies d’origine traumatique et
le manque de capacité intégrative suffisante, de telle façon qu’elles peuvent
être traitées et résolues d’une manière cohérente (Kluft, 1993b). Sans quoi il
est beaucoup trop simple pour le thérapeute et le patient de continuer à tra-
vailler sans prendre en compte le besoin de voir diminuer l’existence de parties
dissociatives.

Les traumas non résolus et les parties dissociatives cachées. Deux raisons
principales de l’évitement de la fusion ou de l’unification sont la présence d’un
trauma non résolu ou de parties dissociatives qui ne sont pas encore connues
du thérapeute (et souvent du patient) qui indiquent toutes deux de sévères
phobies.

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Renée, partie adulte du patient qui fonctionne dans la vie quotidienne, a accompli un
travail colossal en acceptant une partie enfant très colérique et têtue et cette partie
enfant est devenue progressivement plus coopérante au cours d’une longue période

522 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


de thérapie. Renée et sa partie enfant pouvaient parfois apparaître ensemble sous une
forme unifiée (être ensemble, blending) dans la thérapie, au cours de laquelle son corps,
habituellement tendu, se relaxait visiblement mais elle ne pouvait pas maintenir
l’intégration en dehors de la séance. Par une exploration consciencieuse, la patiente
devenait consciente de « trous noirs dans le mur » à l’intérieur, dans lesquels des parties
préalablement inconnues restaient enfouies avec leurs fragments de souvenirs
traumatiques. La patiente commença à décrire ces fragments comme « des petits
morceaux » d’une partie enfant qui gardaient des souvenirs trop honteux ou trop
horribles pour être partagés. Ces « petits morceaux » détenaient plusieurs noyaux
pathogènes de mémoire qui étaient synthétisés et réalisés chacun à leur tour. Les
« petits morceaux » (parties fragmentaires) s’intégrèrent spontanément au moment de
l’accomplissement réussi du travail de mémoire et peu après la patiente et la partie
enfant furent intégrées de manière permanente.

La peur de la perte. Les patients dissociatifs ont en réalité un sentiment


d’eux-mêmes très fragile à cause de leur fragmentation dissociative extrême.
Par exemple, une patiente était craintive de tout changement en thérapie
parce qu’elle croyait que cela changerait irrévocablement qui elle était et
« après je ne serai plus moi-même ». Cette patiente avait beaucoup de parties
dissociatives, chacune d’entre elles était tout aussi rigide dans le sentiment de
soi et également craintive de n’importe quel changement dans les perspectives
ou les formes d’existence. Bien que les parties puissent être catégoriques sur qui
elles sont (et ne sont pas), les patients en tant qu’unité peuvent se sentir plutôt
incertains et ont un sens plutôt fragile de qui ils sont. Plus le sens de soi des
patients est fragile, plus ils ont peur du changement, croyant qu’ils pourraient
se perdre eux-mêmes.
Certains patients craignent que la fusion et l’unification leur donnent l’im-
pression d’un vécu de mort ou de perte. Le thérapeute ne se précipitera pas
pour les rassurer. Les patients avec des troubles dissociatifs ont eu une organisa-
tion interne dissociative depuis leur enfance. Ils peuvent s’être fortement atta-
chés à des parties particulières d’eux-mêmes, spécialement une fois qu’ils ont
appris à témoigner davantage de compassion. De ce fait, certains peuvent faire
le deuil de la « petite fille » ou de l’« adolescent féérique » comme s’ils étaient
actuels. D’autres ne ressentent pas la perte mais un sentiment de gratitude pour
de telles parties, ce qui s’exprime lorsqu’elles sont intégrées.
Certains patients ressentent vivement la perte d’un certain type de fonc-
tion lorsque les parties s’intègrent. C’est particulièrement vrai avec certaines
capacités créatives qui impliquent une concentration intense. De telles pertes
surviennent le plus vraisemblablement parce que la capacité d’exclure tout de
la conscience tout en se concentrant sur une seule chose diminue à mesure que
le patient gagne davantage en présence dans le moment. Par exemple, avant
l’unification, une patiente était capable, dans une partie d’elle-même, d’écrire

Intégration des parties dissociatives en une personnalité cohésive 523


pendant 16 heures d’affilée avec rien de plus que de courtes interruptions pour
aller aux toilettes. Lorsqu’elle intégra toutes les parties, elle se plaignit qu’elle
ne pouvait plus se concentrer plus de quelques heures à la fois sans avoir besoin
d’un break pour se restaurer et se reposer, ce qu’elle ne réalisait pas encore être
normal. Une autre patiente perdit certaines capacités à peindre. Alors qu’elle
était une artiste accomplie, elle ne fut plus capable de peindre plus longtemps
le thème majeur grâce auquel elle avait gagné sa popularité. Souvent, ces
pertes sont temporaires et peuvent se restaurer au cours du temps. Globale-
ment, cependant, la plupart des patients se sentent beaucoup mieux avec l’uni-
fication une fois qu’ils sont plus adaptés et ils sont d’accord avec ce bénéfice.
Ils ne souhaitent plus avoir des parties dissociatives ou n’en ressentent plus le
besoin. Une patiente résuma en disant : « Je suis moi, seulement moi, complè-
tement moi, tout le temps moi et c’est OK pour moi ! » Cependant, il peut y
avoir une brève période de désorientation et des changements sensoriels qui
font suite à l’unification. Braun a noté que les patients « feront souvent état de
changements dans la vue, dans l’audition et dans d’autres sensations comme
des périodes de confusion. Ils se normaliseront avec le temps (habituellement
terminé en trois mois) » (1986, p. 16).

L’investissement dans le TDI comme mode de vie. Un certain nombre


de patients TDI sont extrêmement investis dans le maintien de leurs parties,
avec lesquelles ils ont développé des relations dont ils ne souhaitent pas se
délester. Ils peuvent aussi rechigner à assumer la responsabilité de leurs actions
en les maintenant retenues dans diverses parties. Une patiente faisait réfé-
rence à ses parties comme ses « meilleures amies ». Une autre décrivait les vies
intérieures des parties en notant que chaque partie avait sa propre vie séparée,
riche et occupée, complètement distincte de ce qui se passait à l’extérieur. Ce
monde imaginaire était si satisfaisant qu’elle ne souhaitait pas considérer le
monde réel et sa vie actuelle qui comprenaient des sentiments douloureux.
Son monde imaginaire était un moyen d’éviter la douleur intérieure. Certains
patients ont ainsi substitué des interactions avec leurs parties intérieures ou
des mondes intérieurs imaginaires à leurs relations avec des personnes réelles
qui peuvent être beaucoup plus imprévisibles et les mettre au défi. Cela s’érige
sur l’idée de camarades de jeux imaginaires, une expérience développemen-
tale normale. Ces patients ont essayé de résoudre le conflit entre la méfiance
fondamentale des autres et une solitude insupportable par la création de rela-
tions intérieures spécifiques avec des parties qui maintiennent une non-prise
en compte de la réalité.
Quelques patients ont développé une identité forte autour de leur être-
TDI et donc se cramponnent aux parties comme à une manière de se définir
vis-à-vis des autres. Ils sont fortement centrés sur les différentes préférences
des parties et leurs besoins et sur les conflits dramatiques entre elles. Certains

524 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


ont des présentations plus flamboyantes, avec différents vêtements, coupes de
cheveux et styles. Ils ne désirent pas l’intégration et n’y voient pas d’intérêt
car ils perdraient leur identité primaire. Cependant, la majorité des patients
dissociatifs sont phobiques de leurs parties, ce qui est la raison principale pour
laquelle les patients craignent l’intégration.

1.2. Être ensemble


Être ensemble (blending) est généralement une intervention thérapeutique
intentionnelle visant à améliorer le fonctionnement du patient ou sa capacité
à s’adapter grâce à un être ensemble coopératif temporaire de deux parties ou
plus, par exemple, pour mieux fonctionner au travail ou pour composer avec
une procédure médicale difficile qui pourrait autrement être un déclencheur.
Cette intervention peut aussi être utilisée comme un essai pour le patient de
faire l’expérience de ce que l’intégration pourrait être (Boon et al., 2011 ; Fine,
1991 ; Fine et Comstock, 1989 ; Kluft, 1993b).

CONCEPT CLÉ

Être ensemble, l’intégration temporaire de deux parties ou plus, peut être un premier pas
important pour atteindre l’intégration permanente de ces parties. De cette façon, les
patients peuvent pratiquer l’intégration et sont capables d’expérimenter à quoi cela res-
semble avant de décider qu’elle est en fin de compte une aide pour eux.

Être ensemble peut survenir progressivement lorsque deux parties ou davan-


tage ont atteint la conscience réciproque et un bon degré de coopération. Au
début, la compassion entre ces parties n’est même peut-être pas nécessaire ; le
focus est plutôt centré sur le fait de travailler ensemble pour accomplir quelque
chose qui sert aux deux parties. Par exemple, deux parties qui ont une activité
professionnelle pourraient être dans l’évitement des sentiments, y compris la
compassion, mais elles peuvent s’accorder pour travailler ensemble afin d’ache-
ver dans les délais un projet, sur les lieux de leur emploi. Ou une partie qui
travaille pourrait être d’accord de rejoindre temporairement une partie plutôt
parentale pour aider à organiser les choses à la maison de manière plus efficace.
Le bénéfice pour la partie travailleuse sera moins d’anxiété intrusive au travail
sur ce qui n’a pas été fait au domicile et la partie parent aimant mais désorga-
nisé reçoit de l’aide intérieure et ainsi les choses se déroulent plus doucement.
Être ensemble ou la fusion ne devraient jamais être tentés entre des parties
qui ont une émotion négative intense ou qui s’engagent dans l’autodestruc-
tion. Par exemple, les parties suicidaires ou les parties enfant qui ont une aspi-
ration à la dépendance intense ne devraient pas être mises ensemble. L’idée
d’être ensemble est d’augmenter la capacité intégrative du patient. Les parties

Intégration des parties dissociatives en une personnalité cohésive 525


qui se mettent ensemble avec des affects et des croyances négatifs pourraient
submerger le patient.

Être ensemble comme approche successive de la fusion. La plupart des


patients dissociatifs ont besoin de diviser les buts importants en des étapes plus
petites et successives. Le mouvement vers le fait de se mettre ensemble peut se
faire de la même façon. Par exemple, la partie adulte du patient peut accomplir
de petits pas vers le fait de se mettre ensemble simplement par une série d’ex-
périences pour prendre note de ce qui arrive. Ainsi, la partie adulte du patient
peut être invitée à demander à une autre partie « de se rapprocher davantage »
à l’intérieur. Le patient est encouragé simplement à s’arrêter et noter ce qui se
passe. Le patient pourrait dire : Je me sens OK ; je me sens vraiment bien ! Ce
n’est pas ce que j’attendais ; Je ressens de la chaleur ou Je n’aime pas.
Si la réaction est négative, le thérapeute arrête simplement et dit : « Ça
va, nous prenons seulement note et rien de plus. Vous avez vraiment bien
fait. » Le thérapeute demande aux parties de faire marche arrière et travaille
sur la résistance. « Pouvez-vous me dire davantage à propos de ce que vous
n’aimez pas ? J’entends que vous ne l’aimez pas. Je me demande comment
est-ce pour cette autre partie de vous ? » Cela peut simplement être que la
partie adulte du patient rechigne parce que le vécu ne lui est pas familier et
non pour une raison particulière. Si c’est le cas, le patient peut être encou-
ragé à faire un nouvel essai et avec le seul objectif de s’habituer à être plus
proche de la partie. Soit le patient peut être aidé à utiliser une technique
de distanciation afin d’être toujours en contact avec la partie, mais avec la
perception d’une certaine distance soit au travers d’une vitre protectrice. Par
exemple, le thérapeute pourrait dire : « Ça va bien comme ça. Faites un pas
en arrière, exactement de l’espace dont vous avez besoin pour vous sentir
bien. Je me demande ce que cela pourrait être pour vous vous imaginant en
train d’observer cette partie à partir d’une certaine distance, comme si vous
regardiez à travers le mauvais bout des jumelles ? » Si le patient est d’accord,
le thérapeute lui donne pour instruction de seulement noter ce qui arrive.
Une suggestion supplémentaire pourrait être de regarder avec un regard de
compassion et de noter seulement ce à quoi cela pourrait ressembler. Le thé-
rapeute peut demander : « Je suis curieux – vous pas ? – de ce que cette partie
pourrait ressentir quand elle vous regarde ? » Ce sont de petits pas qui pro-
meuvent une réflexion et un niveau de confort croissant – entre les parties
– qui n’existaient pas encore.
Si le patient donne une réponse positive à la question du rapprochement
des parties, le thérapeute demande s’il est tolérable de faire un autre petit pas
en rappelant au patient qu’il/elle peut arrêter le processus à tout moment. Peut-
être les deux parties pourraient-elles s’atteindre et leurs index se toucher et voir
à quoi cela ressemble. Alors, elles pourraient se serrer les mains ou s’embrasser

526 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


ou simplement se tenir face à face ou côte à côte et prendre note de cette expé-
rience. Si c’est une expérience positive, le thérapeute pourrait encourager les
parties à essayer de venir ensemble seulement quelques secondes et pas plus.
Ces parties peuvent alors regarder avec une paire d’yeux et écouter avec une paire
d’oreilles, deux battements cardiaques se mélangeant en un seul, si naturellement,
si facilement. Le thérapeute devrait rechercher l’imagerie correcte et les mots
adéquats pour chaque patient. Et à ce moment, le thérapeute devrait dire :
« Maintenant, faites un pas après l’autre. Respirez profondément et relaxez-
vous et notez seulement comment cela était. » Si l’expérience est positive, le
thérapeute peut l’encourager pour une durée plus longue, pour l’étendre pro-
gressivement sur les séances. Le patient peut recevoir l’instruction de pratiquer
« être ensemble » dans l’espace privé de son domicile, lorsque les choses sont
calmes et qu’il y a de l’espace pour prendre note et réfléchir. Habituellement,
sur une courte période de plusieurs séances, cet être ensemble se vit de manière
si naturelle que la fusion survient entre les parties.

1.3. La fusion
La fusion est l’intégration de deux parties ou plus du patient et peut survenir
spontanément ou intentionnellement (Kluft, 1993b).
Les fusions spontanées. Certains patients attestent de fusions spontanées
au cours de la Phase 1 et de la Phase 2 : « Il semble qu’il y ait beaucoup moins
de voix intérieures, j’avais 15 parties et maintenant j’en ai 8. Je me demande
ce qui est arrivé ? » Cela survient de manière naturelle et c’est un signe que
la thérapie va bien et se consacre aux raisons pour lesquelles la dissociation
continue à exister. Le thérapeute peut rassurer les patients en leur disant que
c’est normal et en écoutant tous les soucis qu’ils pourraient avoir. La plupart
des patients s’en rendent compte rapidement.
La fusion est habituellement la plus réussie entre les parties qui se res-
semblent le plus (comme un groupe de parties enfant) ou entre une partie
adulte très compassionnelle et une partie enfant. Dans le cas des troubles dis-
sociatifs atypiques, la fusion ou l’unification peuvent survenir plus facilement
que dans le TDI. Par exemple, une patiente avec un trouble dissociatif aty-
pique « adopta » toutes ses parties jeunes quand elle était à la maison – c’est-à-
dire en les intégrant – et le raconta au thérapeute. En dépit des stress survenant
dans sa vie quotidienne, elle resta intégrée. Plus grandes sont les différences et
plus grands sont les conflits entre les parties et plus c’est un challenge de mener
à la fusion.

Les fusions graduelles. La fusion peut survenir très graduellement. Les


patients peuvent rapporter qu’une telle partie est moins active, plus calme,
moins interactive à l’intérieur. Ils pourraient dire des choses du style : « Cette

Intégration des parties dissociatives en une personnalité cohésive 527


partie semble en quelque sorte transparente, presque comme si je peux voir à
travers elle, comme si elle devient une ombre, un peu comme un souvenir ; elle
est un peu comme un fantôme, mais un fantôme amical ; elle dort la plupart du
temps. Pas comme un évitement mais comme si elle avait fait ce qu’elle avait
besoin de faire ; je sais qu’il est toujours là mais il est juste là, calme et rien de
plus ; c’est presque une image maintenant bien plus qu’une présence, si cela a
un sens quelconque… »
Un patient notait que la fusion graduelle des parties semblait plutôt natu-
relle et que cela requérait maintenant moins d’effort pour gérer les besoins des
parties en conflit :
« Je suis de plus en plus ensemble sans avoir à penser à ce qui, à l’intérieur
de moi, a besoin de ceci ou de cela. C’est fluide une grande partie de la
journée. Nous – je – sommes en train de commencer à ressentir une cer-
taine paix qui parcourt toutes mes parties. Nous avons moins peur d’être
ensemble. Cela devient agréable et sécurisé d’être moi. »

Les parties qui disparaissent. Occasionnellement, une partie « disparaî-


tra » en lieu et place de s’intégrer après l’échange d’expériences avec d’autres
parties. Un patient réalisait qu’une fois que les parties avaient échangé avec
toutes les autres, il était temps de « partir ». Ce fait est survenu pendant un
rituel d’« adieux », au cours duquel une partie, dont le temps était venu de
partir, eut le privilège de choisir le repas pour le dîner tandis que les autres
parties l’applaudissaient pour ses contributions à la personne comme un tout.
Une fois le dîner achevé et que les parties se furent témoignées l’une à l’autre
leur reconnaissance, cette partie disparut.
D’autres fois, la disparition d’une partie est intensément source d’anxiété
et n’inclut absolument aucune intégration. Une patiente « perdit » une partie
qui était une importante figure intérieure réconfortante. Elle était convaincue
que la partie ne s’intégrait pas parce qu’elle s’était évanouie au cours d’une
crise intense pendant laquelle la patiente était suicidaire. Le thérapeute put
simplement montrer de l’empathie pour cette perte et aider la patiente à en
faire le deuil et à essayer de trouver d’autres moyens de se consoler elle-même.
La partie ne réapparut jamais dans la suite du traitement.
Une autre patiente rapporta que sa principale partie, adulte, qui fonction-
nait dans la vie quotidienne avait disparu parce qu’« elle n’en pouvait sim-
plement plus ». La patiente décompensa fortement étant donné qu’elle ne
possédait aucune autre partie qui pouvait ou voulait fonctionner adéquate-
ment dans la vie quotidienne. Dans ces deux cas, des événements de vie qui
submergent et l’incapacité de s’adapter ont mené à ce qui pourrait être consi-
déré comme la désintégration des parties plutôt que la fusion. Le thérapeute
doit être capable de faire la différence et intervenir lorsque les patients sont
débordés.

528 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


1.4. L’unification
L’intégration de toutes les parties en un tout cohérent est appelé unification (Kluft,
1986b, 1993b). Ceci survient habituellement au cours de la dernière partie du
traitement, à un certain point de la Phase 3 mais pas toujours. Quelques patients
peuvent presque atteindre l’unification avant le traitement des souvenirs trauma-
tiques. Dans ces cas, les parties sont déjà tout à fait compassionnelles et coopéra-
tives, ce qui rend le travail sur les souvenirs traumatiques beaucoup plus simple
et direct et elles peuvent devenir un (être intégrées) pendant ou immédiatement
après que ce travail soit fait. Mais la plupart des patients ont une route bien plus
longue vers l’intégration et effectivement bien dans la Phase 3. Le plus communé-
ment, les parties se fondent entre elles petit à petit d’une manière très naturelle.
Tout comme les fusions, l’unification peut survenir spontanément ou être plus
progressive pour divers patients (Kluft, 1993b). Certains patients la voient comme
une étape importante ; d’autres la font dans la foulée comme si c’était attendu et
quelques-unes l’évitent même quand elles sont prêtes et cela à cause d’une pho-
bie de la fusion. Certains patients reconnaissent le moment pour l’unification et
d’autres sont surpris par ce moment. Certains la vivent comme une perte ou une
mort ou un triste adieu. D’autres la voient comme une célébration joyeuse, un
signe de succès et de maîtrise. Chaque patient approchera l’unification différem-
ment et le thérapeute doit comprendre et aider le patient dans son trajet unique.
En général, il est préférable que l’idée de l’unification vienne du patient mais,
comme noté ci-dessus, le thérapeute doit rester gentiment insistant dans le ques-
tionnement du besoin continuel de séparation entre les parties. Que le patient
veuille ou non des suggestions ou une imagerie pour l’unification dépendra de
chacun. Parfois, le thérapeute peut se contenter d’être uniquement présent
lorsque toutes les parties « viennent ensemble ». Certains patients suggéreront
leur propre imagerie, certaines d’entre elles sont décrites ci-dessous.

L’imagerie de fusion et les rituels d’unification. Pour certains patients, les


images ou les rituels sont une partie importante de la fusion ou de l’unification
(Brau, 1986 ; ISSTD, 2011 ; Kluft, 1986b, 1993b ; Ross, 1997 ; Putnam, 1989 ;
Van der Hart et al., 2006). Par exemple, chez une patiente, la partie adulte a
imaginé emmener les parties enfant au parc. Assises dans un endroit calme et
paisible, les quatre parties enfant étaient installées à proximité d’elle. Lors-
qu’elle ressentit que le temps était venu, elle les embrassa toutes et puis réunit
leurs bras, en se serrant dans ses bras. À ce moment, la fusion prit place.
Dans l’imagerie intégrative commune, il se peut que les parties viennent
ensemble dans une belle lumière blanche ou se mettent ensemble dans un
bain d’eau curatif, marchent les unes vers les autres, se fassent des accolades,
se tiennent dans un cercle en se donnant les mains, ou bien soient comme des
flux se rejoignant dans une mer splendide, comme différentes couleurs qui se

Intégration des parties dissociatives en une personnalité cohésive 529


mélangent pour faire la plus belle couleur du monde, comme des fils de laine
se tissant dans une riche tapisserie, comme un kaléidoscope tournant jusqu’à
devenir une seule image avec de magnifiques couleurs, et ainsi de suite.
Une métaphore d’intégration pouvant être partagée avec les patients est la
suivante : c’est l’image d’une merveilleuse source d’eau qui descend des hautes
montagnes (Kluft, 1990b). L’eau de source devient une puissante rivière.
Cependant, avec le temps, des tempêtes, des tremblements de terre et d’autres
terribles événements amènent la terre à changer et la rivière devient encom-
brée d’arbres, de débris et de boue. Et la rivière est amenée à se diviser en de
nombreux cours d’eau plus petits. Des années plus tard, la rivière est nettoyée
et les barrières qui empêchaient l’eau de s’écouler librement dans son lit origi-
nal sont levées. Chaque petit cours d’eau est à nouveau capable de se jeter dans
la rivière sans qu’aucune quantité d’eau ne soit perdue. La rivière grandit et est
plus claire à mesure que les petits ruisseaux retrouvent leurs cours.
Le patient peut demander qu’un rituel particulier, réel ou imaginaire soit
effectué. Le premier pourrait consister à apporter des objets qui représentent
le mieux chaque partie et de les placer dans une belle boîte ou bien de réaliser
un collage qui représente chaque partie. Un exemple du deuxième cas, le rituel
imaginaire, se réfère à un patient qui imagina toutes les parties venues sur une
scène où elles reçurent un merci spécial de la part de la partie adulte du patient
et du thérapeute. Chaque partie reçut une reconnaissance, fit face au public et
fit une révérence ou s’inclina, puis se retourna et fusionna avec la partie adulte
du patient dans une accolade. Le public imaginé était composé de millions
de survivants qui pouvaient apprendre que la guérison était possible et cela
accompagné d’un tonnerre d’applaudissements.
« Ce sentiment que je suis quelqu’un avec une vie entière et une histoire et
que c’est moi : je ne le savais pas. Et je suis très heureux de l’aspect de ma
vie aujourd’hui avec tout ce qui est bon et mauvais. J’en suis très heureuse
et je me sens enrichie. C’est amusant, je me sens riche pour la première fois
dans ma vie et je peux me retourner vers beaucoup de choses qui ont été
miennes. Beaucoup de choses. »

1.5. Les signes d’unification


Une fois que le patient a intégré toutes les parties, les signes et les symptômes
de la dissociation devraient disparaître (Kluft, 1986b, 1993b). Le patient n’en-
tend pas plus longtemps de voix ou ne vit plus sous l’influence des parties
dissociatives. Il n’y a plus de sentiments de parties distinctes. Les conflits sont
généralement capables d’être gardés à l’esprit et supportés. Certains patients,
spécialement ceux qui ont été sévèrement dissociatifs, peuvent se battre en
vivant et gérant un sens du temps séquentiel. Ils font des commentaires, par
exemple, sur la longueur apparente des journées, puisqu’ils sont davantage pré-

530 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


sents au lieu d’être absents pour des périodes prolongées. Ils n’ont pas d’autres
parties pour partager la charge de composantes telles que la vie ordinaire, les
sources de stress et ils ont besoin de temps pour ajuster à un vécu différent de
la gestion de leur énergie. Certains patients ont des expériences sensorielles
inhabituelles directement après l’unification, ils disent qu’ils sont capables de
voir et d’entendre plus distinctement, que les couleurs vibrent plus, que le
toucher est plus sensible, etc. Ils peuvent se sentir davantage présents dans
leur corps qu’ils peuvent ressentir sous l’angle de l’inconfort ou du plaisir. Leur
posture peut se redresser et leurs mouvements devenir plus fluides – leur expé-
rience somatique est aussi intégrée.

1.6. La prévention de la rechute


Le thérapeute devrait aider le patient à anticiper des situations qui pourraient
susciter la séparation de parties unifiées, à la fois avant et après l’unification. La
bonne prévention d’une rechute aide le patient à se préparer au fait que la vie
ne devient pas magique et facile après l’unification. La vie est toujours la vie et
les patients ont besoin de toutes leurs stratégies d’adaptation pour qu’elle soit
pleine de succès. Après des décennies passées à avoir été obligé de s’adapter à
d’autres parties, et, dans certains cas, d’utiliser un contact intérieur entre les
parties pour supporter la solitude, le patient est vulnérable après l’unification
et a besoin d’un certain temps pour s’ajuster.
Il peut être instructif de demander au patient : « Qu’est-ce que vous pour-
riez imaginer qui pourrait faire éclater l’intégration ? » Le patient parvient en
général à identifier des événements de vie comme « quand mon père mourra »
ou « si je divorce un jour ». Si des événements de vie difficiles mais non inha-
bituels, peuvent prédire que le patient sera submergé, alors un travail plus
important au cours de la thérapie est certainement nécessaire pour accroître
les stratégies d’adaptation du patient. Le thérapeute pourrait alors explorer :
« Donc, lorsque votre père meurt, qu’est-ce qui pourrait vous être intolérable ?
Comment vos parties pourraient-elles vous aider d’une façon que vous ne puis-
siez pas vous aider vous-même ? Ou si vous deviez divorcer comment imagi-
nez-vous pouvoir y faire face ? Pouvez-vous penser à une amie qui s’est adaptée
à un divorce et parle un peu de la manière dont elle s’en est sortie ? »
Parfois, des patients pourraient ne rien dire à propos de ce qui les ferait un
jour se dissocier à nouveau, tandis que d’autres pourraient citer des événements
potentiellement traumatiques : « Eh bien, je pourrais imaginer que j’aurais besoin
de mes parties si j’étais violée à nouveau. » Si de tels événements sont possibles,
ils sont à l’évidence incertains. Le thérapeute pourrait s’assurer que les événe-
ments de vie généraux sont inscrits dans le registre des stratégies d’adaptation de
la patiente. Une exploration plus avancée peut être faite alors quant à la manière
dont la patiente pourrait s’adapter différemment dans le futur avec des vécus

Intégration des parties dissociatives en une personnalité cohésive 531


potentiellement traumatogènes ; par exemple, en se souvenant du fait que l’ici
et maintenant pourrait la protéger plus efficacement ou qu’elle pourrait s’adresser
à des gens vers lesquels elle pourrait aller pour avoir immédiatement du soutien.
En dépit de la prévention d’une rechute, l’unification, pour certains
patients, ne se maintient pas. L’unification n’est pas magique, c’est véritable-
ment un processus, pas un événement isolé. Elle n’est qu’une étape, quand bien
même une étape importante, dans l’aventure, qui dure toute la vie, du patient
vers l’intégration. Elle est faite de hauts et de bas mais cela n’est pas surprenant
étant donné cette particularité pour ces patients d’avoir vécu la plus grande
partie de leur vie avec une organisation dissociée. Un certain nombre de rai-
sons expliquent ces échecs d’intégration (Kluft, 1986b, 1993b), mais elles
s’avèrent temporaires dans la plupart des cas.

CONCEPT CLÉ

Le thérapeute devrait prendre un temps conséquent pour aider le patient à explorer les
raisons de l’échec du maintien de l’intégration. Il doit lui apprendre à reconnaître les
déclencheurs et être proactif dans la stabilisation des gains de l’intégration.

La raison principale d’une unification caduque des parties réside dans le


fait qu’il reste des aspects non résolus qui maintiennent la dissociation entre
les parties (Kluft, 1988a, 1993b). Peut-être un aspect a-t-il été résolu avec
succès pour certaines parties mais pas pour d’autres. Un souvenir traumatique
précédemment inconnu peut émerger. Certaines parties peuvent se tenir à
l’écart et être opposées à l’unification, mais ne pas le dire. Certaines parties,
inconnues jusque-là, peuvent émerger Ce n’est pas inhabituel et cela suit les
schémas généraux de découverte dans n’importe quelle psychothérapie, où de
nouveaux souvenirs et des conflits surgissent lorsque le patient est davantage
capable d’associer. Pour quelques patients, une unification caduque peut être
due à des aspects d’un attachement non résolu. Le patient peut croire que
l’unification annonce la fin de la thérapie et donc souhaite rester dissociatif de
façon à ne pas perdre la relation avec le thérapeute.
Certains patients font une fuite en avant dans la santé, en annonçant
abruptement que toutes leurs parties s’en sont allées même s’il reste des aspects
importants qui n’ont pas été traités. Un patient fut soudain incapable de visua-
liser des parties en disant que « c’était vide à l’intérieur, rien d’autre qu’un
brouillard ». Il insista sur le fait qu’il se sentait bien et il quitta le traitement
quelques semaines plus tard. Ceci doit soulever chez le thérapeute un indice
élevé de suspicion que le patient est en train d’éviter et non d’intégrer. En
effet, six mois plus tard, il revint en thérapie après une rechute avec des dro-
gues ; des parties de lui étaient en train de se livrer bataille vicieusement avec
plus de conflits que jamais.

532 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Certains patients disent qu’ils sont intégrés de façon à faire plaisir au théra-
peute si celui-ci a fortement insisté sur le fait que l’intégration est un aboutis-
sement espéré de la thérapie ou s’il y a poussé prématurément. Le thérapeute
doit toujours être à l’affût des comportements qui apaisent et qui font du bien
aux patients tout au long de la thérapie.

2. Résumé
L’intégration des parties est une longue aventure et constitue le but princi-
pal du traitement des troubles dissociatifs complexes. L’intégration peut être
graduelle ou rapide, spontanée ou planifiée, temporaire ou finalement perma-
nente. Beaucoup de patients accomplissent une intégration complète de leurs
parties, c’est-à-dire l’unification, tandis que d’autres non. Beaucoup de voies
mènent vers l’unification, et thérapeute et patient doivent trouver les voies qui
marchent le mieux pour eux.
Une intégration plus poussée de la personnalité du patient ne s’arrête pas à
l’unification. Comme signalé, la réorganisation est permanente et se poursuit
tout au long du cours de la vie. Le patient a besoin de temps pour établir de
nouveaux schémas, des plus simples aux plus complexes. Vivre de manière
moins divisée requiert de nouvelles façons de penser, de ressentir, d’être et
d’entrer en relation. La thérapie peut se poursuivre avec les problèmes de la
Phase 3, qui seront discutés dans le chapitre suivant.

3. Explorations supplémentaires
1. Quelles sont vos pensées au sujet de l’intégration des parties dissocia-
tives par le patient ou leur maintien comme un groupe fonctionnant
de manière cohésive ? Que voyez-vous comme supporters et adversaires
d’une intégration incomplète ?
2. Quelles sont vos expériences avec des patients qui ne souhaitent pas
intégrer leurs parties ?
3. Quelles sont vos expériences avec des patients qui ont mis ensemble
des parties ou ont fusionné au moins une partie d’eux-mêmes ?
4. Certains patients vivent des changements physiologiques avec intégra-
tion des parties ; par exemple, en voyant ou en entendant plus claire-
ment. Qu’est-ce qui cause ces changements selon vous ?
5. L’intégration, c’est ce que nous faisons tout le temps. Pensez-vous que
l’intégration des parties dissociatives soit l’unique moyen d’intégra-
tion ? Pourquoi ou pourquoi pas ?

Intégration des parties dissociatives en une personnalité cohésive 533


cHAPITRE 23
Phase 3 et au-delà

Ce travail n’est pas pour les petites natures. Mais j’y suis arrivé
et je suis vivant et plein de vie. Je vais bien. Est-ce que cela valait
la peine ? Je me suis tiré de l’enfer. Ouais, cela valait la peine.
Un patient anonyme à la fin de sa thérapie

Étant donné qu’il est fortement centré sur la vie quotidienne et les relations,
le travail de la Phase 3 se réalise en boucle tout au long de la thérapie. Il y a
d’abord l’unification toujours en cours des parties dissociées mais, en plus, cette
phase implique un travail de deuil, un sentiment de soi sain et solidifié, l’amé-
lioration des relations et bien d’autres sujets. Des incursions dans le traitement
de la mémoire traumatique continueront de temps en temps et il y aura même
parfois un retour occasionnel à la stabilisation.
À cette étape de la thérapie, les patients ont généralement une capacité
intégrative bien plus grande que précédemment et donc leur capacité à la réa-
lisation s’accroît. En effet, ils ont le sentiment que leur vie leur appartient bien
davantage tout autant qu’augmente leur capacité à être plus dans le présent.
En général, les patients sont davantage centrés sur l’expérience du présent et
sur l’amélioration de la qualité de leur vie avec moins d’énergie investie dans
le passé. Avec un peu de chance, ils sont de plus en plus capables de faire face
aux défis de leur vie. Les patients trouvent généralement leur vie meilleure en
Phase 3, comme l’un d’entre eux le notait :
« Je n’ai jamais cru que je pourrais passer de “l’autre côté” et même que je
pourrais imaginer qu’il y avait une meilleure place pour moi avant ma mort.
Je ne sais pas exactement comment je suis arrivé là. C’est seulement quand

Phase 3 et au-delà 535


je regarde en arrière que je remarque que je ne suis plus dans un trou noir
ne sachant pas qui j’étais. Ce n’est pas ce que j’attendais. C’est bien mais ce
n’est pas toujours facile. Il y a encore quelques combats. Mais je pense que
ce sont davantage des combats que tout le monde vit, ce n’est pas si diffé-
rent. Peut-être j’avais espéré un conte de fée où j’“aurais vécu toujours heu-
reux après”. Mais le fait est que j’ai une vie décente, de meilleures manières
de m’adapter et quelques personnes avec qui partager. Je suis heureux d’être
ici et il semble que “ici” est seulement une autre étape dans une aventure
qui se poursuit. »

1. Apprendre à s’adapter à une vie normale


Les patients dissociatifs ont d’anciens schémas d’évitements et de restrictions
dans la vie quotidienne. Certains patients TDI ont eu des parties spécifiques
d’eux-mêmes qui se sont engagées dans le travail, l’éducation d’enfants, le
paiement de factures et ainsi de suite. Pour eux, cela peut être impressionnant
de réaliser toutes ces tâches. Leur vie doit leur appartenir personnellement de
plus en plus et être accomplie sans évitement, à la fois intérieur et extérieur
(p. ex., ISSTD, 2011 ; Kluft, 1993b ; Van der Hart et al., 2006). Beaucoup de
patients sévèrement dissociatifs trouvent que c’est un combat de s’adapter au
sens de la durée (continuité du temps), récemment acquis, qui suit l’unifica-
tion, car ils étaient habitués à « s’absenter » pour de longues périodes.
Le travail ne s’arrête pas à l’unification. L’intégration des parties n’est
qu’une étape sur le chemin d’une vie plus intégrative. Le patient peut avoir
besoin d’un soutien prolongé pour continuer à développer des façons plus
flexibles de vivre et pour apprendre à s’approprier plus complètement ces habi-
letés, comportements, émotions, sensations et tout ce qui avait été précédem-
ment dissocié de la conscience (Braun, 1986 ; ISSTD, 2011). L’histoire du
patient doit continuer d’être examinée et placée dans le contexte du présent
avec la perspective du futur.

CONCEPT CLÉ

Au fur et à mesure que les patients intègrent les parties dissociatives, ils doivent ajuster
leur vie à une vie sans dissociation en s’appropriant de plus en plus leur vie quotidienne
et en se focalisant moins sur le passé.

Les phobies en rapport avec le trauma sont déclenchées moins souvent et


sont graduellement résolues. Les patients ont besoin de temps pour faire le
deuil du passé, ainsi de ce qui a été en conséquence perdu et reste perdu pour la
vie future. Ils ont besoin de temps pour développer une relation de plus en plus
confortable avec leurs corps et pour consolider de nouvelles capacités d’adap-

536 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


tation et davantage d’habiletés sociales en apprenant à maintenir des relations
authentiques et intimes. Tout ce travail implique que les patients vivent moins
dans la prédiction de catastrophes et sont plus désireux de prendre des risques
sains et de tolérer le changement.
Beaucoup de patients ont combattu tout au long de leur vie pour aboutir
à un équilibre entre le travail, les divertissements, le repos et les relations. La
Phase 3 est un temps de travail plus focalisé sur la mise sur pied et le maintien
d’un équilibre et le prolongement des progrès réalisés en thérapie. Souvent,
les patients ont été inconscients de signaux indiquant qu’ils étaient débor-
dés ou ne portaient pas d’attention aux aspects des besoins de la vie, comme
leur hygiène, y compris la régulation de leur énergie et le maintien de limites
saines, l’entretien du ménage ou la socialité. Comme ils sont davantage ancrés
et que les parties sont moins actives ou même intégrées, ils doivent être vigi-
lants vis-à-vis de considérations qui ne leur sont pas familières et pourtant
qui sont essentielles. Ils peuvent se plaindre que c’est un grand travail pour
conserver l’équilibre comme s’ils s’attendaient à ce que cela se fasse sans effort,
ce qui, évidemment, n’est pas le cas. Les thérapeutes doivent continuellement
les encourager à poursuivre les efforts entrepris pour maintenir un meilleur
équilibre, ce qui leur sera profitable sur le long terme.
Comme la dérégulation est moins un problème chronique, les patients
doivent apprendre à donner sens à une vie plus régulée qu’ils sont amenés
à mener. Beaucoup de patients qui étaient chroniquement sur leur garde
trouvent plutôt ennuyeuse une vie qui avait été jusqu’alors un chaos. Ils ont
développé une addiction au chaos afin d’éviter. Ces patients ont besoin de
temps et de patience pour dépasser cette addiction et apprendre à vivre une vie
normale qui soit remplie de sens et satisfaisante autant que possible et sans des
intervalles inutilement tumultueux.

2. Faire le deuil
Le deuil réel est une partie intégrante de l’adaptation à la réalité. En fait, nous
pensons que l’échec du deuil est une forme particulière de non-réalisation. Le
deuil est essentiel parce qu’il est un processus de reconnaissance de la perte, en
lâchant prise sur le besoin de changer ce qui ne peut être changé et en allant
de l’avant (Herman, 1997 ; Van der Hart et al., 2006.). Cela ne peut pas être
un processus tranquille ou rapide.

CONCEPT CLÉ

L’échec du deuil, de ce qui était et qui ne peut plus être, est une non-réalisation qui doit
être surmontée au cours du traitement.

Phase 3 et au-delà 537


Certains patients évitent de reconnaître la perte et le deuil, tandis que
d’autres sont excessivement centrés sur la perte et ne peuvent pas aller de
l’avant. Ces patients ont tendance à être incapables de travailler avec fruit
dans la Phase 2 sur les souvenirs traumatiques puisqu’ils continuent à les éviter
de manière phobique ou à être coincés dedans. Aider les patients à dépasser les
résistances au deuil est une partie essentielle de la thérapie qui commence en
Phase 1 et 2, où des incursions dans le deuil surviennent déjà naturellement.
Les patients peuvent être en deuil tout au long du parcours. En fait, chaque
accomplissement d’intégration peut être suivi d’une réponse de deuil. Chaque
nouvelle étape vers la guérison, chaque nouvelle expérience positive dans la vie
peut être couplée avec le deuil d’en avoir manqué si longtemps. Tant la joie que
la tristesse sont des parties de réalisation du présent et devraient être attendues. Le
thérapeute ne devrait pas essayer de convaincre le patient de sortir de la tristesse
mais accompagnera à la fois le positif et le négatif comme les deux faces de la pièce
de monnaie qu’est la réalisation et l’acceptation. En Phase 3, le poids entier de leur
souffrance se présente parfois au moment où les patients commencent réellement à
s’engager dans leur vie et à réaliser exactement ce dont ils ont manqué. Désormais,
la plupart des patients sont conscients de leur autobiographie et ont commencé à
réaliser ce qui aurait pu être et ce qui n’a jamais été et ne le sera jamais.
Même si c’est douloureux, ce deuil mène à une plus grande personnification
et présentification. Plus les patients peuvent accepter leur vie et se l’approprier,
plus ils peuvent se prendre en charge et agir dans le présent pour améliorer ce
qu’ils peuvent.
La vie après le trauma n’est pas un conte de fées qui inclut de vivre heu-
reux pour le restant des jours. Si la vie peut parfois être merveilleuse et satis-
faisante, elle a aussi ses moments durs et douloureux au cours desquels les
patients doivent tout le temps s’adapter, comme chacun le doit, en devenant
plus triste mais plus sage. Certaines conséquences d’avoir été sérieusement
abusé ou négligé resteront et devront être acceptées de la même manière que
doivent être acceptés les changements positifs et la guérison. Certains patients
souffrent de séquelles terribles de leur traumatisation et de l’évitement. Peut-
être sont-ils restés extrêmement seuls leur vie entière, sans partenaire ou amis
à cause de leur évitement relationnel et de leur honte. Peut-être n’ont-ils pas
d’enfants en dépit de leur désir intense d’en avoir, parce qu’ils n’ont pas eu
confiance dans leurs aptitudes à la parentalité. Ou bien ont-ils été incapables
de déployer leur potentiel intellectuel ou professionnel à cause d’une phobie
du risque ou du changement. Ils peuvent vivre dans la pauvreté et manquer
d’acquis suffisants pour modifier leur contexte. Et certains peuvent souffrir de
maladies sévères causées ou exacerbées par le stress chronique.
Les patients peuvent aussi réaliser que leur vie sera toujours jalonnée de
nouvelles pertes, de nouvelles souffrances, de nouvelles déceptions. Il s’agit
maintenant de voir comment le patient compose avec celles-ci qui font la diffé-

538 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


rence entre une souffrance qui se poursuit et la capacité d’équilibrer la douleur
et la joie. Plutôt que d’éviter, le patient peut embrasser l’entièreté de la vie
avec un certain degré d’acceptation et d’adaptation.
Le deuil inclut souvent des périodes de colère et de rage. C’est important
pour le patient de vivre la colère à l’égard d’injustices vécues mais le patient
doit aussi être capable de les dépasser pour aller vers une acceptation apaisée et
résolue de ce qui a été. Souvent, des parties dissociatives en colère ont évité le
deuil et lorsqu’elles réalisent que leur colère est une défense, elles sont davan-
tage capables de se mouvoir vers l’intégration avec les autres parties et vers
l’acceptation ce qui leur est arrivé.

2.1. Résoudre les relations avec les agresseurs


En Phase 3, beaucoup de patients doivent trouver des moyens plus efficaces de
composer avec une famille d’origine abusive Les abuseurs souvent ne recon-
naissent jamais les événements et les patients doivent accepter de voir leur
réalité non validée. Certains patients décident de couper les contacts avec
leurs parents ; certains tentent d’avoir des relations changées, certains pensent
qu’un certain degré de réparation est possible. Il est important que chaque
patient soit capable d’abandonner des espoirs irréalistes d’acceptation et
d’amour, de faire le deuil de cette perte de manière appropriée et d’accepter la
famille d’origine telle qu’elle est. Certains patients rompent ou continuent les
contacts pour éviter le deuil et le thérapeute doit être alerté par cette non-ré-
alisation en cours.

2.2. Les rituels d’adieux


Certains patients trouvent certains rituels d’adieu puissants dans lesquels ils
lâchent symboliquement prise d’une perte (Van der Hart, 1983, 1986 ; Vesper,
1991). Les thérapeutes peuvent demander aux patients s’ils ont pris en consi-
dération l’éventualité de rituels et s’ils ont le sentiment que cela pourrait les
aider. Par exemple, une patiente, qui avait déjà intégré toutes ses parties dis-
sociatives, amena en séance une magnifique boîte en bois dans laquelle elle
avait placé des photographies de ses parents abusifs lorsqu’ils étaient jeunes.
Elle passa la séance à parler de la manière dont ils s’étaient comportés vis-à-vis
d’elle et de ce qu’elle avait attendu qu’ils soient. Après la séance, elle retourna
à la maison et brûla la boîte comme un symbole de lâcher-prise du passé et de
son besoin d’avoir des parents tels qu’ils ne pourraient jamais être. Une autre
patiente avec un TDI, pas complètement intégrée, écrivit des lettres d’adieu
à ses parents, qui étaient déjà morts. Ensuite, elle se rendit sur leurs tombes et
enterra ces lettres-là. Si certaines parties ne sont toujours pas intégrées, il est
important de vérifier avec toutes ces parties la moindre attitude conflictuelle
envers ces rituels d’adieux.

Phase 3 et au-delà 539


3. Dépasser la phobie du changement
Les patients viennent en traitement parce qu’ils sont réticents à opérer des
changements qu’ils désirent eux-mêmes. Résoudre ce conflit débute en Phase 1.
Beaucoup de patients traumatisés ont peur que le changement soit hors de leur
contrôle et pire que ce qu’ils vivent dans le présent (Boon et al., 2011 ; Van der
Hart et al., 2006). En d’autres mots, ils pensent que le changement lui-même
peut être traumatisant, ce qui est une projection du passé sur le futur. Lorsque
les thérapeutes ont aidé les patients à accomplir un petit pas à la fois depuis
le début de la thérapie, cette phobie diminue graduellement. Cependant, cela
peut ré-émerger en Phase 3 lorsque les patients commencent à fonctionner
davantage comme des personnes unifiées. Ils peuvent marquer une certaine
appréhension d’essayer de nouvelles choses pour la toute première fois.

CONCEPT CLÉ

Les thérapeutes peuvent aider les patients à changer et s’adapter, en explorant avec
compassion les conflits et les craintes liés à ce changement et en les encourageant à faire
de petits pas à la fois.

En effet, le changement contient une certaine part d’anxiété et d’incerti-


tude. Les sensations de ces sentiments dans le corps peuvent servir de rappels
subconscients aux expériences traumatiques menant à l’évitement et la peur.
Les patients peuvent être aussi craintifs de l’échec lors de changements, en
évoquant la honte qui bloque aussi leur capacité d’aller de l’avant. Le théra-
peute devrait aider le patient à explorer les croyances à propos du changement,
qui peuvent compromettre les progrès en Phase 3. La peur d’être honteux d’un
échec nécessite une attention bienveillante et de la compassion, car la honte
émergera au cours de cette dernière étape du traitement (voir chapitre 15).

&YFNQMFEVDBTEF%POOBTVSNPOUFSMBQIPCJFEVDIBOHFNFOU

Donna était une patiente qui commençait à peine à être plus socialisée. Elle voulait
débuter des études artistiques mais avait de nombreuses craintes : « Qu’arrivera-t-il si
je ne peux y arriver ? Qu’arrivera-t-il si les gens pensent que c’est mauvais ? Qu’arrivera-
t-il si pour finir je n’aime pas cela ? » Donna discuta de ses peurs avec le thérapeute
qui l’aida à réaliser qu’elle pourrait abandonner ses études si elle ne les aimait plus ou
si elle se sentait trop submergée. Ils décidèrent qu’elle demanderait à assister/observer
un cours avant de s’inscrire. Le professeur d’art accepta sa demande et Donna apprécia
ce cours. Ce petit pas lui donna la liberté d’essayer ces études. Donna passa un moment
extraordinaire et s’inscrivit ultérieurement à un autre cours et établit finalement des
relations durables avec le professeur d’art et un autre élève de la classe.

540 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


4. Dépasser la phobie du corps
La plupart des patients dissociatifs ont une phobie persistante des sensations du
corps et même du mouvement. Avec un peu de chance, cette phobie diminue
pendant le déroulement de la thérapie. Dans la Phase 3, la réalisation crois-
sante mène à davantage de conscience corporelle et à un sens plus important
de la responsabilité dans la prise en compte des besoins du corps (Ogden et
al., 2006 ; Van der Hart et al., 2006). Beaucoup de patients traumatisés se
sentent trahis par leur corps, qui ont été les vecteurs de souffrances émotion-
nelles et physiques et le lieu de besoins jamais comblés. Parfois, leur corps a
répondu avec une excitation non désirée durant l’abus sexuel. C’est comme
s’ils vivaient leur corps comme séparé d’eux-mêmes, comme un ennemi, un
réservoir de honte, de dégoût et de faiblesse. Par exemple, un patient disait :
« Je veux ramper hors de ma peau et laisser ce corps affreux derrière moi. Je le
hais ! C’est si dégoûtant et sans utilité. »
Ces individus doivent arriver à accepter leur corporéité avec à la fois ses
joies et ses inconforts. Ils doivent apprendre à tolérer et interpréter les sensa-
tions physiques comme des signaux qui les aident et les guident vers la gestion
de leurs besoins corporels, comme la faim et la douleur, et de leurs besoins
émotionnels. Ils doivent faire le deuil du sentiment de trahison de leur corps
vécu et apprendre à accepter d’être des humains dans leur totalité. Certains
doivent faire face avec les séquelles physiques à long terme d’un trauma chro-
nique en incluant la maladie et le handicap physique. Vieillir apporte aussi
un sentiment supplémentaire de perte et parfois vient déclencher de vieux et
nouveaux sentiments de vulnérabilité et de peur. Une patiente vieillissante se
lamentait qu’elle ne pourrait plus être capable bien longtemps de se protéger,
ce qui avait été pour elle une partie importante de sa guérison dans les pre-
mières étapes de celle-ci.
Néanmoins, beaucoup de patients deviennent plus amis de leurs corps en
habitant leur espace physique plus fréquemment et complètement, ainsi qu’un
patient le décrivait :
« Je commence à ressentir de plus en plus mon corps même pendant la jour-
née. Je me rappelle toujours qu’il y a quelques années je séparais complète-
ment ma tête et mon corps et que, dans le fond, je pouvais à peine percevoir
mon corps. Je flottais au-dessus du sol en quelque sorte. »

Dans la Phase 1, les patients ont souvent combattu sans beaucoup de succès
pour accepter avec compassion leurs corps et le soigner. À partir du moment où
la majorité de leurs souvenirs traumatiques et de leur honte a été dépassée, cela
devient plus facile pour eux de vivre des sensations corporelles avec davantage
de plaisir. Les thérapeutes peuvent les encourager à prendre note plus souvent
de ce qui survient dans leur corps, à vivre des sensations physiques sources de

Phase 3 et au-delà 541


plaisir et de confort et accompagnées d’affects positifs et à faire usage de leurs
corps comme des ressources (Ogden et Fischer, 2015). Par exemple, le théra-
peute peut suggérer de simples exercices comme prendre note des sensations
quand ils prennent un bain chaud ou une douche, lors de l’application d’une
lotion, lors d’un massage, d’un sauna ou de la pratique d’un exercice. Parfois,
le patient a besoin d’apprendre à être plus actif physiquement parce qu’il peut
avoir précédemment évité le mouvement du fait qu’il pourrait évoquer des
souvenirs traumatiques.

4.1. L’intimité sexuelle et le corps


Les patients peuvent avoir des problèmes concernant leur corps, particu-
lièrement ceux qui ont été sexuellement abusés et qui ont souvent des pro-
blèmes avec leur intimité sexuelle. Parfois, ils pratiquent l’évitement ou sont
hyper-sexualisés, certains même en s’engageant dans une addiction sexuelle
dans lesquelles les relations significatives ou l’intimité émotionnelle sont
absentes. En dehors de la forme des combats menés en matière de sexualité,
la plupart des patients restent de manière significative désincarnés et évitent
certaines sensations. Le sexe peut être assimilé au contrôle et la domination.
Certaines parties dissociatives sont devenues soumises alors que d’autres, les
parties qui imitent l’agresseur ou, par exemple, les parties agressives sexuelle-
ment sont devenues dominantes. Ces conflits de pouvoir doivent être résolus
avant la fusion des parties et le patient, en sa globalité, a besoin d’apprendre
que l’intimité sexuelle concerne la réciprocité et le soin.
À certains moments, la thérapie de couple peut être appropriée dans n’im-
porte quelle phase du traitement. En Phase 3, explorer le sens du toucher
sexuel et non sexuel dans une intimité émotionnelle peut procurer une aide
au patient et à son partenaire. Le patient pourrait être encouragé à vivre et à
prendre le contrôle d’arrêter ou de débuter autant que possible avec une atten-
tion centrée sur la connexion relationnelle davantage que spécifiquement sur
le toucher sexuel. Progressivement, à mesure que la sécurité émotionnelle
croît, l’intimité sexuelle peut augmenter.
Une patiente commença à rire pendant une séance et déclara à son théra-
peute : « Tu ne peux pas deviner ce que j’ai fait ! Sam [partenaire de la patiente]
et moi, on s’est embrassé sur le sofa hier soir ! On n’avait plus fait ça depuis dix
ans et c’était chouette. Nous n’avons pas eu de rapport sexuel mais je pouvais
ressentir que mon corps se disait “wow !”. C’était quelque chose de nouveau et
cela nous a surpris tous les deux. Je n’ai pas été déclenchée du tout ! »
Une autre patiente, qui était célibataire depuis un divorce douloureux
quinze ans auparavant, commença à parler en thérapie pour la première
fois d’un manque d’intimité sexuelle et émotionnelle et indiqua qu’elle sen-
tait qu’elle pourrait faire de petits pas pour être davantage présente dans la

542 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


conversation quotidienne avec les hommes. D’autres ne sont tout simplement
pas intéressés par la sexualité, trouvant un accomplissement grâce à d’autres
aspects de la vie.
Les patients qui ont intégré les parties sexuelles d’eux-mêmes peuvent com-
mencer à ressentir des sensations sexuelles pour la première fois pour autant qu’ils
s’en souviennent. Tout en étant agréable, cela peut être aussi effrayant et leur faire
ressentir une perte de contrôle. Une certaine psychoéducation, une normalisation
et une acceptation générale de ces sentiments par le thérapeute sont habituelle-
ment suffisantes pour aider les patients à accepter davantage leur sexualité.

5. La crainte de guérir
De nombreux patients portent une peur secrète de guérir (Van der Hart et al.,
2006). Non pas parce qu’ils souhaitent continuer à souffrir mais parce qu’ils
sont craintifs de ce que cela pourrait signifier. Ils ont souvent des croyances très
irréalistes quant à l’idée de « guérir ». Certains pensent que cela veut dire que
les autres personnes ne les aideront plus et qu’ils doivent songer à se débrouil-
ler par eux-mêmes pour tout. D’autres ont peur de ne plus jamais s’améliorer
et qu’ils ne pourront plus alors revenir en arrière vers quelque chose de plus
familier, quelque chose sur lequel ils se sont appuyés toute leur vie. Certains
ont peur que cela change qui ils sont.
Les patients en Phase 3 commencent surtout à réaliser que la thérapie finira
par se terminer de telle sorte que l’idée d’aller mieux se couple à la peur de perdre
le thérapeute. Cette peur est très importante à traiter car il n’y a pas de promesse
que le thérapeute soit toujours là. Dans les traitements à long terme, la relation
thérapeutique est généralement devenue très importante tant pour le patient
que pour le thérapeute. Pour certains patients, cela peut être la première relation
saine ; pour d’autres, cela peut avoir été leur seule relation saine. Un transfert
intense (et un contre-transfert) peut sourdre et ce n’est pas toujours complète-
ment résolu au moment où le traitement atteint son terme. Idéalement, il fau-
drait que la résolution du transfert survienne. Les patients ont besoin d’être aidés
pour envisager d’une manière ou d’une autre comment ils pourraient gérer leur
vie sans un contact régulier avec leur thérapeute. Les thérapeutes, aussi, peuvent
être très attachés à leurs patients et trouvent douloureux de les laisser partir. Ce
n’est pas seulement le patient qui doit faire le deuil de la thérapie.

6. La fin du traitement
Les thérapeutes ont une responsabilité éthique à terminer le traitement lors-
qu’il n’est pas nécessaire ou possible plus longtemps ou lorsqu’il n’aide pas
(Barnett, MacGlashan et Clarke, 2000 ; Vazquez, Bingham et Barnett, 2008).

Phase 3 et au-delà 543


Edelson (1963) a noté que le problème le plus important dans la fin est la
manière dont cela se termine, de telle sorte que le patient continue à croître et
à se développer après le traitement. La façon dont la thérapie se termine peut
soit faciliter les changements en cours, soit les enrayer. Souvent, les patients
dissociatifs ont eu des traitements à très long terme, et donc la fin est particu-
lièrement difficile, avec des craintes potentielles de sentiments d’abandon et
de perte considérables. Le thérapeute a cependant une responsabilité éthique
à mettre fin à la thérapie de la meilleure manière possible (Davis et Younge-
ren, 2009 ; Vazquez et al., 2008). Idéalement, le patient est capable d’intégrer
une représentation mentale positive et réaliste du thérapeute qui sert de guide
continu pour guérir après la thérapie (Arnold, Farber et Geller, 2004).

CONCEPT CLÉ

Terminer n’est pas uniquement la fin de la thérapie. C’est une intervention majeure qui
peut aider en soi le patient à continuer à grandir et à se développer au cours de sa vie.

La manière dont le thérapeute parle de la fin de la thérapie est importante.


Si c’est trop prématurément, le patient peut paniquer. Si c’est trop tardive-
ment, la thérapie peut devenir viciée (Quintana, 1993). Dans les thérapies
longues avec des patients qui ont des préoccupations autour de l’abandon, il
n’est pas approprié de leur rappeler explicitement la fin de la relation. Ils ne
peuvent pas même imaginer une fin qui ne serait pas abandon et rejet. Pour-
tant, le fait de savoir que la thérapie finira effectivement est implicite dans le
dispositif et dans la poursuite des objectifs de la thérapie. Le temps passant, le
patient peut craindre le surgissement de l’idée de l’issue. Le thérapeute peut
réassurer le patient ; le temps venu, le patient sera mis au courant et prêt mais
ce temps n’est pas encore arrivé.
Terminer la thérapie sera un plus grand défi lorsque la relation et le trans-
fert (et le contre-transfert) sont intenses et quand la pathologie du patient
est plus importante (Vazquez et al., 2008). C’est très caractéristique avec des
patients présentant des troubles dissociatifs complexes. Ces patients qui ont
une dépendance encore à l’œuvre et des problèmes d’hostilité auront une réac-
tion particulièrement négative en face de la fin du traitement (Werbart, 1997).
Si la fin n’aide pas le patient à résoudre la perte d’une relation, pleine de sens,
avec le thérapeute, les conséquences peuvent être négatives et durables (Roe,
Dekel, Harel, Fennig et Fennig, 2006).
En plus des défis potentiels d’une fin réussie, le thérapeute ainsi que le
patient doivent considérer si les parties dissociatives ont été intégrées ou le
seront dans un futur proche. Si ce n’est pas le cas, ils doivent déterminer si
résoudre ces problèmes qui maintiennent la division est un but de traitement
raisonnable ou partagé, ou s’il y a une coopération suffisante et une cohésion

544 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


entre les parties dissociatives afin de maintenir un fonctionnement adéquat
dans la vie quotidienne. Le processus de fin devrait inclure un large travail sur
la prévention de tout évitement et dissociation ultérieurs.

6.1. Le patient est-il prêt à terminer la thérapie ?


La fin de la thérapie n’est pas la fin du changement et du développement per-
sonnel. Elle devrait être le catalyseur de tout un développement sain ultérieur.
Comment le thérapeute et le patient déterminent-ils si un traitement suffisant
a été prodigué, en dépit de certains problèmes persistants contre lesquels le
patient continue de se battre ? Premièrement, il doit y avoir des discussions
ouvertes et franches sur ce qui est possible, quels sont les buts raisonnables res-
tant à atteindre. En second lieu, il est nécessaire que tant le thérapeute que le
patient soient dans une perspective réaliste à propos des capacités potentielles
du patient. Le tableau 23.1 propose des lignes de conduite à suivre en se basant
sur les capacités raisonnables du patient.

• Toutes les parties ont-elles été intégrées et le trouble dissociatif n’existe-t-il plus ? Si
le patient est déterminé à maintenir des parties séparées, le thérapeute devrait dis-
cuter sérieusement sur les options et les mises en garde, incluant la possibilité de
retourner en thérapie pour la poursuite du travail.
• Le fonctionnement du patient est-il optimal dans la situation actuelle ?
• Le patient a-t-il été capable de développer et de maintenir au moins certaines rela-
tions et faire usage de certaines habiletés sociales ?
• Le patient est-il capable de mentaliser ?
• Le patient est-il capable de moduler des émotions normales dans la vie quotidienne ?
• Le patient a-t-il une forme significative de compassion pour lui-même ?
• Les souvenirs traumatiques principaux sont-ils intégrés ?
• Le patient est-il capable de se consoler lui-même et de demander de l’aide si néces-
saire ?
• Le patient est-il capable d’être suffisamment présent pour fonctionner relativement
bien dans la vie quotidienne ?
• Le patient est-il capable de vivre des émotions et des expériences positives au moins
à certains moments ?

TABLEAU 23.1
Les facteurs qui déterminent la fin

6.2. Mettre en place l’étape de fin


Prendre en compte la fin commence lorsque le thérapeute établit la trame et
le contrat de traitement. Le contrat thérapeutique est le guide du travail du
patient et du thérapeute et soit il doit être revu avec de nouveaux objectifs
lorsque les anciens ont été atteints, soit le temps est venu de mettre fin à la

Phase 3 et au-delà 545


thérapie. Lorsqu’on songe à terminer en Phase 3, les buts de fin de thérapie
doivent être clairement mis en avant et compris à la fois par le patient et le
thérapeute. Le cadre de traitement devrait inclure un accord selon lequel au
moins plusieurs séances seront consacrées au processus de fin de telle façon que
le patient ne quitte pas sans avoir parlé de la fin. Le thérapeute devrait régu-
lièrement revoir les buts du traitement et les bénéfices pour le patient, l’aider à
identifier les risques de rechute et comment les gérer, à anticiper les problèmes
qui pourraient survenir dans le futur et à déterminer quand la thérapie pourrait
être à nouveau aidante (Vazquez et al., 2008). Le thérapeute devrait aider le
patient à se sentir compétent et confiant tout en étant aussi ouvert à savoir ce
qui pourrait être nécessaire.
Pour les thérapies à long terme avec les patients dissociatifs, beaucoup
de travail doit au fil du temps être accompli pour préparer les patients à une
séparation effective. Par exemple, les absences ou les vacances des thérapeutes
peuvent être des opportunités de parler de la perte et du besoin du thérapeute
et comment le patient peut gérer ces événements de manière plus efficace.
Tel aspect du plus grand deuil ou de la plus grande perte peut être évoqué en
pensant à la fin et le thérapeute doit être préparé à se débrouiller avec compas-
sion avec les régressions dues à la peur à cette occasion.

Parler de la fin. La manière dont le thérapeute aide le patient à aborder la


fin est essentielle, puisque faire ses adieux est une aptitude nécessaire pour la
plupart des relations. C’est la responsabilité des thérapeutes d’amener la pos-
sibilité d’une fin s’ils pensent que la plupart des objectifs ont été rencontrés.
Les patients peuvent être rassurés à l’idée que, lorsque le temps viendra, ils
seront prêts, ils participeront à une décision commune en accord avec le théra-
peute. Les thérapeutes peuvent explorer les peurs du patient et ses préoccupa-
tions, tout en résolvant les conflits et les questions d’attachement tout au long
du processus. Façonner une histoire approfondie des expériences d’adieu du
patient peut constituer une aide dans l’élaboration d’une bonne fin. Beaucoup
de patients n’ont, par exemple, jamais eu l’occasion de parler de la fin d’une
relation ou de ce que cela a signifié pour eux. Prendre le temps de discuter de
ce qui a fonctionné ou pas, de ce qui aurait été plus aidant de la part du théra-
peute fait partie de la clôture. Parfois, le thérapeute peut offrir une perspective
sur la manière dont le patient a changé au cours du temps.

La diminution progressive. Souvent la thérapie se réduit graduellement.


L’intensité des séances diminue et les sujets sont davantage centrés sur le
présent. Le transfert avec le thérapeute devrait être résolu dans une large
mesure de telle façon que l’énergie est investie dans d’autres relations. Cer-
tains patients peuvent trouver qu’ils ont moins à dire en thérapie. Beaucoup
de patients peuvent passer d’une séance hebdomadaire à deux séances par mois

546 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


et parfois à la demande. En fait, certains cliniciens ont suggéré un modèle dif-
férent dans lequel une fin de thérapie est uniquement considérée comme une
interruption temporaire dans le traitement qu’ils peuvent continuer tout au
long de la vie du patient selon les besoins (Cummings, 2001). Chaque patient
a différents besoins à cet égard.

6.3. La fin prématurée


Certaines fins ont lieu avant que les questions principales aient été traitées. Le
patient ou le thérapeute déménage, le thérapeute part à la retraite ou change
de lieu de travail, le patient met fin abruptement à la thérapie, les assurances
et le paiement deviennent des obstacles insurmontables et ainsi de suite. Par-
fois, les patients terminent une thérapie prématurément parce qu’ils se sentent
blessés par leur thérapeute ou furieux vis-à-vis du thérapeute et parfois parce
qu’ils ne peuvent faire face à des aspects pénibles. Si le patient termine sans
explication, le thérapeute devrait prendre contact avec le patient par télé-
phone ou avec une lettre de suivi, demandant au patient de venir au moins
pour une séance de clôture pour déterminer quand il y a eu maldonne. Si le
patient ne répond pas, une lettre supplémentaire devrait être envoyée, noti-
fiant au patient la fin du traitement mais laissant une opportunité d’un retour
ultérieur si le patient le décide. De cette façon, le thérapeute et le patient sont
au clair avec le fait que le patient n’est plus en traitement et que le thérapeute
n’a plus d’obligation éthique ou légale.
À l’occasion, un thérapeute doit terminer avec un patient qui n’est pas
volontaire ou est incapable de maintenir un fonctionnement suffisant pour
être soigné dans un dispositif ambulatoire. Ou qui viole chroniquement le dis-
positif de traitement de façon sévère, par exemple en étant violent, en refusant
de payer les honoraires ou en refusant d’accepter les limites de la thérapie. Par-
fois, un thérapeute peut avoir des problèmes de santé qui nécessitent une fin
prématurée ou le trauma propre du thérapeute a été déclenché à un degré tel
qu’un contre-transfert traumatique se développe et que terminer peut être la
meilleure solution. Dans de tels cas, un constat peut être introduit pour aider le
thérapeute et le patient dans leur au revoir et séparation, et le thérapeute peut
aussi entrer en thérapie pour les questions en rapport avec le trauma (Kluft,
1988b).

6.4. Le contact après la clôture


Les patients sont souvent craintifs de perdre tout contact avec leur théra-
peute, avec lequel ils ont eu une relation intense et sur le long terme. La
plupart des recommandations éthiques vont résolument dans le sens que des
amitiés et assurément des relations sexuelles avec d’anciens patients ne sur-
viennent pas après la fin et nous y souscrivons. Cependant, la plupart des

Phase 3 et au-delà 547


thérapeutes sont ouverts à avoir un contact occasionnel avec des patients
qui ont terminé une thérapie. Par exemple, les patients peuvent appeler le
thérapeute annuellement ou envoyer des cartes de vacances donnant des
nouvelles de leur évolution. Ceci peut être gratifiant pour les deux, parta-
geant les fruits du traitement bien conduit. Le thérapeute pourrait être clair
quant à une possibilité de consultation future et une thérapie additionnelle
si le patient en a besoin.

6.5. Les dispositions professionnelles


Parmi leurs obligations éthiques envers les patients, les thérapeutes sont
progressivement encouragés à préparer des dispositions professionnelles. Ce
document propose des adresses en cas d’incapacité imprévue ou de mort du
thérapeute (Ragusea, 2013 ; Pope et Vasquez, 2005, 2011). Pour des raisons
de confidentialité, les patients devraient signer un consentement éclairé qui
signifie leur accord d’être contactés par une personne désignée au cas où le
thérapeute devient indisponible. Une copie de cette déclaration deviendrait
accessible à la personne qui est désignée pour s’occuper des dossiers profession-
nels du thérapeute. Cela devrait inclure au moins ce qui suit (Pope et Vasquez,
2005, 2011) :
• le nom et les coordonnées de la personne désignée qui prendra contact
avec les patients ;
• les noms des thérapeutes qui peuvent servir de backup temporaire pour
les patients et les thérapeutes auxquels les patients peuvent être adres-
sés de manière définitive ;
• l’information de contact pour les patients en cours, qui devrait être
périodiquement mise à jour ;
• l’accès à votre calendrier ou carnet de rendez-vous et à l’ordinateur y
compris les mots de passe ;
• les instructions concernant la manière dont la personne désignée
pourra avoir accès à votre bureau et aux dossiers des patients, incluant
aussi les clés, les codes d’accès et les mots de passe pour n’importe quels
dossiers en ligne ;
• l’accès aux informations de paiement.

7. Explorations supplémentaires
1. À quoi ont ressemblé vos propres expériences de deuil précédentes ?
Qu’est-ce qui vous a aidé à aller de l’avant ? Comment votre propre
affect de deuil vous a-t-il aidé à être capable de vous comporter face à
un patient endeuillé ?

548 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


2. Quelles sont vos expériences de l’achèvement des thérapies avec les
patients ? Éventuellement, que feriez-vous différemment dans le futur ?
3. Quelle est votre attitude en ce qui concerne le contact avec les patients
après la fin de la thérapie ? Pourquoi avez-vous établi cette politique-là ?
Discutez-en avec un groupe de collègues.
4. Avez-vous pris des dispositions professionnelles ? Si ce n’est pas le cas,
envisagez d’en constituer.

Phase 3 et au-delà 549


ANNEXE A
Échelles de dépistage
et instruments d’évaluation
pour les troubles dissociatifs

Autoquestionnaires de dépistage
Échelle des expériences dissociatives II
(DES Dissociative experiences scale II)
(Carlson & Putnam, 1993)

Cet autoquestionnaire de 28 propositions identifie trois catégories de symp-


tômes : amnésie, absorption/implication imaginative et dépersonnalisation/déréalisa-
tion. Il s’agit d’un instrument de dépistage plutôt que de diagnostic.
• Disponible en anglais entre autres sur cette adresse : http://www.
neurotransmitter.net/dissociationscales.html.
• Disponible gratuitement en français sur www.irpt.ch (dans Infos utiles).
• Disponible aussi pour un screening des adolescents A-DES et DES sur
www.aftd.eu.

Échelle des expériences dissociatives – Taxon (DES-T)


(Waller et al., 1996)
Un sous-ensemble de 8 propositions (3, 5, 7, 8, 12, 13, 22, 27) du DES (voir
ci-dessus) qui sont susceptibles de distinguer plus précisément la dissociation

Échelles de dépistage et instruments d’évaluation pour les troubles dissociatifs 551


pathologique de l’absorption et de l’implication imaginative (altérations de la
conscience).
• La version en anglais est disponible gratuitement sur http://www.isst-d.
org/default.asp?contentID=66.

Inventaire multidimensionnel de la dissociation


(MID Multidimensional Inventory of Dissociation)
(Dell, 2006b)
Un instrument à plusieurs échelles de 218 propositions qui distingue les TDI,
les TDAS et les ESPT. Le MID mesure 14 facettes majeures de la dissociation
pathologique. Il comprend une échelle de validité et rend compte de la gra-
vité de la dissociation, des items critiques tels que le suicide ou la psychose,
la dissociation cognitive, des intrusions totales ou partielles, et a un indice de
personnalité état-limite.
• Disponible en anglais chez l’auteur. Également reproduit dans le livre
Rebuilding shattered lives : Treating complex PTSD and Dissociative Disor-
ders, par J.A.Chu, 2011, New York, NY : Wiley.
• Disponible en français (non validé) sur www.irpt. ch.

L’inventaire de la dissociation à échelles multiples


(MDI Multi-Scale Dissociation Inventory)
(Briere, 2002)

Le MDI est un autoquestionnaire de 30 propositions sur la symptomatologie


dissociative. Il comprend six types différents de réponses dissociatives : désen-
gagement, dépersonnalisation, déréalisation, appauvrissement/engourdisse-
ment émotionnel, troubles de la mémoire, et la dissociation de l’identité. Il a
également un score total de dissociation.
• Disponible en version anglaise gratuitement sur http://s1097954.
instanturl.net/multiscale-dissociation-inventory-mdi/.

Le questionnaire de la dissociation somatoforme


(SDQ-20 Somatoform Dissociation Questionnaire)
(Nijenhuis, Spinhoven, Van Dijck, Van der Hart, & Vanderlinden, 1997)

Il s’agit d’un questionnaire comprenant 20 propositions à remplir par le patient


et qui examine les symptômes de la dissociation somatoforme. Une version
brève de 5 propositions (SDQ-5) est également disponible.

552 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


• Disponible gratuitement en version anglaise sur http://www.enijenhuis.
nl/sdq/.
• Disponible en version française (non validée) sur www.irpt.ch.

Interviews de diagnostics
Examen de l’état mental pour la dissociation
(Office Mental Status Exam for Dissociation)
(Loewenstein, 1991a)

Le clinicien évalue les symptômes de la dissociation, l’ESPT, la transe hypno-


tique et le transfert traumatique.
• Peut être acheté chez Psychiatric Clinics of North America ou disponible
chez l’auteur.
• Pas de version en français (validée) sur Internet.

L’interview clinique structurée pour les troubles dissociatifs


selon le DSM-IV, Révisé (SCID-D-R Structured Clinical
Interview for DSM-IV Dissociative Disorders, Revised)
(Steinberg, 1994, 1995, 2004)

Un entretien semi-structuré pour tous les troubles dissociatifs sur la base du


Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM). Il interroge
sur cinq regroupements de symptômes dissociatifs : l’amnésie, la dépersonna-
lisation, la déréalisation, la confusion de l’identité et l’altération de l’identité.
• La version anglaise et validée peut être achetée sur http://www.appi.
org/ ou dans un magasin de livres en ligne.
• La version francophone est en préparation (Marie-Christine Laferrière-
Simard, Marilèna Cavays & Olivier Piedfort-Marin) sur www.irpt.ch.

Programme d’interview sur les troubles dissociatifs


(DDIS Dissociative Disorders Interviews Schedule)
(C. A. Ross, Heber, Norton, Anderson, Anderson, Anderson,
Anderson, & Barchet, 1989)

Une interview structurée qui évalue les diagnostics du DSM-5 de la somati-


sation, du trouble de la personnalité état-limite et le trouble dépressif majeur,
ainsi que tous les troubles dissociatifs. Les questions portent sur les symptômes

Échelles de dépistage et instruments d’évaluation pour les troubles dissociatifs 553


positifs de la schizophrénie, des caractéristiques secondaires du TDI, des expé-
riences extrasensorielles, des abus de substance et d’autres éléments pertinents
aux troubles dissociatifs.
• Disponible gratuitement sur http://www.rossinst.com/ddis.html.
• Pas de version française (validée) sur le net.

Interview des symptômes du trauma et de la dissociation


(TADS-I Trauma and Dissociation interview)
(Boon & Matthess, 2016)
Le TADS-I est une nouvelle interview semi-structurée administrée par un
clinicien pour évaluer les symptômes et les troubles dissociatifs et les autres
symptômes liés aux traumatismes.
En se basant sur les profils de symptômes, les cliniciens peuvent faire le dia-
gnostic CIM-10 et DSM 5 des troubles dissociatifs et du trauma complexe (tel
que formulé dans le CIM-11). L’entretien est en cours de validation.
• Disponible en version anglaise gratuitement sur http://www.suzette-
boon.com/.
• Disponible en version française sur www.irpt.ch.

554 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


ANNEXE B
Pronostic et échelle
de cotation du progrès
dans le traitement
des troubles dissociatifs

Additionnez les chiffres d’une colonne pour obtenir un sous-total pour la par-
tie 1, puis pour la partie 2. Additionnez les deux totaux partiels pour obtenir une
note totale. Le score total varie de 0 à 256. Plus le score est élevé, plus le pronos-
tic ou les progrès du traitement au fil du temps est mauvais. Lorsque le traitement
progresse, le score devrait diminuer avec le temps, à mesure que les symptômes
s’atténuent et que les patients apprennent plus de compétences efficaces.
Veuillez noter que la notation de la partie 2 est inversée par rapport à celle
de la partie 1.

Notation pour la partie 1


0 = Absent
1 = Très rarement (quelques fois par an)
2 = Rarement (quelques fois par mois)
3 = Souvent (quelques fois par semaine)
4 = Presque tout le temps (tous les jours)
S/O = Sans objet ou inconnu

Pronostic et échelle de cotation du progrès dans le traitement des troubles dissociatifs 555
PARTIE 1
Score Score Score Score Score
de départ Temps 2 Temps 3 Temps 4 Temps 5
Date : Date : Date : Date : Date :
Dissociation
Amnésie du présent
Amnésie du trauma
(du passé)
Déréalisation ou
dépersonnalisation
chronique
Dissociation
somatoforme
Influence passive
(par exemple, les voix,
sentiments ou
comportements
fabriqués)
Conflits sévères
entre les parties
Switchs fréquents
entre les parties
Très investi dans
le Diagnostic TDI
Comorbidité
État de stress post-
traumatique significatif
Trouble de l’humeur
significatif
Trouble de personnalité
significatif
Trouble psychotique
significatif
Trouble du
développement
(p. ex. retard mental,
spectre autistique)
Trouble d’abus
de substance persistant

556 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Score Score Score Score Score
de départ Temps 2 Temps 3 Temps 4 Temps 5
Date : Date : Date : Date : Date :
Trouble alimentaire
persistant
Histoire du trauma
Récits sur auteurs
multiples
Récit d’abus sadiques
Récit de multiples
types d’abus
Abus ou négligence
dans l’enfance ou
comme jeune enfant
Victimisation en
cours
Récits de victimisation
en cours
Le patient abuse
actuellement d’autres
personnes
Tendance aux crises
Demande
une intervention
régulière, continuelle
A fréquemment besoin
d’hospitalisation
Comportement à risque
Auto-mutilation
(p. ex. se couper,
se brûler)
Tentatives de suicide
multiples
Comportements
compulsifs persistants
Autres comportements
à risque
Partie 1
Score Sous total :

Pronostic et échelle de cotation du progrès dans le traitement des troubles dissociatifs 557
PARTIE 2
Dans cette section, la cotation est inversée.
0 = Presque tout le temps (tous les jours)
1 = Souvent (quelques fois par semaine)
2 = Rarement (quelques fois par mois)
3 = Très rarement (quelques fois par an)
4 = Absent
S/O = Sans objet ou inconnu

Fonctionnement dans la vie quotidienne


Fonctionne de façon adéquate dans la vie
quotidienne (Travail, école, parentalité, tâches
quotidiennes).
Est en mesure d’assurer financièrement les
besoins de base de façon constante, même si
assisté.
Tolère le stress de la vie quotidienne.
Gère son temps libre de façon adaptée (passe-
temps, exercice, loisirs, temps seul).
Autres relations importantes
Est capable d’élever ses propres enfants
Convenablement.
A un système de soutien social, même s’il n’y a
qu’une seule autre personne en plus du
thérapeute.
Est capable de maintenir au moins une amitié
étroite.
Travaille bien avec les autres à l’école ou au travail.
Est capable d’entretenir une relation relativement
saine avec un partenaire.
Participe à des activités de groupe (sociales,
religieuses, charitables, volontaires).
Gérer le trouble dissociatif
Les parties sont capables de s’orienter dans le
présent.
A des parties dissociatives qui communiquent et
coopèrent, du moins en ce qui concerne la vie
quotidienne.

558 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Volonté de permettre au thérapeute d’accéder
ou de travailler avec des parties.
Des parties sadiques, punitives ou autres parties
passant à l’acte sont disposées à s’engager avec
le thérapeute.
A une partie adulte disposée à être responsable
et s’engager en thérapie.
La participation en thérapie
Assiste régulièrement aux séances et est à l’heure.
Est capable d’établir des objectifs de traitement
raisonnables.
Respecte le cadre de traitement et les limites.
Suit les recommandations raisonnables d’un
traitement (p. ex. médicaments, thérapie de
groupe adjuvante, hospitalisation).
Partage des pensées privées et ses sentiments et
est honnête avec le thérapeute.
Développement de compétences
A la capacité de mentaliser, de réfléchir et de
prendre du recul.
Est capable de gérer et de contenir les flashbacks
et autres symptômes d’ESPT.
A au moins un peu d’autocompassion.
Accepte et régule des émotions intenses.
Utilise des émotions et les expériences positives
en tant que ressources.
A une certaine capacité d’être en pleine
conscience et présent.
Est capable de synthétiser, réaliser et intégrer les
souvenirs traumatiques.
Réalise et intègre les expériences. de perte,
de douleur, de détresse et de rejet au fil du
temps.
Compréhension et motivation
Est motivé par le changement.
Prend des responsabilités raisonnables pour le
travail de la thérapie.
A au moins une certaine perspicacité.
Utilise la compréhension pour faire des
changements adaptés.

Pronostic et échelle de cotation du progrès dans le traitement des troubles dissociatifs 559
Relation thérapeutique
Volonté et capacité d’engagement avec le
thérapeute.
Réagit (relativement) positivement à la relation
thérapeutique.
Est capable d’accepter les tentatives de réparation
du thérapeute lorsqu’une rupture se produit.
Est capable et disposé à parler de et de travailler
le transfert.
Partie 2 Score sous total =
+ Partie 1 Score sous total =
Score total =

560 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


ANNEXE C
Mon plan de sécurité

Mes signes avant-coureurs et déclencheurs


Quels sont les signes qui m’avertissent de la nécessité d’accroître la sécurité ?
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Qu’est-ce qui aurait pu me déclencher ?


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.............................................................................................................................
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Que se passait-il juste avant que je sente l’envie de m’engager dans des activi-
tés dangereuses ?
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.............................................................................................................................

Mon plan de sécurité 561


Comment ai-je réussi à faire face à ces pulsions dans le passé ?
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.............................................................................................................................
.............................................................................................................................

Qu’est-ce que je pense ?


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.............................................................................................................................

Qu’est-ce que je sens ?


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.............................................................................................................................

Qu’est-ce que je ressens ?


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Que suis-je en train de faire ?


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.............................................................................................................................

De quelle manière est-ce que je pense que ce comportement à risque m’aidera


en ce moment ?
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562 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Que pourrais-je faire d’autre pour atteindre le même objectif ?
.............................................................................................................................
.............................................................................................................................
.............................................................................................................................
.............................................................................................................................

Façons de faire qui peuvent m’aider


Comment puis-je vérifier comment cela se passe à l’intérieur de moi, aider des
parties de moi-même et demander aux parties de s’entre-aider ?
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.............................................................................................................................
.............................................................................................................................

Comment puis-je accepter mes expériences et mes émotions avec compassion ?


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.............................................................................................................................
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De quelles manières puis-je m’ancrer dans le présent ?


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.............................................................................................................................
.............................................................................................................................

Comment puis-je me distraire ?


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.............................................................................................................................
.............................................................................................................................

Comment puis-je m’encourager et me rassurer ?


.............................................................................................................................
.............................................................................................................................

Mon plan de sécurité 563


.............................................................................................................................
.............................................................................................................................

Comportements de substitution
Si je ressens toujours le besoin de me faire du mal, je pourrais :
.............................................................................................................................
.............................................................................................................................
.............................................................................................................................
.............................................................................................................................

Appeler pour obtenir le soutien


de quelqu’un d’autre
Si je ressens toujours le besoin de me faire du mal, je pourrais appeler les amis
et la famille suivants :
.............................................................................................................................
.............................................................................................................................
.............................................................................................................................
.............................................................................................................................

ou enfin mon thérapeute (inclure les numéros de téléphone) :


.............................................................................................................................
.............................................................................................................................
.............................................................................................................................
.............................................................................................................................

Numéros d’urgence (par exemple, lignes d’urgence, hôpitaux) :


.............................................................................................................................
.............................................................................................................................
.............................................................................................................................
.............................................................................................................................

564 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


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Bibliographie 595
Index

A automutilation 421
abréaction 470, 501 autorégulation 87, 100, 104-105, 112,
119, 228, 271
ACE 166
acte de triomphe 369 B
action opposée 364 Balcom 372
Allen 73, 81, 96, 136-137, 197-198, 210, Barach 19, 37, 44, 81
240, 415 Barnett 543
Amnésie Barrett 114, 449
à propos de 132 BDSM 455-457
courriels et texte et 183 Beebe 88, 320, 386, 417
organisation de la personnalité disso- Beere 496
ciative et 140
Bender 359
ancrer 67, 88, 91, 181, 201, 204, 213, 222,
Benjamin 21, 443-444
313, 321, 361, 380-381, 436, 453, 489,
Berkowitz 290, 496
491, 504
Bernstein 124, 135
Andrews 348
Beutler 177, 272-275
appels téléphoniques 47, 67-68, 178, 209,
Bicanic 477
312, 315, 324-325, 386, 420, 431, 434
Black 349
approches cognitives de la honte 364
Blizard 392
approches d’imagerie 293, 368
Boehm 351
approches somatiques 289, 370
Boesky 270
approches somatosensorielles 383 Book 155
Arnold 544 Bowlby 37, 306-307
attachement de type D 79, 83 Brach 48
attachement et défenses animales 267 Brady 136-137
attention duelle 476, 489, 498, 501 Brand 13, 19, 123, 125, 132, 134, 137,
autocompassion 68, 170-171, 198, 202, 260 167, 172, 215, 240, 249, 460, 518

Index 597
Bratton 349 156, 167-168, 170, 172, 180, 182, 187,
Braun 19, 495, 519, 524, 536 189, 194, 202, 212, 218-219, 223, 226,
Bresler 489 228, 254, 257, 259, 261, 264, 269, 272,
Bretherton 162 277, 283-284, 288, 290, 297, 308, 311,
316, 318, 320-323, 329, 333-334, 336,
Brewin 29, 348, 472
338, 347, 349, 354, 358, 362-369, 371-
Briere 42, 197
374, 376-377, 379-380, 384, 388, 398,
Britner 96 405, 407-408, 416-419, 423, 427-429,
Brodsky 68 433, 437, 439, 454, 464, 475-476, 478,
Bromberg 20, 61, 64, 84, 104, 251, 352 480-481, 486, 499, 506, 523, 525-526,
Brown 20, 48, 54, 155, 197, 209-210, 215- 540-541, 545-546
216, 220, 362, 371, 373, 448, 470, 496 compétence 14, 34, 52, 66, 95, 99, 109,
Butler 124 113, 116, 155, 158, 169, 178-179, 186,
203, 225-226, 275, 304-305, 307, 314-
C 315, 320-321, 323, 356-357, 369,
cadre du traitement 178-179, 460, 464 371-372, 419, 434, 475, 480
Carlson 44, 124, 132, 135, 166 compétences d’adaptation 435
CCRT 155 compétences de stabilisation 217-218
Cheek 259, 289 comportement sadique 397
Christoffersen 423 comportements à risque 378, 415-424,
Chu 14, 19, 44, 47, 72, 77, 197, 208, 211, 426-431, 433-434, 440, 480
215, 217, 220, 239, 250, 331, 419, 488 compréhension
CIM-10 126, 133 concertation 431
clairvoyance 28 confidentialité 75, 548
clivage 431, 458-459 conflits dans l’équipe thérapeutique 441,
Cloitre 218, 488 458, 465
colère 28, 31, 33, 38, 41-43, 51-53, 55, conflits vrai-faux 484
63, 66, 70, 79, 81, 86-89, 97, 100-101, confrontation, famille d’origine et 174
104, 110, 117-118, 129, 138, 142-143, consentement éclairé 178, 182, 443, 487,
160, 164, 166, 173, 183-184, 188, 194, 489-490, 548
200, 206, 208, 228, 230, 243, 246, 252- consultation 20, 55, 66-67, 71, 73, 77,
253, 261, 267, 270-272, 275, 281-282, 124, 194, 204, 271, 318-320, 327, 376,
284, 291-292, 298, 305, 309, 318, 324, 418, 420, 431-432, 440-441, 462, 471,
327, 335, 337, 349-350, 354-355, 359, 483, 548
374-381, 383-386, 388-389, 393, 396-
contact entre les séances 111, 324
398, 404-410, 425, 431, 438, 440, 442,
contre-résistance 265, 269-271, 273, 281-
444, 447, 450, 457, 459, 503, 510-511,
521-522, 539 282, 285, 287-288, 304, 315, 317
collaboration interne 113, 194, 259 contre-transfert 14, 47, 55, 72, 75, 100,
114-116, 161, 199, 204, 397
Colrain 476, 489, 496
avec des comportements à risque 418
communication implicite 96, 103 avec les parties imitant l’agresseur 395
comorbidité 14, 128, 132, 136, 147, 167, avec les parties sexualisées du patient
169, 171-172, 470 457
compassion 5, 11, 21, 42, 64, 81, 86-90, comportements à risque 417
95, 98, 103, 105, 112-113, 139, 142, dépendance 316

598 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


non-réalisation chez le thérapeute 46 modèles 81, 100
prise de conscience 64 rythme 203
victimisation en cours et 464 dépersonnalisation 28, 133, 135, 138, 141,
Coons 19, 137, 139, 416, 444 143, 145, 360, 421
Copeley 496 déréalisation 133, 135, 141, 143
Cortina 34-35, 84, 93, 95-96 dérégulation relationnelle 87
courriels et textos 181 diagnostics faux positifs 137
Courtois 20, 47, 54, 189, 197, 208, 215- différenciation 474, 489, 495
216, 218, 476, 488 Dimensions du Mouvement Thérapeu-
Cozolino 12, 59-60, 88 tique 172
crises existentielles 231 disponibilité du thérapeute 94, 111, 305,
Crittenden 162 308-309
croyances. 7PJS croyances de base ; res- distorsions temporelles 499
sources et lacunes de type socioculturel divulgations 115-116, 118, 443
et religieux
Dominguez 71
croyances de base ; ressources et lacunes
Dorahy 20, 124-125, 129, 134, 348, 357,
de type sociolculturel et religieux 155,
360, 494
157, 231
dosage 361, 383, 498
Cummings 547
Draijer 20, 123-125, 127-128, 132, 136-
Curtis 149
137, 146, 150, 416, 462
Cusack 71
Drapeau 155
cycle dépendance-menace 322
DSM-5 126, 131, 133, 140, 143, 146
D durée des séances 179
Dale 209 Dutton 462
Dalenberg 20, 66, 101, 124, 139, 349, E
355, 359, 482
Damasio 242, 519 Échelle d’Expériences dissociatives
danger 34-37, 44, 48, 82-83, 247, 267, Edelson 544
332 EED. 7PJS Échelle d’Expériences dissocia-
Davidson 71 tives
Davies 61, 84-85 Eels 150
Davis 544 Ellason 137
défenses animales 37, 44, 78, 226, 229, EMDR 136, 141-142, 159, 170, 205, 240,
243, 251-253, 267, 354, 363, 372 289, 294, 340, 344, 372-373, 379, 496,
psychoéducation 251 508
défenses psychologiques 160, 167, 173 empathie 13, 46, 52, 62, 76, 88, 105, 113,
défusion 365 230, 303, 321, 324, 362-363, 366, 371,
Dell 20, 124-125, 132, 137 380-381, 385, 400, 446, 477, 484, 528
Demos 350 empathie physiologique 76, 88
dépendance enchevêtrement 171, 274
attachement sécurisé versus 305 Epstein 20, 68
besoins 84, 94 équilibre. 7PJS équilibre dans la vie quo-
courrier électronique ou textos 182 tidienne

Index 599
équilibre dans la vie quotidienne Fogel 87
équivalence psychique 32, 68, 210, 219, Fonagy 32, 96
392, 461 Foote 211, 416, 424
ESPT 123, 137-138, 140, 142, 170, 189, Ford 20, 47, 54, 189, 197, 208, 215-216,
208, 216-217, 219, 349, 442, 446, 462, 218, 476, 488
470, 477, 512 Forgash 496
états du moi 130-131, 137, 209, 240-242, formulation de cas 121, 149-151, 157,
496, 518 172-175, 217
être ensemble 117, 519, 523, 525, 527-528 fractionnement 15, 231, 489, 494, 501-
évaluation 502, 504
de l’organisation de la personnalité dis- Frankel 20, 132
sociative 139 Fraser 239, 489
défis dans 124
Frawley-O’Dea 61, 84
des besoins et ressources du patient 157
dissociation durant 138 Frederick 20, 54, 158-159, 209-210, 240,
pronostic 167 292, 300, 477, 489, 496-497, 499
évitement de la douleur 44 Freyd 20, 41
évitement phobique 40, 81, 141, 159-160, Friberg 445
163, 191, 220, 248, 265-269, 272-275, Fromm 54, 209-210, 220, 496
281, 284, 287-289, 292, 295-298, 300- fusion 519, 521-523, 525-529, 542
301, 320, 373, 474, 521
G
Ewin 259
expériences somatiques 28, 76, 159, 204- Gabbard 68, 343
205, 208, 480 Gallagher 242
Gelinas 20, 496
F Gentile 177
faire le deuil 506 George 44, 96, 162, 341
famille d’origine 15, 171, 174, 388, 446- gestion des comportements abusifs 381
447, 449, 539 Giang 75
feinte 37, 39, 252, 349 Gilbert 351-352, 366, 371
Felitti 166 Gold 20, 94, 150, 219, 470
Ferentz 421, 426, 429 Gonzalez 20, 159, 289, 372-373, 473, 489,
figement 37, 40, 44-45, 267, 290, 331, 496, 508
335, 349, 354, 450 Good Will Hunting 359
Figley 73, 482 Gratz 426, 429
fin du traitement 413, 543-544, 547 Greenwald 489, 502
fin prématurée 547 Grey 472
Fine 19, 47, 197, 208, 210, 216, 239, 259, Groth-Marnat 177
290, 488-489, 496, 502, 519, 525 Gutheil 68
Fisher 20, 29, 104, 158-159, 205, 225,
250, 292, 496 H
flacidité 37, 290, 331, 335, 349 Hammond 54, 289, 489
Flores 420 Harper 68
Foa 216, 494 Hayes 42, 115, 158, 364, 498

600 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Herman 54, 197, 215-216, 300, 352, 470, Klonsky 421
484, 537 Kluft 13, 19, 29, 33, 47, 54, 69, 73, 128-
Hesse 44, 272, 444 130, 134, 167, 171-172, 189, 192-193,
Hill 94, 153, 349, 355 197, 201, 208-211, 216, 218-220, 223,
histoire de traitement 143 229, 231-233, 239-241, 257, 259, 273,
280, 300, 348, 355, 358, 360, 370, 375,
historique des traumatismes 166
392, 394, 405, 444, 460, 462-463, 476-
honte intérieure 376 478, 480, 488-489, 491, 496-497, 502,
Hood 242 505, 518-519, 522, 525, 527, 529-530,
Horevitz 167 532, 536, 547
Horowitz 177 Knipe 20, 159, 372-373, 489, 496
hôte 255 Koerner 365
Howell 20, 44, 54, 61, 84, 215-216, 218, Kohlenberg 364
220, 239, 470, 474, 487 Kohut 343
Huber 20, 54 Korn 159, 289, 476
Hultberg 349 Krakauer 239, 489
hypnose 209 Kramer 230
Kroger 501
I
imagerie de fusion 529 L
influence passive 133, 140-141, 143, 146, la belle indifférence 416-417
164, 519 langage 16, 103, 138, 208, 210, 251-252,
Ingram 150 254, 267, 355, 360
instruments de screening 144 Lanius 20, 123, 125, 239-240, 489, 496,
instruments d’évaluation 124 502
Intégration 517-533 Laska 13
Irwin 348 Laub 31, 469
ISSTD 47, 54, 124, 137, 179, 189, 197, Lazrove 489, 496
208-210, 215, 220, 443-444, 461-462, LCT 153
477, 519, 521, 529, 536 Leeds 159, 289, 372, 476
lésions cérébrales traumatiques 153
J le soi 55, 241-242, 255, 358, 365, 392,
Jallema 343 442, 459, 472, 517, 519
Janet 26-27, 29, 32, 43, 48-49, 54, 160, Levine 158-159, 205, 292, 300, 496-497,
209-210, 242, 246, 267, 369, 415, 469, 499
471, 474, 519 Lewis 349
Janoff-Bulman 155 Lichtenberg 34-35, 95
Johnson 136-137, 155, 273, 343, 489, 502 Lifton 517
journal intime 207 Linden 280
Linehan 42, 48, 158, 312, 364-365, 419,
K 426, 429
Karan 348 Liotti 20, 34-35, 37, 44, 79, 81, 84, 93,
Kaufman 155, 349 95-96, 163, 272, 378
Kihlstrom 127 Lipschitz 71, 416

Index 601
Loewenstein 19, 54, 123, 132-134, 137, Muenzenmaier 71
167, 191, 215, 217, 249, 259, 518 MVA 472-473
Luborsky 155 Myers 115
Luoma 364-365 Myrick 460
luttes de pouvoir 274-275
Lyons-Ruth 44, 104, 306, 352 N
narcissisme 280, 342-343, 462
M
Nathanson 349, 354, 356, 358, 363,
Main 44, 79, 162, 272, 378, 444 371-372
Malatesta 60 Nemiah 127
MAS 472-473 nerf vague 37
Matos 361 neuroception 34, 37, 40, 45, 80, 103-104
McCann 54 Nijenhuis 13, 20, 26, 31, 34, 36, 41-43,
McClellan 137 81, 124-127, 130-131, 133, 139, 160,
McDougall 127 166, 215, 217, 265, 303, 484
McDowell 137 non-réalisation 25
McWilliams 150 Norcross 64
mémoire accessible en situation 472 Nouri 348-349
mémoire verbalement accessible 472 noyaux pathogènes 492-493, 503, 511-
mémoires 130, 215-216, 219-220 512, 523
menaces 36, 485
O
mentalisation 33, 64, 96, 168, 198, 218,
273, 366, 477 objectifs de traitement 185, 187, 218, 229
Messer 213, 265-266, 287 Ochberg 489, 502
Middleton 20, 274, 349, 460, 462 Ogawa 44
Miller 295, 300 Ogden 20, 29, 36, 104, 158-159, 203, 205,
Miller-Karas 300 250, 275, 280, 289-290, 292, 352, 354,
Minton 29, 496 370, 372, 496, 541-542
mise entre parenthèses 499 organisation de la personnalité 140, 243
Mitmansgruber 353 organisation dissociative de la personnalité
MMPI–2 137 126, 132, 139, 240
modèle CASC 495 Orne 33, 139, 209
modèle collaboratif 93, 98 O’Shea 496
modèle d’attachement parent enfant 84 P
modèle d’attachement parents-nourrissons
94 PAN 16, 31
modèles relationnels en psychothérapie Panksepp 34-35
100 paradoxe de la douleur 42
Moskowitz 20, 129, 134, 137 pardon 449-450
Mosquera 20, 159, 289, 340, 372-373, parler au travers 257, 264, 428
473, 489, 496, 508 Parnell 489
motivations 78, 96, 105, 114, 154, 157, Partie émotionnelle de la personnalité
174 (PE) 16, 31

602 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


parties enfant 32, 95, 110, 118, 139, 184, présentification 48-49, 54, 475, 489, 512,
228, 272, 292, 298-299, 310-311, 314, 538
316, 318, 322, 331-340, 343-345, 383- prévention des rechutes 216
384, 387, 398-399, 401, 403, 413, 422, principes de traitement 197
439, 444 progrès du traitement 150, 172, 175
parties enfant dissociatives revendicatrices Progress in Treatment Questionnaire 172
342
pronostic 15, 50, 149-150, 167-172, 175,
parties imitant l’agresseur 257, 279, 328, 177-178, 188-189, 194, 201, 229, 461,
337, 377, 393-400, 402-407, 413-414, 464, 518
422, 426-427, 476, 478, 485 protection. 7PJS résistance
parties sexualisées 279, 442, 450-453, 455 psychoéducation 181, 188, 206, 217, 363,
parties sexuelles sadomasochistes 455 398, 400-401, 407-408, 427, 435, 442-
passage à l’acte 14, 318, 388 443, 452-453, 489-490, 511-512, 543
Paul 20, 424 psychose 46, 129, 134, 137, 217, 348,
Paulsen 239, 489, 496, 502 509-510
Pearlman 54, 73, 372, 464, 482 psychothérapie analytique fonctionnelle
pendulation 300 364-365
personnalité de naissance 255 puanteur 370
personnes de confiance 216, 374 Putnam 19, 54, 124, 135, 197, 240, 460,
personnification 48, 54, 475, 489, 512, 529
522, 538 Q
peur de guérir 276
questionnement socratique 290
peur de la perte 521, 523
questions existentielles 75
Phelps 480
Phillips 20, 54, 209-210, 240, 477, 489, R
496
Ragusea 548
phobie des expériences intérieures 188,
réalisation guidée 506
218
réévaluation 313
phobie du corps 226, 541
régulation relationnelle 35-36, 87, 99-100,
phobies d’origine traumatique 42-43, 268, 104-105, 119, 276
474, 522
relation thérapeutique 57, 77, 93
Pinto-Gouveia 361
relations sexuelles 37, 141, 172, 270, 436,
PITQ 172 450, 456, 547
Plakun 61 remises en scène 61-64, 84-86
plan de sécurité 184, 269, 327, 420, 429, résilience de honte 373
432, 435, 440, 505
résistance 287-301, 343
planification du traitement 177
résistance cognitive 277
pleur d’attachement 38, 163, 181, 267,
ressenti 62, 86, 100, 106, 110-111, 114,
290, 309, 322, 353, 475, 481
187, 199, 204, 206, 227, 252, 292-293,
points de rupture 40-41 310, 314, 316-317, 352-353, 364-365,
Pont d’Affect 497 369-371, 374, 383, 395, 409-410, 421,
Pope 72, 162, 548 454, 495, 503
Porges 34-35, 37, 103, 125 ressources du patient 151

Index 603
ressources émotionnelles 157 signaux idéomoteurs des doigts 259
ressources et déficits cognitifs. 7PJS BVTTJ Simon 496
compréhension Solomon 20, 44, 96, 473
ressources financières 151, 180 Somer 20, 125, 280
ressources imaginaires 159 sous-activation feinte 37
ressources psychologiques 289 sous-diagnostic 127, 131, 146
ressources somatiques 158-159, 217, 219 souvenirs écrans 484
retraumatisation 460 souvenirs traumatiques 11, 15-16, 29,
rhéostat 498 47, 50, 54, 68, 78, 80, 140, 160, 164,
rituels 45, 529, 539 168, 180, 189, 199, 203, 217, 219-
rituels d’adieux 539 220, 223-224, 228-232, 235, 246,
Rizvi 365 255-257, 259-260, 262, 276, 284, 289,
295, 299, 312, 335, 338, 341, 344,
Rodewald 125, 136, 150
361, 376, 381, 393, 421, 452, 457,
Roe 544
460, 463, 469-474, 476-483, 485-488,
Rorschach 137 490-493, 496, 498-499, 501, 507-510,
Rose 71, 348 512-513, 518, 522-523, 529, 538, 541,
Ross 19, 40, 54, 124, 129, 132-134, 137, 545
240, 529 Spiegel 20, 125, 134, 209-210, 249, 489,
Rossman 489 497, 518
Rothschild 73, 205 Spitzer 139
Ruismäki 445 Sroufe 44, 241, 305-306
Stark 61, 274, 343
S
Steadman 68
Saakvitne 73, 464 Steele 3, 13, 26, 31, 36, 42-44, 47-48, 54,
Sachs 442 74, 81-82, 84, 94-95, 98, 113, 124-126,
Sakheim 460, 462-463 160, 163, 197, 215, 217-219, 225, 230,
Sar 20, 127 265, 267-268, 303-304, 391, 476, 478,
schémas 45, 78, 85, 115, 126, 130, 155, 482, 489, 496, 499
157, 161-162, 164, 173-174, 241-242, Steinberg 124, 132, 134
298, 308, 311, 320, 334, 364, 532-533, Stern 61, 95
536 Stoler 153
schémas d’attachement 161-162, 173 stratégies contrôlantes/attentionnées 81,
Schoenewolf 265-266, 270 320, 378
Schore 12, 37, 44, 61, 64, 84, 125, 217, stratégies contrôlantes/punitives 97-98,
242, 349-350, 352, 519 378
Schwartz 250, 392-393, 460, 462 stratégies d’attachement 44, 83, 378
sécurité à l’intérieur 188 stratégies de confinement 505
sensations corporelles. 7PJS expériences Strean 265-266, 270
somatiques SUDs 373, 498, 509, 511
Serban 139 suicidalité 59, 317, 319, 324, 328, 376,
Shapiro 473, 497-498 408, 416, 418, 421, 424, 426, 440, 460,
Shaw 280 480
Siegel 12, 35, 41, 64, 88, 96, 217 suivre le rythme 203

604 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


supervision 55, 65-66, 72, 87, 115, 181, thérapie centrée sur la compassion 366
184, 194, 271, 288, 318, 324, 386, 441, thérapie d’acceptation et d’engagement
483, 496 158, 240
sur-diagnostic 127, 131 thérapie dialectique comportementale 310
survivants du traumatisme 94 thérapie interpersonnelle 170
Swett 71 thérapies créatives 508
switching 84, 131-133, 138, 192, 219, 279 Thomas 76, 88, 137, 482, 485
symptômes dissociatifs somatoformes 126, THS 166
133 Tijdink 20, 443
symptômes schneidériens 133, 140, Tomkins 347, 349-350, 370
145-146 traitement adaptatif de l’information 473
syndrome du canard assis 460 traitement orienté par phases 215
synthèse 474 Trauma History Screen 166
synthèse guidée 231, 479, 489, 492-494, traumatisation vicariante 73, 75, 464
500, 502-503, 507, 510
Trevarthen 95, 306
système d’engagement social 35-36, 83
Tronick 60, 306
systèmes d’actions 34-35, 475
trouble dissociatif de l’identité 81, 107,
T 132, 135, 140
Tsai 364-365
TADS-I 144
Twombly 489, 496
TAI 473
Talbot 300, 348 U
Tangney 353 unification 54, 233, 519-523, 527, 529-
Target 32 533, 535-536
TDAS 126, 128, 141, 143, 247, 253, 520 unités subjectives de détresse 373, 498
TDC 364 urgences 420, 433
TDI 81, 107, 125-126, 128, 133, 135-141,
143, 146, 156, 171-172, 184, 186, 190, V
199, 209, 239, 244-245, 247, 251, 253- Van Denburg 271-273
255, 261, 269, 276-277, 279, 283, 299, Van der Hart 13, 26, 31, 34-36, 42-44,
310, 319, 323, 341-342, 344, 408, 425, 48-49, 54, 81-82, 95, 124-127, 129-131,
432, 434, 444, 454-455, 458, 492, 494, 133, 137, 139-140, 156, 160, 166, 172,
500, 508, 524, 527, 536, 539 188-189, 197, 208, 210-211, 215-216,
Teachman 149, 177 218-220, 225, 231-232, 240-243, 247,
TEC 166 250, 267-268, 293, 348, 392-393, 415,
technique de la fuite lente 502 460, 462-463, 470-478, 482, 484, 489,
technique de l’écran divisé 497 493, 495-496, 499, 502, 509, 529, 536-
théorie de la dissociation structurelle de 537, 539-541, 543
la personnalité 473 Van der Kloet 137
théorie des facteurs communs 13 Van der Kolk 29, 36, 54, 471-472
théorie du système de représentation Van Derbur 331, 333
duelle 472 Van Dijke 283, 313, 476
thérapeute suffisamment bon 59-61, 64, Vanderlinden 137
66, 68, 74-76 Vasquez 548

Index 605
Vasterling 153 Welch 496
Vesper 539 Werbart 544
victimisation en cours 15, 171, 460, 462, Wilson 42, 73, 76, 88, 158, 364, 482
464 Winnicott 60
vie privée 17, 182 Wolpe 489
Vogt 501 Woody 177
Wright 489
W
Wurmser 343, 349
Walker 126, 462
Waller 124-125 Y
Wallin 84 Yalom 74
Walser 498 Young 130, 155, 349, 472
Walsh 421, 426, 429
Wampold 13, 64, 155 Z
Watkins 130, 209, 241, 496-497, 518 Zur 68

606 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Table des matières

Sommaire 7
Préface 11
1. Savoir-faire versus savoir-être 11
2. L’expérience embarrassante du traitement des patients
atteints de troubles dissociatifs 13
3. L’organisation du livre 14
4. Un mot sur la terminologie 16
5. Une note au sujet des exemples de cas 17
Remerciements 19

Introduction

Chapitre 1 La dissociation comme non-réalisation 25


1. Un continuum de non-réalisation :
pas réel, pas vrai, pas le mien, pas moi 26
2. L’expérience somatique dans la réalisation et la non-réalisation 27
3. La dissociation comme un problème de non-réalisation 29
3.1. Trop et trop peu : le duo dynamique de la dissociation 30
3.2. Les parties dissociatives comme phénomènes
de non-réalisation 32
4. Les fondations évolutives de la dissociation
et de la non-réalisation 33

Table des matières 607


4.1. Systèmes d’actions évolutifs 34
4.2. Les fonctions intégratives de l’attachement sécure 35
4.3. La défense contre les dangers et les menaces vitales 36
5. Les chemins vers la dissociation chronique et la non-réalisation 40
5.1. Les phobies d’origine traumatique qui maintiennent
la dissociation 42
5.2. Attachement désorganisé / désorienté dans les troubles
dissociatifs 44
5.3. La dissociation, la défense et la non-réalisation 44
6. La non-réalisation chez le thérapeute 46
7. La voie de la réalisation 48
7.1. La nature imparfaite de la réalisation
dans la vie quotidienne 49
7.2. Réaliser le présent à travers la lentille du passé
et de l’avenir 50
8. Le traitement orienté par phases et la réalisation 54
9. Explorations supplémentaires 55

PARTIE I
La relation thérapeutique

Chapitre 2 Le thérapeute suffisamment bon 59


1. Le thérapeute suffisamment bon 60
Les remises en scène et le thérapeute suffisamment bon 61
2. Qu’est-ce qui rend un thérapeute suffisamment bon ? 64
2.1. Les limites 65
3. Le thérapeute suffisamment bon et la dissociation 68
4. Les besoins du thérapeute 70
4.1. Est-ce que le travail avec le traumatisme complexe
me convient ? 71
4.2. L’histoire personnelle du thérapeute dans le lieu de thérapie 72
5. Les effets néfastes du traitement du traumatisme
sur le thérapeute 73
Tolérer l’intolérable : supporter la crise existentielle 74
6. Propre prise en charge du thérapeute 75
7. Explorations supplémentaires 76

608 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Chapitre 3 La relation thérapeutique :
sécurité, menace et conflit 77
1. L’attachement et les défenses dans la relation thérapeutique 78
2. Attachement de type D et le conflit central sécurité
versus danger 79
2.1. Les stratégies contrôlantes/punitives et contrôlantes/
attentionnées 79
2.2. Parties fixées dans la défense 80
2.3. Parties fixées dans les pleurs d’attachement
et les comportements de recherche de l’attachement 80
2.4. La dissociation et la relation thérapeutique 81
3. Les implications thérapeutiques des conflits de l’attachement
et de défense dans la relation thérapeutique 82
4. Remises en scène relationnelles 84
Résoudre les remises en scène relationnelles 85
5. L’impact de la dérégulation relationnelle sur le thérapeute 87
6. Explorations supplémentaires 90

Chapitre 4 Au-delà de l’attachement :


une relation thérapeutique de collaboration 93
1. Les défis liés à l’utilisation du modèle d’attachement
parents-nourrissons dans la thérapie du trauma 94
2. La fondation des relations de collaboration 95
3. Collaborer versus prendre soin en thérapie 96
3.1. Les chemins vers la collaboration en thérapie 102
3.2. La collaboration et la communication implicite :
le sentiment de toi et moi 103
3.3. La collaboration et la disponibilité du thérapeute 111
3.4. La collaboration interne parmi les parties dissociatives 113
4. L’utilisation du contre-transfert comme une intervention
collaborative 114
5. Résumé 116
6. Explorations supplémentaires 118

Table des matières 609


PARTIE II
Évaluation, formulation de cas
et planification du traitement

Chapitre 5 Évaluation des troubles dissociatifs 123


1. Les défis dans l’évaluation des troubles dissociatifs 124
1.1. Les significations multiples de la dissociation 124
1.2. Les différences dans les systèmes de classification 126
1.3. Le manque de formation 127
1.4. La nature cachée de la dissociation 128
1.5. Distinguer les états et modes du Moi
des parties dissociatives 130
2. Les symptômes de la dissociation dans la personnalité 131
3. Les points d’attention concernant les diagnostics
des troubles dissociatifs complexes 135
4. La comorbidité dans les troubles dissociatifs 136
5. Les diagnostics TDI faux positifs 137
6. L’évaluation du niveau d’organisation dissociative
de la personnalité 139
6.1. Une partie dissociative qui fonctionne
dans la vie quotidienne 140
6.2. Plusieurs parties dissociatives qui fonctionnent
dans la vie quotidienne 141
7. Résumé 146
8. Explorations supplémentaires 147

Chapitre 6 Au-delà du diagnostic : évaluation supplémentaire,


pronostic et formulation de cas 149
1. Les ressources et besoins du patient 150
1.1. Ressources financières 151
1.2. Le soutien social et les ressources-lacunes
de type socioculturel et religieux 151
1.3. Facteurs multiculturels 152
1.4. Ressources et déficits cognitifs 153
1.5. Compréhension 155
1.6. Motivations 157
1.7. Ressources émotionnelles 157
1.8. Ressources somatiques 158
1.9. Ressources imaginaires 159

610 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


1.10. Les phobies liées au traumatisme 160
1.11. Les défenses psychologiques 160
1.12. Les antécédents du traitement 161
1.13. Les schémas d’attachement 162
1.14. Évaluer les réactions du patient à la dissociation 163
2. Évaluation de l’historique des traumatismes 166
3. L’évaluation du pronostic 167
3.1. Le plus haut niveau de fonctionnement atteint 168
3.2. Une comorbidité sévère 169
3.3. Le niveau d’autocompassion 170
3.4. La volonté de partager des pensées
et des sentiments personnels 170
3.5. L’enchevêtrement avec la famille d’origine
et victimisation en cours 171
4. Le suivi des progrès de traitement 172
5. La formulation de cas : l’utilisation du processus
du patient pour guider le traitement 172
6. Résumé 175
7. Explorations supplémentaires 175

Chapitre 7 La planification du traitement 177


1. Le cadre de traitement et les limites en tant que fondement
de la planification du traitement 178
1.1. La détermination de la fréquence et de la durée des séances 179
1.2. Les courriels et les textos 181
1.3. De qui est-ce l’objectif ? 185
1.4. Le patient, pas le thérapeute, est responsable
de la réalisation des objectifs 187
2. Prioriser les objectifs de traitement 187
2.1. Établir la sécurité 187
2.2. L’équilibre entre le fonctionnement
dans la vie quotidienne et la thérapie 189
2.3. Fixer des objectifs majeurs et mineurs 189
2.4. Rester sur la bonne voie 190
2.5. Travailler avec les parties dissociatives du patient 193
3. Résumé 194
4. Explorations supplémentaires 195

Table des matières 611


Chapitre 8 Les principes de traitement 197
1. Une bonne psychothérapie est la base d’un traitement
efficace des troubles dissociatifs 198
Mettre l’accent sur le processus, pas sur le contenu 198
2. Fournir un traitement à l’intérieur de la fenêtre de tolérance
pour le patient et le thérapeute 200
2.1. Les patients qui ont besoin de petites étapes 201
2.2. Le rythme personnel du thérapeute 204
3. Reconnaître et utiliser l’expérience somatique du patient 204
4. Utiliser le niveau de fonctionnement dans la vie quotidienne
comme un indicateur majeur de progrès 206
5. Communiquer clairement et clarifier ce que le patient
veut dire 208
6. Établir et respecter de bonnes limites et un cadre
de traitement clair 208
7. Comprendre le rôle de l’hypnose, de la transe
et la logique de transe dans les parties dissociatives 209
8. Traiter toutes les parties dissociatives de la même façon
et comme des aspects d’une seule personne 211
9. Ne jamais essayer de « vous débarrasser »
de parties dissociatives 212
10. Surveiller et gérer en permanence le transfert
et le contre-transfert 212
11. Quand le thérapeute devient défensif ou commet
une erreur : la réparation avec le patient 212
12. Voir la résistance comme une protection 213
13. Explorations supplémentaires 213

Chapitre 9 Le traitement orienté par phases : un aperçu 215


1. Phase 1 : Sécurité, stabilisation, réduction des symptômes
et acquisition de compétences 216
1.1. Gérer et travailler avec des souvenirs
traumatiques en phase 1 219
1.2. Contenir des flash-back 221
1.3. Construire graduellement une vie meilleure 224
1.4. Le rôle central des phobies liées aux traumatismes
dans le traitement orienté par phases 225
1.5. Travailler avec les parties dissociatives tout au long
du traitement orienté par phases 228

612 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


2. Phase 2 : Intégrer les souvenirs traumatiques 228
2.1. Le traitement de l’attachement non sécurisé
à l’agresseur 230
2.2. Traitement de la phobie de la mémoire traumatique 230
3. Phase 3 : Intégration de la personnalité et réadaptation 231
Fin 233
4. Gestion de cas versus psychothérapie 233
5. Explorations supplémentaires 234

PARTIE III
Phase 1
Traitement et au-delà

Chapitre 10 Travailler avec les parties dissociatives :


une perspective de systèmes intégratifs 239
1. Comprendre la nature des parties dissociatives 241
1.1. L’autonomie des parties dissociatives 244
1.2. L’élaboration des parties dissociatives 245
2. Comprendre les fonctions
des parties dissociatives 246
2.1. Organisation du système dynamique
des parties dissociatives 247
3. Approches pratiques pour travailler
avec des parties dissociatives 248
3.1. Une approche graduelle et systémique 249
3.2. Par où commencer ? 251
3.3. Contacter les parties dissociatives 256
3.4. Une séquence rationnelle de l’utilisation des parties 259
3.5. Faire face au switch entre les parties dissociatives 261
4. Explorations supplémentaires 264

Chapitre 11 La résistance comme un évitement phobique :


une introduction 265
1. Problèmes avec le terme de résistance 266
2. La résistance du point de vue de la physiologie 267
3. La résistance comme évitement phobique 268
4. La résistance en tant que co-création
du patient et du thérapeute 269

Table des matières 613


5. L’évitement phobique temporaire versus durable 272
5.1. Travailler avec une résistance persistante 274
5.2. La résistance cognitive 277
6. Exemples supplémentaires de cas de résistance 281
7. Explorations supplémentaires 285

Chapitre 12 La résistance comme évitement phobique :


approches pratiques 287
1. Approches pratiques pour travailler avec l’évitement phobique 288
1.1. Rester curieux avec compassion de connaître
la fonction de la résistance 288
1.2. Construire des ressources intérieures
pour surmonter l’évitement phobique 289
1.3. Utiliser le questionnement socratique 290
1.4. Travailler avec l’expérience ressentie de la résistance 292
1.5. Travailler avec l’imagerie de résistance 293
1.6. Réexaminer les buts partagés de la thérapie
et le progrès de la thérapie 295
2. Questions particulières dans le travail
avec la résistance chez les patients dissociatifs 295
2.1. La résistance d’une partie dissociative
et l’absence de résistance d’une autre 295
2.2. La résistance dans les parties dissociatives inaccessibles 296
2.3. La complexité du conflit intérieur
chez les patients dissociatifs 296
2.4. La complexité de l’évitement chez les patients dissociatifs 298
2.5. La résistance « relais » entre les parties
dissociatives 298
2.6. Les préférences parmi les parties dissociatives
prises comme résistance 299
2.7. La honte, la dissociation et la résistance 300
2.8. Étapes pour solidifier le changement
chez les patients dissociatifs 300
3. Explorations supplémentaires 300

Chapitre 13 Dépendance en thérapie :


toujours, parfois, jamais ? 303
1. Attachement sécurisé versus dépendance 305
1.1. La dépendance 305
1.2. Un sentiment éprouvé de sécurité 306

614 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


1.3. La qualité de la relation 306
1.4. Une base sécurisée pour l’exploration 307
1.5. Évaluer les patients quant à la tolérance
aux sentiments de dépendance en thérapie 315
2. Les problèmes du thérapeute concernant la dépendance :
le contre-transfert 316
3. De quoi ont réellement besoin les patients pour dépendre
du thérapeute ? 320
4. Les conflits du patient dissociatif à propos de la dépendance 322
Le cycle dépendance-menace 322
5. Explorations supplémentaires 329

Chapitre 14 Travailler avec les parties enfant du patient 331


1. Réaction intérieure aux parties enfant 333
2. Approches pratiques du travail avec les parties enfant
dissociatives 334
2.1. Comprendre les fonctions des parties enfant 334
2.2. Comprendre les dynamiques des parties enfant
à l’intérieur du système dissociatif du patient 335
2.3. Travailler avec les parties hostiles et les parties imitant
l’agresseur avant de travailler avec les parties enfant 337
3. Venir à bout des problèmes avec les parties dissociatives
dans la vie quotidienne 338
4. Venir à bout des problèmes avec des parties enfant
dissociatives en séance 339
4.1. La partie enfant dissociative bloquée au temps du trauma 339
4.2. Les parties enfant dissociatives joueuses 340
4.3. Parties enfant dissociatives revendicatrices 342
4.4. La résistance dans les parties dissociatives 343
4.5. Les parties dissociatives nourrison et tout-petit 344
5. Résumé 344
6. Explorations supplémentaires 345

Chapitre 15 Approches intégratives de la honte 347


1. Comprendre la honte 348
1.1. La physiologie de la honte 349
1.2. La honte comme un inhibiteur 350
1.3. La honte en tant que fonction sociale
au cours de l’évolution 351

Table des matières 615


1.4. La honte comme émotion de conscience de soi 353
1.5. La honte et les défenses animales dans le trauma 354
1.6. Honte cachée 355
1.7. La honte déclenchée par la thérapie 355
1.8. Défenses contre la honte 358
1.9. La honte du thérapeute 359
2. Comment travailler avec la honte 359
2.1. Principes généraux de travail avec la honte 360
2.2. Être avec la honte : une approche relationnelle 362
2.3. La psychoéducation 363
2.4. Approches cognitives 364
2.5. Les approches d’imagerie 368
2.6. Les approches somatiques et non verbales 370
2.7. EMDR 372
2.8. Développer une résilience de honte 373
3. Explorations supplémentaires 374

Chapitre 16 Le travail avec les parties coléreuses


et hostiles du patient 375
1. Les fonctions de la colère 377
1.1. La colère et la défense par le combat 377
1.2. La colère dans les stratégies d’attachement contrôlantes/
punitives et contrôlantes/attentionnées 378
1.3. La colère comme une émotion secondaire 378
1.4. Introjection de la rage de l’agresseur 378
2. Le traitement des parties coléreuses 379
2.1. La gestion de l’expression de la colère 379
2.2. Travailler avec des parties enfant coléreuses 383
3. Que faire si le patient devient abuseur 385
4. Résumé 388
5. Explorations supplémentaires 388

Chapitre 17 Travailler avec les parties du patient


qui imitent l’agresseur 391
1. Comprendre les fonctions des parties qui imitent l’agresseur 393
2. Le contre-transfert avec les parties imitant l’agresseur 395
3. Comment travailler avec les parties imitant l’agresseur 398
3.1. La psychoéducation à propos des fonctions
des parties imitant l’agresseur 400

616 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


3.2. Aider le patient à faire une distinction
entre l’agresseur intérieur et externe 402
3.3. Valoriser les objectifs mais pas les moyens
des parties imitant l’agresseur 403
3.4. Aider le patient à reconnaître tout ce qui se rejoue
à l’intérieur 404
3.5. Aider le patient à reconnaître et à modifier
les réactions à l’égard des parties imitant l’agresseur 404
3.6. Aider les parties imitant l’agresseur à souligner
leurs propres vulnérabilités et forces 405
3.7. La coopération graduelle 406
3.8. Une hiérarchie des parties dissociatives 413
4. Résumé 414
5. Explorations supplémentaires 414

Chapitre 18 Résoudre les comportements à risque 415


1. Le contre-transfert dans le travail avec des comportements
à risque 417
1.1. Une position thérapeutique utile 418
2. Les comportements à risque 420
3. Les fonctions des comportements à risque 421
4. L’automutilation et la suicidalité 421
4.1. L’automutilation 422
4.2. La suicidalité 424
5. Les interventions pour traiter des comportements à risque 426
5.1. L’importance de se renseigner
sur les comportements à risque 427
5.2. Travailler avec des parties dissociatives
pour arrêter des comportements à risque 427
5.3. Établir un plan de sécurité 429
5.4. Lorsque les comportements à risque surviennent en séance 429
5.5. Lorsque le patient ne veut pas prendre
la responsabilité de se maintenir en sécurité 430
6. Explorations supplémentaires 440

Chapitre 19 Sélection de thèmes 441


1. Aider le patient à s’adapter aux relations actuelles 441
1.1. La relation de couple 442
1.2. Les questions de parentalité 443
1.3. La divulgation à la famille et aux amis 445

Table des matières 617


2. Aider le patient à s’adapter à la famille d’origine 447
2.1. S’adapter avec les parents vieillissants ou mourants 448
2.2. La confrontation 448
2.3. La caractéristique du pardon 449
3. Les relations sexuelles 450
3.1. Les parties sexualisées 451
4. Conflits dans l’équipe de traitement 458
5. Victimisation en cours 460
5.1. La véracité des rapports sur la victimisation actuelle 461
5.2. Le traitement dans le cas de victimisation en cours 462
5.3. Le pronostic des patients emmêlés
dans des relations abusives 464
5.4. Le contre-transfert 464
5.5. Les patients qui victimisent les autres 465
6. Explorations supplémentaires 465

PARTIE IV
Traitement de la Phase 2

Chapitre 20 Le traitement du souvenir traumatique :


un survol 469
1. Comprendre la mémoire traumatique :
de la reviviscence à la réalisation 471
1.1. Théorie du système de la représentation duelle 472
1.2. Processus de l’information adaptative 473
1.3. La théorie de la dissociation structurelle
de la personnalité 473
2. Considérations dans l’approche du traitement des souvenirs
traumatiques 476
2.1. La cadence collaborative du traitement
des souvenirs traumatiques 477
2.2. La relation thérapeutique 480
2.3. La résolution des conflits principaux
concernant les souvenirs traumatiques 483
3. Explorations supplémentaires 486

Chapitre 21 Le traitement du souvenir traumatique :


recommandations et techniques 487
1. La psychoéducation et le consentement éclairé 490

618 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


1.1. La préparation 491
1.2. La synthèse guidée 493
2. Les techniques spécifiques 496
2.1. La distance optimale vis-à-vis du souvenir 497
2.2. L’attention duelle 498
2.3. Les techniques de dosage 498
2.4. Finir la séance de synthèse 504
2.5. La réalisation guidée 506
2.6. Faire le deuil 506
2.7. Exemples de synthèse guidée 507
2.8. Autres questions liées à la synthèse 508
2.9. Exemples de cas de prise de conscience que le trauma
est terminé sans qu’il y ait traitement des détails 508
3. Résumé 512
4. Explorations supplémentaires 513

PARTIE V
Traitement de la Phase 3

Chapitre 22 Intégration des parties dissociatives


en une personnalité cohésive 517
1. La route vers l’intégration des parties dissociatives 518
1.1. S’occuper des résistances sur la route
de l’intégration des parties dissociatives 519
1.2. Être ensemble 525
1.3. La fusion 527
1.4. L’unification 529
1.5. Les signes d’unification 530
1.6. La prévention de la rechute 531
2. Résumé 533
3. Explorations supplémentaires 533

Chapitre 23 Phase 3 et au-delà 535


1. Apprendre à s’adapter à une vie normale 536
2. Faire le deuil 537
2.1. Résoudre les relations avec les agresseurs 539
2.2. Les rituels d’adieux 539
3. Dépasser la phobie du changement 540

Table des matières 619


4. Dépasser la phobie du corps 541
4.1. L’intimité sexuelle et le corps 542
5. La crainte de guérir 543
6. La fin du traitement 543
6.1. Le patient est-il prêt à terminer la thérapie ? 545
6.2. Mettre en place l’étape de fin 545
6.3. La fin prématurée 547
6.4. Le contact après la clôture 547
6.5. Les dispositions professionnelles 548
7. Explorations supplémentaires 548

Annexe A Échelles de dépistage et instruments


d’évaluation pour les troubles dissociatifs 551

Annexe B Pronostic et échelle de cotation du progrès


dans le traitement des troubles dissociatifs 555

Annexe C Mon plan de sécurité 561

Bibliographie 565
Index 597

620 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique


Les auteurs

Dr. Suzette Boon est psychologue et psychothérapeute. Sa recherche sur la


validité des troubles dissociatifs du DSM IV lui a valu d’être promue en 1993.
Elle est auteure de divers articles et livres sur le diagnostic et le traitement
des troubles dissociatifs. Son travail clinique au Centre d’expertise et de réfé-
rence du trauma d’Altrecht à Zeist (Pays-Bas) s’est traduit par une activité de
conseillère et psychothérapeute. Elle est co-fondatrice et première présidente
de la Société Européenne pour l’étude des troubles Traumatiques et Disso-
ciatifs (ESTD). Les dernières années, elle a développé un ensemble structuré
d’exercices pratiques de compétences pour les patients souffrant d’un trouble
dissociatif complexe et a enseigné aux patients une version antérieure de cet
entraînement. Le site web est www.copingwithdissociation.com
Kathy Steele, MN, CS, est directrice clinique des Services Métropolitains
d’assistance psychologique d’Atlanta, aux États-Unis. Pendant de longues
années, elle a été membre des bureaux de la Société Internationale pour
l’Étude du Stress Traumatique (ISTSS) et la Société Internationale pour
l’Étude des troubles Traumatiques et Dissociatifs (ISSTD), dont elle a été
présidente. Avec Onno van der Hart et Ellert Nijenhuis elle est co-auteur du
Soi Hanté : Dissociation structurelle et traitement de la traumatisation chronique
(2010).
Dr. Onno van der Hart est professeur honoraire de psychopathologie de la
traumatisation chronique au Département de Psychologie clinique et de la
Santé à l’Université d’Utrecht et psychologue, psychothérapeute au Centre
Sinai à Amstelveen. Il est conseiller international et formateur dans le champ
du diagnostic et du traitement des troubles d’origine traumatique complexes.
Il est ancien président de la Société Internationale pour l’Étude du Stress
Traumatique (ISTSS). Il a écrit le livre avec Kathy Steele et Ellert Nijenhuis

Les auteurs 621


Le Soi Hanté : Dissociation structurelle et traitement de la traumatisation chronique
(2010). Son site web est : www.onnovdhart.nl
Manoëlle Hopchet est psychologue, psychotraumatologue, superviseur EMDR
et thérapeute en TFP (Psychothérapie orientée sur le transfert). Elle s’inté-
resse depuis une vingtaine d’années aux conséquences des traumatismes sur
l’équilibre psychique et au traitement des troubles d’origine traumatique. Elle
travaille en libéral à Bruxelles et est formatrice. Elle a traduit plusieurs articles
concernant les troubles dissociatifs. Elle est membre active de l’ESTD, société
européenne du trauma et de la dissociation. Elle est actuellement présidente
de l’Institut Belge de Psychotraumatologie et vice-présidente de l’AFTD, la
Société Francophone du Trauma et de la Dissociation
Le Docteur Serge Goffinet est psychiatre, psychanalyste et thérapeute fami-
lial. Depuis quinze ans, son activité clinique est centrée sur la phase de stabi-
lisation de patients post-traumatiques chroniques complexes, adolescents et
jeunes adultes, longtemps à l’hôpital, puis en consultation. Il a assuré la tra-
duction (avec M. Hopchet) des lignes directrices du traitement des troubles
dissociatifs de l’adulte et aussi celles de l’enfant & de l’adolescent au sein de
la Société internationale pour l’étude du Trauma et des Troubles dissociatifs
(ISSTD) et est membre actif de la Société Européenne (ESTD) et de l’Asso-
ciation Francophone du Trauma et de la Dissociation. Son intérêt clinique
actuel est centré sur le stress traumatique (notamment à travers l’Association
de Langue Française pour l’Étude du Stress et du Trauma, ALFEST) dans ses
différents prolongements.
Françoise Detournay est licenciée en kinésithérapie (formation de base) et
psychothérapeute. D’abord sophrologue, elle s’est formée à la thérapie brève à
Institut Gregory Bateson, à l’hypnose à l’Institut Milton Erickson et par J. Zeig.
Elle est devenue par la suite praticienne EMDR et superviseur EMDR Europe
pendant 10 ans. Elle a complété sa formation en psychotraumatologie (BiPe)
par l’étude de la dissociation structurelle avec Ellert Nijenhuis. Elle pratique
en privé depuis 30 ans, est superviseur en psycho- traumatologie et intervient
comme formatrice au Belgian Institute for Psychotraumatology (BIP). Elle
prête ici sa voix pour certains exercices proposés dans ce manuel
Psychologue clinicien et psychothérapeute, Thibaut Lorent accompagne des
adolescents et adultes souffrant de troubles post-traumatiques et dissociatifs. Il
met en place et développe des plans de prévention dans le champ de la victi-
mologie et de l’aide psychosociale en situation de catastrophe.
Régine Batjoens est psychologue, formée à l’EMDR et spécialisée dans le
domaine du trauma.

622 Le traitement de la dissociation d’origine traumatique

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